Enjeux de l’enseignement dans le contexte de la renaissance nationaliste en Inde
p. 227-245
Texte intégral
1L’éducation a pris une place importante dans les rapports entre les Indiens et les Européens dès le xvie siècle. Après une période de syncrétisme culturel et social entre les Indiens et les premiers Européens, particulièrement les Portugais, les relations se mirent à changer du fait de l’Inquisition consécutive à la Contre-Réforme. Celle-ci visait les mœurs des juifs convertis et celles des gentildades, ou hindous convertis. Un collège jésuite fut établi à Goa au milieu du xvie siècle. L’accent mis sur l’éducation par la Contre-Réforme se traduisit, en Inde, par la volonté d’atteindre les hautes castes. De fait, certaines communautés de brahmanes furent christianisées. Dès cette période, les Indiens commencèrent à être confrontés aux marchands, missionnaires, soldats, aventuriers, savants venus d’Europe. Plusieurs groupes d’intermédiaires, comme les Parsis, surent mettre à profit ces nouveaux rapports et les exigences propres aux méthodes de commerce et d’administration.
2Au cours du xixe et du début du xxe siècles, les influences de l’éducation européenne, via le système éducatif britannique, vont jouer un rôle clé dans la renaissance indienne. À partir du xixe siècle, on retrouve les Parsis et d’autres communautés aux avant-postes du développement des institutions d’enseignement. Au travers de leur implication dans le soutien au système encadré par les autorités britanniques, ces communautés vont contribuer à l’établissement d’un enseignement reconnu dans le monde pour sa qualité, mais aussi pour son élitisme extrême. Cet élitisme est au cœur des conceptions des autorités britanniques en matière d’éducation. Comme l’exprime en 1830 un de ses partisans, lord Elphinstone1 :
Je pense qu’il est plus important d’impartir un haut degré d’éducation aux classes supérieures plutôt que d’en diffuser un de moindre qualité à l’ensemble de la population. La plus importante partie de l’éducation doit préparer les natifs à l’administration.
3L’éducation était un des thèmes centraux de l’action des guides du mouvement nationaliste indien tels que Tagore ou Gandhi. Leur projet éducatif prenait en compte la dimension rurale de la société indienne, au travers de la valorisation des savoirs et savoir-faire locaux, et investissait la représentation du corps d’une dimension nationale, à travers le costume, mais aussi, dans le cas de Gandhi, à travers la pratique d’une certaine ascèse. Comme nous allons le voir, les idées en matière éducative des deux grands dirigeants ne suffiront toutefois pas à changer les bases du système éducatif introduit par les Britanniques.
4Pour rendre compte de ce processus complexe, je procéderai en trois étapes. J’établirai tout d’abord un tableau de l’histoire du système éducatif moderne en Inde, du primaire au supérieur, tout en envisageant les enjeux – linguistiques, notamment – liés à l’instauration de ce nouveau système. J’aborderai ensuite la question de la réaction des autorités britanniques vis-à-vis du développement de l’enseignement, puis je traiterai du projet éducatif du mouvement nationaliste indien. Dans une dernière partie, je m’intéresserai davantage à l’impact du modèle du mode d’enseignement occidental sur les conceptions et les pratiques indiennes ayant rapport à la place du corps dans la société.
Histoire du système éducatif moderne en Inde
5Thomas B. Macaulay, le président du Comité d’instruction publique, dans une de ses fameuses phrases, résume le projet éducatif britannique en Inde qui s’est élaboré au cours des années 1820. Pour lui il s’agit de former :
Une classe d’interprètes entre nous et les millions de personnes que nous gouvernons – une classe de personnes indiennes par le sang et la couleur, mais anglaises par les goûts, les opinions, la morale et l’intellect2.
6En effet, lorsque l’East Indian Company (EIC) commença à organiser son empire commercial, la question de la formation d’agents et de fonctionnaires indiens devint incontournable, le nombre d’agents britanniques en Inde étant relativement faible. De plus, il fallait pourvoir à l’éducation des ressortissants britanniques. La nécessité de former en Inde les enfants de ces derniers dans le respect des valeurs éducatives anglaises et celle de former une classe d’intermédiaires et d’administrateurs subalternes présidèrent à l’établissement progressif d’un système d’enseignement formel. Le mode scolaire européen allait progressivement se développer au détriment des autres modes de formation et de transmission du savoir dans une société marquée par la diversité de sa population et son organisation corporative liées à une culture littéraire orale extrêmement riche et variée, qui n’excluait pas le support écrit.
7Entre la fin du xviiie et la première moitié du xixe siècles, on distingue un premier mouvement, qui correspond à la création des premières écoles anglaises. À partir de la seconde moitié du xixe siècle, un second mouvement voit l’administration du Raj – l’empire britannique des Indes – cantonner son rôle à celui d’une autorité de contrôle. L’évolution du système éducatif moderne indien se caractérise alors par le rapport de force qui s’instaure entre les élites indiennes, en quête d’émancipation, et l’administration coloniale qui cherche à contenir cette progression sociale.
8Les xixe et xxe siècles voient l’institutionnalisation d’un réseau d’établissements appelé à former le système d’enseignement normatif de l’Inde contemporaine. Celui-ci est fondé sur des valeurs empruntées au monde urbain britannique de la société victorienne et repose sur le primat de la tradition écrite. Ceci constitue un bouleversement majeur dans une Inde où la transmission du savoir reposait essentiellement sur l’oralité, qu’il s’agisse des artistes, des artisans, des guerriers, des techniciens, des marins, des marchands et, dans une mesure non négligeable, des cadres religieux.
9Nous allons essayer de mieux comprendre les étapes de l’histoire du système éducatif moderne en Inde et d’appréhender son rôle dans les bouleversements sociaux et culturels qui ont affecté le pays.
Enseignement primaire et secondaire
10La première école anglaise répertoriée en Inde est créée en 1734, dans le dessein « d’éduquer les enfants d’Européens pauvres dans la religion protestante » (Acharya 1990 : 88). À la fin du xviiie siècle, les écoles anglaises commencent à fleurir à Calcutta ; elles sont surtout destinées aux enfants indigents d’origine britannique. Les Indiens ne tardent pas à construire des écoles sur le même modèle. On assiste rapidement à la multiplication des public schools3 soutenues par des organisations et des mécènes indiens. Ces écoles « anglo-vernaculaires » diffusent soit un enseignement en langue anglaise, soit un enseignement en langue vernaculaire incluant l’anglais dans ses modules et se conformant aux exigences des écoles britanniques en matière de programme. En 1815, le Chapter Act, qui attribue un lakh de roupies (soit 100 000 roupies) aux établissements d’enseignement pour les besoins de l’instruction, favorise une activité croissante des missionnaires chrétiens sous la protection de l’État.
