La scène : l’ici et maintenant et l’ailleurs et hier
Le cas du Nuevo mundo descubierto por Cristóbal Colón de Lope de Vega
p. 33-45
Résumés
Cette comedia de Lope de Vega, plus citée que fréquentée, offre le paradoxe piquant de ne rien nous découvrir de cet « Ailleurs » du Nouveau monde qui fait son titre, à l’exception près d’un groupe d’Indiens de fantaisie.
Jouant avec la temporalité, elle condense, quatorze ans de la vie du navigateur, jonglant dans chaque jornada avec des lieux pratiquement jamais donnés (le Portugal, l’Albaicín, San Lúcar, Santa Fé, Grenade, l’océan, des îles, Saint-Domingue, Haïti, Barcelone), seuls quelques toponymes caribéens étant nommés : Barucoa, Guanahamí, Haití. Antérieure à 1603, à plus d’un siècle de distance de la découverte de ce Nouveau Monde que Colomb, persuadé d’avoir atteint l’Extrême Orient, ne connut pas comme tel, la pièce actualise, met en actes littéralement, par l’action, cet « Ailleurs » refabriqué à partir d’un aujourd’hui corrigeant l’erreur du grand Amiral génois auquel est prêté ici le pressentiment et le sentiment absolu de la découverte d’un Monde nouveau. Mais la mise en scène des Indiens, qui « agissent », traduisent cet « Ailleurs » pour les spectateurs, confronte de la sorte l’Ancien au Nouveau Monde, Autre contre Autre, Ailleurs contre Ailleurs, dans le seul ici et maintenant : la même langue.
Esta comedia de Lope de Vega, más citada que leída, ofrece la paradoja traviesa de no descubrirnos nada de este « Ailleurs » del Mundo Nuevo que hace su título, xon la escasa excepción de un grupo de Indios de fantasía.
Jugando con la temporalidad, sintetiza catorce años de vida del navigante, haciendo malabarismos en cada jornada con unos lugares jamás indicados (Portugal, el Albaicín, Santa Fé, San Lúcar, Granada, el océano, unas islas, Santo Domingo, Haití, Barcelona). