Le motif du pape combattant dans l’épopée
p. 91-112
Texte intégral
1Le 7 septembre 1303, le pape Boniface VIII était séquestré à Anagni par Philippe de Nogaret, envoyé du roi de France : le bruit courut même qu’il avait été souffleté. Une chose est sûre, c’est qu’il mourut quelques semaines après des suites de cette pénible affaire. A la charnière de deux siècles, après la perte de la Terre sainte, avec la chute de Saint-Jean d’Acre en 1291, le pontificat de ce pape a dessiné pour la chrétienté une nouvelle image de la Papauté : une élection entachée par ce fait sans précédent dans l’histoire chrétienne que constituait la renonciation à la tiare par Célestin V, les luttes du nouveau pape contre le cardinal Colonna et ses neveux, puis contre le roi de France et l’empereur d’Allemagne à propos de la suprématie du pouvoir pontifical sur les pouvoirs temporels avaient de quoi frapper les esprits, avant même les vicissitudes que devait apporter le xive siècle1.
2Il semble que des faits aussi inhabituels et l’installation progressive de la cour pontificale aux portes du royaume de France aient suscité chez les trouvères un regain d’intérêt pour le personnage du pape. Il y avait sans doute là matière à renouvellement à un moment où le genre épique semblait quelque peu vieillir, alors même que l’esprit de croisade devait être ranimé après la perte de la Terre sainte et malgré un déplacement des conflits vers l’Occident.
3Certes, à partir du xiiie siècle s’était déjà amorcée une évolution du personnage de l’« apostole », mais dans plusieurs chansons de geste tardives apparaît un motif assez curieux, celui du pape combattant. Nous voudrions souligner ici le caractère nouveau du motif au regard de ce qu’était la tradition épique, les analogies d’un texte à l’autre, et essayer de montrer comment cette image du miles clericus illustre les préoccupations du moment et reflète un esprit nouveau.
4Il est notable que, dans la tradition épique, le soldat « que Deus mist en sun num »2 et le pape ne sont jamais un seul et même personnage. Le miles clericus et le saint père illustrent des fonctions différentes. Au demeurant, l’homme d’église soldat de Dieu n’apparaît pas tellement dans l’épopée.
5Deux figures célèbres illustrent ce type de personnage : Turpin dans La Chanson de Roland et Lancelin dans La Geste des Lorrains. Mais pour celui-ci, comme le fait remarquer Joël Griswald, « l’homme d’Église est étouffé par le membre du lignage [...] Son action n’a plus le moindre rapport avec ses activités d’ecclésiastique, non plus qu’avec ses attributions de prélat. Son épée est mise au service du lignage, non plus au service de Dieu dont il se détourne résolument dans le sacrilège que constitue [l’]assassinat perpétré dans une chapelle »3. A cet égard, le commentaire de sa mort par ses administrés à titre d’oraison funèbre dans Gerbert de Metz est significatif :
Dist l’uns a l’autre : « Or somes nos garis,
Cant cis diables noz est isi ocis.
N’eüsons pais itant con il fust vis.
En grant repos est cheüs cist païs. »4
6Le « modèle du prélat combattant » est « clairement condamné dans le personnage de Lancelin », pour reprendre les termes de Jean-Pierre Martin5. Ce jugement de valeur illustre la répartition entre « oratores » et « bellatores », telle qu’elle est clairement définie dans le prologue de Garin le Loheren par l’archevêque de Reims :
Dist l’arcevesques : « Voz devez bien oïr.
Noz sonmes clerc et devons Dé servir
Et prierons por trestoz nos amis
Qu’il les desfende de mort et de peril.
Chevaliers estes, nostre sire voz fist ;
Toute droiture voz covient a tenir
Et sainte Église sauver et garantir [...] »6
7La répartition sociale est nettement marquée et le discrédit sur le prélat combattant est d’autant plus grand que le conflit dans lequel s’engage Lancelin est une lutte lignagnière entre chrétiens. Seul peut à la limite se concevoir un combat pour la foi, ce qu’illustre Turpin.
8Comme l’a signalé Edmond Faral, la présence de Turpin sur le champ de bataille correspond aussi à la nécessité de donner l’absolution aux combattants mourant pour leur foi et recoupe une réalité historique7. En outre, Turpin reflète « l’époque des évêques-comtes » si puissants à la fin du xie siècle et illustrée, par exemple, par la présence de Guy, évêque d’Amiens, et l’enthousiasme guerrier de l’évêque Eudes de Bayeux à la bataille de Hastings8.
9Toutefois, malgré des faits historiques connus, quelle que soit la stature de Turpin dans La Chanson de Roland, on ne peut pas dire que l’archevêque de Reims ait eu beaucoup de disciples, du moins dans la chanson de geste. Jean Frappier signalait à Edmond Faral deux épisodes très brefs, l’un dans Le Moniage Guillaume II (épisode de Synagon), l’autre dans Buevon de Conmarchis. Pour le premier cas, l’archevêque de Sens est présent sur le champ de bataille avec dix mille hommes sous ses ordres et tue un païen d’un coup d’épieu9. Pour le second, Adenet le Roi invente le personnage de l’archevêque Richier de Bourges, mais son rôle n’est guère plus développé que celui du chapelain dans l’épisode correspondant de l’œuvre source, à savoir Le Siège de Barbastre : sa participation aux combats est implicite quand l’ensemble des prisonniers français se bat10.
10Mieux vaut adjoindre à la liste l’archevêque de Dol, Ysoré, dans Aiquin. Comme dans Le Moniage Guillaume II, le prélat absout les combattants mais participe aussi en personne au combat11. En fait, Ysoré apparaît avant tout comme un chef temporel (cf. v. 716), car son nom vient dans la continuité d’énumération des barons bretons (v. 61-100, 734-766), l’archevêque parle de sa terre et de ses troupes (v. 130-132, 178-180), fournit l’équipement (v. 768), même si d’une part le texte fait par ailleurs mention d’un comte de Dol (v. 739) et si d’autre part la présence de prélats dans les rangs français semble assez banale pour qu’ils figurent parmi les victimes de guerre (v. 1864). En cela, l’œuvre, assez tardive, illustre déjà l’évolution d’une église plus séculière, constat que nous serons amené à faire également à propos du pape.
11On peut également ajouter à la liste des clercs combattants Pierre l’Hermite, dans La Chanson d’Antioche : il se sert de son bâton de pèlerin pour abattre les païens sous les murs d’Antioche12, mais d’une part il ne s’agit pas là d’un prélat, quelle que soit la renommée du personnage, et d’autre part la brièveté de la notation contraste avec le long épisode de l’évêque du Puy. En effet, la situation étant critique, celui-ci se met à la tête d’une « échelle » (v. 8163-8187), qui n’est au demeurant pas celle que constitue le clergé. Contrairement au clergé qui ne peut prendre les armes (v. 8236-8249), l’évêque a revêtu l’armure, ce qui surprend mais dynamise les chrétiens (v. 7685-7730). Cependant, malgré sa mention dans les rangs des combattants (v. 8548-8563, 8947-9009), l’évêque n’est jamais décrit en train de porter de coups ni même d’en recevoir ; sans doute est-il protégé par la sainte Lance, qu’il porte sur le champ de bataille. Il se contente de promettre le Paradis à ceux qui mourront pour leur foi. C’est le rôle dévolu en général au clergé (v. 8217-8229) ; même s’il peut vendre chèrement sa peau, comme le commente un païen (v. 8240-8245), le clerc illustre davantage sa foi en étant tué à l’autel (v. 559-561) plutôt que sur le champ de bataille.
