Lancelot entre nu et vêtu dans le Lancelot en prose
p. 87-103
Texte intégral
1Ecrire, en se fondant sur sa garde-robe, la biographie d’un chevalier qui fréquenta assidûment une cour royale et ne dut qu’à sa volonté de ne pas régner lui-même avant de finir ermite et prêtre paraît possible ; mais le propos se complique à partir du moment où cette personne supposée est, en « réalité », un personnage littéraire – Lancelot, le héros-titre du cycle romanesque en prose1 qui soit servir de base à notre étude. Son extension chronologique (Lancelot, tout jeune « valés » d’environ deux ans et demi2 au début de l’histoire, meurt à près de soixante ans à sa fin) est riche de possibilités. Mais la matière peut s’enrichir ou s’appauvrir selon que l’auteur s’attache ou non à décrire les vêtements, selon qu’il en fait ou non un élément important de la caractérisation sociale et – pourquoi pas ? – individuelle, selon qu’il leur confère les rôles reconnus par l’usage du temps ou qu’il les utilise autrement (contre-emploi, symboles, ou ornements rhétoriques de description...).
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2Dès sa naissance, le bébé médiéval est drapé de la tête aux pieds dans une ou deux pièces de tissu repliées sur la poitrine ; ce maillot est maintenu ajusté par d’étroites bandes de lin ou de chanvre ou par des galons3. C’est dans ce vêtement qu’est représenté Lancelot lors de sa première apparition dans le roman, lors de son enlèvement par la fée Niniène, sous les yeux de sa mère ; ou plutôt, ce vêtement, on le lui a enlevé :
... si voit son fil hors del bercheul tout desliié et voit une damoisele qui le tenoit tout nu en son giron et l’estraint et serre moult durement entre ses mameles et li baise les iex et la bouce menuement.
(L., t. 7, p. 27)
3L’enfant, nu comme il l’était au moment de sa naissance biologique, est ainsi re-mis au monde par sa deuxième mère, celle qui se chargera de sa « norreture » ; et le texte insiste précisément à la fois sur cette force particulière du lien unissant la mère à son enfant et sur le fait, pourtant, qu’un amour de « norreture » peut le reproduire :
... ele le gardoit plus doucement que nule autre feme ne pooit faire, qui porté ne l’eust en son ventre.
(L., t. 7, p. 43)
4Enfant et adolescent au lac, il portera le vert qui est bien la couleur de son âge4 mais qui fait aussi de lui, jeune chasseur, un puer silvaticus, vert de nature comme la forêt où il s’active et comme les feuilles dont il enguirlande sa tête :
... si sambloit bien hom qui de bois venist, car il avoit le cote de bois vestue, courte a mesure et de verde color, un capelet de feuilles en sa teste por la caure...
(L., t. 7, p. 244-245)
5Parfois aussi, un « capelet » d’une autre sorte le met en relation avec cet Autre monde où s’exerce la magie christianisée de sa fée-marraine :
... ne fu nul jor, fust estés ou ivers, qu’il n’eust au matin .I. capel de roses fresches et vermeilles sor ses chevex, ja si matin ne se levast, fors seulement au venredi et as veilles de hautes festes et tant comme quaresme durast.
(L., t. 7, p. 188)
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6Lancelot entre peu après dans le monde des adultes où il portera, (presque) jusqu’à la fin de sa vie de personnage, le costume de chevalier dont Niniène lui aura détaillé la symbolique (t. 7, p. 250-53) avant de lui en faire endosser – en blanc uni – son premier avatar (L., t. 7, p. 259).
7L’équipement du chevalier est à la fois un révélateur et un masque. Il annonce comme tel celui qui le porte, mais en dissimulant son identité personnelle. Or, le chevalier errant, quand il est en aventure ou en quête, chevauche tout le long du jour armé de pied en cap. Il faut, par exemple, qu’au partir de Kamaalot, Lancelot ait « la ventaille abatue sor les espaules » (t. 7, p. 285) pour que les dames puissent l’admirer ; il devra ailleurs enlever son heaume sous lequel même son ami Galehaut ne peut l’identifier (t. 8, p. 478) pour se faire reconnaître du roi Arthur (t. 4, p. 390).
8Les « connoissances » que les chevaliers arborent sur leurs écus, leurs vêtements et les caparaçons de leurs chevaux tendent à pallier cet anonymat. Personnelles et non encore familiales, elles apportent des éléments d’information sur celui qui les porte.
9Une couleur unie est d’usage (dans le Lancelot) pendant un an pour les nouveaux chevaliers (L., t. 8, p. 194) et le blanc est alors la plus utilisée : Lancelot ne fait donc que se conformer en cela à la règle en devenant celui que tous ceux qui ignorent son nom (mais aussi l’auteur) appelleront parallèlement « li nouviax chevaliers » ou « li Mans chevaliers5 », en attendant que l’histoire de sa chevalerie s’inscrive sur ses armes et que son nom soit, d’autre part, connu de lui et de la cour. Le premier point est vite acquis et le héros n’attendra pas un an pour que des « connoissances » le caractérisent : ce seront les barres « vermeilles de bellic », au nombre d’une à trois, que porteront les trois écus magiques qui l’aideront à triompher à la Douloureuse Garde. Et il les portera alternativement dans les épisodes suivants (t. 7, p. 350-352, 360, 365, 367, 371, 379) tout en demeurant chevalier blanc par la couleur dominante de ses armes. Bien plus loin dans le roman, elles lui resteront attachées : quand il enverra le corps de Galehaut à la Douloureuse Garde, il se donnera comme « cil qui ot les armes blanches le jor que li chastels fu conquis » (t. 2, p. 217).
