La notion de « digression » dans le Speculum historiale de Vincent de Beauvais
p. 89-96
Texte intégral
1Le Speculum historiale, rédigé par Vincent de Beauvais vers le milieu du xiiie siècle, constitue la troisième partie d’une vaste œuvre encyclopédique : le Speculum maius, qui comprend également le Speculum naturale et le Speculum doctrinale. Le Speculum historiale se présente comme un ouvrage historique couvrant la période allant de la Création du monde jusqu’à l’époque contemporaine de l’auteur. La matière se repartit en 32 livres qui respectent soigneusement la chronologie des événements. Malgré la structure rigoureuse de cet ouvrage, il ne faut pas oublier que la conception médiévale de l’histoire s’insère dans le discours de type encyclopédique, c’est-à-dire dans un idéal de summa qui vise à intégrer la totalité des connaissances humaines. C’est pour cela qu’à côté de la narration événementielle, le Speculum historiale comprend des réflexions morales, des expositions théoriques ainsi que des textes littéraires ou philosophiques.
2Après cette présentation même très sommaire, il apparaît évident que la notion de « digression » s’applique mal au genre encyclopédique. Pour le comprendre, il suffit de considérer une définition, ancienne ou moderne, de ce terme. Comme il l’a été plusieurs fois rappelé dans le cadre de ce colloque, la digression était essentiellement considérée, selon les arts rhétoriques, comme un moyen de l’amplificatio, c’est-à-dire comme un procédé permettant d’augmenter le volume d’un texte ou d’un discours1. Or, si l’on considère que la taille du Speculum maius est triple par rapport à celle de la Bible, on peut en déduire que l’amplificatio ne devait pas rentrer dans les préoccupations principales de l’auteur.
3D’après les théories modernes, la digression se définit par un caractère marginal qui la distingue de la matière de l’ouvrage ; elle concerne un thème traité comme secondaire ou accessoire qui « ne peut pas accéder au titre d’essentiel2 ». Pour un genre, celui de l’encyclopédisme, qui tend à incorporer la totalité des connaissances, la distinction entre la matière principale et les thèmes secondaires est loin d’être déterminante.
4Les deux concepts d’« encyclopédie » et de « digression » semblent donc incompatibles. Pourtant, en parcourant le Speculum historiale, le lecteur se trouve confronté à toute une série d’indications visant à signaler des passages qui conservent une certaine autonomie par rapport au reste de la matière. Dans plusieurs cas, l’auteur a recours explicitement au terme « digression » sous sa forme verbale « digredior ». Notre contribution se propose d’étudier le sens de ce terme à l’intérieur de l’ouvrage et notamment d’analyser son emploi par rapport aux stratégies de l’organisation de la matière, c’est-à-dire, en termes rhétoriques, de la dispositio.
L’ordo historiae et les fragments digressifs
5Il existe au moins trois passages du texte dans lesquels l’auteur a recours explicitement au verbe « digredior3 ». Le premier exemple se trouve au livre VI qui traite de l’histoire de Jules César. Après quatre chapitres évoquant la conquête de la Gaule, l’auteur propose une brève présentation de Cicéron et de Salluste. Il affirme par la suite qu’il a choisi une série d’extraits de leurs écrits moraux et qu’il a décidé de les insérer dans son ouvrage :
De his autem omnibus haec pauca moralia excerpta, ad memoriam et aedificationem legentium huic operi inserui4.
6Vingt-huit chapitres sont en fait occupés par les extraits littéraires des deux auteurs et ensuite, à la fin du chapitre 34, l’auteur annonce la reprise de la narration :
Nunc igitur paululum horum causa digressi sumus : ad ordinem historiae bellorumque Cesaris redeamus5.
7Le deuxième exemple se trouve au livre suivant (livre VII) qui est consacré à la prédication et à la passion de Jésus Christ. Les chapitres 75-79 évoquent la mort et l’assomption de la Vierge ; ils sont suivis d’une longue séquence de récits hagiographiques, contenant les miracles de la Vierge accomplis après sa mort (80-121). À la fin du chapitre 121, l’auteur annonce désormais le retour à la narration historique :
Hec de Beato Ildefonso et dictis eius, ac de miraculis circa eum et circa alios per Beatam Virginem ostensis ad presens dicta sufficiant. Extant et alia eiusdem Virginis miracula scripta, quorum multa in hoc eodem opere inferius per diversa loca pro diversitate temporum quibus acta sunt breviter inseruimus. Nunc ad historiam unde digressi sumus redeamus6.