11Les élites de Calcutta, inspirées par le mouvement pour l’accès à l’éducation des classes populaires qui se développe au début du xixe siècle en Angleterre, établissent la Calcutta Book School, et la Calcutta School Society, respectivement en 1817 et 1818. Avant 1850, dans la même ville, on compte déjà 62 écoles anglo-vernaculaires. Des associations s’organisent pour fournir des livres scolaires et enseigner l’anglais aux étudiants. Indiens, Anglais et missionnaires chrétiens des différents pays d’Europe participent ainsi à la mise en place et à la diffusion de ce système d’enseignement calqué sur le modèle britannique. En 1855, 13 000 établissements sont ainsi reconnus par le Raj. Un développement similaire se produit peu à peu dans la présidence de Madras4, puis dans celle de Bombay. Ce système reste largement ségrégationniste, reproduisant la frontière qui sépare le monde européen et le monde indien. C’est dans cet environnement que se développe la société des nouvelles élites indiennes, parties prenantes dans la diffusion de la culture et des valeurs anglo-saxonnes.
Enseignement supérieur et enjeux du nouveau système éducatif
12À la fin du xviiie siècle, en parallèle à la multiplication des public schools, les colleges5 se développent aussi. C’est ainsi que dès 1782, un collège universitaire est créé. Il s’agit du Calcutta Madrassa, consacré notamment au droit islamique et au persan. En 1791, un autre est fondé à Bénarès, puis en 1800, Fort William College voit le jour à Calcutta. Ce dernier a pour but la formation des cadres de la compagnie, tout en étant conçu comme un centre d’études orientalistes. Cette création est suivie, en 1817, par celle du Hindu College, aussi appelé l’Anglo-Indian College. Dans ces collèges universitaires, morale et littérature anglo-saxonnes sont inculquées parallèlement aux langues dites alors classiques, c’est-à-dire le bengali, l’hindoustani et le persan. Au début du xixe siècle, la connaissance de certaines bases de la culture indienne, et notamment de deux langues parmi les trois précitées, auxquelles il faut ajouter le sanskrit, est requise pour les cadres de l’EIC.
13Les premières générations d’intellectuels indiens de langue anglaise apparaissent rapidement, au Bengale tout d’abord, à l’image de Raja Rammohan Roy (1772-1833) ou encore du poète Michael Madushan Dutt (1824-1873). Elles sont à la fois associées aux intérêts économiques du Raj et acquises à la culture et à la morale britanniques. Le passage obligé pour leur formation est le Hindu College, où l’enseignement est dispensé en anglais, après toutefois une acquisition complète de la langue bengalie.
14Un Comité général de l’instruction publique est formé en 1823. Il se divise en deux camps, celui des « Orientalistes » et celui des « Anglicistes ». L’enjeu est le choix entre la formation des fonctionnaires indiens à la langue et à la culture britanniques et celui des cadres administratifs britanniques aux langues et à la culture indiennes. Macaulay, figure de proue des Anglicistes en plus d’être le président du Comité d’instruction publique, fait valoir des arguments moraux selon lesquels la langue anglaise véhicule des valeurs civilisatrices incomparablement supérieures à celles de la culture indienne6. Les vues de l’écrivain RajaRammohanRoy, également fondateur du BrahmoSamaj – groupe très influent qui regroupe une partie importante des élites anglicisées bengalies pour la réforme de l’hindouisme selon des préceptes empruntés aux idées européennes – convergent avec celles de Macaulay.
15En plus de sa dimension institutionnelle, cette controverse porte sur un point crucial de l’histoire de la pensée dans le débat sur les rapports entre l’Occident et l’Orient à l’époque contemporaine. Il s’agit en effet de valider « scientifiquement » la supériorité du premier sur le second. Ce point est fondamental puisqu’il s’agit d’une culture, celle de l’Inde, souvent perçue comme une source de renaissance pour la culture européenne. Les études orientalistes, à l’intérieur desquelles l’étude des langues classiques de l’Inde joue un rôle déterminant, procèdent alors à la fois de l’érudition la plus avancée et d’une vision humaniste de l’histoire. Il s’agit donc d’un tournant aux implications multiples qui dépassent de loin le seul contexte indien7.
16Le 7 mars 1835, la résolution Bentinck homologue la victoire des partisans de la langue anglaise8. Ses conséquences seront profondes sur le devenir de l’État indien. Les réactions à cette décision ne prendront réellement forme que dans la première moitié du xxe siècle, notamment à travers l’action éducative de Rabindranath Tagore (1861-1941), Prix Nobel de littérature, et celle du vice-chancelier de l’Université de Calcutta, Asutosh Mukherjee (1864-1924). Cet intellectuel impliqué dans la réforme de l’enseignement supérieur décide en effet d’abolir, en 1922, l’utilisation obligatoire de l’anglais afin de favoriser l’enseignement en langues vernaculaires. Mais bien avant qu’une réaction des élites indiennes puisse se concrétiser, la période 1855-1870 voit l’extension de l’enseignement secondaire, avec un encouragement donné aux high schools dans lesquelles l’anglais est la langue d’instruction, conséquence directe de la résolution Bentinck. L’idiome britannique s’impose donc comme la langue d’enseignement des établissements secondaires et supérieurs. Les bases de son hégémonie sont dès lors mises en place.
17C’est en 1845 que l’idée de création d’une université est avancée à Calcutta, mais elle est rejetée par les directeurs de l’EIC (Acharya op. cit. : 92). L’expérience américaine est encore dans les mémoires, l’indépendance des États-Unis étant interprétée comme la conséquence d’une diffusion trop large de l’enseignement. En 1857, après la « Grande Révolte » (The Great Revolt) qui met fin à l’EIC, remplacée par la couronne britannique, une université est finalement implantée dans chacune des trois présidences (Bengale, Madras et Bombay) de ce qu’on appelle désormais le Raj britannique. Elles sont établies selon le modèle de Londres, et deviennent donc des institutions dotées de la capacité de délivrer des diplômes universitaires, à la différence des universités enseignantes9. Les examens d’admission à l’université, à l’instar de l’enseignement, sont donnés en langue anglaise. Les examens sont préparés dans les collèges universitaires et les lycées privés ou publics. Ils se déroulent devant une commission d’examinateurs, qui sont généralement des professeurs. Chaque année, ces examinateurs sont désignés par le vice-chancelier de l’université, ou par le vice-recteur. C’est le vice-roi qui est chancelier ou recteur des universités, ce qui met ainsi le système d’enseignement supérieur sous la tutelle directe des autorités du Raj. Le premier cycle, de deux années, permet de présenter l’examen de First Arts et le second, de deux années également, l’examen de Bachelor. Ces diplômes sont exigés afin de pouvoir présenter sa candidature à la plupart des emplois publics10. En 1882 on compte 7 423 candidats aux examens de matriculation11. La même année, on compte 697 candidats aux examens de B.A. (Barthélémy 1887 : 173-174).
