Organisation spatiale et répercussions de l’industrie du sucre sur le paysage urbain
Fustāt et Palerme (XIVe-XVe siècle)1
p. 197-215
Résumés
La présente contribution étudie le processus d’installation d’une nouvelle industrie, celle du sucre, dans les villes de Fustāt et de Palerme et son impressionnante expansion dans l’espace urbain. De simples ateliers fonctionnant avec des outils rudimentaires les sucreries se sont transformées en des entreprises occupant de grands bâtiments et employant des techniques de pointe et un grand nombre d’ouvriers. Cette évolution de l’industrie du sucre, à laquelle ont participé activement les milieux du pouvoir et de la bourgeoisie marchande, a contribué à dynamiser l’espace urbain, en offrant des salaires élevés, mais elle a également engendré des nuisances, de l’encombrement et des problèmes d’hygiène. Pendant le XVe siècle, certaines unités de production ont fermé leurs portes, ou ont changé d’activité ; d’autres en revanche, se sont implantées ailleurs, là ou la pression fiscale est moins importante. À Fustāt comme à Palerme, l’heure est à la concentration de la production pour mieux maîtriser le coût et résister à la concurrence internationale accrue.
Spatial organization and the repercussions of sugar industry on the urban
landscape: Fustāt and Palermo (14th-15th centuries)
This paper investigates the installation processes of a new industry: sugar production in the cities of Fustāt and Palermo, and its impressive expansion in the urban regions. Sugar workshops were transformed from non-artificial ones functioning with rudimentary means of production, into businesses occupying large buildings, and employing high-level technology and an elevated number of employees. This evolution of sugar industry, in which the power and the merchant class actively participated, contributed to reviving the urban space via offering high salaries. Yet, it also induced some repercussions, congestion, and hygiene problems. During the 15th century, some production units ceased to exist, or altered their activity. Other industries, however, were relocated in new areas, where taxation was less considerable. In Fustāt as well as Palermo, efforts were channeled to concentrate on sugar production, toward controlling the cost and resisting the augmented international competition.
Texte intégral
1Dans une précédente publication, j’ai montré quel était le rôle joué par la communauté juive dans le développement de la production et du commerce du sucre à travers les exemples de l’Égypte et de la Sicile2. Dans les deux aires géographiques, les membres de cette communauté ont participé au début de ce mouvement, en ouvrant les premiers moulins à sucre, en investissant dans la production de cette denrée de luxe, notamment dans le secteur du raffinage. Mais avec la concurrence et la concentration des installations industrielles entre les mains de puissants hommes d’affaires et de proches du pouvoir, ils sont ensuite relégués au second plan et deviennent de simples techniciens rémunérés en fonction de leur qualification.
2Pour poursuivre cette démarche comparatiste, j’ai voulu aborder cette fois-ci, toujours dans le même espace géographique, plus particulièrement dans les deux capitales, Fustāt et Palerme, la question de la présence de cette industrie dans la ville et de son organisation. Ce thème n’a été que très peu traité par l’historiographie contemporaine, notamment en ce qui concerne l’Égypte3. Dans son essai de reconstitution de Fustāt (1913), Paul Casanova localisait les établissements industriels de cette ville4. Les études récentes survolent la question et n’apportent aucune matière neuve5. Les contributions consacrées à Fustāt et au Caire dans le volume sur les Grandes villes méditerranéennes du monde musulman médiéval donnent quelques exemples d’industries introduites après les conquêtes musulmanes (papier, soie), mais ne disent rien sur le sucre, qui a pourtant emprunté le même chemin6. C’est oublier que Fustāt a été le plus grand centre de l’industrie du raffinage du sucre en Méditerranée médiévale. Il convient donc de s’interroger sur l’organisation spatiale de cette industrie dans deux villes méditerranéennes : Fustāt et Palerme, et sur les répercussions qu’elle a engendrées, notamment du fait de son essor spectaculaire pendant les deux derniers siècles du Moyen Âge. Quelles solutions a-t-on apporté pour parer aux problèmes posés par l’implantation de cette activité dans le tissu urbain ?
L’essor de l’industrie du sucre à Fustāt
3Si l’introduction de la canne à sucre en Égypte remonte au plus tard au début du viiie siècle, grâce à son gouverneur Qurra Ibn Šarīk, qui plante pour la première fois des cannes à Birkat al-Habaš7, son développement à une échelle industrielle revient à l’initiative des Fatimides8. En effet, lorsqu’ils s’établissent en Égypte, pour donner à leur trône un prestige comparable à celui du califat abbasside de Bagdad et des Omeyyades de Cordoue, ils introduisent de nouvelles habitudes afin de célébrer leurs nombreuses fêtes et multiplient les cérémonies, aussi bien dans leurs cours que dans les rues de Fustāt et du Caire. Le calife doit se montrer riche et généreux en distribuant de la nourriture, beaucoup de sucre et de pâtisseries aux malades et aux pauvres, mais aussi aux dignitaires de son gouvernement9.
4Partout en Égypte, l’extension des plantations de cannes à sucre s’accompagne de la mise en place de pressoirs. De nombreux acteurs de la société égyptienne s’impliquent activement dans cette nouvelle activité : des fonctionnaires de l’État, des marchands, des courtiers et des médecins investissent dans la construction de raffineries afin de transformer la production de tout le pays. Dispersées dans les quartiers résidentiels, plusieurs sucreries ont été installées au cœur de la ville de Fustāt, certaines servant aussi d’habitation, tel l’exemple d’un médecin juif qui possède une sucrerie dans laquelle il réside10.
5La pression démographique et la concentration des activités industrielles et artisanales ont très tôt contribué à l’augmentation des prix de l’immobilier et à la pénurie de locaux disponibles pour installer des sucreries. Toute maison abandonnée ou vendue était convertie immédiatement en raffinerie, comme l’atteste une lettre fragmentaire du fonds de la Geniza : « Les gens qui habitaient leurs propriétés les ont abandonnées. Quand la maison est vendue, elle est convertie en atelier : ma’mal11 ». Le nombre de raffineries ne cesse d’augmenter et d’occuper l’espace urbain. Des ateliers atteignent la valeur de mille dinars et emploient un nombre important d’ouvriers12.
