La question de la langue d’oc en débat au début du xixe siècle, d’après la Statistique des Bouches-du-Rhône du préfet Villeneuve
p. 123-134
Texte intégral
1On sait que la première moitié du xixe siècle, plus particulièrement à partir de la Restauration, vit l’éclosion dans plusieurs départements français d’ouvrages importants appelés Statistiques ou contenant le mot statistique dans leur titre et présentant, dans une perspective encyclopédique, l’état général du département à cette époque, selon différents points de vue : économique, social, géographique, culturel, linguistique…, sans oublier bien sûr la dimension historique. La publication récente des dossiers de la Statistique des Bouches-du-Rhône sur la fête en Provence et le colloque qui l’a suivi ont attiré l’attention sur l’importance de ces ouvrages et plus particulièrement bien sûr celui du préfet Christophe de Villeneuve1.
2En parcourant ces statistiques, le linguiste est parfois déçu. Car l’étude de la langue ne fait pas toujours partie des préoccupations de leurs auteurs. Ainsi, pour ne prendre que des départements voisins, l’Histoire, géographie et statistique du département des Basses-Alpes de Féraud, qui est de 1861, mais reprend en grande partie la Géographie historique et biographique du département des Basses-Alpes, du même auteur, qui date de 1844, ne contient-elle aucun développement sur la langue. Et il en est de même, de l’autre côté du Rhône, pour la Statistique du département du Gard de Rivoire, qui est de 1842. Dans la Statistique du département du Var, C.-N. Noyon, en 1846, ne consacre que quatre pages à ce qu’il appelle le « patois provençal », dont il se borne à donner quelques exemples à différentes époques2. Dans la Statistique du département de l’Hérault publiée en 1824 par Hippolyte Creuzé de Lesser, le langage occupe une place nettement plus importante : 11 pages (p. 198-209), mais il s’agit surtout de considérations générales sur l’histoire de la langue depuis les Celtes et les Grecs. On n’y voit pas de présentation de la langue d’oc telle qu’elle est parlée et écrite dans ce département, si ce n’est tout de même quelques extraits de la traduction de la parabole de l’Enfant prodigue, sans commentaires, dont nous aurons à reparler. La Drôme semble bénéficier de moins d’égards encore, d’un point de vue quantitatif : 8 pages dans la seconde édition de la Statistique du département de la Drôme de Delacroix (1835). Mais le contenu en est bien différent : une attention particulière est portée aux parlers locaux du département3.
Le discours sur la langue
3En tout cas, de ces statistiques celle de Villeneuve émerge nettement, pour ce qui est du nombre de pages consacrées au langage : 72, et pour ce qui est surtout de la minutie avec laquelle l’auteur4 tente de reconstituer l’histoire de la langue, depuis le temps de la conquête romaine jusqu’au xixe siècle et d’en présenter les caractéristiques essentielles en se fondant sur des documents écrits et sur ses propres observations. C’est pourquoi il m’a paru intéressant d’examiner de près ce que dit Villeneuve dans cet ouvrage, de façon à pouvoir dégager le « discours sur la langue » d’un observateur éclairé de la première moitié du xixe siècle, c’est-à-dire les représentations de la langue d’oc, dans son histoire et dans son présent et aussi dans ses rapports avec la langue nationale, qu’avaient construites les milieux érudits de cette époque : une époque-clé, située entre la première « chasse aux patois » de la Révolution de 1789, symbolisée par le rapport de l’abbé Grégoire, et la seconde qui se produira dans les premiers temps de la IIIe République, dans le cadre de l’école républicaine. Mais, pour donner une assise plus large et plus solide à cette étude, il m’a semblé nécessaire de confronter les observations de Villeneuve à celles d’autres auteurs de Statistiques, malgré les insuffisances de leur propos sur la langue, et tout particulièrement à celles que Delacroix a faites dans la Drôme.
4C’est dans le chapitre iii du tome III, Livre cinquième, de la Statistique des Bouches-du-Rhône, publié en 1826, qu’est étudié le langage des habitants de ce département5. Ce chapitre iii, intitulé simplement Langage, qui va de la page 127 à la page 199, comprend sept subdivisions, correspondant chacune à une grande période de l’histoire linguistique telle qu’elle est restituée par Villeneuve : Langue ligurienne (131-135), Langue grecque (135-141), Langue latine (142-147), Langues barbares (147-153), Langue romane (153-176), Langue provençale (176-197), Langue française (197-199).
Le français et les provençalismes
5La langue française n’occupe que deux pages dans cette longue chevauchée à travers le temps. Mais il ne faut pas s’y tromper. L’objectif de Villeneuve est avant tout de faire connaître les particularités de la langue du pays, le provençal, et sa proximité avec le français de façon à favoriser la pratique de la langue nationale.
