L’Histoire de Renier de Gennes
p. 33-51
Texte intégral
[34r] Comment Renier et Gerart oïrent nouvelles de la conqueste et du mariage de leurs freres
1L’istoire dit quant Renier et Gerart furent receus a la court de l’empereur Charlemaine et ilz eurent offices comme les aultres, ilz se maintindrent si bien que chascun estoit content de leurs personnes, et sy estoit l’empereur du service que ilz lui faisoient. Tant y avoit qu’ilz estoient encores en grant jeunesse et ne pensoient a seignouries avoir pour le temps advenir synon a tous joieux deduis et esbatemens dont bien se savoit entremettre. Sy en estoient aucuns princes moult joieux pour ce que plaisans enfans estoient, et les aultres, comme Griffon de Hauteseille1 et Ganelons son filz, envieux et deboutans que l’empereur ne les avanchast. Et estoient Griffon et Guennes tousjours au conseil et leurs oppinions partout creues, pour ce que sagement parloient et polisoient leurs parolles et leurs fais, procedans ou tendans de trahison a mauvaistié, disans : « Nous sommes de vostre maison, sire, sy devons vostre honneur garder sur toutes riens et vous advenir de vos damages quant aucuns en viennent a nostre congnoissance. Vous avez a vostre court pluiseurs josnes damoisiaulx et escuiers, enfans de nobles hommes qui bien reparent vostre hostel et assez peuent amender de vous ne rien n’y sauroyent perdre, car vous estes large et abandonné plus [34v] aucunnefois que ne deussiés. Et entre les aultres en y a deux qui sont d’un lignage issus qui moult vous eust pieça grevé, se grace Dieu n’y eust besongnié comme les pluiseurs le scevent assez. Sy en devez ores estre mieulx advisé et congnoistre qu’en jonesse leur donnastes trop grant bandon et fustes avecq les peres si familliers que des enfans vous devez maintenant garder. Je le di, fait Griffon, qui parloit pour Garin le pere Renier et de Gerart, qui ceans sont, auquel vous donnastes si grant bandon que depuis vous en feussiés voulentiers repenti ce qu’il ne se puist faire, au mains comme ses deux filz se vantent, qui dient publiquement et ont pluiseurs fois dit que ilz deussent autant tenir et posseder en France comme vous mesmes, qui est grant oultrage. Et aprés leurs parolles se pouront eslever de fait et faire comme leur pere, qui de vous se parti comme mal comptent sans ce que oncques vaulsist ou daignast avoir compaignie de nul de vos hommes mais s’en ala a Monglenne, qu’il conquist lui seul sans vouloir vostre ayde ne secours. Et puis vous a ses deux filz envoyés, que vous devez doncques tenir subgiés et les faire servir affin que tousjours puissent estre vers vous humbles et debonnaires, sans eulx eslever en orgueil, ad ce ainsi qu’ilz ne vous puissent mie nuire en aucun temps.
Charles, ce dit Griffon, dit vous ay mon entente.
Gardez sur toute rien qu’ennemy ne vous tempte,
ne faittes chose dont vo gent ne soit contempte
aux enfans [35r], ne donnez ville, chastel ne rente
ne deniers, monnoyes sinon .xx. frans ou trente.
Se vous leurs donnez trop, par la Vierge
exellente
mal en serez servis. Ne cuidiés que je mente,
car se fortune ung peu de bien leur represente,
de vous se partiront sans faire longue atente
ne il ne vous priseront une feulle de mente.
Promettez sans donner, c’est la voye et la sente
d’entretenir telz gens quant ilz sont de verte ente.
— Vous dittes voir, dit Charles, c’est le mieulx que
g’y sente,
car par l’eur trop souffrir ce qui leur atalente
en pouroit on en fin faire chiere dolante. »
2Par le conseil du conte Griffon et de son filz Guennes jusques et plus d’un an aprés ce que Beaulande2 fut conquise et les deux aultres freres mariés qu’il souvint a Hernault de ses deulx freres Renier et Gerart. Il fist lettres escripre lors et seller, puis prist ung escuier auquel il le[s] bailla et bien charga d’aler a Paris pour les porter. Sy esploita tant le message qu’il ariva a Paris, ou pour lors estoit l’empereur a sejour, trouva les enfans et les bailla au prumier des deux qu’il salua. Gerart, qui premier en fut, saisi, brisa la cire, en fist lecture au long, puis devint vermail comme escarlate et tout jours pensifz sans mot sonner, regardoit celle lettre. Sy l’apercheust Renier et lui demanda qu’il avoit. « Je ne say certes, dit lors Gerart, que tout bien la mercy Dieu de paradis, mais plus sui [35v] dolant c’onques mais, d’autant que nous perdons cy notre temps et sommes ja pieça ou service de l’empereur, qui plus est puissant et rice que tout le monde, et de lui n’avons encores amende que de vivre et humer les saulses et broues a sa court. Sy ne faisons que veoir ces prelars a tous leurs manteaulz fourez et danser avecq ces damoiselles, aler en gibier et a la chace, ou nous ne saurions rien prouffiter. Sy n’avons encor conquis terres, villes ne chasteaulx dont ou temps advenir puissons vivre sans dangier d’autrui. Et mal ressamblons a nos freres qui ja sont mariez tous deux richement. Sy a Hernault ja conquis Beaulande et une damoiselle riche, puissant et belle, comme cy le verrez par escript, de laquelle il a ung damoisel nommé Aymeriet, qui mieulx vault que la cité d’Acquitaine, dont il est seigneur nettement. Et d’aultre part a mon frere Milon tant fait qu’il a espousee et conquise amoureusement la fille du duc de Puille et de Calabre, qu’il tendra sans dangier. Mais par la foy que je doy a Dieu ainsi ne seray je mie longuement se je puis ! Ainçois parleray a l’empereur, qui tous les jours nous promet sans riens donner, et sauray de lui quelle voulenté il a de nous bien faire ou du laissier. »
3Et quant Renier, qui plus estoit moderé que Gerart, entendi ce que son frere disoit, il fut moult joieux, non mie du dueil que Gerard avoit mais du bien et advancement de ses deux autres freres. Et lui respondi : « Gerart, beau sire, il samble [36r] par vostre parler que soyés couroucié du bien d’aultrui. Se nos freres sont mariés et il ont par leur subtilleté ou vaillance conquis terres et seignouries, en estes vous doncques desplaisant ? Cuidiés vous pour ce que le bien soit failli pour nous ? Nennil, dea, il n’y a que d’avoir tous jours bon voloir et souffrir en atendant le bien qui ne vient mie ainsi comme chascun le veult desirer. Il vient aux ungs a grant paine, les autres le treuvent aisieement, sy est assavoir lequel vault mieulx. Or ne s’en fault ja esbahir ne merancolier mais penser comment sagement pourons entrer en parler avec l’empereur, qui, comme je croy, nous pourvera tellement que cause nulle n’aurons de nous plaindre d’estre en son service. » Les deux freres manderent de la viande lors et firent disner l’escuier qui les lettres avoit apportees.