6Parmi les infrastructures créées pour réglementer cette activité et gérer les revenus fiscaux tirés de la production du sucre, il convient de mentionner le funduq de la canne à sucre et la Maison du sucre (Dâr al-Qand). Le premier, situé non loin de Dār al-Rummān, est un entrepôt destiné à la vente de la canne à sucre cultivée dans les environs de Fustāt, où de petits cultivateurs écoulent leurs récoltes auprès des marchands de détail et auprès des propriétaires de pressoirs13. Quant au second bâtiment, sa construction est beaucoup plus ancienne et remonte à l’époque du gouvernorat de ‘Amru Ibn al-’Ās14. Cette concession appartenait autrefois à Khāriğa Ibn Huthāfa Ibn Ġānim al-’Adwī, un des compagnons du prophète, le premier à avoir construit un étage à Fustāt15. La fonction de Dār al-qand ou Maison du sucre, ne se précise probablement qu’à l’époque fatimide. Ibn Duqmāq la mentionne dans sa topographie de Fustāt, parmi les maisons les plus connues de la ville, et situe son emplacement à l’ouest de Dār al-Birka, de façon contiguë au Zuqāq al-’Aqfāl16. Il s’agit d’un grand édifice créé par l’État afin de réglementer la production du sucre et de renforcer son contrôle sur cette activité. Un fonctionnaire est chargé de sa gestion. En 717 H/1317-1318, Karīm al-Dīn Akram al-Saġīr est nommé à la tête du Dār al-Qand, ainsi que du Funduq al-Kārim17. Tous les producteurs des provinces comme des environs de Fustāt passent par cet établissement pour s’acquitter de leurs impôts : cette source de revenus est particulièrement importante pour l’État. En 733 H/1332-1333, le secrétaire du trésor particulier du sultan estime la part des taxes à payer par les émirs sur leur production à six mille dinars, malgré une mauvaise récolte18. Le Dār al-Qand devient progressivement un lieu privilégié, sinon obligé, de transactions sur les récoltes venues de tout le pays, avant d’être acheminées vers les raffineries.
7Signe de la concentration des installations industrielles destinées au raffinage du sucre, le cadi Tāğ al-Dīn Muhammad Ibn ‘Abd al-Wahāb Ibn al-Mutawwağ (mort en 730 H/1329) estime dans sa description topographique de l’Égypte, le nombre des sucreries de Fustāt à soixante-six19. À la fin du xive siècle, Ibn Duqmāq dresse un nouveau bilan de l’état de ces raffineries. Il recopie le tableau d’Ibn al-Mutawwağ en vue de le compléter ; il établit l’historique de nombreux établissements, leur transfert d’un propriétaire à un autre, mais il n’a pas pu terminer son enquête, d’où les lacunes observées dans son œuvre.
8Bien qu’elle soit loin d’être complète, cette enquête témoigne de la situation de l’industrie du sucre au cœur de la ville de Fustāt. Le sultan et les membres de sa famille possèdent les unités de production les plus importantes. Ibn Duqmāq précise qu’il s’agit de beaux et imposants bâtiments, gérés par des intendants et des fonctionnaires20. Comme le montre le graphique, des dix-neuf raffineries qui fonctionnent encore, sept appartiennent au sultan, dont une à l’État. Elles sont toutes situées à Khatt Dār al-Mulk, lequel est désigné également comme Šāri’ al-Matābikh21. Le dīwān sultanien a mis la main sur une autre pour l’exploiter. Le sultan al-Nāsir Hasan a octroyé trois des sept raffineries à ses fils. Les princes ou les fils d’anciens sultans en gèrent trois. Les huit restantes appartiennent aux émirs et aux grands marchands. Huit sont transformées en habitations ; cinq ont cessé la fabrication du sucre ; cinq sont tombées en ruine et quatorze sont converties en boutiques et en entrepôts pour stocker les marchandises22. En revanche, pour le reste, nous ne disposons pas d’informations les concernant.
9L’examen du tableau d’Ibn Duqmāq, malgré ses lacunes, révèle que les soixante-six raffineries n’ont pas toutes fonctionné en même temps23 ; certaines de ces unités de production ont cessé de transformer du sucre depuis longtemps. C’est le cas de la sucrerie située dans le quartier d’al-Nakhliyīn, hors d’usage depuis 653 H/125824. D’autres sont converties en savonneries ou en fonderies de cuivre, ou encore en magasins pour la vente des fruits et en entrepôts pour stocker le sel et le charbon. Les textes montrent également que ces bâtiments, soigneusement construits et composés de plusieurs étages, servent d’habitations, voire de résidences à des personnages éminents.
10Selon la description d’Ibn Duqmāq, il apparaît clairement que ces installations industrielles ont occupé de nombreux espaces de la capitale25. Cet auteur évoque à plusieurs reprises, mais de manière imprécise, šāri’ al-Matābikh ou khatt al-Matābikh (rue des sucreries) qui se prolonge par šāri’ al-Ma’ārīğ, comme d’un quartier distinct. Mis à part les raffineries du sultan, situées à khatt Dār al-Mulk et placées sur le même alignement, les autres sont plus ou moins groupées dans un quartier au nord et à l’est des sucreries du sultan.
11D’autres encore sont dispersées entre les églises et les mosquées. Elles ne forment donc pas un quartier homogène. Probablement, la rue des sucreries était le quartier primitif où ont été construites les premières raffineries, proches du rivage du Nil, où arrivent les chargements de miel de cannes (qand), mais avec le boom de l’industrie sucrière, ces bâtiments ont occupé tout l’espace urbain et se sont dispersés un peu partout dans la ville, ce qui pose d’énormes problèmes aux riverains.
12La fermeture de plusieurs raffineries, comme on peut le constater, s’est produite progressivement et non pas d’un seul coup. La forte taxation, la concurrence, les faillites et les monopoles de l’État expliquent l’abandon de nombreux entrepreneurs, qui se retirent définitivement de cette activité, faute d’avoir les moyens suffisants pour faire fonctionner ces entreprises coûteuses26. Dès la fin du xive siècle, seules les grandes unités de production, appartenant au sultan, à quelques émirs et grands marchands, exemptes d’impôts et disposant de matières premières, résistent à la concurrence et aux variations du commerce international.
Palerme : un même processus
13La même évolution se produit à Palerme où l’on assiste à un développement spectaculaire de l’industrie du sucre, amorcé dès la fin du xive siècle. L’afflux de familles pisanes après 1406 apporte à la Sicile d’importants capitaux contribuant à l’essor de cette activité27.
