Grandeur et décadence du clerc Estienne dans Artus de Bretagne
p. 167-195
Texte intégral
1Artus de Bretagne, bien connu encore au xixème siècle, n’a pas au xxème, suscité très souvent l’intérêt des médiévistes en dépit des travaux de S. V. Spilsbury1. Pourtant dans sa version courte, la plus ancienne, donnée par le manuscrit B.N. fr. 761, ce roman n’est ni un "fatras à quoi l’enfance s’amuse "selon l’expression de Montaigne ni le rejeton d’un genre romanesque décadent. Composé vers 1320 par un auteur anonyme, il raconte les exploits du jeune Artus (qu’il ne faut pas confondre avec le roi), et, comme j’ai tenté de le montrer précédemment2, un point de vue original se dégage, dans la mesure où le chevalier et la violence des armes sont relayés par le clerc et son savoir. A côté d’Artus, le clerc Estienne est une figure attachante qui incarne un idéal souriant. Conservé dans une douzaine de manuscrits3, dont trois du xvème siècle qui donnent une longue suite, et dans au moins autant d’éditions, dont deux incunables4, Artus connut un net succès, moyennant quelques changements d’orientation, parmi lesquels l’un des plus significatifs concerne, me semble-t-il, l’évolution d’Estienne. Entre le manuscrit le plus ancien (B.N. fr.761) et les éditions qui omettent le long passage dans lequel le personnage expose son savoir, interviennent les suites où s’annonce la déchéance du clerc5. Nous verrons donc comment, entre la version ancienne donnée par le manuscrit B.N. fr. 761 et la suite contenue dans le manuscrit B.N. fr. 12549, Estienne, miroir où l’auteur rêvait une clergie exaltée, a perdu en un siècle toute crédibilité.
I. La clergie exaltée dans le manuscrit B.N. fr. 761
2Formé aux escoles d’Athènes6 (f. 13), appelé maistre, Estienne est un clerc qui souvent se retire dans une tour avec un livre. Le savoir que lui prête l’auteur semble cependant correspondre plus à la science vulgarisée qui se répand au xiiième siècle qu’à l’enseignement pratiqué dans les universités.
1. La connaissance des res : l’astronomie
3D’Athènes Estienne est revenu souverains clers de astronomie. Un épisode donne une idée de son savoir dans ce domaine. Il s’agit de la leçon de choses qu’Estienne fait à Marguerite d’Argençon qu’il épousera (f. 16v). Le modèle encyclopédique est clair et il est rare qu’un roman assimile un développement étranger à la narration en le modifiant aussi peu.
4L’exposé d’Estienne se présente sous la forme traditionnelle de quaestiones7. Il commence par une question de la dame d’Argençon sur la chute des corps au moment où elle voit un messager tomber à terre (f. 72). Dans un premier temps questions et réponses brèves s’enchaînent rapidement : "Maistres, comment est ce que cors d’omme est si pesant que tantost chiet quant on ne le soustient ? - Ma dame, dist li maistres, quar la matere dont li cors est fais est pesans (...). - Et de quoi est il fais, maistres ? - Dame, dist il, de terre qui est li plus pesans de tous les .IIII. elemens que Dieux a fais. -Maistre, et quelz sont les .IIII. element ? "Puis les réponses prennent plus d’ampleur, comme si l’auteur succombait à la séduction de son modèle encyclopédique. Parallèlement les interrogations sont d’abord dramatiquement introduites (la dame lève les yeux vers les nuages et s’informe des cieux, ou réfléchissant que l’horizon va bientôt s’obscurcir, elle demande des explications sur ce phénomène), puis les questions sont moins motivées et c’est alors la logique encyclopédique qui organise l’exposé, qui progresse à la fois par contiguïté et par rupture (du tonnerre au vent, du vent à la salinité marine...). La mise en oeuvre des questions et des réponses devient lâche : lorsque Marguerite demande si le ciel que l’on voit est celui où se trouvent les anges, on attendrait une réponse négative, qui n’est pas donnée : le clerc se lance en fait, sans tenir compte de la question, dans un développement général sur les cieux, sans référence aux anges. Il semblerait donc que progressivement le modèle encyclopédique prenne le pas sur la mise en oeuvre romanesque8.
5Le savoir qui apparaît ici me semble être de l’ordre de la culture générale. Aucun modèle certain ne semble se dégager : ce développement n’est pas une interpolation dans laquelle serait reproduit un exposé savant et il n’est pas non plus le résumé d’un texte identifiable. L’auteur pourrait avoir connu certaines des oeuvres de vulgarisation qui se sont répandues au xiiième siècle9. Ces écrits, marqués par l’idée d’un savoir total possible et accessible, sont des résumés en latin (comme le De Naturis Rerum d’Alexandre Neckham) 10, des compilations en vers comme l’Image du monde de Gossuin de Metz11, des mises en proses de celles-ci, ou des synthèses écrites directement en prose comme le Livre du Trésor de Brunet Latin. Au début du xivème siècle, quand fut composé Artus, ces connaissances étaient largement diffusées.
6Lorsque notre auteur s’intéresse aux quatre éléments, on reconnaît les idées répandues alors d’après Aristote12. Notre texte énumère la terre premierement, qui est froide et seche, l’yaue qui est froide et moiste, le feu qui est chaut et sech, et l’air qui est chaut et moiste (f. 72 v). Ces qualificatifs se retrouvent par exemple chez Brunet Latin : Les IIII elemens ... sont aussi comme soustenemens dou monde ... car li feus est chaus et ses, et l’aigue est froide et moiste, et la terre est froide et seche et li airs est chaus et moistes13.
7Quand le clerc évoque la terre, il mentionne l’idée de son immobilité admise communément d’après Aristote et Ptolémée14 : Dieu la fist sorievement qu’ele ne puet plus monter verz le ciel ne descendre plus aval qu’ele est, car il a ou milieu de la terre.I. droit point que l’en apele cencre, quar qui aroit parti toute la terre parmi de l’un chief jusques a l’autre et l’en getast une pierre de molin par le pertuis, ele descendroit jusques a tel point qui est enmi et la s’arresteroit ". Comme chez Gossuin de Metz qui mentionne aussi le motif de la chute de la pierre, la terre est reonde comme un pomme15.
8Conformément à la tradition encyclopédique reprise de l’Almageste de Ptolémée (le roi Tolomeus de l’Image du Monde), le ciel, la terre et la lune sont mesurées : la terre dure de lonc par .XX. fois C mille IIII C et XXVIII lieues et de parfont a ele VI M et VI C lieues. Si est si petite que la lune est plus granz de lui XXXIX tans et plus haute XXX1II1 fois que la terre n’a de parfont, et le soleil est plus grans de la terre LXX. fois (...). Si n’a si petite estoile ou ciel qui ne soit plus grans que la terre et le ciel est si grans que qui porroit aussi aler parmi comme par terre, il seroit avant bien VII M Cet LVII et demi anz avant que on eust fait son tor. La circonférence de la terre qu’il faudrait -semble-t-il- corriger dans Artus en 20 428 lieues, correspond aux 20 427 lieues de Placides et Timeo. de l’Image du Monde et du Livre du Trésor et aux 20 400 lieues de Pierre d’Ailly. Le diamètre de la terre, de 6 600 lieues dans Artus est de 6 500 chez Gossuin et dans Placides et Timeo. Si la lune a un diamètre 39 fois plus grand que celui de la terre dans Artus. chez Gossuin, il est 39 fois 1/4 plus petit. Pour Estienne, le soleil est 70 fois plus grand que la terre, contre 170 chez Gossuin et Brunet. Quant au temps qu’il faudrait pour parcourir le ciel, il est dans Artus comme dans le Livre du Trésor et l’Image du Monde de 7 157 ans et demi, et de 7 156 ans et demi dans Placides et Timeo.
