La digression dans l’économie du discours didactique vernaculaire du Moyen Âge français : manifestations et enjeux dans Le Mesnagier de Paris
p. 391-407
Texte intégral
1« Les digressions s’expliquent par la grossièreté des temps héroïques alors que les hommes étaient incapables de s’en tenir à ce qui ne se rapportait que directement au sujet ; nous l’observons encore chez les faibles d’esprit et surtout chez les femmes. » Ces propos de Vico1 nous ouvrent la voie de manière plaisante et légère pour commencer cette réflexion sur la digression dans le cadre du discours didactique, en particulier Le Mesnagier de Paris2, qui, comme chacun le sait, est un manuel de savoir vivre qu’adresse à sa femme un riche bourgeois ! Et comme chacun sait, il existe certains travers – dont, la jactance, le bavardage – qui sont exclusivement féminins. Vico nous fournit donc une motivation particulière quant au choix du texte d’application de notre analyse ! Plus sérieusement, c’est un souci d’économie qui nous a conduite à restreindre peu à peu le corpus à cette seule œuvre, la plus riche du point de vue de notre problématique.
2Le discours didactique du Moyen Âge français apparaît dès l’abord comme extrêmement structuré et rigoureusement organisé selon une trame thématique et logique, qui se trouve mise en avant explicitement dès le Prologue de notre texte, car « broches de miel sont bonnes paroles bien ordonnées, car elles donnent doulceur à l’ame et santé au corps3 ». Puis, une fois le développement engagé, le texte ne cesse de revenir sur lui-même à divers endroits du développement pour faire le point par une récapitulation :
Je avoie cy devant dit que a vous confesser vous estoient neccessaires trois choses : cestassavoir contriction, confession et satisfaction. Or vous ay je monstré et enseignié de mon pouoir qui est contriction, et en aprez qu’est confession et comment elle se doit faire, et vous ay un petit touchié des cinq choses qui l’empechent moult [...]. Et au derrain vous ay monstré qu’est satisfaction.
3ou par une annonce de la suite avec mise en avant de la cohérence logique de l’exposé :
Or vous monstreray je pour prendre vostre adviz et en quoy vous pouez avoir pechié ; et prendrons premierement les noms et condicions des sept pechiez mor-telz [...] Et aussi [...] vous moustreray et enseigneray les noms et la puissance des .vii. vertus qui sont contraires aux sept pechiez dessusdiz.
(I, iii, § 28, p. 68-70)
4Un exposé extrêmement précis s’emploie donc à identifier et à décrire d’abord la trame, l’organisation du discours (les distinctions, les branches...), exposé qui fait l’objet de rappels périodiques, mettant notamment en valeur la symétrie de l’argumentation (les péchés, leur confession, et leurs antidotes : les vertus opposées).
5Cette obsession de l’ordre logique devrait donc conjurer tout danger de déviation ; en effet, « la répartition claire et ordonnée des matériaux », disent A. Strubel et Ch. De Saulnier4 fait partie des qualités définitoires du discours didactique : « elle évite les chevauchements ou les digressions. » C’est dire combien la présence tantôt diffuse tantôt massive de la digression dans certains textes didactiques paraît paradoxale. S’y intéresser permettra donc non seulement de mettre en évidence son fonctionnement, mais encore de cerner ce qui caractérise la poétique si particulière du genre didactique. Digressions annoncées, commentées, ou au contraire parfaitement camouflées derrière un simulacre de canevas logique, nous tenterons d’en analyser les tenants et les aboutissants pour une meilleure lecture de ce parent pauvre de la littérature médiévale.
Problèmes d’identification : Exemplum, illustration, digression
6Il existe une parenté entre l’exemplum et la digression. L’auteur du Mesnagier, après avoir développé un exemplum en bonne et due forme, dit : « je laisse le cas qui est villain a reconter [...] et revien a mon propos que l’en doit obeir a son mary5. » L’exposé de l’exemplum est donc ressenti par l’auteur comme une déviation puisqu’il rappelle ensuite le sujet principal de son propos comme après une digression. Ainsi, la digression a partie liée avec l’exemplum, voire l’illustration : dans les trois cas, nous avons affaire à une rupture du discours, à une rupture de la chronologie du texte, à une insertion que l’on compare parfois à une parenthèse. Mais l’exemplum et l’illustration se situent dans l’axe logique de l’argumentation dont ils doivent expliciter la portée concrète :
Et sache le pecheur que sans contriction sa priere ne vault riens, puis qu’il ait sa pensee en son cuer ailleurs. Et, chiere suer, vous en pouez prendre exemple par ung a qui l’en promist donner un cheval...
(I,iii,§ 18 p. 58)
7C. Brémond et J. Le Goff6 notent un certain nombre de points définitoires concernant l’exemplum sur lesquels existe encore aujourd’hui un consensus parmi les spécialistes : son caractère bref et narratif, ainsi que la revendication de sa véracité, sa finalité didactique. Mais surtout, il s’agit d’une pièce insérée dans un ensemble par rapport auquel il constitue une rupture ; il se classe, dans les traités de rhétorique antiques, dans la partie du « pathos ». Mais là s’arrête la ressemblance avec la digression qui, elle, se présente comme une rupture – temporaire, apparente peut-être – de la logique principale. En d’autres termes, le rapport soit métaphorique (d’analogie), soit synecdotique (d’inclusion) est rompu dans le cas de la digression7. Quant à l’illustration, elle comporte une dimension narrative réduite qui développe une idée en une ou plusieurs phrases. Sa fonction est donc identique à celle de l’exemplum.