14Les premiers noyaux d’installations destinées à la fabrication du sucre remontent à l’époque musulmane ; il s’agit sans doute de petits ateliers travaillant pour approvisionner la cour du prince. Des indications éparses mentionnent des moulins à sucre possédés par le monarque ou par des abbayes, qui ne sont pas forcément situés dans un espace homogène, mais sont plutôt éparpillés dans l’espace urbain. En 1171, Guillaume II le Bon offre à l’église de Monreale molendinum unum ad molendas cannas mellis quod saracenice dicitur masara, près de la Porta Rota28. En 1206, la Magione des Teutoniques reçoit une donation sous forme de terre, de jardins et d’un moulin sucrier, situés à Hārat al-Ğadīda (Quartier neuf)29. Des fouilles archéologiques menées pendant les années 1992-1993, ont mis au jour les installations d’une petite sucrerie à Maredolce, qui a sans doute fonctionné pendant la première moitié du xiiie siècle30.
15Vers les années 1370-1380, on assiste au début du décollage de l’activité sucrière, marqué par l’ouverture de nombreux moulins à sucre dans la ville de Palerme. Onorio Garofalo, d’une famille d’épiciers, ouvre son premier trappeto avant 137031. D’autres épiciers, notamment juifs, deviennent patrons de trappeti, grâce à leur connaissance du raffinage. Les premiers ateliers, sans doute de petite dimension, ont vu le jour suite à l’association de plusieurs épiciers. En 1370, Azaronus Migrusus concède son trappeto en location à deux épiciers, pour le compte desquels il travaille en qualité de salarié32. Sabet Cusintinus et Sufen Taguil s’associent en 1394 avec Giovanni Bonamico, pour ouvrir leur premier moulin à sucre dans le quartier du Cassaro, plus précisément dans la rue di li Sancti33.
16L’extension des plantations autour de Palerme au début du xve siècle nécessite la mise en place de nouvelles unités de production, dont le nombre augmente sensiblement. On en compte une dizaine vers 140034, mais ce chiffre s’accroît encore. Un décret daté du 31 mai 1417 rend compte de la multiplication des trappeti installés au cœur de la ville. Ce document intitulé le Super transitu carrociarum, réglemente la circulation des charrettes transportant cannes à sucre et bois de chauffe à ces ateliers. Il dresse une liste de 31 sucreries dispersées aux quatre coins de la ville, comme le montre le plan de Palerme (fig. 3).
17On distingue six groupes, répartis de manière inégale, qui ont chacun un itinéraire bien déterminé pour l’approvisionnement de la sucrerie. Le troisième groupe, le plus important, compte dix trappeti. Le cinquième n’est constitué que d’une seule sucrerie. Nous ne possédons aucune information en revanche concernant la localisation du sixième groupe, formé de quatre unités de production. Ce décret réglemente de manière précise la circulation des charrettes transportant cannes à sucre et bois vers les raffineries du centre ville. Les deux marchandises doivent emprunter deux itinéraires différents pour éviter l’encombrement. Par exemple, pour atteindre les trappeti du premier groupe, les cannes passent par la Porte des Grecs et par les Thermes ; le bois en revanche arrive par le bord de mer, la pêcherie et le magasin de Saint Barthélémy. Le sixième groupe est soumis à une disposition particulière : le bois et les cannes sont transportés par des bêtes de somme et non par les charrettes.
18Dès les années 1420, l’industrie du sucre palermitaine est confrontée à une crise aiguë, due à une forte concentration des trappeti au centre de la ville, mais également aux variations du commerce international et aux difficultés d’exporter du sucre vers les marchés extérieurs. Les échanges avec Venise, qui assure l’exportation et la redistribution d’une grande partie de la production insulaire, sont interrompus35. Le nombre global des trappeti est réduit de moitié. Entre 1430 et 1434, on n’en compte que seize à Palerme, dont quinze sont relativement bien documentés grâce aux actes du notaire Giovanni Traversa36. La tendance est désormais à l’expansion vers l’est de l’île, à la concentration des moyens de production entre les mains des grandes familles palermitaines et surtout à l’intervention du capital marchand, où les Pisans jouent un rôle de premier plan37.
Entre dynamisme et nuisances : les répercussions sur le paysage urbain
19Le développement de l’industrie du sucre en Méditerranée a bouleversé le monde urbain et agraire. Dans les deux villes en particulier, cette activité s’installe et occupe de nombreux espaces vides, donnant ainsi une nouvelle dynamique à ces quartiers inoccupés et du travail à leurs habitants. Ce boom industriel participe également à la création de nouveaux quartiers, dont le plus emblématique est celui qui abrite le marché du sucre, où fleurissent les boutiques destinées à la vente du sucre et des confiseries. La toponymie de Fustāt est fortement imprégnée par cette activité, comme le montrent les noms de rues et de ruelles, qui se concentrent dans un même quartier : celui d’al-Sukkariyīn. On y trouve le marché du sucre, qui payait une taxe de 50 dinars, abolie par Saladin38 ; sūq al-’Asal (le marché du miel), saqīfat al-’Asal (galerie du miel)39, saqīfat zuqāq al-’Asal40, darb al-’Asal41 et surtout sūq al-Halāwiyīn (marché des confiseurs). Maqrīzī nous a laissé une description détaillée de ce marché qu’il qualifie des plus plaisants, et qui offre un spectacle des plus merveilleux, notamment pendant les fêtes religieuses42. Une école, financée par une raffinerie constituée en waqf, porte le nom de Madrasa al-Sukkariya43 ; d’importants cadis y ont enseigné, dont ‘Imād al-Dīn Ibn al-Sukkarī, son fils Fakhr al-Dīn, ainsi que leurs petits fils (‘Awlād al-Sukkarī)44.
20Les importants travaux d’aménagement menés sous le règne du sultan al-Nāsir Muhammad Ibn Qalāwūn ont permis de défricher des terrains pour les rendre cultivables, dans la périphérie de Fustāt, mais aussi de créer de nouveaux quartiers, des boutiques et des raffineries sur les rives du Nil45. Plus tard, en 1513, le sultan Qānsoua al-Ġūrī investit d’importantes sommes d’argent dans l’achat de boutiques, de khān et d’établissements industriels comme une raffinerie de sucre, grâce aux revenus desquels il entend financer ses fondations pieuses46.
21La position géographique des installations industrielles aussi bien à Palerme qu’à Fustāt facilite l’approvisionnement du marché local, et surtout les exportations de cette marchandise vers des horizons lointains. Fustāt-le Caire dispose de l’un des plus grands ports fluviaux de Méditerranée47, tandis que Palerme est une escale fréquentée par toutes les nations marchandes.