Comment Charlemaine donna a Renier la cité de Gennes, dont il fut puis signeurs
4Ce jour se passa, et deux ou .iii. aultres, aprés que Charlemaine avoit pris son repos a ung a vesprer contre le disner et soupper, il s’en aloit pourmenant parmy son palais et avoit commandé qu’on lui aportast ung eschequier en salle pour soy esbatre a quelque noble homme dont son hostel n’estoit nullement desgarny. Il veist Gerart, qui encores estoit tout fumé des nouvelles qu’il avoit eues, qui se pourmenoit avecq l’escuier qui encore ne s’en estoit alé. Charles l’apella lors et [36v] lui dist qu’il vouloit a lui jouer ung mat ou deux atendant l’eure du soupper. L’empereur se seÿ lors d’un costé, et Gerart non anchois lui respondi : « Ne vous desplaise, sire, fait il, a moy n’appertient mie jouer a vous. — Et pourquoy, Gerart, beau sire ?, fait lors l’empereur. — Pour ce fait, sire, fait il, car se eur ou adventure amenoient que j’eusse autant gaignié a vous que fist le duc de Monglenne mon pere, j’en poroie par aventure avoir autant comme lui. Sy avons milleur mestier, mon frere et moy, de vostre grace que de gaignier a vous quelque cose. Et se vous me demandiés pourquoy, je vous ay ces parolles dittes : Je vous responderoie que longuement avons en vostre service esté sans en avoir amendement, neant plus que povres escuiers ou simples gentilz hommes. Et croy que pour neant nous soions tant tenus avecq vous et atendus a vos promesses, puis que point n’y a eu d’effect pour ce est il, sire empereur, que nous voulons avoir congié de vous, s’il vous plaist. Et yrons la ou avanture nous pora mieulx conduire, car tant vous faisons nous savoir que nous ne sommes mie moins corageux, encoragiez ne de maindre matiere que nos freres, lesquelz, puis que nous sommes en vostre service, sont pourveus haultement et vaillamment la Dieu mercy. Et est Hernault signeur d’Acquitaine et si a Beaulande la cité conquise et la dame espousee dont ja a eu ung moult biau filz. Sy n’est mie Milon despourveu, car il est [37r] signeur de Calabre et de Puille, qui est belle seignourie et noble. Et vous, nous avez tousjours cy tenus et promis le bien qui ne puet venir tant est encores loings. Pour ce le nous convient aler querir et chergier. » Sy l’escouta bien l’empereur sans mot sonner et moult le regarda et considera qu’il le disoit de grant courage, mais oncques il ne s’en couroucha.
5Sy bien advint a icelle heure que l’empereur venoit de dormir et estoit froit et plain de moderacion et ses espris si bien posez qu’ilz considera raison et pensa au conseil que Griffon et Guennelon lui avoient tousjours donné. Il se leva lors sans jouer. Si le vist bien Renier, qui tousjours avoit l’eul sur eulx pour toutes doubtes et bien pensoit que son frere ne celleroit point son corage mais diroit plainement son voloir quant il verrait son point milleur pour parler a l’empereur. Il s’aproucha adont et se mist ou chemin de Charlemaine, qui ja avoit fait le tablier oster. Et quant Charlemaine les vit tous deux ensamble, il les araisonna et en soubzriant leur dit doulcement : « Voirement, fait il, beaulx enfans, ay je vers vous eu tort, et bien congnois que c’est par faulx conseil qui m’a esté donné, dont je me repens l’avoir creu. Mais ores venra le temps que je l’amendray vers vous en telle maniere que de tout le service que fait m’avez pourrez estre comptentez et bien recompensez. » Sy le mercierent assez les deux damoisiaulx, [37v] et longuement se pourmenerent avecq lui atendans le souper et parlerent de pluiseurs choses et de la conqueste de Beaulande dont l’escuier, qui par tout avoit esté present, racompta lui mesmes veritablement devant l’empereur, qui moult en fut joieux et mieulx en prisa les enfans. Au fort les nappes furent mises, et estoient les jours grans et lons alors ; parquoy l’empereur souppoit de haulte heure.
6Au soupper de l’empereur sourvint ung messagier de par la cité de Gennes et de par Olive la damoiselle, fille du duc de Gennenois, lequel se presenta par devant l’empereur et lui bailla certaines lettres contenans la mort de leur seigneur et requerant secours contre les Sarasins, qui la cité avoient par force assegiee et le seigneur occis en une saillie que fist le duc de Gennes contre eulx. Sy fut l’empereur moult dolant quant telles nouvelles lui vindrent, et bien dist a soy mesmes qu’il leur envoiera son secours. Il appella Regnier lors, qui mie ne pensoit a ceste avanture, et lui exposa la mort du duc de Gennes, la beaulté de la damoiselle Olive et le besoing que ceulx de la cité avoient de secours, en lui disant que a lui appertenoit bien l’onneur de la terre et le corps d’une telle pucelle. Sy lui en fist le don presens son frere Gerart et tous ceulz qui la estoient. Sy ne lui refusa mie Regnier, ainchois l’en mercia, faisant hommage du don et disant si haultement que chascun le peust ouïr qui la fut : « Vostre mercy, [38r] fait il, sire, de la cité et de la pucelle, pour quelle amour je jure cy, voue et promés a Dieu et a vous que je me partiray tout seul et entreray en la ville pour le secoursyr et garder la pucelle contre Sobrin le roy d’Aquillee, qui son siege a mis la devant pour l’amour d’elle. Sy la conquerray se Dieu plaist et avanture le me consent ou je me combatray au jayant sarasin et mourray en la paine. » Sy fut Charles moult dolant du serment que Regnier voua et lui respondi : « Ainsy ne le cuiday je mie entendre, fait il, Regnier, biau sire, anchois estoit ma volenté de vous baillier la charge de mon ost et mettre et livrer en la compagnie de vous et de vostre frere Gerart cinquante mil combatans pour vous aidier jusques a ce que [vous] eussiez la cité secourue. » Mais Regnier respondi que se aultrement le faisoit, il ne resambleroit mie Garin son pere, qui tout seul s’en parti de Paris pour aler conquerir Monglenne et Mabillette la noble dame et que pareillement le vouloit il faire.