18Dans les années 1920, un missionnaire français enseignant à Bangalore donne la description suivante du système universitaire en Inde :
Ces universités sont modelées sur des universités anglaises plus récentes, telles que Londres, Manchester, etc., c’est-à-dire qu’elles ne sont pas enseignantes. Elles sont plutôt des corps examinant, qui par le moyen de leurs « Sénats » dressent des programmes d’études, sur lesquels seront examinés les candidats aux grades académiques. Ces candidats, sauf de rares exceptions, doivent être des élèves des collèges affiliés aux universités, par conséquent reconnus et approuvés par le Sénat de l’université. Cette approbation a lieu après une inspection minutieuse par un ou des membres délégués par le Sénat, et sur rapport favorable de ces inspecteurs.
(Schmidt 1923 : 209-216)
19L’œuvre missionnaire en matière d’enseignement agit dans deux directions. Elle se consacre à la direction d’établissements destinés à la formation de l’élite européenne et indienne – comme les Saint Xavier’s colleges, puis les Loyola ou Saint Stephen’s colleges (qui sont restées les institutions les plus cotées jusqu’à aujourd’hui). La morale religieuse y imprègne l’enseignement et les règles de vie, mais l’identité religieuse n’est pas un critère d’admission dans ces institutions. D’autres établissements poursuivent une mission d’évangélisation des populations généralement les plus pauvres, parallèlement à leur œuvre scolaire. On les trouve nombreuses dans les régions tribales et le sud de l’Inde.
Réaction des autorités britanniques contre le développement de l’enseignement scolaire et supérieur
20Dès le début du xixe siècle, lord Elphinstone12, gouverneur de Bombay de 1819 à 1827, prédit que la diffusion de l’enseignement selon les conceptions britanniques, en servant de support à l’émancipation des élites indiennes, entraînera la chute du pouvoir colonial. Rapidement, certains groupes de la population indienne prennent une part active au développement du système éducatif mis en place par les Britanniques, saisissant tout son impact social dans le contexte colonial. Les autorités du Raj ne tardent pas à s’inquiéter des conséquences d’un mouvement qui dépasse leurs intentions initiales et le soutien des autorités au système d’enseignement commence à fléchir. À partir de 1871, suite au projet de décentralisation du vice-roi lord Mayo, le gouvernement du Raj transfère la charge de l’instruction publique aux gouverneurs des provinces (Barthélémy op. cit. : 181). Les autorités centrales délèguent aux acteurs privés et aux autorités locales l’administration des écoles, des high schools et des collèges universitaires pour n’en conserver que le contrôle : « […] et ne remplir pour ainsi dire que le rôle d’un aimable visiteur et d’un critique bienveillant » (Menant 1898 : 299-300).
21Ce mouvement de décentralisation et de désengagement de l’État colonial dans le système éducatif semble se poursuivre au cours des années 1880, comme l’écrit un père jésuite français : « La commission chargée par le gouvernement de visiter tous les collèges de l’Inde en 1882 et 1883 fit un rapport à la suite duquel le gouvernement adopta une politique plus libérale envers les institutions privées et ferma plusieurs collèges gouvernementaux13. »
22À cette époque, deux nouvelles universités sont créées dans le Raj, à Lahoreen 1882 et Allahabad en 1887. En 1901, on compte officiellement environ 150 000 établissements scolaires publics pour 4 millions d’élèves. Parmi ceux-ci, 43 000 institutions privées rassemblent environ 600 000 élèves. La même année, 149 collèges universitaires de lettres sont recensés, dont 64 au Bengale. Ils rassemblent 17 600 étudiants (Chailley 1910 : 439). Il faut y ajouter 46 collèges professionnels, comprenant 5 300 étudiants. Sur les 149 collèges universitaires de lettres, 26 sont dirigés par le ministère de l’Éducation, 5 par des municipalités, 3 par des États princiers, et tous les autres – soit 115, c’est-à-dire plus de 77 % – par des institutions privées.
23Cette progression quantitative se double d’une progression qualitative qui caractérise les élèves locaux. En 1905, dans une étude sur l’Inde contemporaine, Ernest Pirion (1905 : 273) note les résultats étonnants obtenus par les étudiants indiens. L’année de son séjour en Inde, c’est un brahmane, précise-t-il, qui est reçu premier au concours du Civil Service :
[…] laissant loin derrière tous ses compétiteurs britanniques. […] L’Hindoustan s’anglicise. Il est plus fort, plus up to date que ses maîtres. L’éducation anglo-saxonne porte ses fruits. […] Et prenez, en effet, un étudiant de Bombay et un étudiant de Cambridge, ils se ressemblent à les confondre. Ils sortent de la même matrice : les professeurs viennent d’Angleterre, les programmes, les exercices, les examens, le thème et le vers, rien n’y manque du bagage classique.
24Un autre enseignant, le père Schmidt (op. cit.) écrit quant à lui :
Le corps professoral est recruté parmi les Européens et les Indigènes […]. De nos jours, dans les institutions qui dépendent directement du gouvernement (et c’est le petit nombre), les Européens sont en minorité. Des Indiens gradués, dont beaucoup ont suivi les cours dans les universités de l’Angleterre, de l’Allemagne ou de l’Amérique, occupent la plupart des chaires, et l’on doit reconnaître qu’ils ne sont pas inférieurs à leurs maîtres européens. On trouve parmi eux des hommes vraiment remarquables dans vraiment toutes les branches des sciences.
25Il faut noter que, suite à ce courant d’émulation, la progression de l’enseignement en Inde concerne essentiellement les études secondaires et supérieures et bien peu l’enseignement primaire.
26Avec le mouvement swadeshi (« émanant du pays », par opposition à bideshi, « qui n’est pas du pays »), l’évolution de l’histoire de l’enseignement va être rythmée par les initiatives successives des élites indiennes pour accéder à un enseignement de niveau égal à celui de leurs homologues en Occident, initiatives auxquelles s’opposent les mesures des autorités britanniques visant à retarder cette échéance. La réforme des programmes de 1902 – notamment la suppression de l’enseignement du français, de l’histoire et de l’économie politique – et les protestations qu’elle suscite de la part des élites indiennes, en est une bonne illustration (Berthet 2002). Selon le consul de France à Bombay, les motivations qui ont présidé à cette décision sont évidentes :
La Commission de réforme de l’Éducation dans l’Inde, nommée par lord Curzon sous le coup de l’effroi que lui causent les progrès immenses accomplis par les indigènes dans toutes les branches du savoir humain, et les critiques acerbes dont est criblée son administration, a simplement brisé l’ancien instrument qui avait donné de trop bons résultats, supprimé un grand nombre d’écoles secondaires, et rendu l’accès aux universités si difficile qu’une rare élite, formée de fils de natifs tout à fait sûrs, pourra seule y parvenir14.
27La réforme de l’enseignement en Inde va rapidement devenir un thème important du combat des grandes figures du nationalisme.
Tentatives de définition d’un projet pour la nation : l’enseignement et le mouvement nationaliste
28Dans le contexte du mouvement nationaliste indien, le contrôle du système éducatif par les autorités britanniques provoque diverses réactions de la part des élites locales. Dans le domaine pédagogique et linguistique, cela se traduit par une certaine volonté d’indianisation de ce système et par l’organisation du mouvement des étudiants indiens à l’étranger.