9Cet exposé est fidèle à la tradition, nonobstant quelques erreurs :
- selon Estienne, la lune serait plus grande que la terre ;
- l’affirmation : "la terre est 587 fois plus longue que profonde "est en contradiction avec la longueur et la profondeur données par le texte16 ;
- si la lune a une circonférence qui vaut 39 fois celle de la terre, il est illogique de prétendre que son diamètre vaut 34 fois celui de la terre, le rapport devant être le même ;
- l’indication de la durée qu’il faudrait pour traverser le ciel ne peut prendre de sens que si comme dans l’Image du Monde ou Placides et Timeo on nous indique la distance parcourue journellement.
10Certaines imprécisions peuvent d’ailleurs venir d’erreurs commises par les copistes sur les chiffres romains : dans XX fois C mille III IC et XXVIII, il faut de toute évidence supprimer le premier C.
11Les développements consacrés aux cieux ont les mêmes caractéristiques. Conformément à la tradition représentée par Thomas d’Aquin, Estienne commence par mentionner trois cieux. Cependant, dans l’énumération qu’il donne figurent quatre cieux. Aux trois cieux de Thomas (cristallin, ciel, et empirée), il ajoute en effet le firmament, résultant de la distinction faite par les Pères de l’Église entre le "ciel "(caelum) créé le premier jour et le firmament (ftrmamentum) créé le second jour et rendu visible le quatrième. Assez rapidement, comme dans Artus, le firmament désigna le ciel visible. Contrairement à Anselme de Laon, qui concilia les trois cieux de Thomas et l’opposition ciel / firmament en faisant de l’empirée le ciel du premier jour17, notre auteur ne résoud pas la contradiction et son exposé reste confus.
12L’énumération des planètes qui suit est sans surprise, de même que les propriétés de celles-ci18. Cependant, sans que l’on puisse à nouveau décider si la faute en est à l’auteur ou au copiste, l’exposé est incomplet : si Jupiter est bien chaude et moite, Saturne est froide sans que sa sécheresse soit mentionnée et Mars n’est pas caractérisé. Ces propriétés sont de plus mises sur le même plan que les influences, sans que celles-ci soient développées longuement. Les autres sujets abordés (les nuages, les neiges et les gelées, le tonnerre, la foudre, les vents, la mer, la lune, ses quartiers et ses éclipses) sont aussi traités conformément aux textes de vulgarisation répandus au xiiième siècle sans qu’il soit aisé de cerner un modèle précis.
13L’exposé d’Estienne se limite à la cosmologie, tandis que les encyclopédies étaient beaucoup plus ambitieuses. Une volonté de globalité se lit dans le Speculum majus de Vincent de Beauvais ou le Liber proprietatibus rerum de Barthélémy l’Anglais qui aborde aussi bien la théologie, l’anatomie, la médecine, la minéralogie etc., tandis que le Roman de Sidrac pose le problème de l’origine des éclipses et des ... limaces. Le cadre romanesque interdisait à notre auteur d’introduire un développement encyclopédique complet, que d’ailleurs il ne maîtrisait peut-être pas.
14Estienne nous propose de plus une cosmologie générale, accessible à tous, dans laquelle on ne trouve rien sur les problèmes les plus abstraits qui occupaient les érudits : possibilité ou non d’autres mondes, opposition entre la conception d’Aristote sur les sphères concentriques et celle de Ptolémée sur les épicycles19, non adéquation du centre de gravité et du centre de magnitude20... L’exposé d’Estienne se situe donc dans la lignée des textes de vulgarisation composés dans le sillage de l’Image du Monde21 et correspond peut-être assez bien à ce jugement de E. Grant : "although two famous encyclopedias of the thirteenth century, De Rerum Proprietatibus by Bartholomew the Englishman and the Speculum Maius by Vincent de Beauvais, contain more cosmological information than did Sacrobosco’s Sphere, they represent little more than unevaluated collections of passages drawn from a variety of sources and unintegrated into any coherent whole "22.
2. La connaissance des voces et l’art de la glose
15Estienne, comme tous les clercs formés par le trivium, a aussi la maîtrise des voces : le realisme ou idéalisme platonique suppose un lien intrinsèque entre le mot et les idées, mais ce rapport, brouillé, demande à être élucidé, en particulier grâce à la grammaire et à la rhétorique23. Reprenant à sa façon les démarches d’Isidore de Séville, de Raban Maur (dans son dictionnaire encyclopédique De Universo’), ou de Scot Erigène, Estienne interroge le mot dans sa matérialité et les choses dans leur symbolisme. En cela l’auteur d’Artus rejoint de nombreux poètes, la démarche isidorienne se retrouvant par exemple dans l’onomastique romanesque24. Ainsi Estienne expose à Marguerite sa conception de l’amour à travers une glose du mot cuer de même que Jacques de Baisieux dans son Dis sor les V lettres de Maria décompose le nom et associe à chaque lettre une qualité25. "Si savez que en cest mot "cuer "a .IIII. letres et chascune letre senefie .1. mot. Le c premierement nous moustre "chierement "que sus toutes les richesces du monde on doit avoir chier ce que on aime et toutes autres chiertez doivent est nules envers la chierté de s’amie. La seconde lettre du cuer nous moustre "humblement"(...). La tierce lettre du cuer, si est e, qui nous moustre "entierement ", que on doit estre loyaux et entiers (...). La desreniere lettre de cuer, si est r qui moustre "rompuement ", que toutes autres amours soient rompues ". Estienne enfin résume : "On doit aimer s’amie en grant chierté d’amor et de cuer humiliant, rompuement et entierement sans adjouster nule autre estrange amour et sans fausser a ce que on aime "(f. 73).
16Ailleurs, Florence qui a été instruite par Artus, utilise ce que lui a enseigné son maître et explique son âme à partir du symbole de la rose (f. 99v) : la jeune fille comme la fleur va s’épanouir et se marier, l’amour est une douce senteur qui passe dans le corps, et c’est Artus qui est la rose des autres. Estienne remarque : "Je voi bien que vous avez eu sage maistre"(f. 99v-ss).
17Cependant cet usage du symbolisme reste limité : à nouveau, c’est plus le signe d’un savoir vulgarisé, que d’une érudition marquée.
3. La nigromancie
18Estienne cependant ne maîtrise pas seulement la cosmologie et l’art de la glose. D’Athènes il est aussi revenu souverains clers (...) del art de nigremance (f. 13), c’est-à-dire maître en art magique. Le mot nigremance reste assez vague, il désigne de façon générale la magie comme le montrent en contexte les termes astronomie, sors, et conjuremens. Estienne semble posséder des pouvoirs qu’il tire de son savoir et des livres qu’il consulte. Comme l’a montré M. Stanesco26, depuis la fin du xiième siècle, la nigromancie est progressivement intégrée imaginairement au cursus universitaire par le biais de l’astronomie et de l’école de Tolède (chez Hélinand de Froidmont par exemple27). Estienne pratique la divination et trouve ainsi la senefiance d’une vision qu’il partage avec l’archevêque (ce qui le dégage du soupçon de magie noire) (f. 34 v) ; il apprend dans ses livres qu’Artus est retenu prisonnier (f. 50 v-ss). Un soir de juillet, tandis que le ciel est clair, leva li maistres ses iex contemont. Si melancolia grant piece (f. 115) et répond à Gouvernaus qui l’interroge sur l’avenir. Plus loin grâce à ses livres il apprend le péril dans lequel se trouve Florence (f. 124). Il y a continuité entre l’interprétation des lettres, des symboles et des signes.