12Si l’on retrouve si peu de prélats combattants dans des œuvres des xiie et xiiie siècles, leur rareté et le caractère épisodique de leur apparition, hormis le cas particulier de Lancelin, pourraient être justifiés par le fait que le personnage de Turpin apparaît suffisamment dans les textes de la matière de France pour ne pas avoir de pâles disciples, exception faite de l’archevêque de Dol. Mais on peut aussi l’expliquer autrement : le caractère combattif d’un clerc ne sera pas sans embarrasser les générations postérieures à La Chanson de Roland. C’est ainsi que même les exploits guerriers de Turpin sont gommés à peu près complètement dans la tradition du Pseudo-Turpin : tout au plus, le Pseudo-Turpin, en se citant dans la liste des compagnons de Charlemagne accompagnant celui-ci en Espagne, mentionne-t-il qu’il a tué de ses mains (ou de sa lance et de son épée) maint félon Sarrasin13. Ainsi peut-on mieux comprendre que l’auteur de La Chanson d’Antioche n’ait pas fait porter de coup à un évêque que rien ne distingue sur le champ de bataille, et ce malgré l’invraisemblance et sans même recourir à l’explication d’une protection par la sainte relique, comme le fera en d’autres temps David Aubert14.
13A plus forte raison, face à ces quelques figures guerrières, le pape ne peut que revêtir un autre caractère : absent de bien des textes, il incarne, lorsqu’il est mentionné, une fonction avant d’être un individu et représente les valeurs de l’Église et en distribue les sacrements. C’est ainsi que, dans Girart de Roussillon, il contribue à établir la paix, en venant en France, et rappelle les vertus de l’humilité, de l’amour, de la pénitence et excommunie tout futur belligérant15.
14Le pape apparaît nécessairement comme l’autorité suprême ; c’est ainsi qu’il tranche le différend qui oppose Charles Martel et les clercs, au début de Garin le Loheren. Son autorité clôt le débat entre partisans d’une aide, représentés par l’abbé de Cluny, et farouches opposants avec pour porte-parole l’archevêque de Reims, Henri. Plus compatissant qu’une partie du clergé français, il vote pour sept ans l’attribution de la dîme nécessaire à la poursuite des combats contre les païens16. A ce titre, le pape est le dépositaire de l’esprit de croisade17.
15Dans Orson de Beauvais, devant la transgression d’une parenté spirituelle, un des protagonistes menace d’en référer au pape :
Or trametra a Rome bries escris et salez,
Manderai l’apostole con fatement errez,
Que les conmandemens de la loi Dé faucez
Et conpere et conmere por avoir asamblez.18
16Incarnant donc une fonction avant d’être un individu, le souverain pontife est surtout désigné par les mots « apostole », « pape » ou « (Saint) Pere »19. Il est significatif que dans un texte comme La Chanson de la croisade albigeoise, qui revêt une forme épique, le souverain pontife soit toujours désigné dans le récit par les termes de « papa » ou d’« apostoli » alors que le caractère de chronique pourrait laisser attendre la mention des différents papes concernés par cette croisade, à savoir Innocent III et Honorius III, comme c’est le cas par exemple chez Philippe Mousket, qui, à l’inverse, traite de manière chronistique un matériau souvent épique20.
17Si le prénom du pape est mentionné dans une épopée, il est stéréotypé : le pape s’appelle le plus souvent Milon. Le caractère conventionnel de ce prénom est tel que le copiste de La Mort Maugis d’Aigremont le substitue à celui de Simon, prénom plus réaliste qui apparaît également dans Florence de Rome et qui s’incrit déjà dans l’évolution du personnage au cours du xiiie siècle21 : les manuscrits, sinon les textes, sont à peu près contemporains.
18Cette nécessité de dénommer le pape est également sensible dans les ajouts pratiqués dans les versions plus tardives d’une œuvre ; c’est ainsi que les papes Alexandre (II) et Jehan (VIII) sont mentionnés dans la version bourguignonne de Girart de Roussillon, du xive siècle, alors que le pape n’est pas prénommé dans la version franco-provençale. Il en est de même dans les interpolations de La Chanson d’Antioche, non sans quelque incohérence puisque le souverain pontife est appelé tantôt Urbain, comme il se doit, et tantôt Milon, selon la tradition22.
19Le prénom du pape Clément est un cas particulier : il appartient à la tradition épique, à travers le Pseudo-Turpin, de dénommer ainsi le pape contemporain de Charlemagne, mais il nous apparaît significatif que certaines œuvres multiplient la mention de saint Clément alors même qu’elles sont écrites sous le pontificat d’un autre Clément. La datation est bien sûr un problème délicat et toute conjecture peut paraître hasardeuse mais c’est au moins probant pour les œuvres d’Adenet le Roi dont la production commence sous le pontificat de Clément IV. Or ce prénom pontifical est mentionné dans les Enfances Ogier, dans Berte aus grans piés et surtout dans Buevon de Conmarchis, alors qu’il n’apparaît pas dans Le Siège de Barbastre, œuvre source de Buevon de Commarchis, et qu’on ne le retrouve pas dans les versions franco-italiennes des deux premières œuvres : dans La "Geste francor" di Venezia, le pape s’appelle Milon23.
20Comme pour saint Clément, la mention d’un prénom pontifical n’apparaît le plus souvent qu’en invocation dans les formules de serment : il s’agit de papes canonisés et appartenant à la plus haute antiquité, comme saint Grégoire ou saint Sylvestre24. On comprend aisément que le pape soit relativement peu présent en tant que véritable personnage dans les textes du xiie siècle : le pape demeurant à Rome, il faut le plus souvent que l’action passe par cette ville pour qu’il ait une quelconque importance dans un récit. Mais le besoin de donner une identité au personnage nous semble coïncider avec d’autres signes d’évolution dans des textes un peu plus tardifs.
21Les auteurs plus récents éprouvent le besoin d’introduire le pape même s’il n’est pas vraiment utile pour l’économie du récit : c’est ainsi que l’auteur d’Ami et Amile donne pour parrain à ses deux héros le pape Ysoré, ce qui n’a aucune incidence véritable sur le récit et n’est d’ailleurs pas mentionné dans la version latine antérieure de Raoul Le Tourtier25. Dans la rédaction C du Couronnement de Louis, de la fin du xiiie siècle, on constate des ajouts par rapport à la rédaction AB comme un « par l’apostle que on doit aourer » dans une intervention de Guillaume, ou encore comme la désignation d’un nouveau pape, un Milon bien sûr, par Louis26. On peut aussi remarquer une tendance à mentionner de nombreux papes chez Girart d’Amiens, qui se plaît à citer dans Le Roman de Charlemagne Adrien, Boniface, Léon.
