Comme un rêve de pierre : l’imaginaire de la sculpture dans le portrait médiéval
p. 123-134
Texte intégral
1« Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre » : ainsi parle la beauté dans un sonnet de Baudelaire, affirmant aussi : « Je hais le mouvement qui déplace les lignes1 ». De telles paroles pourraient être celles de la Beauté au Moyen Âge, du moins telle qu’elle se manifeste dans certains portraits romanesques, où la perfection de la créature implique presque toujours la fixité des traits et l’inertie du corps. Cet aspect statique s’inscrit dans un scénario conventionnel selon lequel Nature elle-même fut à l’origine du personnage évoqué : artiste de talent, elle a donné forme à une œuvre admirable. Ainsi, par le recours à un art distinct de la littérature, la sculpture, l’acte descriptif semble actualiser le mythe de Pygmalion dans le portrait. Toutefois, le résultat obtenu est inversé : au lieu de la vie et du mouvement... l’immobilité et la froideur de la pierre. Un processus paradoxal dont certains auteurs ont su tirer parti pour représenter des créatures littéraires improbables, faites de glaise et de glace, objets inanimés qui mettent à nu la fabrique du personnage médiéval.
2Dans les portraits des xiie et xiiie siècles, l’idée de beauté est une donnée préalable, et Nature la réfléchit du mieux qu’elle peut. Selon une démarche platonicienne, le mouvement de la mimésis se fonde sur l’idée du beau et non sur des figures individuelles et particulières empruntées au réel. Du reste, la perfection ainsi représentée est éloignée de tout référent possible. Nature est donc l’incarnation d’un principe qui permet de passer du monde des idées au monde matériel, actualisant dans la littérature l’idée du beau2. Elle apparaît ainsi comme une spécialisation de Natura artifex, la « nature laborieuse » que l’on rencontre dans de nombreux textes latins et médio-latins, et dont l’une des tâches est la création des êtres humains ; dans cette fonction particulière, on pourrait la désigner, à la suite de Curtius, par les mots de Natura formatrix, c’est-à-dire « Nature qui donne forme3 ». Ce rôle, elle le partage avec Dieu, parfois nommé lui aussi dans les textes, mais moins souvent, comme l’a montré Alice Colby dans son étude sur le portrait au xiie siècle4.
3Dans le roman de Robert de Blois, Floris et Lyriopé, on peut voir à l’œuvre cette Nature qui donne forme5. Après que l’auteur a usé du lieu commun de l’indicible pour se déclarer impuissant à décrire une beauté exceptionnelle,
De sa beauté vos devissase
Une pertie, car bien sai
Que je pas tant de sans nen ai
Que tote la puisse descrire,
(v. 190-93)
4il s’efface derrière Nature, non pour décrire Lyriopé, mais pour narrer l’extase de la créatrice face à la beauté de son œuvre (v. 194-98) :
Nature, qui en li se mire,
Ne se pot onques saouler
De soi en sa beauté mirer,
Car quant ele la voit tant bele,
Li cuers de joie li sautale.
Nature, qui se mire en elle,
ne peut jamais se lasser
de se contempler elle-même à travers sa beauté :
en la voyant si belle,
son cœur tressaille de joie.
5À travers la perfection de la créature, c’est sa propre perfection que voit Nature, dans un enchantement narcissique : elle se mire en elle et se voit réfléchie dans la beauté matérialisée. Mais cet éblouissement est le fruit d’un dur labeur6 :
Si s’an cointoie mout et prise
Que si tres bele ovre a devise
Sot faire, car quant ele fist
Helainne, tot son sen i mist.
S’entandit tant a bien ovrer
Que jai n’i cuidai recovrer
Que si bele ovre refesist
Se tot son pooir i mesist.
Por ce ceste tant li agree
Que la beautez li est doublee.
Car quant plus ovrent bon ouvrier
Plus sont apert de lor mestier.
Elle se félicitait et s’enorgueillissait
d’avoir su faire œuvre si parfaite.
Quand elle fit
Hélène, elle y mit tout son talent
et s’appliqua tant à son ouvrage
qu’elle ne pensait pas parvenir jamais
à refaire un tel chef-d’œuvre,
quelque effort qu’elle fournît.
C’est pourquoi celle-ci lui plaisait tant
car sa beauté surpassait toutes les autres.
en effet, plus travaille le bon ouvrier,
plus il est expert en son métier.
6Nature possède l’intelligence et le savoir-faire qui lui donnent la capacité de matérialiser la beauté. Ici comme dans d’autres textes, est évoqué un exemple de réussite exceptionnelle, Hélène, mais ce pourrait aussi bien être Yseut. Le bien ovrer (v. 203) permet de renouveler le prodige de la bele ovre (v. 200 et v. 205). En somme, la création du personnage est réussie grâce à l’excellence de son créateur.