8Ainsi, s’il faut radicalement distinguer l’exemplum et l’illustration de la digression, tous deux peuvent être des amorces à digressions, ne serait-ce que parce qu’ils possèdent des éléments introducteurs ou « bascules8 ».
9Or, le besoin de justifier le recours à la digression montre bien qu’elle est perçue par l’auteur comme une espèce d’entorse aux règles établies – celles de la logique et de la cohérence. La justification avancée met en général l’accent sur l’utilité de l’insertion9. Au contraire, le scrupule de rester dans les clous du propos peut se traduire par le refus de développer une histoire, en l’occurrence celle concernant Jacob :
Ores du seurplus de l’istoire je me taiz, car il ne touche point a ma matiere.
(I, v, § 24, p. 176)
10Et si l’auteur s’est laissé entraîner dans la digression, il marque son retour dans le droit chemin :
Or continuons donques nostre matiere...
(II, i, § 5, p. 410)
Or revieng encores a ma matiere...
(II, iii, § 11, p. 448)
Or revien au propos que devant et dy que...
(II, iii, § 14, p. 452)
11La digression implique donc un éloignement par rapport au sujet annoncé. Nous lisons dans le Gradus cette définition assez ambiguë quant à sa nature exacte, mais qui par là même a bien le mérite de mettre les accents sur les points fluctuants de cette figure : la digression, ce serait donc un « endroit d’un ouvrage où l’on traite de choses qui paraissent hors du sujet principal, mais qui vont pourtant au but essentiel que s’est proposé l’auteur (c’est nous qui soulignons)10 ». En fait, il ne s’agit ici que d’une reformulation de la proposition de Quintilien pour qui la digression est « une partie ajoutée contre l’ordre naturel du discours, qui traite un point étranger, mais néanmoins utile à la cause11 » Ce qui coïncide avec les propos justificateurs de notre bourgeois. Examinons donc de plus près le fonctionnement et la matérialisation de la digression dans le Mesnagier.
Matérialisations littéraires
Bascules : le « comment »
Implicites
12Dans la littérature didactique, beaucoup de digressions sont implicites, se présentent comme une déviation involontaire du propos principal. Le changement d’axe logique est une première bascule implicite. À titre d’exemple, évoquons le chapitre sur le jardinage : l’exposé commence par des considérations sur le semis12 : est donc annoncée une trame qui suit le cycle des végétaux, depuis le semis jusqu’à la récolte et à la conservation et consommation. Mais, par le truchement de considérations sur des dispositions particulières à prendre en cas de « temps pluieux », on change de perspective : une nouvelle trame logique se met en place : la chronologie des saisons, en particulier relative au climat, ce qui modifie l’axe global du discours ainsi que ses accents. Le souci de symétrie est un autre embrayeur de la digression : ainsi le développement consacré aux soins que l’épouse doit prodiguer au mari dévie pour parler ponctuellement des devoirs des hommes envers leurs épouses13. Autre cas, la comparaison peut faire dévier le développement de l’axe principal : l’exemple d’enfants abandonnés est utilisé en comparaison avec un mari négligé. Mais cette comparaison est tellement développée qu’on perd de vue que précisément, il ne s’agit que d’une comparaison14 : elle devient en fait le sujet principal. L’articulation entre le général et le particulier constitue encore un autre embrayeur logique implicite : au lieu d’illustrer le précepte (général) par un exemple (particulier), l’exemple devient le sujet du développement. La déviation est facilitée dans l’exemple suivant par la configuration typiquement didactique de l’énumération :
Et saichiez que [...] je pren plaisir en ce que vous avrez a labourer rosiers, a garder violectes, faire chappeaulx, et aussi en vostre dancer et en vostre chanter, et vueil bien que le continuez.
13C’est ici qu’un élément de l’énumération, le fait de danser et de chanter, est pour ainsi dire extrait et développé, ce qui nous fait dévier de l’axe logique du discours : la préoccupation prédominante du bourgeois, à savoir ses devoirs d’état, prend le dessus :
Toutesvoies sans desirer ne vous offrir a repairier en festes ne dances de trop grans seigneurs, car ce ne vous est mie convenable ne afferant a vostre estat ne au mien.
(Prologue, § 2, p. 24)
14Mais inversement, nous trouvons surtout des déviations partant d’une argumentation très ponctuelle pour glisser vers des considérations tout à fait générales et « passe-partout » : dans le long chapitre consacré au catéchisme15, nous lisons d’abord toute une série d’arguments en vue de favoriser l’acquisition de la vertu d’humilité, arguments très précis et concrets. Puis le discours bascule dans une digression faite du lieu commun concernant la vanité de toute chose terrestre à cause de la certitude de la mort16, et nous partons sur des considérations concernant le temps gaspillé dans le péché, etc. Dans le même chapitre17 se trouve un développement consacré à la vertu de prouesse qui dévie vers le topos de la malignité du monde, toujours à partir d’un argument de détail qui joue le rôle de déclencheur de la digression. Nous pouvons aussi renvoyer une fois de plus à « Mélibée ». L’articulation entre le général et le particulier est donc un déclencheur implicite très fréquent de la digression.
