Sens et effets de sens des unités métriques dans la chanson de geste française
p. 643-657
Texte intégral
1Devant cet auditoire il est plus ou moins superflu de remarquer la forte correspondance entre le vers et les unités syntaxiques dans la versification de la chanson de geste. Par contre, la valeur esthétique qui en résulte mérite bien qu'on s'y attarde. Nous allons tenter d'élaborer quelques-unes des conséquences rythmiques découlant de tendances du vers épique relevées par Jean Rychner et par Paul Zumthor. Dans deux études menées indépendamment l'une de l'autre et d'après des perspectives différentes, Rychner et Zumthor ont constaté, outre la correspondance entre syntaxe et mètre, celle du vers avec la phrase. Et ceci est lourd de conséquences pour la poésie.
2Lors du colloque Rencesvals de Pampelune nous avons signalé de remarquables effets rythmiques, aux vv. 384-394 du Charroi de Nîmes, fondés sur la présence ou absence de mots outils dans une énumération, c'est-à-dire dans une suite de vers répétitifs1. La répétition est bien connue comme "formule orale" lorsqu'elle porte sur le vers entier2, mais elle ne se limite nullement à la récurrence exacte de vers ou d'hémistiches. Les énumérations en général, et non seulement la liste de fiefs prononcée par le roi Louis dans le Charroi, fondent des effets rythmiques sur la répétition et variation de catégories sémantiques et sur leur place dans le vers3. Et à creuser le phénomène de la répétition, nous arrivons à la découverte, étonnante par sa banalité, que la répétition de base dans le genre, c'est le vers. Découverte qui prend une autre couleur lorsque nous l'envisageons dans la perspective de la correspondance entre vers et phrase, c'est-à-dire, lorsque nous tenons compte des constatations de Zumthor et de Rychner.
3Zumthor, ayant examiné les trois cents premiers vers de sept textes gallo-romans, relève dans ces textes cinq types de rapports entre vers et phrase qui rendent compte de 90 % du corpus.
I. Une phrase simple coïncide avec le vers.
II. Une phrase complexe coïncide avec le vers.
III. Une phrase complexe s'étend sur deux vers, et, le plus souvent, la fin du premier vers correspond à une fin de proposition.
IV. Une phrase simple s'étend sur deux vers.
V. La phrase, simple ou complexe, s'étend sur trois vers.
4Les trois premiers types, où la phrase se conforme aux unités métriques, constituent les trois quarts des décasyllabes de son corpus4. Là où le vers n'est pas phrase, il est proposition.
5Rychner, quant à lui, constate à peu près la même équivalence dans quatre cents vers du Couronnement de Louis. Il distingue trois types syntaxiques, parmi lesquels prédomine le vers qui s'apparie à la proposition5.
I. Une proposition occupe chaque hémistiche.
II. Une proposition occupe le vers.
III. Le vers dépend d'un verbe dans un vers précédent ou suivant.
6Zumthor étudiait la spécificité du langage poétique, et Rychner, les procédés facilitant la composition orale. Nous retiendrons le classement de Rychner et la conclusion de Zumthor que le langage poétique est une forme particulière, mariage de rythme et de syntaxe, à savoir le vers.
On n'a pas ici le banal découpage d'une matière (discours) selon un patron rythmique. Mais, entre discours et rythme se produit un échange vital, engendrant une forme nouvelle, à la fois rythme et discours : le vers (P. 770).
7Le mot si simple, vers, comme notre découverte banale de tout à l'heure, risque de faire escamoter la particularité de la forme et la vitalité de l'échange.
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8Nous prendrons comme point de départ le postulat que, dans la versification de la chanson de geste, la phrase égale le vers, et cette forme nouvelle, ce mariage du rythme et du sens, nous l'appellerons phrase métrique. Le postulat se fonde en partie sur les chiffres explicites chez Zumthor et implicites dans l'étude de Rychner et en partie sur l'analyse des rythmes sémantiques. Que ce soit une phrase simple ou une phrase complexe, le discours épique se mesure en phrases métriques, toujours égales, de dix syllabes. Et ce fond récurrent, ce retour continu (vers < versus "retour") d'un rythme sémantique se fait sens lui-même.