On se livrera ensuite à des recherches sur le langage du pays, pour en découvrir les sources, pour en indiquer les règles et surtout pour montrer son analogie avec la langue française, dont il n’est pas un des moindres éléments,
6dit-il dès le début de son ouvrage en 18216. Dans les dernières pages du chapitre Langage du tome III, Villeneuve parle de l’accent des Provençaux comme d’un « défaut […] qui s’affaiblit de jour en jour » dans l’usage que font les Provençaux du français. Cet « usage singulier d’intercaler des mots provençaux dans le français » qu’il observe dans les classes moyennes, c’est ce qu’il appelle et que nous appelons encore des provençalismes. Et il appelle de ses vœux « un recueil de ces provençalismes », qui « serait un ouvrage fort utile pour le pays ».
7En se fixant cet objectif, et en particulier en faisant référence aux provençalismes du français, Villeneuve se situe clairement dans le mouvement qui a commencé au xviiie siècle et qui va se prolonger après lui dans les pays d’oc. Il consiste à produire des ouvrages didactiques, des dictionnaires surtout, pour combattre une pratique jugée défectueuse du français, marquée par des provençalismes ou des gasconnismes…, en spécifiant les singularités de chacune des deux langues et donc la possibilité pour le français de conserver sa « pureté » et son autonomie linguistiques. Pellas avait initié ce mouvement en Provence en publiant en 1723 à Avignon son Dictionnaire provençal et françois. Il avait été suivi, en Languedoc, par le Dictionnaire languedocien-françois de Boissier de Sauvages (1756), puis en Gascogne en 1776 par un ouvrage au titre plus explicite : Les Gasconnismes corrigés de Desgrouais. Et peu après le tome 1 de la Statistique de Villeneuve on aura à Marseille, en 1823, le Nouveau dictionnaire provençal-françois de Garcin ; un peu plus tard à Marseille toujours, en 1836, sur le modèle de Desgrouais, le Manuel de provençal ou les provençalismes corrigés de Gabrielli ; à Apt en 1839, le Dictionnaire provençal-français de J.-T. Avril et en 1843 L’Interprète provençal de J.-J. Castor, un instituteur aptésien passionné de pédagogie7.
(Re)valorisation de la langue d’oc
8Mais il est clair également que pour Villeneuve, comme pour les auteurs des dictionnaires que l’on vient de citer, dans le contexte général de diglossie où ils se trouvent – idiome local considéré comme inférieur à la langue nationale – le combat en faveur d’une bonne pratique du français est inséparable d’une volonté bien affirmée de (re)valoriser la langue de leurs pères. Tous ces ouvrages, qui participent, chacun à sa façon, du mouvement de généralisation de l’emploi de la langue française dans les diverses provinces, issu de la Révolution, ont aussi pour objet, d’une façon complémentaire, de présenter la langue d’oc et éventuellement ses variétés sous un jour favorable. Il s’agit de montrer que la langue d’oc, le provençal en l’occurrence, a son lexique, ses structures grammaticales propres, sa littérature glorieuse et qu’elle a surtout une place privilégiée dans l’histoire des langues issues du latin.
L’histoire de la langue et la référence à Raynouard
9Toutes les statistiques provençales ou languedociennes, lorsqu’elles parlent de la langue, insistent en effet sur l’histoire de la langue d’oc, dans le cadre des langues romanes, et s’inspirent plus ou moins pour cela des travaux de François-Juste-Marie Raynouard, qui datent précisément de cette période (1816-1845). Raynouard a eu le grand mérite de révéler la richesse de la poésie des troubadours, qui jusque-là était très peu connue, et il a développé, pour expliquer la qualité de cette langue médiévale, une théorie très novatrice de l’histoire du provençal, d’ailleurs largement anticipée au xviiie siècle, comme l’avait bien montré Jean Stéfanini8. On sait que pour Raynouard la langue latine des pays conquis par Rome se « corrompit » d’abord avec « l’invasion des hordes du Nord ». De cette langue corrompue naquit ce qu’il appelle la « romane rustique », qui « a servi de type commun » aux langues romanes. Mais « la langue des Troubadours, la “romane provençale", sortie immédiatement du type primitif, c’est-à-dire de la romane rustique, se forma et se perfectionna avant les autres langues de l’Europe latine9 ». Raynouard insiste beaucoup sur cette notion de perfection de la langue d’oc, littéraire, celle des troubadours, ou parlée par les populations, qui a été la première à éclore : « l’idiome primitif s’est conservé et perfectionné dans les écrits des troubadours et dans la langue des peuples qui habitèrent le Midi de la France10 ». Et cette perfection, liée à l’antériorité, a fait que cette langue a servi de modèle et plus précisément a joué le rôle d’intermédiaire entre la « romane rustique » et les idiomes romans actuels : le provençal est une « langue intermédiaire dont le type a fourni les éléments et les formes de nos idiomes actuels11 ».