15C’est à travers des « points communs » plus ou moins facilement repérables que l’on tombe dans la digression. Pierre Bayard18 parle dans ce cas de « digressions de contiguïté » à travers des « associations d’idées », implicites comme dans les cas précités, mais qui peuvent également être explicites, i. e. marqués par l’auteur.
Explicites
16Dans ce cas, nous pouvons cerner le début de la digression à travers des « marqueurs » bien spécifiques, qu’ils soient :
17– des paradigmes introducteurs :
Et moult de perilz sont venuz de trop parler, et par especial quant l’en prend parolles a gens arrogans ou de grant courage ou gens de court ou seigneurs.
Et par especial gardez vous en tous vos faiz de prendre paroles a telles gens...
(I, viii, § l, p. 308)
18– une justification de l’auteur :
Ces oroisons pouez vous dire a matines ou a vostre esveilier du matin, ou a l’un et a l’autre, ou en vous levant et vestant, et apres vostre vestir, tout est bien, et que ce soit a jeun et avant toute autre besoingne. Mais pour ce que j’ay dit en vous vestant, je vueil en cest endroit un petit parler de vestemens...
(I,i,§ 10, p. 42)19
19– des parenthèses (matérialisées dans notre édition) : elles peuvent insister sur la nécessaire justification d’une insertion, en l’occurrence le très long poème didactique à portée générale intitulée « Le Chemin de Povreté et de Richesse », qui de surcroît est un emprunt :
(et lequel je mextz cy aprez seulement pour moy aisier de la diligence et parse-verence que son livre monstre que un nouvel marié doit avoir) ;
(II, i, § 5, p. 412)
20– des béquilles argumentatives : nous donnons ce nom à de petits mots latins qui peuvent ponctuer le texte didactique et nuancer les articulations logiques du développement, toujours énumératif et encyclopédique dans ces passages. Ainsi, item est vraiment le marqueur de l’accumulation et de l’identique par rapport à un axe logique donné. En revanche, le nota annonce volontiers une précision en marge du sujet principal, de même que le couple quaeritur et responsio20 : le développement principal s’arrête le temps d’une mise au point sur un détail qui peut parfois frôler le hors sujet mais que l’auteur évoque parce qu’il veut absolument le placer ;
21– un simple changement de paragraphe peut par ailleurs constituer la marque du début d’une digression. Dans le chapitre II, iii par exemple, consacré entièrement aux domestiques, nous trouvons un développement digressif en bonne et due forme qui coïncide matériellement avec le paragraphe 9 (p. 446) : comment tuer des loups. Le fil rouge est repris sans autre forme de procès au paragraphe 10.
22Quelle que soit la manière de l’introduire, la pratique de la digression est un acte conscient et dirigé.
Les différentes formes de digression
23Voyons maintenant quelles sortes de digressions sont générées à travers les bascules que nous venons d’évoquer.
Thématiques
24Les digressions que nous appelons thématiques sont générées par ce qui au départ ne devait être qu’un commentaire ou une explication ponctuelle concernant un thème. Cette explication s’étoffe et devient elle-même centre d’argumentation. Voici quelques exemples.
25Dans le chapitre consacré au catéchisme, l’auteur passe de la description de la vertu de débonnaireté – et plus particulièrement de l’une de ses caractéristiques, l’équité – à des généralités concernant la nature du diable. Le seul thème du diable a suffi pour que l’argumentation glisse dans la digression :
Equité a huit degrez moult bons a compter, parquoy le proudomme paisible voit les las ou les engins du Deable, qui nous voit, et que ne le veons pas, et nous espreuve griefment en plus de mil manieres. Le Deable est philosophe : il scet l’estat et la maniere d’omme et sa complexion, et en quel vice il est plus enclin, ou par nature ou par acoustumance, et d’icelle partie il assault plus fort : le colorique de ire...
(I, iii, § 108, p. 118)
26Autre cas, l’auteur raconte l’histoire de la rivalité entre Rachel et Léa, les deux épouses de Jacob. Léa a eu beaucoup d’enfants, alors que Rachel demeure stérile. Pour y remédier, Rachel demande à Léa de lui donner les mandragores apportées par un de ses fils. Puis, changement de paragraphe :
De ces mandagores mect l’Istoire sur Bible moult d’oppinions : les aucuns dient que ce sont arbres qui portent fruit souef flairant, autel que pommes, les autres dient que...
(i, v, §21, p. 174)
27Tout le paragraphe 21 est donc consacré aux mandragores. La digression est d’autant plus facile à repérer qu’elle ne suit plus le texte biblique que l’auteur se contente d’adapter librement21. L’exposé reprend le fil normal au paragraphe 22 seulement.