8Un troisième exemple est situé au livre IX dont la plus grande partie est occupée par l’histoire de Rome sous Néron. Les chapitres 6-11 tracent un portrait de l’empereur et annoncent la première persécution des Chrétiens. S’ensuit une longue série de chapitres consacrés aux saints Pierre et Paul, à leur prédication et à quelques uns de leurs disciples. A la fin du chapitre 49, Vincent rappelle qu’il est temps de revenir à la persécution faite par Néron :
Hec de principibus ecclesie Petro et Paulo qui sub Nerone passi sunt, ac de eorum discipulis, quorum tempora, quibus vel mortem pro Christo sibi illatam sustule-runt, vel in pace quieverunt, quia nobis incerta sunt hic inserere nolumus. Nunc ad persecutionem Neronis unde digressi sumus redeamus7.
9Dans ces trois passages du texte, l’auteur se soucie de signaler un extrait qu’il considère explicitement comme une digression par rapport à la matière proprement historique. Dans toutes ces occurrences, le verbe « digredior » (s’éloigner) se trouve opposé au verbe « redeo » (revenir) : l’auteur met en place ainsi une sorte de dialectique entre l’« ordo historiae » et tout ce qui s’en écarte d’une manière significative. Le discours historique se trouve ainsi mis de côté et réintégré après plusieurs chapitres.
10Mis à part ces trois exemples, il existe bien d’autres passages qui s’écartent de la progression chronologique si bien que l’auteur se soucie de les signaler, par des marques introductives ou conclusives. Il s’agit presque toujours des extraits d’une œuvre littéraire ou philosophique. C’est le cas, par exemple des chapitres du livre VI qui sont consacrés à Virgile (61-63) et à Horace (67-70). À un moment donné, après la présentation du poète en question, l’auteur annonce qu’il proposera quelques passages tirés de son œuvre ; pour Virgile :
De illis autem tribus libri has sententias notabiles [...] excerpsi [...]
11et pour Horace :
Cuius morales breves et paucas sententias excerptas, hic inserere volui [...]
12De même, à la fin de l’excursus, il affirme que cela lui semble suffisant :
Haec de Virgilii dictis ad praesens sufficiant.
[...]
Haec de flosculis librorum Horatii excerpta sufficiant.
13Un autre exemple se trouve au livre III et présente une longue digression sur les fables ésopiques. Après sept chapitres consacrés aux fables (2-8), l’auteur justifie son choix ; il parle de la portée allégorique et morale de la fable en ayant recours au terme bien connu de integumenta qui désigne le sens caché que le lecteur, voire l’exégète, doit s’efforcer de comprendre. Il recommande aux frères prêcheurs d’utiliser ce genre littéraire avec parcimonie, car ils risquent de céder au goût lascif de l’amusement. Finalement, il annonce qu’il est temps de reprendre le fil de l’histoire :
Haec de fabulis Aesopi excerpere volui [...] Nunc autem ad historiam redeo8.
14La digression dans ce cas prend une importance et une signification particulières. L’enjeu concerne le rapport dialectique entre la fabula et l’historia où la première est donnée comme fiction mais, en même temps, porteuse d’une signification allégorique.
Flores et excerpta : la portée herméneutique de la digression
15Les segments digressifs ne sont pas signalés seulement au fil du texte, mais également dans la partie qui peut être désignée comme para-texte, à savoir les titres, les rubriques et les prologues qui sont placés au début de chaque livre. Ces prologues sont structurés d’une façon précise : l’auteur signale la période qui sera traitée selon une chronologie, basée sur les noms des empereurs ou des rois qui se succèdent. À la fin du prologue, il indique les auteurs dont il a choisi des extraits. Voici le prologue du livre VI :
Sextum liber continet historiam 61 annorum, per tempora duorum Imperatorum, scilicet Iulii Cesaris, qui fuit omnium priumus, et Octaviani Augusti, sub quo natus est Dominus. Hic interferuntur flores philosophorum Tullii Ciceronis, et Valerii Maximi poetarumque Horatii et Ovidii. Epilogus quoque de Incarnatione Domini. Habet autem capitula 1299.
