Le corps du probléme
Deux visages du corps dans les dramaturgies françaises d’avant-garde au xxe siécle
p. 73-83
Résumé
De Jarry à Ionesco‚ Adamov et Beckett‚ en passant par Apollinaire‚ Vitrac‚ puis Audiberti ou encore Genet et Vauthier‚ les dramaturges des avant-gardes théâtrales en France au xxe siècle ont accordé une place prépondérante au corps‚ saisi dans une écriture novatrice et volontiers provocante. Le corps apparaît comme un élément problématique‚ d’abord au regard des conventions théâtrales. Qu’il s’agisse‚ entre autres exemples‚ du « Merdre » initial d’Ubu Roi‚ des péripéties corporelles des Mamelles de Tirésias ou de Victor ou les Enfants au pouvoir‚ des corps mutilés‚ massacrés‚ fragmentés ou travestis du Théâtre Nouveau‚ la revendication de liberté dramaturgique va de pair avec une affirmation de la présence du corps au centre même du drame. Contre la tradition textocentrique et les vieux principes de bienséance et de vraisemblance‚ l’écriture du corps contribue fortement à faire exploser le langage théâtral traditionnel. L’écriture du corps en scène correspond ainsi à la recherche d’un autre langage‚ fondé sur les présences et les images‚ réfractaire aux démonstrations‚ et qui tend fréquemment à faire signe vers la danse. Elle révèle également les tensions d’un monde privé de l’appui des grands discours : aux incertitudes du sujet‚ du politique et du métaphysique répond la mise en scène du physique. Le corps impose une représentation de l’existence comme question‚ ce terme étant pris au double sens d’interrogation et de torture. L’inscription du corps au cœur de l’écriture correspond à la présence irréductible d’un innommable.
Texte intégral
1L’exploration des possibilités scéniques du corps est une des grandes aventures théâtrales du xxe siècle. Pour ce qui concerne le domaine français‚ avec des perspectives et des moyens divers‚ les Copeau‚ Decroux‚ Artaud‚ ou‚ par exemple‚ après la Seconde Guerre‚ Mnouchkine‚ œuvrent à cette redécouverte. En réaction à une tradition théâtrale marquée par une tendance textocentrique‚ les praticiens du plateau travaillent à redécouvrir les possibilités de l’expression corporelle et à faire en sorte que le comédien ne puisse être réduit à un porteur de discours‚ enserré‚ selon le mot de Decroux‚ « dans un étui »1.
2Mais la scène n’a pas le monopole de l’exploration des possibilités physiques et corporelles. L’aventure se joue également dans le texte. Les écrivains de théâtre des avant-gardes tendent à inscrire et interroger les enjeux corporels‚ au cœur même de l’écriture. Le « merdre » inaugural d’Ubu roi‚ proféré par un personnage caractérisé d’abord par son amplitude physique‚ est à ce titre emblématique. Au sein de la veine « souterraine et maudite2 » dont le patron pourrait être le Père Ubu‚ la prégnance du corps dans l’écriture est un élément dramaturgique majeur. De Jarry à Vitrac en passant par Apollinaire‚ puis‚ dans la dynamique du Théâtre Nouveau‚ chez nombre d’auteurs de la génération 1899-1910 – et en particulier Audiberti‚ Beckett‚ Adamov‚ Ionesco‚ Vauthier‚ Genet – ‚ le corps se trouve au cœur des formes et des enjeux nouveaux de l’écriture théâtrale. Les travaux de Marie-Claude Hubert‚ et notamment son ouvrage de référence Langage et corps fantasmé dans le théâtre des années cinquante‚ ont fortement contribué à l’examen de ce phénomène d’importance.
3 Donner une place de premier plan au corps ne revient pas simplement à développer une thématique spécifique. La présence du corps dans l’écriture joue un rôle fondamental dans le fonctionnement formel de ce théâtre, et de ce fait influe considérablement sur le développement de ses enjeux. Le corps apparaît comme un élément profondément problématique. Il est une réalité résistante‚ intrinsèquement rebelle aux discours institués – qu’ils relèvent de la morale‚ de la religion ou de la dramaturgie elle-même – ‚ voire à toute forme de discours. Il contribue à bousculer les fondements de la dramaturgie traditionnelle et participe pleinement de la recherche d’un autre langage théâtral. Les écritures de l’avant-garde parient sur le potentiel de subversion qu’il représente. Mais la force problématique du corps ne se limite pas à l’élan d’un refus et d’une exploration : outre la dynamique d’une contestation tournée contre les discours établis‚ le corps porte avec lui la question cruelle des existences humaines‚ et impose ainsi‚ au cœur de l’écriture théâtrale‚ la présence d’une part innommable.