28Dans le chapitre consacré à la prière, notre auteur amorce une digression qu’il justifie par la seule thématique : une circonstance accessoire par rapport à son sujet lui sert de prétexte pour en faire le centre de son développement :
Ces oraisons pouez vous dire a matines ou a vostre esveilier du matin, ou a l’un et a l’autre, ou en vous levant et vestant, et apres vostre vestir, tout est bien, et que ce soit a jeun et avant toute autre besoingne. Mais pour ce que j’ay dit en vous vestant, je vueil en cest endroit un petit parler de vestemens...
(I, i, § 10, p. 42)
29Le développement dévie donc ; on passe de conseils spirituels à des considérations sur la contenance extérieure, qui fera précisément l’objet du chapitre suivant ! Notre digression est donc en quelque sorte une anticipation.
Argumentatives
30Nous classons dans cette deuxième rubrique des digressions qui se matérialisent moins par un changement de thématique que par une rupture logique. Dans le paragraphe 18 du chapitre I, iii22, l’on glisse des considérations concernant la nécessité de la concentration pour faire une bonne confession à la comparaison du pouvoir respectif du juge terrestre et du Juge Souverain qu’est Dieu. Voici les biais logiques par lesquels s’opère le glissement :
- Argument : devant la menace d’une amende matérielle importante, j’aurais sans peine assez de force de concentration pour faire surgir un repentir authentique et manifeste, condition nécessaire pour être exempte de l’amende.
- Déduction : il est donc paradoxal que je ne puisse obtenir cette contrition face à Dieu, beaucoup plus puissant qu’un juge humain.
- Digression : c’est encore pis lorsqu’un homme est condamné à mort par un juge humain qui n’a pas le pouvoir de révoquer sa condamnation, quelle que soit sa bonne volonté. Or, Dieu a ce pouvoir : il peut revenir sur son propre jugement, il est donc infiniment plus puissant qu’un juge terrestre.
31L’on voit bien le lien logique par rapport à l’argument en général : implicitement, la digression est là non pas pour faire une étude comparative entre le pouvoir des deux espèces de Juges, mais bien pour appuyer la nécessité de prendre en considération le pouvoir de Dieu, en vue d’obtenir la contrition souhaitée pour faire une confession valable.
32Rappelons aussi quelques cas déjà évoqués dans une autre perspective : les changements d’axe logique dans le chapitre du jardinage ou encore les soucis de symétrie qui peuvent également être considérés comme des digressions à caractère argumentatif.
33Sous prétexte de « confermer le dit par raisons » (p. 332), le discours peut donc largement déborder, emportant dans son courant, au fil d’une logique de plus en plus impénétrable, tout ce qu’il peut glaner pour aboutir à des développements encyclopédiques qui cette fois-ci font vraiment perdre le nord au lecteur.
Allocutives
34L’intervention d’un allocutaire peut en effet changer l’axe du discours. Selon les termes de R. Sabry23, l’interlocuteur fait « glisser, virer ou dérailler le discours ». Nous n’avons pas de dialogue dans le Mesnagier, mais une véritable mise en scène de la parole. L’auteur rapporte ainsi des propos de sa femme, ce qui lui permet de bâtir une simulation de dialogue.
35De ce point de vue, une digression tout à fait originale se trouve page 460 : en effet, rappelons que notre ouvrage se présente comme un ensemble de leçons que dispense le mari vieillissant à sa toute jeune épouse. Or, au milieu de son développement, il décide de traiter d’un sujet qui ne la concerne pas : il change donc tout simplement d’interlocuteur, et envoie pour ainsi dire « jouer » la véritable destinataire de l’ouvrage, le temps de traiter des chevaux :
Or veuil je en cest endroit vous laissier repposer ou jouer et non plus parler a vous ; vous esbaterez ailleurs. Je parleray a maistre Jehan le despencier qui noz biens gouverne, afin que se aucun de noz chevaulx tant de charrue comme a chevauchier est en essoine...
(II, iii, § 19, p. 460)
36Les limites entre la digression et le hors-sujet sont posées ici : en effet, le développement concerné se situe bien dans l’axe thématique général – enseigner quelque chose, mais il est parfaitement digressif par rapport au projet particulier du Mesnagier, par rapport à sa situation d’énonciation aussi. La définition de la digression – aux contours « souples » – de Quintilien trouve ici l’illustration de toute sa pertinence : la digression a un contour relativement flou, elle relève de ce qui est en marge de la rigueur, mais garde un lien certain avec le sujet.
Limites
37Interrogeons-nous enfin sur certains cas extrêmes. Certaines analogies, certaines comparaisons nous paraissent si osées qu’elles nous font toucher les limites de notre sujet :
... se les chaudes larmes de la contriction de nostre cuer ne chacent l’ennemi hors de nous... Mais ce se peut ainsi legierement faire comme l’eaue chaude chasse le chien de la cuisine.