10Mais où les choses se compliquent, c’est que l’usage des armes est, en fait, entièrement libre. Si les jeunes chevaliers arborent coutumièrement une couleur unie, d’autres chevaliers peuvent le faire, voire, certains d’entre eux, pour faire croire qu’ils sont de jeunes chevaliers. De plus, les armes d’un chevalier varient à sa convenance. Si les écus à barre(s), souvenir de la Douloureuse Garde, demeurent la marque héraldique de Lancelot, il n’en a pas le monopole et choisit lui-même souvent d’autres combinaisons de meubles et de couleurs. De chevalier blanc qu’il était au départ, il se fera peu après chevalier vermeil (t. 7, p. 387 sq. ; t. 8, p. 9-12, 30, 42, etc..) puis chevalier noir (t. 8, p. 46, 92-95). Entre temps, non content de chevaucher écu couvert (t. 7, p. 412) – ce qui permet de dissimuler son identité en dehors du combat –, il brouillera sa piste (laise... l’escu as .III. bendes car il ne voloit estre coneus) en s’en faisant faire un « de sinople a une bende blance de bellic » (p. 379 et 383) auquel succèderont un écu blanc à barre noire (t. 7, p. 424-426) et un « viex escus enfumés » (p. 445). On peut aussi emprunter les armes d’un autre chevalier : Lancelot en chevalier noir combat pour Arthur – quand Galehaut l’emmène avec lui, ceux qui sont dans la confidence du « fil a la bele jaiande » « le connurent bien a ses armes » (t. 8, p. 77) ; mais le lendemain, le chevalier noir qui a changé de camp a aussi revêtu les armes de Galehaut. Tous s’y trompent sauf l’expérimenté Gauvain (t. 8, p. 83).
11On comprend que tout cela, que nous n’avons même pas suivi dans le détail, soit assez compliqué à débrouiller : il faudra trois pages à Guenièvre (t. 8, p. 105-108) — ou plutôt à l’auteur – pour interroger le héros sur les vêtements successifs qu’il a endossés et pour le faire convenir que c’est lui seul qui les a tous portés.
12Le vêtement du chevalier le couvre donc au double sens du terme : ce faisant, il le protège6 (pour le meilleur) et le masque (c’est souvent pour le pire, même si le pire n’est pas toujours sûr) : il ne donne accès qu’à une identité problématique ; permettant l’incognito, il est lié au quiproquo ; et, dans l’un et l’autre cas, à la tromperie et au mensonge. Cela est vrai de tous les vêtements7, mais est particulièrement notable avec le costume de celui qui incarne un idéal de combat loyal et de fidélité à la parole donnée. Si le chevalier est celui dont par excellence « le oui doit être oui, et le non doit être non » (Matth.,V, 37), s’il porte – haubert, heaume, écu, etc. – un vêtement dont toutes les pièces renvoient symboliquement à sa fonction de juste recteur du monde, il y a une subversion choquante à ce que celles-ci lui servent au contraire de leurre.
13A Meliadus le Noir qui lui demande son nom, Lancelot réplique :
« Mes armes devises a cort et l’en le vos dira bien ».
(L., t. 2, p. 122)
14C’est ce qui s’avérera en effet (p. 132) ; mais en quoi les armes arborées par le chevalier témoignent-elles nécessairement d’une identité authentique alors qu’il en change si souvent pour se dissimuler (et garder l’incognito) ou, en un jeu plus complexe, pour égarer certains mais se révéler à d’autres ? On voit par exemple le héros changer d’armes pour ne pas être reconnu à un tournoi, tout en ayant fait savoir à la reine, et à elle seule, lesquelles il portera (t. 4, p. 352-354) ; pour elle, il y sera Lancelot, pour les autres « li vermaus chevaliers » (p. 361). Mais un mensonge se suffit rarement à lui-même : pour maintenir son anonymat, Lancelot est amené à désigner Bohort comme ayant été le porteur de ces armes vermeilles (p. 383) ; le silence de celui-ci cautionne (on ne saurait écrire « authentifie » !) le mensonge de son cousin dont il se fait ainsi le complice : la corruption est contagieuse ; on ne fait pas sa part au mensonge.
15Dans la Mort Artu, des armes changées font qu’au tournoi de Wincestre Bohort et Lancelot ne se reconnaissent pas et s’affrontent (p. 18-19) ; aussi, plus loin dans le roman, Lancelot aura soin d’annoncer à son cousin quelles armes il compte porter à la prochaine « assemblée » afin que, cette fois, ils ne risquent pas de commettre la même méprise (p. 78)8.
16Dans le cas le plus bénin, suivre Lancelot à la trace devient une sorte de jeu de piste pour les autres personnages et pour le lecteur : dans le tome 5 (p. 81 sq.), on le suit ainsi à la description de ses armes jusqu’au moment où il se dérobe, en prenant d’autres (p. 227-228), avant qu’on finisse, malgré tout, par l’identifier (p. 247).
17Cela peut donner lieu à des méprises au départ comiques9, mais, plus souvent, elles sont d’emblée placées sous le signe de la douleur, témoignant d’un désordre ou le créant.
18Guenièvre voit passer un chevalier portant à l’arçon de sa selle une tête dont les blonds cheveux frisés lui rappellent d’autant mieux ceux de Lancelot que son écu est aussi porté par le cavalier (t. 2, p. 308-310). Son deuil ne sera que bien plus tard rasséréné.