Corps de la subversion
4Porter le corps au premier plan des enjeux du drame constitue‚ pour les dramaturges d’avant-garde de la première moitié du vingtième siècle‚ un acte de rejet de la dramaturgie traditionnelle ainsi que d’un ensemble de vieux discours d’autorité. Qu’il s’agisse du corps énorme du Père Ubu‚ chez Jarry‚ du corps anormalement grand de Victor dans Victor ou les Enfants au pouvoir de Vitrac ou‚ chez Apollinaire‚ du corps mutant de Thérèse/Tirésias dans Les Mamelles de Tirésias‚ il faut constater que la question corporelle joue un rôle majeur dans la subversion du langage dramatique traditionnel et‚ partant‚ dans la mise en pièces des grands discours de la morale‚ de la religion‚ de l’humanisme. Elle correspond avant tout à une retentissante proclamation de liberté.
5Le « merdre » initial d’Ubu roi évoque en toute obscénité une réalité physique. Avec ce mot qui parodie la convention classique du début de pièce in medias res‚ la pièce se place d’emblée sous le signe de la parole scandaleuse sur le corps‚ mais également‚ par le « r » surnuméraire‚ dans l’irréalisme d’un langage propre à la scène. Ce mot de passe de la pièce transgresse d’un coup vraisemblance et bienséance‚ deux règles majeures de la dramaturgie traditionnelle telle qu’elle est véhiculée par le canon scolaire sur lequel s’appuient les potaches qui sont à l’origine d’Ubu Roi. Le corps puant et massif d’Ubu‚ son langage truffé de références à la physique‚ ses multiples accessoires où le « bâton-à-physique3 » figure en bonne place‚ surgissent pour donner un bon coup d’épaule aux vieux usages et ainsi proclamer une tonitruante déclaration d’indépendance. Les stéréotypes de l’humanisme subissent de plein fouet la force explosive de la mise en scène de la dimension corporelle. Dans le monde d’Ubu‚ à la fois esthétiquement déréalisé et cruellement réaliste‚ l’homme tend à se réduire à une série de pulsions et d’appétits : dévorer‚ agresser‚ s’enfuir – c’est-à-dire‚ littéralement‚ sauver sa peau.
6La force subversive de Victor ou les Enfants au pouvoir‚ qui prolonge‚ une trentaine d’années plus tard‚ la veine d’Ubu roi‚ repose en grande partie sur le drame de deux corps : celui du héros éponyme et celui du personnage qu’Antonin Artaud tient pour le pivot de la pièce‚ Ida Mortemart. Les deux corps sont inconvenants‚ au regard de la raison ou des usages sociaux : Victor‚ enfant de neuf ans‚ a un corps d’adulte qui semble même grandir durant les quelques heures de la fiction ; le drame d’Ida repose sur une autre discordance‚ entre sa grande beauté et sa tendance irrépressible à émettre des gaz intestinaux. La mise en scène du corps est à la fois cri de liberté dramaturgique et défi aux convenances‚ bannière d’un théâtre impertinent. Il est à ce titre remarquable que le corps d’Ida fasse littéralement irruption‚ avec une insolence que le dialogue lui-même souligne : « Eh bien‚ madame‚ si un auteur dramatique s’était servi de ce stratagème pour vous faire apparaître ici‚ et‚ à ce moment‚ on eût crié à l’invraisemblance4 » ‚ déclare Charles. En même temps que les vieux principes de la vraisemblance‚ de la dramaturgie raisonnable ou de la pièce bien faite sont ouvertement bafoués‚ le corps et ses enjeux troubles sont imposés en force sur le plateau. Drame de la vie physique et du corps problématique‚ Victor ou les Enfants au pouvoir est en même temps le théâtre de la dislocation de la dramaturgie traditionnelle : au fil des actes‚ à partir d’une exposition exemplaire‚ le corps sans cesse grandissant de Victor contribue à l’explosion progressive des repères du dialogue‚ de l’espace et du temps. Débutant comme une comédie de mœurs aux personnages bien campés‚ la pièce se défait petit à petit. Comme un écho au mot initial du Père Ubu‚ Victor ouvre la pièce par une parole qui tisse la référence physique scandaleuse et une scandaleuse physique du verbe : « … Et le fruit de votre entaille est béni5. » Après le « r » surnuméraire du « merdre » jarryque‚ l’omission du « r » transforme de manière blasphématoire la prière à la Vierge. À la bonne qui fait remarquer que le texte de la prière commande de dire « vos entrailles » plutôt que « votre entaille » ‚ Victor répond que « c’est moins imagé6 ». Une image pornographique remplace la périphrase religieuse. La subversion théâtrale passe‚ d’un même élan‚ par le langage du corps et par une vive provocation à l’endroit des discours institués. Ce théâtre porte l’obscène en scène. Sous l’aspect d’une comédie de mœurs‚ Vitrac fait éclater les forces du désir‚ de façon plus violente que dans les habituelles trames vaudevillesques‚ par exemple sous la forme de l’invraisemblable collage de la fin de l’acte II‚ qui voit la réalisation de la scène érotique lue par Charles dans le journal7.