7Or fut Gerart plus dolant c’onques mais d’ainsi ouïr parler son frere. Sy fut tout pour neant, et fin de compte se passa ce jour. Vint l’endemain que Regnier se fist armer souffissanment, vint devant l’empereur prendre congié, puis aux haulx barons de son lignage et aux autres qui volentiers lui eussent aydié s’il eust voulu. Et atant s’en parti avecq son frere qui le convoya lui seul jusques aux portes, car plus ne le voulu[t] laissier aler avecq lui. [38v] Ils se baiserent au departir, et s’en retourna Gerart plus dolant que dire ne sauroit l’istoire. Et Regnier chevaucha le plus droit a Gennes qu’il oncques peust, et tant qu’il aproucha la cité et encontra comme a .iiii. ou a .v. lieues de la ung chrestien, qui de Gennes s’estoit partis pour ce qu’il ne vouloit mie estre payen. Et quant Regnier l’eust salué, il lui demanda dont il venoit et de ses nouvelles. « En non Dieu, sire, ce lui respondi le varlet, je vien de Gennes la cité et des nouvelles vous say je bien tant dire, qu’elle est assiegee d’un des fiers Sarasins du monde c’on apelle Sorbrin d’Acquilee le roy de Venise. Il a pris en bataille ou en saillie le duc de Gennes et fait mourir, pour ce qu’il n’a voulu la loy Jhesu relenquir, puis a tant tenu son siege devant qu’il a juré ses dieux qu’il aura la belle Olive, qui plus le het que homme vivant, pour tant que son pere a fait mourir et pour ce aussy qu’il est Sarasins. Et a juré qu’elle se occira s’il convient rendre la cité, qui ja est en composicion par traitié fait entre Sorbrin et les bourgois de Gennes, lesquelz atendent la response de l’empereur Charlemaine, vers qui ilz ont piecha envoyé. Et est l’acort ainsi fait que dedens .xv. jours d’ui se doivent rendre ou estre asseurez de secours. Et pour ce que je voy les choses ainsy aler au contraire de ce que je vouldroie bien, m’en sui party de la cité, ou il n’a esperance ne de mie d’ayde ne d’aucun secours, mais sont ja comme tous reconfortez d’estre [39r] Sarasins. »
8Moult fut Regnier dolant et moult fist grant doubte de son fait quant il entendi cellui qui lui dit qu’il n’y avoit plus que .xv. jours a rendre la cité au roy Sorbrin. Il se reconforta au fort, disant que assez a temps y venroit lui seul, mais jamais ne feust le secours si tost venu. Non pourtant s’avisa de demander au chrestien se pour or ou argent il vouldroit retourner en la cité faire ung message. Sy lui respondi cellui que ouy, mesmement que c’estoit pour le bien de la ville et de toute chrestienté. Adont sacha Regnier .xxx. florins de son aumosniere, et en les presentant au varlet lui dit : « Tu t’en retourneras, beaulx amis, le plus hastivement que tu poras, et diras aux bourgois et gouverneurs de Gennes que ilz ne livrent mie la ville, car je leur amaine le secours Charlemaine. Puis t’en yras vers Olive la damoiselle et lui diras que tu as veu cellui a qui Charles l’empereur a la cité donnee et elle promise a femme, lequel vient et chevauche trés hastivement pour la secourir ou combatre le jayant Sorbrin. — Bien feray vostre message, sire, ce respondi le varlet, mais quel nombre de gens diray je que vous leur amenez, affin que plus soient asseurez. Et de la bataille faire contre Sorbrin aussy comment leur feray [je] entendre, car s’il n’y avoit que vous contre lui, leur esperance pouroit estre petitte : je lui ouy puis ung mois en cha demander bataille contre .x. des plus vaillans chevaliers [39v] de la cité. Sy n’y en eust oncques nulz si fiers ne sy hardis qui s’osassent contre son seul corps armer, tant font il mains aprisier. — Beaulx amis, fait il, et de mon corps les asseure seullement et non d’aultre, car avecq moy ne voeil si non l’ayde de Dieu seulement. »
9A ces parolles s’en party le varlet, que plus ne sejourna mais tant exploita qu’il vint en la cité et fist son message en telle maniere que promis l’avoit en recevant les .xxx. florins que Regnier lui avoit donnez. Sy ne s’en firent que moquier les bourgois et n’en tindrent aucun compte. Et adont s’en ala le message Regnier vers le palais, ou il trouva la pucelle, qui puis fut mere Olivier le compagnon de Roulant, la salua et lui fist son message ainsy que cy avez ouy qu’il lui estoit commandé. La damoiselle, qui guaires ne s’effroia, lui demanda lors s’il avoit veu le chevaliers, et il respondi que ouy. « Et dont vient il, fait elle, beaux amis, le vous a il point dit ? — Sy a certes, fait il, madame. Il m’a dit qu’il vient de France, ou il laissa Charlemaine, qui vostre corps a femme lui donna et vostre terre samblabement [sic], mais qu’il puisse desconfire Sorbrin. Or dist que a l’ayde de Dieu il y emploira toute sa paine pour la vostre amour, a qui assez de fois se recommande. — Bien soit il venus, beaulx amis, fait elle, et le roy ait bonne aventure qui ung tel amy me donna qui bien veult son corps exposer [40r] a mort pour le mien acquitter du dangier de cellui qui mon pere occist, au fort Charles puet de mon corps faire a son plaisir. Mais fol sera cellui qui pour m’amour se fera occire par ce jayant, qui demande dix chevaliers pour combatre a lui. Et non pour tant est ce grant hardement d’un tel fait emprendre dont, s’il vient a chief, que Dieu le vueille. Je ne say qui est le chevalier, mais jamais mon cuer ne le haïra. Sy saroie volentiers sa fachon, puis que veu l’avez et que a lui avez parlé. — Veu l’ay je voirement, dame, fait l’escuier. Il est jeune basceler, hault, droit, assez foumy et sy bien fait que qui yroit en .xl. citez on ne trouveroit son pareil. Et bien say qu’il ne demoura mie longuement que cy ne viengne. Il me donna de sa courtoisie et largesse .xxx. florins, qui oncques puis ne3 partirent de ma bourse. Sy en prise mieulx son fait et son estat. » Et quant la pucelle entendi cellui qui ainsi lui blasonna la beaulté du chevalier Regnier, elle fut toute ravie du dueil qu’elle avoit premiers en joie. Si lui mua la couleur ou visage tellement que bien s’en peust l’escuier percevoir. Puis ala a une ausmonniere qu’elle avoit et en trahy .xxx. florins, qu’elle lui donna, disant : « Tenez, amis, et se vous voyés cellui qui vers moy vous envoya, que le fachiés a moy parler comment qu’il soit. »
Comment Regnier le filz Garin de Monglenne fut receu en la cité de Gennes et comment il prist bataille contre Sorbrin de Venise
10[40v] Quant le varlet se fut party de Regnier pour aler en la cité faire ses messages, il se pourpensa par quelle et milleur maniere il pouroit entrer en la cité sans trouver l’ost des payens. Et bien avoit demandé a cellui qui en venoit et qui y retournoit par ou il faisoit plus seur chevauchier. Sy ne l’avoit mie oublié, et tant exploita sans nulle avanture trouver qu’il vint a la porte, qui estoit close pour gens tous perieulz et dangiers. On lui ouvry au fort, et il y entra, et tant chevaucha de rue en aultre que tout en estoit traveillié, car nul ne le vouloit herbergier, et se mocquoit on de lui par ce que l’escuier avoit raporté. Il n’y avoit homme qui en son hostel le voulsist recepvoir, et disoient l’un a l’autre que bon faisoit moustrer la bejaunie a ung tel coquart qui se disoit estre leur signeur et qui se vantoit de combatre contre Sorbrin le jayant, qui telz .xii. en desconfiroit. Et quant assez eust longuement chevauchié les quariaux, il avisa en traversant une rue cellui a qui il avoit donné les .xxx. florins. Sy l’appella lors non mie par son nom, car il ne le savoit, et quant le varlet le connut, il vint au devant de lui assez legierement son chapel osté et se mist a ung genoul devant lui, disant si haultement que bien l’oÿrent plus de .xxx. personnes, qui le sievoient de rue en rue, eulx moquant de lui par gabois. Et lui dist : « Bien viengniés, monsigneur, j’ay fait vostre message ainsy que chargié le m’aviés, et va vostre [41r] besongne si bien que mieulx ne sariés souhaidier. Pensez de vous logier : sy vous conduiray la ou j’ay promis de vous logier et mener. »
11Se dolant avoit esté Regnier par avant, encore le fut il plus la moittié, car pour ce qu’on l’avoit moquié, demanda il a cellui se il se moquoit de lui, car il cuida qu’il se moquast de lui de rechief. Sy lui rougy ung peu le front par fin air et respondi : « De moy ne vous gabez, beau sire, fait il, pour cose que de moy ayés eu. Pourtant, se a present ne puis trouver qui herbergier me vueille, une aultre fois vendra par aventure que je seray4 mieulx venu que je ne suis. » Le varlet, qui mie ne savoit les reffus c’on lui avoit fais, fut comme tout honteux quant il oÿ Regnier, qui cuidoit que de lui se moquast. Il le saisi par la bride de son cheval lors et lui dist qu’il venist aprés lui. Sy le sievy Regnier a l’avanture, doubtant de plus en plus qu’on ne se moquast de lui encore. Et tant le poursuï qu’il le bouta en l’ostel d’un riche bourgois qui bien congnoissoit le varlet. Finablement il le receut liement, et lui mesmes le conduisi en une chambre, car bien le volu[t] faire pour cause que le varlet lui avoit dit en l’estable que c’estoit le duc de Gennes, qui venoit de devers l’empereur Charlemaine. Pour tant se pena il et traveilla de lui faire tout le mieulx qu’il poroit.