19Estienne est aussi guérisseur. Après les aventures de la Porte Noire, il donne à Artus un breuvage molt precieus qui lui donne l’impression que sa force est doublée : ne puis cele heure ne fu nulz qui de lui peust traire sanc tant fust en estour (...) fors seulement li monstre du Mont Perilloz (f. 37v). L’efficacité de ces soins est garantie par le grant sens de maistre Estene et par l’art d’astronomie. Le terme astronomie est ici suffisamment vague pour qu’on ne sache s’il s’agit de médecine (liée effectivement aux planètes et à la correspondance entre le micro- et le macrocosme) ou de nigromancie, de magie.
20Les pouvoirs du clerc restent tributaires des astres et non de Dieu ou du Diable. Avant de réaliser un sort, il regarde les étoiles et constate : Vraiement je voi ou cours des estoiles que tuit conjurement ont a l’eure d’ore vertus (f. 115). Non seulement tempestaire28, il noie aussi le camp ennemi sous une fumée qui rend couard l’adversaire et suscite l’illusion visuelle de renforts, ou bien encore il endort à distance le roi Emenidus pour l’enlever et le contraindre à la paix (f. 117). 11 peut enfin se déplacer à volonté (f. 50v) : si prist ses livres et fist tant qu’il ot ce qu’il demandoit. Si se fist porter en la sale ou nos chevaliers estoient.
21Pourtant Estienne n’est pas nommé enchanteur, même s’il accomplit des enchantements (f. 50v). Le terme enchanteur semble connoté négativement et il n’est utilisé qu’au sujet d’un felon, lié au duc de Bigorre, qui, comme Estienne, est capable de plonger la terre dans l’obscurité. L’enchantement est le même, mais Estienne oeuvre pour le bien tandis que le felon sert une mauvaise cause. La nigromancie est bien présentée comme un savoir clérical, apparenté à la médecine et à l’astronomie et non à la magie noire qui conjure les diables pour les utiliser. Estienne explique dans son exposé l’origine des vents, et par son art, il déclenche des tempêtes : il n’a pas besoin de recourir à des démons, sa connaissance des lois de la nature lui suffit pour bouleverser celles-ci momentanément dans un but louable.
4. Un idéal romanesque
22Les nombreuses qualités dont l’auteur a doté le clerc font de celui-ci un idéal qui est confronté au modèle chevaleresque représenté par Artus. Fils du roi de Valfondée, il est beau et élégant : la première rencontre entre Artus et Estienne donne lieu non à un portrait du chevalier (qui ne sera décrit qu’à la fin du roman), mais du clerc : portant une cote de tiretaine violete et .1. corset de samit vert fourré d’ermine ainsi qu’un chapiau de bonnet, il estoit del estature entre le grant et le petit et de couleur entre le blanc et le brunet a .l. visage crasset (f. 38)29. Il rivalise de politesse avec Artus, chacun des deux insistant pour se découvrir devant l’autre. Il est agréable en société et chante volontiers pour ses compagnons. Doué, il maîtrise l’art de la parole et celui de la musique. Enfin, l’amour courtois n’a pas de secret pour lui. A travers Estienne, c’est la triste réputation amoureuse du clerc qui est conjurée : il courtise gracieusement Florence, et séduit par son savoir Marguerite qu’il épousera.
23Cet idéal se caractérise par sa modération, son goût pour la médiation, l’harmonie, par son pouvoir unificateur, en opposition avec le chevalier, violent et guerrier30. si Artus est grans et lons sus tos les autres de toute la teste (f. 141 v), Estienne est de taille moyenne. Il apprécie ce qui est harmonieux : les couleurs de ses vêtements et son goût pour le chant le montrent (f. 118v et f. 123 v). Il aime unir et concilier : il est le médiateur entre Florence et Artus, il contribue à la paix finale. Il interrompt l’ultime tournoi parce qu’il le trouve trop brutal.
24Le romancier semble avoir eu une nette prédilection pour cette figure. Lorsqu’Estienne, Artus, Brisebarre, Hector et Philippe cheminent ensemble, seul Estienne a les honneurs d’une description : li maistres (...) fit en une cote de tiretaine violate, si ot une houce fouree de cendal vermeil, le chaperon avalé qu’il faisoit chaut comme en la matinee du temps d’aoust. Si senti la matinee .I. petitet froidete pour la douce rousee. Si chantoient cil oiselet es hautes forez et li temps fit biaux et clers. Si estoit li maistres jones homes, si ot le cuer sain et hetié et plain de nouveles amors. Si commença a chanter comme une droite serainne (f. 118v).
25C’est d’ailleurs Estienne, et non le héros éponyme, qui aura le dernier mot du roman dans la version courte que donne le manuscrit B.N. fr. 761 : si ot (Estene) bien veu la grant painne et le grant travail qu’il (Artus) ot en toute la journee. Si dist en sont cuer : "He gentil chevalier (...), vraiement je ne porroie plus soufrir vostre travail". Lors siffla li maistres, si fist venir au tornoy une si grant fumee que nulz ne vit l’autre. Si furent tuit esbahis dont ce venoit. Et ainsi se departirent cil du pays. Explicit le roumans d’Anus le Restoré (f. 143v).
26Il n’est pas exclu que l’auteur se soit projeté à travers cet Estienne inséparable de ses livres et maître de la parole. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant qu’il ait été lui-même clerc ou qu’il ait rêvé de l’être. S’il l’a été, son exposé témoigne d’une connaissance approximative, d’une mémoire infidèle ou de lectures approximatives, à moins que le texte n’ait été corrompu par un copiste. S’il a rêvé de l’être, les encyclopédies de vulgarisation ont pu assouvir en partie sa curiosité, et ainsi se trouveraient expliquées les inexactitudes de cet exposé. Un tel jeu de miroir ne serait pas surprenant, la trame narrative d’Artus de Bretagne reposant sur des reflets spéculaires : si Florence, Proserpine et l’automate ont la même apparence, pourquoi Estienne ne serait-il pas une image de l’auteur ? Ne voit-on pas le clerc faire surgir par enchantement sous les yeux étonnés de la cour une fontaine, des buissons de fleurs odorantes et un clerc élégant, avec près de lui une aubépine fleurie et un rossignol au chant pur? Par un jeu de miroirs, l’auteur - un clerc? - donne vie à Estienne qui fait apparaître à son tour un clerc et un rossignol au ramage séducteur31 (f. 120-120v). Le chant mélodieux du clerc, comparé à celui d’une sirène, est repris en écho par le rossignol.
27Cependant, cette projection originale de l’auteur ne doit pas masquer ce que la figure doit à la tradition. Tout d’abord, Estienne semble hériter des pouvoirs des enchanteurs épiques32 : comme Maugis dans Renaut de Montauban, il soigne, plonge ses ennemis dans un sommeil magique, endort l’empereur récalcitrant et l’enlève, teint les visages en noir et enchante une armée entière33. Pourtant, si Maugis doit expier ses pratiques magiques, Estienne le clerc, exalté, n’est en rien condamné34.