7Ce scénario récurrent dans les portraits des xiie et xiiie siècles met donc en exergue le labeur indispensable à l’obtention du chef-d’œuvre. Une telle importance accordée au mestier n’est pas sans rappeler la conception artistique illustrée par le mythe de Pygmalion, selon laquelle un talent et un travail exceptionnels peuvent produire une œuvre si proche de Nature qu’elle est digne de s’animer. On lit en effet dans les Métamorphoses que Pygmalion « réussit à sculpter dans l’ivoire blanc comme la neige un corps de femme d’une telle beauté que la nature n’en peut créer de semblable [...]. C’est une vierge qui a toutes les apparences de la réalité7 ». Ici, le prodige vient du fait que l’artiste réussit à égaler la nature, alors qu’en principe l’activité humaine s’oppose à elle. En revanche, dans les portraits médiévaux, la nature elle-même devient artiste, produisant par son art une créature qui est aussi un chef-d’œuvre. En somme, la littérature médiévale applique le mythe de Pygmalion, mais en l’inversant, puisque la créatrice universelle donne forme à une personne qui, une fois achevée, se révèle être une œuvre d’art. Avec cette mise en scène de Natura formatrix, la ligne de partage entre les deux mimésis que distingue Platon dans la République – la première, entre l’idée et l’objet réel, et la deuxième entre l’objet et sa représentation – se voit dès lors brouillée, car la mimésis de second niveau rejoint la première8. Telle est la merveille qu’accomplit la créatrice en modelant un être capable de réfléchir la beauté de l’ordre naturel.
8Dans le texte littéraire, non seulement le personnage créé par Nature apparaît comme une œuvre d’art, mais sa description le devient également : les phrases du portrait constituent une unité narrative enchâssée dans le récit, et qui tend à se transformer en morceau choisi autonome, en « objet suprême » de la littérature, comme le montrent les Arts poétiques de l’époque9. Le portrait se détache du cadre de l’action, allant même jusqu’à dédaigner le cours logique du temps. Dans Floris et Lyriopé, dix vers seulement séparent la naissance de l’héroïne et son portrait. Certes, l’enfant crut et amanda (v. 183), mais cela reste vite dit. Le Roman de Silence ou le Lancelot offrent eux aussi des portraits qui, à l’endroit du récit où ils sont placés, devraient être ceux d’enfants, mais s’avèrent en réalité être ceux de jeunes gens10. Ce que produit Nature, c’est toujours une œuvre marquant l’épanouissement de la jeunesse, et l’artifice ne se soucie pas de vraisemblance : comme Narcisse, les chefs-d’œuvre incarnant la beauté « naissent » à quinze ans11. Ainsi, le portrait médiéval tend à valoir pour soi et en soi, et à prendre une « existence semi-indépendante12 ». De ce point de vue, la mention de Nature, qui figure presque toujours au début de la description, marque l’entrée dans l’exercice du portrait ; son évocation offre en outre des principes pour agencer le portrait lui-même, puisqu’elle permet de reproduire l’ordre fictif de la création que pourraient adopter un peintre ou un sculpteur.
9Invoquer le mythe de Pygmalion à propos des portraits médiévaux est d’autant plus licite qu’il existe effectivement une relation entre littérature et arts plastiques, fondée sur les traités de peinture qui existaient dans l’Antiquité et au Moyen Âge. Comme le rappelle Edgar De Bruyne, la peinture a très tôt comporté des lois pour la représentation, fondées sur des principes de proportion et d’équilibre13. La beauté parfaite, celle du Christ ou de la Vierge, correspond à un idéal d’harmonie dont De Bruyne montre qu’il provient des traités de physiognomonie grecs, largement traduits en latin et toujours connus au Moyen Âge. D’après ces traités, l’équilibre physiologique et mental est ainsi marqué par un teint où s’équilibrent le blanc et le rouge et par un corps aux membres ni trop longs ni trop courts ; bref, l’homme idéal est bien proportionné et son teint blanc rosé traduit un excellent caractère14.
10C’est ce principe de la mediocritas, du juste milieu, qui caractérise la beauté dans la littérature des xiie et xiiie siècles. Innombrables sont les vers où l’on peut lire qu’une créature ne fu trop grant ne trop petite15, qu’elle a des doigts lons par mesure, forment drois16, bref, qu’elle est, comme Narcisse, grans par mesure17. Plus qu’à aucune autre époque sans doute, le portrait médiéval, surtout lorsqu’il concerne un personnage beau, relève du code et du stéréotype, sans aucun souci d’effet de réel.