Les origines de l’influence américaine
29Dès le xixe siècle, le développement des échanges avec l’étranger représente un enjeu crucial pour l’émancipation de l’Inde. Le discours prononcé le 24 août 1884 à l’institution Sainte-Marie de Chandernagor par Pankristo Chauduri évoque ce que représente la formation des étudiants à l’étranger :
Les universités de Calcutta, de Bombay, de Madras forment tous les ans un très grand nombre de diplômés. Le temps n’est pas éloigné lorsque beaucoup parmi ceux-là auront à se mettre en quête des moyens de gagner leur vie en dehors de l’Inde. Nous voyons le nombre de jeunes gens qui partent pour l’Angleterre augmenter chaque année. Ce qui profiterait réellement au pays serait qu’un grand nombre de jeunes gens allassent en Europe étudier les arts, les métiers, les sciences pratiques. Tel étant le cas, c’est vers le Continent (européen) que doivent se tourner les regards de notre jeunesse15 .
30En 1907, assistant à la structuration de ce mouvement des étudiants indiens vers l’étranger, le consul général de France peut en saisir toute l’importance et la qualité :
Il s’est formé au Bengale une « Association pour l’avancement de l’éducation scientifique et industrielle des Indiens » qui se propose de faciliter à des jeunes gens, élèves des écoles supérieures et secondaires, les moyens d’aller s’instruire à l’étranger dans les différentes branches d’industrie. C’est la mise en pratique des conseils prodigués par le Gulkovar de Baroda à la dernière conférence industrielle. C’est aussi une preuve très frappante du sérieux et de l’avenir, au point de vue économique, de ce mouvement swadeshi16.
31Cette année-là, l’association promeut le départ de 91 étudiants. En tête des destinations viennent très largement les États-Unis, puis on relève la candidature de quelques étudiants pour le Japon, d’un seul pour la France17. Dès 1920-1921, il y a plus de 202 étudiants indiens aux États-Unis répartis dans plus de 50 établissements, contre 9 en Allemagne, 8 au Japon, et vraisemblablement 4 en France. On peut remarquer en outre que la communauté estudiantine indienne aux États-Unis est déjà très structurée18. Ce qui nous intéresse ici est de noter le renforcement de l’influence anglo-saxonne sur le système éducatif en Inde à travers le développement de liens directs et privilégiés avec les États-Unis, et ce, dès le tournant du xixe siècle. Cette influence des États-Unis va aller en grandissant au cours des décennies suivantes19.
Projets éducatifs pour la nation indienne
32Les desseins réformateurs en matière d’éducation des penseurs nationalistes constituent un autre aspect des réactions indiennes face aux limites imposées au système scolaire et universitaire par les autorités britanniques. Rabindranath Tagore (1861-1941) et Mohandas Karemchand Gandhi (1869-1948) peuvent être considérés comme les deux principales figures impliquées dans ces tentatives de réforme. Tagore a consacré la seconde partie de sa vie à l’application de sa vision d’un enseignement et d’une pédagogie accordant une place centrale aux arts, aux cultures asiatiques et à la nature, par opposition au caractère urbain et anglo-centriste du système éducatif britannique. C’est en réaction à l’exil forcé des étudiants indiens – un exil qu’il avait vécu lui-même comme un moment difficile – ainsi que contre des valeurs éducatives importées, jugées inaptes à contribuer à la fois au développement de l’individu et à celui de la nation, que Tagore engage son action. Celle-ci s’inscrit dans un courant plus large d’opposition à la politique britannique en matière d’enseignement, au sein duquel figure notamment la campagne d’Asutosh Mukherjee en faveur des langues vernaculaires.
33En 1901, Tagore crée une école à Santiniketan, dans la campagne bengalie. Il fonde également une université, Visva Bharati, et divers instituts d’enseignement technique et agronomique. Parmi les élèves, on compte une bonne partie de la future élite artistique et politique indienne dont les représentants les plus connus sont Satyajit Ray et Indira Gandhi. Autour de ces institutions s’organise une collaboration intellectuelle et artistique internationale, d’une envergure exceptionnelle pour cette époque. Une approche englobante de l’éducation dirige les vues et l’action de Tagore20. L’éducation y est envisagée du primaire jusqu’aux études supérieures. Tout en y défendant l’idée d’une identité indienne, véhiculée notamment par l’usage des langues vernaculaires, une attention particulière est portée à l’ouverture sur le monde. Ainsi les langues étrangères y trouvent une large place. L’enseignement technique se trouve également valorisé, Sriniketan, le centre des études techniques et agronomiques, complétant les activités des centres d’études en sciences humaines de Santiniketan.
34La place accordée à la danse et au contact direct avec l’environnement naturel – les classes se tiennent sous les arbres et les enfants s’assoient à même le sol – montrent également une réaction par rapport au confinement du corps dans les pratiques de l’Angleterre victorienne. La rupture avec le modèle social britannique, à travers les codes vestimentaires, est aussi un élément central de l’œuvre éducatrice de Tagore. Il avait en effet imposé le port du kurta-pyjama pour les hommes et du sari pour les femmes. La danse, d’inspiration traditionnelle, était également un élément important dans les nombreuses festivités cérémonielles rythmant la vie de ses institutions. Il composait lui-même chorégraphies, chansons et mélodies.
35Enfin, par le choix du site et par la philosophie qu’il met en avant, Tagore espère alors abolir les barrières qui séparent les étudiants du monde rural. Toutefois, si les élèves sont effectivement immergés dans la campagne, ces institutions n’échappent pas réellement au phénomène de reproduction sociale et resteront l’apanage des élites urbaines du pays. Malgré la volonté de son créateur, les institutions de Santiniketan ne combleront donc pas le fossé qui s’est creusé et agrandi entre le système éducatif britannique et le monde rural.
36Gandhi, quant à lui, a mené plusieurs expériences pédagogiques en Afrique du Sud et en Inde. Pour lui également, l’éducation constitue un enjeu majeur. À l’image de sa vision politique générale, il accorde au village et à l’enseignement technique une place essentielle (Gandhi 1999 : 82-83). Le chef du Congrès défend en effet l’idée d’un enseignement diffusé à partir des centres villageois conduisant l’élève jusqu’aux portes de l’enseignement supérieur. Comportant sa part d’utopie, la vision de Gandhi a le mérite de proposer un réel projet de société autour de l’école, un projet dans lequel l’Inde rurale trouve sa place. Même s’il faut se garder de prêter un sens égalitaire à sa conception de la société indienne, il s’oppose à un système d’enseignement qui produit des déracinés éloignés des réalités de leur propre pays (Aggarwal 2003 : 11).
