Vue sur le cycle d’Orange : être à la fenêtre, du motif rhétorique à une thématique structurante
p. 87-103
Texte intégral
1Liée au nom même de Guillelme, l’assonance féminine en è-e joue, on le sait, un rôle important dans le Cycle d’Orange, soit en apparaissant à des moments cruciaux comme la mort de Vivien dans les Aliscans, soit en caractérisant la structure de la chanson, par le refrain dans La Chanson de Guillaume ou par le vers orphelin dans le cycle des Narbonnais1. Par le biais de cette assonance, les mots fenestre(s) ou estres, devraient apparaître fréquemment et tisser un jeu subtil autour du nom du héros principal dans les premières œuvres avant de devenir une thématique récurrente du cycle, même s’il faut bien reconnaître que ce héros est plus souvent appelé Guillaume que Guillelme.
2Cependant, à en croire les spécialistes de la technique épique, la vue par la fenêtre ne serait qu’une variante du motif du panorama épique, mais au demeurant sans se plier avec régularité à sa codification stéréotypée, ce qui est en soi déjà un problème2. C’est pourquoi, il nous a semblé possible d’en faire une autre analyse, au moins dans les chansons élaborées autour du personnage de Guillaume, partant du constat que, dès les plus anciens textes du cycle, le motif développait une relation homme-femme propre à évoquer une situation courtoise et à devenir une thématique caractéristique du couple Guillaume-Guibourc.
3Pour vérifier cette impression, il s’avérait nécessaire de croiser la chronologie de rédaction des textes3 et la logique interne d’un cycle à la structure assez homogène, en s’attachant aux textes compilés par les manuscrits. Ce faisant, c’est la genèse même du couple qui s’élabore autour du motif de la posture à la fenêtre, appelé ainsi dans d’autres textes du cycle à être au centre des relations entre le héros et sa dame. Dès lors les effets recherchés ne peuvent que dépasser le simple motif rhétorique pour devenir une thématique structurante dans une perspective courtoise.
4Faute de pourvoir partir d’une chronologie vraiment assurée de la rédaction des premiers textes, nous avons choisi pour les plus anciens textes de partir de la logique narrative du cycle, telle que les allusions d’un texte à l’autre permettent de l’établir et telle que la présentent les compilations de la famille A et le manuscrit C de Boulogne, cependant que les manuscrits B et D y ajoutent surtout l’amont généalogique et narratologique que constituent les aventures des Narbonnais. Toutefois, pour respecter l’ordre vraisemblable de création, nous avons laissé de côté dans un premier temps les enfances des héros (Guillaume et Vivien) qui répondent à une logique d’élaboration postérieure à la peinture de la vie du héros adulte.
5Dès lors, le premier texte susceptible de nous intéresser tant par sa date de composition que par l’amorce narratologique qu’il constitue est Le Couronnement de Louis. Force est de constater qu’il n’y ait guère question de fenêtres ; la seule scène est celle d’une banale entrée dans une ville observée du haut des fenêtres qui bordent la rue : lorsque Guillaume et les siens pénètrent dans Tours pour secourir Louis, les traîtres les prennent pour des renforts4. L’affluence en ville est telle qu’il semble difficile de se loger et que les chevaliers sont réduits à dormir dans les loges5.
6Hormis cela, pas plus de vue par la fenêtre que de panorama épique. Mais aussi pas plus de femme que d’amour, sommes-nous tenté d’ajouter. Certes, il est bien fait allusion dans un vers à Orable, juste avant le mariage de Guillaume avec la fille de Guaifier, mais pour appartenir à toute la tradition manuscrite, le vers n’en pose pas moins un problème de logique du récit, puisque Guillaume n’est pas censé encore la connaître6. Quant à la promise, elle a beau être une pucelle sage (C 1126), la « plus bele dame » du monde (AB 1358,1364 = C 1050,1056) et semblant plaire à Guillaume, son rôle est réduit à l’utilité d’un mariage arrangé, destiné à fournir un fief au héros, à un point tel que la malheureuse n’a même pas de prénom. Même si le mariage est interrompu au pied même de l’autel par les messagers venus de France, l’épaisseur du personnage, renforcée par les adieux, était suffisante pour lui prêter une identité. Si elle n’en a pas, c’est peut-être que, dans cet épisode, il n’était point question d’amour.
7Le Charroi de Nîmes, qui vient ensuite dans la logique du récit, offre en revanche dans sa première mention de fenêtre ce qui est, de fait, un panorama épique : rappelons que, sur le chemin du retour, Guillaume est invité par son hôtesse de Saint-Gilles, au cours d’une promenade, à monter en un « solier » afin de découvrir les exactions commises aux alentours par les Sarrasins. Mais, tout comme Anne Iker-Gittleman fait remarquer à propos de Garin le Loheren qu’il est assez peu logique de trouver un tertre au milieu d’un « larris » pour embrasser d’un coup d’œil panoramique l’ampleur des combats7, de même il est assez invraisemblable pour les hôtes de Guillaume de se lancer dans une excursion champêtre en connaissant la proximité du danger. En l’occurrence, il ne pourrait s’agir d’une incursion surprise des sarrasins, puisque c’est à dessein que l’hôtesse invite Guillaume à monter avec elle.
8Mais il est surtout remarquable de noter que Guillaume se méprend tout à fait sur les intentions de son hôtesse et qu’il en donne une lecture bien différente mais tout aussi stéréotypique, soulignée par le récit au discours direct qu’il en fait à l’empereur Louis :
Il s’en ala es prez esbanoier
O sa mesnie, le gentil chevalier,
…………………………………………………
Quant par la resne me sesi sa moillier.