11Mais, me semble-t-il, il y a davantage : cette communauté des règles de la représentation humaine fait que le portrait littéraire s’apparente réellement à la description d’une statue peinte. L’une de ses premières particularités est en effet l’immobilité presque constante du personnage décrit. Ainsi, Antigone, dans le Roman de Thèbes, est évoquée alors qu’elle est à cheval, mais le portrait l’extrait de sa course durant 23 vers avant que le narrateur ne rappelle : Et chevauchoit un palefroi18. L’acte descriptif détache le personnage du contexte et l’abstrait des gestes ou des mouvements qu’il est censé accomplir. Il n’en allait pas ainsi dans la littérature latine, où les portraits, rares au demeurant et plutôt brefs, n’étaient pas aussi figés que dans la littérature médiévale19. La description de Théodoric par Sidoine Apollinaire, au Ve siècle, encore prônée comme modèle par Geoffroi de Vinsauf, semble significative d’une fracture de la représentation : le corps décrit est aussi inerte que celui d’une personne endormie. Selon Faral, c’est d’ailleurs l’un des premiers portraits régi par l’idéal de la mediocritas. De fait, cette qualité permet de caractériser la plupart des traits du personnage, comme le montrent ces extraits :
Il est d’une stature comme il faut, plus petit que les très grands mais plus élancé et plus haut que la moyenne [...] ; il a un menton, une gorge et un cou qui ne sont pas gros mais robustes ; une peau blanche comme le lait mais qui, regardée de plus près, est tempérée d’une rougeur juvénile [...] ; il a des épaules rondes, des bras forts, des avant-bras durs, de larges mains ; le ventre qui se creuse et la poitrine saillante20...
12Le corps est ici morcelé en parties, chacune étant nommée puis soumise à la mesure et à l’appréciation. La déconstruction physiologique est à la base d’une poétique de la fragmentation mais aussi de l’ordre, car elle mime un regard méthodique qui balayerait le corps offert à son examen suivant un parcours exhaustif et cohérent. La taxinomie organise la mimésis avec pour effet de figer irrémédiablement la représentation. Le corps devient un objet d’art que l’on contemple pour l’évaluer, une statue anthropomorphe offerte à l’étude, et qu’anime seulement le commentaire du spectateur-narrateur. Ces particularités se retrouvent dans un portrait du xiie siècle, celui de la Fière dans Ipomédon, où l’on voit comment la mesure des lèvres amène une remarque élogieuse21 :
Les levres un poi espessettes,
Pur ben beser aukes grossettes ;
Jo ne quit mie ke Nature
Les oust fet de tel mesure,
Fors sul pur beser ducement.
13Mais l’alliance entre les principes des arts plastiques et les règles du portrait littéraire a d’autres incidences poétiques que l’immobilisation de la créature dépeinte. Des traces de leurs correspondances transparaissent dans le vocabulaire descriptif, parfois de manière figurée, mais aussi de façon peu ou non distanciée, entraînant irrésistiblement la représentation d’un personnage vers la figuration d’une statue. C’est ainsi que les épaules de la Fière, sont si bien faites / Cum se fussent de mains pur-trettes22. Le verbe purtrere, qui signifie « façonner », imprime la marque d’un agent créateur, que l’on peut percevoir aussi dans le verbe faire, si fréquent dans les portraits. Si la médiation de la comparaison (cum se fussent) introduit encore une certaine distance dans l’emploi du verbe purtrere pour la Fière, ce n’est plus le cas dans les vers suivants du Conte du Graal et de Guillaume de Dole, où le participe passé assis, au sens de « disposé », est employé de façon brute23 :
Et miex avenoit en son vis
Li vermeus sor le blanc assis
Que li sinoples sor l’argent.
a flor de rose, a flor de lis
samble la face de color,
car la rougeur o la blanchor
i fu mout soutilment assise.
14Un autre terme suggestif est traitiz. Cet adjectif d’emploi courant, qui signifie « fait avec art, bien tourné, bien taillé24 », peut s’appliquer au front, comme dans Durmart le Galois : blanc et traitiz avoit le front et l’Eneas : lo front ot blanc et bien traitiz, ou aux sourcils dans Guillaume de Dole : sorcils bien fez, lons et tretiz25. On rencontre aussi le participe passé taillé pour le visage ou le corps, les mots les plus directement évocateurs de la sculpture étant poli et moulé26. Ainsi, Salemandre a une petite bouche bien moulee (v. 8002), quant à Laudine, dans Le Chevalier au lion27,
[son vis] onques si bien taillé ne vi [...]
Ne nus cristaus, ne nule glache
N’est si bele ne si polie
Que se gorge est.
15Fresne est décrite avec des termes du même registre28 :
li frons [...] est plain et blanc et poliz [...]
Et s’a petites les oreilles
Et bien assises.