22Par ailleurs, le pouvoir temporel du souverain pontife est davantage souligné : dans Florence de Rome (première et seconde versions), si le pape continue à incarner l’autorité morale à laquelle on se réfère — c’est à lui qu’Agravain, forcé à mentir sous la menace du traître, confesse la trahison de celui-ci — c’est en détenteur d’un pouvoir temporel que le Saint Père déjoue la traîtrise, en se mettant à la tête d’un millier d’hommes qui dissimulent leurs armes sous les chapes27, On peut concevoir qu’à l’intérieur de Rome il dispose de troupes et qu’en cela il puisse faire arrêter des traîtres, mais cette attitude amène le traître à réagir comme face à tout autre autorité temporelle :
Damedeu en jura, le pere esperetal,
Qu’il n’i a si hardi duc ne prince chasal,
Esvesque n’apostolle ne mestre chardenal,
C’il venoit por lui prendre, qu’il ne li donast tal
Qu’an chantera por lui la messe mortual.28
23Si la puissance temporelle du souverain pontife est plus sensible et si l’image du personnage est davantage façonnée par l’actualité, on peut se demander dans quelle mesure Sone de Nansay n’en comporte pas un écho : le pape Milon, trop âgé, transmet le trône de saint Pierre à son filleul, qui a fait des études de clerc et se révèle un ardent défenseur de la foi. Ce fait étonnant en soi est peut-être inspiré par l’abdication de Célestin V en 129429. L’allusion est en tout cas assurée en ce qui concerne la rédaction C du Couronnement de Louis, qui rajoute l’épisode de la déposition du pape, puisque le manuscrit est très précisément daté du 16 avril 129530.
24Il est vrai qu’au cours du xiiie siècle, la perception de la Papauté et de son chef a sans doute déjà évolué. D’une part, l’échec de la quatrième croisade complètement détournée de son but initial, les atrocités perpétrées pendant la croisade albigeoise avec le massacre de toute la population des villes conquises comme Béziers en 1209 ou Marmande en 1218, l’apparition de l’Inquisition modifient l’image que pouvait donner la Papauté. D’autre part, l’évolution du rôle des légats pontificaux, qui se transforment en véritables chefs d’armée, comme c’est le cas pour Arnaud Amauri, le fait que l’assassinat d’un légat ou d’inquisiteurs amènent des représailles font du pape un véritable chef temporel qui, à l’instar de l’empereur Charlemagne, réprime la révolte des barons31.
25Cependant, même si dans Florence de Rome, on voit le pape accourir dans la plus grande nécessité « a coite d’esperon » (v. 1828) comme tout bon chevalier dans un texte épique, le personnage ne revêt pas pour autant l’allure guerrière jusqu’alors dévolue à Turpin pour l’essentiel et n’est pas présent sur le champ de bataille.
26C’est pourquoi il nous a paru curieux de relever dans plusieurs textes du xive siècle une multiplication de clercs combattants et de voir le pape se mettre à la tête de troupes, prendre part aux combats et s’en faire un devoir, sinon y prendre un certain plaisir, syncrétisant en cela les deux figures distinctes telles que nous avons pu les illustrer, celle du prélat combattant et celle du pape, incarnation de l’Église, détenteur de l’esprit de croisade et dispensateur des sacrements.
27L’« échelle » de clercs devient une réalité souvent mentionnée et sa présence sur le terrain un peu plus efficace. Dans Ciperis de Vignevaux, on voit l’abbé de Cîteaux participer à la mobilisation générale :
Or vous diray du roy de France le royon
Qui estoit a Chisteaux o son frere de nom,
Ludovis qui des moisnes ot fait asemblison.
Tant en a asamblé en petite saison
Qu’à .xxiij. milliers a tant les nombroit on.
Le noble roy de France qui Dagoubert ot a nom
Manda és bonnes villes qui furent environ
Chevaulz et armeüres en itelle saison,
Qui n’y eust oncques moisne qui n’eust a habandon
Bon healme et gorgiere et espee et blason.
S’orent chascun cheval allemans ou frison.32
28L’action est menée contre des traîtres menaçant le trône de Dagobert et les moines ne sont pas les derniers à frapper :
Et le roy Daboubert de France l’herital,
Salemon de Bretengne et leur gent communal,
Et Ludovis le frere Dagoubert le leal
Entre lui et ses moisnes tous montés a cheval
Occhient tant et tuent de le gent criminal
Que tous en sont couvers et le mont et le val.
Car tant furent les moisnes fort et hardi vassal
Que tout jus abatoient le maistre et le cheval.33
29Lorsque c’est le pape qui dispose de troupes, il s’agit plutôt de lutter contre les païens : dans Tristan de Nanteuil, il propose trente mille Romains à Tristan pour délivrer son père34 ; il en va de même dans L’Entrée d’Espagne où Roland va chercher vingt mille hommes à Rome35. Signe de l’évolution du motif, la présence de l’archevêque de Reims aux côtés du roi de France dans la bataille, image initiale du clerc combattant, n’est plus qu’une simple mention dans Florent et Octavien, alors que le pape met sept mille clercs à la disposition d’Octavien pour seconder Dagobert contre les paiens36 ; dans cette troupe, « le clergié Qui d’aller en l’estour n’estoit pas costumier »37 va toutefois s’illustrer de façon curieuse, en l’absence du pape sur le terrain. Mais dans tous ces exemples, le pape se contente de fournir des troupes, fussent-elles ecclésiastiques.
30En revanche, dans La Belle Hélène de Constantinople, au moment de faire une sortie contre les païens assiégeant Rome, le roi Henry d’Angleterre propose au pape de rester à l’abri des remparts et celui-ci rétorque : « Ja ne moront sans moy Sarasin ne Persant »38. Et il ne s’agit pas de simple soutien moral ou d’absolution comme pour l’évêque du Puy :
Et ly sains apostoles a ocis un soudant.
Onques n’ot apostole en che siecle vivant
Qu’encontre Sarasin fesist mais d’armes tant
Comme fist sains Climens, on le treuve lisant.39
Mis en difficulté et secouru, le pape se replie sur les lignes romaines :
A boire demanda, il en fu pourveüs,
Et pour che point ly est tous ly cuers revenus.40
31Le texte ne précise pas de quel liquide revigorant il s’agit, mais toujours est-il que le pape va reprendre le combat et poursuivre les païens en fuite. Toutefois, le pape n’est pas seul et l’aide du roi d’Angleterre est précieuse : là se reconstitue le couple du clerc et du chevalier comme Turpin et Roland, restés maîtres du terrain à Roncevaux. En effet, cet épisode est construit comme un écho d’un précédent siège de Rome, au cours duquel le roi Henry d’Angleterre est à un moment en grande difficulté, ce qui inquiète le pape, qui suit la bataille du haut des remparts.
Il escrie à ses hommes : « Seigneur, pour Dieu merchy,
Car alons secourir trestout le plus hardy
Qui soit en tout le monde ne quë onques nasquy.
Se nous ne ly aidons, le cuer arons faly. »
Dont furent parmy Romme ly cor d’arrain bondy.
L’apostole meïsmes premierement yssy
Et li bon cardinal que furent sy amy.
Ly pape chevaucha parmy les prés floris ;
Le brach saint Symïon fait porter devant ly.
En l’estour se ferirent com bien amenyvy.
Dieux, que ly apostoles tres bien s’y combaty !
Ly istore tesmoigne et ly livres oussy
Qu’a ychelle journee, ychy que je vous dy,
Ochist de sa main prope ly papes seignoris
.XXV. Sarrasin, et les gens departy,
Et recoust des paiens le riche roy Henry41.
32Le caractère épique du personnage est celui des héros de l’ancien temps, à la dimension de Turpin, ce que souligne le poète en laudator temporis acti :
Et ly bons apostoles s’est armés a bandon.
Il avoit bien cent ans à icelle saison,
Mais encor avoit il coer et opignïon
De destruire paiens, ch’est se devosïon.