19La ceinture donnée par la reine à Lancelot, puis remise par celui-ci à une jeune fille (t. 4, p. 159) en témoignage d’un amour qui excepte celui qu’il porte à Guenièvre suscite au contraire sa jalousie quand elle la voit portée par la demoiselle (t. 4, p. 354). En ce cas, une entrevue entre les deux femmes fait éclater la vérité, mais c’est un nœud de vipères de mortelle morsure que noue, dans la Mort Artu, la manche de la demoiselle d’Escalot (MA, p. 8, 14-16, 18-19, 28 et 30-36).
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20Si le mensonge implique l’intention de tromper, il est évident que le terme ne peut convenir au vêtement mais seulement, le cas échéant, à celui qui l’endosse. Ne serait-il pas plus juste de dire qu’il ne donne jamais à connaître qu’une apparence ou, au mieux, une vérité temporaire, et qu’il est étranger à l’être de celui qui le porte ?
21Vérité temporaire. Il n’y a pas de chevalier qui change plus souvent d’armes que Lancelot. Au début de sa chevalerie (L., t. 7, p. 300 sq.), il passe par les trois couleurs fondamentales du prisme chromatique du cycle ; il est successivement chevalier blanc, chevalier vermeil (rouge), chevalier noir – avec toutes les variantes annexes de barres en nombre et couleurs différentes que l’on voudra. On peut dire qu’est ainsi exprimée la richesse du personnage qui totalise en sa personne toutes les possibilités héroïques, avec sa qualité de meilleur chevalier du monde, – aucun autre ne porte autant de couleurs que lui, et lui les épuise toutes. Mais cette variété rencontre deux limites. Que faire après être passé par toutes les combinaisons des métaux et des émaux ? La MA nous le montre tentant de remonter à la source : il y porte à nouveau l’écu unicolore et sans « connoissance » du jeune chevalier ; il y arbore le vermeil, puis annonce qu’il portera le blanc « sanz autre taint » (p. 76) – mais ce projet n’aboutira pas exactement : les armes qu’il se fait faire sont bien blanches mais « a trois bendes de bellic vermeilles » (p. 78) ; puis, quand il vient défendre Guenièvre contre le frère de Mador de la Porte, il porte « une armes blanches et ot en son escu une bende de bellic de synople » (p. 103). Cela suffit peut-être pour que Bohort le reconnaisse (se rappelant les écus de la Douloureuse Garde), mais non pour « recomencer novele estoire ». Lancelot ne redeviendra pas le Blanc Chevalier. D’autre part, si, multicolore, il est le meilleur chevalier du monde, l’alliance du blanc et du vermeil portée avec continuité désigne mieux Galaad pour être « Li Bons Chevaliers », le meilleur du monde sans restriction de temps ni d’espace, ni d’espèce : il est le seul à être doué de cette simplicité, de cette permanence dont la perfection définit Dieu.
22L’apparence et non pas l’être. Si la couleur des armes sur les vêtements et les écus change, la prouesse de Lancelot reste la même. C’est à elle que l’œil attentif le reconnaît finalement au tournoi où il combat au pire (L., t. 2, p. 99) comme à Wincestre où Gaheriet a seulement le tort de n’en pas croire ses yeux (MA, p. 18). A Guenièvre déclarant à Bohort que la manche arborée par Lancelot dit « la verité de vostre cousins... il ainme par amors une damoisele », celui-ci réplique :
... « mes sire est de si haut cuer que il ne le daigneroit pas fere ».
(MA, p. 37)
23Ce n’est sans doute pas un hasard si ce discours sur la distance qui sépare l’être de l’apparence est placé dans la bouche de ce même Bohort qui avait démystifié la charrette-pilori (L., t. 2, p. 86-89) en y montant de son propre gré avant d’abattre sans presque coup férir les meilleurs chevaliers de la cour.
24Un autre passage fait apparaître, très différemment, le même écart et il nous servira aussi de transition pour passer de l’étude des vêtements de Lancelot à celle de sa nudité. Plongé dans une de ses crises de folie, il trouve refuge à Corbenyc. Il y arrive « touz nuz piez et mal vestuz » (t. 6, p. 219) et « le revestirent de lor viez robes li serjant de leanz » (p. 220), ce qui ne le fait guère remarquer et ne lui rend pas la santé de l’esprit. Mais qu’un jeune chevalier lui fasse cadeau de ses vêtements (p. 220-21), la perception qu’on a de lui change : on le plaint et il est vu comme « prodom et biauz hom, car trop le resambloit bien »... mais n’en est pas guéri pour autant. Ce passage montre bien l’ambiguïté du vêtement : vêtu de haillons, de vêtements modestes ou de façon conforme à son état, Lancelot est différemment regardé ; les beaux vêtements aident (certains de) ceux qui portent les yeux sur lui à le percevoir pour ce qu’il est ; mais, quels que soient ses vêtements, il demeure le même, « prodom » et « fox », – pour le ramener à la raison, il faudra une intervention divine10.
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25Est-ce à dire que le corps nu serait plus chargé de vérité que le corps vêtu ? La QSG rappelle (p. 211) que, dès leur création, Adam et Eve avaient un corps qui « formé de si vil matiere come limon ne puet estre de tres grant neteé » et que le péché originel, les privant de la dimension spirituelle de leur être qui leur conférait l’immortalité, ils se découvrent alors « charnel et nu » :
... si fu li uns de l’autre vergondeus... Lors couvri chascuns d’aus les plus ledes parties de sus lui de ses deus paumes.
(QSG, p. 211)
26C’est donc à une appréhension dégradée de lui-même que la découverte de son propre corps amène l’homme pécheur ; il ne retrouve en partie sa dignité qu’en couvrant son corps terreux – « terrien » aurait pu écrire notre auteur. Les scènes de nudité présentes dans le cycle sont-elles toutes marquées de cette représentation ?