16Dans ce portrait, le vocabulaire plastique est d’ailleurs très présent : Nature a taint les cheveux d’or, elle a les soursilz faiz a devise ; le menton de Fresne est bien assis et son teint blanc est destrempé de couleur vermeille29. Il en va de même pour Lyriopé dont le front est plains et polis, et qui a hanches mollees et droiz rains30.
17La présence d’un tel vocabulaire, même employé avec parcimonie comme c’est généralement le cas, révèle la dette de la littérature envers les arts plastiques, ainsi qu’un imaginaire où le corps ne pourrait être appréhendé qu’à travers une médiation artistique : non pas la description d’un corps réel mais celle d’un objet d’art, d’une statue. Se produit ainsi un effet paradoxal, qui est la pétrification, au sens propre, du personnage soumis à la description.
18Aussi, les notations de vie sont-elles rares. On peut ainsi être frappé par le peu d’occurrences signifiant la mollesse de la chair : celle-ci est blanche, polie, mais rarement molle ou tendre. Salemandre et sa char blanche, plaine, tendre et mole constitue de ce point de vue une exception remarquable31. On pourrait citer aussi le portrait de Laudine, dans Le Chevalier au lion, dont la beauté n’est altérée ni par les pleurs ni par les blessures qu’elle s’inflige à la gorge. Ces « effets de vie » sont parfois recherchés par les auteurs et quelqu’un comme Chrétien de Troyes réussit mieux qu’un autre à les produire. Mais ils ne sont pas inhérents au portrait médiéval et viennent s’y greffer avec plus ou moins de bonheur. La minéralité, en revanche, surgit même dans ce qui pourrait le mieux signifier le mouvement de la vie, à savoir le regard. Il n’est pas indifférent que les comparaisons employées pour suggérer l’éclat des yeux puisent avec prédilection dans le registre des pierres précieuses : Philomène a les iex plus clers c’une jagonce, c’est-à-dire une hyacinthe, ceux de Lïenor, dans Guillaume de Dole, sont vairs et clers plus que n’est rubis, ceux de Fresne, comme ceux d’Énide, sont semblables à des étoiles32...
19Le romancier, dans ses portraits, imite donc le travail d’un peintre-sculpteur, et des termes tels que poli, traitiz, assis et moulé, peuvent être compris dans un sens métaphorique ou bien pris au pied de la lettre, lorsque le personnage décrit finit par apparaître réellement comme une statue. Cette démarche est très apparente dans le Lai de Narcisse, comme on peut le voir dans le passage où est dépeint le héros. Après le topos de la grant peine que s’est donnée Nature,
Nature i mist toute s’entente
Au deviser et au portraire,
Et a grant painne le pot faire,
(v. 64-66)
20sont décrites les opérations qu’elle accomplit et dans l’énumération desquelles on trouve employé avec une haute fréquence un vocabulaire plastique : elle a fait les ex rians puis le nés et elle aorne (« ordonne ») les dens ; après avoir asise chacune des lèvres, elle les joint en itel guise / C’un poi i laisa d’ouverture ; puis elle forma le menton, / Et de totes pars environ / Li vait polissant a sa main, elle/air les sourcils, le cuir del front et la chevelure (v. 71-96). Comme on peut le constater, Nature se concentre sur le visage. Elle a commencé par les yeux33, puis elle a fait le nez, la face, les dents, les lèvres, le menton, et, dans un second temps, elle est remontée en haut du visage, ajoutant des éléments sur la forme déjà modelée : les sourcils, la peau du front et les cheveux. Enfin, sur le visage, elle appose la couleur. Et c’est alors que bascule la représentation34 :
Quant tot a fait a son creant,
Par le vïaire li espant
Et par la face qu’il ot tainte,
Une color qui pas n’est fainte,
Ki ne cange ne ne se muet :
Tant ne fait bel ne tant ne pleut,
Ne se desfait en nule fin ;
Tes est au soir com au matin,
Mesleement blance et vermeille.
Lorsqu’elle a tout fait à son idée,
elle répand sur tout le visage
et sur la face encore pâle
une couleur qui n’a rien d’artificiel
et qui jamais ne change ni ne s’altère.
Qu’il fasse beau ou qu’il pleuve à verse,
elle ne se modifie jamais.
Alliant le blanc et le vermeil,
elle est pareille au soir et au matin.
21Entre le vers 60, Et ja pooit avoir .xv. ans et le vers 113, Li vallés avoit ja .xv. ans, la description, loin de s’animer, se fige. La beauté de l’œuvre ne crée pas la vie, comme dans le mythe de Pygmalion, mais une œuvre d’art immuable, qui, de fait, survivra à la mort du personnage.