10Villeneuve ne tarit pas d’éloge sur « M. Raynouard, auquel la Provence se glorifie d’avoir donné le jour ». Il cite son nom quatre fois dans les pages de ce chapitre V qu’il consacre à la langue romane. Il développe et explicite avec précision les idées de Raynouard, en employant souvent les mêmes mots que lui. Il utilise aussi sa méthode de présentation de la langue, en citant et commentant quinze « documents de la langue romane en Provence », allant du xie au xve siècle, puis quinze autres documents du xve au xixe siècle dans le chapitre suivant consacré à la langue provençale. Mais il renchérit aussi, en particulier sur la notion de perfection, pour valoriser davantage encore la langue des troubadours :
La langue romane, après avoir été vulgaire chez tous les peuples, fut perfectionnée et régularisée dans les écrits des Troubadours et dans le langage des habitants du Midi de la France. C’est principalement à la cour des comtes de Provence que le roman acquit sa plus grande perfection…
11Il ajoute même un autre concept qui sera souvent utilisé par la suite pour déterminer la valeur d’un idiome : celui de pureté. « [Le provençal], c’est celui [de tous les idiomes] qui a le plus de parenté avec le roman dont il a été dans l’origine le dialecte, sinon le plus pur, du moins le plus soigné et le plus généralement adopté. » Ou encore, d’une façon plus nette : « La langue d’oc fut appelée aussi langue provençale, non seulement parce que le roman s’était conservé avec plus de pureté en Provence que partout ailleurs… »
12Les autres auteurs de statistiques, même s’ils se réfèrent à Raynouard, sont à vrai dire assez laconiques sur cette question de l’histoire de la langue. Ils sont surtout sensibles au point de départ de la théorie de Raynouard, le thème du mélange des langues issues des invasions qui a modifié le latin et a créé un idiome nouveau, le « nouvel idiome connu sous le nom de langue romaine rustique », selon H. Creuzé de Lesser. Et dans le Var, Noyon dresse l’inventaire des envahisseurs :
Successivement les Huns, les Vandales, les Goths, les Lombards, les Saxons, les Maures inondèrent la Provence. Chaque peuple introduisant son idiome particulier, il en résulta une langue composée de ces divers mélanges, qui prit le nom de langue provençale12.
13Dans sa deuxième édition de la Statistique de la Drôme, parue en 1835 après les publications de Raynouard citées ici, Delacroix ne consacre que sept lignes à cette question. Il reprend le thème du mélange, mais en l’élargissant singulièrement à une grande partie de l’Europe, et surtout il suit l’exemple de Raynouard en expliquant la valeur de la langue d’oc, « véritable langue », par sa fidélité aux traditions de l’ancienne langue romane :
le dialecte méridional tient à une véritable langue ; il est assujetti à des règles générales et fixes. Ce sont les traditions de l’ancienne langue romane, qui se forma, après l’établissement des Goths et des Bourguignons, du mélange assez régulier des langues du nord avec celles du midi de l’Europe.
Les origines multiples de la langue
14Ce thème du mélange des langues est en effet fondamental dans la perception qu’ont ces auteurs et principalement Villeneuve des origines de la langue d’oc. C’est qu’ils savent bien qu’avant « l’invasion des hordes du nord » et avant même l’arrivée du latin il y eut d’autres peuples présents sur le territoire occupé aujourd’hui par le provençal : Gaulois, Grecs, Ligures ou Liguriens, comme les appelle plutôt Villeneuve, Salyens… Les érudits du xviiie siècle avaient ouvert la voie avec éclat en faisant la part belle soit au grec, comme Pierre de Gallaup-Chasteuil13, soit plus souvent au gaulois que les progrès récents des études celtiques commençaient à populariser : Court de Gebelin est l’un des meilleurs représentants de cette tendance à supposer pour le provençal une base celtique à laquelle seraient venus s’ajouter par la suite des apports grecs, latins, voire hébreux. Au milieu du xixe siècle chez C.-N. Noyon, l’auteur de la Statistique du Var, on trouve encore une formulation très proche de celle des érudits du siècle précédent : « Le celte est donc le radical de la langue de Provence ».