27Notons d’abord qu’elles sont peu nombreuses. Le Lancelot ne se démarque pas en la matière d’un temps qui ne peint guère la nudité que pour signifier l’innocence originelle du couple initial et qui ne représente encore qu’emmailloté même l’enfant Jésus11. A cet égard, la scène où Lancelot figure nu dans les bras de Niniène est exceptionnelle dans la littérature de l’époque et elle ne « passe » sans doute que parce qu’elle est une scène de renaissance.
28Le nombre et la violence des combats, la précision avec laquelle sont décrits les coups portés, la mention de nombreuses et graves blessures reçues par les adversaires aux prises pourraient faire attendre la description des corps sanglants. Il n’en est à peu près rien et ce n’est pas sa condition de héros du cycle qui vaudrait en cela à Lancelot un traitement particulier12. Dira-t-on que, si le heaume peut cacher les larmes (MA, p. 257), le haubert, même démaillé et rompu, jouerait le même rôle pour le sang ? Sans doute, mais ce plat réalisme n’est pas une explication suffisante, car il achoppe à justifier la même discrétion mise à évoquer le corps du blessé sous l’œil et entre les mains du médecin qui le traite – et ces scènes se comptent par dizaines dans le Lancelot13.
29La scène médicale est, de façon générale, à la fois précise et allusive. Précise en ce qu’elle décrit le comportement du « mire » qui examine les plaies avant de les panser, les oignant aussi de quelque pommade. Allusive en ce que le corps du blessé est si bien – et paradoxalement – éludé qu’on ne sait même pas, le plus souvent, quelle partie du corps est traitée, alors que l’action du soignant suppose la considération d’un corps mis à nu14.
30Le romancier répugne à montrer trop visiblement le corps héroïque du guerrier atteint et dégradé par les coups reçus. Son réalisme va jusqu’à évoquer les soins nécessaires et à estimer le temps pris par le rétablissement ; il ne va pas jusqu’à détailler la tuméfaction des chairs ou la béance de plaies qui ne semblent d’ailleurs même plus saigner quand on les examine ; s’il les mentionne, c’est de façon presque abstraite, renvoyant à la généralité du corps ou de blessures non situées.
31Même lorsque la valeur du chevalier n’est plus en cause, par exemple dans des scènes de maladie, si l’auteur se donne plus de liberté15, l’évocation de la nudité demeure discrète. C’est qu’elle trouble et il ne s’agit pas nécessairement d’une pudeur sexuelle ni d’une réflexion religieuse sur le corps pécheur, réellement ou symboliquement.
32Dans une séquence du t. 4, Lancelot est arraché par une jeune fille à une prison dont il sort en triste état vestimentaire : il est « touz nuz fors de ses braies » (p. 301). La demoiselle lui procure de nouveaux vêtements : il est certain que, pieds nus et sans autre vêtement qu’un caleçon, Lancelot n’irait pas loin et serait vite retrouvé et repris par ses geôliers. Mais, précisément, cela va de soi. Il me semble alors que l’insistance mise dans la précision (« .I. robe de samit vermeil, cote et mantel », p. 308), le choix de ce tissu luxueux et de cette couleur éclatante – peu en accord, pour le coup, avec une situation de fugitif – traduisent et apaisent une autre inquiétude : celle de la dégradation qui menace l’homme quand il n’est plus situé par ses vêtements dans la hiérarchie sociale et, à son degré ultime, celle de l’ensauvagement de l’homme nu.
33Les crises de folie frénétique que connaît Lancelot le montrent bien. Un premier degré en est le délaissement du costume social, ici, celui de chevalier. Rendu « tos desveés » (L., t. 1, p. 387) par son ignorance de ce qu’est devenu Galehaut, le héros sombre dans la mélancolie ; une nuit, il quitte le château du Sorelois où il était hébergé dans la société de ses semblables guerriers et il part, n’emportant avec lui « que sa cote et sa chemise et ses braies » ; il s’abrite en forêt mais sans avoir le temps d’y régresser davantage car Niniène l’en tire et le guérit : pour le renvoyer dans son monde, elle n’aura qu’à lui donner « cheval et armes » (t. 2, p. 1).
34C’est une étape plus avancée, tendant à la déshumanisation du personnage, que représente le rêve prémonitoire et topique de la reine Guenièvre (t. 4, p. 119) : elle y voit un Lancelot d’abord somptueusement habillé s’enfuir ensuite « toz nuz en braies et en chemise et devenoit fors dou sens » : cette fois, il n’est plus question de « cote ». Lorsque ce songe s’avère (t. 6, p. 175 sq.), le personnage « s’en vait einsi com il estoit sanz vesteure nule » (p. 176) – mais il faut toujours entendre par là « en braies et en chemise » (p. 178). Lancelot continue d’aller « si come aventure le portoit » (p. 207), mais « tout a pié » ; le heaume ne protège plus son visage... du soleil : il devient donc « noirs del souleil et del halle » ; il n’a toujours comme vêtements que les braies et la chemise portées au départ, mais, le temps passant, la chemise est toute « depecie » (p. 207). Le chevalier qui le recueille est, lui, « chauciez d’unes hueses et vestuz de robe d’escarlate forree richement » (p. 208). Lancelot a perdu « le sans et la memoire qu’il soloit avoir » (p. 207) : ne faut-il pas être fou pour aller ainsi (dé) vêtu en plein hiver : « et il aloit nuz piez et an chemise et sanz cheval » (id). Dans le récit de l’hôte à son frère sur celui qu’il a emmené chez lui, les vêtements ont leur rôle :
Si li conte conment.I. hom touz fors del sens iert cele part venuz nuz et despris et el plus povre habit que onques veist home...
