Le médiévisme d’Edward Burne-Jones entre esthétisme et érudition
p. 237-246
Texte intégral
1Les tableaux exposés par Edward Burne-Jones se heurtèrent à un mur d’hostilité de la part des critiques. Anthony Blunt, journaliste au Spectator, écrivait de ses œuvres qu’elles donnaient « un exemple de ce que pouvait faire un préraphaélite à seule fin de fuir la réalité »1. Un autre, plus virulent encore, voyait dans ses tableaux les « fruits étranges ou x malsains de vaines errances dans les dédales du mysticisme et du médiévisme »2. À une époque où de plus en plus d’artistes devenaient des « peintres de la vie moderne »3, plantant leur chevalet au cœur des villes en pleine mutation, trempant leurs pinceaux dans la réalité sociale, respirant l’air des usines et des gares, il n’est guère étonnant qu’on ait pris les créations qui sortaient de l’atelier de Burne-Jones pour les visions d’un rêveur, pour des fantasmagories. Il ne se privait pas, d’ailleurs, d’entretenir lui-même le mythe, lui qui disait : « Ce que j’entends par tableau, c’est un beau rêve romantique plein de ce qui n’a jamais été et ne sera jamais, illuminé par une lumière qui n’a jamais brillé, dans un pays que personne ne peut ni définir ni se remémorer, mais seulement désirer »4. Certes les diaphanes jeunes filles et les éphèbes qui peuplent ses tableaux, au regard éperdument nostalgique, donnent moins l’illusion de la vie réelle qu’ils n’incarnent un inaccessible idéal. Ses figures sont les projections de la vie psychique, des allégories peuplant un monde onirique saturé d’allusions, de symboles, de détails faisant sens. Si bien que les symbolistes, et les surréalistes après eux, virent en lui le précurseur de leur art.
2L’univers imaginaire de Burne-Jones n’est pas pour autant créé de toutes pièces. Toujours tourné vers un passé glorieux, celui de l’Antiquité et du Moyen Âge finissant, c’est avec un sérieux d’érudit que le peintre cherchait à en reproduire l’enveloppe matérielle ; mieux, à en capter l’esprit. Car à la différence de ses contemporains, artisans d’une imagerie moyenâgeuse à bon compte, Burne-Jones ne se contentait pas d’une coloration historique de surface, avec ses armures clinquantes et ses châteaux forts baignant dans les brumes. Ce qu’il cherchait à atteindre, c’était à la fois la restitution fidèle du Moyen Âge dans ses realia, et la perfection plastique qu’il admirait chez ses maîtres. Une perfection que lui permit d’atteindre son érudition : au contact régulier des sources médiévales, des manuscrits enluminés notamment, il avait acquis la pleine maîtrise de l’iconographie comme des traits formels et stylistiques des modèles. Le médiévisme de Burne-Jones est celui d’un esthète et d’un érudit.
3La légende veut que les premières amours de Burne-Jones pour le Moyen Âge datent de sa découverte, chez un bouquiniste de Birmingham, d’un exemplaire de Le Morte d’Arthur de Thomas Malory, réédité par Southey. Trop démuni pour l’acquérir, il hantait la boutique pour y lire, jour après jour, les chapitres du livre. Cette passion contrariée se mua en union légitime du jour où son ami William Morris acheta l’ouvrage5. Le ménage à trois fut fécond, car les heures que les amis passèrent, leur vie durant, à le lire engendrèrent une floraison d’œuvres immense, consacrées au règne d’Arthur, à la quête du graal, aux amours de Merlin, de Tristan, de Lancelot6. La démarche artistique de Burne-Jones avait cette particularité d’aboutir non à des unités isolées, mais à des constellations. Car s’il traita certains sujets dans des œuvres autonomes, la plupart lui insufflèrent de multiples variations, déclinées sous forme de tableaux à l’huile, vitraux, tapisseries, carreaux de faïence ou meubles peints, tous réalisés par l’entreprise « Fine Art Workmen » de Morris, Marshall, Faulkner & C°. Il aimait travailler à des cycles entiers, les démultipliant aussi selon des techniques variées. La création de Burne-Jones fut donc sous-tendue par un mouvement d’auto-citation, de reprise, inséparable d’une conception sérielle de la production artistique, et qui rejoignait par là les pratiques médiévales, tant littéraires que plastiques.
4Si Le Morte d’Arthur fournit à Burne-Jones une source d’inspiration à laquelle il revint sans cesse s’abreuver, sa bibliothèque idéale comptait également les œuvres de Dante, de Pétrarque, de Chaucer7 dont il goûtait l’adaptation du Roman de la Rose, de Froissait dont les Chroniques lui fournissaient ses sujets historiques et courtois, pour ne rien dire des poètes contemporains eux-mêmes amateurs de sujets médiévaux, A. Tennyson, A. Ch. Swinburne, Th. Carlyle ou J. W. Meinhold. Quant à sa formation artistique, elle fut marquée, dans ses jeunes années, par le double ascendant de Rossetti, maître incontesté de la première confrérie préraphaélite, et des miniatures médiévales, qu’il connaissait mieux que quiconque. C’est ensuite au contact des maîtres de la Renaissance italienne que cet autodidacte forma son dessin8, d’abord en fréquentant les collections exposées à Oxford, à Londres et au Louvre, puis au cours des quatre voyages qu’il fit en Italie9, revenant à chaque fois convaincu que là était sa véritable patrie10. Dans les premiers temps, les préférences artistiques de Burne-Jones étaient modelées par les prescriptions de Ruskin, qui guidait ses pas sur le sol italien à travers ses écrits ou en l’accompagnant en personne11. Mais l’artiste se désolidarisa progressivement du critique, nourrissant des admirations personnelles comme pour Botticelli ou Carpaccio, encore peu connus dans l’Angleterre de son temps12.