Seigneur, a cheluy tamps longuement vivoit on,
Mes Nature amenrist, tous les jours le voit on.42
33Il est surtout significatif que la bataille du dernier siège ait lieu le Vendredi saint et que, la veille, le pape adresse un prêche vibrant aux défenseurs de Rome. L’enjeu que constitue sa prise est souligné par le commentaire du païen Butor d’Arménie :
« Prendés moy che glouton, seigneur, je vous en prie,
Car ch’est ly dieux en terre de la gent baptisie. »43
34Ces scènes répétées du siège de Rome et de l’intervention armée du pape se retrouvent dans Dieudonné de Hongrie. Le héros éponyme se retrouve à Rome au moment où l’empereur Valérien, père d’Octavien, s’apprête à faire une sortie contre les païens qui assiègent la ville. Dieudonné propose ses services et se voit confier la bannière impériale. Malheureusement, l’affaire tourne mal et les deux souverains sont pris ; les Romains battent en retraite, et tout le monde se lamente :
Dont ploura l’apostole : en li n’ot c’aïrer !
Par dedens consistore va sen conseil mander :
Cardonnax et liegax et maint signator ber.
« Seigneurs, dist l’apostole, vueilliés moy escouter.
Vé ci povre aventure et c’on doit regreter :
Prins est li emp[er]ere a chu que vois conter,
Et li ber Dieudonné, qui tant fist a löer ;
Par ceste cause ci porrons bien decliner
Et la cité de Romme entor suspediter.
Nous vivons de clergie – c’est legier a prouver -
De Jhesucrist servir, de lire et de chanter.
Se devons metre paine de nos biens a sauver :
Vous iestes grans et fors pour bataille endurer.
Par le foy que je doy a Saint Pierre porter,
Se vous ne vous alés vistement adouber,
En chevax et en armes noblement ordener,
De tous vos benefices vous feray desgrader.
Jou m[ë]esmes vanray sus le cheval monter,
Armés de toutes armes, et tout devant aler.
En temps que Sarrazins sont alé reposer,
Les irons assalir, qui qu’il doie couster ! »
Et quant cis ont oÿ l’apostole parler,
N’auzerent sen commant nullement trespasser,
Mais il amassent miex as ostex demourer !44
35La couardise cléricale face aux desiderata pontificaux apparaît également dans Florent et Octavien dans des circonstances analogues, nous l’avons signalé : les cardinaux laissent prudemment Octavien s’avancer seul, préférant attendre que le gros de la chaleur soit passé et que la poussière soulevée par le combat retombe un peu, inconvénients auxquels s’ajoute la transpiration provoquée par les armes45. D’ailleurs, s’y mêle même un peu de casuistique car, lorsque le pape reproche leur lâcheté à ses clercs, un cardinal répond :
« Si nous en revenismes arrierë anssement,
Car l’Escripture dit qu’il pesche mortelment
Qui occire se fet tout a son essïant. »46
36Ainsi s’inverse la tendance des siècles précédents : c’est le pape qui devient le guerrier de Dieu, cependant que les prélats s’effacent quelque peu, mais le caractère temporel du pape transparaît désormais davantage que l’image d’homme de Dieu qu’avait Turpin. C’est ainsi que dans Dieudonné de Hongrie, après avoir mis en fuite les païens, le pape n’oublie nullement de répartir le butin pris à l’ennemi47.
37Comme dans La Belle Hélène de Constantinople, Rome va subir un autre siège, au cours duquel on voit tout d’abord cardinaux, légats et clercs monter aux créneaux pour participer à la défense de la ville ; puis l’empereur et son fils étant pris au cours d’une sortie, le pape intervient à son tour à la tête de deux mille clercs, mais, désarçonné et blessé, se fait également prendre, ne profitant plus de l’effet de surprise comme lors du premier siège48. Il ne devra sa libération qu’à l’intervention du roi Dagobert et à une scène de reconnaissance fraternelle entre celui-ci et le chef païen. L’image pontificale est beaucoup plus en demi-teinte que dans La Belle Hélène de Constantinople. Le pape est au premier rang de la croisade contre les païens certes mais, comme dans la Chanson de Roland, le clerc s’efface en fin de compte devant le chevalier, même si le récit s’achève par une négociation et une conversion de l’ennemi et non par une maîtrise du champ de bataille.
38Néanmoins, le motif du pape combattant constitue un point de rapprochement certain entre Dieudonné de Hongrie, qui date de la seconde moitié du xive siècle, et La Belle Hélène de Constantinople et peut être un élément en faveur d’une datation assez tardive de celle-ci49. Le motif du pape combattant y apparaît alors qu’il ne se trouve ni dans La Manekine, ni dans Le Roman du comte d’Anjou, ni dans Das Mädchen ohne Hände, version allemande du conte de la « fille aux mains coupées » recueillie par Grimm. Il relève du traitement épique apporté par La Belle Hélène de Constantinople à l’histoire et semble difficilement pouvoir être antérieur aux vicissitudes de la Papauté à Rome. On peut à cet égard établir un parallèle avec le traitement tout à fait particulier qui est fait du motif dans le Karleto de La "Geste francor" di Venezia.
39Dans ce texte, on voit un pape essayer de faire arrêter Karleto par un cardinal accompagné de milliers d’hommes (v. 7925-7948). Mais Karleto, ayant reçu du renfort, attaque le palais pontifical et dépose le pape, qui est littéralement mis en pièces par la foule (v. 8015-8150). Il met alors en lieu et place un pape de sa convenance, Milon (v. 8151-8167 et 8273) — comme dans la rédaction C du Couronnement de Louis. Ce nouveau pape, accorde l’indulgence à tous ceux qui aideront Karleto (v. 8192-8193) et, avec son clergé, va accompagner Karleto dans sa guerre de reconquête à la tête d’une armée constituée essentiellement de paiens (v. 8379-8387) ! En fait, le pape s’avérera un médiateur entre les Parisiens et Karleto (v. 8797-8864), tout en étant sans pitié pour les traîtres (v. 8904-8909), mais ni lui ni son clergé ne participent activement aux deux jours de combat devant Paris.
40Karl H. Bender a montré combien cette vision des choses, avec notamment la déposition du pape, reflétait avant tout la situation de l’Italie médiévale et prenait le pas sur la tradition de la lutte contre les païens50. Cette transposition dans une œuvre franco-italienne, qui, dans la version donnée par le Codex XIII du fonds français de la Bibliothèque Marciana, correspond à cette période d’évolution de l’image papale (xiiie-xive siècles) nous invite à relire les épisodes du pape combattant dans l’épopée française au regard de l’actualité du moment.
41Le motif du pape combattant, qui n’est donc pas de tradition épique, ne semble pas dans l’état actuel de nos recherches appartenir à une autre source comme la littérature hagiographique par exemple ; on peut donc s’interroger à juste titre sur ce qu’il signifie mais aussi sur ce qu’il cache51.
42L’auditoire du xive siècle n’est plus confronté aux grands prélats féodaux et, avec l’influence cistercienne et les réflexions du concile de Latran au xiiie siècle, le caractère belliqueux d’un homme d’Église ne peut que surprendre et semble devoir être justifié auprès de l’auditoire.
43Dans La Belle Hélène de Constantinople, à propos de l’archevêque de Tours qui dirige la première division d’armée au siège de Bruges, le poète déclare :
L’archevesque de Tours le premiere maistrie
Car il pooit de droit, sy com l’istoire crie,
Canter le Dieu mestier les armures vesties ;
Il fu conte palais et hautains en clergie ;
Se terre marcisoit a le gent paiennie,
Se maintenoit les armes toute a se commandie :
Bon mestier y avoit o temps dont senefie.52
44Le rejet dans un passé lointain suffit à justifier le personnage pour le public contemporain. Mais nous avons vu qu’au siècle suivant cela ne suffira plus pour David Aubert : dans sa longueur, la justification du prélat combattant souligne combien le personnage est embarrassant, surtout quand il ne s’agit plus de lutter contre les païens. Mais il ne faut pas perdre de vue que la figure du pape combattant s’inscrit dans la lutte contre le mal.