28D’autre part, les amours heureuses d’Estienne avec Marguerite d’Argençon35 conjurent le mythe d’Aristote et du clerc malheureux en amour. La première raison en est que Marguerite échappe à la misogynie qui traditionnellement va de pair avec le motif du clerc dupé : elle sait lire et fait preuve de grand sens36. Quant à Estienne, c’est un homme courtois qui n’ignore rien de l’amour et du monde : il semble même mieux préparé qu’Artus.
29En fait, notre roman est une récriture romanesque des débats du clerc et du chevalier37. Vaut-il mieux aimer un clerc ou un chevalier ? Marguerite préfère le clerc, Florence, qui repousse doucement Estienne son confident et ami d’enfance (f. 99v), le chevalier Artus. Je ne serais pas loin de penser que le Jugement d’Amour appelé aussi Florence et Blancheflor38 a pu inspirer notre auteur : dans le débat comme dans Artus, le personnage appelé Florence accorde sa préférence au chevalier, tandis que Blancheflor et Marguerite (qui porte elle aussi le nom d’une fleur blanche) privilégient le clerc.
30Cependant, dans le roman, il n’y a pas vraiment débat : les femmes ne confrontent pas leur point de vue. Estienne, après avoir glosé le mot cuer pour Marguerite d’Argençon lui pose la question : "Or me dites : se uns clers vous amoit, priseriez vous mains s’amour pour ce qu’il ne seroit chevaliers ? "La dame répond : "Clergie est moult haute chose et est espiritueux et vient de Dieu. Si fait moult a prisier quar ele fait cognoistre le bien et le mal et savoir que Dieux est, qui moult est haute chose et neccessaire, quar en la fin convient il morir. Si font li clerc mault a honnerer la au il sont preudomme quar quant plus set li homs de bien et plus fait a amer "(f. 73). Acceptant l’amour du clerc, elle ajoute : "Clerc deviennent bien chevalier et chevalier deviennent clerc a mault grant paine ". Après que le clerc a exposé son savoir, la dame se trouve conquise.
31Finalement gloire est enfin rendue dans Artus au clerc, arbitre suprême de la chevalerie39, mémoire et condition du roman40.
II. La clergie dégradée dans le manuscrit B.N. fr. 12549
32Pourtant cette exaltation de la clergie passera rapidement de mode. Peut-être datait-elle déjà vers 1320 quand fut composé Artus. Nous allons voir à travers la suite donnée par le manuscrit B.N. fr. 12549 qu’au xvème siècle Estienne n’a plus les faveurs du rédacteur. Pour S. V. Spilsbury41, la version que donne le manuscrit B.N. fr. 76J est apparemment incomplète. Pourtant, même si la fin est abrupte, l’explicit est présent. Il n’est pas exclu que cet escamotage final, présent dans le plus ancien des manuscrits conservés, ait paru surprenant, ce qui expliquerait la présence dans un certain nombre de manuscrits, d’une brève conclusion, plus traditionnelle, qui ne constitue pas une suite à proprement parler42. Au xvème siècle cependant trois véritables continuations seront données, qui témoignent du succès du roman. Deux donnent une même suite43 tandis que le manuscrit récemment arrivé à la Bibliothèque Nationale de Paris propose une version que nous étudierons ailleurs. Nous nous limiterons ici au manuscrit B.N. fr. 12549.
33Cette version résume assez fidèlement le début du roman comme en témoigne le portrait d’Estienne. C’était le plus gracieux clerc du monde. Si fut long entre le grant et le petit et le visaige grasset et de coulour entre le blanc et le brunet et disoit les paroles trop amiablement et toujours en riant. Si fut franc et doulx et courtois et tropt (sic) souverain clerc et filz de roy (f. 37 v). La suite joue dans un premier temps sur des duplications et des répétitions quelquefois lourdes et maladroites. Ainsi à Lyon, Estienne renouvelle ses jeux quand on lui demande aucun bel esbatement (f. 110v) : si leur44 fist sembler a chacun que leur compaignon n’avoient point de teste. Ils croient ensuite avoir perdu leurs braies, ils les remontent mais elles redescendent sans cesse : tous noient. Plus loin, le clerc fera apparaître à nouveau des buissons d’oiseaux, un rossignol et une scène de chasse (f. 117 v). De même, à trois reprises, Estienne se retrouve dans le rôle courtois de médiateur qu’il remplissait souvent dans la première version : c’est lui qui a l’idée d’instituer un conseil royal de douze pairs, parmi lesquels des clercs et des gens d’armes, les uns et les autres devant se tempérer (f. 124)45. C’est aussi lui qui dans une suite ordonnée d’articles expose un litige et réfléchit sur justice et trahison (f. 134). Enfin, mû par la pitié, il interrompt un siège : si fist froiser et depecer en petis chapleaux46 es mains aux charpentiers tout esbahy tous les engins que l’empereur avoit fait faire. Si estaient les charpentiers tous esbahy dont ce venoit car ilz les veoient monter en l’aer et descendre si roidement que tout estoit froissy (f. 146v).
34Estienne reste aussi le joyeux compagnon qu’il est dans la première version : lorsqu’il déguise ses compagnons pour qu’ils entrent dans la Fiere Ferté, ils sont aussi jaune comme pié d’escoufle et si mesgre par semblant que les os leurs sailloient et regardaient l’un l’autre et riaient tant fort (f. 111). Le merveilleux se teinte de burlesque : grâce à ses enchantements, Estienne dérobe toutes les braies de la cité assiégée et en fait un moncel (...) qui touchoit bien proys des creneaulx (f. 113 v). Voyant cela, Artus devine que li maistre avoit joué et Hector ironise : "Voulons nous faire buee ? La lavandiere sait honnie qui en aive les mectral "La réaction la plus fréquente aux enchantements du clerc est le rire.
35Cependant progressivement la figure évolue. D’amuseur, Estienne devient enchanteur et adepte de la magie noire. Il n’est plus présenté principalement comme un clerc, mais surtout comme un magicien qui, semble-t-il, conjure des esprits. Si se pensa qu’il feroit une resverie. Lors descendit aval et prent les livres. Si fist venir celui qu’il demandait. Si li commenda qui li aportast toutes les brayes (f. 113v). Il est appelé l’enchanteur maistre Estienne (f. 160). Même si le rite livresque est toujours mentionné, c’est désormais de charmes qu’il est question (f. 153 v, f. 159v...). Les commentaires des gens ne trompent pas : il disent que c’est deablerie (f. 154v), fairee (sic, f. 159v) et l’empereur s’estime enchanté (f. 159v). D’ailleurs Estienne apparaît sur un cheval noir diabolique, grant aux yeulx rouges (f. 148v), qui reuilloit des yeulx comme charbons ardans (f. 146v) et qui, comme Bayart, frappe du pied et mord les heaumes ennemis (f. 116v).
36De nombreux enchantements reposent sur une illusion visuelle ou auditive, resverie ou fantosme. Comme dans Vivien de Monbranc ou Perceforest se trouve suscitée une grande rivière47. Dans un marais, Estienne prend du foin, fait un charme et de chaque tas de foin, on voit surgir un illusoire homme en armes (f. 159v). Ailleurs, un tirant marteleis de marteaux est provoqué : les assiégés contre qui ce sort est exercé pensent être victimes de diables et se disent enchanté (f. 114v). Les habitants de la cité pensent être victimes d’un incendie.