9Nous entendons par ce terme de sens une signification de base, appartenant au système (h la langue, en termes saus-suriens, mais le système ici c'est la versification épique plutôt que l'ancien français), par opposition aux effets de sens qui, eux, appartiennent au discours (en termes saussu-riens à la parole)6. Le sens est métrique ; les effets de sens sont linguistiques. Le sens métrique, c'est la transformation du message en rythme, c'est l'attribution d'un signifié au rythme. Les effets de sens, linguistiques, produisent le message "brut", indépendant du rythme.
10Nous fixerons notre attention sur les deux pauses métriques, la césure et la fin du vers (nous dirons rime pour simplifier), points de rencontre entre unités sémantico-rythmiques. Ce sont, dans le déroulement du discours, les deux moments de compréhension priviliégés, moments de repos où l'intelligence retourne sur la chaîne (sonore ou écrite) reçue jusque là pour y déchiffrer un message. (Les effets que nous analyserons ici offrent des analogies très pertinentes pour la laisse, mais, pour rester dans les limites de la présente communication, nous garderons pour un autre forum la question de la laisse7.
11Le sens de la rime et de la césure, indépendant des effets de sens produits par les mots qui réalisent tout vers réel, constitue, lui, un fond constant contre lequel jouent la variation et répétition des effets de sens. Les deux moments de saisie ont des sens profondément différents. La rime est le site de la saisie définitive, la compréhension de l'unité sémantique complète, tandis que la césure voit une saisie provisoire, la compréhension d'une partie de l'unité sémantique. La saisie à la césure comporte toujours l'anticipation d'une suite nécessaire à la compréhension et la perspective d'une révision ultérieure apportée par la suite. Il existe une correspondance complexe et délicate d'une part entre le premier hémistiche et le sujet, la matière, l'élément mieux connu, et d'autre part entre le second hémistiche et le prédicat, l'élaboration, l'élément moins connu8 : le vers présente une matière au premier hémistiche pour l'élaborer au second. La pause à la césure est une attente du commentaire qui sera fait, au second hémistiche, à propos du thème présenté au premier. C'est le site du passage entre le "sujet" et le "prédicat". La saisie à la rime ne comporte pas d'anticipation : l'unité de sens y est complète. La pause y est un arrêt plutôt qu'une attente, et la perspective d'une révision ultérieure ne figure pas dans le sens saisi.
12Sur le fond de ce continuo les effets de sens apportés par le discours jouent une ligne qui tire sa musicalité précisément du jeu d'échos et contrastes entre les deux lignes. A la césure les pulsions sémantiques du discours appartiennent à un système assez restreint, celui des partages grammaticaux possibles entre deux moitiés de la phrase. A la rime les pulsions appartiennent à un système plutôt lexical et ouvert, celui des rapports possibles entre phrases successives.
13Nous examinerons d'abord l'enchaînement des vers et ensuite l'enchaînement des hémistiches.
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14L'enchaînement des vers : sens et effets de sens à la rime
15A la rime, le sens, métrique, est celui de la saisie définitive et de l'arrêt subséquent à la perception d'une idée complète. Les effets de sens, linguistiques, regroupent les vers en ensembles plus complexes que la phrase métrique selon les rapports lexicaux et grammaticaux entre les vers.
16Que les vers expriment un rapport explicite entre eux ou que le rapport entre eux, implicite, soit le fait de la simple juxtaposition, deux phrases successives tirent, du fait même de leur voisinage, un effet de sens outre le message propre à chacune d'elles. Dans le passage que nous citons d'Ami et Amile9 (voir l'Appendice), par exemple, les vv. 1493 et 1494, indépendants en eux-mêmes, se colorent l'un l'autre en cause (v. 1493) et effet (v. 1494). Le voisinage produit une signification10, et celle-ci regroupe, sur le fond du sens métrique, des ensembles plus grands que la phrase métrique.
17Les classements de Rychner et de Zumthor reflètent le côté grammatical du regroupement en phrases complexes. Les vv. 1502-1504 forment une phrase complexe à trois propositions, le Type V de Zumthor. (Nous ne tiendrons pas compte du vers orphelin, v. 1505, dont la variation rythmique repose sur le système sémantico-rythmique esquissé ici).
18Les vv. 1502-1504 sont tous du Type II dans le classement de Rychner, qui ne distingue pas propositions indépendantes, principales, et subordonnées. Par contre, le Type III de Rychner distingue l'expression grammaticale d'un phénomène rythmique important, à savoir l'amplification. Le v. 1492 dépend du verbe au v. 1493 : les vv. 1492-1493 ralentissent le débit narratif au début de la laisse en étendant la phrase grammaticale sur deux vers. Plus usuelle que l'antéposition du Type III au v. 1492, c'est la postposition, telle que nous la voyons aux vv. 1513-1514 : le deuxième vers "rouvre" la matière du premier. Le premier vers est complet en lui-même, et le deuxième retourne en arrière pour "rouvrir" et prolonger cette matière.