12[41v] Regnier, soy veant logié, fut moult joieux, pour ce que tant de gens l’avoient moquié et suivi par gabois. Il n’en pensa mie mains et bien dit a soy mesmes qu’il s’en vengera s’il puet en aucun temps. Mais ainsi n’est mie comme on dit, car on oublie par congnoissance et frequantacion, si est le dangier perilleux souventeffois. Il appella son hoste et lui demanda se volentiers l’avoit herbegié. Et il lui respondi que ouy, car le varlet lui avoit dit que la damoiselle Olive l’avoit commandé. Sy ne dit point l’istoire se ja l’avoit le bourgois moquié ou non comme les aultres hostelliers avoient fait. « Vostre mercy, fait lors Regnier, beaux hostes. Et tant sachiés que vous n’y perdrez rien. Vous n’avez mie ceans receu ung villain mais le duc de Gennes. Et bien seroit mon gré de donner a souper ennuit a tous ceux qui a ma court vouldront venir. Sy vous prie que de l’appareil faittes diligence et que vous mesmes allez par la ville semondre, inviter et prier tous ceulx qui venir y vouldront. Et du payement n’ayés paour. » Il lui bailla lors cent florins pour employer en viande et lui dist que vers le soir lui racomptera de son estat tant et sy avant que mieulx l’en prisera. Ainsi s’abandonna Regnier de parler a son hoste, qui mie ne mist en oubly le soupper, qui finablement fut appareillié et la semonce faitte par lui la ou il vist que bon fut du [sic] faire.
[42r] Comment la damoiselle Olive ala veoir Regnier en son logis acompagnee noblement
13Tandis que le souper s’apointoit et que l’oste faisoit sa semonce, s’en parti l’escuier pour aler au palais devers la damoiselle soy acquiter de la promesse qu’il lui avoit faitte quant elle lui donna .xxx. florins d’or. Et lui denoncha la venue du chevalier et lui dit le lieu ou il estoit logié, dont elle fut moult joieuse, pour ce qu’elle le desiroit veoir. Elle appella .iiii. chevaliers lors et de ses damoiselles la plus grant partie et leur dit qu’en la cité estoit ung chevalier de France venu de par Charlemaine, qui la terre et le pays lui a donné. « Sy vueil, fait elle, l’aler veoir en son logis. » Adont lui respondi une damoiselle assez ancienne, qui en sa jeunesse l’avoit moult souventeffois doctrinee, que a elle n’appertenoit pas d’y aler mais a lui de venir vers elle et moustrer le bien et honneur qu’il savoit. « Par foy, dame, ce respondi Olive, on m’a dit que le chevalier est en partie pour m’amour venu par deça et qu’il doit son corps aventurer pour le mien contre Sorbrin le jayant, qui est forte et grosse entreprise. Et lui a, comme j’ay entendu, le roy Charlemaine donné mon corps et ma terre, ce que je cuide que jamais n’eust fait se le chevalier ne feust plain de grant noblesse et vaillance. Et puis que dont il est de si loing et si hastivement venu pour l’amour du païs et de [42v] moy, je ne puis faire faulte a aler jusques vers lui et savoir de l’estat de France et du sien, car il est par aventure lassé ou traveillé, sy qu’il ne pouroit venir a present par devers nous. Et tant vous dy que je yray se Dieu plaist, et viengne qui vouldra avecq moy le viseter et veoir. — Nous yrons doncques, madame, ce respondi une aultre qui n’estoit mie si aagee que l’autre, mais sage damoiselle estoit, car avecq vous ne poons perir. Se bien vous en prent, nous y prouffiterons, et se honte y avez, nous n’y poons avoir que diffame. »
14A ces parolles s’en parti la damoiselle Olive, tenant l’un des .iiii. chevaliers par les bras et les trois autres devant elle avecq .vi. ou .viii. escuiers honnorables, vestus honnestement, et ses damoiselles aprés par ordre, ne dit point l’istoire combien. Et tant les convoya le varlet aux .xxx. florins d’or qu’il les mena chiez le bourgois ou estoit Regnier, qui mie ne cuidoit que la pucelle le venist veoir. Elle demanda au bourgois qui estoit cellui chevalier qui de France venoit de par l’empereur Charlemaine, quelz homs s’estoit et qu’il faisoit. « Par foy, madame, ce respondi le bourgois, qui il est ne say je mie sinon qu’il dit voirement qu’il est cy envoyé de par Charlemaine de France. Mais quelz homs il est vous puis je bien parler. Il est hault, jeune, sans barbe avoir qui gaire nuise [43r] ou puisse encores nuire a son menton, il est gros assez et fourny selon sa grandeur, gracieux de langage, courtois et atrampé en response, large par samblant et habandonné. Et pour abregier, il n’y a si beau chevalier en ceste cité. Il m’a huy fait appareillier a soupper5 et semondre tous qui sa bienvenue vouldroient recepvoir au mengier. Sy est en sa chambre, ou il atant l’eure que le souper soit fait et appareillié. »
15A ytant se parti le bourgois pour aler devers le chevalier. Sy le poursuivi la damoiselle, qui ja rencontra le demoisel Regnier, qui venoit au devant d’elle pour ce que son hoste lui avoit dit. Mais quant Regnier, qui toute sa paine de venir y mettoit, apperceut et encontra la pucelle, il la salua gracieusement a guise de gentil et noble homme, et elle lui, qui bien estoit aprise. Il la prist par la main lors et la mena en sa chambre que l’oste avoit honnourablement paree, pour ce qu’il avoit receus cent florins d’or. Puis par bonne maniere l’asseÿ sur le pié d’un lit et lui d’autre part, et qui voudroit toutes racompter les parolles qui entr’eux deux furent pourparlees, assez y aurait a ouïr.