37Certes ces enchantements sont souvent ludiques : Estienne rist quand cesse le charme grâce auquel il a transformé du foin en hommes (f. 159v), ou lorsqu’il métamorphose les chevaux de l’empereur en biches (f. 159v). C’est peut-être un trickster, un de ces illusionnistes changeurs de formes que les ethnologues ont rencontrés à travers de nombreuses cultures48. Mais le clerc, figure sombre, n’est désormais plus un simple amuseur puisque la fumée qu’il fait naître tue, tandis que dans la première version du roman, elle endormait. Il inquiète car ses facéties sont à la fois burlesques et diaboliques. Il abaisse l’idéal chevaleresque en substituant aux prouesses guerrières des enchantements impliquant des animaux et des métiers populaires dans une mise en scène infernale. Pour assourdir l’ennemi, il fait entendre des batteurs de faux, des forgerons frappant sur leur enclume et quatre cents ânes (f. 148v). Il se déguise en diable : avec ses taintures, il se noircit le visage49 et il explique au guetteur ennemi qu’il est de l’autre siecle et qu’il veut se marier : "- Comment, sire, ont ilz femmes en l’autre siecle et en l’autre monde ? - Ouy veoir, dist le maistre. C’est le premier mes, qu’ilz en font charbonnés pour desjuner. - Desjuner, sire, et en quel païs les menjue on ? - Sire, en enfer. - En enfer ? Estez, vous dyables ? - Sire, je gart la premiere porte d’enfer. - Et de quoy servez vous ? - Je metz les pechiez oubliés en escript "(f. 153v). Estienne est désormais plus proche de la deablie que de la clergie.
38Il se trouve dès lors confronté à l’enchanteur de l’empereur d’Inde, Marborin. La guerre tourne au duel d’enchanteurs, motif que l’on retrouve dans Jehan de Lanson où à Malaquin chez les Païens s’oppose Basin chez les Chrétiens50. Dans la Continuation d’Artus, il n’est pas fait de différence qualitative entre les deux figures, ce qui témoigne bien du discrédit d’Estienne. Au cours de la bataille opposant les champions magiciens, dans les deux camps, des charmes suscitent des illusions visuelles : les ennemis de Marborin se croient sous l’emprise du feu (f. 160), Estienne fait que les gens de l’empereur en train de s’acharner sur les hommes d’Artus s’imaginent frapper sur des cuves remplies d’eau (f. 167) ; en réponse, Marborin, par un charme trompeur, pousse ses ennemis à s’entretuer (f. 167). Tout cela n’est que fantosme (f. 167v). Dans un second temps cependant les deux enchanteurs s’affrontent directement à la lance puis à l’épée (f. 167v), mais Marborin, ayant le dessous, jure puis souffle (f. 167v) et Estienne se croit alors entouré de nombreux ennemis et se rend. Il s’aperçoit rapidement que Marborins avait joué de ses jeux et de ses ars, il siffle et son adversaire s’imagine avoir les pieds et les mains liés (f. 168). Estienne le fait prisonnier et le retient avec un charme. Ainsi s’achève la guerre.
39Cet épisode témoigne d’une usure du personnage d’Estienne, qui ne se distingue plus de l’enchanteur païen traditionnel : dans l’épisode de la Tour d’Yngremance (f. 198) ils seront collègues. Certes le clerc remplit son rôle comme dans la version initiale en mettant fin à la guerre, mais il ne semble plus que ce soit par refus de la violence, mais simplement pour avoir le dessus dans une rivalité opposant deux magiciens.
40Dans la suite du roman, Artus poursuit ses exploits, mais Estienne cesse d’être son compagnon. La confrontation du clerc et du chevalier n’a plus de raison d’être depuis qu’Estienne est plus maître de nigromance que clerc. Finalement, il ne reparaît que dans un épisode qui marque définitivement sa condamnation. Artus est conduit au cours de ses aventures dans une tour faite du temps ancien, la tour d’Yngromance ou le dyable fit l’une de VII. sciencez qu’on appelle l’art d’yngromancie51. Cette tour de cinquante étages est une école. Ung dyable qui tenoit une verge à la main, comme les maîtres, guide Artus jusqu’à une salle où se trouve un professeur qui aprenoit bien IIc escolliers, et seoit ce maistre en une chaire moult noblement et lisoit la lesson. Là se trouvent maistre Estienne l’enchanteur Artus et maistre Barborin l’enchanteur de l’empereur d’Inde52. Estienne accueille fort bien Artus et lui explique qu’il estoit venu aux escolles d’ingromancie pour ce que l’escolle de. Toulete n’estoit si bonne pour ce que la science y avait esté comancée53. Artus lui conseille de cesser cette activité et de partir, Estienne refuse. Le chevalier est alors conduit auprès de deux automates qui sonnent dans des trompes pour appeler les écoliers aux cours. Il ôte une cheville sous leurs pieds et les met hors service. Désormais les écoliers iront à Toulete et onques puis ne leur lit-t-on de yngromance (f. 198). Estienne disparaît alors définitivement du récit54.
41Cet épisode marque le divorce entre la clergie et la nigromance et explique la condamnation d’Estienne. La magie est considérée désormais avec suspicion. Le clerc n’épouse pas Marguerite, bien que la jeune femme réapparaisse rapidement dans le récit (f. 231v)55. Les valeurs chevaleresques se trouvent d’ailleurs elles aussi mises en cause : Lancelot de Champaigne, ayant accompli des exploits, répond au roi Serpentin qui le complimente : "Ce ne fut pas prouesse, ce fut oultrecuiderie. Si me doit estre pardonné " (f. 227). Dans la Continuation, c’est un monde entier qui est devenu anachronique : le clerc est le plus vivement mis en cause mais la figure du chevalier n’échappe pas non plus à cette sape. Parallèlement, c’est un mode d’écriture romanesque qui cesse de fonctionner : dans cette suite maladroite, inachevée56, les répétitions sont nombreuses57, les épisodes se suivent, juxtaposés, le merveilleux n’est plus qu’une succession arbitraire de motifs réduits à un squelette narratif. Estienne et Artus incompris, le roman a perdu son âme.
42Comment expliquer le discrédit d’Estienne ? Sa science serait-elle dépassée? Certes, mais on imprimera l’Image du Monde de Gossuin de Metz à de nombreuses reprises. Souffre-t-il des critiques émises depuis le xivème siècle contre les astrologues patentés qui ont pris beaucoup de pouvoir auprès des puissants58 ? Quoi qu’il en soit, la déclaration à Marguerite a disparu de la Continuation, elle ne reparaît ni dans les incunables, ni dans les éditions postérieures59. Le clerc médiéval n’a pas plus résisté à l’humanisme que l’enchanteur à la diabolisation de la magie. Ce bel idéal de clerc courtois, astronome et poète, d’enchanteur charmant et aimable, à la conversation à la fois savoureuse et savante, était certainement déjà nostalgique à l’époque de la première version. Anachronique par la suite, desservi par un continuateur sans souffle, Estienne s’est dégradé en figure d’enchanteur pratiquant la magie noire et corrompant la jeunesse des écoles.