(I, iii, § 19, p. 62)
38Dans quelle mesure, les figures, les images constituent-elles des éléments digressifs ? Il y a rupture de ton ici, rupture de référence, il y a transposition. Évoquons aussi le problème de la citation. La littérature didactique affectionne l’argument d’autorité : elle aime citer, se référer. Or, la citation censée illustrer un propos peut être parfaitement hors-sujet. Par exemple, voici l’argument :« Car a celluy (le mari) ne devez riens celer, maiz tout dire, a luy et vous ensemble. »
39Et voici la « preuve » : « Et il est dit ad Ephesios, .v. : Sic viri debent diligere uxores : Scilicet ut corpora sua. Ideo ibidem dititure : Viri diligite uxores vestras, [...]. » (I, viii, § 9, p. 314)
40Ceci nous amène naturellement à nous interroger sur l’analogie métaphorique : peut-on alors parler de développements digressifs ? Nous voici arrivés aux interrogations fondamentales concernant la digression dans le discours didactique : ses fonctions littéraires.
Fonctions littéraires
41Pour Aristote, le hors-sujet comme la digression relèvent du domaine du pathétique, des techniques rhétoriques destinées à émouvoir les passions ; à ce titre, il déconsidère et condamne même ces techniques « manipulatrices » du public. Par ailleurs, l’existence d’un lien entre émotion, plaisir et distraction peut être mis en avant dans cette perspective24. M. Charles développe l’image, empruntée à Baudelaire, du thyrse, bâton sec et droit qui est entouré d’un feuillage riche et compliqué. Le bâton représente la rigueur de la cohérence qui va droit au but ; la guirlande de feuilles, de fleurs, de rubans... figure les digressions25.
Le plaisir de la parole
42Le fait de donner des précisions ou des explications nombreuses et répétées est un travers typiquement didactique : on ajoute le maximum d’informations, comme si la quantité était un gage de la solidité de l’édifice. La digression constitue l’amplification rhétorique par excellence26. Son lien avec la répétition serait d’ailleurs extrêmement intéressant à approfondir. Les deux figures coexistent dans le discours didactique avec la même fréquence insolente et marquante. C’est qu’il tend vers l’exhaustivité, soit par le similaire répété, soit par le relativement différent, marginal, extérieur, mais qu’il s’évertue toujours à ramener d’une manière ou d’une autre au sujet principal. Mais ce n’est pas seulement au niveau argumentatif que la digression – comme la répétition jusqu’à un certain point – amplifie le propos. L’amplification digressive a une fonction aussi purement littéraire. L’exemple suivant montre qu’elle peut être dictée par un souci esthétique, comme le dit explicitement notre bourgeois.
Et jasoit ce que j’aye mise l’istoire tout au long, et ne l’ay voulu desmenbrer ne descoupler pour ce que la matiere est belle et s’entretient, toutesvoyes par icelle peut estre recueilly a mon propos seulement que Sarre fut tresamoureuse, privee et obeissant a son mary [...].
(I,v,§ 11, p. 166)
43Cette réserve n’empêchera pas pour autant l’auteur de raconter tous les autres épisodes de l’histoire de Sarah pour ne revenir à son propos que brièvement, car dès le paragraphe suivant il s’embarque à nouveau dans la narration linéaire du destin de Jacob et de ses deux femmes, pour ne revenir à son sujet qu’au paragraphe 19 : c’est là le plaisir de raconter, le plaisir d’être exhaustif. Notons que nous sommes dans la digression, et non pas dans le hors-sujet : dans l’absolu, pour bien comprendre et goûter la valeur exemplaire de l’attachement conjugal de Rachel et de Léa, mieux vaut connaître l’histoire dans son intégralité, du début jusqu’à la fin ! Ainsi, le plaisir de la parole, c’est souvent une certaine verbosité ; c’est envelopper pour ainsi dire le propos central de cercles concentriques de plus en plus éloignés du noyau. Un grand nombre de digressions peuvent correspondre à cette image.
44Mais le plaisir de la parole, ce n’est pas seulement l’amplification. Il peut aussi résider dans l’interrogation concernant le fonctionnement du discours lui-même à l’occasion d’une parenthèse, en l’occurrence la motivation du vocabulaire, quitte à interrompre le fil de l’exposé :
Nota cy grant diversité de langage : car ce que l’en dit du porc la fressure, c’est le foye, le mol et le cuer ; et ce que l’en dit la fressure de mouton, c’est la teste, la pance, la caillecte et les .iiii. piez ; et ce que l’en dit la fressure d’un veel, c’est la teste, la fraze, la pance, et les .iiii. piez. [...] Et de venoison autrement et par autres noms. Queritur la cause de ceste diversité sur ce seul mot fressure.
(II, v, § 15, p. 598)
45On peut citer ici R. Sabry selon lequel la digression serait un « retour du discours sur lui-même et sur ses possibilités27 ». Le plaisir de la parole que manifeste le débordement de la digression nous mène surtout sur la voie de ce que certains critiques appellent « le fait littéraire », « la chose littéraire28 », ou encore « un lieu du discours littéraire29 ». Finalement, le plaisir de la parole se laisse sentir aussi dans des passages qui peuvent être commentaires, qui constituent une extension du discours : nous abordons ici une nouvelle fonction littéraire de la didactique.