7Une dizaine d’années avant Victor ou les Enfants au pouvoir, Les Mamelles de Tirésias d’Apollinaire ont elles aussi confirmé le lien entre mise en scène du corps et affirmation d’une force de transgression esthétique. L’« esprit nouveau » qu’appelle de ses vœux‚ au Prologue‚ le Directeur de la troupe‚ veut manifestement échapper au textocentrisme‚ en faisant appel à une multiplicité de moyens scéniques‚ parmi lesquels les « gestes » ‚ « la danse » ‚ « l’acrobatie » ‚ les « démarches8 ». « Dieu créateur9 » de la pièce‚ le dramaturge peut s’autoriser toutes les fantaisies‚ notamment corporelles : présenter une héroïne au « visage bleu10 » ; transformer instantanément Thérèse en Tirésias‚ par le simple envol de ses attributs mammaires et la pousse brutale d’une barbe et d’une moustache11 ; imaginer « un homme qui fait des enfants12 » ; ou encore‚ inventer cet étrange journaliste au visage nu et qui ne se déplace qu’en dansant13. Au lendemain de la Seconde Guerre‚ Ionesco proposera des fantaisies corporelles cousines de celles d’Apollinaire‚ par exemple dans Jacques ou la Soumission‚ avec les personnages de Roberte et Roberte II‚ dotées respectivement de deux et trois nez‚ ou encore dans Rhinocéros‚ pièce fondée sur le principe de la métamorphose.
8Cette tendance à placer le corps au-devant de la scène‚ prolongée par le Théâtre Nouveau dans les années cinquante et soixante‚ conduit à porter l’écriture dramatique au-delà de ses définitions habituelles‚ dans un mouvement de débord en direction des arts du corps. La référence clownesque‚ par exemple‚ tient une place importante dans la dramaturgie du premier Beckett. Roger Blin l’a vu‚ qui introduit le cirque « en filigrane14 » ‚ dans sa mise en scène de 1953‚ avec notamment un tour de piste à la fin du premier acte. Le mot célèbre d’Anouilh au sujet de ce spectacle montre que le dialogue avec le cirque est à la fois visible et essentiel : « Godot ou le sketch des Pensées de Pascal joué par les Fratellini15. » Mais l’événement dramaturgique majeur est sans doute l’entrée de la danse dans l’écriture théâtrale‚ dont Marie-Claude Hubert a souligné l’importance dans un article pionnier. La dramaturgie nouvelle se fait poreuse et tend à s’ouvrir vers cet autre art du corps en mouvement. Lorsqu’il dirige En attendant Godot à Berlin en 1975‚ Beckett emploie la référence à la danse pour indiquer à ses comédiens que les évolutions de Vladimir et Estragon doivent échapper au naturalisme : « Il faut recourir à l’artifice‚ comme pour un ballet. Autrement cela devient une imitation‚ une imitation de la réalité »16. Dans ses didascalies des Bonnes‚ Jean Genet souhaite que soit élaborée pour les héroïnes « une déambulation qui ne sera pas laissée au hasard » et qui corresponde à « une géométrie » qui « ne doit pas être voulue par de simples allées et venues »17. La recherche d’un langage corporel échappant au naturalisme conduit les dramaturges dans les parages de la chorégraphie. Les deux représentants les plus marquants de ce théâtre des avant-gardes qui se fait danse sont sans doute Jean Vauthier et Eugène Ionesco. Le théâtre du premier est fondé sur une parole qui ne se sépare pas d’un élan physique. L’expression des mouvements intimes‚ au-delà du quotidien‚ passe par une forme d’expression qui tutoie la danse. Dans Capitaine Bada‚ « dès le début du deuxième acte‚ Bada et Alice participent à l’esprit de la danse »18‚ cette partie de la pièce constituant‚ d’après l’auteur lui-même‚ « une grandissime guerre dansée »19. Autre pièce mettant en scène les mouvements divers d’un couple qui se fait duo, Les Prodiges esquissent une danse des corps : Marc et Gilly « forment un « duo plastique » ‚ attitudes‚ (presque des poses) gestes‚ qui ne sont pas ceux du comportement courant »20. Ionesco‚ de son côté‚ accorde une grande importance à la dynamique physique des corps‚ note les rythmes‚ les effets d’accélération‚ de décélération‚ de rupture‚ comme pour chercher un langage à même de rendre compte du spectacle invraisemblable du monde‚ pareil à un ballet dont la clef est introuvable : « Tout ce qui m’entoure est spectacle. Spectacle incompréhensible. Spectacle de formes‚ de figures en mouvement‚ de lignes de force s’opposant‚ s’entre-déchirant‚ se nouant‚ se dénouant.21 » La danse des morts de Jeux de massacre‚ le ballet des objets éponymes dans Les Chaises‚ ne sont que deux des aspects les plus visibles de cette tendance chorégraphique qui traverse toute l’œuvre – le récent travail d’Emmanuel Demarcy-Mota sur Rhinocéros en témoigne. Tout en écrivant un théâtre de texte‚ Ionesco invente une forme de théâtre dansé. Le Tanztheater de Pina Bausch‚ élaboré non depuis la page mais depuis le plateau‚ en sera une sorte de cousin. De fait‚ Les Chaises de Ionesco et Café Müller de Pina Bausch constituent des tentatives qui méritent d’être comparées‚ l’une écrite d’abord sur la page‚ l’autre d’abord sur le plateau‚ les deux tissant les danses des solitudes‚ des absences‚ des corps et de ces objets emblématiques que sont les chaises vides.