5Les Mémoires de Georgiana Burne-Jones, largement mis à contribution par les spécialistes, les nombreux carnets de croquis que l’artiste a légués aux grands musées anglais, ont permis de reconstituer son intense activité de copie pendant ses séjours italiens13. À la lumière de ces documents confrontés aux productions originales de l’artiste, John Christian a vu dans les années 1860 un moment charnière dans l’évolution de son style : le médiévisme des débuts est délaissé au profit d’une manière influencée par l’école vénitienne de Titien, Véronèse et Giorgione. Selon J. Christian, « vers 1860, le médiévisme était en fait sur le déclin dans le cercle de Burne-Jones : il allait être remplacé par un langage plus libre et plus sensuel, marqué par des références évidentes à la peinture vénitienne »14.
6Burne-Jones n’a pour autant jamais renié son penchant pour l’art médiéval. Julian Treuherz15 a montré qu’à la différence des préraphaélites de la première génération comme Ford Madox Brown, John Everett Millais et Charles Allston Collins, qui ne connaissaient les manuscrits que par le seul biais des fac-similés16, Burne-Jones avait très tôt fréquenté les originaux, à la bibliothèque Bodléienne d’Oxford pendant ses études, puis à Londres, au British Museum et au Victoria and Albert Museum. Les mémoires de ses proches témoignent de l’enthousiasme que certains de ces manuscrits avaient suscité17, tandis que ses carnets, qui fourmillent également de croquis d’après des miniatures18, attestent la stabilité de ses goûts.
7Le regard de Burne-Jones sur ses modèles est celui d’un médiéviste, soucieux de reconstituer fidèlement les aspects de la vie matérielle, depuis les architectures, les jardins, les costumes, jusqu’aux objets les plus humbles du quotidien médiéval. Dans les dessins destinés à illustrer le Kelmscott Chaucer édité en 1896 par William Morris, une composition comme la scène où Pandarus remet à sa nièce Criseyde une lettre de Troilus dans un jardin clos (fig. 9, p. 275)19, montre qu’à la fin de sa vie, l’artiste a fait sien tout un répertoire d’éléments mobiliers et vestimentaires, glanés au fil de ses séances d’immersion dans les manuscrits du xve siècle. La banquette maçonnée, à l’assise de verdure, qui s’adosse à un mur fermant le jardin, semble tout droit sortie du verger de Déduit du Roman de la Rose, dans la version du manuscrit Harley que l’artiste aimait tant (fig. 3, p. 272). La houppelande aux bords découpés « à lobes » reprend celle des jeunes gens qui peuplent le même jardin dans d’autres miniatures de ce manuscrit. La table hexagonale s’inspire quant à elle d’une fontaine d’un type très répandu, dont la scène du suicide de Thisbé dans l’Epistre Othea de Christine de Pizan a pu lui servir d’exemple (fig. 5, p. 273). La chayère, enfin, renvoie aux portraits d’auteurs qui ornent tant de manuscrits tardifs, comme le Bréviaire de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière (fig. 7, p. 274)20. Le respect des formes n’empêche pas une certaine liberté : la chayère quitte le confinement d’un cabinet de travail pour meubler un jardin, tandis que la table résulte du détournement d’une fontaine.
8Mais plus que par le respect de ces détails matériels qui confèrent à ses œuvres un ancrage historique, c’est par son assimilation de traits stylistiques typiquement médiévaux, notamment dans le traitement de l’espace et de la figure humaine, que Burne-Jones donne la pleine mesure de sa connaissance et de sa maîtrise de l’art médiéval. Dès ses premiers dessins à l’encre, Burne-Jones construit l’espace selon des principes auxquels il restera fidèle jusqu’à ses dernières années. Dans le dessin L’Adieu du chevalier (fig. 1, p. 270)21, comme des années plus tard dans l’illustration du Kelmscott Chaucer, les personnages occupent le premier plan d’un jardin clos. Semblable en cela aux miniatures médiévales, le jardin de Burne-Jones a horreur du vide. La composition est à ce point saturée de traits de plume que c’est à peine si l’on distingue le chevalier qui fait le sujet de la scène : de dos, agenouillé aux pieds de sa dame, sa houppelande brodée de fleurs se confond avec la végétation qui l’entoure. À droite, un jeune homme est plongé dans la lecture du Roman du Quete du Sangrail (sic). Le jardin qu’ils occupent est un véritable hortus conclusus, avec ses trois hauts murs qui découpent un espace restreint. Conformément à une formule antérieure à l’élaboration des lois de la perspective, la composition s’étage frontalement sur plusieurs plans successifs, sans profondeur ni véritable échappée, un mur occultant le fond. Une action secondaire se déroule pourtant au-delà : un convoi de cavaliers longe le mur, se déroulant comme une frise. Ces cavaliers incarnent l’imminence des combats, ou d’une quête, que le chevalier doit rejoindre. La saturation de l’espace, la taille des personnages qui occupent presque toute la hauteur du dessin, l’écrasement des perspectives et l’étagement des scènes constituent des traits de style médiévaux que Burne-Jones a d’emblée adoptés22. Cette organisation spatiale caractérise en effet les scènes qui se déroulent dans le jardin de Déduit du manuscrit du Roman de la Rose déjà évoqué : plusieurs pans de mur découpent le jardin en réduits distincts, s’étageant sur plusieurs niveaux (fig. 3, p. 272).