Ge descendi, ele me tint l’estrier,
Puis me mena aval en un celier,
Et del celier amont en un solier ;
Ainz n’en soi mot, si me chaï es piez.
Cuidai, beau sire, qu’el queïst amistiez
Ou itel chose que fame a home quiert.
Se gel seüsse, ne m’en fusse aprochiez
Qui me donast mil livres de deniers.
Damandai li : «Dame, fame que quierz8 ? »
9Plusieurs remarques s’imposent : pour le locuteur, sans doute aussi pour son impérial interlocuteur, et pour le public, cette situation est décryptée dans un premier temps comme une situation de relation amoureuse, et même si, à cet instant, la fenêtre ne joue aucun rôle, c’est par le biais de cette situation que le panorama épique est introduit. En outre, à plus d’un tiers du récit, cette hôtesse est le premier personnage féminin de quelque consistance à être mentionné, hormis les vagues propositions de mariage que Louis fait miroiter à Guillaume pour l’apaiser. Bien plus, cette confidence de Guillaume à Louis suit immédiatement la seule et unique mention d’Orable dans cette œuvre, par l’empereur et en ces termes :
« C’est la plus bele que l’en puisse trover
En paienime n’en la crestïenté9. »
10Le caractère courtois est encore accentué, nous semble-t-il, par l’effet de flash-back, puisqu’il s’agit pour Guillaume à la fois d’une réminiscence et d’un secret confié à son suzerain, et que le rappel du serment prononcé à ce moment-là engage l’empereur à accéder à la demande de congé de Guillaume. Si, comme l’analyse Jean-Pierre Martin, il y a bien une réaction émotionnelle liée à la découverte du panorama épique, cette première évocation de la fenêtre dans Le Charroi de Nîmes nous paraît tout autant liée au souvenir nostalgique tel qu’on le trouve dans La Prise d’Orange.
11Il ne faudrait pas pour autant en conclure que c’est là le seul usage typologique qui est fait de la fenêtre dans Le Charroi de Nîmes. Dès lors qu’il n’est plus question d’un rapport homme-femme, la fenêtre est liée à la mort, soit que Guillaume précipite dans le verger le cadavre d’Aymes le vieil après l’avoir tué d’un coup de poing pour avoir osé le dénigrer auprès de l’empereur (v. 742-50), soit qu’une centaine de païens, dont le roi Otran, soit défenestrée pour avoir refusé la conversion (v. 1455-62).
12Si nous mentionnons ces faits extérieurs à une relation amoureuse, c’est qu’ils établissent un lien subtil avec les autres œuvres du cycle. En effet, la mort donnée d’un coup de poing caractérise le personnage de Guillaume, et c’est à ce moyen qu’il recourt dans Le Couronnement de Louis pour tuer le prétendant Hernaut, ne voulant pas pécher en tirant son épée dans une église (sic) (rédactions AB 129-33, C 92-96). Bien plus, les vers sont semblables, l’assonance est la même dans Le Charroi de Nîmes (v. 744-5) et le groupe de vers se retrouve également dans La Prise d’Orange, lorsque Guielin, neveu de Guillaume, abat ainsi leur geôlier10. Or, ce geôlier n’est pas le premier à être tué de cette manière dans cette œuvre-ci. En effet, Guillebert, l’homme même qui va susciter l’amour de Guillaume pour Orable par son évocation, va s’évader en tuant un Sarrasin à la manière de Guillaume. Cela pourrait s’arrêter à une simple coïncidence si le texte ne précisait aussitôt :
Par la fenestre s’en avale ça jus. (La Prise d’Orange, v. 124)
13Ce mode d’évasion est suffisamment important pour que Guillebert le rappelle dans son récit :
« Par la fenestre m’en eschapai tot sol
Conques ne fu perceüz de nul d’ous. » (La Prise d’Orange, v. 224-5)
14Ainsi s’établit un réseau supplémentaire de correspondances entre le « chétif » Guillebert et Guillelme : il y avait déjà la paronomase soulignant la cristallisation amoureuse du héros sur Orable à la description faite par le fugitif. S’y ajoutent un comportement identique dans l’usage du coup de poing et surtout une correspondance liée à la fenêtre : Guillebert quitte Orange par une fenêtre, et se dirige vers Nîmes, où Guillaume va observer son approche d’une fenêtre. Ainsi l’éblouissement courtois à distance ou amour de loin va-t-il s’établir par le biais du motif de la fenêtre11.
15En effet, s’il est vrai que la Prise d’Orange crée un couple mythique avec Guillaume et Orable, le fait que la première apparition du héros dans le récit soit celle de «Guillelmes as fenestres»(v. 74) est alors significatif. L’épisode est trop célèbre et commenté pour qu’on le rappelle en détail, mais il convient de rappeler les effets de symétrie suscités par la technique épique. D’une part les laisses III et IV associent dans un effet de chiasme la posture à la fenêtre et la reverdie, et d’autre part les laisses V et VI lient la vue par la fenêtre et l’arrivée de Guillebert, évadé d’Orange.