9Outre l’aventure esthétique‚ le Théâtre Nouveau sait également faire du corps une arme de contestation socio-politique. Tel est le cas‚ de manière particulièrement visible‚ chez Arrabal et Genet. Chez ces deux auteurs‚ la dénonciation de situations nauséabondes d’oppression idéologique conduit au développement d’une dramaturgie des gaz intestinaux. Dans Le Jardin des délices‚ l’Espagnol invente une interprétation blasphématoire de l’Ave Maria de Schubert‚ comme un hommage grinçant à un univers religieux dénoncé comme vicié‚ les pets de Teloc accompagnant le chant de Laïs22. Dans Les Paravents, la scène au cours de laquelle les légionnaires arrosent de pets le visage du sergent agonisant‚ afin qu’il « respire en mourant un peu d’air de chez nous » ‚ « un petit air de France »23‚ a provoqué des incidents mémorables. Mais la mise en scène du corps comme contestation socio-politique ne se borne évidemment pas à cette dramaturgie des flatulences. Dans Les Nègres‚ les corps noirs‚ dont la noirceur est soulignée par l’usage de masques blancs pour une partie des rôles‚ constitue en elle-même un défi‚ l’affirmation de l’existence irréductible d’une humanité non-blanche. Selon Jean Genet‚ la pièce trouve son origine dans une boîte à musique représentant les rapports idéaux entre Noirs et Blancs‚ tels qu’ils sont rêvés par la société blanche colonisatrice : quatre nègres en livrée s’inclinent en musique devant une petite princesse de porcelaine blanche24. Dans sa pièce‚ le dramaturge anime les automates‚ chante la beauté du corps noir et crée un ballet des corps insoumis. Beckett lui-même‚ dont l’écriture théâtrale affiche rarement une portée directement politique‚ contribue à cette dynamique de la contestation corporelle avec Catastrophe‚ pièce dédiée à Vaclav Havel. Le personnage principal y est réduit à l’état de mannequin manipulé par un pouvoir réificateur. À la fin du dramaticule‚ le personnage « relève la tête »25‚ comme un défi à l’ordre déshumanisant‚ comme l’affirmation d’une obstination‚ dérisoire sans doute‚ à reprendre possession de soi.
Corps de la question
10La force de subversion‚ la dynamique de débord par rapport aux formes et discours établis‚ n’épuisent pas le caractère problématique du corps au sein de ces écritures. Le corps est aussi le lieu par excellence de la question‚ au double sens de ce terme : interrogation et torture. Souvent malmené‚ violenté‚ notamment dans le Théâtre Nouveau‚ le corps condense la cruauté de l’existence et‚ dans le même temps‚ évoque de la manière la plus frappante ce qu’Audiberti nomme « le problème irrésolu »26‚ l’énigme de la présence et des trajectoires humaines‚ dont aucun discours ne vient rendre raison. Ces dramaturgies du corps évoquent tout à la fois la difficulté d’être et la difficulté essentielle des discours face à une existence qui fait perpétuellement question.