22Mais cette présence dans le tissu urbain n’est pas toujours confortable ; elle empêche cette industrie de se développer et d’élargir son espace de travail. Face à la pénurie de bâtiments, les entrepreneurs n’hésitent pas à occuper des lieux publics pour installer leurs unités de production. À Fustāt, les propriétés vendues ou abandonnées sont rapidement converties en sucreries48. À Palerme, Matteo Carastono installe, en 1407, son trappeto dans un bain vraisemblablement abandonné, situé dans un palais ayant appartenu au comte Matteo Sclafani et au Préteur de Palerme. Il promet, une fois la cuisson du sucre terminée, de quitter les lieux, pour permettre la restauration du bain49. La pression des entrepreneurs pour installer de nouvelles sucreries a fait disparaître de nombreux quartiers résidentiels comme ceux du Cassaro et de la Conciaria50.
23La concentration des sucreries intra muros et l’expansion des plantations tout autour des deux centres urbains soulèvent un certain nombre de problèmes et de contraintes. Il n’est pas difficile d’imaginer le vacarme, l’encombrement et les nuisances provoqués par la présence de cette industrie dans le centre ville : de longues files de bêtes de sommes et de charrettes circulant à longueur de journée pour transporter la canne à sucre, le bois et les pots de terre cuite à la sucrerie. Il en résulte la dégradation des rues, l’encombrement, mais aussi d’importants problèmes d’hygiène, visibles à l’extérieur comme à l’intérieur des ateliers.
24Le juriste maghrébin Ibn al-Hâğ, installé dans la capitale égyptienne et témoin oculaire, nous fait plonger au cœur des raffineries de Fustāt dans les années 1330 ; il pointe de nombreux problèmes d’hygiène, liés à la circulation du personnel dans la sucrerie, au manque de scrupules des patrons, qui font l’économie de nettoyer régulièrement les ustensiles employés pour le raffinage. Les ouvriers chargés de conditionner le sucre circulent pieds nus entre les salles de raffinage et de stockage, où sont entreposés les ustensiles et les marchandises au milieu des rongeurs et autres bestioles51. Le manque d’hygiène est également perceptible lorsque les patrons des raffineries n’investissent pas pour fournir les couvercles nécessaires, afin de protéger miel de cannes, mélasse et sucre raffiné52.
25Les résidus de cannes à sucre et les dépôts de bois, de céramiques et de formes brisées qui jonchent le sol à proximité de la sucrerie encombrent les rues et ne laissent pas les autorités indifférentes. Ces formes brisées, dont on ne peut plus se servir, posent beaucoup de problèmes aux patrons des raffineries en raison des quantités considérables de pots utilisés, mais elles peuvent se révéler utiles dans des circonstances exceptionnelles. Ainsi, en 1346, à la suite de la baisse des eaux du Nil, les ingénieurs ont proposé au sultan mamluk al-Kāmil Ša’bān de transporter ces formes brisées, pour les jeter dans le Nil, afin de pousser l’eau jusqu’aux rivages du Caire53.
26En 1420, le Conseil de la ville de Palerme lance une mise en garde à l’encontre des patrons des trappeti et leur ordonne de nettoyer les rues, car on attend le passage du roi54. Le Super transitu de 1417 est promulgué en raison de la dégradation des rues de la ville et des nuisances permanentes causées de jour comme de nuit aux habitants. Cette ordonnance tente de réduire au maximum la traversée de la ville par les charrettes et les bêtes de somme, et met en place des sanctions pouvant aller jusqu’à deux onces par jour pour les contrevenants : ceux qui détruisent les rues doivent les réparer55.
Conclusion
27Dans les deux villes, à Fustāt comme à Palerme, les entrepreneurs ont investi massivement pour développer cette nouvelle industrie du sucre. D’abord installées dans une zone bien délimitée, les sucreries se sont par la suite dispersées à travers une grande partie du tissu urbain. Elles ont occupé des espaces vides qu’elles ont contribué à dynamiser, mais elles ont aussi pris la place d’habitations.
28Cette nouvelle activité a enrichi la bourgeoisie et les milieux du pouvoir ; elle a apporté du travail à un nombre important d’ouvriers, dont les salaires sont attractifs. Mais elle a aussi engendré des nuisances, encombré le centre ville par les files interminables de charrettes transportant bois, canne à sucre, formes de terre cuite et sucre. Les déchets rejetés, notamment les dépôts des formes brisées, qui s’accumulent dans les rues et les problèmes d’hygiène dénoncés par les auteurs contemporains, en font une industrie polluante.
29Dès le début du xve siècle, de nombreuses raffineries ont fermé leurs portes à Fustāt ou ont changé d’activité et ne subsistent que les grandes unités de production, les plus rentables et les mieux équipées : celles du sultan et de son entourage. À Palerme en revanche, face à l’aggravation de la circulation et aux difficultés d’approvisionnement, de nombreux entrepreneurs décident de quitter le centre ville pour chercher d’autres horizons, trouver davantage d’espace, afin d’agrandir l’entreprise et surtout de rapprocher le trappeto des matières premières, en particulier le bois, dont le coût de transport est élevé. S’éloigner de la ville de Palerme permet également à ces entrepreneurs d’échapper à une fiscalité de moins en moins supportable. Dans les deux cas, l’heure est à la concentration pour maîtriser le coût de la production et résister à la concurrence internationale.