(L.,t. 6, p. 211)
35Dans les soins qui lui sont prodigués afin de le ramener à la raison, ils l’y ont aussi (« il li quistrent robe bele et riche », p. 212), mais cela ne guérit pas pour autant Lancelot qui fuit à nouveau la compagnie des hommes. Des mains de son semblable chevalier il passe dans celles de l’homme de Dieu, un ermite qui ne sera pas plus efficace malgré de charitables efforts16 ; l’auteur explique cet insuccès par la nourriture insuffisante (« povre viande qu’il n’avoit mie acoutumee » : le chevalier n’est donc pas mort en lui), mais il ajoute cette remarque : « fu pales et foibles » (cela se comprend) « et mal vestuz... touz nuz et mal vestuz » (p. 219) : pour le coup, cela se comprend moins bien (il n’est pas dit que la pauvreté de l’ermite est trop grande pour lui permettre de fournir un vêtement chaud à Lancelot) ; il faut sans doute entendre non pas que le héros reste fou faute de vêtement mais que cette nudité (partielle) est une marque de sa folie. Dans la suite de la séquence, vêtu des « viez robes » des « serjant » de Corbenyc puis du costume d’un nouvel adoubé, il retrouve la santé du corps avec l’apparence du « prodome » qu’il était dans le monde (p. 220-221), mais pas celle de l’esprit. Le vêtement ou son absence restent cantonnés, normalement, dans l’ordre du charnel.
36C’est donc en relation avec un corps ou un esprit malade que la nudité d’abord affleure. On l’y rencontre aussi, de façon attendue, mais restreinte, en relation avec un corps et/ou un cœur désirant.
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37D’être toujours couvert et presque toujours corseté, et comme métallisé sous les mailles et les plaques de l’armure, le corps, ou plutôt la moindre de ses parties, débarrassée de ce masque et de cette rigidité, est susceptible de recevoir une forte charge érotique : c’est à cette aune qu’il faut apprécier l’admiration des dames de Kamaalot quand elles voient passer Lancelot, vantail du heaume écarté (t. 7, p. 285), l’inamoramento de la jeune fille à la source devant son visage rendu éclatant par la chaleur du soleil et révélé :
... quant il ot son hiaume osté... fu de toutes biautez si garniz que nus ne poïst estre si biaux. Et par la grant biauté de lui le conmença a resgarder l’une des damoiseles...
(L.,t.4,p. 134)
38ou le baiser volé de Guenièvre :
Et quant Lancelos deut lachier son hiaume, la roine le prent entre ses bras, si le baise au plus doucement que ele puet, puis li lace ele meisme le hiaume...
(L., t. 8, p. 467)
39Quand la relation charnelle se réduit à un corps à corps sans cœur, plus ou moins contraint par la force des gestes ou de la magie, elle s’accompagne de ce qui est plus un débraillé des vêtements et une gesticulation des membres qu’une dénudation du corps.
40Morgue dépêche à Lancelot une de ses demoiselles pour le séduire. Celle-ci obtient de lui, à son corps et cœur défendants, qu’il partage son lit (L., t. 1, p. 322 sq.) ; elle le fait « desvestir », mais il garde sur lui « braies et chemise17 » tandis qu’elle-même ôte « tote sa robe fors sa chemise » par la force :
Lors le cuide prendre al nes, mes ele failli et sa mains s’en vient par la chevechaille de la chemise, si la fent tote jusqu’à la pointe.
(p. 323)
41Puis, feignant un évanouissement, elle profite du moment où il se penche vers elle pour l’embrasser malgré qu’il en ait :
... ele gete la boche, sel baisse et il est si anguoissos que par un poi qu’il n’enrage.
(p. 324)
42Bien qu’il en arrive à la menacer de son épée, elle s’efforce encore de le saisir dans ses bras, avant de renoncer18. S’il demeure indifférent à ces tentatives, c’est que, pour citer ses propres paroles19 :
... « nus fins amans ne porroit de son cors fauser a la rien del monde que il plus aime ne plus que il feroit de son cuer ».
(L.,t. l, p. 325)
43Quand « li cors » (« mi oil... mes oreilles ») et « li cuers » (« ma volentez... mes pensers20 ») concordent, c’est-à-dire dans les rencontres de Lancelot avec Guenièvre le traitement littéraire de la nudité est très différent.
44Il s’épure d’abord dans la rareté de ces scènes : l’errance du chevalier fait de la relation des deux amants une variante de l’« amor de lonh » ; des circonstances de l’intrigue, c’est-à-dire une intention de l’auteur, les séparent quand d’autres les ont d’abord conjoints : au pays de Gorre, l’enlèvement de Lancelot par les gens de Méléagant ne leur laissera que le temps d’un rendez-vous nocturne ; dans les périodes où ils vivent côte à côte, des barrières de chasteté s’élèvent entre eux – et ce sont parfois eux qui les dressent : en Sorelois où Galehaut donne asile à Guenièvre répudiée par Arthur – et accueille Lancelot –, elle demande à ce dernier de laisser à sa discrétion l’obtention du « sorplus » (L., t. 1, p. 152) et ne lui en soufflera jamais mot ; dans la MA, où, pourtant, l’amour jusque là mené « si sagement et si covertement » s’est mué en « fole amour » (p. 3), le séjour des deux amants réfugiés à la Joyeuse Garde sera l’occasion de parler de guerre et non d’amour nu (p. 137 sq.).