11Il s’agit d’abord de l’Histoire‚ à laquelle aucun discours ne semble être en mesure de donner un sens. Ubu roi a en quelque sorte inauguré une veine de représentations de l’Histoire marquées par la violence sérielle et l’écrasement systématique des êtres dont les corps se réduisent à des objets. La machine à décerveler vers laquelle sont précipités des corps réifiés s’offre en emblème de cette vision qui trouvera nombre d’échos dans la suite du xxe siècle théâtral – l’histoire comme jeu de massacre. Avec Macbett, réécriture de Shakespeare sur le mode jarryque‚ Ionesco offre une reprise amplifiée des procédés de démultiplication de la violence et de dépersonnalisation des corps. Quelques années plus tôt‚ Audiberti a offert‚ avec Les Patients, une vision saisissante de l’histoire comme processus mécanique dont les traces s’écrivent directement dans les corps. La guerre y est évoquée comme un vaste ballet du démembrement : « Les jambes coupées volaient… les têtes tombaient comme des pommes de pin27… » Un personnage‚ dont le fils a été tué dans cette guerre sans motif visible‚ est traversé par une vision des enfants réclamant les parties de leurs corps mutilés : « Mon bras ! Ma jambe ! Mes genoux28 ! » Houm et Houg‚ colonels ennemis que seule une consonne sépare‚ jumeaux dans le mécanisme insensé de la violence de masse – comme les deux combattants adversaires et semblables d’Arrabal‚ Zapo et Zepo‚ dans Pique-Nique en campagne‚ différenciés par une seule voyelle – ‚ se partagent sur scène le territoire en utilisant comme une carte le corps de la jeune femme Nassia29. La pointe des armes des hommes de guerre trace la ligne de front à même le corps lacéré de la jeune femme. Le mécanisme de l’Histoire‚ répété‚ inlassable‚ vertigineusement incompréhensible‚ ne laisse guère de chance aux êtres‚ qu’ils broie comme des choses.
12La question du corps ne résonne pas seulement sur le plan de l’Histoire. Il y va également de la condition existentielle elle-même‚ qui tend à être représentée avant tout comme condition corporelle. Victor ou les Enfants au pouvoir constitue à cet égard une œuvre frappante et caractéristique. Les corps inconvenants de Victor et d’Ida Mortemart sont aussi des corps tyranniques. Le drame humain y apparaît comme celui d’un être aux prises avec son propre corps. L’entrée fracassante d’Ida‚ au mépris souligné des conventions dramatiques‚ signe l’entrée sur scène des drames de l’existence physique ainsi que de la mort au travail‚ présente aussi bien dans le nom que dans le discours du personnage. Pour Artaud‚ ce personnage à la fois fantomatique et englué dans le réel le plus plat permet de « mettre au jour l’antithèse profonde et éternelle entre l’asservissement de notre état et de nos fonctions matérielles et notre qualité‚ d’intelligences pures et de purs esprits »30. La mort‚ saisie comme présence de corps inertes‚ est partout : outre l’apparition centrale d’Ida Mortemart‚ elle apparaît notamment dans la déclaration de Victor annonçant que sa mère est « enceinte d’un enfant mort31 » ou encore dans l’espace virtuel‚ dominé‚ au troisième acte‚ par l’image du corps d’Antoine se balançant à la façade de sa maison et lançant un dernier message à son épouse. Cette présence forte de la mort vient littéralement enrayer la machine dramatique‚ jusqu’à faire obstacle à toute parole. Ainsi‚ comme un emblème de cette présence du corps qui empêche le développement de tout discours sur l’existence‚ les ressorts de l’Uniquat ne pourront être dits : la parole de Victor lui est coupée par son dernier souffle. L’existence humaine comporte une part innommable‚ qui se condense dans le mystère du corps précoce‚ et précocement mortel‚ de Victor. Comme l’écrira Marie-Claude Hubert à propos des dramaturges de la dérision dans les années cinquante‚ le temps des héros n’est plus : les personnages sont aux prises avec un destin « s’inscrivant sur le corps » ‚ si bien que « le sujet de ces œuvres contemporaines‚ c’est le rapport de l’homme à son corps‚ le combat dérisoire qui le déchoit »32.
13Le Théâtre Nouveau réactive ces perspectives en mettant en scène‚ comme une problématique majeure‚ la pesanteur charnelle. Le corps apparaît comme un poids‚ une limite‚ une prison. La liste des tares physiques qui caractérisent les personnages théâtraux de Beckett est presque sans fin – cécité‚ paralysie‚ constipation‚ problèmes urinaires‚ rétrécissement mitral. « Bien ! Est-ce que j’ai jamais été bien33 ? » ‚ clame Monsieur Rooney‚ comme une devise des personnages beckettiens. Chez Adamov‚ le corps est toujours un problème : boiteux‚ éclopés et mutilés se pressent dans ses œuvres. Dans le théâtre de Ionesco‚ les corps sont rarement meurtris‚ mais le dramaturge représente souvent‚ de manière très concrète‚ la pesanteur liée à l’existence physique‚ ainsi que le fantasme de légèreté‚ voire d’envol‚ qui vient s’y opposer. Amédée ou Comment s’en débarrasser constitue un exemple caractéristique : aux prises avec un cadavre qui grandit sans cesse et qui menace d’envahir la totalité de l’espace‚ le personnage éponyme trouve une issue inattendue à son problème lorsque le cadavre l’emporte dans les airs.
