Chanson de geste traditionnelle et épopée de croisade
p. 1033-1055
Texte intégral
1A côté des grands cycles dans lesquels on range habituellement l'épopée traditionnelle (cycles du roi, de Guillaume d'Orange, des Lorrains, des barons révoltés) figurent les deux cycles de la croisade inspirés, du moins au début, par les événements de 1097-1099, la conquête d'Antioche et de Jérusalem et ses conséquences : l'installation de seigneuries chrétiennes en Terre Sainte. Considérés comme des "tard-venus" dans la production épique, ces textes ont été longtemps moins étudiés que les autres, et les éditions critiques sont encore rares1. Pourtant, sous l'impulsion de chercheurs illustres comme E-R. Labande et S. Duparc-Quioc2, un intérêt justifié se manifeste aujourd'hui pour ces oeuvres, ainsi qu'en témoigne le récent Colloque International organisé en 1984 à Trêves par K.H. Bender, l'un des maîtres de la recherche en ce domaine3.
2Parmi toutes les questions que posent les épopées de la croisade, l'une des plus importantes pour la typologie de la chanson de geste est précisément celle des relations littéraires entre ces oeuvres et les chansons traditionnelles : y a-t-il des emprunts réciproques, et de quelle nature ?
3Dans une communication faite en 1978 au Congrès Rencesvals de Pampelune-Saint-Jacques de Compostelle, K.H. Bender avait examiné ce problème du point de vue de la chanson de croisade4. Etudiant les Chétifs, l'un des premiers poèmes, il avait montré comment s'opère progressivement la réintégration dans la tradition épique de chansons qui, dans leurs premières manifestations - Antioche, par exemple - se tournent avant tout vers la tradition historique.
4Notre enquête s'inscrira dans une direction complémentaire de celle de K.H. Bender, dans la mesure où, nous plaçant du point de vue de la chanson de geste "traditionnelle", nous essaierons de mesurer ce qu'elle peut devoir à la chanson de croisade. Ce faisant, nous utilisons encore des suggestions de Bender, puisque ce dernier montrait également dans sa communication de 1978 comment certains aspects des Chétifs - présence d'alliances franco-musulmanes, existence d'animaux fabuleux, inspirés par le cycle grec de Digenis Acritas - participent au "développement ultérieur des épopées de croisade"5 : un tel développement, fondé sur des éléments de ce genre, concerne en effet l'ensemble des chansons de geste, et montre comment les deux types d'oeuvres peuvent se rapprocher.
5Mais sur quels textes fonder notre recherche ? Contrairement à ce que nous aurions pu penser, l'influence des chansons de croisade n'est pas sensible d'abord dans les chansons d'errance, c'est-à-dire dans les poèmes qui, tels des romans d'aventures, promènent leur héros d'un pays à l'autre, et notamment au Proche Orient, dans les contrées où se déroule la guerre sainte. Ni Beuves de Hantonne, ni Huon de Bordeaux n'ont, à proprement parler, d'épisode de croisade.
6Echappé de sa prison de Damas, Beuves arrive à Jérusalem et se rend aux lieux saints :
A la Monjoie6 s'en vint sans delaier,
Il bat sa coupe et pleure ses pechiés,
Vait au Sepulcre pour Damedieu proier,
Au flun Jordain, u Dieus fu baptisiés,
Pour la vermine s'i est trois fois baigniés
Qui en la chartre l'avoient angoissié ;
Au patriarche s'est alés desraisnier,
Touz ses pechiés li a dit et nonchié.7.
7de même, sur la route de Babylone (Le Caire), Huon passe avec ses compagnons par Jérusalem et va prier au Sépulcre :
Puis vont le lieu veoir et esgarder
U Jhesucris fu couchiés et posés ;
La lance virent, sel baisierent asés.
Et puis revinrent el Temple d'outre mer ;
L'autel basierent u Dix fu presentés,
La u Diex meismes ot le messe canté8.
8Huon fait ensuite une prière pour la réussite de sa mission, dépose son offrande sur l'autel et s'en va.
9Dans ces deux textes, tout se passe donc comme si Jérusalem n'était qu'une sorte de point de passage obligé pour les héros, dans le cadre d'une action sans rapport avec l'esprit de croisade. Beuves accomplit sans doute un geste symbolique de purification en se lavant dans le Jourdain, mais il se débarrasse en même temps de la vermine qui l'a fait souffrir dans sa prison ; Huon va prier au Sépulcre, mais en accomplissant la mission que Charlemagne lui a imposée.
10En revanche, les Enfances Renier9 et Renaut de Montauban vont nous proposer des exemples de relation indiscutable avec la croisade. Or, même si le premier texte a des traits qui rappellent la chanson d'errance10, et si le second insère son épisode de croisade dans la construction générale du récit11, les deux poèmes sont des épopées traditionnelles.
1. Les Enfances Renier
11La présence de l'histoire est très sensible dans ce poème de la seconde moitié du xiiie s., épigone du cycle de Guillaume d'Orange. L'auteur anonyme des Enfances, qui connaissait bien la Sicile, a peut-être écrit sous la domination de Charles d'Anjou, comme le pensait G. Paris12 ; en tout cas, il est l'ennemi des Gibelins, dont les ancêtres sont à ses yeux des bâtards :
Un grant lignage des enfans esleva :
Gybelin furent, ainsi l''en les nonma,
enquore durent, qui le voir en dira,
male gent sont, poi de bons en y a (17907-910).