Annexe
Annexes
Les raffineries de Fustāt selon la description d’Ibn Duqmāq (fin du xive siècle)
Propriétaire | Emplacement | Transfert | Situation actuelle |
1- L’État | khatt Dār al-Mulk | fermée, puis réouverte pendant le règne de Barqūq | en fonction |
2- Le sultan (6 raffineries) | khatt Dār al-Mulk | le sultan Hassan en a cédé trois à ses fils | les trois restantes sont gérées pour le compte du sultan |
3- Al-Baysarī | dans le quartier d’al-Suyūryīn | transférée à plusieurs émirs | propriété du |
4- Banī al-Rassās | à côté de leur funduq ; c’est un waqf | transférée au diwan de ‘Izz al-Dīn al-Halabī | transformée en savonnerie |
5- L’émir Badr al-Dīn Ibn Barka | en face du précédent | transférée à des marchands | détenue par des marchands |
6- L’émir Sayf al-Dīn al-Karīmī | à la droite de celui qui veut entrer à la halle d’al-Mahallī | transférée à plusieurs marchands | exploitée par des marchands |
7- La raffinerie | en face de la raffinerie de Sayf al-Dīn al-Karimī | restée longtemps hors d’usage : wafq de l’émir Nağm al-Dīn | louée pour installer une savonnerie |
8- Nūr al-Dīn | à proximité de la précédente, située dans le marché des vendeurs de miel | une petite raffinerie : le bâtiment a servi d’habitation pour des Juifs sucriers | waqf comme la précédente |
9- Ibrāhīm Ibn al-Mušanqis le juif | dans une ruelle de Sūq al-Ma’ārīğ | elle a été habitée par des Juifs puis par Šihāb al-Dīn Ibn al-Šāmmī | , |
10- Propriétaire non indiqué | zuqāq darb al-Lawwāzīn | gérée par l’émir Sayf al-Dīn | , |
11- Al-Ğalāl Ibn al-Qatrawānī (1) | à côté de sa grande raffinerie, dans une petite ruelle indéterminée | a servi d’habitation à de petites gens | , |
12- Al-Ğalāl al-Qatrawānī (2) | dans une petite ruelle indéterminée | une grande raffinerie gérée par plusieurs successeurs | le dernier à l’avoir gérée est le cadi |
13- Al-Hāğ Taybars al-Wazīrī | non loin de Zuqāq al-Rišāha | ses étages supérieurs sont un | habitation |
14- Ibn al-Dūrī | à côté de la raffinerie précédente | plusieurs entrepreneurs : émirs, marchands, le diwan du sultan | gérée par Mahmūd ‘Ustādh al-dār al- ‘Āliya |
15- Banū al-Musawwaq | à la droite de celui qui se dirige de khatt al-matābikh vers Darb al-Wahl | après son propriétaire, elle a été exploitée par Bahādir al-Manğakī, pendant le règne de | , |
16- Al-Ğalāl Ibn al-Sawwāf (1) | elle renferme un lot de terre, dont une partie appartient au | , | entre les mains des fils du sultan al-Malik al-Nāsir Hassan |
17- Al-Ğalāl Ibn al-Sawwāf (2) | à la droite de celui qui va de sa 1ère raffinerie à darb al-Wahl | elle a été exploitée par al-sāhib | habitation |
18- Tāğ al-Dīn | en face de la raffinerie d’Ibn al-Sawwāf | gérée par le diwan al-Awqāf al-Hikmiya | exploitée par Ibn |
19- Ibn al-Šarābīšī | à côté de la précédente | elle a servi également d’habitation | habitation |
20- Fath al- Dīn | à proximité de celle d’al- Šarābīšī | devenue waqf, puis exploitée | habitation |
21- Ibn al-Muhtasib | A côté de la mosquée suspendue | plusieurs entrepreneurs, en particulier l’émir Sallār | , |
22- Al-Fārqānī | au voisinage de celle d’Ibn al-Muhtasib du côté de l’est | , | habitation |
23- Awlād al-Qatrawānī | à côté de la précédente | elle a été habitée par les fils d’al- Qatrawānī | habitation |
24- Al-Zakī Ibn al-Miswāk | en face de la précédente | habitée par Zakī al-Dīn Ibn al-Miswāk, puis par des Juifs | habitation |
25- Šihāb al-Dīn | à côté de Zuqāq al-Rišāha, en bas d’une mosquée (?) | , | habitation |
26- Ibn Baqqā | située dans le quartier d’al-Murāwihiyīn, à proximité de la raffinerie d’Ibn al-Manāwī | habitée par plusieurs personnes | exploitée par Ismā’īl fils du sultan al-Nāsir |
27- Ibn al-Manāwī | au voisinage de la précédente, du côté de l’est | waqf avec ses étages supérieurs | exploitée par le |
28- Ibn al-Sunā | entre la raffinerie d’Ibn al-Manāwī et le funduq du miel : installée à la place d’un funduq en ruine | exploitée par les héritiers d’Ibn al-Sunā Mahāsin, puis vendue aux héritiers du gouverneur de Qūs | , |
29- La raffinerie de Zuqāq al-Rišāha | au milieu de Zuqāq al-Rišāha | gérée pour le compte d’al-Aydmurī en 680/1281, abandonnée, puis exploitée | , |
30- Nūr al-Dīn | à la gauche de celui qui va d’al-Murāwihiyīn aux églises d’Abī Šnūda | elle était possédée par Nūr al-Dīn Ibn al-Khallātī | habitation |
31- Awlād | à la fin du quartier d’al-Abzāriyīn | habitée par plusieurs personnes et exploitée par Ibn al-Qatrawānī | , |
32- ’Izz al-Dīn al-Afram (1) | en face d’al-Dār al-Fādhiliya et en bas d’une maison appelée al-Dhīša | exploitée par al-Afram jusqu’à sa mort puis par les chrétiens de Krak, puis ruinée et abandonnée | , |
33- ’Izz al-Dīn al-Afram (2) | à la droite de celui qui va d’al-Dār al-Fādhiliya à sūq al-Ma’ārīğ | exploitée par al-Kamāl jusqu’à son arrestation. Nuwayrī (l’encyclopédiste) l’a vue | , |
34- Ibn al-Mušanqis le juif | dans la ruelle entre al-Dār al-Fādhiliya et al-Ğabābīs | habitée par un groupe de Juifs, puis par Nağm al-Dīn Ibn al-Rif’a pendant un moment | , |
35- Propriétaire non indiqué (1) | à rab’ al-’Ādil : en face de la raffinerie d’al-Ţāwašī Husām al-Dīn | exploitée par des Juifs, puis par Karīm al-Dīn al-Kabīr | elle sert à la vente des bananes |
36- Propriétaire non indiqué (2) | rab’ al-’Ādil | waqf pour l’entretien du tombeau de l’imam al-Šāfi’ī | , |
37- Al-Tāwašī | dans al-Sāhil, en face de Rab’ al-’Ādil | gérée par son propriétaire jusqu’à sa mort | , |