9L’Adieu au chevalier relève encore de la première manière de Burne-Jones, sa période la plus explicitement « médiévisante » : l’imaginaire chevaleresque et courtois lui fournit ses sujets, les miniatures – leurs formules visuelles. Les années 1860, comme J. Christian l’a montré, marquent un tournant dans l’évolution de son style. Sous l’influence de l’école vénitienne, la palette s’éclaire, la sécheresse du dessin, la platitude des silhouettes cèdent la place à des formes souples et suaves, les figures gagnent en volume, les espaces, en profondeur de champ. Mais sous l’italianisme de ce dolce stil nuovo affleurent malgré tout des réminiscences médiévales, signes d’une indéfectible innutrition. Dans la célèbre peinture Laus Veneris (fig. 2, p. 271)23, pourtant emblématique de la nouvelle manière du maître, cette culture médiévale sous-jacente transparaît aussi bien par le choix du sujet et le traitement de l’espace, que par un jeu subtil d’allusions iconographiques. Sur le devant de la scène, un groupe de jeunes filles donne un concert à la gloire de Vénus, qui les écoute dans une pose alanguie. La musique a pour effet d’attirer un groupe de cavaliers, visibles dans l’embrasure d’une fenêtre au fond de la pièce. La scène est tirée d’une légende allemande, narrant le séjour du chevalier Tannhäuser dans le Venusberg vers lequel l’ont guidé des sons mélodieux. La légende, source de l’opéra de Wagner qui déclencha le scandale que l’on sait, avait été popularisée par le conte de Ludwig Tieck (Der getreue Eckart und der Tannenhäuser, 1799), traduit en anglais par Thomas Carlyle (German Romance, 1827) et mis en poème par Morris (« The Hill of Venus » dans Earthly Paradise, 1868-1870) et Swinburne (« Laus Veneris » dans Poems and Ballads, 1866)24. C’est précisément à ce dernier poète, qui lui avait d’ailleurs dédié son recueil, que Burne-Jones emprunte son titre et son atmosphère, jugée « claustrophobe » par la critique. Car l’espace, cette fois intérieur, est tout aussi saturé et restreint que dans les deux scènes de jardin précédentes. Même la fenêtre qui occupe le fond n’ouvre pas sur le vide, mais sert à faire pénétrer à l’intérieur l’espace extérieur. Dans son cadre les cavaliers surgissent en effet comme s’ils avaient déjà été happés par la pièce. À l’arrière-plan de cette toile toute imprégnée des tons chauds et dorés vénitiens, le subterfuge de la fausse échappée renoue avec une formule plus ancienne, attestée par exemple dans un Livre d’Heures du Victoria and Albert Museum : le Christ y est mené à Pilate dans une pièce dont le mur du fond est doté d’une fenêtre, par laquelle une femme jette un regard indiscret25. La fenêtre sert ainsi à encadrer le visage d’un voyeur à la fois rejeté au-dehors et inclus au-dedans par le fil du regard. Même en l’absence de toute figure humaine, le motif de l’ouverture découpée dans le fond est récurrent dans les scènes d’intérieur médiévales. Le très célèbre frontispice du manuscrit Harley 443126, qui réunit les œuvres complètes de Christine de Pizan, montre l’auteur présentant son livre à Isabeau de Bavière entourée de ses dames, assises dans une chambre aux murs couverts de tapisseries fleurdelisées, et tournant le dos à une fenêtre ouverte au fond. Si le tableau du maître anglais baigne dans une atmosphère plus sensuelle, le confinement spatial imposé à cette assemblée exclusivement féminine, l’opulence de la décoration intérieure et la gamme chromatique dominante offrent bien des analogies avec la scène de présentation christinienne. Du reste, en adoptant cette formule, Burne-Jones ne fait qu’ajuster à une scène d’intérieur le principe d’échelonnement serré des plans, déjà observé dans L’Adieu du chevalier : le convoi des cavaliers, que l’on distinguait à peine derrière le mur du jardin dans le dessin de jeunesse, apparaît ici à la même place, mais avec plus de netteté, grâce au dispositif de la fenêtre.