16Qui plus est, l’attitude mélancolique de posture à la fenêtre recoupe la nostalgie du souvenir dans Le Charroi de Nimes. Outre que l’arrêt à la fenêtre prolonge la méditation au sortir de l’office divin (v. 44-48), la mélancolie qui gagne le héros au souvenir de douce France se teinte nettement d’esprit courtois puisque Guillaume déclare à son neveu :
« De France issimes par mout grant povreté,
N’en amenames harpeor ne jugler
Ne damoisele por noz cors deporter. » (La Prise d’Orange, v. 55-57)
17idée développée à la laisse suivante :
« De France issimes il n’a mie lonc tens ;
S’eüssons ore.M. puceles ceanz,
De ceus de France, as genz cors avenanz,
Si s’i alassent cist baron deportant
Et ge meïsmes alasse donoiant,
Icele chose me venist a talant. » (La Prise d’Orange, v. 86-91)
18C’est donc nettement dans cet état de manque affectif et de propos galant que les fins de laisse annoncent le prochain bouleversement suscité par l’arrivée de Guillebert12.
19S’il faut se persuader que, loin d’être un point de vue de panorama épique, la posture à la fenêtre revêt dans La Prise d’Orange un caractère mélancolique et/ou courtois, un faisceau d’éléments significatifs vient étayer cette analyse. Tout d’abord, le personnage que voit s’approcher Guillaume n’est pas un messager dépêché pour un appel au secours, et le panorama qu’il dresse n’est pas celui d’une ville assiégée mais évoque une cité à la richesse exotique et donc merveilleuse et la gradation des descriptions culmine avec le portrait d’Orable, préparé en contrepoint par celui du diabolique Arragon. Au demeurant la description faite de l’animation qui règne dans la ville (v. 245-9), puis l’entrée même de Guillaume dans Orange ne sont pas sans rappeler les descriptions romanesques13.
20Par ailleurs, et contrairement à d’autres textes épiques, le siège des Français dans Gloriette, pont-levis relevé (v. 856 sq.), ne fait mention d’aucune apparition à la fenêtre, ou tout au moins à ce qui pourrait être des créneaux, malgré la mention de sarrasins précipités dans les fossés et l’existence d’un dialogue entre assiégeants et assiégés. Ce palais merveilleux est bien un monde clos comme l’analyse Alain Corbellari. De surcroît, la méditation de Bertrand, resté à Nîmes et regrettant son oncle, se fait aux fenêtres du palais d’Otran ; et bien qu’elle prépare le retour de Guillebert venu chercher des renforts, le choix du poète n’est pas de faire apercevoir l’approche du messager par Bertrand : le seul panorama qu’il contemple est celui offert par la reverdie14.
21Il semble en tout cas que la relation établie entre les deux personnages par l’intermédiaire de la fenêtre ait suffisamment été sensible pour que, dans le manuscrit B1, la miniature séparant Prise d’Orange et Charroi de Nîmes fasse figurer Orable à une fenêtre de tour cependant que Guillaume entre dans la ville et alors même que rien de tel n’est dit dans le texte15. Ainsi donc, bien au-delà du célèbre « Guillelmes as fenestres », se tisse tout un jeu subtil de correspondances qui établit la fenêtre au cœur de la relation amoureuse entre Guillaume et Orable devenue Guibourc par le baptême.
22Cette participation de la posture à la fenêtre dans la formation du couple Guillaume-Guibourc n’avait sans doute pas échappé aux auteurs des œuvres du cycle, à analyser l’usage qui est en fait dans les œuvres qui tournent autour de la bataille de l’Archamp, alors même que celle-ci est l’occasion de séparer le couple, et que de longs passages sont consacrés à un autre héros, Vivien.
23En effet, la toute première apparition du couple dans La Chanson de Guillaume se fait précisément à une fenêtre :
Li ber Willame ert repeiré de vespres ;
A un soler s’estut a unes estres,
Et dame Guiburc estut a sun braz destre.
Dune gardat par la costere d’un tertre,
E vit Girard qui de l’Archamp repeire ;
Sanglante espee portat en sun poig destre,
Devers la mure se puiat contre terre16.
24On retrouve ici la situation caractéristique de La Prise d’Orange, celle d’un moment de tranquillité au sortir de l’office, et aussi la découverte d’un homme qui s’approche. Ce n’est donc pas peut-être pas tant dans La Prise d’Orange une sortie de la sphère du religieux17 que le prolongement de l’instant de calme avant la tempête. Certes, contrairement à Gillebert, Girard est porteur de très mauvaises nouvelles. Certes, dans un texte comme dans l’autre, il est fait mention de tertres, ce qui n’est pas sans rappeler implicitement le motif du panorama épique. Peut-on pour autant amalgamer les deux ?
25Rien n’est moins assuré, même si Guillaume pressent la mauvaise nouvelle : d’une part l’éloignement joue, puisque Guillaume est à Barcelone, encore plus loin de l’Archamp que Nîmes ne l’était d’Orange, et d’autre part la prise de conscience est limitée, puisque le messager Girard relate avec sobriété la situation, atténuant son ampleur catastrophique et s’attachant surtout à répéter les paroles de Vivien. Le panorama épique ne se déploie donc que pour autant que le messager le donne à comprendre.
26Mais à travers cette prise de conscience du monde extérieur apportée par la posture à la fenêtre se dessine toute la grandeur d’âme de Guibourc : non contente de réconforter Guillaume et de le supplier de secourir Vivien, elle lui confie son neveu Guichard et manifeste son attachement au lignage de Guillaume, consacrant ainsi l’union établie. Pendant la première bataille de Guillaume à l’Archamp, elle agit en suzeraine avertie en convoquant des troupes fraîches, et en les recevant dignement, mais il est significatif qu’au milieu de cette agitation, un instant de répit l’amène à nouveau à regarder par la fenêtre :
Guibourc meismes les sert de vin aporter.