37Le mouvement d’opposition à l’usage de vêtements importés des industries textiles de Manchester et du reste du Royaume-Uni amène Gandhi à promouvoir la confection de ses propres vêtements en filant soi-même le coton. Ses proches et les gens de son ashram suivent ce code vestimentaire dépouillé qui veut traduire la philosophie du maître. Dès les années 1920, Gandhi a en effet commencé à utiliser la présentation de son propre corps pour faire passer son message de nécessité de retour à des pratiques ascétiques. Cette dimension de sa personnalité contribue d’ailleurs à sa popularité en Occident. Son souci de pureté est presque obsessionnel et se traduit par de nombreux jeûnes mais aussi des lavements quotidiens. Cette attitude traduit une métamorphose, si on la compare à l’apparence de dandy des années anglaises du jeune avocat Gandhi. Sa réaction est encore plus vive dans les déclarations qu’il porte à la médecine occidentale. Ainsi déclare-t-il, en 1938 : « Les Anglais ont certainement utilisés la profession médicale pour nous contrôler. Ils l’ont fait dans un sens littéral en utilisant leur position auprès des potentats asiatiques, en vue de gains politiques, mais également dans un sens plus général afin d’ébranler la capacité des Indiens de gouverner leur corps aussi bien que leur pays » (Arnold 1993 : 287). Cette critique conjointe de la corruption des moeurs dans laquelle il condamne côte à côte les Anglais et l’aristocratie est caractéristique de l’ascension vers le pouvoir d’une élite de lettrés.
38Avec des orientations différentes, la volonté de restaurer la place du corps dans le système éducatif formel est donc apparente dans l’œuvre des éducateurs nationalistes de l’Inde, au début du xxe siècle. Par ailleurs, on constate que c’est à la même période que le corps réapparaît progressivement au centre des discours – et notamment dans l’éducation – selon une conception formatée à partir de certains canons occidentaux et des valeurs des nouvelles élites indiennes. Cela s’observe à travers le processus de codification et de diffusion du yoga, de la « classicisation » de la danse indienne21, ou de la mise en avant par les élites nationalistes hindoues du concept de « discipline du corps » (vayam). Il est ainsi remarquable que l’uniforme des membres du Rashtriya Swayamsevak Sangh, organisation socio-idéologique se proclamant pour la défense des valeurs hindoues, créée en 1925, s’inspire de celui des scouts.
39Dans les décennies précédant l’indépendance, plusieurs commissions officielles tentent de préparer un projet de système éducatif. En 1911, Gopal Krishna Gokhale, membre du Conseil Législatif Impérial, fait adopter un amendement visant à permettre « l’introduction graduelle du principe d’obligation concernant l’enseignement primaire dans le pays ». Le Conseil, dont la majorité des membres est britannique, rejette l’amendement et Gokhale doit finalement le retirer après avoir reçu l’assurance que les autorités s’y intéresseraient plus tard. En 1913, la Résolution sur l’éducation du gouvernement britannique des Indes se prononce finalement pour l’augmentation de la qualité des établissements plutôt que celle de leur nombre, pour la mise en place de programmes à objets plus « « pratiques » et « utiles » pour le primaire et pour le secondaire et, enfin, pour l’adoption de mesures visant à faciliter les études supérieures à l’étranger. Le mouvement en faveur du développement d’un enseignement plus large, et indianisé dans sa forme et son contenu, poursuit néanmoins son cours. Une autre conférence sur l’éducation a lieu à Wardha en 1937. Parmi les principes qu’elle énonce, on peut relever les suivants : une éducation obligatoire et gratuite pour une période de sept ans sur tout le territoire indien, la langue maternelle comme langue d’enseignement, et une place importante accordée à l’enseignement pratique intégrant le savoir artisanal local, une idée inspirée par Gandhi qui préside la conférence. Toutefois, la question de la place du corps en tant que telle n’apparaît pas recevoir une attention particulière.
40En 1938, sous la présidence de Zakir Hussain, un programme connu sous le nom de Wardha Scheme Education est établi. Ce programme est le suivant :
- enseignement technique élémentaire à choisir parmi les différentes pratiques : couture et broderie, menuiserie et charpenterie, agriculture, jardinage, travail du cuir, toute autre pratique artisanale en adéquation avec la culture locale ;
- langue maternelle ;
- mathématiques ;
- sociologie ;
- études scientifiques générales ;
- dessin ;
- musique ;
- hindustani.
41Lors de la session annuelle du Congrès de 1938, le programme est adopté. Les ministres du parti du Congrès engagent dans les provinces une politique de promotion de l’enseignement primaire. Mais, à la veille de la deuxième guerre mondiale, cette politique de soutien au premier cycle scolaire, fraîchement entreprise, décline suite à la démission des membres du gouvernement.
42Après cette tentative avortée à la base de la naissance du système éducatif moderne, on ne retrouvera plus en Inde une politique d’assimilation de la population indienne sous-tendant une dynamique de généralisation d’un enseignement normatif. Ici encore, les responsables de l’EIC, puis ceux du Raj, gardaient en mémoire l’expérience américaine. L’idée d’universalisation apparaît pour la première fois dans l’État princier de Travancore, dirigé par la rani22 Parvathi Bhai, où l’enseignement obligatoire est proclamé en 1817. On peut d’ailleurs noter que les décisions des différentes commissions chargées des réformes de l’enseignement (l’Education Commission de 1882, le Universities Act de 1904, la Government Resolution ou l’Educational Policy en 1913, la Calcutta University Commission de 1916) s’attachaient aux universités et à leurs programmes, et non à la généralisation de l’accès à l’enseignement. C’est ainsi que s’est formée une frontière entre un enseignement supérieur, considéré comme extrêmement compétitif, et un enseignement primaire laissé pour compte. L’accession à l’Indépendance et les inclinaisons socialistes du premier ministre Jawarhalal Nehru ne seront pas mises à profit pour corriger le déséquilibre entre une minorité, que l’on appelle communément les educated people, caractérisée par un très haut niveau d’éducation normative en langue anglaise, et une large partie de la population qui n’a pas accès à cet enseignement très coûteux et que l’on qualifie de non educated people. Ainsi la terminologie en usage dans les milieux académiques exclut-elle d’emblée tous les apports éducatifs non formels, qui portent parfois l’empreinte des schémas éducatifs préexistants.
La disparition du projet éducatif après l’Indépendance
43En 1947, après de nombreuses années de lutte, l’Inde indépendante est dirigée par Jawaharlal Nehru (1889-1964), dirigeant aux fortes influences socialistes, héritier désigné de Gandhi. On pourrait donc s’attendre à une réforme profonde du système d’enseignement. Mais, plus attaché à établir les bases d’une société industrielle qu’à prendre en compte les besoins d’un monde rural, dont il ignore les réalités, Nehru n’accorde pas la même importance à une vision d’ensemble de la question éducative. C’est dans cette démarche de promotion d’une Inde moderne que la création des Indian Institutes of Technology se situe (le premier institut avait été créé à Kharagpur à la fin des années 1940, en s’inspirant du modèle du Massachusetts Institute of Technology).