L’expression de la subjectivité
46Le plaisir de la parole va de pair avec l’expression de la subjectivité : en effet, bien souvent la présence plus ou moins sporadique d’un langage plus littéraire, plus fleuri, plus affectif véhicule une prise de position de l’auteur qui interrompt l’exposé qu’il copie (il lui arrive même d’être tellement absent à sa matière qu’il copie deux fois le même paragraphe30). Or, rappelons que dans la Rhétorique antique, certains théoriciens établissent un lien explicite de la digression avec l’affectivité31. Digression et subjectivité vont de pair. Joinville, dit en substance Michel Zink, en écrivant la vie de Saint Louis, écrit aussi la vie de Joinville32.
47Dans le Mesnagier, nous avons affaire à une véritable mise en scène de l’auteur qui se présente comme un personnage du traité. Il s’agit bien de l’expression d’une subjectivité unique, qui campe tout un environnement. Cette situation d’énonciation est rappelée régulièrement tout au long du texte. Est-il besoin d’insister en disant que c’est précisément à ce niveau-là de préférence que s’amorce la digression ? C’est la toile de fond de tout notre traité.
48Dès le départ, la subjectivité de l’auteur qui rappelle le contexte énonciatif précis, interrompt la structure logique du texte :
La .iie. Distinction :
Le premier article est que vous aiez soing de vostre mesnaige, diligence et persevérance et regard au labour. Mectez peine a y prendre plaisir, et je feray ainsi d’autrepart afin de parvenir au chastel [...].
(Prologue, § 17, p. 30)
49L’interpellation de l’épouse sera une constante dans la première moitié du texte. La digression véhicule une préoccupation personnelle, omniprésente dans l’œuvre : l’adéquation du comportement à la caste à laquelle on appartient :
Le .viii. article de la premiere distinction si dit que vous soiez taisant, ou au moins actrempreement parlant, et sage pour garder et celer les secretz de vostre mary. [...] Et moult de perilz sont venuz de trop parler, et par especial quant l’en prend parolles a gens arrogans ou de grant courage ou gens de court ou seigneurs. Et par especial gardez vous en tous vos faiz de prendre paroles a telles gens. Et se par aventure telles gens s’adressent a vous, si les eschevez et laissiez sagement et courtoisement, et ce sera grant sens a vous...
(I, viii, § l,p. 308)
50Il nous semble tenir ici une distinction possible entre l’exemplum et la digression : l’exemplum se présente comme étant essentiellement narratif tandis que la digression au contraire est souvent le lieu d’une subjectivité énonciative performative et argumentative. Ceci apparaît plus nettement encore dans certains passages très spécifiques déjà cités où l’auteur s’exprime en son propre nom pour justifier précisément la logique de son discours, malgré l’entorse qu’il lui fait subir sous la forme d’une digression. Dans l’exemple suivant, les interrogations ont pour principale fonction de ramener le lecteur, « perdu » dans les méandres de l’histoire de Sarah, à son sujet, la fidélité au mari :
Quantes dames ou femmes trouveroit on qui ainsi le feissent ? Je croy que bien peu. Et pour ce est Sarre tenue a la plus loyale a son mаrу qui fust des Adam le premier homme jusques a la loy qui fut donnee a Moyse.
(I, v, § 6, p. 162)
51Le « je » complète, nuance, brouille la ligne droite initialement donnée par l’imprévisibilité de ses commentaires. Une tension s’instaure donc entre enseignement général et ajouts personnels ponctuels, entre discours logique linéaire et les infléchissements qu’y imprime une voix individuelle, différente.
Compilation ou invention ?
52La grande question de l’authenticité des textes didactiques peut recevoir à travers l’examen des digressions des éléments de réponse pertinents et inattendus. En effet, lorsque le critique littéraire comme l’historien se penchent sur ces textes, ils restent perplexes : comment utiliser ce matériau hétérogène fait d’emprunts multiples, d’amalgames de seconde main, mais aussi d’invention littéraire authentique, d’observation du réel, hic et nunc33 ? La complexité de cette imbrication est exprimée de manière particulièrement saisissante au début du Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure34 :
Le latin sivrai e la letre,
Nule autre rien n’i voudrai metre,
S’ensi non com jel truis escrit.
(v. 139-141)
53Cette première affirmation est suivie aussitôt par son exact contraire :
Ne di mie qu’aucun bon dit
N’i mete, se faire le sai,
Mais la matire en ensivrai.
(v. 142-144)
54En d’autres mots, la fidélité « à la lettre » ne l’empêche pas de compléter le modèle par ses propres trouvailles. Cette démarche, qui est particulièrement caractéristique des auteurs didactiques, est paradoxale et contradictoire pour nous. Elle complique notre tâche puisque l’auteur ne prend pas toujours le soin de préciser si c’est lui ou l’autorité rapportée qui parle, et ceci d’autant moins que la juxtaposition et l’accumulation sont plus que des procédés rédactionnels : ce sont de véritables formes d’argumentation.
55Franco Morenzoni, dans une étude consacrée aux sermons, note que l’on observe en général d’une version à l’autre de la même histoire une fidélité quant au sujet et à la trame en général, mais souligne toujours dans le détail la marque personnelle du scribe : « [...] si les scribes reproduisent d’habitude assez fidèlement le plan du sermon et l’enseignement qu’il propose, le nombre des arguments rhétoriques retenues par les deux versions n’est pratiquement jamais le même35 ».