Dunc s’apuiad al marbrin piler,
Par une fenestre prist fors a esgarder,
Et vit Willame par une tertre avaler,
Un home mort devant li aporter18.
27La richesse architecturale implique vraisemblablement qu’entre-temps Guibourc est revenue à Orange19 comme le confirment à la fois la suite du récit et ce qu’il en est dans Aliscans, mais surtout outre la mention du tertre dès lors que le regard par la fenêtre permet d’apercevoir quelqu’un qui s’approche, on retrouve le lien qui existe entre la vue par la fenêtre et le moment de répit, de méditation, si bref soit-il.
28Mais avant tout, lors du premier retour de Guillaume, loin d’être un simple stéréotype ou même, de façon plus élaborée, une irruption perturbante du monde extérieur dans l’univers clos et protégé de Gloriette, ce regard par la fenêtre permet à Guibourc de quitter la grand-salle et de se retrouver comme précédemment seule avec Guillaume pour faire face à l’accablement qu’il éprouve20. En effet, la force d’âme et la maîtrise de soi que déploie Guibourc ne peuvent porter ombrage à Guillaume, que ses vassaux ne doivent pas voir faiblir. Aussi est-il nécessaire de faire quitter la grand-salle à la dame. A la faiblesse du héros, ou du moins à son adoucissement, à sa féminisation répond la virilisation de sa partenaire. A cet égard, la situation est bien moins stéréotypée que la scène du départ qui va suivre :
Dunc remist sule Gubourc en la bone cité ;
En un soler en unt Guiot mené.
Tant cum il virent Willame al curb neis,
Gui e Guibourc, sil comanderent a Deu. (Ch. Guillaume, v. 1509-12)
29Si la fenêtre était à l’origine de la conquête de la belle sarrasine, elle s’avère également au cœur de l’exaltation du guerrier faiblissant par son épouse. Cela est confirmé par l’épisode des captifs, lors du second retour de Guillaume à Orange après sa piteuse victoire à l’Archamp. Si le dialogue à la porte, d’abord avec le portier puis avec Guibourc elle-même, n’est pas très explicite mais laisse supposer quelque guichet ou meurtrière, l’épreuve imposée par la dame de délivrer les captifs constitue une situation qui n’est pas sans rappeler des situations romanesques et qui, surtout, est suivie par la dame du haut « d’unes dé fenêtres » (v. 2303).
30La mise en perspective des différentes chansons est alors significative : tout d’abord, comme dans La Prise d’Orange, il s’agit une fois de plus pour Guillaume d’entrer dans la ville, une fois de plus il est déguisé, en ayant cette fois-ci pris des armes païennes pour échapper à ses poursuivants et donc tromper encore les païens, et une fois de plus ce déguisement le met en péril.
31Au demeurant, le passage correspondant d’Aliscans met en évidence le lien entre la situation de dialogue à la fenêtre et l’expression du sentiment amoureux. En effet, pour dialoguer avec son époux, Guibourc
Vient as batailles amont soz les fossez (Aliscans, v. 2003)
32et son discours à un chevalier apparemment inconnu d’elle est l’occasion de souligner le sentiment qui l’unit à Guillaume,
« Li gentix quens, qui de moi est amez. » (Aliscans, v. 2021)
33De même, elle rappellera ultérieurement le serment qui la lie à Guillaume et son baptême (v. 2201-4), cependant que son mari lui dispense des marques d’affection (v. 2388-9), autant de détails non mentionnés dans La Chanson de Guillaume.
34Cette force de caractère que la femme transmet au héros tant par ses conseils que par ses exhortations trouve son aboutissement dans le fait qu’elle est appelée à se substituer à lui dans son rôle féodal. C’est ainsi que dans La Chanson de Guillaume comme dans Aliscans, Guibourc, se propose de revêtir les armes avec les dames de la cité afin de défendre les remparts. Avec le départ de Guillaume, les créneaux se substituent à la fenêtre architecturale, et à la situation de dialogue se substitue celle de combat. Simple dispositif de sécurité dans La Chanson de Guillaume, la prise des armes par les femmes devient réalité dans Aliscans, et quand Guillaume revient, c’est pour découvrir le palais attaqué par les Sarrasins :
Dame Guiborc ot la broigne endossee,
L’elme lacié, si ot ceinte l’espee ;
Onc n’i ot dame ne fus cel jor armee
Sus as fenestres de la grant tor quarree.
Li chevalier ont la porte gardee ;
L’assaut fu grant et ruiste la mellee ;
Les dames ont mainte pierre jetee,
Meint Sarrazin ont la teste quassee,
Qui gisent mort, senglant, gole baee. (Aliscans, v. 4141-49)
35L’arrivée de Guillaume et des troupes venues en renfort surprennent et effraient Guibourc montée dans la tour (v. 4177-204) et c’est alors à nouveau l’occasion de dialoguer en armes à la fenêtre, de dupliquer le motif de l’identification par la bosse du nez et de surenchérir sur les démonstrations d’affection (v. 4221-51). Mais il est significatif que la première chose faite par le couple, une fois les armes déposées et en attendant le repas, est de se retrouver côte à côte à une fenêtre :
A la fenestre est Guillelme acoutez,
Lez lui Guiborc, de qui fu mout amez. (Aliscans, v. 4293-94)
36Ainsi retrouve-t-on l’instant de méditation et d’équilibre si caractéristique du cycle d’Orange. Au dialogue contradictoire de la dame et du héros par la fenêtre répond le côte-à-côte des époux silencieux à la fenêtre.