44Le gouvernement reste particulièrement attentif aux centres de formation destinés aux élites du nouvel État. Et, si le taux d’alphabétisation progresse notablement, on reste très loin de sa généralisation, sans que d’autres modes de transmission du savoir que ceux du système éducatif formel ne soient encouragés parallèlement. Par ailleurs, Nehru parie sur l’industrialisation, par le soutien à de grands complexes sidérurgiques – pour l’intégration des populations tribales, notamment, considérées comme arriérées – comme le Bhilai Steel Plant, dans le Madhya Pradesh.
45L’État met également en place une commission gouvernementale chargée de déterminer la lingua franca. Des projets de traduction à grande échelle des manuels et livres de référence sont envisagés, mais, finalement, c’est le statu quo qui l’emporte. On pourrait revenir longuement sur les raisons du maintien de l’anglais comme langue nationale, initialement prévu pour durer jusqu’en 1965, et renouvelé jusqu’à aujourd’hui. La résistance des élites de l’Inde méridionale face au hindi en est une souvent évoquée, elle n’est cependant pas la seule. La volonté de mener une réelle politique de traduction n’a pas été suffisamment forte pour être suivie d’effets. La domination de la langue anglaise dans l’éducation scolaire du primaire au supérieur s’est perpétuée et s’est même renforcée depuis l’Indépendance de l’Inde. Récemment, la décision du gouvernement de l’État du Jammu-et-Cachemire et de l’État de l’Himmachal Pradesh d’établir l’anglais comme langue d’enseignement pour les écoles publiques du cycle primaire, respectivement en 2002 et en 2003, en offre une illustration. La désaffection des écoles du secteur public par rapport à celles du secteur privé, dont l’enseignement est basé sur la langue anglaise, est l’argument avancé pour justifier cette politique23. Cette décision va pourtant à l’encontre de l’annexe 8 de la Constitution qui recommande un enseignement à partir des principales langues régionales reconnues, au moins pour le niveau primaire.
46Dans cette affaire concernant le système éducatif, c’est surtout la faiblesse du secteur public, obligé de s’aligner sur le secteur privé, qui apparaît en évidence. D’un point de vue socio-politique, cette domination agrandit le fossé entre population favorisée et population défavorisée (Govinda 2002). L’imposition de la langue anglaise, à travers l’imposition d’un système visant à angliciser sans rendre Anglais, par le biais d’un « mimésis colonial » dépasse le seul cadre culturel et constitue un phénomène sociologique mettant en jeu les stratégies de pouvoir et de reproduction sociale avec le risque de perpétuer un bilinguisme inabouti et socialement mal assumé.
Évolution du corps social : oralité, corps, écriture et valeurs sociales
47Au cours du xixe siècle, le développement du système éducatif britannique en Inde s’établit sur la prééminence de l’écrit, créant un antagonisme entre, d’un côté, tradition orale et culture populaire, de l’autre, transmission par l’écrit et culture des élites. Ce système préside à la mise en place d’une administration régie par les jeux d’écriture. Des droits communaux, des usages ancestraux se seraient retrouvés abolis par la législation s’ils n’avaient pas été consignés par écrit dans les nouveaux actes législatifs, déterminant les nouvelles lois sur la propriété foncière. De même des usages purent être désignés comme ancestraux, et être ainsi figés dans un corps de texte, quand bien même ils étaient le fruit d’évolutions récentes, ce qui était souvent le cas dans un contexte où les pratiques agraires reposaient sur des frontières spatiales et sociales à la fois floues et mouvantes.
48Cette tendance à l’extension du domaine de l’écrit, concomitant à une plus grande centralisation politique, était déjà le fait des administrations moghole et marathi. Ceci permet aux historiens indiens d’insister autant sur la continuité historique des évolutions de la société en Asie du Sud sous l’administration britannique que sur les ruptures entraînées par cette dernière. Le changement résiderait donc plus dans l’échelle de l’application de ce système administratif fondé sur l’écrit, mais aussi, et c’est un aspect moins souligné, sur le nouveau rôle social conféré aux scribes, dont la position ne revêtait jusqu’alors aucun prestige particulier. Parallèlement, comme ceci est évoqué plus haut, les groupes dont les systèmes de transmission des savoirs et l’organisation se fondaient sur l’oralité se trouvèrent marginalisés.
49L’installation des communautés de scribes et de lettrés, dans des régions où leur présence était extrêmement minoritaire, fut encouragée par le développement de la présence britannique pour les besoins de son appareil administratif (dont un des piliers était le Permanent Land Settlement Revenue de 1793, c’est-à-dire l’établissement des statuts fonciers et du système de perception), mais aussi pour les besoins de son système éducatif. Les institutions scolaires devinrent un de leurs domaines réservés.
50Parallèlement, l’idée commença à prévaloir qu’une adaptation aux conditions matérielles qui avaient permis aux Britanniques d’imposer leur gouvernement ne porterait pas atteinte aux valeurs fondamentales de la culture indienne. Ainsi, par exemple, les mythes hindous furent transposés dans le style pictural anglo-saxon. D’un autre côté, en privilégiant les manifestations publiques de nature traditionnelle ou religieuse par rapport aux expressions d’opinion publique sous des formes politiques plus novatrices, les autorités britanniques encouragèrent le développement d’une instrumentalisation des traditions, et par là leur relecture (Metclaf 1995 : 188-189).
51C’est ainsi que les confrontations identitaires entre Européens et Indiens, qui avaient commencé avec l’arrivée des Portugais, se poursuivirent et s’intensifièrent au cours du xixe siècle. En 1839, la conversion de deux de leurs membres et la dévalorisation de leur héritage socio-culturel, par le Père Wilson, a conduit les Parsis à entrer dans une phase de reconstruction de leur identité culturelle à partir des études philologiques que les orientalistes européens – particulièrement français et néerlandais – avaient réalisées des textes en langue avestie, laquelle n’avait alors plus cours en Inde. Ici aussi, la référence à l’écrit se traduit par la construction d’une culture classique face à une culture fondée sur un mode de transmission oral, processus qui relègue ce dernier à l’état de folklore. C’est également le cas dans la danse. Le Bharata Nâtyam, la danse de l’Inde, procède de ce mouvement caractéristique de l’effort des élites du pays pour investir le corps d’une symbolique nationaliste épurée24. D’autres danses, ayant échappé à la réappropriation des élites indiennes du Raj, ne se verront pas reconnaître le statut de danse classique. C’est notamment le cas de la danse Gotipua en Orissa, considérée comme une forme folklorique de la danse indienne, bien qu’héritière de la tradition devadâsî.
Le corps : discipline et symboles
52La confrontation entre les représentations du corps en Occident et la découverte de représentations asiatiques, et particulièrement indiennes, répondant à une approche en contraste flagrant avec les canons européens a été soulignée par Raymond Schwab (1950 : 500) dans les années 1950 :
L’homme d’Occident, jusqu’alors, avait pu prendre pour modèle parfait son propre corps avec ses membres équilibrés deux à deux, avec sa charpente toute symétrique et déjà pareille à un conseil de sagesse dichotomique. Que dira-t-il de dieux à qui l’on peut toujours rajouter quelque appendice destiné à les distraire en plusieurs actions adjacentes et contradictoires ? Toute sa rhétorique n’est pas seule en discussion, toute son assise organique est en péril.