22Dans ce texte, on reconnaît ce que les théoriciens du roman contemporain ont appelé une « capture », c’est-à-dire la mutation d’un personnage supposé réel vers une représentation picturale ou sculpturale. Un exemple célèbre se lit dans la Bataille de Pharsale ; je n’en citerai que quelques phrases35 :
Le brigadier détache sa dragonne et en fouette la croupe de son cheval en criant Tu vas avancer oui vieille carne ? [...] Galopant toujours les chevaux continuent à lutter pour se dépasser, secouant leurs crinières pétrifiées, emportant leurs cavaliers pétrifiés. [...] Le soleil, la pluie, le gel, la nuit, les aubes, les jours passent tour à tour sur eux sans que leur course se ralentisse. De temps à autre une plaque, un morceau de peau, une joue, une saillie, une épaule, un coude, plus rarement un membre tout entier, s’effrite, tombe en poussière.
23Ces phrases nous invitent à relire la fin du lai médiéval, où il n’est jamais dit que Narcisse se métamorphose en fleur : s’effritera-t-il en même temps que Dané qui l’a recueilli dans ses bras avant de mourir à son tour ?
24L’auteur de cet extraordinaire récit a développé une idée restée à l’état virtuel dans les Métamorphoses, à l’endroit où le héros aperçoit son reflet36 :
tandis qu’il boit, épris de son image qu’il aperçoit dans l’onde, il se passionne pour une illusion sans corps ; il prend pour un corps ce qui n’est que de l’eau ; il s’extasie devant lui-même ; il demeure immobile, le visage impassible, semblable à une statue taillée dans le marbre de Paros.
25L’actualisation de l’image ovidienne a été possible à l’époque médiévale parce que le portrait, dès les premiers textes de cette époque, avait assimilé le champ métaphorique de la sculpture pour escrire les corps, un mot que l’on trouve aussi dans les textes... Cela ne diminue en rien l’audace poétique de ce lai. En effet, la capture est une figure textuelle à peu près inconnue avant le Nouveau Roman ; ce que l’on rencontre plus fréquemment, c’est la figure inverse, la « libération », en liaison avec l’ekphrasis : il suffit de se rappeler, dans l’Enéide, le bouclier d’Énée, sur lequel une reine, portée par des flots rougissant d’un carnage inouï, appelle ses troupes au son du sistre37. Dans l’ekphrasis, un objet immobile parvient à s’animer grâce au développement de la description. Mais si l’acte descriptif porte sur un personnage soi-disant réel, comme c’est le cas dans le portrait médiéval, l’accumulations de détails plastiques finit par donner à la créature le statut d’un objet d’art inanimé.
26C’est ce paradoxe qu’explore Heldris de Cornouailles, dans le Roman de Silence, en poussant à un point extrême la personnification de Nature. Au moment de la naissance de l’héroïne, le narrateur n’annonce pas qu’il va décrire l’enfant, mais qu’il va exposer l’œuvre de Nature. Et il narre véritablement la fabrication d’une statue. On assiste alors à une mimésis au second degré, puisque l’écrivain décrit une opération déjà mimétique, la création d’une œuvre d’art qui elle-même réfléchit l’idée de beauté. Nature, en somme, permet ici une allégorisation de la mimésis, comme cela apparaît clairement dans ces vers38 :
Nature qui moult grant force a
Vint a l’enfant, si s’esforça.
Dist : « Or voel faire ouvre forcible. [...]»
Premierement prent sa matyre.
Avant tolte ouvre si l’esmie.
Et moult l’espurge. et esniïe : [...]
Nature i mist s’ententiön.
Li matere est et biele et pure.
Ainc de mellor n’ovra Nature. [...]
A son secré va, si descuevre.
Molles i a bien .M. milliers,
Que cho li est moult grans mestiers [...]
Et Nature en a une aërse.
Ainc mais user ne l’endura.
Nature, quanque a fait, jura,
Qu’or a d’ovrer moult bon talent.
Prist cele forme, porta l’ent.
Va cele part a entençon
U doit ovrer. comence en son
Biel chief, fait bloie kievelure
Ki luisent cler par nuit obscure.
La kavelure recercelle [...]
La kavelure al cief li serre [...]
Les orelles li fait petites
Nature, ki les a escrites39.
Les sorcils brunes et bien seoir,
Nul hom ne puet si biais veöir.
Cho dist Nature : « Jo m’en duel
Se riens i falt ». Dont part l’entruel
De son polcier si bielement,
Et dont li fait isnielement
Plain volt, et face bien retraite.
Et la color si bien refaite.
Cho dist Nature : « C’iert ma fille. »
Atant la face li bresille.
Et com plus croistra la puciele,
Et li colors en la masciele,
La bouce escrist, fait l’overture
Petite, et levres a mesure,
Sor le menton les dens serrés.
Ja nul si bele volt ne verrés.
Nature, la très puissante, s’approcha de
l’enfant et s’appliqua à la tâche en se
disant : « Je veux réaliser un chef-d’œuvre ! »
Tout d’abord, elle prend sa matière
et commence par l’émietter,
l’expurgeant et la purifiant à fond.