10Les cavaliers encadrés par la fenêtre créent l’illusion d’un tableau à l’intérieur du tableau. On pourrait même parler de plusieurs tableaux dans le tableau, car les pans restants du mur du fond son recouverts par de véritables œuvres d’art, des tapisseries en trompe l’œil. Celles-ci achèvent de saturer l’espace en le cloisonnant en une série de compartiments, juxtaposés comme dans une miniature à scènes multiples. Le choix des sujets et leur exécution ne sont évidemment pas fortuits : les tapisseries tissent des liens tant visuels que thématiques avec la scène principale. Toutes sont peintes en effet dans une gamme de couleurs chaudes et vives, rouge, bleu et or, celles-là même qui prédominent dans les miniatures et les tapisseries médiévales. Quant aux sujets des tapisseries qui se font pendant, celle de gauche représente la naissance de Vénus ; celle de droite, son triomphe. Un char tiré par des colombes y accueille la déesse elle-même et son fils Cupidon, qui se prépare à décocher une flèche. La déesse de l’amour est donc présente trois fois, dans une mise en scène qui la met véritablement en abyme.
11Le sujet de la tapisserie de droite, sur lequel Burne-Jones revint à plusieurs reprises, se place au confluent de plusieurs sources, tant littéraires qu’iconographiques : un passage du Roman de la Rose, un autre de l’Epistre Othea, le premier des Triomphes de Pétrarque. L’idée du char de Vénus attelé à des colombes est tirée d’une illustration du Roman de la Rose qui orne le manuscrit Harley (fig. 4, p. 272)27. Cette miniature introduit la description faite du char dans lequel Vénus vole au secours de son fils, le dieu d’Amour, assiégeant le château de Jalousie :
Lors fist sa maisnie apeler,
Son char commande a esteler
Qu’el ne veult pas marchier les boes.
Biaus fu li chars a .iiii. roes
D’or et de pelles estelez ;
En lieu de chevals astelez
Ot aus lymons .vi. colombiaus
Pris en son colombier mout biaus28.
12Mais en adjoignant à Vénus le petit Cupidon nu et ailé, absent de la scène du Roman de la Rose, le peintre rejoint une autre tradition iconographique, celle des Triomphes de Pétrarque, qui ont eux-mêmes nourri la représentation des dieux planétaires montés sur un char, montrés de profil, et entourés de leurs enfants spirituels29. Dans le poème allégorique de Pétrarque, le premier chant, « Triumphus Cupidinis », évoque l’apparition en rêve du char flamboyant de l’Amour, entouré du long cortège des victimes que le « cruel garçon » conduit, éplorées, enchaînées, vers le temple de Vénus à Cythère. À la source livresque, le peintre doit sans doute le détail des ailes rouges du jeune dieu30, celui du soleil levant et du temple, destination du cortège, qui se profile à droite. Le modèle visuel serait à rechercher dans les miniatures liminaires qui ornent le premier chant des Triomphes. Elles représentent Cupidon de profil, bandant un arc au sommet de son char entouré d’une foule nombreuse, qui semble ainsi défiler sous les yeux du spectateur. Cette formule du triomphe de l’Amour de profil est attestée dans l’un des exemplaires conservés à la BnF (fig. 8, p. 274). Cependant, les figures qui virevoltent autour du char de Vénus et tendent les bras vers elle dans un geste d’hommage n’ont rien des amants vaincus, aux mains liées, qui forment le cortège de son fils31. Leur présence fait en réalité référence au cycle d’illustrations d’un autre manuscrit sans doute connu de Burne-Jones, le recueil des œuvres de Christine de Pizan. Les premières miniatures de l’Epistre Othea, en effet, sont consacrées aux vingt divinités planétaires qui exercent leur empire sur les enfants nés sous leur signe. Du haut de sa nue, chacune d’entre elles inspire à ses sujets des activités en accord avec leur tempérament. Tandis que les fils de Saturne et d’Apollon sont plongés dans l’étude, ceux de Mars se livrent une bataille sans merci. Les enfants de Vénus, quant à eux, reçoivent d’elle le don de l’amour, et lui en rendent hommage en élevant vers elle leur cœur dans leurs mains, tandis que des cœurs semblables s’entassent déjà dans le giron de la déesse (fig. 6, p. 273). Conformément aux visées didactiques de Christine, une légende placée avant la miniature permet d’en préciser le sens :
Venus est planette ou ciel que les payens jadis appellerent deesse d’amours, pour ce que elle donne influence d’estre amoureux, et pour ce sont cy figurez amans qui lui presentent leurs cuers32.
13Or ce détail des petits cœurs roses fait justement le lien entre l’Epistre et la tapisserie de Laus Veneris : comme la Vénus de Christine, celle de Burne-Jones retient dans les plis de sa robe une brassée de roses et de cœurs, tandis que la foule de ses victimes, pressée contre les roues de son char, élève vers elle des cœurs identiques.