53Au-delà du caractère un peu fantaisiste suggéré dans l’attribution du nombre de membres des dieux asiatiques, qui correspond en fait à une symbolique stricte, l’auteur souligne l’importance englobante des représentations du corps dans les systèmes de pensée, tant occidentaux qu’asiatiques. Il poursuit sa réflexion en reliant la capacité de lecture de « la sémantique du corps », ou pour le moins de la symbolique de sa représentation, avec la perpétuation des traditions orales :
L’Asiatique, avec une agilité naturelle encore aiguisée par des siècles d’exercice pieux, lit à livre ouvert sa plastique et se trouve à l’aise parmi les enchevêtrements dont il fut lui-même le fils et le témoin, la chrétienté, elle a perdu, depuis la fin du Moyen Âge, la faculté de lire les bibles de pierre, dont les signes ont été évincés par le monopole du livre, si l’Inde est riche en ignorants de l’écriture, l’Occident a un nombre prodigieux d’illettrés de l’image (idem).
54La simultanéité suggérée par R. Schwab entre la persistance d’une capacité delecture symbolique du corps et de ses attributs, et son remplacement par une approche au réalisme étroit et contraignant, au moment de l’établissement d’une domination culturelle de l’écrit, semble pouvoir s’appliquer au cas de l’Inde.
55La place du corps, dans un système éducatif aux valeurs normatives issues de la société victorienne, ne pouvait qu’être restreinte. Par conséquent, si le corps n’était pas absent dans le système éducatif développé par les Britanniques en Inde, la place qui lui était accordée subit des mutations très significatives. Ceci se traduit notamment par l’adoption d’uniformes pour les écoliers, encore en usage aujourd’hui, marquant ce confinement qui vise à le discipliner, dans le sens étatique du terme, tel que Foucault l’a analysé, et non dans le sens hindou de le connaître en l’expérimentant afin de mieux le maîtriser.
56La dégradation de l’image du corps a été aggravée en Inde, comme dans de nombreux pays colonisés, par la volonté des élites nationalistes de se défaire des clichés orientalistes à caractère « sensualisant » attachés à leur pays. Les propos du « père de la nation », Gandhi, toujours au sujet de la médecine occidentale, permettent d’illustrer ce sentiment :
Les médecins occidentaux nous persuadent de nous laisser aller avec le résultat que nous sommes devenus dépourvus de notre capacité à nous contrôler et sommes devenus efféminés. Dans ces conditions nous sommes incapables de servir le pays.
(Arnold 1993 : 91-92)
57La faiblesse sensuelle a été perçue comme une des causes de la défaite face au colonisateur, ce dernier étant moins accaparé par les plaisirs charnels et plus enclin au progrès matériel développé à partir du labeur intellectuel. Ce faisant, tout un pan de la vie extravagante des Européens en Inde et des babus – riches Indiens de la région du Bengale ayant bénéficié de l’instauration du régime britannique – se trouvait mis de côté. Par ailleurs, il existe également une riche tradition littéraire et artistique, classique comme folklorique, dans laquelle le corps, loin d’être assimilé à une entrave, représente le véhicule de l’épanouissement et de la « libération » (moksha) et dans laquelle aucun sentiment de culpabilité n’est lié à la « sensualité » (kama). La culture indienne s’est même attachée à explorer les correspondances des humeurs humaines (rasa) et leur transcription à travers les différents contextes et les manifestations de la nature.
58Une multitude de traditions d’arts martiaux à la croisée des jeux de cannes, des exercices acrobatiques et des postures du yoga ont également cours en Inde. Le plus reconnu aujourd’hui est celui du kalari payattu, encore en vigueur dans le Kerala et volontiers présenté comme la plus ancienne pratique d’arts martiaux en Asie qui se serait diffusée dans le reste du continent avec les pèlerins hindo-bouddhistes. On peut également citer le kushti, ou lutte traditionnelle, pratiqué sur les akhara25.
59Dans de nombreuses communautés, notamment artisanales, le corps était partie intégrante de l’éducation et de la transmission des savoirs. Parmi certaines communautés administrativement catégorisées comme tribales, il était entièrement intégré au processus d’apprentissage, ainsi que Verrier Elwin (1968) l’a étudié, notamment à travers son ouvrage sur les maisons de jeunes, les gothul, des groupes Gonds d’Inde centrale. Ces pratiques sont toutefois en voie de marginalisation, voire de disparition.
60À la différence du Japon et de l’art du sumo ou du judo, de la lutte traditionnelle en Mongolie, les pratiques corporelles populaires de l’Inde semblent avoir moins bien résisté que celles d’autres pays à la pression des activités importées. C’est notamment le cas de l’Indonésie, avec le pencak silat (voir article de J.-M. de Grave), ou de la Thaïlande et sa tradition de l’art de la boxe (voir article de S. Rennesson). Ces pratiques, bien qu’adaptées à un contexte socio-économique renouvelé, ont conservé une popularité très marquée. Si elles ont aussi fait l’objet d’une instrumentalisation politique, enjeu et symbole de l’affirmation nationaliste26, celle-ci s’est reportée en Inde sur des pratiques plus élitistes, le polo, le cricket et le hockey, sports empruntés aux Britanniques27 (notons tout de même le cas commun à ces trois pays du développement local d’une forme de danse classique).
Conclusion
61Alors que l’Inde conquiert le marché mondial avec ses ingénieurs informatiques, l’Occident préfère conserver l’idée d’un pays où la dichotomie entre le corps et l’âme serait inconnue et entretiendrait une relation harmonieuse. Une étude de la place du corps dans le système scolaire aujourd’hui, ainsi que dans l’idéologie des classes dirigeantes, tendrait à remettre en cause de telles conceptions. Dans ce système – hérité en droite ligne de l’administration coloniale britannique et que certains groupes de la population indienne ont commencé à investir dès la fin du xviiie siècle – la condamnation de tout élément connoté corporellement qui dérogerait à la morale victorienne reste de mise. Bien peu de place y est accordée au rôle du corps dans les processus de transmission, les conceptions du corps étant accaparées par la question de la représentation sociale à travers la symbolique vestimentaire, une représentation significative, que ce soit dans le cas de l’uniforme d’écolier des centres d’enseignement britannique ou bien qu’il s’agisse du port des tenues traditionnelles recommandées par Gandhi. Même dans une institution comme la Tagore International School, qui se réfère directement au poète, célèbre pour son amour de la nature et des différentes manifestations de celle-ci, les élèves sont rigoureusement tenus au port du costume à la mode anglo-saxonne. Les pratiques corporelles se sont peu à peu reportées sur les innombrables salles de musculation, les sports de rue – essentiellement le cricket – et les danses festives. Celles-ci ont d’ailleurs envahi les écrans de cinéma au point d’en faire une marque de fabrique du cinéma indien.