Nature s’y est appliquée.
La matière en est belle et pure ;
jamais Nature n’en travailla de meilleure.
Puis elle va à son coffre et l’ouvre.
Il s’y trouve, par centaines de milliers, des
moules qui lui sont indispensables.
Nature en saisit un,
qu’elle n’a jusqu’alors jamais consenti à
utiliser. Par tout ce qu’elle a déjà réalisé,
elle jure
qu’elle a grande envie de se remettre au travail. Elle prend donc ce moule et
l’emporte là où elle a la ferme intention de se mettre à l’œuvre. Elle commence par
le haut et façonne une jolie tête, qu’elle orne d’une chevelure blonde qui luit
clairement dans l’obscurité de la nuit. Elle lui boucle les cheveux..
Puis elle fixe la chevelure au crâne.
Nature lui dessine et forme
de petites oreilles,
et des sourcils bruns, qu’elle place adroitement. Nul homme ne peut en voir d’aussi beaux.
Nature s’exclame alors : « Que je sois punie
s’il manque quoi que ce soit ! » De son
pouce, elle délimite alors adroitement l’espace entre les deux yeux. Puis
rapidement, elle lui fait un visage bien lisse et bien composé,
d’un teint plein de santé.
« Ce sera ma fille », dit Nature.
Alors, elle lui colore le visage de rouge,
teinte qui s’affirmera de plus en plus sur les
joues au fil de la croissance de la jeune
fille. Elle trace la bouche, crée une petite ouverture
et des lèvres bien proportionnées, ainsi que
des dents bien serrées au-dessus du menton.
Jamais vous ne verrez un aussi beau visage !
27On découvre donc Nature sous les traits d’un sculpteur dans son atelier : elle est pleine de vaillance, s’exhorte à la tâche, se démène entre le crible où elle affine sa glaise, le coffre qui contient ses moules et tous les accessoires qui lui sont nécessaires. Toute son attention est tendue vers la réussite de sa « fille », ce double parfait d’elle-même. Le portrait est amplifié par une démultiplication de détails annexes, parfois triviaux, qui mettent au premier plan le récit de la fabrication en reléguant au second la créature représentée. De fait, les incessantes évocations du travail de l’artiste débordent quantitativement les indications renvoyant au corps de Silence.
28Cette représentation si concrète de Natura formatrix tente de résoudre le paradoxe du portrait qui se fige à cause de l’accumulation des détails descriptifs ; la solution qu’invente Heldris de Cornouailles est donc de développer une action annexe, à savoir la production de l’œuvre d’art. Mais si la variété et le nombre des gestes accomplis par la sculptrice suggèrent en effet la vitalité de la création, on doit reconnaître que c’est au détriment de la vie du personnage : la créature se confond avec le moule, la matière et les couleurs utilisés, et il faut que le narrateur affirme : Ainc belizors (« plus belle ») voir ne vesqui / De li el monde, ne nasqui40, pour rappeler qu’il s’agit d’un être effectivement vivant, et non d’une statue.
29Dans ce roman, l’auteur met ainsi à nu la concordance entre sculpture et littérature, en opérant une stylisation consciente de la fabrique. Mais contrairement à Narcisse, Silence ne devient pas un « rêve de pierre », car son image est comme effacée par le récit de sa création. Le conflit entre l’inanimé et l’animé, que l’on trouve au cœur de l’acte descriptif en général et du portrait médiéval en particulier, est alors résumé par l’oxymore de cet étrange vers : A rien ki morir doive vivre41 : comment faire vivre une créature fictive, si belle soit-elle, sans que l’effort pour la décrire n’en vienne à tuer l’illusion ?
Notes de bas de page
1 Baudelaire, Les Fleurs du mal, sonnet « La beauté », 1857.
2 Dans la pensée chrétienne, ce phénomène d’engendrement se complexifie d’un degré puisqu’il trouve son origine en Dieu avant d’être relayé par Nature, ainsi que l’explique D. Kelly : « God, Nature and the artist alike begin with an « idea ». That idea in God’s mind is an exemplar, and as such His thought brings it into existence, that is, creates it. Nature takes His idea, as it were, out into the open by impressing the exemplar into matter and pro-ducing thereby the different kinds of things in the world. » (« Chrétien de Troyes : The Narrator and His Art », The Romances of Chrétien de Troyes : A Symposium, éd. par D. Kelly, Lexington, The Edwards C. Armstrong Monographs on Medieval Literature 3, French Forum Publishers, 1985, p. 39). L’auteur rappelle que l’analogie entre les activités de Dieu, de la Nature et de l’artiste est une notion répandue à l’époque de Chrétien de Troyes, à cause de l’influence d’un courant néo-platonicien associé à l’école de Chartres. Cf. W. Wetherbee, Platonism and poetry in the Twelfth Century : The Literary Influence of the School of Chartres, Princeton, Princeton University Press, 1972.