37Cette force de l’amour suscite dans Le Moniage Rainouart une réaction de Guibourc qui contrevient à toute les règles chevaleresques. Suivant des fenêtres de la tour le combat singulier de Guillaume et de Maillefer, elle craint pour la vie de son mari et pousse sa suite à intervenir, s’écriant notamment : « Se ge lou pert, jamais n’iere honoree21 ». Cet élan ne souffre aucune réprobation chevaleresque, mais il se peut que le texte présente quelque ambiguïté sur une éventuelle intervention des Sarrasins auparavant, toujours prêts pour leur part à ce genre de traîtrise. En revanche, quand c’est côte à côte à la fenêtre que Guillaume et Guibourc suivent le combat de Rainouart contre Maillefer, les règles chevaleresques sont respectées et Guillaume préfère dépêcher Guibourc dans la lice, alors même que le combat semble déjà joué (v. 2656-70).
38S’élabore également un jeu d’opposition dans le dialogue à la fenêtre selon qu’il s’agit d’une relation amoureuse de couple ou d’une relation féodale de suzerain et de vassal. Comment ne pas dès lors souligner le contraste de l’accueil par la dame aimante, quel que soit la situation de son seigneur, avec l’attitude désinvolte et hautaine du suzerain, l’empereur Louis, qui ferme sa porte à Guillaume trop pauvrement équipé et qui vient s’appuyer à la fenêtre pour lui conseiller d’aller se loger en ville (Aliscans, v. 2868-906). Contraste d’autant plus grand que, voyant par la fenêtre arriver la délégation venue demander au nom de Guillaume la main de sa fille Alis pour Rainouart, le même empereur Louis se précipite pour accueillir les représentants des Narbonnais, dès lors qu’ils sont noblement vêtus (v. 8045-49).
39Ces effets de correspondance ou de contraste invitent à voir dans toutes ces occurrences de posture à la fenêtre plus qu’un simple motif rhétorique stéréotypé : il semble bien que les poètes lui assignent un rôle beaucoup plus significatif et structurant.
40Que le motif de l’apparition à la fenêtre soit plus qu’un simple cliché et participe d’une construction trouve une première preuve dans la mise en abysme de l’art du jongleur par ce motif. Si la chose est discrète et non sans paradoxe dans La Prise d’Orange, elle est très nette dans La Chanson de Guillaume et Aliscans. On se souvient que, dans La Prise d’Orange, posté à la fenêtre du palais de Nîmes, Guillaume regrettait non seulement l’absence de galante compagnie mais aussi celle de joueur de harpe et de jongleur. Or quelques vers après, lorsque Guillebert arrivait auprès de Guillaume, il le trouvait en compagnie d’un jongleur :
Desoz le pin lor chantoit uns jugler
Vielle chançon de grant antiquité ;
Mout par fu bone, au conte vint a gré. (La Prise d’Orange, v. 142-4)
41Au-delà de l’illogisme, peut-être qu’apparent d’ailleurs, se dessine une scène de genre, qui souligne l’attachement de Guillaume à l’art épique. Or lorsque Guibourc voit Guillaume revenir de l’Archamp la première fois, un homme mort en travers de l’arçon, elle s’inquiète et son entourage tente de la rassurer en lui suggérant qu’il s’agit sans doute d’un jongleur apprécié tant pour son répertoire que pour sa vaillance dans un passage déjà analysé par Rychner, mais du point de vue des connaissances des jongleurs22. Malheureusement, il s’agit en fait du neveu de Guibourc, mais cette idée de la présence des jongleurs sur le chant de bataille se retrouve aussi lors du second retour de Guillaume seul à Orange : Guibourc doute de son identité et trouve qu’il devrait être en bonne et nombreuse compagnie et que notamment :
« Tut entur vus chantassent ces juglers,
Rotes et harpes i oïst hom soner. » (Ch. Guillaume, v. 2247-8)
42La même idée est énoncée dans Aliscans :
« Cil jugleor fussent a l’assemblee,
Meinte vïele i eüst atempree. » (Aliscans, v. 2213-4)
43Par ailleurs lors des noces à la fin de La Prise d’Orange, il est précisé que :
Asez i orent harpeor et jugler,
Et dras de soie et hermins engouiez
Et muls d’Espaigne et destrier sejornez. (La Prise d’Orange, v. 1883-5)
44Ce clin d’œil des auteurs à leur art, à leur situation et aux gratifications qu’il peuvent recevoir, même s’il est topique, amène à être vigilant sur la façon dont sont insérées les mentions de fenêtres dans la trame du récit.
45De fait, l’évocation des fenêtres dans les palais de Nîmes et de Gloriette ne rend que plus sensibles les subtiles nuances qui séparent la méditation mélancolique de Guillaume et l’éblouissante rencontre avec Orable. La fenêtre participe du contraste et du jeu d’ombre et de lumière qui oppose et relie Nîmes et Orange. En effet, à la simple mention des « granz fenêtres » du palais nimois ouvertes sur le monde extérieur s’oppose la richesse des fenêtres fermant et isolant le palais de Gloriette :
De marbre sont li piler et li pan,
Et les fenestres entaillies d’argent ;
Et l’aigle d’or si reluist et resplent ;
Soleil n’i luist ne n’i cort point de vent ; (La Prise d’Orange, v. 646-9)
46La critique a déjà souligné combien le caractère merveilleux et clos de ce palais lui conférait les caractéristiques d’un autre monde. Cette analyse semble corroborée par la description du palais de la fée Morgue dans La Bataille Loquifer :
V. m fenestres i cloent la vespree,
Onques n’i ot de fust une denree,
Si n’i ot ais taillie ne dolee
Qui d’ibenus ne soit faite et ouvree.