56C’est exactement la problématique qui se pose à propos des écrits didactiques : l’articulation entre compilation et inspiration originale. Nous parvenons à isoler les éléments originels des emprunts en étudiant notamment le vocabulaire affectif, le vocabulaire du quotidien, et toutes les marques relatives à la subjectivité et au contexte d’énonciation ; or, tous ces éléments se retrouvent de façon privilégiée dans les digressions. L’auteur, qui cesse d’écrire, ou de copier, peut ainsi s’arrêter net pour s’interroger sur un mot comme nous l’avons déjà vu, insérer un nota ou un quaeritur, ou encore se poser des questions sur son œuvre : le fil est coupé, interrompu comme en ce début de deuxième distinction36 où l’auteur s’interroge sur son projet, sa cohérence, et s’il faut continuer ou non. Mais il finit par enchaîner : « Or continuons donques nostre matiere... »
57Nous trouvons une rupture de ton certaine qui nous permet de prendre toute la mesure entre discours rapporté, compilé – donc parfaitement structuré et cohérent – et manifestation d’une créativité littéraire authentique37. Voici la conclusion du grand chapitre consacré à l’enseignement catéchistique :
A oroison sont necessaires trois choses : Bonne foy, esperance d’avoir ce que on requier, devocion de cuer sans penser ailleurs.
58C’est sur ce troisième point que va s’attarder l’auteur et imprimer de plus en plus son caractère personnel aux considérations qui s’éloignent de plus en plus de la prière, qui est son sujet de base :
Dieu regarde en priere cuer humble et devost et n’a cure de paremens ne de haulte maniere, comme font ces foies hardies qui vont baudement le col estendu comme serf en lande et regardent de travers comme cheval desréé.
(I, iii, § 117, p. 128)
59Avec ce cerf et ce cheval fou, nous sommes tout d’un coup bien loin des sages considérations de l’auteur – pardon, du modèle qu’il adapte !
60Autre exemple, dans l’énorme chapitre consacré au devoir d’obéissance de la femme, où prédomine un style neutre et didactique, nous avons soudain au § 10 (I, vi, p. 232) une longue digression où notre bourgeois prend le contre-pied de ce qu’il vient de rapporter, perdant de vue non seulement son sujet (l’obéissance), mais changeant en même temps complètement de ton. Ainsi, dans ce passage du chapitre consacré à l’obéissance due au mari – il est en fait question d’amour :
Par Dieu, je croy, quant deux bonnes preudegens sont mariez, toutes autres amours sont reculees [...] ; et me semble que quant ilz sont presens et l’un devant l’autre ilz s’entreregardent plus que autres, ilz s’entrepinsent, ilz s’entrehurtent et ne font signe ne ne parlent voulentiers fors l’un a l’autre...(I, vi, § 26, p. 250)
61Ces accents littéraires deviennent ainsi un indice sûr du fait que nous avons affaire ici à une plume authentique, et non plus à un discours copié et que nous pourrons exploiter ce passage en tant que tel. Si la logique argumentative requiert des axes linéaires, la littérature, elle, suit un tracé plus ondulant. La digression apporte donc à la didactique sa part littéraire, sa guirlande fleurie pour reprendre l’image de Baudelaire – et son authentique originalité.
62Au début de ces réflexions, nous nous sommes interrogée sur les limites entre l’exemplum et la digression. À son terme, nous pouvons nous questionner sur la limite qu’il y a entre la digression et le hors-sujet. À partir de quand la digression devient-elle hors-sujet ? Nous avons remarqué le souci constant de l’auteur de « retomber sur ses pieds », de revenir à son propos comme il dit, quel que soit l’éloignement qu’il se soit permis. En d’autres termes, il utilise la structure globale de son discours (annoncée et redite comme nous l’avons vu) précisément pour pouvoir se permettre la digression sans nuire à la cohérence d’ensemble, sans tomber dans le hors sujet.
63Nous espérons avoir montré qu’il existe toujours une espèce de cordon ombilical entre le développement principal et la digression, que nous ne sommes donc jamais dans le hors sujet absolu. Mais nous pouvons toucher du doigt à présent l’une des spécificités du discours didactique responsable de son (double) discrédit : ses lourdeurs pédagogiques, i. e. cette structure logique épaisse constamment rappelée, mais qui se trouve doublée d’incohérences logiques. Et pourtant, c’est ici même que s’amorce aussi sa véritable dimension littéraire : l’émergence d’un « je », qui n’est pas le « je » rhétorique et décharné du romancier intervenant çà et là au fil de son texte ; qui n’est pas non plus le « je » stylisé du poète qui nous fait part d’états d’âme avant tout esthétiques. Non, c’est un « je » authentique, historique, c’est l’introduction du quotidien en littérature, c’est la transformation de l’histoire en matière littéraire – précisément grâce à ces failles dans le canevas figé du projet initial.