45Il se stylise dans la jonction des mains – cœur de la foi engagée et corps de la peau caressée. Première rencontre, au vu et au su de toute la cour :
Lors le prent la roine par le main, si li demande dont il est. Et quant il le senti, si tressaut tout autresi com s’il s’esveillast...
(L.,t. 7, p. 274)
46bientôt redoublée publiquement encore :
Atant le lieve la roine par le main sus et il est moult a aise, quant il sent a sa main touchier la soie toute nue.
(L., t. 7, p. 286)
47mais vécue aussi au secret du corps et du cœur. Au premier rendez-vous donné, « la roine prent le chevalier par la main et l’asiet devant li » (t. 8, p. 104) ; au second, « si le prent par le menton et le baise » (id., p. 115-116). C’est aussi au contact de sa main nue que Guenièvre reconnaîtra Lancelot – joie inversée en deuil – quand il sort du lit d’Amite :
... l’aert par le poing et conoist la main que ele ot maintes fois veue...
(L., t. 6, p. 175)
48Il s’emblématise par senhals interposés.
49Pour les deux amants avec l’écu parlant envoyé par la dame du lac et dont la fente qui sépare les deux personnages représente l’amour inaccomplie (t. 8, p. 206). C’est sur la peau peinte de l’écu que Guenièvre authentifiera, non, évidemment, l’accomplissement de l’acte amoureux, mais la plénitude de l’amour qu’il signifie :
Et endroit la mienuit se lieve la roine et vient a l’escu... si taste... si le trueve tout entier sans fendeure, si en est moult lie, car ore seit ele bien que c’est la miex amee de nule autre amie.
(L., t. 8, p. 444)
50Corps et cœur, ils ne sont plus qu’un (« ele ne voit mie comment ele s’en puist consievrer », p. 445).
51Pour Lancelot, ce seront le peigne et les cheveux de la reine21 :
... puis a levé le pan de son hauberc, si le (= le peigne) fiche en son sain et les chevels avec...
(L., t. 2, p. 28)
52Et la rose qui lui rend Guenièvre présente au jardin de Morgue. La scène transpose les données du rendez-vous nocturne au royaume de Gorre : ici, c’est Lancelot qui est retenu à l’intérieur et la reine-rose qui est à l’extérieur ; mais, pour la rejoindre, il doit semblablement arracher des barreaux de fer et il s’y blesse semblablement les doigts au sang (t. 5, p. 62) : ce rapprochement donne sa pleine signification amoureuse au geste qui s’ensuit :
... vet la ou il avoit veu la rose et la bese por l’amor de sa dame a cui ele resambloit ; si l’atouche a ses ieux et a sa bouche et la met en son sain emprès sa char.
(L.,t. 5, p. 62)
53Il ne s’agit pas seulement d’une commémoration mais d’une mimêsis.
54Pour Guenièvre, ce sera une statue de bois représentant un chevalier en armes que, dans un moment d’hallucination, elle prend pour Lancelot :
Lors se dresce en estant et gete sa chemise en son dos et li tant les braz. vait droit la ou ele voit l’ymage, si li gete les braz au col et fait autel feste come ele feist de celui por qui amor ele le faisoit. Et tant demora illuec que la pucele sa cousine s’esveillast et ouvri les iaux et vit la roine qui encor tenoit l’ymage acolee.
(L., t. 4, p. 120)
55Lorsque l’auteur n’use pas de ces objets-relais pour dire la conjonction des corps et des cœurs, son écriture récuse toute description et toute métaphore22 ; elle se fait d’une austérité abstraite qui hiératise les deux héros et impose un silence des mots qui les amuit aux regards et aux oreilles du lecteur :
.. si fu la joie assés grans qu’il s’entrefirent.
(L., t. 2, p. 7623)
Ainsi jurent toute la nuit ansamble et ot li uns de l’autre toute la joie qu’il avoient si longuement desirree...
(L.,t.4,p. 37924)
56C’est qu’on est dans l’ordre de ce qui ne peut être dit ni pensé, celui d’une connaissance révélée par la seule expérience. Certainement un ordre de la terre avec les connotations péjoratives que l’adjectif « terriens » porte dans tout le cycle : tout le long du Lancelot, le héros-titre est présenté comme un « home corrumpu » (t. 2, p. 36) à qui son amour-péché interdit d’avoir la révélation du Graal. Mais cet homme corrompu, conscient complice d’un adultère, est le père de Galaad. Et la joie de son amour qui trouve ses épiphanies dans la salle aux images peintes de sa main ou dans le couple figuré sur l’écu rejointoyé ne se laisse pas plus mettre en mots que celle de la vision divine.
*
57Après avoir, la majeure partie de son âge, porté uniquement le costume de chevalier, Lancelot le mâtine, un temps tôt refermé, de celui de pénitent25 en endossant la haire dans la Queste qui complexifie les valeurs du vêtement et de la nudité en jouant sur deux niveaux de sens.
58Au sens littéral du texte, Lancelot qui a péché charnellement est incité par un ermite à porter la haire, vêtement de pénitence qui, « aspre et poignant » (p. 129), châtie le corps et, pour éviter tout soupçon de vaine gloire, se dissimule avec une « robe de lin par desus et aprés robe d’escarlate » (p. 259).
59En un sens moral, le héros est dit « plus nuz…que figuiers » (p. 61). Si l’arbre de l’Evangile (Matth., 21, 18-22) n’était dépourvu que de fruits, Lancelot est aussi « desgarni de fueilles et de flors » (p. 70) : lui font défaut « bone pensee, bone volenté et bones oevres26 ».