3 Sur le topos de la Nature créatrice, cf. E. R. Curtius, La Littérature européenne et le Moyen Âge latin, Paris, Agora, 1981 (1re éd., 1948), p. 187-217 et p. 867-70 où l’auteur rappelle l’importance de Natura artifex dans l’Antiquité. Curtius emploie l’expression Natura formatrix dans « Zur Literarästhetik des Mittelalters II », Zeitschrift fur romanische Philologie 58, 1938, p. 181-85 (cité par A. M. Colby, The Portrait in twelfth-century french literature. An example of the stylistic originality of Chrétien de Troyes, Genève, Droz, 1965, p. 20, n. 3).
4 A. M. Colby, The Portrait in twelfth-century french literature, op. cit., p. 16-17 et p. 28-29.
5 Robert de Blois’s Floris et Lyriopé, éd. P. Barette, Berkerley and Los Angeles, University of California Press, 1968.
6 Floris et Lyriopé, éd. citée, v. 199-210 ; trad. M.-N. Toury, Floris et Lyriopé, in Récits d’amour et de chevalerie xiie-xve siècle, dir. D. Régnier-Bohler, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2000, p. 373.
7 Les Métamorphoses, trad. G. Lafaye, Paris, Les Belles Lettres, 1928, Livre X, v. 247-50. Dans le Roman de la rose de Jean de Meung, la métamorphose est ainsi narrée : Pygmalion mist au faire tele entente / Qu ‘el fu si plaisant et si gente / Qu‘el sambloit estre autresi vive (Le Roman de la rose, éd. et trad. A. Strubel, Paris, Livre de Poche, coll. « Lettres gothiques », 1992, v. 20831-33).
8 La République, Livre X.
9 Cf. E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle. Recherches et documents sur la technique littéraire du Moyen Âge, Genève/Paris, Slaktine/Champion, 1982 (1re éd., 1924), p. 76.
10 Cf. le v. 1862 du Roman de Silence : Repairier voel a cel enfant (Heldris de Cornouailles, Le Roman de Silence, éd. L. Thorpe, Cambridge, Heffer & Sons, 1972). Dans le Lancelot, le portrait du héros est également chronologiquement insituable (Lancelot, éd. A. Micha, Genève, Droz, vol. 7, 1980, p. 71-75).
11 Lai de Narcisse, dans Trois contes du xiie siècle français imités d’Ovide, éd. et trad. E. Baumgartner, Paris, Gallimard, coll. « Folio classique », 2000, v. 59-60 : Narcissus crut et devint grans, / Et ja pooit avoir .xv. ans.
12 L’expression est d’A. M. Colby, The Portrait in twelfth-century french literature, op. cit., p. 22.
13 E. De Bruyne, Études d’esthétique médiévale, Paris, Albin Michel, Bibliothèque de « l’Évolution de l’Humanité », 1998 (1re éd., 1946), p. 284-87.
14 Ibid, p. 289.
15 Portrait de Salemandre, Roman de Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, Paris, Champion, 1968, t. 2, v. 8011.
16 Portrait de Blancheflor, Conte de Floire et Blancheflor, éd. J.-Cl. Leclanche, Paris, Champion, 1980, v. 2910.
17 Lai de Narcisse, éd. citée, v. 61.
18 Le Roman de Thèbes, éd. citée. Le portrait d’Antigone couvre les vers 4045-68. Le rappel de la chevauchée figure au v. 4069.
19 Cf. par exemple ce portrait de Camille dans l’Enéide : « Elle n’a point habitué ses mains de femme à la quenouille ni aux corbeilles de Minerve ; mais, vierge, elle est faite aux durs combats, et ses pieds devanceraient les vents à la course. Elle volerait sur la cime d’une moisson de blé encore debout, et ne blesserait pas les tendres épis ; elle courrait, au milieu de la mer, sur la surface des flots soulevés, et elle ne mouillerait pas la plante de ses pieds rapides. La jeunesse accourt des maisons et des champs pour la voir, et la foule des mères l’admire et la regarde avec ébahissement s’avancer sous un voile de pourpre ; ah ! ce voile royal, qui recouvre ses belles épaules ; ah ! cette agrafe d’or qui resserre sa chevelure, et ce carquois de Lycie et ce myrte pastoral armé d’un fer de lance ! » (trad. J. Perret, Paris, Les Belles Lettres, 1978, Livre viii, v. 805-17).