62On peut voir dans la déperdition ou la dévalorisation actuelle des techniques du corps traditionnelles et dans le caractère valorisé de pratiques importées standardisées et élitistes l’abandon d’une partie du propos des premiers dirigeants nationalistes indiens sur la question du corps, comme d’ailleurs sur celle de l’intégration de la dimension rurale du pays. La centralisation de l’administration, la substitution de l’écrit à l’oralité, la « classicisation » de la culture, l’ascendant des communautés de scribes sur les autres corporations, tous ces phénomènes ont été concomitants au déclin de la place du corps dans la société indienne en général. L’histoire du système éducatif moderne extrêmement élitiste permet de confirmer que la place du corps dans les modes de transmission du savoir constitue un terrain sur lequel se traduisent des mutations sociales essentielles et, plus spécifiquement, l’évolution générale de l’État.
Bibliographie
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Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Gouverneur de Bombay de 1819 à 1827 – dont le nom est attaché à l’histoire de l’enseignement dans la présidence de Bombay et à celui d’un collège créé en 1834.
2 « A class of interpreters between us and the millions whom we govern – a class of persons Indian in blood and color, but English in tastes, in opinions, in morals and in intellect. », Macaulay cité par Bhabha (1994 : 87).
3 Il s’agit d’écoles privées, par opposition aux government schools qui correspondraient aux écoles publiques en France. Les colleges se multiplient aussi au même moment, voir plus bas à propos de l’enseignement supérieur.
4 L’organisation administrative de l’empire des Indes comprend alors les présidences de Calcutta, de Bombay et de Madras, différentes provinces (Nord-Ouest, Inde centrale, etc.) et une multitude d’États princiers sous administration indirecte.
5 Il s’agit des établissements dispensant un enseignement supérieur, universitaire ou technique. Ces institutions ne sont cependant pas habilitées à organiser les examens, ni à délivrer les diplômes. Ce sont les universités proprement dites qui ont cette capacité ainsi que celle de fixer le programme des examens. Jusque dans les années 1920, à ces collèges universitaires du premier ou du deuxième degré peuvent également être attachées des classes préparatoires à l’examen de matriculation, correspondant au cycle des high schools, conditionnant l’admission au cycle d’enseignement proprement universitaire.
6 « I am quite ready to take the Oriental learning at the valuation of the Orientalists themselves. I have never found one among them who could deny that a single shelf of a good European library was worth the whole native literature of India and Arabia. » Tiré des Minutes de Macaulay pour la défense de l’enseignement en langue anglaise contre l’enseignement en langues indiennes, présentées au gouverneur général, le 2 février 1835.
7 À propos de cette polémique, voir dans l’article de T. Leucci la partie consacrée au Kalakshetra « College of Fine Arts » où sont évoquées les positions et le rôle du théosophe Georges S. Arundale, partisan des Orientalistes en matière d’éducation.
8 « The great object of the British Government ought to be the promotion of European literature and science among the natives of India, thus promoting and establishing a permanent position for the use of English language in Indian educational institutions. »
9 Au Bengale, il existe alors déjà quatorze collèges universitaires, dont neuf à Calcutta.
10 À l’Université de Calcutta, les deux premiers étudiants à être reçus à l’examen de First Arts sont Jadunath Basu et le célèbre écrivain B. C. Chatterji.
11 Parmi lesquels cinq jeunes filles sur six candidates.
12 Son nom est attaché à l’histoire de l’enseignement dans la présidence et à celui d’un collège créé en 1834.
13 Archives des Jésuites, Centre de Paris/Fmd 100, n° 3. Trichinopoly, Le Collège Saint Joseph, 1er novembre 1934, par le révérend père Mahé (recteur), 3p.
14 Archives du ministère des Affaires Étrangères à Paris, « Relations avec la France », Correspondance politique et commerciale, Nouvelle série, Inde, n° 31, le 28/10/1902.
15 Archives de l’Alliance française à Paris, Bulletin de l’Alliance française, n° 3-4, janvier-mars 1885 : 20-24.
16 Archives du Ministère des Affaires Étrangères à Paris, Correspondance consulaire et commerciale de Calcutta, n° 12, le 06/03/1907, « Les boursiers de voyages indiens ».
17 Archives de l’Indian Office, V/26/864/13 : « Report of the Committee on the Indian students », 1921-1922, parts 1 & 2, London, 1922 : 116-118.
18 Plus d’un demi-siècle après l’Indépendance ce trait reste une des caractéristiques majeurs de l’enseignement supérieur en Inde.
19 Sur environ 6 000 étudiants indiens qui partent chaque année à l’étranger, les États-Unis en accueillent presque la moitié. Par exemple, sur 6 426 étudiants partis à l’étranger pour l’année 1996-1997, 3 022 choisirent l’Amérique. Source : Ministry of Human Resource Development.
20 À ce sujet, voir Tagore (1919).
21 Voir l’article de T. Leucci à ce sujet, en particulier la partie concernant l’« apprentissage actuel » où est aussi évoquée la question de l’influence de la participation des élèves occidentaux sur l’inflation du prix des cours.
22 Rani signifie « reine » (féminin de raja).
23 On ne peut s’empêcher de penser à cette réflexion de Macaulay dans ses Minutes de 1835 : « Why then is it necessary to pay people to learn Sanscrit and Arabic ? Evidently because it is universally felt that the Sanscrit and Arabic are languages, the knowledge of which does not compensate for the trouble of acquiring them ».
Pour avoir une idée de l’état de ces débats au tournant du siècle, voir Indian Office, V/26/864/2, Indian University (Raleigh commission), vol. ii, Abstract of Evidence, au chapitre « vernacular languages ».
Afin d’appréhender plus avant le degré de pénétration de l’anglais et les arguments les plus récents pour sa promotion, voir Bhaksar Goshe, « The state of our English », dans Frontline vol. 22, n° 15, Chennai, 2005. Dès la deuxième ligne on peut lire : « The [English] language has been here for over 50 years after the British left, and, if anything, has consolidated its position in the social, political and economic discourse in this country. » http://www.frontlineonnet.com/ fl2215/stories/20050729005411600.htm
24 Voir l’article de T. Leucci sur cette question.
25 Terrains attenants aux temples hindous et destinés à l’entraînement physique.
26 Sur ce point, voir Gaudin (2009).
27 Le hockey reste diffusé dans des proportions incomparablement moindres que le cricket. Quant au football, sa diffusion reste très limitée.
Auteur
A soutenu en 2002 à Nantes une thèse de doctorat en histoire sur les contacts entre les élites indiennes et françaises. Il a travaillé en Inde de 2002 à 2008 comme enseignant, chercheur et coordinateur de recherches pour des projets européens, notamment au Centre de Sciences Humaines et à l’université de Jawaharlal Nehru. De 2008 à 2011, il est directeur de l’Alliance française de Chittagong. Ses travaux s’attachent à l’articulation des dynamiques culturelles et sociales avec les représentations collectives touchant le sous-continent indien, que ce soit d’un point de vue endogène ou exogène. Il est l’auteur et le coéditeur de nombreux ouvrages et articles.
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