15Villeneuve n’en est certes plus à cette vision conquérante des origines anciennes de la langue. Enfin plus tout à fait… Comme Raynouard, on l’a vu, il parle de la « langue romane », qui a donné naissance au provençal. Mais il reste très attaché à cette idée de convergence entre des origines diverses pour expliquer la formation de la langue. Il se distingue toutefois nettement des érudits du siècle précédent et d’auteurs comme Noyon en laissant de côté l’origine celtique : pas de chapitre consacré à cette langue, comme on l’aura déjà constaté. Tout en reconnaissant que « le ligurien différait du celtique », il constate que « ce celtique lui-même n’existe nulle part », en dehors de l’irlandais et du galic (sic). En l’absence d’informations sur l’ancienne langue celtique et sur ses influences exactes sur les langues modernes, il se contentera donc de parler de la « langue ligurienne » – qui n’est, remarquons-le, pas mieux connue, à cette époque, que la langue celtique. Il est certes prudent sur la nature exacte de cette langue : « Nous n’avons pas la prétention de rechercher quelle langue parlaient les Liguriens », dit Villeneuve au début du chapitre I, mais la liste d’étymologies qu’il établit est celle des « mots provençaux qui sont probablement dérivés du ligurien ».
16Cela étant dit, il est très significatif de voir à quel point Villeneuve surestime les influences respectives du ligurien et du grec et du coup sous-estime la part de l’élément latin dans la présentation même des faits et dans l’économie des chapitres qui retracent l’histoire de la langue. Les chiffres sont de ce point de vue-là très révélateurs : 101 « mots liguriens restés dans le provençal » ; 112 « dérivés du grec », et seulement 121 venant du latin, en tenant compte des éléments de morphologie nominale et verbale qu’il donne à la suite de son lexique. Évidemment ces 121 mots cités ne sont que « quelques mots latins restés dans le provençal », c’est-à-dire ceux « qui sont passés dans le provençal sans presque aucun changement ». Mais, même si Villeneuve est probablement convaincu de l’importante supériorité numérique des éléments latins, la limitation qu’il s’impose ne concerne pas que le latin : il déclare avoir pris dans le ligurien « un certain nombre » de mots, « pour en former un petit vocabulaire », et pour le grec il ne cite « que les mots dont la dérivation ne peut être méconnue et qui sont usités dans le langage provençal de Marseille ».
17C’est ainsi un souci d’équilibre entre les diverses composantes de la langue romane, et donc du provençal, qui anime Villeneuve et qui l’amène à adopter à l’égard de ces origines anciennes des positions que nous avons tendance à considérer aujourd’hui comme bien hasardeuses. Si plusieurs des mots provençaux qu’il attribue au ligurien sont bien effectivement aujourd’hui considérés comme préromans, voire préceltiques, tels que baou « escarpement », baoumo « grotte », brusc « ruche », gaveou « sarment », vabre « ruisseau », vibre « castor »…, beaucoup d’autres sont incontestablement d’origine latine, comme fedo « brebis » (latin FETA), mas « ferme » (MANSU), niero « puce » (NIGRA), oc « oui » (HOC), sivado « avoine » (CIBATA)…
18Et cela est encore plus flagrant pour les mots d’origine grecque, dont les représentants directs, c’est-à-dire ceux qui n’ont pas transité par le latin, mais ont été introduits sur les rivages méditerranéens de la Provence ou du Languedoc par les Phocéens, sont relativement nombreux dans l’ensemble occitan : une soixantaine environ pour l’ensemble de la langue d’oc, ancienne ou moderne, selon le grand étymologiste des parlers gallo-romans, Walter von Wartburg14. Mais la liste de Villeneuve ne contient guère que huit des mots retenus et analysés par Wartburg : androun « ruelle », calar « jeter », canasto « corbeille », caro « face », gangui « filet (sorte de) », lan « éclair », tiblo « truelle », uillaou « éclair ». Il aurait pu ajouter d’ailleurs deux mots qu’il a rangés dans la liste ligurienne, mais qui sont bien de provenance grecque : magaou « pioche » et pantai « rêve ». Pour beaucoup d’autres mots cités par Villeneuve, là encore l’origine purement latine ne fait pas de doute. Citons seulement : aqui « là » (ACCU-HIC), capelan « prêtre » (dérivé de *CAPPELLA), cantoun « coin » (dérivé de CANTHUS), destraou « hache » (DEXTRALE), estelos « éclats de bois » (ASTELLA), nougat « nougat » (dérivé de NUCE « noix »), oustaou « maison » (HOSPITALE), pouaire « seau » (dérivié de PUTEUS « puits »), ueil « œil » (OCULUS) etc. Il y a aussi quelques mots d’origine grecque qui ont pénétré dans la langue latine bien avant la romanisation de la Gaule et donc doivent être interprétés comme latins : par exemple gip « plâtre, gypse » (GYPSUM, grec gypsos), nanet « nain » (dérivé de NANUS, grec nanos)…, saoumo « ânesse » (SAGMA, grec sagma)…
La langue d’oc et ses variétés dialectales
19L’usage du mot dialecte par Delacroix, dans le texte cité ci-dessus, ne correspond pas tout à fait à celui qu’en font les dialectologues actuels. C’est plutôt le sens traditionnel, issu du grec dialectos, emprunté par les Romains, que l’on trouve ici : le dialecte considéré comme le « langage particulier d’un pays », ainsi que le disait au xviie siècle le Dictionnaire de la langue françoise ancienne et moderne de Pierre Richelet, et donc en l’occurrence ici le langage de l’ensemble du « pays » méridional. Mais les Statistiques et tout particulièrement celles de Villeneuve et Delacroix se sont intéressées de près à la variation dialectale de la langue d’oc dans leurs départements respectifs, au sens que nous donnons aujourd’hui au mot dialecte. Et cela est évidemment très nouveau par rapport aux travaux des prédécesseurs, y compris ceux de Raynouard.