16Vous devez savoir que la damoiselle qui vers lui estoit venue lui enquist premierement qui il estoit et dont il venoit. Et il lui respondi qu’il [43v] estoit de France extrait de haulte lignee et que le roy Charlemaine l’avoit illecq envoyé pour despeschier la cité des Sarasins, qui pretendoient a l’avoir par force. « Par foy, sire chevalier, je croy bien que par deça soyés venu et avez comme il puet estre bon vouloir d’eschever ce qui est forte chose a avoir empris. Mais de vostre fait est chose trop doubteuse, atendu que tout seul estes par deça venu. Sy sauroie volentiers qui de ce vous a meu que n’avez amené des gens de par l’empereur qui nous deust par raison secourir. Et pour vous dire verité, s’il n’y avoit que Sorbrin seullement, qui tient Venise, sy combatroit il a .xii. chevaliers tant est fel et cruel. Sy sachiés que moult seroie dolante que pour bien faire aucun mal vous venist. Je vous remercie neantmains de la paine que avez prise et du bon vouloir que vous avez et vous prie pour mieulx estre asseuree de l’empereur que de lui me fachiés aucunnes nouvelles savoir qui me donnent esperance de mieulx valoir. » A ytant Regnier sacha de son ausmonniere une lettre escripte de par Charlemaine et seellee de son seel, adreçant a la damoiselle et aux habitans de Gennes, faisant mension de ce que Regnier maintenoit et disant en icelle qu’il avoit promis et voué de aler tout seul sans aucun aide synon de Dieu [44r] jusques a Gennes et conquerir le jayant et la cité, se fortune le vouloit consentir. Et bien affermoit par sa lettre que Regnier estoit de noble lieu ; si leur recommandoit son corps sur toute rien.
17Et quant la damoiselle eust veue la lettre, elle fut tant joieuse que merveilles et assez regarda Regnier, qui lors lui demanda quelle estoit sa pensee. « Mon Dieu, sire, dit elle, bien me plaist ce que l’empereur a fait. Et ja en moy ne tendra que vostre ne soie et vous mien, s’il est ainsi que le jayant puissiés conquerir comme ja le m’avez dit. Mais tant en ay grant paour que je voudroie que me tenissiés en vostre contree ; par ainsi que m’espousissiés si seriés hors de grant dangier, car je voy bien et congnois que bonne amour vous a cy fait venir. — Or n’ayés, fait il, paour, madame, car j’ay promis que ja femme n’aray a espeuse, soit vous ou autre, se je ne la conquiers. Et j’ay intencion de combatre le jayant et moy maintenir contre lui tellement que ja homme ne mettra empechement en notre mariage, puis que de vostre amour sui asseurez. » Si s’entrebaisierent lors par bonne amour Regnier et Olive, qui de s’amour fut tant ferme que plus n’eust peu. Elle sacha ung anel de son doy adont et lui presenta avecq son amour, qu’il receut et moult le mercia. La [44v] dame s’en partit lors et lui dit comment que ce feust qu’il alast et venist vers elle en son palais, et il lui acorda. Puis appella son hoste et lui commanda que tout ce qu’il convendroit pour Regnier ne lui feust refusé, et elle feroit paiement de tout. Sy fut l’oste moult joyeux. Et finablement furent les tables drecees, le mengier apresté, et vindrent les bourgois en peu d’eure les ungs pour veoir l’estat plus que pour mengier, et les autres pour leurs ventres emplir de viande. Chascun se seÿ quant il fut commandé, sy furent les més dressiés et mis sur table. Sy en prist qui volut a son appetit, et qui voulut juner il jusna.
Comment Regnier ala deffier Sorbrin de Venise en son tref et print jour pour combatre
18Ainsi comme ou millieu du souper que tous les més furent servis, parlerent les ungs et les aultres du chevalier qui telles largesses faisoit. Sy arriva a icelle heure ung certain officier de par la dame, lequel ala de table en table faire a chascun commandement de par elle c’on honnourast et tenist chier le chevalier françois dont chascun fut moult esmerveillié. Et se repentirent ceulx qui logié ne Tavoient et qui Tavoient rigolé. Mais aultrement ne pooit estre. La y eust moult de parolles dittes de cha et de la, et se donnoient [45r] merveille s’il oserait bien combatre a Sorbrin le jayant, qui tant estoit fort, fier et puissant. Puis vint illecq Regnier merchier a haulte voix ceulx qui la estoient venus et leur dit : « Prengnez en gré, beaux signeurs ! De par le duc de Gennes savoir fais a vous tous que je sui cy envoyé de par l’empereur Charlemaine, lequel a mon partement me donna ceste terre et la damoiselle Olive, a laquelle j’ay aporté et baillié lettres et certifficacion de l’empereur sellee de son seel, lequel chascun de vous poura legierement congnoistre sans ygnorance. Et a ce que mieulx vous en appere, ay laditte lettre baillie en la main de la dame qui cy est premiere venue que vous. Sy les porez veoir et moy avoir pour escuse se premier ne les vous ay presentées, car bien pourez une aultre fois savoir la raison pourquoy. Or est ainsy que demain Dieu devant me partiray de ceans et yray veoir Sorbrin le jayant, qui cy devant a mis et posé son siege, et prendray journee pour le combatre veans vous tous, car ainsi l’ay promis a l’empereur Charlemaine quant ceste cité et la damoiselle me donna. Sy me puisse mon aventure valoir, et me doinst Dieu grace, force et pouoir de le subjuguier ad ce que je puisse la pucelle espouser, [45v] pour quelle amour j’ay le pais de France et la contree, dont je fus né, laissiez. » Et quant les bourgois, justiciers, officiers6, marchans et autres la assistans entendirent ce que Regnier leur proposa, chascun tint de lui grant compte, disans a par eulx que c’estoit et seroit une des merveilles du monde. Ilz le merchierent nentmains et lui respondirent qu’ilz feraient le plaisir de la dame et obeïroient au mandement et sellee de l’empereur.
19Cascun s’en ala aprés souper voire le congié premierement pris. Et Regnier demoura, qui bien fu logié, sy qu’il n’y eust que redire jusques a l’endemain matin, qu’il se leva, ala au moustier, comme volentiers le faisoit par coustume. Puis aprés la messe monta a ceval et chevaucha par la cité, ou ja l’atendoient le prevost et autres jusques a .iiii. ou .vi., qui bien vouloient veoir son issue. Et quant ilz le trouverent sur le pavé, chevauchant assez prés de la porte, l’araisonnerent et le prierent du [sic] demourer, disans qu’assez estoient de ce qu’il avoit fait contempz et que avecq lui vouloient vivre et morir. Sy ne s’en volu Regnier deporter, ains leur dist que jamais ne mengera ne buvera tant que Sorbin le jayant, de qui on parle tant, aura veu.