60Un passage associe les deux niveaux de sens par le biais d’une « avision ». Hector y voit Lancelot chevauchant, abattu de son cheval par un homme qui lui ôte ses vêtements (p. 150) et le revêt d’une robe de « frangons ». Dans cet étrange costume piquant, on pense voir une image de la haire « aspre et poignant ». On n’a pas tort, mais ce n’est pas cette « senefance » que l’ermite herméneute lui prête exactement : selon lui, les vêtements sont les péchés de Lancelot qui l’empêchent de se voir tel qu’il est, c’est-à-dire « nuz des bones vertuz que crestiens doit avoir » (p. 158) ; en le dévêtant, l’homme (« ce fu Jhesucrist ») lui redonne une claire conscience de son état de pécheur.
61Le vêtement joue toujours son rôle de masque (il empêche de voir la vérité des êtres), mais la nudité est elle-même ambivalente : bonne en ce qu’elle est la vérité, mauvaise en ce qu’elle donne à voir la nature pécheresse et, singulièrement, celle de tel ou tel pécheur. Quant au vêtement de houx (« c’est la haire qui est aspres come frengons »), elle symbolise la « pacience » et l’« umilité » (p. 158). On comprend alors pourquoi l’ermite disait à lancelot :
« ... ja mes ne pecheroiz mortelment tant come vos l’aiez entor vos ».
(QSG, p. 129)
62S’il persiste à la porter après la fin de sa quête du Graal (QSG, p. 258-59), on peut penser que, de retour à Kamaalot, il a vite fait de l’ôter : témoin l’aveuglement que traduit sa « foie amour » (MA., p. 3) pour la reine, « pechié » jusque là mené « si sagement et si couvertement ».
63Enfin, Lancelot se fait ermite et prêtre (MA, p. 260) : il renonce donc à « sivre chevalerie et fere d’armes » comme il s’était déclaré encore incapable de le faire dans la QSG (p. 71). A cette occasion, il prend un nouvel habit, « les dras de religion », comme les désigne, mais ailleurs, le texte. On remarque en effet que le récit de sa conversion ne mentionne pas ce changement de « robe ». N’est-ce-pas que, selon l’inscription gravée sur la tombe qu’il partage avec Galehaut (MA, p. 262-63) — et ce partage est un argument de plus –, il demeure, avant et après tout, un chevalier ?
64Dans la mort charnelle, il ne retrouve pas la nudité de sa naissance. Comme pour tous les autres morts du cycle, il n’est pas fait mention d’un habillage funéraire du corps. Le cadavre est mis en bière puis transporté pour y être enseveli à la Joyeuse Garde apparemment dans les vêtements portés au moment où son âme se sépare de son corps – habit de religieux, donc (MA, p. 261-63). Est-ce ce même vêtement dont est « revêtue » son âme dans la vision de l’archevêque de Cantorbéry (p. 261) ? En tout cas, ce n’est qu’à la fin des temps que son corps ressuscitera nu, pour être revêtu d’une chair enfin glorifiée : il aura alors « lessé le terrien abit » pour « entrer dans la celestiel chevalerie » (QSG, p. 116).
*
65L’histoire de Lancelot peut donc bien se lire dans le port de ses vêtements successifs comme dans leur absence. Enfant re-né au lac, puer silvaticus, chevalier surtout (et la multiplicité de ses armes témoigne de celle de ses prouesses), pénitent dont la fuga mundi finale est un retour à Dieu. Il faudrait y ajouter les figures informées par la nudité : celles du malade, du fou, de l’amant.
66Cette histoire est authentique, mais elle pourrait ne pas l’être. Nous avons vu comment le chevalier joue des possibilités de son costume pour dissimuler son identité et comment, celui-ci peut nourrir malentendus et quiproquos. Il en est de même de l’habit religieux. On ne peut donc dire qu’on connaisse un homme à son vêtement ; il faut au contraire savoir ce qu’est l’homme pour en juger. Or, il n’y a que Dieu à connaître ces occulta cordis.
67La nudité apparaît, elle aussi, chargée de valeurs négatives ; elle est liée aux représentations de la maladie, de la folie et d’une sexualité pécheresse. L’auteur du Lancelot insinue une image de relations interpersonnelles débarrassées des contraintes par corps : Lancelot y goûtera avec la « loiale compaignie » qui l’allie à Galehaut ; mais il sera incapable de suivre l’exemple le plus proche qui lui en est proposé : celui de son aïeul le roi Lancelot et de son union spirituelle avec la femme du duc de la Blanche Garde (t. 5, p. 122 sq.). On peut voir là une des traces qui commencent, dès le Lancelot, d’ouvrir les voies de la quête du Graal. Une façon de se référer à l’Evangile dans sa représentation des hommes libérés, dans l’autre monde, de toutes attaches charnelles27. Un rêve platonicien (du Platon pour qui « le corps est un tombeau »). Un rêve, le conte le sait.
Notes de bas de page
1 Les éditions utilisées et citées sont les suivantes : Lancelot, éd. p. Al. Micha, 9 vol., Paris-Genève, 1978-1983 ; la Queste del Saint Graal, éd. p. A. Pauphilet, Paris, 1923 ; la Mort le roi Artu, éd. p. J. Frappier, Paris, 1934 (rééd. Genève, 1956). Nous utilisons, pour les désigner, les abréviations L., QSG et MA.