14La tapisserie incluse dans Laus Veneris opère donc la fusion entre des sphères iconographiques distinctes, mais voisines, qui avaient déjà suscité, par leur teneur mythologico-astrologique commune, des interférences dès le xve siècle. D’ailleurs elle ne se réfère pas seulement à une imagerie ancienne. Pour qui connaît l’œuvre de Burne-Jones, elle agit également comme une autocitation. Car avant d’intégrer la scène du triomphe de Vénus au complexe de Laus Veneris, le peintre en avait fait le sujet autonome d’un dessin plus petit. Il y reviendra encore de loin en loin, jusqu’à l’année de sa mort, lui donnant son ampleur maximale sous la forme d’un carton à la gouache destiné cette fois à une véritable tapisserie33. La bordure de cette dernière porte l’inscription « Comment dis jeunes colombeaux en ung char qui fut riche et beaux / Mainent Venus en logi d’Amours pour lui faire hatif secours ». L’inscription ne fait rien moins que citer la rubrique placée au-dessous de la miniature du char de Vénus dans le manuscrit Harley du Roman de la Rose (fig. 4, p. 272), preuve de plus que Burne-Jones en avait connaissance. Le triomphe de Vénus met donc Vénus en abyme, et avec elle toute une nébuleuse de miniatures du xve siècle, de même que tout un pan de la création de Burne-Jones, selon une démarche de reprise et de recyclage qui renoue avec celle des artistes médiévaux.
15La même démarche d’autocitation, par laquelle un sujet autonome vient s’intégrer à une œuvre plus tardive, celle-ci renvoyant à celle-là, lie une autre paire de tableaux : Le Chant d’amour (fig. 12, p. 276)34 et le portrait de Maria Zembaco35. Avec Laus Veneris, ces trois tableaux peints dans les années 1870 et tout pétris d’influences vénitiennes ont en commun la présence du dieu Amour, tantôt sous son aspect antique de petit putto nu (Laus Veneris et le portrait), tantôt sous son avatar médiéval de jeune homme richement vêtu (Le Chant d’amour). Le portrait de Maria Zembaco, dont le modèle fut la fougueuse maîtresse de Burne-Jones, est réalisé selon la formule renaissante du portrait à mi-corps36. La figure humaine y est mise en scène comme si elle apparaissait dans l’embrasure d’une fenêtre, encadrée d’un côté par le rebord où elle pose ses mains, et de l’autre par une tenture de velours bleu que tire un petit amour nu. Comme Vénus dans Laus Veneris, l’amour est à son tour mis en abyme dans une seconde image à l’intérieur du tableau. Il apparaît en effet dans la miniature qui orne le codex que Maria tient entre les mains (fig. 11, p. 276). Et le sujet de cette miniature n’est autre que celui du Chant d’amour, dans sa première version à l’aquarelle37. La scène de concert en plein air doit aux acquis de la Renaissance son cadre paysager et sa profondeur de champ. Burne-Jones reste cependant fidèle à l’agencement spatial médiévisant dont il est coutumier : les personnages, alignés frontalement au premier plan, occupent à nouveau presque toute la hauteur du tableau. Ainsi en se citant lui-même, le peintre victorien se rêve en enlumineur médiéval. Mais c’est un rêve qui prend ancrage dans la recréation scrupuleuse du manuscrit tel qu’il était, avec ses marque-pages de soie, ses marges et ses lettrines ornées.
16Et c’est justement lorsque Burne-Jones et Morris concrétisent leur amour commun pour les livres anciens en fondant Kelmscott Press que l’art du peintre épouse au plus près le travail de l’enlumineur38. Dans les imprimés de luxe, au tirage limité, qui sortent de Kelmscott Press au cours de la dernière décennie du xixe siècle, les illustrations de Burne-Jones s’éloignent des modèles de la Renaissance italienne pour ressusciter le style des miniatures et des bois gravés des xive-xve siècles. Ce sont les scènes d’intérieur et les jardins de type hortus conclusus déjà évoqués qui révèlent de la manière la plus manifeste les analogies stylistiques. Les gravures qui ornent les œuvres complètes de Chaucer imprimées par Kelmscott Press témoignent de la familiarité de Burne-Jones avec la conception médiévale de l’espace intérieur et de ses realia. Les pièces sont construites comme des boites dont un côté est ôté, ouvrant la vue sur leur contenu, tandis que toutes les autres parois, ainsi que plancher et plafond, restent visibles. Le motif de la petite fenêtre qui s’ouvre dans le mur du fond, seule échappée vers l’extérieur de ce lieu confiné, y est également récurrent. Dans une image comme l’illustration du « Frankeleyns Tale » (fig. 10, p. 275), le détail de l’ameublement révèle le souci de fidélité, quasi documentaire, dans la restitution des réalités matérielles : le pupitre et les tablettes sur lesquelles les livres reposent inclinés, les niches creusées dans l’épaisseur des murs pour en accueillir d’autres39, la natte posée au sol, tout atteste la parfaite connaissance qu’avait l’artiste de l’iconographie de l’auteur au travail. Il n’est pas jusqu’au minuscule détail du pot d’encre fixé sur le côté du pupitre dans la partie extrême droite de la gravure, comme dans le portrait de Saint Jude du Bréviaire de Jean sans Peur (fig. 7, p. 274), que Burne-Jones n’ait pas reproduit avec soin. La pratique de la mise en abyme chère à Burne-Jones trouve, dans le Kelmscott Chaucer, une ultime actualisation, cette fois avec la mise en abyme du livre dans le livre. Car dans cette édition précieuse qui se veut le lieu de résurrection du livre médiéval, dans son contenu comme dans sa matérialité, le livre est à son tour mis en scène dans son environnement et ses usages quotidiens.