14Les dramaturges de la dérision n’ont pas le monopole de la question du corps pesant et carcéral. Le dramaturge-poète Audiberti la développe tout particulièrement‚ comme une obsession‚ dans le cadre d’une phénoménologie para-chrétienne. Tout le problème est celui de l’incarnation‚ comme l’a montré Henry Amer à propos de l’œuvre romanesque de l’auteur‚ dans une analyse qui peut être appliquée au domaine théâtral34. Audiberti ne cesse de mettre en scène « l’homme enfermé dans l’homme‚ et qui en a plein le dos‚ et qui veut sortir‚ et qui hurle35 ». De son propre aveu‚ son œuvre pourrait constituer « une sorte de livre unique homogène et cohérent qui serait l’histoire d’une âme jetée dans l’incarnation charnelle et terrestre36 ». Dans La Fête Noire, Quoat-Quoat ou La Poupée notamment‚ les personnages expriment le désir de sortir de leur propre corps. Plusieurs rêvent d’une humanité de métal‚ débarrassée de la chair et des tortures induites par cette « marmelade cruelle37 ».
15La mise en scène du vieillissement tient une place toute particulière dans ce théâtre des maux corporels. Les personnages de Beckett ne sont presque jamais jeunes. Cheveux blancs et crânes dégarnis les caractérisent le plus souvent. Ionesco‚ qui met en scène dans Les Chaises un Vieux et une Vieille âgés respectivement de quatre-vingt-treize et quatre-vingt-quatorze ans‚ imagine‚ dans Le Roi se meurt‚ le vieillissement accéléré du personnage. Brutalement‚ Bérenger Ier a mal aux jambes‚ aux reins‚ ses cheveux blanchissent et sa peau se ride : « Il a vieilli soudain de quatorze siècles38 » ‚ doit constater Marie. Trahi par son corps‚ le héros évoluera‚ comme le Hamm de Fin de Partie, dans un fauteuil à roulettes. Au début de la seconde partie de La Parodie‚ Adamov propose semblable mise en scène caricaturale du travail du temps sur le corps : l’Employé apparaît soudain‚ « cheveux blancs‚ méconnaissable39 ». Dans Le Ping-Pong‚ Victor et Arthur apparaissent subitement‚ dans le dernier tableau‚ comme des « septuagénaires‚ les cheveux blancs40 ». Ce vieillissement montré avec brutalité‚ par contraste avec les tableaux précédents‚ pointe la vacuité de ces existences passées à imaginer des variantes du billard électrique. Victor s’essouffle et meurt sur scène‚ d’une sorte de crise cardiaque : dans ce théâtre‚ la mort est au programme. Même si elle n’est pas directement mise en scène‚ elle inscrit ses signes dans les corps et constitue un horizon permanent. Dans les dernières pièces de Beckett‚ l’impermanence de l’existence humaine tend à devenir un thème central‚ comme en témoignent par exemple les dernières paroles du dramaticule Cette fois : « venu parti est-ce que c’était ça quelque chose comme ça venu parti venu parti personne venu personne parti à peine venu parti à peine venu parti41 ».