20C’est que depuis la fin du xviiie siècle deux entreprises majeures ont été lancées en France, pour la connaissance de la diversité linguistique de ce que nous appelons maintenant les « langues de France ». C’est d’abord l’enquête de l’abbé Grégoire sur les patois, qui bien entendu a pour objectif d’« anéantir les patois », comme le dit clairement le titre du rapport présenté par l’abbé à la Convention le 16 prairial an II, mais qui, grâce aux questions précises qui étaient posées, a apporté beaucoup d’informations linguistiques et sociolinguistiques sur la façon dont fonctionne et dont est perçue à cette époque la variation géographique des différentes langues en usage sur le territoire national15.
21Mais c’est surtout l’enquête de 1806, dite de Coquebert de Montbret, qui a pour nous de l’intérêt. Elle est citée dans les différentes statistiques que nous avons consultées : celles de Villeneuve et Delacroix, mais aussi celles du Var et de l’Hérault. Et, comme le dit Marie-Rose Simoni, qui a consacré plusieurs travaux à cette enquête, les témoignages qu’elle nous apporte sont « d’un intérêt exceptionnel pour la linguistique et l’histoire de la linguistique du début du xixe siècle ». On rappellera très vite qu’à l’initiative du baron Charles Coquebert de Montbret, un savant diplomate, chef du bureau de la statistique au ministère de l’Intérieur, sous Napoléon 1er, le ministre de l’Intérieur s’adressa aux 130 préfets des départements et leur demanda de faire traduire un texte du Nouveau Testament bien connu de tous, la parabole de l’Enfant prodigue, dans les principaux parlers en usage dans leur département16.
22L’enquête dura six ans, de 1806 à 1812 et les résultats en furent publiés partiellement en deux fois : d’abord en 1824 dans les Mémoires et dissertations sur les Antiquités nationales et étrangères (T. VI, pp. 432-545) par la Société royale des antiquaires de France, puis en 1831 dans l’Essai d’un travail sur la géographie de la langue française, par Eugène Coquebert de Montbret (le fils du précédent), paru dans les Mélanges sur les langues, dialectes et patois (Paris, Bureau de l’Almanach du Commerce). Au total seules 85 paraboles parvinrent à être publiées. Mais il faut ajouter que ces versions très localisées de la parabole, qui pour la première fois permettaient une étude comparative des variétés dialectales des langues, étaient accompagnées, de façons diverses selon les départements, par des commentaires souvent très pertinents et des documents complémentaires tels qu’œuvres littéraires, glossaires, études grammaticales… En Provence nous en avons un très bel exemple avec les Hautes-Alpes, où le préfet, le baron Ladoucette, en 1808, ne se contenta pas de trouver des correspondants qualifiés, mais s’intéressa personnellement à l’enquête et fournit aussi lui-même des textes provençaux, comme le noël en patois chanté dans sa chapelle pour la messe de minuit de 180617. On rappellera que le baron Ladoucette est l’auteur d’un ouvrage important sur les Hautes-Alpes, paru un peu plus tard en 1820, Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, dans lequel figurent cinq des six versions de la Parabole recueillies dans les Hautes-Alpes (Gap, Dévoluy, Queyras, Monétier, Embrunais), accompagnées de notes et observations et suivies de vers patois et du noël chanté en 180618.