38- Nağm al-Dīn | la raffinerie de ‘Aqabat al-Milh à Dār al-Wilāya | exploitée par Nağm al-Dīn Ibn | , |
39- L’émir Fāris al-Dīn ‘Aqtāy | à sūq al-Sarrāğīn | exploitée par l’émir | une boutique |
40- Sa’īd al-Yahūdī (le Juif) | à côté de la raffinerie d’Ibn al-Rassās | achetée par Nağm al-Dīn Ibn al-Rif’a qui l’a convertie en funduq | funduq |
41- ’Ilm al-Dīn al-Ġatmī | au voisinage de la raffinerie de l’émir Sayf al-Dīn al-Karīmī | elle était exploitée par ‘Ilm al-Dīn al-Ġatmī | ruine |
42- ’Izz al-Dīn | dans le quartier d’al-Ma’ārīğ | Abandonnée | ruine |
43- Al-Nağīb Ibn | entre Zuqāq al-Rišāha et la raffinerie d’al-Kamāl Ibn Marzqūq | il l’a abandonnée après sa faillite | caravansérail |
44- Al-Kamāl Ibn | dans la même rue que la raffinerie d’al- Nağīb et en face de celle d’al-Kamāl | elle a fonctionné jusqu’à sa mort. Ibn al-’Ağğān (courtier dans le funduq d’al-Kārim) l’a achetée et l’a convertie en funduq | convertie en funduq |
45- Al-’Imād Ibn al-Sawwāf | À côté du funduq Dār al-Tuffāh | exploitée par son propriétaire et détruite par la suite | convertie en funduq |
46- Une raffinerie dans al-Ğabābīs | Au début de la rue al-Ğabābīs et Hammām | transformée en funduq par Ibn al-Sabbān | Ruine |
47- Ahmad ‘Akh | dans la rue Dār al-Tuffāh | devenue waqf et ruinée | Transformée en funduq |
48- L’émir Sayf al-Dīn al-Zīnī | en face de Rab’ al-’Ādil | waqf du Māristān al-Salāhī | Entrepôt de sel |
49- La raffinerie d’al-Waqf al-Hikmī (waqf) | dans l’ancien rivage du | exploitée par Ğamāl al-Dīn ‘Āqūs al-Rūmī jusqu’à son arrestation en 667/1268 et abandonnée | Entrepôt de sel |
50- Ğamāl al-Dīn | entre les églises et le quartier d’al-Mirwāhyīn | exploitée, puis convertie en teinturerie et abandonnée | Ruine |
51- Les ‘Akkāmīn (propriétaire non indiqué) | À côté du moulin d’Ibn al-Sabbān | elle est ancienne ; abandonnée pendant un moment et transformée en caravansérail | convertie en savonnerie |
52- Al-Nakhāliyīn (propriétaire non indiqué) | dans le quartier d’al-Nakhāliyīn, en face du moulin du cadi ‘Imād al-Dīn Ibn Abī ‘Umāma | hors d’usage depuis 653 | ruine |
53- Propriétaire non indiqué | Dār al-Za’farān | fermée et convertie par la suite en entrepôt de charbon | entrepôt de charbon |
54- L’émir Sayf al-Dīn al-Himsī | dans le quartier d’al- ’Addāsīn | exploitée jusqu’à la mort de l’émir | transformée en fonderie de cuivre |
55- L’émir Sayf al-Dīn ‘Araġūn | Darb al-Laban | gérée par l’émir jusqu’à sa mort, habitée par Baktumur al-Husaynī et fermée ensuite. | , |
56- Les fils du sultan al-Ašraf | matbakh al-Dhakhīra à | détenue par les fils du sultan al-Ašraf Ša’bān, puis louée par | exploitée pour le compte d’al-Malik al-Sālih ‘Amīr Hāğ, fils d’al-Ašraf Ša’bān |
57- Ibn | Darb al-Laban, au voisinage de la précédente du côté sud | habitée par ‘Alī Ibn Quštumur al-Mansūrī, puis par al-Maqarr al-Sayfī Qardam al-Hasanī jusqu’à sa faillite. | , |
58- Sirāğ al-Dīn | Darb al-Laban | , | , |
59- Nūr al-Dīn | Darb al-Laban | , | , |
60- Nūr al-Dīn | Darb al-Laban, en face de matbakh al-Dhakhīra | , | , |
Les trappeti de Palerme
ACP. AS. 26, f. 12v-13v.
Palerme – 31 mai 1417.
Le vice-roi de Sicile promulgue une ordonnance pour règlementer la circulation des charrettes et des bêtes de somme, qui transportent le bois et la canne à sucre vers les trappeti de Palerme.
Ordinatio facta per dominos vice reges super transitu carrociarum.
Vicereges in dicto regno Sicilie nobili capitaneo pretori judicibus et juratis ac ceteris officialibus et civibus felicis urbis Panormi presentibus et futuris, salutem. Cum ad humilem supplicationem nobis per vos capitaneum pretorem judices et juratos et alios officiales anni presentis et nonnullos alios cives ipsius urbis pro parte et nomine universitatis ejusdem noviter factam volentes circa restaurationem et reparationem ejusdem lacius providere quoniam per transitum curruum per eandem urbem ejus continue deformatur aspectus duxerimus ordinandum ut tenore tamen presentium statuimus et pariter ordinamus videlicet quod currus qui serviunt et operantur in atrapetis cannamellarum urbis ipsius et ire possint et valeant ut infra distinguitur et non per alias vias videlicet ad atrapeta Guillelmi de la Chabica, magistri Antonii Romani, per januas Grecorum et Termarum circa menia ; ligna vero ad eadem trapeta ducantur per currus eosdem per maritimam et piscariam et magazenum sancti Bartholomei et per molum eundo circa menia. Ad atrapeta namque magistri Andree de Bonavogla, Jacobi de Ponaria, Nicolai lu Truglu, Andree Yagi, Johannis de Villaragut militis, notarii Johannis Pipi et Honorii Galofari, per portam sacri regii palacii subtus turrim de Paternoster, per portam Termarum circa menia coram ecclesiam carmelitarum et Ballario ; ligna vero ad eadem atrapeta ducantur per maritimam et piscariam et molum circa menia et per ecclesiam carmelitarum et per maritimam ubi est taberna Nicolai Crapari et per Sanctum Petrum de Balnearia circa menia et per Sanctam Caterinam de Olivella et Sanctum Julianum, per portam Carini et Sanctum Johannem de Guida, per Chalcam suptus turrim de Paternoster et portam de Bisuldeni et Ballarum. Ad atrapeta Nicolai Capochi, Antoni Jacobi, Orlandi Homodei, Johannis Jacobi, Johannis Bonamici, magistri Petri de Sirveri, Mathei de Crastono, Salamonelli, Johannis de Clemencis et Vanni de Clemencia, per portam Carini et Sanctum Johannem de Guida et per portam sacri regii palacii per Yalcam, portam