Notes de bas de page
1 Cité par M. Charles, « Digression, régression », Poétique, n° 40, 1979, p. 397.
2 Le Ménagier de Paris, éd. G. Brereton, trad. K. Ueltschi, Le Livre de Poche, coll. Lettres Gothiques, 1994.
3 I, ix, « Mélibée », p. 342.
4 La Poétique de la Chasse au Moyen Age, PUF, 1994, p. 71.
5 I, vi, § 25, p. 250.
6 C. Brémond, J. Le Goff, L’« Exemplum », Brepols, 1982.
7 Cf. J.-Y Tilliette, « l’exemplum rhétorique : questions de définition », J. Berlioz et M.-A. Polo de Beaulieu, Les Exempla médiévaux : Nouvelles Perspectives, Champion, 1998, p. 43-65.
8 Citons aussi l’histoire de « Mélibée », qui est un exemplum constituant en même temps une sorte d’immense digression dans le sein du Mesnagier (I, ix « retraire le mari de faire des folies ») : il s’agit d’empêcher par la force de l’argumentation un mari de venger l’affront fait à sa femme et à sa fille. Cet objectif de départ devient prétexte à tout un traité de philosophie sur la patience, la manière de prendre conseil, la guerre et la paix, la vengeance, etc., le tout développé dans une espèce de maïeutique romancée qui finit par prendre des proportions encyclopédiques : nous avons complètement perdu de vue le sujet à illustrer. On peut appliquer la même analyse au poème inséré « Le Chemin de Povreté et de Richesse » qui traite d’un sujet si général que le lien avec l’axe principal du raisonnement ne peut être que très lâche.
9 Fra Salimbene, auteur d’une chronique de la fin du xiiie siècle, justifie dans les termes suivants sa digression :«[...] nous disons toujours des choses bonnes et utiles et qui méritent d’être rapportées et qui peuvent très bien figurer dans une histoire », cité par M. Brossard-Dandré, « L’exemplum dans la Chronique de Fra Salimbene », J. Berlioz et M.-A. Polo de Beaulieu, op. cit., p. 84.
10 B. Dupriez, Gradus. Les procédés littéraires, Union générale d’éditions, 1984, p. 157. Dupriez reproduit une citation de l’Abbé Girard.
11 Cité par G. Molinié, Dictionnaire de Rhétorique, Le Livre de Poche, 1992, Article « Digression ».
12 II, ii, § l, p. 414.
13 Cf. I, vii, § 1, p. 294.
14 Ibid.,§ 2.
15 I, iii, § 105, p. 116.
16 « Pense comment tu dois a jour morir [...].»
17 I, iii, § 109, p. 120.
18 P. Bayard, Le Hors-Sujet. Proust et la Digression, Les Éditions de Minuit, 1996.
19 Nous renvoyons aussi aux exemples déjà cités des pages 166 et 176.
20 P. 416, 421, 594, 680.
21 Genèse, 30, 14-16.
22 P. 58-60.
23 R. Sabry, Stratégies discursives. Digression, transition, suspens. Éditions de l’École des Hautes Etudes en Sciences sociales, Paris, 1992, p. 12.
24 Cf. R. Sabry, op. cit., p. 28 sq.
25 M. Charles, op. cit., p. 395-407.
26 Pour Quintilien et Cicéron, la digression constitue un procédé, une potentialité d’amplification ; ibid., p. 29.
27 R. Sabry, op. cit., p. 46.
28 « La chose littéraire n’est pas cohérente, ni systématique : ce qui fait qu’il y a une littérature, et vivante, c’est la souplesse, la malléabilité des textes » (M. Charles, op. cit., p. 395).
29 G. Molinié, Dictionnaire de Rhétorique.
30 II, v, § 243 et 311, p. 724 et p. 768.
31 Les auteurs de La Poétique de la Chasse (op. cit., p. 220), excluent, dans un premier temps, la digression du style didactique ; cependant, ils octroient dans la dernière partie de leur livre que « les rares digressions narratives de Gaston Fébus concernent des souvenirs d’aventures du chasse personnelles ».
32 Cf. M. Zink, La subjectivité littéraire. Autour du siècle de Saint Louis, PUF, 1985, p. 221 sq.
33 Nous nous permettons de renvoyer à notre article qui approfondit cette question : « le Mesnagier de Paris : vers une écriture du quotidien ? », E. Rassart, J.-P. Sosson, C. Thiry et T. Van Hemelryck éd., La Vie matérielle au Moyen Âge. L’apport des sources littéraires, normatives et de la pratique, Louvain-la-Neuve, 1997, p. 245-260. Cet article se propose de définir quelques critères formels en vue de dégager des frontières entre compilation et invention littéraire authentique.
34 Michel Zink cite cet exemple pour souligner le « transfert d’autorité » qui est lié à l’émergence de la subjectivité littéraire » (op.cit., p. 35).
35 F. Morenzoni, « Jourdain de Saxe », J. Berlioz et M.-A. Polo de Beaulieu, op.cit., p. 278
36 P. 408-410.
37 Notons que nous ne trouvons pratiquement pas de digressions dans les parties techniques, rapportées du Mesnagier, comme par exemple le chapitre consacré à la chasse au vol, ou à la cuisine.
Auteur
Institut catholique de Rennes
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