23Villeneuve, pour le tome III de sa Statistique, et Delacroix, pour la seconde édition de la sienne, ont eu connaissance de la publication des textes des paraboles, parues avant leurs propres ouvrages. Mais leur attitude n’est pas tout à fait la même. Villeneuve ne parle pas de l’enquête de Coquebert de Montbret et de ses suites éditoriales. Il se contente de donner le texte des paraboles, qui constituent ainsi le trente et unième et dernier document linguistique cité. Mais, ce qui est à noter, c’est que les dossiers de l’enquête Coquebert de Montbret, qu’il s’agisse des manuscrits ou des textes imprimés en 1824 et 1831 ne contiennent que deux versions pour les Bouches-du-Rhône, toutes les deux pour la seule ville de Marseille : Marseille en « dialecte ordinaire » et le quartier Saint-Jean. Villeneuve a ajouté deux versions, d’une façon évidemment très heureuse pour la comparaison entre les « trois dialectes du département », comme il le dit : une pour Aix et une pour Arles qui ont dû être demandées à ses correspondants. Delacroix au contraire se réfère explicitement à l’enquête de 1807 et à la publication de 1824, mais ne donne que trois versions : celles de Die, Nyons et Valence, alors que Coquebert de Montbret avait également reçu des contributions pour Montélimar, Buis les Baronnies, Séderon, Bourg-lès-Valence et Romans et que les deux recueils en avaient retenu quatre : Valence, Nyons, Buis et Die.
24Les deux auteurs divergent aussi sur la façon de traiter la diversité linguistique à partir de ces informations. À vrai dire, dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un « commentaire linguistique » des textes publiés, mais plutôt de réflexions inspirées par cette entreprise. Les observations de Villeneuve, qui suivent immédiatement les trois textes ont surtout pour objet de marquer les différences entre les trois « dialectes » représentés par les paraboles : Aix, Arles et Marseille. D’un point de vue historique d’abord : celui d’Aix qui serait du « roman ligurien » (?), selon les chartes du xe et du xie siècles, et qui ensuite aurait reçu les influences successives du catalan, de l’italien et du français ; celui d’Arles, qui a gardé de grandes affinités avec le latin ; celui de Marseille enfin, né de la « corruption » de l’idiome vulgaire, sous l’effet du commerce, qui garda pendant longtemps la marque du type grec dans le quartier Saint-Jean. Il est évident que ces considérations très générales, même si elles s’inscrivent dans le cadre des trois paraboles choisies et rappellent même une particularité du choix des correspondants de Coquebert de Montbret : le quartier Saint-Jean, ne peuvent en aucune façon être tirées d’un examen des textes publiés.
25Dans la deuxième partie de ces observations, Villeneuve analyse quelques particularités linguistiques des dialectes actuels. Il semble vouloir s’appuyer sur les textes pour ce qui est du vocabulaire, mais il est très laconique : « On peut juger de la différence des mots par la comparaison de la parabole de l’Enfant prodigue que nous avons donnée dans les trois dialectes… ». C’est tout. À propos de la phonétique, la « prononciation », Villeneuve en dit bien plus, mais les exemples qu’il donne ne proviennent pas des textes publiés : par exemple, Crau, ooulivo, ooumeletto, chin… et il lui arrive aussi de se référer à la Haute-Provence, qui n’est pas représentée dans le choix des textes. Cela étant dit, il a su noter des traits phonétiques caractéristiques du provençal dans son ensemble, comme les diphtongues : aou, oou fréquent, dit-il, « au commencement des mots », par exemple dans ooulivo, ooumeletto. Mais surtout il s’attache à quelques spécificités de ses trois dialectes, en essayant de les décrire tant bien que mal et de les expliquer parfois par l’histoire du peuplement. Par exemple la voyelle finale correspondant à « l’e muet final du français », qui est o à Aix et Marseille, mais ou à Arles (et là la version d’Arles l’atteste bien) et a en Haute-Provence. Ou encore la prononciation de ch, qui en provençal est comme en espagnol, « ce qui est un reste du catalan », dit-il, mais qui à Marseille et dans la vallée de l’Huveaune se rapprocherait du jym arabe « prononcé fortement » et donc viendrait de l’arabe. Pour g devant e et i, c’est une situation semblable : prononciation générale comme en italien, mais « plus forte » à Marseille. Le j des mots tels que jamai, jour répond là encore à un son des Arabes, le jym, à Marseille. La consonne r est grasseyée par les Provençaux, « d’une manière moins forte qu’à Paris », mais on la « frise » fortement en Haute-Provence et « à Aix on la grasseye plus faiblement qu’à Marseille » et « à Arles on la confond quelquefois avec les deux ll mouillés » (Mouriès prononcé Mouye).