En chascune a.i. peirre sodee,
Clere esmeraude ou grant topace lee,
Beril, sardine ou jagonce henoreee23.
47Dans La Prise d’orange, le passage d’un palais à l’autre se fait d’abord par la fenêtre pour Guillebert, qui sort de l’ombre de la prison, pour retrouver lumière et liberté, cependant que Guillaume et lui-même doivent se déguiser et s’obscurcir le teint pour pouvoir revenir dans Gloriette. Par la suite, la communication entre le monde clos de Gloriette et l’extérieur ne peut s’établir que par d’obscurs souterrains, à un point tel qu’est oblitérée la nécessité de se poster à la fenêtre ou au sommet de la tour pour dialoguer avec les assiégeants ou pour sonner de l’olifant et donner le signal de l’assaut aux Nîmois postés à l’extérieur (v. 1809, par exemple).
48Dans La Chanson de Guillaume, le jeu des correspondances repose davantage sur la répétition du motif et c’est là sans doute que celui-ci joue de façon plus explicite un rôle structurant. En effet, les apparitions à la fenêtre sont l’occasion de rendre compte de l’avancée des combats à l’Archamp : c’est après la première bataille, celle menée par Vivien, que Girard délivre son message au couple apparu à la fenêtre, amenant Guillaume, encouragé par sa femme à prendre le chemin du champ de bataille. Puis au retour du héros vaincu à son tour, Guibourc est la première à l’apercevoir par une fenêtre. Enfin, après la douteuse et difficile victoire à l’Archamp, c’est par la fenêtre que la dame s’assure de l’identité de son seigneur en le mettant à l’épreuve. Si le motif de la fenêtre disparaît ensuite du récit, le rôle de Guibourc reste considérable tant par le conseil qu’elle donne à son époux de demander l’aide de l’empereur, que par son intervention brève mais décisive pour réconcilier Rainouart avec Guillaume à la fin du récit, pour lors au sommet d’un tertre, dont l’élévation entretient quelque rapport avec la hauteur des fenêtres bien au-delà de l’assonance.
49Le souci de construction et d’effet de sens est peut-être moins perceptible dans Aliscans, du fait d’un récit débutant in medias res. Mais s’y substitue un effet de répétition de reconnaissance par la fenêtre, comme nous l’avons vu. En outre, au moment du retour de Guillaume, parti solliciter l’aide de l’empereur, tandis que la bataille fait rage autour d’Orange, lorsque Guibourc en armes est seule à sa fenêtre et qu’elle interprète négativement l’arrivée des renforts, qu’elle prend pour des païens, cela se traduit par un détail qui semble révéler la clergie de l’auteur, soucieux de donner un sens augurai au regard porté à travers la fenêtre sur le monde extérieur. En effet, montée dans la tour :
Devers senestre a sa chiere tornée (Aliscans, v. 4178)
50En revanche, la réunion du couple peu après à la fenêtre l’amène à porter un autre regard sur les secours :
A la fenestre est Guillelme acoutez,
Lez lui Guiborc, de qui fu mout amez.
Par devers destre s’est li quens regardez (Aliscans, v. 4293-5)
51La description d’une autre armée venant de la droite conduit le comte à une conclusion bien différente :
Biau fu li airs, pleniers fu li estez ;
De l’or des armes est mout grant la clartez.
Hernaus i fu, li preuz, li alosez ;
Li quens Guillelmes le reconnut assez :
As granz banieres les a bien ravisez. (v. 4299-302a)
52On peut toujours arguer que Guillaume sait par qui il est accompagné. Mais il est tout à fait remarquable que, pour lors, même s’il s’agit bien d’un panorama épique, les retrouvailles du héros et de sa dame à la fenêtre ont dissipé les fumées d’Orange incendiée pour rendre sa sérénité à un ciel de reverdie et en interpréter positivement les augures24.
53Cette thématique de la fenêtre créant et unissant le couple Guillaume-Guibourc est suffisamment prégnante dans le cycle de Guillaume pour qu’elle suscite non seulement des ajouts25 mais des imitations dans le cycle des Narbonnais. Ainsi une situation similaire à la précédente réunit Hermenjart et Aymeri à la fenêtre dans Les Narbonnais et elle est renforcée par la technique épique de reprise sur les deux laisses suivantes26. La séparation des époux est également l’occasion pour Hermenjart de se poster à la fenêtre et d’y rester aussi longtemps qu’elle peut voir la poussière soulevée par les chevaux27.
54Enfin, si dans La Mort Aymeri, bien des situations impliquent une posture à la fenêtre ou en haut des remparts, pour voir et/ou pour dialoguer, la seule mention qui est faite de l’élément architectural se trouve à la fin du récit, où Hermenjart, sans nouvelles, guette quotidiennement à la fenêtre et voit arriver le cortège funèbre de son époux, en comprend le sens et
A po ne chiet des fenestres pasmée28.