45On sait que l’esprit de croisade a continué à animer les courants de pensée du xive siècle ; en 1336, Philippe VI prononce le vœu de croisade ; en 1347, Clément VI confie la conduite de la croisade contre les Turcs à Humbert de Vienne ; dès sa libération, Jean II le Bon vient prendre la croix à Avignon53. Qui mieux que le chef de l’Église peut donner l’exemple en payant de sa personne ? Au pire, s’il n’est pas présent sur le terrain pour des raisons de réalisme, c’est aussi en son nom que se font les conquêtes comme dans L’Entrée d’Espagne, puisque son gonfanon fait partie des trois donnés à la ville de Najera après sa reddition54.
46L’aspect religieux de la croisade contre les païens et du rôle qu’y joue le pape est fortement réaffirmé dans La Belle Hélène de Constantinople par l’octroi de l’indulgence plénière : en franchissant les portes de Rome pour combattre, le pape bénit la foule
En disant "Douche gent, or alés, my enfant,
Vengier la mort de Dieu a l’espee trenchant.
Tout chil que chy morront en Jhesucrist vengant
Seront lassus sauvé ou trone reluisans
Et de tous vos pequiés vous rassaux maintenant."
Dont s’en vont crestïen bault et liet et joiant.55
47Certes, l’absolution est souvent mentionnée dans les textes, quelle que soit l’époque d’ailleurs, mais il est remarquable de la voir donnée par le pape dans les textes où lui-même se bat : outre que cela rappelle le principe de la guerre sainte énoncé par les papes lors des croisades56, cela recoupe le fait que l’indulgence plénière, critère déterminant pour la notion de croisade, a souvent été accordée par les papes avignonnais pour des combats menées notamment en Italie et en France57.
48Or assez curieusement, les papes nommés semblent l’être en regard des pontificats contemporains : Clément pour Lion de Bourges et La Belle Hélène de Constantinople, Innocent pour Dieudonné de Hongrie, Boniface dans Theseus de Cologne.
49C’est peu assurément, mais on peut glisser quelque autre rapprochement : si le problème de la richesse de l’Église n’est pas nouveau et que l’abandon de la dîme au roi d’Angleterre en échange de son aide, dans La Belle Hélène de Constantinople (v. 1543), puisse passer pour réminiscence littéraire, n’est-il pas curieux de constater que depuis 1333 l’Angleterre ne payait plus le cens ? N’est-il pas également curieux d’entendre le pape Innocent menacer son clergé de lui supprimer les bénéfices alors qu’Innocent VI a repris et amplifié la politique d’assainissement de son prédécesseur en matière de bénéfices, qu’il veille à l’esprit de pauvreté et vilipende le luxe des vêtements des clercs, qu’il pratique une politique d’austérité à la cour pontificale58 ?
50On constate par ailleurs que les prélats prisonniers sont assez nombreux dans les textes de cette époque et on est en droit de se demander si une certaine réalité historique ne se cache pas là : c’est ainsi qu’on trouve dans Tristan de Nanteuil un archevêque de Sens fait prisonnier par les païens alors que Guillaume de Melun, archevêque de Sens précisément, a été pris à Poitiers59 ? Ces petits rapprochements sont trop fréquents pour ne pas être significatifs ; par exemple dans Ciperis de Vignevaux, l’archevêque de Cantorbery remet les clés de sa ville au roi de France et se fait accompagner par six bourgeois : l’allusion à l’épisode de Calais et son inversion au profit du roi de France semblent claires60.
51Certaines investigations restent à mener sur les rapports entre les textes et l’actualité contemporaine : il faudrait voir, par exemple, si la conquête de la Grèce et sa conversion qui apparaissent dans plusieurs textes de l’époque ne constituent pas un écho discret des tentatives de rapprochement entre les orthodoxes et les catholiques au milieu du xive siècle61 ou encore si le siège de la ville de Castres dans La Belle Hélène de Constantinople ne correspond pas à un épisode particulier de la guerre dans le Sud-Ouest, car seul le Siège de Castres, œuvre de la fin du xiiie siècle, utilise ce toponyme.
52Toujours est-il que la multiplication des clercs combattants nous semble étroitement liée aux déplacements des lieux de conflit. La guerre de Cent Ans a provoqué un certain nombre de pillages d’abbayes et de lieux de culte en France. Or, que ce soit pour défendre leur couvent ou leurs biens, ou, à plus forte raison, que ce soit en s’enrôlant dans des compagnies, les clercs séculiers et réguliers tombent sous le coup d’une censure spéciale exigeant pour son absolution un recours au pape. Mais il était bien difficile de se laisser dépouiller sans rien faire et les archives pontificales comprennent bon nombre de demandes d’absolution jusqu’au milieu du xve siècle62 : à certains égards Rabelais n’a pas eu à chercher bien loin le modèle de frère Jean des Entommeures. Bien pire, on a vu des moines s’instaurer chefs de bande, s’enrôler dans des Grandes Compagnies et les abords mêmes du Comtat Venaissin ont eu à subir un certain Arnaud de Cervolles dit l’Archiprêtre, qui s’est attaqué à Saint-Maximin et Aix en 1357, a pris Pont-Saint-Esprit en 1360, coupant le ravitaillement en eau d’Avignon, ce qui a valu un impôt spécial aux clercs d’Avignon pour financer l’achèvement des remparts. Déjà, en 1357, Innocent VI avait demandé au clergé de contribuer de ses deniers à la fortification de différentes villes du sud de la France. Enfin, une bulle du 9 janvier 1361 accordait une indulgence pour une croisade contre la compagnie de l’Archiprêtre63. A travers cet exemple particulier, mais qui a bien des antécédents, on peut se demander si toutes ces situations critiques ne pouvaient pas fournir, hélas, une source d’inspiration et de renouvellement.
53A ce titre, c’est sans doute dans la situation italienne que se trouve l’explication du motif du pape combattant, plus que dans la tentative de ranimer un esprit de croisade, du moins au sens où on l’entend ordinairement pour la reconquête de la Terre sainte. En effet, la situation romaine n’est pas très brillante au xive siècle et c’est ce qui nous a valu un séjour de la Papauté en Provence. Dès le début du siècle, Rome est l’objet d’une expédition de l’empereur d’Allemagne Henri VII. Par ailleurs, les États pontificaux sont partiellement occupés par les Visconti, Rome connaît des troubles périodiques comme la prise de pouvoir par Cola di Rienzo (le Rienzi de l’opéra)64. Or la répétition des sièges de Rome apparaît dans La Belle Hélène de Contantinople, dans Dieudonné de Hongrie, dans Florent et Octavien.