20 Cité par E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle, op. cit., p. 80-81 (je traduis). G. de Vinsauf, dans sa Poetria nova, a rédigé le portrait d’une très belle femme, marqué lui aussi par la tempérance (v. 562-99 ; E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle, p. 214-15). Sur l’importance de G. de Vinsauf auprès des auteurs médiévaux en langue ver-naculaire, cf. D. Kelly, « Theory of Composition in Medieval Narrative Poetry and Geoffrey of Vinsauf’s Poetria Nova », Mediaeval Studies, vol. 31, 1969, p. 117-48.
21 Ipomédon, poème de Hue de Rotelande, éd. A. J. Holden, Paris, Klincksieck, 1979, v. 2249-53.
22 Ibid, v. 2255-56.
23 Chrétien de Troyes, Le Conte du Graal, éd. W. Roach, Genève, Droz, 1959, v. 1823-25 (portrait de Blanchefleur) ; Jean Renart, Le Roman de la rose ou de Guillaume de Dole, éd. F. Lecoy, Paris, Champion, 1962, v. 697-700 (portrait de Lïenor).
24 Cf. A. Colby, op. cit., p. 29.
25 Durmart le Galois, éd. J. Gildea, Villanova, Villanova Press, 1965, v. 1929 (portrait de la Bele Pucele) ; Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, Paris, Champion, 1925, t. 1, v. 3989 (portrait de Camille) ; Jean Renart, Le Roman de la rose ou de Guillaume de Dole, éd. citée, v. 707 (portrait de Lïenor).
26 Cf. l’évocation du menton dans le portrait d’une très belle femme rédigé par Geoffroi de Vinsauf : mentumque polto I Marmore plus poliat Natura potentior arte (v. 578-79, Poetria nova, in E. Faral, Les Arts poétiques du xiie et du xiiie siècle, op. cit., p. 215).
27 Le Chevalier au lion, éd. D. Hult, Paris, Livre de Poche, coll. « Lettres Gothiques », 1994, v. 1480 et v. 1486-88.
28 Jean Renart, Galeran de Bretagne, éd. L. Foulet, Paris, Champion, 1925, v. 1252 et v. 1263-64.
29 Ibid., v. 1240, v. 1257, v. 1281 et v. 1283.
30 Floris et Lyriopé, éd. citée, v. 227 et v. 255.
31 Roman de Thèbes, éd. citée, v. 8005.
32 Philomena, in Trois Contes du xiie siècle français imités d’Ovide, op. cit., v. 146 ; Lïenor, Le Roman de la rose ou Guillaume de Dole, éd. citée, v. 706 ; Fresne, Galeran de Bretagne, éd. citée, v. 1262 ; Érec et Énide, éd. M. Roques, Paris, Champion, 1952, v. 434.
33 Les yeux ont bien sûr un rôle essentiel dans le récit. Le devin a mis en garde la mère du jeune homme aux vers 52-53 : Gart bien qu’il ne se voie mie ! / Ne vivra gaires s’il se voit.
34 Laide Narcisse, éd. et trad. citées, v. 97-105. Au vers 100, Et par la face qu’il ot tainte, le ms. comporte le mot painte qui a été corrigé par l’éditrice, mais que l’on aurait sans doute pu conserver. Dans Galeran de Bretagne, on lit en effet au vers 1240 : Si lui a taint les cheveux d’or. L. Foulet note dans le glossaire que « le mot est synonyme de paint » (entrée taint).
35 Cl. Simon, La Bataille de Pharsale, éd. de Minuit, Paris, 1969, p. 263-64.
36 Métamorphoses, éd. citée, Livre III, v. 416-19.
37 Enéide. éd. citée, Livre VIII, v. 694-703.
38 Le Roman de Silence, éd. citée, v. 1805-1934 (je souligne) ; trad. Fl. Bouchet, Le Roman de Silence, in Récits d’amour et de chevalerie xiie-xve siècle, op. cit., p. 491-93. Après les trois premiers vers cités ici, est évoqué, « à titre de comparaison », le travail d’un boulanger qui tamise sa farine « et trie entre la fleur toute blanche et le son ». La matyre qu’utilise Nature est, à la base, de la terre (v. 1849 et v. 1849) qu’elle choisit la plus fine et la plus belle possible pour en faire, peut-on penser, une glaise qu’elle fixera sur son moule-armature, reproduisant ainsi l’acte créateur du Dieu de la Genèse.
39 Cf. Floris et Lyriopé, v. 235-36 : Oroilles droites et petites, I Si con soient ou chief escrites.
40 Le Roman de Silence, éd. citée, v. 1947-48.
41 Ibid., v. 1957, « en donnant vie à une créature mortelle ».
Auteur
Université de Nantes
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Fantasmagories du Moyen Âge
Entre médiéval et moyen-âgeux
Élodie Burle-Errecade et Valérie Naudet (dir.)
2010
Par la fenestre
Études de littérature et de civilisation médiévales
Chantal Connochie-Bourgne (dir.)
2003