55Dans Le Siège de Barbastre, la passion de Gérard pour Malatrie naît dans un contexte matinal de reverdie, lors d’un moment de rêverie à la fenêtre, même si la motivation première est aussi la gloire de l’exploit à réaliser (v. 1874-97). Mais lorsqu’il doit se justifier auprès de son père pour sa sortie intempestive et risquée, Gérard met en avant l’éblouissement ressenti lors de cette vision à la fenêtre, ce que le père serait prêt à admettre si la tentative avait été réussie (v. 2249-94). Et il est tout à fait significatif qu’Adenet le Roi, en récrivant le passage dans Beuvon de Commarchis, synthétise en quelques vers tout le cheminement psychologique que suscite l’apparition à la fenêtre, de la nostalgie à l’amour :
Une fenestre ouvri droit devers Oriant,
De France li remenbre, si en va souzpirant,
Ce fu un petitet devant soleil levant.
Il regarda delez l’oriere d’un pendant,
La pucele choisi et l’ensaigne luisant29.
56Notre propos n’était pas de nier l’existence dans le cycle d’Orange du motif du panorama épique contemplé de la fenêtre, même si son schéma structurel mériterait aussi une étude : le motif existe bel et bien, mais l’existence de la fenêtre est le plus souvent suggérée uniquement par le verbe de vision. La mention de l’élément architectural nous semble répondre à d’autres logiques Ce peut être par exemple l’occasion de suivre un combat singulier programmé ou une bataille rangée bien plus que la découverte inopinée d’une situation désastreuse30. C’est encore la mise en valeur du héros par une entrée remarquée en ville, illustrée dans Le Couronnement de Louis et qu’on retrouve par exemple dans La Chevalerie Vivien, mais même dans ce texte-ci, cela peut très vite se teinter de galanterie dès lors que ce sont les dames et demoiselles qui admirent la prestance du héros31.
57La mention de la fenêtre, avec ou sans panorama à contempler, est aussi l’occasion d’une méditation notamment au petit matin, même en dehors de tout relation amoureuse32. C’est ainsi qu’au tout début des Narbonnais, qui s’ouvre par une reverdie, Aymeri prend le temps d’embrasser du regard le pays alentour (v. 28-33), comme pour y puiser l’inspiration, avant d’annoncer sa décision de pousser ses enfants hors du cocon familial.
58Toutefois, il semble que, sous l’influence de la littérature courtoise, les plus anciens textes du cycle d’Orange aient également exalté dans l’apparition à la fenêtre les relations entre le héros et la dame de ses pensées, influençant ainsi le reste du cycle33. La fenêtre focalise en elle le prisme de l’amour qui se construit et s’épanouit. Berceau de l’amour imaginé et rêvé, elle devient le vecteur privilégié d’un dialogue entre deux êtres qui se connaissent mieux que quiconque et s’épaulent dans l’adversité. Mais l’embrasure de la fenêtre accueillant les époux côte à côte concrétise l’épanouissement serein de cet amour tant il est vrai que s’aimer, ce n’est pas seulement être yeux dans les yeux, fenêtres du cœur, mais aussi regarder ensemble dans la même direction.
Notes de bas de page
1 Dans son édition du Charroi de Nîmes, Paris, Klincksieck, 1972, p. 44, rappelle toute l’importance de cette assonance pour mieux souligner l’« humour discret » de l’auteur, mais ce qui présuppose implicitement l’antériorité de la Chanson de Guillaume (cf. par le même éditeur, Paris, Picard, 1950, tome II, p. 74-85). Dans le seul texte des Narbonnais, cette assonance représente plus de 20 % des occurrences du vers orphelin.
2 Cf. Jean Rychner, La Chanson de geste. Essai sur l’art épique des jongleurs, Genève-Lille, Droz-Giard, 1955, p. 130-1 ; Jean-Pierre Martin, Les Motifs dans la chanson de geste. Définition et Utilisation, Lille, Centre d’Etudes Médiévales et Dialectales, 1992, et « «Vue de la fenêtre » ou « panorama épique » : structures rhétoriques et fonctions narratives », Au carrefour des Routes d’Europe : la chanson de geste (Xe congrès Rencesvals), Aix, Publications du cuer ma, 1987, tome II, p. 859-78.
3 Afin de mettre en lumière un cadre initial, propice à initier une imitation et donc une récurrence.
4 Couronnement de Louis, éd. Y.-G. Lepage, Genève, Droz, 1978, rédaction AB, v. 1608-10, rédaction C, v. 1325-27.
5 Ibid., rédaction AB, v. 1619, rédaction C, v. 1345.
6 Cf. note du vers 1417 (rédaction AB) de l’édition Lepage. Peut-être y a-t-il là une influence de la compilation, puisque Guillaume connaît Orable de réputation dans Les Enfances Guillaume, placées juste avant dans les manuscrits qui les donnent (f° 14 r°a, v. 19-26 du manuscrit BnF, f. fr. 24372 = v. 2353-2360 ; la numérotation renvoie à l’édition que nous préparons).