12Les souvenirs de la conquête normande sont également présents avec le personnage de Robert Ricart, qui joue dans la seconde partie de la chanson un rôle important, et dans lequel on peut facilement reconnaître Robert Guiscard, qui conquiert la Calabre et la Pouille (1059-1071) et, avec l'aide de son frère Roger, la Sicile (1060-1072) : Messine est prise dans notre texte comme dans l'histoire, même si c'est Renier, et non Robert Ricart qui la prend (mais dans la réalité, c'est Roger qui s'empare de la ville, en 106113).
13Enfin la croisade a marqué la chanson de son empreinte de deux façons différentes. D'un côté on peut repérer le souvenir de la IVe croisade, avec la volonté de faire de Renier un empereur de Constantinople, comme le lui prédisent les fées :
"Coustantinoble, qui moult fait a douter,
tenra cis enfes ains qu'il doie finer.
Rois iert et sires de Gresce sus la mer" (68-70),
14ou l'histoire de Baudouin de Grèce, qui lutte pour retrouver son héritage, dont il a été dépossédé par l'usurpateur Pierrus. A travers ce Baudouin on peut deviner la figure de Baudouin II de Constantinople (1217-1274), qui combattit longtemps pour sauvegarder son empire ; chassé de Constantinople en 1261, il céda en 1267 à Charles d'Anjou la suzeraineté de la Morée : on comprend ainsi pourquoi des allusions à la IVe croisade peuvent avoisiner des traits se rapportant à la Sicile angevine. Mais nous n'approfondirons pas ce premier type d'interférences avec la croisade, que Mme Carla Cremonesi a déjà étudié14.
15Nous nous intéresserons en revanche à un second type d'allusions, qui concerne la première croisade. On notera tout d'abord quelques souvenirs du cycle, inscrits dans l'onomastique ou dans certains motifs. Ainsi le roi de Jérusalem, où Renier se rend pour vir les liex ou Jhesu Crist passa (19731) se nomme Corbadas, comme dans Antioche et dans Jérusalem ; de même Grandoce évoque la perte prochaine de la Terre Sainte par les païens :
"Sarrazins ont sorti, n'a pas lonc tans,
c'un si grant peuple qui iert en Dieu creans
venra ça outre, ce fu li sors disans,
tout conquerra maugré tours et persans" (19360-363),
16en renvoyant aux prophéties de la reine Calabre dans Antioche :
"Bien a cent ans passés, disent nostre ancissor
Que uns pules venroit devers terre Major,
Ki conquerroit no terre par force et par vigour"15
17Mais le plus frappant est la volonté que manifeste l'auteur des Enfances Renier de relier ce poème et, à travers lui, l'ensemble du cycle de Guillaume, au cycle de la croisade par un lien généalogique. Dès la rencontre de Renier et de Baudouin, le poète indique le nom et la vocation des fils qui naîtront d'eux :
"de ceuls issirent Buevon16 et Tangcré
qui en l'ost furent Godefroi le membré
quant il conquist le temple domine" (5015-17) ;
18cette annonce revient régulièrement dans la chanson et débouche toujours sur les deux princes normands qui vont s'illustrer aux côtés de Godefroy de Bouillon :
Vraie est l'estoire, bien fet a recorder,
du bon Renier, filz Maillefer le ber,
et du lignage que Diex li vout doner :
de lui issirent Buimont et Tancré,
li uns fu dus, li autre quens clamez ;
preudome furent et plain de loiautez
et si conquistrent le sepulcre outre mer
avoec le duc de Bullon sanz fauxer (11566-573).
19Ici encore, on peut noter la logique qui relie entre eux les éléments extérieurs à la trame narrative essentielle de la chanson. Nous avons vu plus haut que l'auteur, qui connaît bien la Sicile du xiiie s., s'intéresse aux ancêtres normands ; il n'est donc pas surprenant que, parmi les héros de la 1ère croisade, il retienne d'abord des normands, fondateurs de la principauté d'Antioche.
20Comme dans l'histoire, Bohémond (1050-1111) est le fils de Robert Guiscard et l'oncle de Tancrède (mort en 1112) ; mais, afin de relier le cycle de la croisade au cycle de Guillaume, l'auteur de geste fait de Tancrède le fils de Renier (v. 17942-44). Dans ces conditions, les exploits des héros carolingiens, Vivien, Guillaume ou Renouart, trouvent leur achèvement symbolique dans l'action des conquérants de la Terre Sainte dont ils sont, par le sang et la valeur, les pères. Mais le poète a encore voulu étendre cette notion de paternité : dans un raccourci saisissant et amusant, il nous montre en effet les principaux héros de la croisade engendrés la même nuit que Bohémond et Tancrède : Godefroy de Bouillon (v. 17960-72), Hugues de Vermandois, frère du roi Philippe Ier (v. 17973-75), et tous les héros des Chétifs :
le bon Ricart qui a Chaumont fu nez,
et cil de Bourges Harpin le redoutez ;
et Baudouin de Biauvais li senez,
Raimbaut Creton qui moult fu adurez,
Jehan d'Alis qui fu hons moult osez (17983-87)17
21Les Enfances Renier représentent donc un premier type de relation entre épopée traditionnelle et poèmes de la croisade, qui met en valeur le principe de filiation généalogique ; l'ancêtre prétendu affirme ainsi l'importance qu'il attache aux textes qu'il présente comme issus de lui, tout en espérant tirer profit d'une telle revendication.