16L’auteur a recours ici au terme « inter-fero » (insérer). Ce qui dans le texte peut être désigné comme « digression » est indiqué ici comme une « insertion ». Il s’agit en tout cas de signaler un extrait qui n’est pas complètement intégré dans l’ordo historiae. Le terme flores (fleurs) désigne par métaphore la partie la plus subtile, la partie la meilleure et donc celle qui doit être cueillie. Appliquée aux textes anciens, cette métaphore désigne les passages contenant un enseignement moral qui peut être récupéré dans une perspective chrétienne.
17Nous voudrions attirer l’attention sur la traduction française du texte qui nous paraît ici particulièrement significative :
Et ci sont entresemees les flours des philosophes10.
18Le traducteur Jehan de Vignay utilise ici le terme « entresemer » qui se situe à l’intérieur de la métaphore bien connue de l’écriture comme ensemencement11. Cette image semble dédoubler ici, en quelque sorte, la métaphore latine des fleurs. Si d’un côté la fleur est la partie la plus subtile, celle qui doit être cueillie, de l’autre, le sème représente ce qui donnera des fruits.
19Ces termes désignent bien ici les extraits de Cicéron, de Salluste, de Virgile et de tous les auteurs anciens : les mêmes extraits que dans le texte sont indiqués comme des « digressions ». Loin d’être considérés comme marginaux ou accessoires, ces chapitres participent en effet à plein titre au but essentiel de l’ouvrage qui est un but moral et didactique. Les fables d’Ésope, les textes des philosophes et des poètes sont chargés d’un sens profond qui se cache derrière les integumenta ; ils sont soumis ainsi à la lecture allégorique typique de l’attitude médiévale vis-à-vis de l’Antiquité. Sous cette perspective, la matière historique se configure comme une trame, comme une texture (contextus) à l’intérieur de laquelle sont placés tous ces textes qui appartiennent à des disciplines diverses12. La démarche de Vincent de Beauvais est fortement didactique : ses indications visent à orienter le lecteur et le verbe « digredior » n’est chargé d’aucune connotation négative ; il participe tout simplement à la mise en place d’une organisation logique que l’auteur s’efforce de conférer à sa matière.
20Cette attitude de l’auteur nous place devant une sorte de paradoxe qui concerne l’encyclopédie toute entière, par rapport notamment à ses finalités et aux modalités de sa réception. En ce qui concerne les indications para-textuelles, on remarque en effet la présence de deux tendances qui sont assez divergentes. D’un côté, l’ouvrage est pourvu d’un système très efficace de tables de matières et d’index alphabétiques, ce qui nous fait penser à une œuvre conçue pour la consultation : en parcourant les index, le lecteur a la possibilité, à tout moment, d’ouvrir l’encyclopédie sur les passages qui l’intéressent davantage. De ce point de vue, on peut rapprocher le Speculum historíale d’une encyclopédie dans le sens moderne du terme13. D’un autre côté, les interventions de l’auteur que nous venons d’analyser impliquent une lecture de type continu : les digressions annoncées, les appels au lecteur se situent d’une manière systématique à la fin des chapitres et présupposent une lecture sinon intégrale, du moins progressive14.
21Les deux tendances cohabitent en effet à l’intérieur du Speculum historiale. Malgré l’ampleur de la matière, et malgré sa structuration rigoureuse, l’auteur conçoit son texte comme un parcours que le lecteur est censé parcourir d’un bout à l’autre. Un parcours à la fois intellectuel et spirituel que le lecteur mène sur le chemin de la connaissance en s’approchant de Dieu15. L’exigence de digresser et surtout l’importance de signaler tout segment digressif répond justement à cette exigence : celle de rendre ce parcours explicite et cohérent, à défaut de la variété des disciplines traitées.