54La situation troublée de Rome et les disputes factieuses nous semblent avoir notamment mis à la mode l’emploi d’un personnage et surtout d’un mot peu attesté jusqu’alors dans l’épopée, le « sénateur »65 : il connaît une fortune certaine et nous l’avons repéré dans Florent et Octavien, La Belle Hélène de Constantinople, Lion de Bourges, Dieudonné de Hongrie, La Mort Maugis d’Aigremont, et dans la version du xive siècle de Florence de Rome66 ; le plus souvent, le prénom est stéréotypé en Richier ou Rénier. Or les sénateurs de Rome ne sont plus que deux à partir de 1238, et s’apparentent davantage aux consuls pour leurs fonctions de gestionnaires et aux tribuns pour leur mode d’élection et à partir du xiiie siècle cette charge est mieux connue en France puisque Charles 1er d’Anjou notamment, le frère de Saint Louis, a été nommé sénateur. Les luttes d’influence autour de l’attribution de la charge déchirent Rome au milieu du xive siècle et les vicissitudes de Cola di Rienzo, qualifié parfois de sénateur, et qui finira « traîné et encroué », font peut-être que la notion de sénateur devient encore plus familière aux poètes du nord de la France. On pourrait aussi s’intéresser aux énumérations filées de la hiérarchie ecclésiastique, qui deviennent systématiques, reflet peut-être d’une cour pontificale toujours plus développée.
55Nous ne nous éloignons qu’en apparence du motif du pape combattant, car les papes avignonnais ont dû développer une politique de reconquête des États pontificaux avant de pouvoir regagner Rome et si les papes ne se mettent pas en personne à la tête des troupes pontificales, ils délèguent des cardinaux-légats comme Bertrand du Poujet, Astorge de Durfort ou Gil Albomoz, qui va se révéler un véritable chef de guerre et parvenir à mater bien des ennemis du Saint Siège67 ; l’évolution du rôle des légats amorcée avec la croisade albigeoise va aller en s’amplifiant.
Seigneurs, que vous iroie alongent le canchon,
Ne faisant lonc prologe ni amentascïon
De chou dont le matere ne fait point mention ?68
56Le motif du pape combattant vient illustrer un fait qui n’est plus nouveau, à savoir que l’épopée tardive est souvent liée à l’actualité du moment, dont elle se fait plus ou moins discrètement l’écho. Il illustre également la capacité d’invention dans un genre dont les dernières productions ont bien souvent et longtemps été taxées de pâle imitation et de délayage. Il marque l’évolution de l’image papale amorcée au xiiie siècle.
57Certes, ce motif est assez limité mais il s’inscrit dans la transformation plus générale du miles clericus. Avec en filigrane celui d’une armée de clercs, il s’avère quelque peu paradoxal, car si les vertus du clerc et celles du chevalier étaient si aisément conjugables, comment se fait-il que les ordres militaires n’aient pas suscité plus d’écho dans la littérature ? Nous avons rappelé que la réalité canonique est tout autre. Le motif est également appelé à laisser place à d’autres images au gré de l’actualité : les vicissitudes du pape réduit en esclavage dans Theseus de Cologne semblent une allusion au schisme d’Occident69.
58Cependant, l’image du pape combattant, chef de l’Église ne se contentant plus d’encouragements ou de subsides, mais donnant l’exemple, pouvait vivifier un esprit de croisade bien appauvri. Il était en effet difficile de faire penser à reconquérir la Terre sainte sur les païens quand la guerre déchirait les chrétiens entre eux, guerre qui n’entrait pas pour autant dans une thématique des barons révoltés.
59En revanche, il nous est donné de constater que la localisation picarde de cette production tardive, au contact direct des réalités du conflit anglo-français, peut expliquer une diffusion de certains motifs nouveaux. Celui du pape combattant aura un certain succès puisqu’on le retrouve sous la plume de David Aubert qui introduit un pape combattant aux côtés de Charlemagne face aux païens70.
60Le motif du pape combattant est donc original. Mais après tout, peut-être certains trouvères n’étaient-ils pas loin de penser que les Gibelins d’un côté et les Anglais de l’autre étaient les nouveaux païens de l’univers épique et espéraient-ils bien voir la Papauté soutenir la cause du roi de France, seul souverain occidental encore capable d’animer l’esprit de croisade71.
Notes de bas de page
1 Voir Dom Louis Tosti, Histoire de Boniface VIII et de son siècle avec des notes et des pièces justificatives, traduit de l’italien par l’Abbé Marie-Duclos, Paris, Louis Vivès, 1854, t. 1 p. 102-175, 324-348, t. 2, p. 76-78, 321-324, et Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastiques, Paris, Letouzey, 1912-, aux articles Boniface VIII, Giacomo Colonna.
2 La Chanson de Roland, éd. Gérard Moignet, Paris, Bordas, 1969, v. 2238.
3 Joël Grisward, « Essai sur Garin Le Loherain. Structure et sens du prologue », Romania, t. 88, 1967, p. 314.
4 Gerbert de Metz, éd. Pauline Taylor, Namur, Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres, 1952, v. 211-214.
5 « Oratores et bellatores dans le cycle des Lorrains », Actes du XIe Congrès international de la société Rencesvals, Barcelone, Real Academia de Buenas Letras, XXII, 1990, t. II, p. 32.
6 Garin le Loheren, éd. Josephine E. Vallerie, Ann Arbor, Edwards, 1947, v. 93-99.
7 Edmond Faral, « A propos de la Chanson de Roland. Genèse et signification du personnage de Turpin », La Technique littéraire des chansons de geste, Paris, Les Belles Lettres, 1959, p. 271-280, cf. plus particulièrement p. 273 sq.
8 Cf. ibid., p. 274-275, J. Grisward, art. cité, p. 317-318, et Dictionnaire d’Histoire [...].
9 Les deux rédactions en vers du moniage Guillaume, chanson de geste du xiie siècle, éd. Wilhelm Cloetta, Paris, Firmin Didot, t. 1, 1906, v. 4190-4243.
10 Buevon de Conmarchis, éd. Albert Henry (dans Les œuvres d’Adenet le Roi, t. II), Bruges, de Tempel, 1953, v. 1027-1140, puis lors de la sortie des Français, laisse L.
11 Aiquin ou la conquête de la Bretagne par le roi Charlemagne, éd. Francis Jacques (avec la collaboration de Madeleine Tyssens), Aix-en-Provence, Publications du CUER MA, Université de Provence, 1979, v. 564-580, 802-828, 1180-1250, 1370-1414.
12 La Chanson d’Antioche, édition du texte d’après la version ancienne par Suzanne Duparc-Quioc, Paris, P. Geuthner, 2 t., 1977-1978 ; le texte (t. 1, v. 8932-8935) souligne que cet effort fait suer le vieil homme.
13 A cela s’ajoute, au moment de la mort du héros, la mention des plaies contractées en Espagne, cf. La Traduction du Pseudo-Turpin du manuscrit Vatican Regina 624, éd. par Claude Buridant, Genève, Droz, 1976, p. 96 et 122 et Le Turpin français, dit le Turpin I, éd. par Ronald L. Walpole, Toronto, University of Toronto Press, 1985, p. 14, 51, et 93 pour les variantes. Malgré des sources communes, cette atténuation du caractère combatif de Turpin ne perdure pas dans L’Entrée d’Espagne, chanson de geste franco-italienne, éd. par Antoine Thomas, Paris, Firmin Didot, 1913 (voir les exploits de Turpin dans l’index des noms propres).
14 . Dans les Chroniques et conquestes de Charlemaigne, publiées par Robert Guiette, Bruxelles, Palais des Académies, t. 1, 1940, p. 319 sq., David Aubert cherche à expliquer comment Turpin, qui « sembloit mieux estre homme mondain, chevalier faisant l’exercice du mestier des armes, que archevesque ou homme d’Église, comme abbé ou autre prélat » extorque au pape l’autorisation de se battre aux côtés de Charlemagne contre les païens ou les barons révoltés en acceptant de porter la vraie Croix sur le champ de bataille, après que plusieurs cardinaux ont décliné la charge en répondant qu’ils auraient bien assez à faire pour se protéger eux-mêmes. Dans l’urgence, le pape cède, mais Turpin ne tardera pas à lui rapporter son fardeau car il trouve plus de plaisir à distribuer des horions qu’à porter au milieu de la bataille la vraie Croix, qui a l’inconvénient de protéger de toute attaque celui qui la brandit (cf. p. 329).