7 Dans Le Style épique dans Garin le Loheren, Genève, Droz, 1967, cf. J.-P. Martin, 1992, p. 197.
8 Le Charroi de Nîmes, op. cit., v. 553-65 ; le pronom initial désigne l’hôte.
9 Ibid., v. 523-24.
10 La Prise d’Orange, éd. Cl. Régnier, Paris, Klincksieck, 1986, v. 1603-4.
11 Dans La Prise d’Orange, le poète se plaît à mettre en parallèle Guillebert et Guillaume avec la reprise de la cheville « desoz le pin ramé » (v. 136 et 740). En effet, alors que celui-ci a vu venir de loin l’évadé, c’est « desoz le pin ramé » que Guillebert, messager involontaire de l’amour, le rejoint, créant ainsi un parallélisme avec l’éblouissement que connaît Guillaume à la découverte d’Orable installée sous le pin merveilleux, et alors que lui-même se présente à elle comme un messager de son mari.
12 Cf. les analyses d’Alain Corbellari, « Le dehors et le dedans dans La Prise d’Orange », Le Moyen Age, tome CVII, 2/2001, p. 239-52.
13 Cf. entre autres, John W. Maclnnes « Gloriette : The Function of the Tower and The Name in the Prise d’Orange », Olifant, tome 10, 1982-83, p. 29-30.
14 V. 1660-70. Voir à ce propos dans ce volume la communication de François Suard.
15 Cf. éd. Cl. Régnier, p. 43. Cela correspond à une certaine stéréotypie, comme on le voit dans Les Enfances Vivien.
16 La Chanson de Guillaume, v. 938-44. Rappelons que cette œuvre ne fait pas partie des compilations, mais elle est néanmoins éclairante compte tenu des rapports qu’elle entretient avec Aliscans.
17 Cf., dans l’article cité d’Alain Corbellari, les renvois aux analyses de Cl. Lachet et J. Dufournet, p. 243.
18 La Chanson de Guillaume, v. 1239-43. Le vers 1242 est faux, cf. tome 2, p. 46.
19 Et non Barcelone contrairement à l’analyse faite par J. Rychner, op. cit., p. 41. Il est plus logique que Guibourc regagne d’abord son fief pour lever des troupes, au lieu de se déplacer pendant la seconde bataille de l’Archamp.
20 Un détail souligne ce parallélisme, à moins qu’il ne faille l’imputer à la faiblesse d’invention du poète : en effet Guibourc sert le même menu aux deux messagers de mauvaise augure que sont Girard et Guillaume lui-même, venus à des dates différentes et éloignées.
21 Le Moniage Rainouart, éd. Gerald G. Bertin, Paris, Picard, 1973-1988, v. 1499.
22 La Chanson de Guillaume, v. 1253-74, cf. J. Rychner, op. cit., p. 16.
23 La Bataille Loquifer, éd. Colette Dehalle, thèse de troisième cycle, Aix-en-Provence, 1979 (il s’agit du manuscrit A3), 3673-79. Rien n’assure que les pierres précieuses ornent précisément les fenêtres, mais celles-ci participent indéniablement, dans l’énumération, à la richesse du lieu.
24 L’opposition des dangers venant de la gauche et des secours (troupes ou vivres) arrivant sur la droite mériterait une étude plus précise dans l’ensemble du cycle.
25 Voir par exemple l’ajout du Moniage Rainouart II, après le vers 2073.
26 Ed. H. Suchier, SATF, 1898, v. 5862-5932. Les époux se retrouvent également côte à côte sur les remparts, et s’épaulent, lors de la crucifixion de leur fils, v. 5081-116.
27 Le Siège de Barbastre, éd. J.-L. Perrier, Paris, Champion, 1926, v. 4026-31.
28 La Mort Aymeri de Narbonne, éd. J. Couraye du Parc, satf, 1884, v. 4006.
29 Buevon de Conmarchis, édition Albert Henry, Bruges, De Tempel, 1953, v. 2432-6, cf. v. 3013-20. Dans La Prise de Cordres et de Sebille, éd. O. Densuniana, satf, 1896, la première rencontre de Nubie et de Bertrand dans la prison fait appel également à l’ouverture d’une fenêtre, créant un lien entre la lumière et l’apparition de la belle (v. 830-837).
30 Comme par exemple Aude dans Girart de Vienne, éd. W van Emden, satf, 1977, v. 5271-94, mais les vers 5360-404 prouvent qu’il n’est nul besoin de mentionner l’élément architectural. Dans Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, v. 5702-45, c’est l’occasion d’une dispute lourde de conséquences entre Anfelise et Faussette.
31 Dans Guibert d’Andrenas, éd. M. Ott, thèse de l’Université de Nancy II, v. 525-80, l’arrivée des renforts à Narbonne, contemplée par Aymeri, repose sur une technique de laisses parallèles et permet l’énumération des Narbonnais.
32 Il en est ainsi dans Le Siège de Barbastre, lorsque le roi Louis, contrarié, demande conseil (v. 3776-841) ou quand Beuve se lamente sur la famine qui règne et trouve réconfort auprès de son fils (v. 4175-232). Voir également dans ce volume l’article d’Adeline Richard sur Les Enfances Vivien, et, dans Le Moniage Guillaume, éd. W. Cloetta, satf, 1906-11, seconde rédaction, v. 2909-45, l’utilisation de la fenêtre par les païens pour établir une prédiction et la défenestration (?) qui s’en suit.
33 Comment interpréter autrement dans Girart de Vienne l’apparition en haut de la tour de Lambert agitant la précieuse enseigne offerte par Aude ? En effet, la distance au camp des Français, qui n’ont par ailleurs aucune raison d’identifier l’enseigne, fait qu’une seule personne se doit d’identifier Lambert et c’est bien sûr Roland dont le cœur est rongé par la jalousie (v. 3823-57).
Auteur
Université de Provence
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