2. Renaut de Montauban
22Nous avons affaire ici à un véritable récit de croisade, qui revêt des formes extrêmement différentes selon qu'il s'agit de la chanson du xiiie s. ou du remaniement du xive. Il faut donc étudier séparément les deux versions.
2.1. La chanson du xiiie s
23Nous disposons de trois familles de manuscrits qui, avec des variantes souvent importantes, racontent comment Renaud, parti en pèlerinage à Jérusalem, est conduit à se transformer en croisé et à combattre avec les chevaliers chrétiens pour reprendre la Ville Sainte aux Sarrasins. Une fois Jérusalem reconquise, Renaud et Maugis quittent la Palestine et retournent en France.
24Ces trois familles de mss. ont été éditées et étudiées18, dans le cadre d'un mémoire de licence, par M. C. Goderis, une élève du Professeur J. Thomas, de l'Université de Gand, que nous remercions ici d'avoir bien voulu nous autoriser à consulter ce travail de grande qualité, en vue de la présente communication.
25Pour nous limiter à l'essentiel, l'originalité respective des trois familles peut être définie de la façon suivante. La première, dans laquelle figure notamment le ms. Douce 121 (D. milieu xiiie s.), est la plus ancienne et la plus brève (moins de 700v, 475 pour D) ; à la fin de l'épisode, on propose à Renaud, qui la refuse, la couronne de Jérusalem. La seconde, dont fait partie le ms. 24387 de la BN., dit de La Vallière (L début du xive s.), autrefois choisi par F. Castets pour son édition de la chanson, est plus développée (ca 1100 v., 1117 pour L). L'épisode en Terre Sainte, à la fin duquel Renaud délivre le roi Thomas de Jérusalem, est suivi de combats livrés à Palerme pour aider le roi Simon de Pouille. La troisième famille se limite au ms. H 247 de la Faculté de Médecine de Montpellier (M, 2e moitié du xive s.) ; après avoir libéré Jérusalem dans des conditions voisines de la famille 1, Renaud doit affronter en combat singulier Safadin d'Egypte, mais le ms. s'interrompt au cours de ce combat, au bout de 977 v.
26Si nous interrogeons ces trois familles de mss. pour savoir ce qu'elles peuvent nous dire au sujet du phénomène croisade, nous y observons d'abord la marque très nette des événements tragiques ou porteurs d'espoir qui marquent les années 1187-1192, avec la chute de Jérusalem et la stabilisation opérée par Richard Coeur-de-Lion au cours de la 3e croisade.
27Comme dans l'histoire, Jérusalem est la proie des païens :
"Li rois de Jersalem si est deserité" (D. 22)
Li cris ala par tot issi prochainement
Que li rois estoit pris tot issi fierement
Et Jhersalem perdus ou est nos sauvement (L. 106-108)
28"Le roi de Jerusalem si est deserité" (M. 128) ; et si la fiction, transgressant la réalité, montre la ville reconguise, elle se dénonce en quelque sorte elle-même en signalant le caractère fragile du succès : ainsi se lamente Joffroi de Nazareth, nouveau roi de Jérusalem, au moment du départ de Renaud :
"Ahi ! Renaut, fait il, or somes nos alé !
Or revendront sor nos li payen desfaé,
Si destruiront le Temple ou Diex fu aoré" (431-33).
29Le sort d'Acre, en revanche, ne fait aucun doute : la ville est chrétienne, et c'est là que Renaud, dans les familles 1 et 3, débarque en Terre Sainte ; la chanson prend donc acte de la conséquence majeure de la 3e croisade, la reprise d'Acre en juillet 1191 et les conquêtes littorales qui suivront cette victoire, aboutissant à substituer dans les faits un royaume d'Acre au royaume de Jérusalem.
30De ces événements, tragiques ou glorieux, l'onomastique de la chanson porte également la marque. Ainsi, les trois familles de mss., et surtout la seconde, accordent un rôle important, parmi les chevaliers chrétiens, au vicomte de Jaffa. Or des personnages importants de la fin du xiie s. ont possédé la comté de Jaffa19 : Guillaume de Montferrat, dit Longue Espee (1175-1177), frère de Conrad, l'un des plus grands héros de cette période agitée ; Guy de Lusignan (1181-1191), roi de Jérusalem (1186-1192), responsable de la catastrophe de Hattîn ; Geoffroy de Lusignan son frère.