26Les observations linguistiques de Delacroix précèdent les versions de la parabole et n’ont pas de rapport formel avec elles, si ce n’est un Nota de trois lignes qui suit la version de Valence et concerne la prononciation des voyelles e et i suivies de n « dans le patois de Valence » : en et non an, in comme dans in latin et non ein, alors que cette remarque devrait être faite également et à plus forte raison pour les versions de Die et de Nyons. Delacroix est en fait beaucoup moins intéressé par les spécificités proprement linguistiques que par les variations sociales, relevant de la sociolinguistique, comme nous dirions aujourd’hui et par la question des limites sur le terrain entre les variétés, qui relève de ce que nous appelons la géolinguistique. Il observe que la prononciation varie d’un canton à l’autre ou même « d’un village au hameau voisin », mais aussi qu’à l’intérieur d’une commune elle pourra être dépendante du degré d’homogénéité sociale de la commune : « Dans une même ville, les gens du peuple qui habitent les lieux fréquentés par les étrangers et la bourgeoisie, ont une prononciation et même des termes qui diffèrent du langage usité entre les cultivateurs et les ouvriers relégués dans des quartiers habités par eux seuls ». Il est évident que le langage des « étrangers » et de la « bourgeoisie » dont il s’agit dans cette phrase est le français et que par conséquent ce sont les interférences avec le français qui marqueront le patois des villes par rapport au patois des champs.
27Les limites sur le terrain, Delacroix les établit avec une étonnante précision. Il a bien vu une réalité que les enquêtes modernes ont confirmée19 : une sorte de ligne de démarcation entre une Drôme du sud et une Drôme du nord qui commence à Montélimar et qui se poursuit vers l’est en passant par Bourdeaux, La Motte Chalancon, Valdrôme et au-delà de la limite départementale passe par Serres, Sisteron, Digne, Grasse, mais traverse aussi le Rhône du côté de l’ouest. Pour ce qui est de la Drôme, Delacroix considère que, « malgré les nuances d’une commune à l’autre, c’est toujours le même patois depuis Montélimar jusqu’à Marseille et jusqu’à Montpellier », ce qui évidemment serait à nuancer, mais exprime bien l’appartenance de la partie sud du département à un ensemble provençal cohérent, la moitié nord étant effectivement marquée par une perte progressive de traits spécifiques de la langue d’oc : « en remontant vers le nord il [le patois] va se dénaturant ». Et son affirmation selon laquelle un habitant de Montélimar aurait bien du mal à soutenir une conversation en patois avec un cultivateur de Romans peut être vérifiée à l’époque moderne.
Conclusions
28Dans le domaine du langage la Statistique de Villeneuve, comme d’autres statistiques de la même époque, a quelque chose de déconcertant. Elle s’inscrit d’abord bien dans les débats de son temps sur la relation entre le français et les langues que nous appelons régionales. Et de ce point de vue-là Villeneuve, comme beaucoup d’autres à cette époque, est pris dans une contradiction ou plutôt une tension très significative entre la volonté de promouvoir la langue nationale, qui a du mal à se généraliser sur l’ensemble du territoire, et une attitude complexe constituée à la fois d’un attachement réel au patois local, familial et patrimonial et du sentiment très vif d’une injustice faite à la langue des pères, qui l’engage dans une grande entreprise de revalorisation de cette langue, dans ses origines et son histoire particulièrement.
29Mais par ailleurs Villeneuve, comme Delacroix, s’inscrit dans le courant bien connu de l’histoire des langues romanes qui a commencé à s’affirmer au xviiie siècle et va se développer pendant tout le xixe siècle, grâce à des érudits et un peu plus tard des philologues et linguistes. Il est évidemment tributaire des idées et des connaissances de son temps qu’il serait trop facile de critiquer. Mais, comme l’avait bien vu Jean Stéfanini pour le xviiie siècle, ces esprits éclairés, malgré leurs approximations et leurs préjugés, ont ouvert la voie aux études comparatives à caractère scientifique qui feront naître la philologie romane, quelques années seulement après la publication des statistiques, la première étant celle de Friedrich Diez, Grammatik der romanischen Sprachen, parue à Bonn, en trois volumes, de 1836 à 184320. On peut même dire que l’apport de Villeneuve, comme de Delacroix, va au-delà de cette contribution à la naissance de la philologie romane. En observant sur le terrain les réalisations de la langue parlée, en s’efforçant de décrire les principales caractéristiques de la prononciation, en parlant des patois et pas seulement de la langue, ces auteurs préfigurent la dialectologie qui naîtra vraiment comme science dans les dernières années du xixe siècle. Même s’ils ne commentent pas les traductions de la Parabole de l’Enfant Prodigue, ils participent du mouvement très novateur qui les a produites. C’est dire l’intérêt que peut porter un lecteur moderne aux observations sur le langage présentées par les auteurs des Statistiques et particulièrement par le comte de Villeneuve.
Notes de bas de page
1 François Gasnault, Pierre Gombert, Félix Laffé et Jacqueline Ursch, dir., Récits de fête en Provence au xixe siècle. Le préfet statisticien et les maires ethnographes, Marseille-Milan, Archives départementales-Silvana Éditoriale, 2010.
2 Jean-Joseph-Maxime Féraud, Histoire, géographie et statistique du département des Basses-Alpes, Digne, Vial, 1861. Jacques Rivoire, Statistique du département du Gard, Nîmes, Ballivet et Fabre, 1842, 2 vol. C.-N., Noyon, Statistique du département du Var, Draguignan, impr. de Bernard, 1838 et rééd, 1846.