La digression comme miroir de l’auteur
22Tous les exemples que nous avons proposés ci-dessus manifestent autant d’interventions de l’auteur sous la forme de réflexions méta-textuelles. Le fait de signaler un fragment digressif constitue l’occasion, pour Vincent de Beauvais, de présenter sa démarche et d’expliciter la structure de son ouvrage16. Loin d’être une opération rhétorique, cette attitude est liée à de profondes raisons, notamment à l’importance que prend l’ordo rerum à l’intérieur de la construction encyclopédique.
23L’encyclopédie médiévale, on le sait, est essentiellement une compilation, c’est-à-dire un ensemble de textes existants (bibliques, patristiques, historiques etc.) que l’auteur a sélectionnés et disposés à l’intérieur de son contexte selon un ordre cohérent. Vincent de Beauvais n’oublie jamais de signaler ses sources, tant littéraires qu’historiques, à travers une rubrique placée au début de chacun des extraits (par exemple : « Eusebius in chronicis », « Orosius liber 4 » etc.). Son rôle concerne donc presque exclusivement la dispositio de la matière qui lui est fournie par les auctoritates du passé. Cela est explicité par l’auteur lui-même dans le Libellus Apologeticus, l’introduction générale de son encyclopédie, et en particulier dans un passage très célèbre contenu au chapitre 3 :
Ex meo pauca vel nulla ; ipsorum igitur est auctoritate, nostrum autem sola partium ordinatione17.
24Toutes les sources sont reprises sous leur forme originelle, sans être soumises à aucun type d’élaboration, mis à part, éventuellement, l’abréviation ou l’omission de quelques passages18. Les passages littéraires et les fleurs des philosophes, en particulier, sont respectés soigneusement dans leur intégralité. La « digression » se manifeste ici en tant que « citation ».
25Ce respect des sources et cette attention pour leur organisation sont liés à une conception précise, selon laquelle l’œuvre encyclopédique doit refléter la réalité du monde (dans notre cas, de l’histoire) d’une manière fidèle et sans médiations. Le titre Speculum renvoie justement à cette image du livre qui se propose comme un miroir à travers lequel le lecteur peut parvenir à la connaissance de la réalité des choses terrestres ; une réalité qui est à son tour le reflet du dessin divin universel19. La disposition de la matière revêt donc une importance de tout premier plan dans la mesure où l’ordre du livre-miroir doit correspondre, d’une manière symbolique, à l’ordre de l’univers.
26Tout au long de son ouvrage, l’auteur reste donc caché, pour ainsi dire, derrière la surface de ce miroir si bien que ses interventions concernant la dispositio représentent pour lui l’une des rares occasions de faire son apparition. Chacune de ces interventions est de fait soulignée par la rubrique « Actor » (que les copistes transformeront en « Auctor20 »). La voix de l’auteur y apparaît pour signaler les digressions, pour parler de ses sources, pour attirer l’attention du lecteur sur quelques passages, ce qu’il fait toujours à la première personne tantôt du singulier (« inserui » – au passé simple – ou « redeo » – au présent) tantôt du pluriel (« digressi sumus » – au passé simple – ou « redeamus » – au présent).
27Ces interventions peuvent être lues comme une sorte de revendication, de la part de l’auteur, de son statut à l’intérieur de l’ouvrage : à travers ces réflexions, il affirme son pouvoir de choisir certaines sources (excerpere volui) et d’en écarter d’autres (inserere nolumus). Vincent se place ainsi dans une position auctoriale, c’est-à-dire, dans le sens premier du terme, comme « celui qui autorise ». C’est justement grâce à la bonne gestion des sources et à la mise en place de l’ordo rerum que le compilator atteint ainsi le statut de auctor21.
Conclusion
28L’emploi du terme « digression » dans une encyclopédie comme le Speculum historiale nous a amené à considérer ce concept sous une perspective un peu décalée par rapport aux définitions traditionnelles. Ce qui a été remis en question, en particulier, est le caractère secondaire de la digression par rapport au reste de la matière. Dans le Speculum historiale, l’ordo historiae apparaît comme un contextus, comme une trame à l’intérieur de laquelle trouvent leur place les « fleurs », les citations des auteurs anciens, dont le lecteur doit s’efforcer de cueillir la portée herméneutique. Ainsi, la hiérarchie qui normalement est établie entre la matière principale et tout ce qui peut être considéré comme « digression » se trouve ici renversée.