17Dans ses vieux jours, à la tête d’un atelier d’assistants qu’il dirigeait tel un maître de la Renaissance, comblé de commandes et d’honneurs malgré les attaques des critiques, Burne-Jones confiait à sa femme Georgiana :
À présent, quand je recherche quelque chose qui soit plus heureux, plus brillant, plus en accord avec ce que mon cœur désire, je vais au British Museum, j’envoie chercher un livre qu’on a mis une vie entière à réaliser, et j’oublie le reste du monde et vis dans ce livre pendant des jours entiers40.
18C’est sans doute le plus bel hommage qu’un peintre, amoureux des lettres et des livres médiévaux, pouvait rendre aux manuscrits anciens, puits de rêve, de beauté et de science, et finalement, de consolation.
Notes de bas de page
1 L’article du Spectator, 28 juillet 1933, p. 120-121, a été publié à l’occasion d’une exposition organisée à la Tate Gallery pour commémorer le centenaire de la naissance de Burne-Jones. Il est cité dans le catalogue de l’exposition du Musée d’Orsay de S. Wildman et J. Christian, Edward Burne-Jones, 1833-1898. Un maître anglais de l’imaginaire, Paris, éd. de la Réunion des musées nationaux, 1999, p. 4 (désormais abrégé en EBJ), paru sous le titre original Edward Burne-Jones, Victorian artist-dreamer.
2 Article du Times, 3 mai 1877, p. 10, sur la grande exposition de Burne-Jones à la Grosvenor Gallery, cité dans EBJ, p. 192.
3 L’expression est empruntée à la série d’articles consacrés par Charles Baudelaire au dessinateur Constantin Guys, réunis dans les Curiosités Esthétiques.
4 « I mean by a picture a beautiful, romantic dream of something that never was, never will be -in a light better than any light that ever shone- in a land no-one can define, or remember, only desire » cité par Ch. Wood, The Pre-Raphaelites, London, Seven Dials, Cassell & Co., 2000, p. 119.
5 L’anecdote, datant de 1855, est rapportée par l’épouse du peintre, Georgiana Burne-Jones, Memorials of Edward Burne-Jones, Freeport, New York, Books for Libraries Press, 1904, reprint 1971, vol. 1, p. 116-117.
6 Parmi les plus connues de ces œuvres, citons The Beguiling of Merlin - L’Enchantement de Merlin, huile sur toile, 1873-74 (Port Sunlight, Lady Lever Art Gallery), The Quest for the Sangreal, série de vitraux, 1885-86 (Londres, Victoria and Albert Museum), The Holy Grail, série de cartons de tapisseries, 1890-1891 (Birmingham, Museum and Art Gallery), The Last Sleep of Arthur in Avalon, huile sur toile, 1881-1898 (Puerto Rico, Museo de Arte de Ponce). Toutes sont reproduites dans EBJ, p. 170, p. 290-291, p. 299-304, p. 316. Pour un catalogue des œuvres d’inspiration arthurienne des préraphaélites, voir J. Banham et J. Harris (ed.), William Morris and the Middle Ages, Manchester, Manchester University Press, 1984, p. 151-193. Sur la vogue de la thématique arthurienne dans l’art victorien, voir D. N. Mancoff, The Arthurian Revival in Victorian Art, New York and London, Garland Publishing inc., 1990.
7 Les Mémoires de Georgiana révèlent d’ailleurs que Burne-Jones était déjà un lecteur assidu de Chaucer avant de découvrir Malory, voir G. Burne-Jones, op. cit., vol. 1, p. 104 (citation donnée en note 17).
8 Les premiers pas artistiques de Burne-Jones doivent davantage aux conseils de Rossetti qu’aux cours du soir qu’il a suivis à l’école d’art de James Matthews Leight à Londres. Mais c’est surtout au prix d’un travail solitaire, fondé sur la copie des grands maîtres italiens, qu’il a acquis la maîtrise de son art. Pour l’influence de l’art italien sur Burne-Jones et le rôle de Ruskin dans cette influence, voir les travaux de J. Christian, « Burne-Jones et l’art italien », in Burne-Jones (1833-1898). Dessins du Fitzwilliam Museum de Cambridge, Musée des Beaux-Arts de Nantes, 1992, p. 33-56 ; « A Serious Talk : Ruskin Place in Burne-Jones Artistic Development », in Leslie Parris (ed.), Pre-Raphaelites Papers, Londres, The Tate Gallery, 1984, p. 184-205 ; et EBJ, p. 77-89.
9 Ces voyages en Italie datent de septembre 1859, mai-juillet 1862, septembre 1871 et avril 1873.
10 Dans une lettre qu’il envoie pendant son troisième séjour, Burne-Jones écrit : « I belong to old Florence and [...] shall go back to my native country » ; au retour de son dernier voyage, il dira encore : « I may say quite literally that I walk about here and live in Italy », cité par G. Burne-Jones, op. cit., vol. 2, p. 23 et p. 38.