Remarques sur les représentations du clerc Estienne
43Une évolution comparable caractérise l’iconographie. Seuls trois manuscrits d’Artus de Bretagne sont illustrés : d’une part, les deux manuscrits les plus anciens (1320-1340), très proches, B.N. fr. 761 et Carpentras, Bibliothèque Municipale 403, d’autre part au xvème siècle, le manuscrit New York Public Library 11460. Le manuscrit BN. fr. 761, avec une cinquantaine de miniatures, est plus illustré que les deux autres, qui en comptent 37. Chaque manuscrit présente des choix originaux : ceux de Paris et New York représentent la scène des dons des fées, épisode qui n’est pas illustré dans le manuscrit de Carpentras, qui en revanche est le seul à représenter Jehanette, nue, s’installant dans le lit d’Artus ; le manuscrit fr. 761 a l’originalité de montrer l’épreuve du lit périlleux, tandis que celui de New York illustre les combats contre le géant et la géante.
44Les manuscrits B.N. fr. 761 et Carp. 403 sont caractéristiques de ce style gothique des années 1320-40 qui servit à illustrer de nombreuses oeuvres profanes et qui se reconnaît à l’importance accordée au bleu et au rouge, à l’utilisation de larges surfaces de tons chauds, aux visages incolores, aux cheveux et aux traits faits à la plume. Les sujets mis en miniature dans les deux manuscrits sont assez souvent proches61. Les représentations du clerc sont parallèles. Estienne raconte à Artus que Governal est prisonnier au château de la Broche (f. 41 v dans les deux manuscrits) ; le clerc par un enchantement délivre Artus (Carp. f. 50v, B.N. fr. 761 f. 51) ; Estienne explique le monde à Marguerite d’Argençon ( Carp. f. 78, B.N. fr. 761, f. 66v) ; Estienne teint le visage des troupes d’Artus pour tromper l’ennemi (Carp. f. 139, B.N. fr. 761 f. 123v).
45Cependant deux images différentes du clerc sont données. Dans le manuscrit parisien, Estienne porte un chapel de bonnet noir et un vêtement bleu (f. 51) ou rouge (f. 66v), il est imberbe. Dans le manuscrit de Carpentras, dans les scènes où il est devin ou enchanteur (f. 50, f. 139, f. 41v) il porte un chapel rouge assorti à sa tenue et il est barbu (f. 150v). Ce détail ajouté au texte donne au personnage une certaine étrangeté. Dans la scène où il fait sa cour savante à Marguerite et où on le reconnaît au geste docte de sa main, il ne porte pas de barbe et se trouve plus conforme à l’idéal courtois. Ainsi contrairement au manuscrit de Paris, le manuscrit de Carpentras hésite entre l’image courtoise du clerc et celle, plus exotique, de l’enchanteur barbu.
46De la scène entre Marguerite et Estienne, le manuscrit B.N. fr. 761 (f. 66v) ne montre qu’une troupe de cavaliers arrivant devant Argençon, le clerc pouvant se reconnaître à son chapel, mais le manuscrit de Carpentras (f. 78) insiste sur le geste doctoral et figurant au ciel des étoiles illustre le sujet de la conférence.
47Le même souci du détail se retrouve dans la représentation que le manuscrit de Carpentras donne de la scène où pour tromper l’ennemi Estienne a noirci les visages de ses compagnons (f. 139) : les visages sont colorés en sombre, ce qui n’est pas le cas dans le manuscrit parisien (f. 123v).
48Pourtant celui-ci représente avec plus de soin que le manuscrit de Carpentras l’enchantement qui permet à Estienne de délivrer Artus. Fidèle à l’écrit, il le peint dans une chambre avec un livre, tandis qu’à l’extérieur une tempête abat les tentes ennemies et étonne les gardes en haut de la tour. Si le texte mentionne dans un second temps de l’enchantement une fumée qui rend couard, sur la miniature, on reconnaît simultanément le sort, la tempête, la fumée -le fond est sombre- et la peur des ennemis (f. 51). Dans le manuscrit de Carpentras, n’est montrée que l’issue : Artus et ses hommes sortent du château où ils étaient assiégés, et le clerc, représenté nettement plus grand que les autres personnages, les accueille (f. 50).
49Ces deux manuscrits qui donnent la version première du roman témoignent dans l’illustration d’une certaine hésitation entre la figure du clerc et celle de l’enchanteur. Le manuscrit parisien, insistant sur le livre, refusant de noicir les visages, dotant son personnage d’un physique courtois, souligne la clergie tandis que dans le manuscrit de Carpentras Estienne est nettement plus ambigu.
50Au xvème siècle, dans le manuscrit New York Public Library 114, l’image du clerc discrédité que nous avons devinée à travers l’étude de la Continuation se trouve confirmée. Le volume de New York, qui aurait appartenu à Jacques d’Armagnac, présente de fort belles miniatures certainement dues à un artiste flamand du sud. Elles illustrent de façon privilégiée les épisodes merveilleux et les joutes. Cependant Estienne, figure pourtant liée au merveilleux, n’est représenté que deux fois à l’extrême fin du roman dans son rôle d’auxiliaire permettant au héros de remporter la victoire62. La déclaration à Marguerite a disparu. L’illustration réduit donc le clerc au rôle d’utilité dramatique.
51La comparaison rapide de ces représentations va donc dans le même sens que l’analyse des textes : au xivème siècle, Estienne est un personnage ambigu, complexe et original, qui, un siècle plus tard, a cessé d’intéresser. Rangé au rayon des accessoires démodés, il est prêt à ressortir pour le plaisir des lecteurs du xxème siècle.
Notes de bas de page
1 "An edition of the first part of Artus de Bretaigne". Université d’Aberdeen, 1969, thèse dactylographiée ;"On the Date and Authorship of Artus de Bretaigne". Romania, t. 94, 1973, p. 505-523 ;"Artus de Bretaigne : Structure and Unity", Romania, t. 97, 1976, p. 63-76 ;"Traditional Material in Artus de Bretaigne". dans The Legend of Arthur in the Middle Ages. Studies presented to A. H. Diverres. éd. P. B. Grout, R.A. Lodge, C.E. Pickford et E.K.C Varty, Woodbridge, Suffolk, Boydell and Brower, 1983, p. 138-193.
2 "Epreuves, pièges et plaies dans Artus de Bretagne : le sourire du clerc et la violence du chevalier", dans La violence dans le monde médiéval. Senefiance 36, Aix-en-Provence, 1994, p. 201-218.
3 Aux onze manuscrits recensés par S. V. Spilsbury, il faut ajouter le manuscrit B.N. nouv. acq. fr. 20000 de la Bibliothèque Nationale de Paris. Sur les manuscrits, voir B. Woledge, Les manuscrits du Petit Artus de Bretagne. Romania, t. 63, 1937, p. 393-397.
4 Voir l’introduction au fac-similé de l’édition de 1584, à paraître à Paris, aux Presses de l’Ecole Normale Supérieure (N. Cazauran, C. Ferlampin-Acher).
5 Deux d’entre elles (manuscrits B.N. fr. 12549 et en deux volumes B.N. fr. 1432 et 19163) sont très proches. Nous travaillerons sur le manuscrit B.N. fr. 12549. Une analyse de ces romans est donnée dans la thèse dactylographiée de Tcho Hye Young, La survie du roman d’Artus de Bretagne du Moyen Age au xixe siècle. Université Paris-IV Sorbonne, 1994. Une suite est contenue dans le manuscrit récemment parvenu à la Bibliothèque Nationale de Paris et actuellement incommunicable.