20Il chevaucha finablement jusques dehors, [46r] sans ce que homme lui fut en rien contredisant. Puis advisa l’ost, qui tout estoit assamblé et serré en une valee durant les triefves qui entre eulz et les Genenois avoi[en]t esté prise[s]. Ce jour assez matin estoient armez et habilliés Sorbrin et .iiii. rois payens, qui avecq lui estoient en celle armee. Et sy avoit pluiseurs nobles hommes sarasins qui tous vouloient commencher ung behourt pour gagnier une mulle que Sorbrin donnoit au mieulx joustant. Sy virent Regnier issir de la cité et chevauchier vers eulx non mie comme homme paoureux mais son beau train, comme s’il n’eust eu doubte de personne nesune. Et quant ilz ne le virent point armé, si n’alerent point au devant de lui mais le laissierent aprouchier d’eulx.
21Outre les aultres y en eust ung qui premier s’avancha de parler et lui demanda s’il estoit François. Regnier respondi lors nennil. « Certes, fait il, je suy Gennenois, viens cy parler a Sorbrin de par l’empereur Charlemaine, qui la cité et la pucelle Olivette me donna l’autre jour a Paris. Sy me faites a lui parler pour savoir qu’il me vouldra sur ce que je vous dy respondre. » Sorbrin, qui la estoit en presence, escouta le damoisel, si lui demanda qu’il vouloit dire a Sorbrin. Regnier lui respondi que autre chose ne dirait ne plus a eulx ne parlerait [46v] s’il ne veoit Sorbrin en presence. « Or di ce que tu veulx, chrestien, fait lors Sorbrin, car je sui cellui que tu demandes, et mieulx te vaulsist dormir que dire folie. Sy ne say ou tu as au matin desjuné mais a ton parler samble que tu n’aies mie le vin espargnié. — De ce ne vous chaille, Sarrasin, fait il, ja pour vin que j’aye beu n’en perdray mon propos. Je vous dy, sire Sorbrins, fait il, que de par l’empereur Charlemaine, qui gaires ne vous aime, sui je envoyé par deça pour deffendre et calengier la cité qu’il m’a donnee et la pucelle Olivette aussi, que vous avez assegee pour l’avoir a femme. Il m’est bien enchargié de vous dire se la damoiselle voulez avoir que tant avez desiree, il vous convient a moy combatre et moy a vous. Par ainsi, se vous me conquerez, vous aurez elle et la cité a vostre commandement, et se je vous puis conquerir, vous la me quitterez francement et la cité aussi. Sy levrez vostre siege, et s’en yront tous vos hommes sans nulle faulte. » Et quant Sorbrins oy le chevalier parler, il ne se fist que moquier de lui, et non pourtant pour ce qu’il parloit certainement, lui respondi : « Vous parlez de neant, chrestien, fait il, et trop estes plain d’oultrage quant de combatre me parlez. Je vous respons que a moy n’aurez [47r] ja bataille, se telz dis comme vous n’y voy armez et habilliés en champ contre mon corps. Que pleust or a Mahon et Apolin le grant que cy feussent maintenant Carlemaine et ses .xii. pers en armes et chevaulx devant moy pour faire et acomplir contre mon corps seulement ce que tu me demandes ! Sy ne m’en parles plus se tu ne veulx rompre les triefves de la cité ! »
22Et quant Regnier entendi Sorbrin, qui ausques se courouça, il lui respondi : « Certes, Sarasins, fait il, peu auriés d’onneur a vous courouchier a moy qui ne parle que de raison, et me samble que entendre la devez. Vous estes cy vanté de combatre Charlemaine et a ses .xii. pers et vous refusez vostre corps contre le mien qui vous deust bien souffire comme il me samble. Ne ja Dieu ne plaise que aultre que vous soit par moy seul combatu. Sy vous feray cy ung jeu party : se lequel vous refusez, en vous aura peu d’onneur et de hardement. » Et quant Sorbrins oy que Regnier avoit si grant voulenté de combatre et qu’il ne requeroit que raison, il lui demanda quel jeu il lui vouloit parler. « Tantost l’orez, sire, fait il, se jurer me voulez sur la loy que vous tenez d’estre cy demain au matin devant moy, armé pour combatre corps contre corps. Je vous jureray cy presentement et prometteray par le dieu que je [47v] croy de moy trouver armé et monté sur le cheval, et si meneray avecq moy Olive la damoiselle, que j’aime mieux que vous et plus loyaulment comme je le voeil maintenir et prouver par ainsi. Se me pouez mater et desconfire, que la damoiselle que j’aime plus que riens qui soit au monde soit vostre et que je la vous quite franchement, sy faittes de mon corps a vostre bon plaisir. Et ou cas que je vous conquerray, en moy sera de vous prendre ou escorchier. Et me jureront premierement ceulx qui gouvernent7 vostre ost de laissier la cité, lever leur siege et de remmener la pucelle paisiblement, si l’espouseray et non plus tost. — Or, par tous mes bons dieux, ce respondi Sorbrins, dont seras tu grant piece a marier, et ce n’est mie ce qu’il fault a la damoiselle, car se elle s’atent a toy, elle fait folie. Ne vois tu quelz homz je sui au regart de toy ? Ne penses tu que avant que tu venisses leans, il y eust d’aussy vaillans nommez que tu es, dont les dix ensamble ne se sont osez trouver devant moy ? Et me cuides tu aussi tant abuser que je croie ce que tu me dis ? Qui te vantes d’amener cy en champ celle qui par avanture ne te congnoist ? Saches que quant toy et moy aurions marchandé, sy me convendroit avoir plesges souffissans, milleurs et autres que toy pour la pucelle amener, combien [48r] que le jeu que tu m’as parti sera tenu, se tu pues ainsi faire que de la cité la puisses tirer seulement et l’amener en champ, comme tu t’en es vanté. Et si te prometray sur l’onneur que je tien et par les .iiii. dieux que je croy et adoure, se ainsy le veulx faire tant que hors de la cité seulement la puisse veoir, je te feray tant de courtoisie comme de t’en laissier retourner a pié, a cheval ou ainsi comme tu vouldras sain et sauf, sans toy mal faire. Et oultre plus, se tu es par moy mené jusques a desconfiture et tu demandes mercy, elle te sera par moy octroye, moyennant ce touteffois que la pucelle me sera laissee et demoura pour mon corps soulacier, car c’est le plus grant desir que j’aie en ce monde. Et n’ay tant paour de rien qui soit comme j’ay paour qu’on ne te laisse faire ce que cy est dit et acordé entre toy et moy, c’est a dire que ceulx de la cité ne la vueillent laissier partir pour toy. Et par mes .iiii. dieux, se je le savoie veritablement, jamais d’omme vivant tu ne tiroies mocquant. — De ce ne vous doubtez, sire, ce respondi Regnier, car je me fay fort qu’elle fera tout ce que je lui vouldray requerir. Et sy vous ose je jurer par ma foy c’onques a elle ne parlay que une seulle fois. » Sy fut Sorbrins plus dolant et mervilleux que [48v] par avant et cuida bien estre deceu par les parlers du chrestien.