31La 2è famille de mss. mentionne parmi les chefs chrétiens le comte de Rames. Or le toponyme Rames (Ramla) joue, dans la mémoire collective des croisades, un rôle essentiel. Au cours de la 1ère expédition, Rames est le lieu où deux batailles sont livrées en 1101 par Baudouin 1er contre les Egyptiens, suivies d'une troisième en 1105. Quatre-vingts ans plus tard cette ville importante, située entre Jaffa et Jérusalem, est un point de passage obligé pour les troupes de Saladin et de Richard Coeur-de-Lion : elle est démantelée par les Musulmans en 1191, et Richard y passe plusieurs fois en 1191-92, au cours de ses expéditions fluctuantes vers Jérusalem. Lors de la trêve de septembre 1192, le territoire de Lydda-Ramla est partagé entre chrétiens et Musulmans, et la ville redevient chrétienne en 1204. Or le nom de Rames est associé, à la fin du xiie s., à l'un des personnages les plus marquants, Baudouin d'Ibelin, seigneur de Ramla à partir de 1174, qui refuse l'hommage féodal à Guy de Lusignan en 1186 et préfère s'exiler à Antioche.
32Enfin le ms. de Montpellier permet de reconnaître, dans l'adversaire de Renaud, Safadin, le frère de Saladin, le Malik Al Adil Saif al Din Abu Bekr, roi de Damas en 1196, d'Egypte en 1199 puis sultan suprême (1199-1218). Or ce personnage nous renvoie également aux conquêtes de Saladin et aux événements de la 3e croisade. C'est lui qui s'empare d'Ibelin et de Mirbel en 1187, du krak de Moab en 1188, de Montreal en 1189. Il participe à la défense d'Acre et devient le principal interlocuteur de Richard.
33Nul doute qu'un tel personnage ait pu intéresser un auteur de geste, surtout s'il écrit, comme le rédacteur du ms. M, après ceux des deux premières familles : en effet les expéditions chrétiennes postérieures au quatrième concile de Latran (1215) ont l'Egypte pour cible, et Malik Al Adil, "Safadin d'Egypte" comme principal adversaire jusqu'à sa mort (1218)20.
34Peut-on saisir dans nos textes la trace d'autres personnages historiques, en dehors de ces Hospitaliers ou de ces Templiers qui, dans le ms. M, attestent le prestige de ces ordres ? La première famille de mss. accorde la prééminence parmi les chevaliers chrétiens à Joffroi de Nazareth, qui deviendra roi de Jérusalem :
Gifroi de Nazarel ont a roi esgardé,
Cil maintint bien la terre, en foi, en loiauté
(D. 425-26).
35L'histoire n'a pas conservé le nom d'un Joffroi de Nazareth expliquant sa présence, avec un tel rang, dans la chanson ; pourtant, comme nous l'a fait remarquer M. Jean Richard, que nous nous plaisons à remercier ici pour ce renseignement, il existe des chevaliers de Nazareth cités dans le Livre de Jean d'Ibelin21. On peut supposer également, comme nous le suggère également M. J. Richard, que les chansons de geste font ressortir des personnages relativement obscurs, laissés de côté par l'histoire.
36Mais la présence de la croisade se mesure aussi aux allusions renvoyant aux épopées de la guerre sainte. Ici encore, l'onomastigue permet certains rapprochements (Rames, déjà évoquée au titre de l'histoire, renvoie aussi à la grande bataille qui, dans Jérusalem, suit la prise de la ville par les chrétiens ; les Portes Oirres, évoquées dans la famille 2, sont citées également dans Jérusalem)22.
37D'autres analogies semblent plus intéressantes. Dans la famille 1, le refus qu'oppose Renaut aux chevaliers chrétiens lorsque ceux-ci veulent le couronner s'explique sans doute par les circonstances qui l'ont conduit en Terre Sainte :
"Barons, les voz mercis et de moi et de Dé,
Je irai en Gascoigne a mes granz herité" (D. 421-22),
38mais il rappelle aussi l'humilité de Godefroy dans les mêmes circonstances :
"Chi a tant riche prince, de si grant renomee ;
Ja ne prendrai sor moi avant d'ax la posnee"
(Jerusalem, 4621-22)23
39La 2e famille de mss. qui, plus que la première, accuse des souvenirs de J, présente d'autres exemples intéressants. La ville est prise "endroit ore de none" (L, 762), qui est l'heure de la mort du Christ ainsi que l'explique J :
Che fu .i. venresdi, si com lisant trovon,
Jherusalem conquistrent no crestien baron ;
A l'eure que Jhesus i soffri passion
Entrerent dans la ville nos Franchois a bandon
(4438-40).
40De même, les circonstances de la prise de la ville sont à rapprocher de J. Réfugié sur la tour de David, l'émir Barbas24 se désespère :
Son Dex Mahon maudit et ses chevelx deront,
Sa barbe sache et tire, si se fiert sor lo front
(L.779-80)
41or ce passage peut être rapproché du désespoir de Corbadas, réfugié lui aussi sur la tour de David :
Li rois de Jursalem fu el maistre donjon,
Sus en la tor David, joste .i. marbrin perron.
Lluec detort ses poins, deront son auqueton,
Et detire sa barbe et sache son grenon (J, 4461-64).
42Du reste, le sort ultérieur de chacun de ces personnages peut être également rapproché : au lieu d'être massacrés avec l'ensemble des païens, les deux chefs obtiennent la vie sauve à la suite d'une négociation.