6 Dans Athis et Prophilias ( éd. A. Hilka, 2 vol., Dresde, 1912 et 1916, v. 189-202), Athènes, ville de la clergie, envoie ses jeunes apprendre la chevalerie à Rome tandis que Rome envoie les siens apprendre la clergie à Athènes. Selon l’Image du Monde de Gossuin de Metz, la translatio imperii a successivement fait d’Athènes, Rome puis Paris, le siège de la clergie (voir C.V. Langlois, La connaissance de la nature et du monde au Moyen Age. Paris, 1911, p. 73).
7 Voir E. Grant, Physical Science in the Middle Ages. Cambridge, 1971, p. 22-23. Il n’existe pas de développement cosmologique général au Moyen Age : les énoncés se font grâce au jeu des quaestiones. Le livre de Sidrac le philosophe appelé aussi Livre de la Fontaine de toutes sciences (composé dans la deuxième moitié du xiiie siècle) se présente comme une série de questions posées par un roi auquel répond le philosophe, de même que Placides et Timeo (éd. Cl. Thomasset, Genève-Paris, 1980 et du même auteur : Une vision du monde à la fin du xiiie siècle : Commentaire du dialogue du Placides et Timeo. Genève, 1982).
8 Au début du roman, au moment où l’auteur évoque les terres du père de Florence, on devine le refoulement du modèle géographique savant de la mappemonde (f. 11 v).
9 Pour M. de Boüard, Revue des Questions Historiques, 112, 1930, p. 258-304, comme pour P. Michaud-Quantin ("les petites encyclopédies du xiiie siècle", dans La pensée encyclopédique au Moyen Age. Neuchâtel, 1966, p. 96-120), les laïcs comme les clercs ont accès au xiiie siècle aux ouvrages de vulgarisation en latin, tandis que pour C.V. Langlois (La vie en France au Moyen Age, op. cit.). les laïcs n’ont accès qu’aux écrits en français.
10 Sur ces résumés en latin, voir P. Michaud-Quantin, art, cit. L’auteur étudie quatre ouvrages échelonnés de la fin du xiie siècle au début du xlve siècle : le De naturis rerum d’Alexandre Neckham, le De propriatibus rerum de Barthélémy l’Anglais, le De naturis rerum de Thomas de Cantimpré et le Compendium philosophiae. anonyme.
11 Voir C. V. Langlois, op. cit.. p. 49-113. Outre l’édition (O.H. Prior, Lausanne-Paris, 1913), on peut consulter le chapitre de V. Le Clerc dans l’Histoire Littéraire de la France, t. XXIII, 1856, p. 287-ss et l’ouvrage de C. Fant, L’image du monde, poème inédit du milieu du xiiie siècle, étudié dans ses diverses rédactions françaises. Uppsala, 1886.
12 Voir P. Duhem, Le système du monde, vol. V, p. 233-ss et F. Van Steenberghen, Aristotle in the West. Louvain, 1955.
13 Li livres dou trEsor, éd. J. Carmody, Berkeley, 1945, reprod. Genève, 1975, I, C, p. 89.
14 Dans Science in the Middle Ages, éd. D. C. Lindberg, Chicago, 1978, p. 63.
15 Gossuin la compare aussi la terre à une pelote. Très souvent, la terre est assimilée à un oeuf. Cette image est tirée d’Honoré D’Autun (voir C. Deluz,"un ciel mieux étudié que la terre, d’après quelques textes sur le monde (XII-XIV)", Senefiance. 13, Aix-en -Provence, 1983, p. 93-ss). Le jaune, sphérique, est la Terre, le blanc et la coquille représentent ce qui l’entoure.
16 La longueur désigne la circonférence, la profondeur le diamètre. Il y a peut-être confusion avec la donnée que l’on trouve dans l’Image du Monde d’un Soleil situé à 585 diamètres terrestres de la Terre. Lorsque l’auteur dit :"Le soleil est plus grans de la terre LXX fois, et pour ce la terre est IIIXX et VII fois plus longue qu’elle n’a de parfont"(f. 72), aurait-il un modèle sous les yeux qu’il ne comprend pas bien, et qui juxtaposerait les rapports de taille entre le soleil et la terre d’une part, et d’autre part la distance terre-soleil en fonction du diamètre de la terre? Les deux idées sont apparentées dans la mesure où toutes deux établissent un rapport numérique entre la terre et le soleil. C’est cette relation qui pourrait avoir été mal comprise et transparaître à travers le pour ce qui sinon est difficile à comprendre. Cette erreur est-elle due à un modèle latin placé sous les yeux et mal traduit, à un texte en langue vulgaire mal lu, ou à des souvenirs vagues et mal rassemblés ?
17 Dans Science in the Middle Ages, op. cit.. p. 275.
18 Ibid., p. 287.
19 Ibid, p. 280.
20 Ibid., p. 70.
21 De même, à peu près à la même époque, la deuxième rédaction de Renart le Contrefait (entre 1328 et 1342), oeuvre d’un clerc, est marquée par l’influence de l’Image du Monde de Gossuin de Metz.
22 Ibid, p. 294. Cependant, la trame narrative de l’exposé donne à celui-ci une certaine cohérence, et la réduction des domaines traités et la brièveté du passage évitent la dispersion qui caractérise bien des ouvrages purement encyclopédiques.
23 Voir E. de Bruyne, Etudes d’esthétique médiévale. Bruges, De Tempel, 1946, t.I, p. 339-ss.
24 Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal. éd. F. Lecoy, Paris, Champion, 1973, t. I, v. 560 : Car par le non conuist an l’ome.
25 Jacques de Baisieux, trouvère du xiiie ou du début du xive siècle, semble avoir eu une certaine culture : il aurait eu quelques connaissances en latin, et aurait lu le Roman de la Rose et les romans du Graal (voir A. Scheler, Trouvères belges du xiie au xive siècle. 1ère série. Bruxelles, 1876, réimp. Genève, 1977, t. 1, p. 162-224). Il n’est pas impossible de comparer sa clergie à celle de l’auteur d’Artus.
26 "Nigromance et Université : scolastique du merveilleux dans le roman français du Moyen Age", dans Milieux universitaires et mentalité urbaine au Moyen Age, éd. D. Poirion, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 1987, p. 129-44.
27 Victor Le Clerc, dans l’Histoire Littéraire de la France, t. XXIII, Paris, 1856, p. 301, cite Hélinand : Ecce quaerunt clerici Parisiis artes liberales, Aureliani auctores, Bonomae codices, Salerni pyxides, Toleti daemones.
28 Si prist ses livres et fist ses conjuremens et ses sors. Siftst venir en l’ost .1. si grant estorbeillon et si fort qu’il rompait cordes et mas et tentes et brisoit loges et brisoit trez (...). Si se merveillierent moult nos gens dont ceste tempeste pooit venir et li temps estoit si biaux et si gens que nul plus (f. 51). Sur les tempestaires, voir R. L. Wagner, Sorcier et magicien, contribution à l’histoire de la magie. Paris, Droz, 1939, p. 61.
29 Ces vêtements annoncent ceux que portera Artus lors de son mariage : une cote d’un vert flamboiant comme esmeraude et. l. corset d’un samit violat fourré (f. 141 v).
30 Voir C. Ferlampin-Acher,"Epreuves, pièges et plaies...", art, cit., p. 216-7.
31 Cet intérêt pour le clerc apparaît dès le début du roman : parmi les victimes des larrons est mentionné de façon quelque peu inattendue un clerc mort aux côtés de son seigneur (f. 16).