19L'amplification peut tout aussi bien recevoir une expression lexicale. Le v. 1497, proposition indépendante, amplifie et précise le v. 1496. La précision (d'ordre lexical ou référentiel) et la "réouverture" (qui tend vers l'expression grammaticale) de la matière traitée au vers précédent regroupent les vers tout autant que la construction en propositions principales et subordonnées11.
20Citons les deux introductions de laisse dans notre passage comme exemple d'un emploi fait de la pulsion sémantique à la rime. Les deux laisses s'ouvrent en parallèle, écho renforcé par les éléments lexicaux mautalent au deuxième vers et il trait l'espee au troisième12.
21Les effets à la rime des trois premiers vers sont identiques d'une laisse à l'autre. La phrase grammaticale est incomplète au premier vers, et elle se termine au deuxième. Les deux phrases métriques composant cette première phrase grammaticale décrivent une situation initiale, et la troisième phrase métrique contient la conséquence de la situation initiale. Sur le fond de ces constantes, la variation du type grammatical se détache en modulation lyrique.
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22L'enchaînement des hémistiches : sens et effets de sens à la césure
23Le sens, métrique, à la césure est la saisie provisoire d'une matière et l'anticipation de l'affirmation qui sera faite à propos de cette matière. Les effets de sens à la césure relèvent de l'ensemble restreint de rapports grammaticaux possibles entre les deux composantes de la phrase métrique. Le type de base c'est le Type II de Rychner, où la phrase comporte une seule proposition, longue de dix syllabes. Rychner distingue trois espèces sous le Type II :
II/1 Un élément nominal remplit l'un ou l'autre hémistiche.
II/2 Le premier hémistiche contient un verbe régissant un infinitif au second hémistiche.
II/3 Le premier hémistiche contient un auxiliaire, et le second un participe passé.
24Ni le Type II/2 ni le II/3 ne figure dans notre passage13. Ces deux espèces sont nettement moins fréquentes que le Type II/1, et elles fonctionnent dans les textes comme variations sur le Type II/1, tout comme, dans l'enchaînement des vers, le Type III constitue une variation sur le Type II.
25(De même que la phrase qui distribue le noyau verbal dans les deux hémistiches, la phrase complexe d'un vers [Type I de Rychner, Type II de Zumthor] fonctionne comme variation sur le type de base. Nous voyons aux vv. 1506-1520, qui contiennent une proportion élevée de vers du Type I, une sorte d'accélération : regardez les vv. 1509 et 1517-1518, où les gestes fiévreux d'Hardré se traduisent par des phrases du Type I. Le type peut produire l'effet contraire : le v. 1512, également du Type I, semble ralentir le récit par la proposition relative à information réduite).
26La phrase caractéristique du genre met en relief une des fonctions grammaticales du substantif dans la phrase. Rychner en distingue trois : sujet (voir le v. 1516), complément d'objet (v. 1496), et complément circonstanciel (v. 1507)14. Relevons en outre le complément de nom (v. 1493) et le syntagme nominal extérieur à la proposition (le vocatif, par exemple, v. 1499). Un petit nombre de vers, tel le v. 1504, combinent deux fonctions nominales (ici complément circonstanciel et complément de nom) dans l'hémistiche15.
27Comme la phrase caractéristique situe un syntagme nominal dans l'un ou l'autre hémistiche, elle valorise la "dynamique" de la phrase que nous avons évoquée tout à l'heure. Le syntagme nominal au premier hémistiche, quelle qu'en soit la fonction, évoque une matière présentée. Il en résulte un jeu rythmique important selon la place et la fonction du syntagme nominal, tension entre le sens métrique, sujet et prédicat, et la construction linguistique. Le degré et la nature de la cohésion entre les deux hémistiches varient selon le type grammatical du vers. Certains lient les hémistiches étroitement tandis que d'autres laissent beaucoup d'indépendance entre les deux hémistiches. Comparez l'étroite cohésion du verbe avec son complément d'objet direct,
28Ge li doné une colee large CN (A) 173
29à la combinaison plutôt lâche, au v. 1499, d'un vocatif avec une proposition.