43La version traditionnelle de l'épisode de croisade dans Renaut de Montauban est donc marquée à la fois par l'histoire et par la transformation de l'histoire qu'opère le récit épique de croisade. Mais quels sont ses objectifs ?
44Il s'agit tout d'abord, semble-t-il, de montrer comment, dans les combats de la croisade, Renaud réaffirme d'une manière nouvelle et parfois inattendue son caractère héroïque, en mettant à profit jusqu'aux décalages qui séparent son projet initial - le pèlerinage - de la lutte qui lui est tout-a-coup imposée.
45Dès qu'il apprend les malheurs du roi de Jérusalem, Renaud se déclare en effet prêt à mourir afin de combattre les païens :
"Je irai en bataille otot le brant letré,
Se je i muir por Dieu, de bone ore fui né :
Lasus devant Jhesum en serai coroné" (D, 37-39 ; voir aussi 50-53 et 291-96) ;
46mais le héros est un pèlerin, et non un guerrier : il n'a donc pas d'armes. Pour affronter l'ennemi, il s'empare de la fourche qui constitue l'armature de sa cabane :
La forche de la loge prent Renaut a lever,
En son col la leva, prist soi a dementer
Que il n'avoit Froberge et Bayart l'aduré
(D, 188-190).
47Avec un tel bâton, Renaud fait merveille, et le rapprochement qui s'impose avec le géant Renouart montre que la tonalité de la chanson s'est légèrement déplacée : elle est devenue héroï-comique. C'est dans les mêmes conditions qu'un peu plus tard les chrétiens, dans la famille 2, s'étonnent de l'accoutrement étrange du guerrier qui les a sauvés :
Li tijos de ses braies li vont si traînent (L, 298).
48Pourtant, loin de verser dans la parodie, le texte utilise ces décalages pour réaffirmer tout-à-coup la solitude du héros, qui refuse les vêtements de chevalier qu'on lui propose :
"Ja n'avrai autres dras en trestot mon vivant
Devant qu'iere en la terre donc je sui desirrant ;
Se je suefre mesaise, Diex me sera aidant"
(D, 284-86).
49Avec ce passage pathétique, c'est toute l'histoire de Renaud qui ressurgit à l'instant, mais enrichie par la lutte contre les agresseurs de la cité sainte.
50Le deuxième objectif de cet épisode de croisade est probablement d'introduire un élément de complexité supplémentaire dans la trame narrative, grâce au déplacement du héros dans l'espace et à la modification du projet initial du pèlerinage. Ces procédés, qui amorcent un rapprochement avec la chanson d'errance, sont plus développés dans la seconde famille de mss., qui pratique notamment le système de la réduplication des épisodes. On a vu que Renaud, pèlerin désarmé, combat tout d'abord avec la fourche qui soutient sa hutte ; or, tandis que D et les mss. apparentés restituent pour la deuxième journée de combats des armes chevaleresques au héros :
Renaut crie s'enseingne, qui ocist le premier.
Il fiert un Amoraine de l'espee d'acier (327-28),
51la 2e famille redouble l'épisode des armes surprenantes au moment de la prise de Jérusalem :
Il garda vers .i. tref, si i vit sa devisse,
Ce fu une colombe qui estoit illuec misse ;
Lo feu an dut en faire, a ce estoit promisse,
Onques ne fu encore dedens nule ovre misse
(L, 635-39)
52Les païens, terrorisés, s'enfuient à la vue de Renaud - nouveau Renouart - qui se sert bientôt de sa poutre pour bloquer la herse de la ville :
Adonc prent son marrien, sor son col lo leva,
En un trouc par desore lo bot en apoia,
La porte colleïce ilueques soztendra (L, 684-86).
53On voit bien comment la "colombe", redoublant la "fourche", permet d'exploiter les virtualités héroï-comiques de l'épisode et d'allonger le récit des aventures du héros.
54Le même propos explique sans doute le fait que la famille 2 allonge encore l'épisode de croisade par un ultime rebondissement : sur la route du retour, Renaud et Maugis portent secours a Simon de Pouille que l'émir de Coisne (Iconium) vient assiéger à Palerme (L, 924-1094). L'addition est apparemment le résultat d'une volonté de symétrie : la thématique de la chanson de geste traditionnelle (défense d'une terre chrétienne envahie par les païens) rejoint ainsi celle de l'épopée de croisade (conquête à la foi chrétienne de terres dominées par les infidèles).
2.2. Le remaniement du xive s24
55Avec la reprise, au xive s., du Renaut dans une version en vers, s'achève l'évolution, déjè sensible dans la chanson traditionnelle, en ce qui concerne l'utilisation de la matière de croisade. On notera d'abord l'énorme développement auquel donne lieu l'épisode de Terre Sainte. Dans un ensemble lui-même fort généreux (le remaniement compte 28392 v.), cette partie ne compte pas moins de 14758 v., répartis en deux séquences numériquement inégales, et constitue à elle seule une véritable épopée, dont le programme est annoncé dès le départ. Renaud déclare en effet dans sa prière :
"Je iray au Saint Sepulcre et si le conquerré,
A Robatre conbatre qui tient la royaulté,
Et a son filz ossy, Durendal l'amiré :
Ou il mouront par mi ou il seront sacré.