11 Dans « Burne-Jones et l’art italien », J. Christian montre que l’artiste avait déjà lu de Ruskin le célèbre Modern Painters avant de partir. Lors de son premier voyage, il parcourt l’Italie avec The Stones of Venice à la main, et sans doute aussi le Handbook for Travellers in North Italy, guide de John Murray auquel Ruskin avait collaboré. Ruskin accompagne le couple Burne-Jones en 1862, avant de poursuivre le voyage de son côté en laissant au peintre une longue commande de copies.
12 Dans le panthéon personnel de Burne-Jones figurent la plupart des primitifs et des artistes italiens de la Renaissance : Giotto, Fra Angelico, Piero della Francesca, Mantegna, Signorelli, Bellini, Pérugin, Raphaël lui-même, Orcagna, Luca Signorelli, Andrea del Sarto, Ghirlandaio, Benozzo Gozzoli, le Corrège, Bernardo Luini, Giorgione, Titien et le Tintoret. J. Christian, article cité, p. 48, insiste sur l’intérêt tout personnel de Burne-Jones pour Botticelli et Carpaccio, qu’il communique ensuite à Ruskin.
13 Pour son usage personnel ou pour honorer les commandes de Ruskin, Burne-Jones remplit des carnets entiers de copies de tableaux et de fresques, de bronzes et de sculptures en terre cuite. Près de quatre-vingt de ces copies réalisées en 1859 ont été conservées ; la plupart se trouvent actuellement au Fitzwilliam Museum de Cambridge. Les copies commandées par Ruskin pendant le voyage de 1862, plus soignées que les précédentes, sont conservées à l’Ashmoleum Museum d’Oxford. Les croquis du troisième voyage sont réunis dans une collection particulière. Voir J. Christian, article cité, p. 42, p. 44-45, p. 49 et p. 56, notes 13, 19 et 29.
14 EBJ, p. 81.
15 Julian Treuherz, « The Pre-Raphaelites and Medieval Illuminated Manuscripts », in Leslie Parris (ed.), op. cit., p. 153-169. Selon l’auteur, « Rossetti, Burne-Jones and Morris were more widely read in medieval history and literature than Brown; they had also more opportunity for direct contact with illuminated manuscripts », p. 163.
16 J. Treuherz cite, exemples à l’appui, une série d’ouvrages reproduisant des pages manuscrites et des miniatures, copiées à leur tour par ces artistes. Il s’agit de Illuminated Ornaments selected from the Manuscripts of the Middle Ages, avec des gravures de H. Shaw commentées par Sir F. Madden (1833), et surtout des ouvrages édités par H. N. Humphreys : Illuminated Books of the Middle Ages (1844-1849), The Art of Illumination and Missal Painting : a guide to modern illuminators (1849), titre qui en dit long sur l’engouement suscité par la calligraphie et l’enluminure médiévales à l’époque victorienne.
17 G. Burne-Jones, op. cit., évoque en ces termes les habitudes de Burne-Jones et Morris pendant leurs années oxfordiennes (1854 en l’occurrence): « Here, when they were alone together in the evenings, the friends read Chaucer, and in the daytime they went often to look at the painted books in the Bodleian. Old chronicles too they devoured, and anything of any kind written about the Middle Ages », vol. 1, p. 104. G. P. Boyce rapporte pour sa part un rendez-vous au British Museum, que l’artiste avait fixé en 1860 à quelques-uns de ses amis pour leur montrer ses manuscrits préférés, notamment un exemplaire flamand du Roman de la Rose (Londres, BL, Harley 4425) : « Jones hav[e] promised to show us some of the most beautiful illuminated manuscripts in the collection. First the « Roman de la Rose », which is filled with the most exquisite illuminations », in V. Surtees (ed.), The Diaries of George Price Boyce, Norwich, 1980, p. 30.
18 L’exemplaire du Roman de la Rose semble être le seul manuscrit dont on sache de source sûre qu’il était connu de l’artiste. J. Treuherz propose d’y ajouter également le manuscrit des œuvres de Christine de Pizan (Londres, BL, Harley 4431, vers 1410), article cité, p. 168. Il est tout aussi vraisemblable d’imaginer que les nombreux manuscrits consultés et possédés par W. Morris (et dont le catalogue est partiellement établi) ont été montrés ou prêtés à Burne-Jones, en vertu des échanges artistiques et intellectuels qui ont nourri la collaboration des deux amis. Il reste encore à identifier ces sources et à dresser la liste des manuscrits que le peintre a eus sous les yeux.
19 Le Kelmscott Chaucer a été réédité en fac-similé, The Works of Geoffrey Chaucer, A facsimile of the William Morris Kelmscott Chaucer, Cleveland and New York, The World Publishing Company, 1958, et plus récemment dans un format plus petit, sous le même titre, dans les collections library Editors, 2007.
20 Londres, BL, Harley 2897, f° 86 v° (début du xve s.), signalé par J. Treuherz comme ayant pu avoir influencé Rossetti, article cité, p. 162, fig. 70.
21 The Knight’s Farewell, dessin à l’encre sur velin, 1858 (Oxford, Ashmolean Museum, reproduit dans EBJ, p. 58).
22 Certes cette configuration spatiale informait déjà les dessins à la plume de Rossetti, comme Le premier anniversaire de la mort de Béatrice (1853-1854, Oxford, Ashmolean Museum, reproduit dans EBJ, p. 46), que Burne-Jones découvre dès 1854. Mais c’est indéniablement d’une connaissance directe des miniatures qu’il tire les principes de sa mise en espace.