3 Hippolyte, Creuzé de Lesser, Statistique du département de l’Hérault, Montpellier, impr. d’A. Ricard, 1824. M. Delacroix, Essai sur la statistique, l’histoire et les antiquités du département de la Drôme, Valence, impr. J. Montal, 1817 et, Statistique du département de la Drôme, nouvelle édition, Valence-Paris, impr. Borel, Marc Aurel frères et F. Didot, 1835.
4 Nous ignorons quel collaborateur du préfet a préparé ces pages. Aussi désignerai-je l’auteur par Villeneuve d’autant qu’il semble avoir suivi avec beaucoup d’attention la rédaction de l’ouvrage.
5 Le comte [Christophe] de Villeneuve-[Bargemont], Statistique du département des Bouches-du-Rhône avec atlas, dédiée au Roi, tome troisième, Marseille, impr. A. Ricard, 1826.
6 Villeneuve-[Bargemont], op. cit., t. I, 1821, p. XXVI.
7 Jean-Claude Bouvier, « Les Français et leurs langues. Approches érudites et scientifiques », dans Les Français et leurs langues. Actes du colloque de Montpellier, septembre 1988, Aix-en-Provence, PUP, 1991, p. 277-289 et Jean-Claude Bouvier, « Identité provençale et représentations de la langue d’oc dans quelques dictionnaires provençaux des xviiie et xixe siècles », dans J.-C. Bouvier et J.-N. Pelen dir., Récits d’Occitanie. Actes du colloque d’Aix-en-Provence, 4-5 mai 2001, Aix-en-Provence, PUP, 2005, p. 131-140. Brigitte Schlieben-Lange, « Préhistoire de la romanistique : la contribution des Méridionaux avant Raynouard », dans Lengas, revue de sociolinguistique, « La contribution des Méridionaux aux premières études de linguistique romane », no 42, 1997, p. 27-43.
8 Jean Stéfanini, Un provençaliste marseillais – L’abbé Féraud (1725-1807), Aix-en-Provence-Gap, PUP-Ophrys, 1969, p. 244-277.
9 François Raynouard, Lexique roman (ou dictionnaire de la langue des troubadours comparée avec les autres langues de l’Europe latine), Paris, Crapelet, 1836-1845, 3 vol., t. I, Introduction
10 François Raynouard, Choix de poésies originales des troubadours, vol. 1 : Les preuves historiques de l’ancienneté de la Langue romane, Paris, Didot, 1816, p. XXV.
11 François Raynouard, Choix de poésies originales des troubadours, vol. 6 : Grammaire comparée des langues de l’Europe latine, Paris, Didot, 1821, p. III.
12 H. Creuzé de Lesser, op. cit., p. 201. C.-N. Noyon, op. cit., p. 205.
13 J. Stéfanini, op. cit., p. 250-252.
14 Walther von Wartburg, Von Sprache und Mensch, « Die griechische Kolonisation in Südgallien und ihre sprachlichen Zeugen im Westromanischen (leicht umgearbeitete und vermehrte Neuausgabe von Nr 335 der Bibliographie », Bern, Francke Verlag, 1956, p. 61-126 et Évolution et structure de la langue française, 6e éd. (1re édit. 1934), Bern, Francke Verlag, 1962.
15 Michel de Certeau, Dominique Julia, Jacques Revel, Une politique de la langue. La Révolution française et les patois. L’enquête de Grégoire, Paris, Gallimard, 1975.
16 Ferdinand Brunot, Histoire de la langue française, t. IX, Paris, A. Colin, 1927, p. 525-599. Marie-Rose Simoni-Aurembou, « L’enquête de 1806 sur la parabole de l’Enfant prodigue », dans Qui vive international, no 5, 1987, p. 45-47, « La couverture géographique de l’Empire français : l’enquête de la parabole de l’Enfant prodigue », dans Espaces romans, études de dialectologie offertes à Gaston Tuaillon, vol. II, Ellug, université Stendhal, 1989, p. 114-139 et « Les noms de l’Enfant prodigue… », art. cit., 1991.
17 Marie-Rose Simoni-Aurembou, art. cit., 1991, p. 504.
18 J.C.F. Ladoucette, Histoire, topographie, antiquités, usages, dialectes des Hautes-Alpes, Paris, Gide, 1848, p. 480-512.
19 Jean-Claude Bouvier, Les parlers provençaux de la Drôme - Étude de géographie phonétique, Paris, Klincksieck, 1976.
20 J. Stéfanini, op. cit., p. 277.
Auteur
Aix Marseille Université - CNRS, UMR 7303 Telemme
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