Puis yrai Angorie conquerre, c'est mon gré,
Et les clous et le fer dont ton cors fu frappé
Et la sainte couronne et le suaire orlé
Dont tus fus ou Sepulcre jadis enveloppé" (8368-75).
56Le héros ne se destine donc pas, comme dans la chanson du xiiie s., à un pèlerinage dont les circonstances vont faire une contribution à la libération de la Terre Sainte, mais à la conquête de l'ensemble des contrées païennes, dont le centre mystique - Jérusalem -, qui aimante les épopées de croisade et leurs émules, se trouve déplacé. Jérusalem est bien sûr désirée, mais l'objectif essentiel devient une ville légendaire, Angorie, qui concentre en elle toutes les reliques qu'on s'attendrait justement à trouver à Jérusalem, et que l'auteur du Pèlerinage de Charlemagne, entre autres, ne manque pas d'y montrer :
"E un des clous avrez que il out en sun ped,
Et la sainte corone que Deus out en sun chef…
(175-76)25
57L'époque de composition du remaniement exclut évidemment tout rapprochement avec la perte de Jérusalem à la fin du xiie s. Mais l'histoire des croisades aux xiiie et xive s. n'est pas davantage sensible, sauf s'il faut voir dans la chapelle construite par Charlemagne pour accueillir les reliques26 une allusion à la Sainte-Chapelle, terminée et consacrée en 1248.
58Les souvenirs des épopées de croisade sont également limités : à peine y trouve-t-on, par exemple, l'allusion rituelle aux prophéties de Calabre :
"Or ont païen sorty il a longue saisson
C'uns chevaliers de Franche par sa possession
Venroit decha conquerre le grande region
Et metteroit payens en la subjection
Et les saintes reliques aroit en son bandon"
(13084-88)
59En réalité cette partie du remaniement représente, dans l'achèvement d''un processus de développement narratif, l'interférence d'un rêve vague de conquête universelle des terres païennes27 dans les procédés utilisés par la chanson d''errance.
60Ainsi, une place importante est accordée aux épisodes amoureux, et la façon dont Sinamonde annonce à Renaud qu'elle l'aimerait volontiers, s''il était veuf, renvoie à un épisode de Baudouin de Sebourc28, poème du 2e cycle de la croisade, lui-même proche de la chanson d'errance. Ces épisodes amoureux débouchent naturellement sur des prolongements généalogiques ; nous connaissons déjà les fils de Renaud ; ils se marient tous les deux et Yvon, qui épouse Englentine et devient roi de Jérusalem, aura pour fils Marbrien, d'abord ennemi des chrétiens puis défenseur de la foi.
61La tonalité merveilleuse, déjà présente dans la chanson du xiiie s. avec le personnage de Maugis - mais abandonnée, au moins pour l'essentiel, dans l'épisode de croisade -est considérablement accrue. Comme l'a noté l'éditeur, Ph. Verelst, il s'agit aussi bien de passages inspirés par Huon de Bordeaux, comme les facéties de Berfuné, que d'interventions divines "nombreuses et spectaculaires"29.
62Enfin l'aspect cyclique, seulement sous-jacent dans les versions traditionnelles30, est ici pleinement apparent : le cycle du Roi, et notamment la Chanson de Roland, est en quelque sorte annexé par l'auteur du remaniement. Dans la deuxième séquence de la partie consacrée à la croisade, les barons de Charlemagne accompagnent Renaud en Terre Sainte :
Premiers y vient Rolant qui fu li nieps Karlon,
Et li conte Oliviers qu'il tient a compaingnon,
Ogier de Danemarche et le duc Salamon (25632-34) ;
63Quant aux dernières péripéties des combats contre les Sarrasins devant Angorie, elles sont conçues comme une introduction lointaine aux événements de Roncevaux : Roland coupe le poignet de Marsile, qui jure de se venger :
Et le fort roy Marsille s'en fuit le cuer dolant,
Et a juré Marsille Mahon et Tervagant
Qu'il pierdra ainchois trestout le sien vaillant
Qu'il ne se soit vengiez du noble duc Rolant
(27919-22).
64L'étude que nous venons de faire nous permet donc de mesurer la diversité des modes d'insertion du récit de croisade dans la chanson de geste de type carolingien, diversité à laquelle se substitue progressivement une tendance uniforme au développement narratif. Les formes primitives, toutefois, ne disparaissent pas complètement et se laissent parfois saisir, permettant de mieux comprendre l'histoire de la chanson de geste tardive.
65Au début en effet, l'histoire reste présente, en dépit des métamorphoses dues a l'intervention du poète. Les conquêtes normandes et la IVe croisade peuvent se lire dans Renier, comme les suites de Hattîn dans Renaut ; mais tandis que le premier texte s'occupe de relier, à la fois par une généalogie héroïque et par une généalogie textuelle, les événements qu'il célèbre - l'histoire du cycle de Guillaume -à la fondation de la principauté d'Antioche, le second raconte un épisode de croisade à part entière.