23A ces parolles que vous avez oÿes fist Sorbrins mener Regnier en son tref et, voulsist ou non, le fist desjuner avecq lui. Puis lui donna congié. Et lors s’en retourna en la cité, ou la damoiselle l’atendoit, a qui moult ennuioit sa venue. Elle avoit transmis ung escuier a la porte qui, sitost qu’il vist retourner Regnier et arriver, lui dit que Olive la pucelle le demandoit et que ja longuement l’avoit atendu pour disner. Il trouva son cheval celle part et tant exploita par la cité qu’il vint ou palais, vist Olive la damoiselle, qui lui demanda s’il venoit de veoir Sorbrin. « Veu l’ay je voirement, damoiselle, fait il, et ja aprés le disner vous racompteray comment j’ay avecq lui besongné. » Elle se mist a table lors, et il se sey devant elle, et de pluiseurs choses deviserent en repaissant leurs yeulx plus que leurs bouches. Et dit l’istoire que tant aimoient l’un l’autre que merveilles. Apres disner s’esbatirent en une chambre assis a une fenestre double l’un devant l’autre. Et premier demanda Olivette a Regnier de ce qu’il avoit fait avecq Sorbrin le Sarasin. « Bien, se Dieu plaist, damoiselle, fait il, s’en vous ne [49r] tient. Sachiés que j’ay a lui parlé et pris la bataille corps a corps pour l’amour de vous, dont je me sui fait fort, sy me puisse mon aventure valoir. Le jayant est grant, fort et fier par samblant. Sy n’a oncques volu consentir la bataille se je ne lui promettoie de vous mener avecq moy quant et quant sur le champ. Par ainsy, se je sui par lui mort ou vaincu, vous devez estre sienne et la cité livree au jour qui par les bourgois a este dit par triefves faisant. Et s’il est par mon corps conquesté, mort ou mis a mercy, je puis de lui faire tout vostre plaisir et le mien, et s’en doivent ses gens deslogier et partir. Si serez a mon commandement pour espouser, s’il vous plaist, et la cité mienne se les bourgois si voellent consentir. »
24Sainte Marie, comme fut la damoiselle esmerveillie quant elle entendi Renier, qui ainsy avoit traittié avecq son ennemy Sorbrin ! Elle songa longuement en le regardant, puis lui respondy : « Mon amy, je voy bien que vous exposez vostre vie pour l’amour de moy contre ce Sarasin. Sy ne plaise ja a Dieu que mon corps ne soit pareillement avanturé comme le vostre, puis que amour le vous fait faire. Par amours vueil estre obeïssant a la mort, se Dieu l’amaine, qui de toutes choses a la [49v] garde. Mais tant sachiés par la foy que je doy a Dieu qui me forma, a qui je fais cy promesse, je porteray avecq moy ung coutel dont je me occiray incontinent que le Sarasin vous aura occis, voire se aventure le donne en ce point. Sy soit Dieux mire de mon ame, s’il lui plaist, car en ma vie autre que vous de mon corps ne jouira a son plaisir. Sy en faittes demain si matin qu’il vous plaira diligence, car ja en moy ne tendra, et moult me tarde l’aprocement de ma joie ou de mon dueil. » Regnier le chevalier, oyant s’amie ainsi lui habandonner son corps, fut moult joieux, plus que dire ne saroie. Il demoura au soupper avecq elle, puis prist congié et s’en ala pour apointier de son harnois et soy disposer en maniere que le payen ne lui peust porter nuisance.
25L’endemain par matin se leva le damoisel pour la messe ouïr, comme il est raison de faire a tout bon chrestien, puis lui fut son harnois aporté, dont on l’arma et habilla au mieulx c’on peust. Et tandis vint illec la pucelle toute noire vestue et atournee comme femme de dueil. Si fut plus dolant que dire ne sauroit Regnier quant en tel point la vist habillee. « Qu’est ce la, damoiselle, fait il, pour les sains Dieu, me tenez vous ja pour mort ? Qui estes ainsi vestue [50r] et habilliee ? Sachiés que j’ay hui fait ung songe qui me donne signifiance que par moy sera desconfis le payen. Et aussy me dittes vous hier soir — dont bien me souvient — que je ne feisse seullement que commander, et vous feriés de vostre corps tout ainsi que vous diroie. Et pour ce vous prie je que des milleurs, des plus beaux et plus riches habis que vous ayes soit le corps de vous aourné et le cuer apresté avecq la pensee a Dieu requerir, lequel nous pourra aidier s’il lui plaist. Et je mettray paine de ma part de faire desplaisir au jayant. »
Comment Sorbrin de Venise fut desconfit par Renier de Gennes presente la pucelle Olive, qu’il espousa aprés et fut duc et signeur des Genenois
26Tandis que Olivette la pucelle se para et vesti au gré de Regnier son amy, qui moult fut joieux de la veoir en ce point, estoit le jaiant venu a la porte, qui rien ne doubtoit et crioit comme ung ennemy a haulte vois, disant : « Ou es tu, fait il, chrestien, qui hier te vantoies de venir si matin contre moy ? Ou es tu ? Que ne viens tu tenir ta promesse ? Je croy certainement que tu n’oseroies ou que tu n’es mie advoé de ce que tu m’as accordé ! » Les compagnons, estans aux [50v] portes et muraulx pour toutes doubtes, lui respondirent : « Atendez, sire sarasin, se bon vous samble ! L’eure n’est mie encore passee. Il n’est pas par avanture couchié qui aura malle nuit ! » En ce disant vindrent illecq les bourgois, gens d’eglise et aultres gouverneurs de la ville en maniere de procession conduire et compagnier Renier et leur dame. Aprés laquelle ilz pleuroient d’amour et de pité et disoient les ungs aux aultres que moult serait grant dommage de perdre une telle paire de gens, c’estoit a dire que Regnier estoit beau chevalier, jeune, corageux, hardy et noble avanturier et la pucelle noble, belle, courtoise et avenant. Sy disoient tant de bien du chevalier, en especial comme il faisoient de lui quant il ariva en la cité premierement.
27Les portes furent ouvertes au fort, et s’en issi Regnier, qui sa dame conduisoit par la lesse du palefroy gracieusement. Et quant il fut dehors et le Sarasin vist la damoiselle, il ne fut plus joieux de sa vie. Sy dit en soy mesmes que ou chevalier avoit grant hardement. Regnier l’apella lors et lui dist qu’il se acquitoit de ce qu’il avoit promis et prest estoit de combatre et mener la damoiselle en champ, pourveu que [51r] il feist faire aux gouvernans de son ost serment, tel c’on le devoit faire a l’usage de la loy sarasine. Et adoncq manda Sorbrin ceulx en qui mieulx se fioit. Et finablement furent fais les sermens tant d’un costé comme d’autre, sur les poins posez par Regnier et Sorbrin. Et ce fait fut la damoiselle a destree de .iiii. chevaliers, qui la conduisirent et menerent jusques au lieu ou la bataille se devoit faire, c’on pooit veoir clerement des murs de la cité. Et tousjours la costoioit Regnier, lequel amentevoit qu’elle eust bon courage, sans soy esbahir. Puis se retraÿrent les chrestiens et Sarasins et ne resta que du [sic] combatre.