30Citons les vv. 1493-1498 pour faire ressortir la modulation de pulsions sémantiques à la césure. Le passage montre l'effet de variation qu'apporte le Type I et l'effet de balancement entre hémistiches que l'on voit parmi les vers du Type II, c'est-à-dire la mise en relief d'une fonction nominale au premier ou au second hémistiche.
31Aux vv. 1493-1498, trois syntagmes nominaux figurent au second hémistiche et deux au premier. Il y a un complément de nom, deux compléments circonstanciels, et deux compléments d'objet. Un vers du Type I apparaît parmi les six vers. Dans ce jeu de variation sur fond de récurrence constante, la modulation provoquée par la place du syntagme nominal est frappante.
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32Gaston Paris a comparé le rythme du vers épique a une suite de "barons pesamment armés"16. Martin de Riquer cite Giulio Bertoni, a propos de la Chanson de Roland pour qualifier le langage de "monumental, d'austère et de sacré"17. La rigidité, l'austérité que nous connaissons au langage du genre sont bien là, mais elles servent de cadre, elles constituent l'indispensable rançon d'un mouvement rythmique délicat qu'il faut reconnaître. Conscient ou inconscient, voulu ou non, ce jeu de modulation musicale demeure latent à toute production de discours en ancien français métrique. Certains des textes en tirent des effets remarquables18. D'autres, tel le passage que nous venons d'examiner, ne semblent pas en profiter. Il reste à déterminer jusqu'à quel point ces effets se retrouvent dans l'ensemble des chansons de geste et leur contribution à d'éventuelles valeurs artistiques.
Annexe
Appendice
Notes de bas de page
1 Il s'agit des vv. 384-394 du Charroi de Nîmes (version A), où le roi Louis offre le quart de son royaume à Guillaume. "Aperçus sur quelques rythmes sémantiques dans les versions A, B, et D du Charroi de Nîmes", dans VIII Congreso de la Société Rencesvals (Pamplona : Institucón principe de Viana, Diputación forai de Navarra, 1981), pp. 217-222. (De nombreuses fautes d'impression déparent l'article).
2 Nous éviterons autant que possible le débat autour de cette question. Voir l'article récent de Jean-Paul Carton, "Oral-Traditional Style in the Chanson de Roland : 'Elaborate Style' and Mode of Composition", Olifant, 9 (Autumn-Winter 1981) 1-2, 3-19.
3 Par exemple le deuxième ensemble de dix escheles établies par Baligant (Chanson de Roland, ms 0, vv. 3237-3251) :
La forme de base se construit au premier hémistiche (E la + chiffre ordinal + est) et (de + nom propre) au second hémistiche. La compression qui met une eschele dans chaque hémistiche (vv. 3240 et 3245) constitue la principale mais non pas la seule variation. Nous citons d'après l'édition critique de Cesare Segre : La Chanson de Roland, Documenti di filologia, 16 (Milan et Naples : Riccardo Ricciardi, 1971).
4 "Le Vers comme unité d'expression dans la poésie romane archaïque", Actes du Xe congrés de linguistique romane, (Paris : Klincksieck, 1965) pp. 763-774. Il y examine la Passion (dans W. W. Foerster et E. Koschwitz, Altfranzösisehes Ubungsbuch, Leipzig 1921) ; le Saint Léger (éd. J. Linskill, Paris, 1937) ; le Saint Alexis (éd. G. Rohlfs, Tübingen, 1953), la Sainte Foy (éd. E. Hoepffner, Strasbourg, 1926), le fragment de Boèce (éd. R. Lavaud et G. Machicot, Toulouse, 1953), la Chanson de Roland (éd. A. Hilka et G. Rohlfs, Tübingen, 1953), et Gormont et Isembart (éd. A. Bayot, Paris, 1921).
Zumthor fournit les chiffres que nous citons, mais sans présenter de statistiques complètes. Il ne précise pas non plus les critères dont il se sert pour reconnaître une phrase (ponctuation moderne, expression d'une idée complète, etc.).
5 Jean Rychner, "Observations sur la versification du Couronnement de Louis", dans La Technique littéraire des chansons de geste, Actes du Colloque de Liège (septembre 1957), Bibl. de la Fac. de Philosophie et lettres de l'Université de Liège, fasc. 150 (Paris : Belles lettres, 1959), pp. 161-178. Rychner ne fournit pas de chiffres.