Termarum circa menia et ecclesiam carmelitarum, Ballario, subtus turrim de Paternoster et per Yalcam ; ligna vero deferantur ad eadem a maritima per tabernam Nicolai Craparii per Sanctum Petrum circa menia et Sanctam Caterinam la Ulivella et per Sanctum Julianum, portam Carini et Sanctum Johannem de Guida. Ad trapeta Johannis Bellachera, Mathei Mule, Antonii Chitroli, Bartholomei Carbuni, Christofori Pisani, Johannis de Gilberto et Jacobi Vernagalli per januam sacri regii palacii et Yalcam, Sanctum Johannem de Guida, per portam Carini circa menia per ecclesiam Sancti Juliani, Sanctam Caterinam de Olivella, per januam Sancti Georgii et monasterium Sancte Marie de Vallivirdi ; ligna vero ducantur ad ipsa a maritima per tabernam Nicolai Craparii, Sanctum Petrum, portam Sancti Georgii circa menia, Sanctam Caterinam de Olivella et monasterium Sancte Marie de Vallevirdi. Ad atrapetum notarii Philippi de Miglacio, cannamelle ducantur non cum currubus sed aliis animalibus, ligna vero cum currubus a maritima per tabernam Nicolai Craparii, Sanctum Petrum, portam Sancti Georgii, per trappetum Jacobi Vernagalli, et per hunc modum poterit extrahere paleas cum faciat atrappetum purgari. Adatrapetum Antonii Citi, Andree Lumbardi militis, magistri Nuci de Petro et ad atrapetum Nicolai de Meliore, omnia ducantur non cum currubus sed aliis animalibus. Per alios limites atque vias urbis ipsius infra civitatem nullus cum eisdem audeat adcedere currubus sub pena unciarum duarum, quam totiens se nostat incumstare contraveniens quociens contrarium presumpserit attentare cum pena tertia pars universitatis predictorum, alia regis curia, reliqua ipse urbis murorum hedificationibus applicatur. Currus autem qui servient tempore vendimiarum valeant et possint eodem ire per vias quascumque ipse urbis adcedere atque transire similiter qui per maritimam civitatis et omnium per circularium operabuntur absque omni pena discurrere possint et valeant per urbem eandem, qui currus est quod propter eorum transitum deformant vias et alios ipse civitatis aspectus ut id quod destruent valeat reparari, solvere teneantur ut infra collectoribus per nos super hoc statutis et eis quos continget in posterum forsitan ordinari ut illi currus qui operantur toto anno seu in atrapetis eisdem vel quibuscumque aliis operationibus solvere teneantur eisdem collectoribus quolibet anno tarinos sex, illi vero qui solum vendimiarum tempore operabuntur tarinos tres, que pecunie solum per eosdem collectores, distribuntur et expendanur in reparationem et restaurationem viarum civitatis que per eosdem currus destruentur et deformabuntur quapropter vobis et uniquique vestrum mandamus quatinus presentem nostram ordinationem ad supplicationem ut predicitur dicte universitatis factam observere et ab aliis faciatis favorabiliter observari. Datum in felici urbe Panormi penultimo mayi post incarnationem M° CCCC°XVII°.
Ilerdensis Antonius de Cardona.
Notes de bas de page
1 David Ollivier m’a aidé à élaborer la carte de Fustāt et le plan de Palerme. Qu’il en soit remercié.
2 Mohamed Ouerfelli, « Le rôle des communautés juives dans la production et le commerce du sucre en Méditerranée au Moyen Âge : les exemples de l’Égypte et de la Sicile », dans Grévin Benoît, Nef Annliese et Tixier Emmanuelle, Chrétiens, Juifs et Musulmans dans la Méditerranée médiévale. Études en hommage à Henri Bresc, Paris, De Boccard, 2008, p. 57-74.
3 Sur la ville de Palerme, cf. Henri Bresc, Un monde méditerranéen, économie et société en Sicile 1350-1450, Palerme-Rome, École française de Rome, 1986, p. 251-252 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre : production, commercialisation et usages dans la Méditerranée médiévale, Leyde-Boston, Brill, 2008, p. 281-284.
4 Paul Casanova, « Essai de reconstitution de la ville d’al-Fustāt ou Misr », t. I, Mémoires de l’Institut français d’archéologie orientale, Le Caire, 1913.
5 Ayman Fu’âd Sayyid, La capitale de l’Égypte jusqu’à l’époque fatimide. Al-Qāhira et al-Fustāt. Essai de reconstitution topographique, Beyrouth, 1998 ; Sylvie Denoix, Décrire le Caire Fustāt-Misr d’après Ibn Duqmāq et Maqrīzī, l’histoire d’une partie de la ville du Caire d’après deux historiens des xive-xve siècles, le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1992, coll. « Études urbaines », III.
6 Ayman Fu’ad Sayyed et Roland-Pierre Gayraud, « Fustāt-Le Caire à l’époque fatimide », dans Garcin Jean-Claude, Grandes villes méditerranéennes du monde musulman médiéval, Rome, École française de Rome, 2000, p. 135-156.
7 Al-Kindī, Tārīkh wullāt Misr (Histoire des gouverneurs d’Égypte), Beyrouth, 1987, p. 56 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 67-68.
8 Ibid., p. 71-73.
9 Ibid., p. 611-612.
10 Shelomo D. Goitein, A Mediterranean society, t. IV : daily life, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1999, p. 15 ; id., « Cairo : an islamic city in the light of the Geniza documents », Middle Eastern cities, éd. Lapidus M. Ira, University of California, 1969, p. 87.
11 Id., t. IV, op. cit., p. 15.
12 Ibid., t. I : Economic foundations, op. cit., p. 81 ; Mohamed Ouerfelli, « Les migrations liées aux plantations et la production du sucre dans la Méditerranée », dans Balard Michel et Ducellier Alain, Migrations et diasporas méditerranéennes (xe-xvie siècles), actes du colloque international de Conques (octobre 1999), Paris, Publications de La Sorbonne, 2002, p. 486.