15 La Chanson de Girart de Roussillon, éd. de W. Mary Hackett, Paris, Picard, 1953-1955, donnée par Micheline de Combarieu du Grès et Gérard Gouiran, Paris, Livre de Poche, 1993, v. 9065-9071 et 9355-9471. Cette image du devoir pontifical est encore celle donnée par Clément VI écrivant au parlement de Paris en 1343, cf. Antoine Pelissier, Innocent VI, Le Réformateur, s.l.n.d. (dépôt légal, 1961), p. 36.
16 Garin le Loheren, éd. citée, v. 59-126.
17 Il est difficile de savoir s’il peut éventuellement fournir des troupes dans les textes antérieurs au xive siècle : l’exemple d’Aiquin ne nous paraît pas probant tant le passage visé est fautif et corrigé par l’éditeur, cf. éd. citée, v. 2742 et 2757, même si la correction peut s’appuyer éventuellement sur les vers 3010-3011.
18 Orson de Beauvais, éd. Gaston Paris, S.A.T.F., 1899, v. 2727-2730.
19 Par ordre décroissant d’importance. Pour s’en convaincre, il n’est que de comparer le long article APOSTO(I)L(L)E dans le Répertoire des noms propres de personnes et de lieux cités dans les chansons de geste françaises et les œuvres françaises dérivées d’André Moisan, Genève, Droz, 1986, t.I, vol. 1, page 168-169, avec la liste des noms de papes, vol. 2, p. 988 — liste au demeurant incomplète (il convient d’y ajouter « Boniface », « Grégoire » et « Milon ») — et les entrées correspondantes, dont il convient de vérifier les occurrences (voir infrd).
20 La seule exception dans La Chanson de la croisade albigeoise (éd. Eugène Martin-Chabot, Paris, Les Belles Lettres, 1957-1961, reproduite par Henri Gougaud, Paris, Livre de poche, 1989) est en discours direct, quand l’évêque Foulques de Toulouse s’adresse au pape ainsi : « Senhor dreitz apostolis, cars paire Innocens », p. 226 = XVI, [148], v. 3. En désignant le pape uniquement par sa fonction, le récit reprend son modèle, à savoir La Chanson d’Antioche, dans sa version ancienne. L’image donnée du pape cadre avec le personnage tel qu’il apparaît dans l’épopée, plein de douceur et de modération, cf. p. 222-228 = XV, [146], v. 10-XVI, [148], v. 74.
21 La Mort Maugis d’Aigremont (éd. Ferdinand Castets, Revue des Langues Romanes, t. XXXVI, 1892), v. 508 ; Florence de Rome, Chanson d’aventures du premier quart du xiiie siècle, éd. par Axel Wallensköld, Paris, Firmin Didot, 1907-1909, t. 1, v. 118, 1193, 2019, et t. 2, v. 1827, 3528 : les autres occurrences signalées par André Moisan, op. cit., sous l’entrée SIMON, font mention du pape mais sans donner son prénom.
22 Cf. éd. citée, t.I, interpolation III bis, v. 154 et varia lectio, interpolation XIV, v. 38. Aucun des manuscrits impliqués n’est antérieur à la seconde moitié du xiiie siècle (voir t. II, « La transmission du texte », p. 51-60). Cela étant, dans l’interpolation III et III bis, dite du concile de Clermont, le pape conserve un rôle traditionnel : il prêche la croisade, bénit et donne l’absolution.
23 Voir Les œuvres d’Adenet le Roi, éd. citée, et La "Geste francor" di Venezia, éd. Aldo Rosellini, Brescia, La Scuola, 1986, aux index des noms propres.
24 Là encore il faut vérifier les occurrences données par André Moisan, op. cit., sous les entrées citées : par exemple Aiol, (S.A.T.F.), v. 7616, est une formule de serment non répertoriée comme telle, il en est de même pour Aymeri de Narbonne, (S.A.T.F.), v. 761 ou Le Moniage Guillaume II, éd. citée, v. 363 en variante (il est intéressant de voir que le manuscrit Dl est un manuscrit tardif, qui introduit la mention du pape).
25 Cf. Ami et Amile, chanson de geste, éd. Peter F. Dembowski, Paris, Champion, 1969, Introduction, p. xii.
26 Les Rédactions en vers du Couronnement de Louis, éd. Yvan G. Lepage, Genève, Droz, 1978, v. 2096 et 2683-2695.
27 Florence de Rome, éd. citée, t. 2, v. 2963 sq. ; mais la méthode change dans la version du xive siècle : le pape se contente d’envoyer un cardinal et fait menacer d’excommunication quiconque soutiendrait le traître (t. 1, p. 197 sq.). Signalons par ailleurs que le pape est le parrain de Florence et qu’à ce titre, il est un personnage plus important dans l’économie du récit.
28 Ibid., t. 2, v. 2991-2995.
29 Cf. Sone de Nansay, éd. Goldschmidt, Tübingen, 1899, v. 17774, 20714-20731, et Claude Lachet, Sone de Nansay et le roman d’aventures au xiiiie siècle, Paris, Champion, 1992, p. 129-130. Claude Lachet, p. 53-61, donne la fin du xiiie siècle ou siècle ou le tout début du xive siècle comme date présumée, même s’il avance plus précisément 1267-1280, p. 61. Dans l’imprécision qui subsiste, la coïncidence mérite en tout cas d’être remarquée.
30 Cf. Couronnement de Louis, éd. citée, « Les Manuscrits », p. xxiv.
31 Cf. La Chanson de la croisade albigeoise, éd. citée, « Introduction », p. 12-15.
32 Ciperis de Vignevaux, éd. William S. Woods, Chapel Hill, University of North Carolina, v. 4592-4602.
33 Ibid., v. 4701-4708.
34 Tristan de Nanteuil, éd. Keith V. Sinclair, Assen, Van Gorcum, 1971, v. 9481-9485.
35 L’Entrée d’Espagne, éd. citée, v. 360-364 ; c’est aussi ce qu’il faut comprendre au v. 168, où manque le numéral mil, ce qui rend le décasyllabe faux, compte tenu de la césure épique (cf. v. 162) ; ce problème semble avoir échapper à l’éditeur, qui ne signale pas ce décasyllabe isolé p. cxxiii de son introduction. Le pape fait également armer des navires contre les païens (v. 673-675).
36 Florent et Octavien, chanson de geste du xive siècle, éd. par Noëlle Laborderie, Paris, Champion, 1991, v. 8424 et 8384-8386.
37 Ibid., v. 8487-8488.
38 La Belle Hélène de Constantinople, éd. Claude Roussel, Lille, Centre National de reproduction des thèses, 1993, v. 3870.
39 Ibid., v. 3898-3901.
40 Ibid.,v. 4087-4088.
41 Ibid., v. 2439-2454 ; alors que le pape a, au début du récit, un frère empereur de Rome (v. 21-38), dont la petite-fille sera justement la belle Hélène, celui-ci disparaît complètement du récit et, dès lors, le pape se retrouve seul garant de Rome, qui ne subit pas moins de trois sièges dans le récit. Ainsi, lors du premier siège, le pape propose des troupes, mais l’empereur de Contantinople décline l’offre et se contente d’obtenir la promesse de pouvoir épouser sa propre fille.