66Plus tard, l'histoire s'estompe, mais l'attrait pour le récit de croisade reste le même : qu'il s'agisse de remaniements - les versions tardives de la Chevalerie Ogier par exemple31 - ou de textes nouveaux, comme Theséus de Cologne32, les poèmes tardifs développent en des ensembles narratifs interminables une sorte de "matière de la croisade" qui semble constituer une dimension essentielle de l'activité du héros ou de ses descendants.
67Mais ces longues compositions n'oublient pas les procédés initiaux, qu'elles associent parfois les uns aux autres. Théséus, par exemple, associe à un propos généalogique l'histoire de combats incessants livrés contre les Musulmans à Acre, Antioche, Damas ou Jérusalem. Mais le texte ne veut pas seulement, comme le remaniement de Renaut, montrer l'installation outre-mer d'une lignée de rois chrétiens ; c'est le poème tout entier qui, à la manière de Renier, se donne comme l'ancêtre des récits de croisade. Comme l'écrit la version en prose, qui permet de suppléer le ms. défaillant :
68"Ainsi… fut conquise la Terre Sainte et les payens dechassez par les nobles chrestiens, lesquelz en furent possesseurs jusques en la fin de leurs jours, que payens trouverent moyen de la recouvrer de leurs mains et en jouyrent jusques à la venue de Godeffroy de Buyllon, lequel, par sa prouesse, la reconquesta des mains des payens…"33.
69Theséus ouvre donc sur Antioche et sur Jerusalem, et cette généalogie textuelle a un aspect publicitaire assez clair : si l'on s'intéresse aux épopées de la croisade, il faut lire d'abord la production du poète du xive s. L'auteur de la Belle Hélène34 procède de la même façon, mais avec plus d'audace encore. Insérant, comme les versions traditionnelles de Renaut, un épisode de croisade dans la trame narrative, il raconte la prise de Jérusalem par Amaury d'Ecosse d'une manière qui rappelle singulièrement l'exploit de Thomas de Marie dans Jerusalem. Il écrit en effet :
Et Amoury d'Escoche que Dieu puist honnerer
Se fist as fiers de glaves tout hault lassus lever
(ms. d'Arras, 133r)
70s'inspirant évidemment de
A .xxx. chevaliers qui sont de sa contree
Se fist / Tomas / as fers des lances ruer en sa volee
(J. 4391-92).
71Mais le poète de la Belle Hélène renverse tranquillement l'ordre chronologique et s'attribue la palme de l'originalité, faisant de Thomas l'imitateur du stratagème d'Amaury :
Par ii fois fu conquise, seigneurs, par che fait la,
Car ou tamps Godefroy qui Builon gouvrena,
Qui le ville conquis, aveuques luy ala
Un noble chevalier qu'ensement y entra
Pour che que .i. istoire avoit leue piecha
Du vaissel Amoury qui ensy en ouvra.
Et cheluy chevalier qu'ainssy s'aventura
Che fu Thomas de Marie, ensy c'on l'apela.
(Ms. d'Arras, 130r).
72Comme une telle affirmation a vraiment peu de chance d'être prise au sérieux - ne serait-ce que parce que les poèmes du 1er cycle de la croisade continuent d'être lus, et que des remaniements comme le Chevalier au cygne et Godefroy de Bouillon sont composés au xive s. - nous voyons plutôt dans ces propos un hommage discret et humoristique à l'épopée de croisade, à laquelle la Belle Hélène confie une partie de ses espoirs de succès.
73Ainsi, à mesure que se développe l'histoire de l'épopée, on constate une fascination croissante pour la chanson de geste de croisade qui, de son côté, donne lieu à de nombreuses réécritures. Si la seconde catégorie de textes épiques apparaît comme un espoir de renouvellement pour la première, on comprend moins bien comment la chanson d'errance a pu suivre un chemin presque autonome. Un point de rencontre existe en tout cas entre Beuves de Hantonne ou Huon de Bordeaux et la chanson de croisade : la recherche du dépaysement géographique. Que la convergence à cet égard soit fortuite, ou qu'il y ait eu influence de la chanson de croisade sur la chanson d'errance, une telle rencontre peut expliquer la renonciation k d'autres types de rapprochement.
Notes de bas de page
1 Pour le premier cycle de la croisade, il faut signaler La chanson d'Antioche, éditée par S. Duparc-Quioc, Paris, Geutner, 1977, 2 vol. ; J. Nelson et Emanuel J. Mickel ont par ailleurs entrepris l'édition de l'ensemble des poèmes de la croisade aux presses de l'Université d'Alabama (The old french Crusade Cycle) ; la Naissance du chevalier au cygne, les Chétifs et un volume des Continuations de Jerusalem sont déjà parus.
2 Rappelons en particulier l'étude d'E-R. Labande sur Baudouin de Sebourc (Paris, 1940) et celle de S. Duparc-Quioc sur Le cycle de la croisade (Paris, Champion, 1955).
3 Les résultats de cette rencontre, qui a permis de faire le point sur la recherche dans le domaine de l'épopée de croisade, seront publiés dans un Beiheft à la Zeitschrift zur franzosische Sprache und Literatur.