13 Ibn Duqmāq, Kitāb al-’intisār li wāsitati al-amsār (Description de l’Égypte), Le Caire, 1893, t. IV, p. 40.
14 Ibid., t. IV, p. 6.
15 Ibid., t. IV, p. 6 ; Sylvie Denoix, Décrire le Caire Fustāt-Misr d’après Ibn Duqmāq et Maqrīzī, op. cit., p. 108.
16 Ibn Duqmāq, op. cit., t. IV, p. 6 ; cf. carte.
17 Maqrīzī, Kitāb al-sulūk li ma’rifat duwal al-mulūk, éd. Ziyada Moustafa M., Le Caire, 1941, II-1, p. 171.
18 Maqrīzī, Kitāb al-sulūk, op. cit., II-2, p. 360. La suppression de la taxe imposée sur la maison du sucre n’a pas empêché son rétablissement par les successeurs de Saladin et surtout à l’époque mamlûke ; Maqrīzī l’estime de l’ordre de 3 108 dinars ; Kitāb al-mawā’id wa al-’i’tibār bi thikri al-khitat wa al-’āthār (Topographie du Caire), Le Caire (Boulaq), 1853, t. I, p. 104.
19 Cette œuvre intitulée Kitāb ‘īqād al-Mutaġffil wa ‘itti’ād al-muta’ammil est considérée comme perdue ; son enquête a été reprise par Maqrīzī, qui la cite dans ses Khitat, op. cit., I, p. 343.
20 Ibn Duqmāq, Description de l’Égypte, op. cit., t. IV, p. 41.
21 Ibidem.
22 Ibid., t. IV, p. 41-46 ; Ahmad Darrag, L’Égypte sous le règne de Barsbay, 825-841/1422-1438, Damas, Institut français de Damas, 1961, p. 67 ; Eliyahu Ashtor, « Levantine sugar industry in the later Middle Ages : an example of technological decline », Israel oriental studies, no 7, 1977, p. 238-241 ; réimpr. dans Technology, industry and trade, the Levant versus Europe, 1250- 1500, Londres, Variorum Reprints, 1992.
23 Cf. annexe.
24 Ibn Duqmāq, op. cit., t. IV, p. 45.
25 Ibid., t. IV, p. 41-46.
26 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 94-102.
27 Carmelo Trasselli, Siciliani fra Quattrocento e Cinquecento, Messine, 1981, p. 118 ; Henri Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit., p. 411-413 ; Giuseppe Petralia, Banchieri e famiglie mercantili nel Mediterraneo aragonese, l’emigrazione dei Pisani in Sicilia nel Quattrocento, Pise, 1989, p. 326-330 ; Mohamed Ouerfelli, « Production et commerce du sucre en Sicile au xve siècle : la participation étrangère », Food and History, I/1, 2003, p. 103-122.
28 Camillo G. Borgnino, Cenni storico-critici sulle origini dell’industria dello zucchero in Italia, Bologne, 1910, p. 13.
29 Henri Bresc, « ’In ruga que arabice dicitur zucac… ’ : les rues de Palerme (1070-1460) », Le Paysage urbain au Moyen Âge, actes du xie congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public (Lyon 1980), Lyon, 1981, p. 157.
30 Amedeo Tullio, « Strumenti per la lavorazione dello zucchero a Maredolce (Palermo) », Archeologia e territorio, Palerme, 1, 1997, p. 471-479.
31 Archivio di Stato di Palermo, Notai Defunti, désormais ASP. ND. Bart. Bononia 125, 9.4.1370.
32 Henri Bresc, Arabes de langue, juifs de religion, l’évolution du judaïsme sicilien dans l’environnement latin, xiie-xve siècle, Paris, Bouchene, 2001, p. 211.
33 Ibid. ; Patrizia Sardina (éd.), Acta curie felicis urbis Panormi, 12 : registri di lettere atti bandi ed ingiunzioni (1400-1401 e 1406-1408), Palerme, 1996, p. LXIX .
34 Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 164.
35 Henri Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit., p. 238.
36 ASP. ND. Giovanni Traversa, 775.
37 Mohamed Ouerfelli, « Production et exportation du sucre en Sicile au xve siècle », art. cit., p. 113-115.
38 Maqrīzī, Al-Khitat, op. cit., t. I, p. 104.
39 Sur la définition du terme saqīfa, cf. Sylvie Denoix, Décrire le Caire, op. cit., p. 142-143.
40 Ibn Duqmāq, Description de l’Égypte, op. cit., t. IV, p. 50.
41 Maqrīzī, Al-Khitat, op. cit., t. II, p. 40 ; Ayman Fu’ād Sayyid, La capitale de l’Égypte jusqu’à l’époque fatimide, op. cit., p. 288-289.
42 Maqrīzī, Al-Khitat, op. cit., t. II, p. 99 ; André Raymond et Gaston Wiet, Les marchés du Caire. Traduction annotée du texte de Maqrīzī, Le Caire, Institut français d’Archéologie orientale du Caire, 1979, p. 175-177 ; Mohamed Ouerfelli, Le sucre, op. cit., p. 570-571.
43 Cf. raffinerie no 7 sur la carte et en annexe.
44 Ibn Duqmāq, Description de l’Égypte, op. cit., t. IV, p. 93-94.
45 Maqrīzī, Kitāb al-sulūk, op. cit., t. II-2, p. 539 et 544.
46 Sylvie Denoix, Jean-Charles Depaule, Michel Tuchscherer, dir., Le Khan al-Khalili. Un centre commercial et artisanal au Caire du xiiie au xxe siècle, Le Caire, Institut français d’Archéologie Orientale, 1999, t. 1, p. 202 et t. 2, p. 104 ; Awad al-Imam, « Les waqf du sultan al-Ġūrī », Le Khan al-Khalili, op. cit., p. 26-38.
47 Sylvie Denoix, Décrire le Caire, op. cit., p. 89.
48 Shelomo Dov Goitein, A Mediterranean society, t. IV : Daily life, op. cit., p. 15.
49 Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, p. 68.
50 Henri Bresc, Un monde méditerranéen, op. cit., p. 252.
51 Ibn al-Hāğ, Al-Madkhal ilā tanmiyat al-’a’māl bitahsīn al-niyāt, Le Caire, 1929, t. IV, p. 150-151.
52 Ibid., t. IV, p. 153.
53 Ibn Taġrī Bardī, Al-Nuğūm al-zāhira fī mahāsin Misr wa-l-Qāhira, éd. William Popper, Berkeley-Californie, 1936, t. V, p. 111.
54 Archivio communale Palermo, Atti del Senato (désormais ACP. AS.) 28, f. 28v ; Carmelo Trasselli, Storia dello zucchero siciliano, Caltanissetta-Rome, 1982, p. 174, note 42.
55 ACP. AS. 26, fo 12v-13v.
Auteur
Aix Marseille Université, CNRS, LA3M UMR 7298, 13094, Aix-en Provence, France
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