29En outre, on a pu souligner que la digression se révèle comme un instrument à la fois littéraire, concernant la mise en place de la structure de l’ouvrage, et méta-littéraire, concernant la réflexion de l’auteur sur la structure elle-même. Ces réflexions se prêtent d’ailleurs à une double lecture : d’un côté, elles ont pour but d’orienter le lecteur à travers le « parcours de la connaissance » et de l’autre, elles permettent à l’auteur lui-même de se creuser, enfin, un petit espace personnel à travers les fissures de cet énorme miroir.
Notes de bas de page
1 Cf. notamment Geoffroy de Vinsauf, Poetria Nova, dans Les Arts poétiques du xiie et xiiie siècle, éd. E. Farai, Paris 1924, réimpr. Paris, Champion, 1982, p. 213. Cf. aussi Danièle James-Raoul, La parole empêchée dans la littérature arthurienne, Paris, Champion, 1997, p. 334-432.
2 Randa Sabry, Stratégies discursives, digression, transition, suspens, éd. de l’EHESS, 1992, p. 199.
3 Pour la recherche des occurrences de ce terme nous avons bénéficié du texte consultable sur le site Internet de l’Atelier Vincent de Beauvais. Pour la commodité du lecteur, nos citations renvoient tout de même à l’édition dite de Douai, Speculum historiale, Douai 1624, réimpr. Graz, Akademische Druck und Verlagsanstalt, 1965 (dorénavant citée par le sigle Sh.).
4 Sh. p. 175. « J’ai inséré dans mon œuvre quelques extraits moraux tirés de tous ces auteurs pour la mémoire et l’édification des lecteurs ». Sauf indication contraire, les traductions du texte sont personnelles ; dans la citation latine, c’est nous qui soulignons par l’emploi de l’italique.
5 Sh. p. 185. « Pour la cause de ces auteurs, nous avons un peu digressé : revenons-en maintenant à l’ordre de l’histoire des guerres de César ».
6 Sh. p. 266. « Cela suffira à propos de saint Ildefonse et de ses dits, et des miracles accomplis par la sainte Vierge autour de lui et autour des autres (saints hommes). Il reste bien d’autres miracles de la Vierge, dont j’ai inséré nombre d’extraits dans la suite de mon ouvrage selon le temps et les lieux convenables. Maintenant revenons-en à l’histoire de laquelle nous avons digressé ».
7 Sh. p. 341. « C’est tout pour ce qui est des princes de l’Église Pierres et Paul qui ont été martyrisés sous Néron et de leurs disciples, qui souffrirent le martyre pour Christ ou bien qui reposèrent en paix, mais puisque nous ne connaissons pas exactement les dates de ces événements, nous ne voulons pas les insérer dans le texte. Maintenant revenons-en à la persécution faite par Néron, dont nous avons digressé ».
8 Sh. p. 90. « Voilà ce que j’ai voulu extraire des fables d’Ésope [...] Maintenant, je reviens à l’histoire ».
9 « Le sixième livre couvre 61 ans d’histoire, qui correspondent à la période de deux empereurs, c’est-à-dire de Jules César qui fut le premier de tous, et d’Octavien Auguste, sous lequel est né Notre Seigneur. Ici sont insérées les fleurs des philosophes Tulles Cicéron et Valère Maxime et des poètes Horace et Virgile. L’épilogue traite de l’Incarnation de Notre Seigneur. Il y a 129 chapitres ». Dans l’édition de Douai, les prologues et les index des chapitres se situent en annexe, après la fin du texte (les pages ne sont pas numérotées) alors que dans la plupart des manuscrits, ils sont placés au début de chacun des 32 livres.
10 Ms. BnF fr. 312, f° 234b. L’édition intégrale du Miroir Historial de Jean de Vignay fait actuellement l’objet d’une entreprise dirigée par Laurent Brun et par nous-même.