23 Laus Veneris, huile sur toile, 1873-1878 (Newcastle upon Tyne, Laing Art Gallery, reproduit dans EBJ, p. 167).
24 Pour l’exposé détaillé des sources, voir EBJ, p. 168. S. Thorel, dans son article « Aphrodite wagnérienne ou la leçon de classicisme », Klincksieck, Revue de littérature comparée, n° 309, 2004, p. 37-54, part. p. 40-46, analyse plus en détail la constitution de la figure d’une « Aphrodite infernale » dans les différentes versions littéraires, musicales et plastiques de cette légende, dont elle retrouve l’écho dans le tableau de Burne-Jones. L’article est également disponible en ligne : http://0-www-cairn-info.catalogue.libraries.london.ac.uk/article.php
25 Livre d’Heures, Victoria and Albert Museum, National Art Library, MSL/1902/16-7 (Reid 32), f° 83 v° (1440-1450), reproduit dans R. Watson, Les manuscrits enluminés et leurs créateurs, Méolans-Revel, Éditions Grégoriennes, 2004, p. 78.
26 Christine de Pizan, Œuvres, Londres, BL, Harley 4431, f° 3 (vers 1410). Cette grande miniature, très souvent reproduite, l’est à deux reprises dans le catalogue de l’exposition Paris 1400. Les arts sous Charles VI, Paris, Fayard-Éditions de la Réunion des musées nationaux, 2004, p. 116 et p. 124.
27 J. Treuherz, article cité, p. 167, est le premier à avoir rapproché la tapisserie de Laus Veneris de cette miniature du Roman de la Rose.
28 Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose, éd. A. Strubel, Paris, Le Livre de Poche, coll. « Lettres Gothiques », 1992, v. 15 783-15 790.
29 J. Seznec, dans La Survivance des dieux antiques, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 1993, p. 86-87, propose une liste succincte des œuvres attestant la diffusion de cette iconographie.
30 Ces ailes sont qualifiées de « purpuree penne » - plumes pourpres par Francesco Petrarca, Triumphi, éd. M. Ariani, Milano, Mursia, 1988. p. 183, v. 94.
31 Cette vision dysphorique des ravages de l’amour est développée dans les œuvres de grand format de Burne-Jones sur le thème du triomphe de l’Amour et de Vénus, où les amants prennent plus explicitement des postures de victimes : étendus par terre et foulés aux pieds par le dieu, comme par exemple dans la tapisserie « The Passing of Venus » reproduite dans EBJ, p. 235.
32 Christine de Pizan, Epistre Othea, éd. G. Parussa, Genève, Droz, 1999, p. 213.
33 La première attestation de ce thème est un projet de carreaux de 1861 (dessin dans la collection de Joanna Matthews, reproduit dans M. Harrison et B. Waters, Burne-Jones, Londres, Barrie and Jenkins, 1973, p. 52). Les auteurs de EBJ, p. 236, proposent de l’associer au titre The Triumph of Love qui figure dans le catalogue que Burne-Jones tenait de ses travaux. Sous le titre The Passing of Venus, il est ensuite décliné sous forme d’huile sur panneau vers 1875 (Oxford, Exeter College, the Junior Common Room, reproduit dans M. Harrison et B. Waters, ibid., planche 26), d’éventail vers 1880 (coll. part., reproduit dans EBJ, p. 254), de peinture à la gouache, commencée vers 1881 et restée inachevée (Londres, Tate Gallery), de carton à la gouache en 1898 (New York, The Metropolitan Museum of Arts) destiné à une tapisserie qui ne sera achevée qu’en 1926 (Detroit, The Detroit Institute of Arts). Ces deux dernières œuvres sont reproduites dans EBJ, p. 235.
34 Le Chant d’amour (titre en français), huile sur toile, 1868-1877 (New York, The Metropolitan Museum of Art, reproduit dans EBJ, p. 212).
35 Maria Zambaco, gouache, 1870 (Neuss, Clemens-Sels-Museum), reproduit dans EBJ, p. 139.
36 Voir J. Christian, article cité, p. 44.
37 Le Chant d’amour, aquarelle, 1865 (Boston, Museum of Fine Arts), reproduit dans EBJ, p. 99.
38 Sur les ambitions qui sous-tendent les livres imprimés par Kelmscott Press, voir notamment notre article « Morris, Burne-Jones et Kelmscott Press : une nouvelle vie pour le livre médiéval », in Isabelle Durand-Le Guern (dir.), Images du Moyen Age, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2006, p. 349-365.
39 Ces niches-bibliothèques aménagées dans les murs subsistent encore dans le cloître de l’abbaye de Silvacane par exemple.
40 « To this day if I want a change happier, brighter, more in tune with my heart’s desire than any other, I go to the British Museum and send for a book that took a lifetime to make, and then forget the world and live in that book for days », cité par G. Burne-Jones, op. cit. , vol. 2, p. 279-280.
Auteur
Université de Paris Ouest Nanterre, La Défense
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