Entre l’ost des payens et Gennes la cité,
En l’ombre d’un grant ourme de vielle antiquité,
Mena Regnier Olive pour soy estre acquité,
Puis lui dist : « Adieu, belle, par moult grant amité.
— Adieu, amis, fait elle, le roy de mageté,
Qui me doint paciencè en ceste adversité
Et a nous tel puissance forte et habilleté
Que le jayant puissiés avoir suppedité,
Qui est greigneur de vous sans nulle equalité.
D’un tel homme combatre est grande niceté
Se Dieu le tout puissant, qui prist humanité
Ou ventre virginal par sa grant dignité,
Ne vous a de sa grace au jour d’uy visité.
Je sui morte et vous mort. » Lors pleure de pité.
28[51v] [tiers de page laissé libre pour illumination]
Comment Regnier desconfit Sorbrin le jayant ou champ en la presence de Olive et autres
29Tout ce veoit bien Sorbrin, a qui moult tardoit que Regnier venist pour s’en despeschier, affin qu’il peust avoir la pucelle, que tant avoit desiree. Il estoit bien armé a la guise payenne, et entre tous autres habillemens avoit une grant hache, en quoy plus se fioit qu’en cose nulle du monde et en menassoit Renier, qui mie n’estoit du tout asseuré. Il entra ou champ neant-mains et vist le jayant tout a pié, la hache sur son espaule, aprochant vers Regnier pour l’ocire a son pooir. Et quant Regnier l’aperchut venir, il se seigna et commanda a Dieu, puis baissa la lance, et le cheval escourcé le hurta de toute sa force. Sy l’atendi plainement le jayant, qui oncques [52r] n’en chancela, ains demoura debout comme une tour et laissa passer oultre le chrestien, qui garde ne se donna quant le payen lui assiet la grant hache pesant sur la cruppe du cheval, si qu’il le pourfendi tout en travers. Et quant Regnier senty le cop, il retourna la bride legierement, et ce fut ce qui de mort le sauva, car le jayant, qui aux bras le cuidoit prendre, le8 frappa par my le cheval, qui chey en la place, et tandis dessendi Regnier l’espee traitte, dont il assena le jayant sy arreement que l’espaule lui trencha a demy, sy que son escu lui chey et ne se peust plus aidier que d’une main. Or tenoit il la grant hache a celle main la, mais il ne pouoit mie avoir si grant puissance comme a deux mains.Il la leva non pourtant et de toute sa force la devala, ou cuida devaler, sur Regnier, qui legier estoit a merveilles. Sy advint que le horion chey en terre si avant que plus de deux piés y entra en parfont. Et lors s’aproucha Regnier, quant il vit le jayant baissié et l’assena de l’espee a plain sy qu’il lui coppa sur le col toutes les lasnieres de son heaulme et lui demoura le chief tout nu, dont moult lui ennuia.
30Dieux, comme fut grant le cry et le huy que firent les nobles chrestiens, qui des murs le regardoient quant le jayant virent ainsy desheaulmé par Regnier le chevalier de France ! Et se ilz en furent joieux, vous devez savoir que sy fut Olive plus sans comparison qu’ilz n’estoient, et moult devotement prioit [52v] a Dieu qu’il lui voulsist sauver son amy. Le Sarasin, qui grant estoit, se prist a couroucer lors et faire si laide chiere que bien l’apperchut Regnier a son visage. Sy ne sceut que faire synon courir vers Regnier, qui au mieulx qu’il pooit se gardoit de lui a ce qu’il ne le prenist aux poings, car aultre chose ne queroit. Et fin de compte ne s’en seut garder : il l’empoingna, et par force le getta sur son col ainsi legierement comme une nourice met ung petit enfant sur le sien, puis se mist a la fuite par my le champ courant ça et la, cuidant trouver quelque mauvais et perilleux trou pour le getter et mourdrir. Sy ne le voulu mie la grace de Dieu, anchois Regnier s’avisa d’un coutel qui au costé lui pendoit, lequel il sacha et tira hors et en frapa le jayant sy qu’il le perça parmy le col de part en aultre, puis le retira et tant lui en donna et piquota de horions par le visage que les deux yeulx lui creva et aveugla de sang, et adont ne sceut ou aler ne ou soy conduire et si ne se savoit delivrer du chrestien. Fin de compte il se hurta a une piere qu’il trouva enmy le champ, sy qu’il convint cheoir lui et Regnier, qui le plus tost qu’il peust se releva et l’espee haulcee s’adrecha a Sorbrin et la l’ocist legierement, car il avoit son chief desarme.
31[53r] Moult furent Sarasins esperdus et dolans de leur seigneur veoir mort, conquis par ung seul chevalier chrestien. Chascun mist paine de soy deslogier lors, et les chrestiens issirent de la cité a puissance, joieux, reconfortez et hardis, sy que ilz vouloient eulx ferir aprés les payens, se n’eust esté Regnier, qui leur deffendi pour toutes doubtes. Adoncques issirent de la cité les prestres et gens d’eglise a belle[s] et notables processions pour amener Regnier leur signeur avecq Olive leur dame, qui tant joieuse estoit que l’istoire l’escriproit a grant paine. Et finablement fut Regnier pensé et guairy.
Comment Regnier espousa Olive notablement
32Puis fut a ung jour certain aprés espousé notablement a Olive, en laquelle il engendra Aude la belle, qui fut acordee a Rolant le nepveu Charlemaine. Et sy engendra l’annee ensievant Olivier le preux et compagnon Rolant, lesquelz montrent depuis en Raincevaux quant Guennes les trahy et vendi a l’admirai Marcille9. Sy n’en parlera point icy l’istoire, pour ce qu’elle ne puet mie toutes racompter en ce present livre les aventures de Rolant et d’Olivier et que ailleurs sont escriptes, ou l’en les puet trouver qui veoir et ouïr les veult. Mais bien fera l’istoire mencion de la grant guerre qui fut longtemps entre Charlemaine et Girart de Vienne et comment elle fut [53v] appaisiee par Rolant et Olivier, qui sa seur Aude lui donna a mariage, et laquelle elle n’espousa oncques ne lui elle, pour ce qu’il ala en Espaigne, ou il morut. Et si fist elle quant elle vist lui et son frere Olivier mors en la cité de Blefves, la ou Charlemaine les avoit fais apporter.
33Le jour des nopces Olive la damoiselle passé, demoura Regnier duc des Gennenois et conquist toutes les appertenances et en joïst longuement non mie paisiblement, car Sorbrin, qui mors estoit, avoit des freres ne dit point l’istoire combien, qui le guerrierent longuement, et trop seroit ennuieuse la matiere a vous tout racompter. Il obtint la terre neantmains et demoura signeur en despit de tous les Sarrasins du monde. Sy se taist a present l’istoire de lui et parle de Gerart, qui estoit a Paris ou service de l’empereur Charlemaine.
34Cy fine l’istoire de Regnier de Monglenne duc de la cité de Gennes.
35[quart de page laissé libre pour illumination]
Notes de bas de page
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