32 Dans Artus se retrouvent un certain nombre de motifs épiques : voir C. Ferlampin-Acher,"Epreuves, pièges et plaies...", art, cit., p. 210-211.
33 Renaut de Montauban, éd. J. Thomas, Droz, 1989, v. 7614, v. 8099, v. 8945, v. 10502, laisse 228.
34 Voir Ph. Verelst,"L’enchanteur d’épopée. Prolégomènes à une étude sur Maugis", dans Romanica Gandensia. XII, 1976, p. 119-162. On peut aussi rapprocher Estienne de Basin qui, dans Jehan de Lanson. endort ses victimes (v. 1706-ss et v. 6162-ss) et se teint le visage (v. 2775-9) (éd. J.V. Myers, Chapel Hill, 1965).
35 Les clercs qui n’avaient reçu que les ordres mineurs n’étaient pas contraints au célibat.
36 Cela apparaît de façon évidente dans le début du passage consacré au mot cuer. Artus s’adressant à Marguerite remarque :"Si savez que en cesl mot “cuer"a .IIII. letres"(f. 73).
37 Sur ces débats, voir E. Faral,"Les débats du clerc et du chevalier dans la littérature des xiie et xiiie siècles", dans Recherches sur les sources latines des contes et romans courtois du Moyen Age, éd. Paris, 1967, réimp. Paris, Champion, 1983, p. 191-ss.
38 Ibid., p. 217-ss.
39 Le clerc apparaît très souvent dans ce rôle. Ainsi, dans Gui de Warewic, tous les participants à un tournoi se révélant excellents,
N’est clerc qui sace lesçun lire
Que le meilur d’els sace eslire (éd. A. Ewert, 2 vol. Paris, 1933, v. 899-90).
40 Si escripture ne fust feite
E puis par clers litte e retraite,
Mult fussent choses uhliees (Roman de Rou. éd. J. Holden, Paris, 1070-3, 3 vol., t. 3, v.7-9) Voir D. Kelly, The Art of Medieval French Romance. Madison, 1992, p. 75.
41 "Artus de Bretagne : Structure and Unity", art. cit., p. 63-4.
42 Il en va ainsi pour les manuscrits B.N. fr. 1431 et Bibliothèque de l’Arsenal 2992.
43 L’une est en un volume (B.N. fr. 12549), l’autre en deux (B.N. 1432 et 19163). Ces"suites"reprennent aussi le début du roman, mais retarde le mariage du héros, ce qui justifie l’introduction de nouvelles aventures.
44 Leur a pour référent les écuyers tranchants.
45 On retrouve là l’idée forte de la première version : la mise en balance du chevalier et du clerc.
46 Il faut donner à ce mot un sens qui n’est mentionné m dans le dictionnaire de Godefroy ni dans celui de Tobler et Lommatzsch, copeaux, valeur qui se comprend bien à partir d'"abatis d’arbres".
47 Vivien de Monbranc. éd. W. Van Emden, Droz, 1987, v. 361-ss ; Perceforest. éd. J. H. M. Taylor, Genève, 1979, 1. I, p. 194.
48 Voir C. G. Jung, P. Radin, K. Kerényi, Le Fripon divin, Genève Paris, 1958.
49 Le motif est certainement d’origine épique : pour tromper l’ennemi maure, il fallait se noircir la peau.
50 Sur cette symétrie des figures d’enchanteurs, voir Ph. Verelst, art. cit., p. 129.
51 Il y a certainement là un jeu de mots fondé sur la tour et le tour de magie. Le mot tour en effet peut être utilisé comme en français moderne au masculin au sens de"tour de passe passe"(dans Jehan de Lanson par exemple : Ossi savez vous moult juer d’encunterie, I Et des ars d’ingremance le tour et le maistrie, éd. J. V. Myers, Chapel Hill, 1965 v. 170-171). N’oublions pas cependant que les enchanteurs officient souvent dans les tours qui leur permettent d’avoir une vue dégagée vers les étoiles et de s’isoler d’éventuels curieux.
52 Il s’agit là de l’adversaire d’Estienne dont il a été question plus haut. La variante proposée pour le nom est intéressante. Si Marmorin ne semble un nom fréquent ni dans les romans ni dans les chansons de geste, en revanche, Barborin (ou plutôt Barbarin) est à la fois le nom de l’enchanteur de la cour du roi Félix dans Floire et Blancheflore et un nom très fréquent dans les chansons de geste, formé à partir de l’adjectif barbarin qui désigne les Sarrasins (voir A. Moisan, Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste, Paris, Droz, 1986,t. I, p. 209).
53 Faut-il comprendre que Tolède, traditionnellement école de nigromance, s’est tournée vers des"sciences"nouvelles, ce qui contraint Estienne à trouver dans cette tour un nouveau cadre pour l’enseignement de la nigromance ? Ou bien l’expression maladroite, voire fautive (pour ce que pourrait être mis pour pour ce ou pour ce se à valeur concessive, voir. Ph. Ménard, Syntaxe de l’ancien français, nouv. éd., Bordeaux, 1994, §447), fait-elle référence à Tolède, qui traditionnellement était considérée comme la première université où aurait été enseignée la magie ? Sur Tolède, voir Ph. Verelst, art. cit., p. 152-4.
54 Mis à part une brève allusion au duel passé entre Barborin et Estienne (f. 228v).
55 Elle est"remplacée"par sa soeur qui joue un rôle plus important qu’elle, comme si le discrédit d’Estienne rejaillissait sur elle.
56 Dans la version longue de la Continuation, une fin est donnée, teintée de spiritualité et nourrie de visions d’abondance.
57 Ne retenons qu’un exemple : aux f. 148v, 153, et 153 v, suscités par les charmes d’Estienne, forgerons et ânes font un vacarme infernal. Il eût pourtant été aisé de varier le motif.
58 Nicole Oresme (voir G. W. Coopland, Nicole Oresme and the astrologers, Liverpool. 1952) ou Philippe de Mézière dénoncent leur puissance.
59 Si, dans sa version, le comte de Tressan ne parle pas d’Estienne (il réduit le merveilleux), Delvau dans la"Bibliothèque Bleue"(Paris, Lécrivain et Toubon, 1859, in 8°, 41 p.), invente d’autres enchantements : sur le chemin du retour en Bretagne après les fiançailles à la cour du comte de Blois, Estienne fait sécher le vin et change des roses en vin (p. 34).
60 Le manuscrit de New York ajoute au récit quelques épisodes merveilleux comme le vol d’un cheval enchanté. Le manuscrit de Carpentras est mutilé : de nombreuses miniatures à sujet merveilleux ont été découpées. Ainsi ont disparu entre autres la représentation des hommes de cuivre (f. 37) et celle du monstre de Malegrape (f. 44).
61 B.N. fr. 761 (f. 33) et Carpentras (f. 32) illustrent de façon proche le Val Périlleux. Au f. 40 v des deux manuscrits sont représentés le songe d’Artus et les armes faees.
62 Voir E. S. Harkness, Le Livre du petit Artus. fils du bon duc Jehan de Bretagne. Illuminated manuscript, New York, 1928, tiré à part du Bulletin de la Bibliothèque, Juin, 1928. On trouve là quatre reproductions en noir et blanc.
Auteur
Université de Paris IV-Sorbonne
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