2 Il est présenté comme l’aîné de ses cousins Lionel et Bohort qui ont respectivement 21 et neuf mois (L., t. 7, p. 32).
3 Pour tout ce qui touche à l’enfant médiéval, voir P. Riché et D. Alexandre-Bidon, L’Enfance au Moyen Age, Paris, 1994 ; et en particulier : pour les vêtements du nourrisson, p. 65-66 ; pour des représentations du nourrisson emmailloté, p. 3, 8-9, 21, 60, 66, 74 et 75, etc. ; sur les étapes de l’enfance et les changements de costume qu’elles impliquent, p. 16.
4 Cf. P. Riche, ibid., p. 68.
5 Alibon, le chevalier du gué, le désigne comme « uns chevaliers a unes blanches armes et a un blanc cheval » (Z.., t. 7, p. 310). Pendant l’épisode de la Douloureuse Garde (t. 7, p. 335-386), il est constamment désigné ainsi.
6 En l’absence du haubert, un manteau y suffira (t. 2, p. 104-05).
7 Voir, par exemple, Lancelot déguisé en femme pour échapper à Méléagant (t. 2, p. 104-105).
8 Pour un autre exemple, voir L,., t. 8, p. 418.
9 Sur Lancelot revêtu des armes de Kex, voir t. 5, p. 285-286 : les pages suivantes font virer à l’aigre la plaisanterie quand Lancelot affronte plusieurs compagnons de la Table Ronde (p. 292-93). Le récit se poursuit encore (t. 6, p. 8-9). Sur l’héraldique arthurienne on verra G.J. Brault, Early Blazon, Heraldic Terminology in the 12th and 3rd centuries with spécial references to Arthurian Literature, Oxford, 1972 et deux ouvrages de M. Pastoureau, L’hermine et le sinople, Paris, 1986 et Figures et couleurs, Paris, 1986.
10 II sera guéri par une apparition du Graal (t. 6, p. 224).
11 C’est au xive siècle que la Nativité se muera en scène d’Adoration du nouveau-né par Marie (et Joseph). Sur les quatre significations symboliques de la nudité reconnues, en morale, par la théologie médiévale (nuditas naturalis, nuditas temporalis, nuditas virtualis, nuditas criminalis), voir la communication de Th. Revol à ce Colloque (Vêtements et nudité dans le premier théâtre occidental) et sa source en l’espèce : E. Panofsky, Essais d’iconologie, Paris, 1967, p. 229.
12 Pour quelques exemples, voir L., t. 1, p. 298 (Lancelot blessé par une femme) ; t. 2, p. 22 ; t. 2, p. 58-59 (franchissement du Pont de l’épée) ; t. 2, p. 305-06 ; M.A., p. 80 (accident de chasse). Trois de ces exemples concernent des situations exceptionnelles (il ne s’agit pas de combats) et c’est, sans doute, la raison – à la fois compréhensible et paradoxale – de leur mention.
13 L’Index des Noms propres et Anonymes de l’éd. d’Al. Micha (t. 9, p. 113) ne présente curieusement que trois entrées à « mire » ; il faut y ajouter (Index des thèmes, p. 192) l’entrée « Soins médicaux » (elle même très incomplète) et tenir compte du fait que ces soins aussi bien que par un « mire », peuvent être donnés par des gens d’Eglise, des demoiselles guérisseuses, voire par les chevaliers.
14 On a deux descriptions de Lancelot atteint d’œdème, voire de la chute de ses ongles et de ses cheveux ainsi que d’une pelade généralisée, à la suite d’empoisonnements : t. 2, p. 135 sq. et t. 4, p. 301 sq.
15 Cf., par exemple, MA, p. 18-19.
16 Tout le passage serait à comparer avec la séquence qui raconte la folie et la guérison d’Yvain dans le roman de Chrétien (Yvain, v. 2800-3041).
17 En règle générale, il ne faut pas survaloriser ce trait, utilisé pour préciser ce qui est entendu par « nu » (cf. t. 4, p. 120 ; t. 5, p. 70 ; t. 6, p. 124). Mais ici le texte souligne qu’il n’en est pas de même (... « samble bien qu’il ait de lui garde kar il n’oste... », p. 322).
18 Cf. aussi L., t. 2, p. 23.
19 Voir ce qu’il dira à une autre jeune amoureuse, L., t. 4, p. 156.
20 Les termes cités sont ceux employés par Lancelot dans le passage dont la référence est donnée dans la note précédente.
21 L’épisode est repris de Chrétien de Troyes, Chevalier de la Charrette, v. 1348-1495.
22 Lancelot raconte cet épisode à Guenièvre (t. 6, p. 28) mais en gommant son aspect charnellement érotique. C’est que, précisément, cette fois, les deux amants sont en présence l’un de l’autre.
23 Cette dernière phrase, empruntée au rendez-vous nocturne en pays de Gorre, réduit à une ligne le long développement de Chrétien (v. 4651-4704).
24 Cf. aussi t. 8, p. 444 et t. 4, p. 384. On pourrait également citer la nuit que Lancelot passe avec Amite, la future mère de Galaad (t. 4, p. 197) : dans la mesure où il croit se trouver avec Guenièvre, il est normal que cette scène soit écrite sur le même mode.
25 Le motif est esquissé dans un récit mensonger inventé par Morgue : Lancelot y est présenté en pénitent (... « iroit tos jors mes en langes et nus piés, ne jamés n’avroit escu a col ne arme vestue », t. 1, p. 352).
26 Cf. aussi QSG, p. 127-28. Lancelot y est dit semblable à l’« home qui n’est pas vestuz de robe de noces » (par référence à Matth., 22, 11-14), c’est-à-dire dépourvu « de bones graces et de bones vertuz que Diex preste a cels qui le servent » et « desnuez de veraie confession et de bones oevres ».
27 Matth., 22, 30.
Auteur
Université de Provence
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