4 Voir VIII Congreso de la Société Rencesvals, Pamplona, 1981, p. 43-47, "Les premières épopées de la croisade et leur réintégration dans la tradition épique".
5 Art. cit., p. 46.
6 Il s'agit probablement de Nêbi Samwîl, près de Jérusalem, connu des croisés sous le nom de Mons Gaudii ou Monjoie, et qui donne son nom à un petit ordre militaire.
7 Beuves de Hantonne, éd. A. Stimming, 2è réd. continentale, v. 3476-85.
8 Huon de Bordeaux, éd. P. Ruelle, v. 2859-63.
9 Editée par C. Cremonesi, Milano-Varese, 1957.
10 "Renier parcourt inlassablement les flots", comme l'écrit F. Lecoy dans son compte rendu de l'édition Cremonesi, Romania LXXX, 1959, p. 533-40.
11 Le départ de Renaud pour Jérusalem est en effet l'une des conditions de la paix conclue entre Charlemagne et les fils Aymon.
12 Voir Romania V, 1876, "La Sicile dans la littérature française du Moyen Age", p. 108-113.
13 Voir F. Chalandon, Histoire de la domination normande en Italie et en Sicile, Paris 1907, 2 vol., Reprint Burt Franklin 1969, I, 195.
14 Voir son article "Venice", dans Filologia et Letteratura, IX, 1963, p. 214-24.
15 Ed. Duparc-Quioc, 6940-42.
16 Ce nom, orthographié ailleurs Buemon, Buimont, Buyemont, renvoie sans aucun doute à Bohémond.
17 Raimbaut Creton n'intervient pas dans les Chetifs, mais dans Antioche et dans Jerusalem.
18 Voir L''épisode de Terre Sainte de "Renaut de Montauban". Edition synoptique des versions rimées, Mém. de licence en Phil. et Lettres, Gand, 1977-78. Pour la famille M, M.C. Goderis reproduit l'éd. Castets, RLR, 1885, p. 6-42.
19 Voir Du Cange, Les familles d'outre-mer, publié par E-G Rey, 1869.
20 Voir Joshua Prawer, Histoire du royaume latin de Jérusalem, CNRS, 1969, 2 vol., t. II, p. 128-151.
21 Voir Recueil des Historiens des Croisades, Lois, I, p. 424-25. Richart de Nazareth et Phelippe de Nazareth sont cités au rôle de la terre de Naplouse ; "Raou" de Nazareth au rôle d'Acre.
22 La Conquête de Jérusalem, éd. C. Hippeau, Paris, Au-bry, 1868 (six occurrences).
23 Le cri de ralliement des chrétiens, "Saint Sepulcre", assez fréquent dans la famille 1, est très fréquent dans Antioche (20 occurences) et dans Jérusalem (20 occurrences) ; une expression comme li oz Deu (D, 390) figure plusieurs fois dans J (3487, 3573).
24 Ce remaniement a été étudié et édité par Ph. Verelst, qui y a consacré sa thèse à l'Université de Gand ("Renaut de Montauban", édition critique du ms. de Paris BN. fr. 764, Gand, 1985, 5 vol., ex. dactylographiés).
25 Ed. P. Aebischer, Droz, TLF, 1965.
26 "Puis fist faire ou palais li fors roys posteïs / Une moult noble capelle a moult biaux ediffis", 25578-79.
27 Voir Ph. Verelst, op. cit., I, p. 78.
28 "Se vesvier feûssiez la chose me fust belle / -Pucelle, dist Regnaut, par la Divine Ancelle, / Se renoier voulés la vostre loy mezelle/ Et croire Jhesu Crist qui pecheours appelle, / Le mien filz Yvonnet vous donray, dammoiselle" (11788-92) : à rapprocher du passage où Eliénor propose son amour à Gaufroi : "Belle", ce dist li roys", voir, je suis mariez "../ Pleùst a Jhesu Crist, qui en crois fu penez, / que moi et vous fuissiens dedens mes roiautez, / afin que vostre cuer fust a Dieu attournez : / Esmeret vous donroie, mon fil qui est aisnez". Nous utilisons ici le texte établi par L. Crist (v. 730, 734-37), et qui sera prochainement publié.
29 Ph. Verelst, op. cit., I, p. 79.
30 L'insertion d'un épisode de croisade dans une chanson de geste carolingienne constitue à soi seul un procédé d'extension cyclique.
31 Il s'agit des rédactions en décasyllabes (BN. fr. 1533) ou en alexandrins, étudiées notamment par K. Togeby, Ogier le Danois dans les littératures européennes, Munksgaard, Copenhague, 1969, p. 137-40 et 152-53. Le développement des épisodes consacrés à la croisade est tout à fait considérable.
32 Voir l'étude de R. Bossuat, "Théséus de Cologne", Moyen Age, LXV, 1959, p. 97-133, 291-320, 539-77.
33 Art. cit., p. 304.
34 Sur la chanson, voir l'article de Cl. Roussel, "Chanson de geste et roman" in Essor et fortune de la chanson de geste dans l'Europe et l'orient latin, Modena 1984, II, p. 555-82. Nos citations renvoient au ms. 766 de la BM d'Arras.
Auteur
Université de Lille III
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