16Le drame de la chose corporelle induit également la mise en scène de la dislocation ou du morcellement du sujet. Adamov et Beckett représentent un sujet littéralement en pièces‚ dont l’intégrité est problématique‚ et qui ne peut se représenter à lui-même comme un tout. Dans La Parodie‚ l’Employé fait « un geste incoordonné42 » ‚ comme si son propre corps lui échappait‚ comme un écho aux écrits intimes d’Adamov‚ qui écrit par exemple dans L’Aveu : « À l’origine de moi-même il y a mutilation‚ séparation »43. « Il me semble que tous mes actes sont séparés de moi‚ que j’en suis le témoin paralysé‚ jamais totalement présent44 » ajoute-t-il plus loin‚ avant de décrire la marche comme « un série de chutes ininterrompue »45‚ comme si l’existence physique n’était que perte perpétuelle. Le dernier théâtre de Beckett donne une place particulièrement forte à l’éclatement du sujet‚ extérieur à lui-même‚ spectateur de l’existence physique. Les propos du locuteur de Solo semblent évoquer son propre corps du dehors‚ comme si sa main‚ par exemple‚ ne lui appartenait pas : « Là lentement une main fantôme »46. Le dramaturge met en scène la séparation du corps et de la voix‚ comme dans Cette fois ou‚ plus nettement encore‚ dans Pas moi. Nommé « Bouche » ‚ le sujet ne coïncide pas avec la parole qu’il émet‚ « tout le corps comme en allé… rien que la bouche… comme folle47… »
17Le drame principal tend à se relier à la question même d’être là‚ présent‚ ancré dans l’existence physique. Dans cette perspective‚ il ne s’agit pas seulement des corps pesants ou violentés. Une tendance forte‚ dans le théâtre des avant-gardes‚ est de pointer de manière quasi-permanente l’acte théâtral lui-même. « En effet‚ nous sommes sur un plateau. Aucun doute‚ nous sommes servis sur un plateau »48‚ déclare Vladimir dans une réplique célèbre d’En attendant Godot. Les personnages de Beckett‚ patiemment dépouillés de bon nombre de caractéristiques‚ selon le processus d’« ascèse méthodique49 » décrit par Alain Badiou‚ tendent à se réduire à des présences‚ des être-là posés devant le spectateur. Vladimir et Estragon semblent être présents sur scène « sans avoir de rôle »50‚ écrivait Alain Robbe-Grillet. À l’affaiblissement de la fiction correspond l’accent mis sur la performance. « Il faut à la fois y croire et refuser d’y croire »51, écrit Genet dans « Comment jouer Les Bonnes » ‚ proposant au spectateur de réaliser un va-et-vient entre une plongée dans l’illusion et la pleine conscience de la situation théâtrale‚ et donc de sa propre présence physique face à des corps eux-mêmes présents sur scène. À la même époque‚ Audiberti voit dans cette conscience une caractéristique même du théâtre‚ par différence avec le cinéma : « Au théâtre‚ le spectateur est toujours conscient de son comportement physique‚ de sa dimension organique. […] Il est attentif à ce qui se passe sur la scène‚ mais non moins à ses voisins et au bras du fauteuil‚ et à sa propre nature physique présente52 […]. » Ce théâtre qui ne donne pas la priorité à l’illusion est aussi un théâtre du corps conscientisé‚ côté scène comme côté salle. Le drame se trouve dans le fait même d’être ici.
Les écritures théâtrales des avant-gardes du xxe siècle ont ainsi fait entendre un cri du corps‚ long et décisif dans ses enjeux esthétiques‚ politiques‚ métaphysiques. Elles ont introduit‚ au cœur même du geste d’écriture‚ une évidence du corps‚ dont le théâtre contemporain est directement tributaire. L’écrivain de théâtre contemporain multiplie volontiers les allers-retours entre la page et le plateau. La parole elle-même lui apparaît comme un fait physique‚ rythmique‚ respiratoire‚ musical. Dans des veines bien différentes‚ les démarches d’un Novarina‚ d’un Cormann‚ d’un Siméon‚ en témoignent avec force. Et‚ à l’image de la dramaturgie d’un Jean-Luc Lagarce‚ économe en didascalies‚ et qui met en scène‚ sur la page même‚ la part du vide liée notamment à l’inépuisable physique du plateau‚ l’écriture théâtrale contemporaine inscrit en elle-même‚ visiblement‚ sa dimension profondément lacunaire. Cette écriture n’oublie jamais la co-présence des corps‚ fondatrice de l’acte théâtral et témoin d’une irréductible part d’innommable. Le corps se donne comme le signe des limites‚ voire des échecs‚ de tout discours.
Notes de bas de page
1 Étienne Decroux, Paroles sur le mime, Paris, Librairie théâtrale, 1963, p. 34.
2 Michel Corvin, « Subversions : de Jarry à Artaud », dans Jacqueline de Jomaron (dir.), Le Théâtre en France, 2, Paris, Armand Colin, 1989, p. 324.
3 Alfred Jarry, Ubu roi, dans Alfred Jarry, Œuvres complètes, I, éd. de Michel Arrivé, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1972, p. 380.
4 Roger Vitrac, Victor ou les Enfants au pouvoir, Paris, Gallimard, Coll. Folio / Théâtre, n° 52, éd. de Marie-Claude Hubert, 2000, p. 102.
5 Ibid., p. 33.
6 Idem.
7 Ibid., p. 124.
8 Apollinaire, Prologue, Les Mamelles de Tirésias, Paris, Gallimard, Coll. « Poésie », 1972, p. 114-115.
9 Ibid., p. 114.
10 Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias, op. cit., p. 119.
11 Ibid., p. 122.
12 Apollinaire, Préface des Mamelles de Tirésias, op. cit., p. 95.
13 Apollinaire, Les Mamelles de Tirésias, op. cit., p. 142.
14 Roger Blin, « Trente-trois ans après », Le Nouvel Observateur, 26 septembre 1981, p. 100. Le premier metteur en scène d’En attendant Godot pointe toutefois avec vigueur le « piège du cirque », de la surenchère circassienne qui nuirait au développement des potentialités du texte.