42 Ibid., v. 3838-3843 ; l’action est censée se passer deux cents ans après la mort du Christ.
43 Ibid., v. 3979-3980. Le caractère hautement symbolique de certains jours de bataille apparaît déjà dans Ayquin : l’archevêque de Dol se bat contre les païens le jour de la Pentecôte (éd. citée, v. 1190 sq., jusqu’à la lacune après le v. 1250).
44 Dieudonné de Hongrie, éd. partielle par nos soins, Lille, Centre national de reproduction des thèses, 1986, v. 11932-11955.
45 Florent et Octavien, éd. citée, v. 8449-8486 ; cf. v. 8588-8597.
46 Ibid.,v. 8661-8663.
47 Dieudonné de Hongrie, éd. citée, v. 12031 ; le trait n’est toutefois pas nouveau : on voit Ysoré faire la même chose dans Aiquin, éd. citée, v.1372-1414.
48 Dieudonné de Hongrie, éd. citée, v. 15266-15293.
49 Rappelons que les trois manuscrits sur papier datent du xve siècle et que la mention du « roman d’Elaine » dans une Resverie anonyme du xiiie siècle demeure un élément ténu de datation ; cf. Paul Verhuyck, « Les manuscrits du poème de La Belle Hélène de Constantinople », Studi Francesi, t. 47-48, 1972, p. 314-324, et plus particulièrement p. 320, note 4. L’éditeur, Claude Roussel, au terme de son étude de la langue de l’auteur, comparée à celle de nombreux textes du xive siècle, conclut que la version n’est pas antérieure à la première moitié de ce siècle (p. 65).
50 Karl H. Bender, « Les métamorphoses de la royauté de Charlemagne dans les premières épopées franco-italiennes », Cultura Neolatina, t. 21 (1961), p. 171. De fait, l’épisode a pu être inspiré par l’élection d’un des nombreux anti-papes apparus au cours du xiie siècle ou par l’épisode de Célestin V, plutôt que par la déposition de Jean XXII par l’empereur d’Allemagne au profit de l’anti-pape Pierre de Corbara, événement trop tardif vraisemblablement par rapport à la date présumée de rédaction.
51 Il nous est agréable de remercier ici M. Jacques Voisenet, de l’Université du Mirail, d’avoir attiré notre attention sur le caratère pugnace de Boniface VIII et d’avoir vérifié les sources hagiographiques sur le motif du pape combattant. Nous n’avons rien trouvé pour notre part dans La Légende dorée, de Jacques de Voragine, ni dans Pierre Rézeau, Les Prières aux saints en français à la fin du moyen âge, Genève, Droz, 1982-1983, et Répertoire d’incipit des prières à la fin du moyen âge, Genève, Droz, 1986. Les papes canonisés sont souvent mentionnés, mais il est curieux que le seul à faire l’objet d’une pièce dédiée un peu ample soit Célestin V, qui a justement renoncé à la « papalité ».
52 La Belle Hélène de Constantinople, éd. citée, v. 13368-13374.
53 Cf. Antoine Pelissier, op. cit., p. 42, 152 ; Yves Renouard, La Papauté à Avignon, Paris, P. U.F., 1962, p. 32.
54 Du moins à en croire Antoine Thomas, l’éditeur de L’Entrée d’Espagne, dans son analyse, p. XII ; mais le texte n’est pas tout à fait aussi net : le gonfanon est désigné au vers 4368 par « Cil san signal » et au vers 4401 par « Le ensegne Deu », mais la description « A une gran crois d’un arçant esmeré » (v. 4367) ne permet pas avec certitude d’en faire les armes pontificales, l’adjectif « saint » étant également appliqué à l’aigle impériale (v. 4372) et « Le ensegne Deu » pouvant désigner le symbole de la croix et non les armes du pape.
55 La Belle Hélène de Constantinople, éd. citée, v. 3855-3860 (nous ajoutons les virgules dans le premier vers).
56 Cf. Edmond Faral, art. cité, p. 273, 278.
57 Cf. Antoine Pelissier, op. cit., p. 141, 146, par exemple, et Norman Housley The Avignon Papacy and the Crusades, 1305-1378, Oxford, Clarendon Press, 1986, p. 1.
58 Cf. Antoine Pelissier, op. cit., p. 154, pour le cens, p. 54-56, pour les réformes.
59 Ibid., p. 166, et Tristan de Nanteuil, éd. citée, v. 12101-12107, 12548 ; cf. Dictionnaire d’Histoire[...], à l’article GUILLAUME DE MELUN.
60 On retrouve l’image des bourgeois (au nombre de trente) dans Theseus de Cologne, cf. Robert Bossuat, « Theseus de Cologne », Moyen Age, t. LXV, 1959, p. 111.
61 Cela apparaît notamment ibid., v. 17673-17775 et dans Dieudonné de Hongrie, v. 7072-7168 de l’édition complète que nous préparons.
62 Cf. Antoine Pelissier, op. cit., p. 72 et 178-183.
63 Ibid., p. 180-185. Voir aussi Jacques Chiffoleau, Les Justices du pape. Délinquance et criminalité dans la région d’Avignon, Paris, Publications de la Sorbonne, 1984, p. 117.
64 Cf. Antoine Pelissier, op. cit., p. 87, 50, 129-139.
65 Le sénateur est déjà l’homme chez lequel l’héroïne trouve refuge dans La Manekine et dans Mai et Beaflor ; cf. Oeuvres poétiques de Philippe de Rémi, sire de Beaumanoir, éd. Hermann Suchier, Paris, Firmin Didot, t. 1, 1884, p. xxxiii-xxxiv.
66 Florent et Octavien, v. 15939, 17444, 17839, et voir l’Index des noms propres à l’entrée « Regnier » ; La Belle Hélène de Constantinople, v. 9272, 9282 ; Lion de Bourges, v. 13491-13494 ; Dieudonné de Hongrie, v. 11857, 11934, 14494, 15174, 15183 ; La Mort Maugis d’Aigremont, v. 150, 154 et 195-236 où Maugis est élu sénateur ; Florence de Rome, t. 1, v. 1246, cf. aussi v. 2030, 2046.
67 Voir Yves Renouard, L’Italie au xive siècle, cours de Sorbonne, Paris, C.D.U., 1964, p. 121,192, 199, et La Papauté à Avignon, p. 21, 37, 39, 44 sq. ; Dictionnaire d’Histoire [...], aux noms des légats, quand ils constituent une entrée.
68 Dieudonné de Hongrie, éd. en préparation, v. 3514-3516.
69 Cf. Robert Bossuat, art. cité, p. 299-302.
70 Chroniques et conquestes de Charlemaigne, éd. citée, t. 1, p. 319. Une lecture approfondie du Myreur des Histors, chronique de Jean d’Outremeuse, fournirait sans doute des exemples. Nous avons pu repérer dans les tomes 1 et 2 de l’éd. Ad. Borgnet, Bruxelles, M. Hayez, 1864-1880, des prélats combattants, t. 1, p. 47, 262 (où le pape et ses cardinaux assiègent les Lombards dans Rome), t. 2, p. 470 sq. ; toutefois, le merveilleux chrétien semble avoir une plus grande part dans les victoires.
71 Cf. Norman Housley, op. cit., p. 17-19.
Auteur
Université de Provence
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