6 Voir Pierre Guiraud, La syntaxe du français, Que sais-je, 4e éd. (Paris : PUF, 1970), pp. 13-14.
7 Voir "Measuring Units of Discourse : Analogies between Verse and Laisse in the Chanson de geste", à paraître dans Essays on the Romance Epic in the Middle Ages (Hans-Erich Keller, éd.).
8 Selon la dynamique communicative étudiée par l'Ecole de Prague, le premier élément de sens dans une phrase constitue le mieux connu ou thème principal, et le dernier, le moins connu ou rhème principal : voir Denis Slakta, "L'ordre du texte", Etudes de linguistique appliquée, n. s. 19 (juillet-septembre 1975) "Essais en linguistique et en philosophie du langage", pp. 30-42.
Cette façon de voir les deux hémistiches rend compte du rythme sémantique dans un nombre impressionnant de vers, mais il faudrait tenir compte aussi de la cheville épique, le "rembourrage" (Rychner, pp. 176-177) bien connu du second hémistiche. Joseph J. Duggan tente de réhabiliter ces hémistiches à rendement réduit en les appelant "ornementaux" : pp. 198-211 dans The "Song of Roland" : Formulaic Style and Poetic Craft, Publications of the Center for Medieval and Renaissance Studies, UCLA, 6 (Berkeley, Los Angeles, Londres : University of California Press, 1973).
9 Ami et Amile, Chanson de geste, publiée par Peter F. Dembowski, CFMA, 97 (Paris : Champion, 1969).
10 Le mouvement ici est post hoc propter hoc, mais l'équivalence entre subséquent et conséquent n'est pas la seule possible. Les vv. 1508-1509 montrent un rapport chronologique. Faisant suite au v. 1494, la conjonction Et au v. 1495 exprime également une séquence chronologique.
11 La ponctuation introduite par les éditeurs modernes évoque le regroupement grammatical en propositions principales et subordonnées, et elle suggère une partie des rapports lexicaux, comme la précision apportée par un vers au vers précédent (la virgule à la fin du v. 1514 évoque de manière lointaine la précision que le v. 1515 apporte au v. 1514). Mais elle est incapable d'évoquer le jeu complexe de précisions, d'amplifications, de rapports chronologiques ou autres, de valeurs grammaticales et lexicales qui se construit sur le continuo régulier de phrases métriques, le partage en ensembles et sous-ensembles lexicaux scandés par et mesurés sur le fond constant qu'est le vers. (Le v. 1514 précise le v. 1513, mais comment le montrer par la ponctuation ?)
12 Sur la force relative de l'écho voir les pp. 133-134 de notre "Composite Laisse" and Echo as Organizing Principles : The Case of Laisse I of the Charroi de Nîmes", Romance Philology, 37 (novembre 1983) 2, 127-138.
13 Voici un exemple de chacun :
Que il soloit en France demener PO (A) 53
Et tant vos estes traveilliez et penez CN (A) 42
Claude Régnier (éd.), Les Rédactions en vers de la "Prise d'Orange" (Paris : Klincksieck, 1966). Duncan McMillan (éd.), le Charroi de Nîmes, chanson de geste du xiie siècle, éditée d'après la rédaction AB (...), Bibliothèque française et romane, sér. B, 12, 2e éd. rev. et corr. (Paris : Klincksieck, 1978).
14 Il serait désirable d'insister sur la fonction grammaticale et désigner cette fonction comme complément adverbial. "Circonstanciel" évoque plutôt les valeurs lexicales.
15 On voit le mètre primer la grammaire au v. 1519 d'Ami : la césure met en relief le syntagme nominal du second hémistiche, syntagme qui comporte une proposition relative.
16 Histoire poétique de Charlemagne, 2e éd. (Paris : Champion, 1905) p. 24. "Les vers, sans variété de coupe, sans enjambement, le plus souvent composés d'une phrase entière, avec ses verbes au présent, et son allure tout d'une pièce, que n'assouplissent pas les particules, se suivent et retentissent pareillement l'un après l'autre comme des barons pesamment armés. Et pourtant cette poésie barbare vous domine (...)".
17 Martín de Riquer, Les Chansons de geste françaises, 2e éd., tr. française par Irénée Cluzel (Paris : Nizet, 1957), p. 101.
18 Voir par exemple la liste des hauts faits de Guillaume dans le prologue du Charroi, vv. 5-13 (version A).
Auteur
Université de Toronto
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