15 Jean Anouilh, Arts, n° 400, 27 février-5 mars 1953.
16 Samuel Beckett, cité dans Walter Asmus, « Beckett directs Godot », Theatre Quarterly, V, n° 19, 1975, p. 23-24, cité dans James Knowlson, Beckett, Arles, Actes Sud, Coll. « Babel », 1999, p. 972.
17 Jean Genet, Les Bonnes, dans Jean Genet, Théâtre complet, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, éd. de Michel Corvin et Albert Dichy, 2002, p. 136.
18 Jean Vauthier, Capitaine Bada, Paris, Gallimard, 1966, p. 54.
19 Jean Vauthier, « Bada », Texte inédit sur Capitaine Bada, 1966, Fonds Jean Vauthier (Bibliothèque de la SACD), Fds JV 3-1.
20 Jean Vauthier, Les Prodiges, Paris, Gallimard, Coll. « Le Manteau d’Arlequin / Théâtre français et du monde entier », 1986, p. 23.
21 Eugène Ionesco, Notes et contre-notes, Paris, Gallimard, Coll. « Folio Essais », 1967, p. 291.
22 Fernando Arrabal, Le Jardin des délices, dans Théâtre 6, Paris : Christian Bourgois, 1967, p. 35.
23 Jean Genet, Les Paravents, dans Théâtre complet, op. cit., p. 699 et 700.
24 Edmund White, Jean Genet, Paris, Gallimard, coll. « Biographies », p. 426.
25 Samuel Beckett, Catastrophe, dans Samuel Beckett, Catastrophe et autres dramaticules, Paris, Les éditions de Minuit, 1986, p. 81.
26 Jacques Audiberti, Le Cavalier seul, Paris, Gallimard, 1955, p. 230.
27 Jacques Audiberti, Les Patients, dans Audiberti, Théâtre IV, Paris, Gallimard, 1961, p. 231.
28 Ibid., p. 251.
29 Ibid., p. 254.
30 Antonin Artaud, Œuvres complètes, II, Paris, Gallimard, 1961 rééd. 1980, p. 33.
31 Roger Vitrac, Victor ou les Enfants au pouvoir, op. cit., p. 107.
32 Marie-Claude Hubert, Langage et corps fantasmé dans le théâtre des années cinquante, Paris, Corti, 1987, p. 253.
33 Samuel Beckett, Tous ceux qui tombent, Paris, Les éditions de Minuit, 1957.
34 Henry Amer, « Audiberti, romancier de l’incarnation », La Nouvelle Revue Française, nos 46 et 47, octobre et novembre 1956, p. 685-693 et 883-890.
35 Audiberti, « Grands et petits théâtres », Revue théâtrale, avril-mai 1948, n° 7, p. 24.
36 Audiberti, Entretiens avec Georges Charbonnier, Paris, Gallimard, 1964, p. 56.
37 Id.
38 Eugène Ionesco, Le Roi se meurt, Théâtre complet, éd. d’Emmanuel Jacquart, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1991, p. 758.
39 Arthur Adamov, La Parodie, éd. de Marie-Claude Hubert, Gallimard, Folio/Théâtre, n° 77, 2002, p. 93.
40 Arthur Adamov, Le Ping-Pong, éd. de Gilles Ernst, Gallimard, Folio/Théâtre, n° 136, 2011, p. 179.
41 Samuel Beckett, Cette fois, dans Samuel Beckett, Catastrophe et autres dramaticules, op. cit., p. 22.
42 Arthur Adamov, La Parodie, op. cit., p. 80.
43 Arthur Adamov, L’Aveu, Paris, Éditions du Sagittaire, 1946, p. 19.
44 Ibid., p. 69.
45 Ibid., p. 88.
46 Samuel Beckett, Solo, dans Samuel Beckett, Catastrophe et autres dramaticules, op. cit., p. 34.
47 Samuel Beckett, Pas moi, Paris, Les éditions de Minuit, 1974, p. 91.
48 Samuel Beckett, En attendant Godot, Paris, Les éditions de Minuit, 1952, p. 96.
49 Alain Badiou, Beckett. L’increvable désir, Paris, Hachette, coll. « Coup double », 1995, p. 19.
50 Alain Robbe-Grillet, Pour un nouveau roman, Paris, Les éditions de Minuit, 1961, rééd., 2006, p. 103.
51 Jean Genet, « Comment jouer Les Bonnes », dans Jean Genet, Théâtre complet, op. cit., p. 126.
52 Jacques Audiberti, Entretiens avec Georges Charbonnier, op. cit., p. 97.
Auteur
Université de Lorraine‚ Nancy‚ LIS
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