11 Il s’agit d’une métaphore bien connue et bien attestée dans la littérature ancienne et médiévale. Cf. par exemple Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal, v. 7-8 : « Chrestïens seme, et fet semance / d’un romans que il ancomance » (éd. F Lecoy, Paris, Champion, (cfma) T. I, 1972, p. 5).
12 À côté des « fleurs » des poètes et des philosophes, il existe bien d’autres parties du texte qui s’écartent de l’ordo historiae. Il s’agit par exemple des expositions morales, de réflexions théoriques, des explications exégétiques qu’il serait bien plus convenable de qualifier de « gloses ».
13 Cf. Alastair J. Minnis, « Late-medieval discussions of compilatio and the role of the compilator », Beiträge zur Geschichte der deutschen Sprache und Literatur 101 (1979), p. 385-421. L’auteur signale que c’est vers le xiiie siècle qu’on assiste à la diffusion massive des tabulae, capitulationes, correctoria et concordantiae (p. 386-387). Cf. aussi Christel Meier, « Grundzüge der mittelalterlichen Enziklopädik zu Inhalten, formen und Funktionen einer problematischer Gattung » dans : Literatur und Laienbildung in Spätmittelalter und in der Reformzeit, éd. L. Grentzmann et K. Stackmann, Stuttgart, Metzler, 1984, p. 467-500.
14 Cf. Malcolm B. Parkes « The influence of the concepts of Ordinatio and Compilatio on the Development of the Book » dans Medieval Learning and Literature, essays presented to Richard W. Hunt, éd. J. J. Alexander et M. T. Gibson, Oxford, Clarendon Press, 1976, p. 115-141. M. Parkes souligne la présence de deux notions qui se trouvent également mises en enjeux : celles de compilatio et de ordinatio (p. 132).
15 Cette définition est proposée par Bernard Ribémont, De Natura Rerum. Etudes sur les encyclopédies médiévales, Orléans, Paradigme, 1995, p. 21.
16 La digression occupe en effet une place importante parmi les unités méta-discursives. Cf. à ce propos Maurice Laugaa, « Identifier la digression » dans La Digression, éd. N. Piégay Gros, Paris, Presses Universitaires de Paris 7, 1994, p. 101-114.
17 « Du mien il n’y a que peu ou rien ; à eux (aux auctores) l’autorité et à moi, seulement l’organisation de la matière ». Libellus Apologeticus, éd. Serge Lusignan, Préface au Speculum maius de Vincent de Beauvais : réfection et diffraction, Montréal, Bellarmin et Paris, Vrin 1979, p. 119.
18 Cela est également explicité dans le Libellus Apologeticus, au chapitre 6 : « Ausus sum divisiones omnium scientiarum et artium [...] inserere [...] non per modum doctoris vel tractatoris, sed per modum excerptoris ». Traduction : « J’ai essayé d’insérer des notions de tous les arts et les sciences ; de les traiter non à la manière des docteurs ou des auteurs des traités, mais en proposant des extraits ». I, vi, p. 122.
19 Cf. Einar M. Jonsson, « Le sens du titre Speculum aux xiie et xiiie siècles et son utilisation par Vincent de Beauvais » Vincent de Beauvais : intentions et réceptions d’une œuvre encyclopédique au Moyen Age. Actes du Colloque de l’Institut d’études médiévales, (éd. M. Paulmier-Foucart, S. Lusignan et A. Nadeau), Paris, Cahiers d’études médiévales 4 (1990), p. 11-32.
20 Cf. Monique Paulmier-Foucart, « L’actor et les auctores. Vincent de Beauvais et l’écriture du Speculum Maius », dans Auctor et Auctoritas, Invention et conformisme dans l’écriture médiévale, actes du colloque de Saint-Quentin-en-Yvelines (14-16 juin 1999), éd. M. Zimmermann, Paris, École des Chartes, 2001, p. 145-160.
21 Cf. Michelangelo Picone, L’enciclopedismo medievale, Actes du colloque de San Gimignano, Ravenna, Longo, 1994, (cf. notamment « Introduzione », p. 19).
Auteur
Bologne (Italie) et Paris
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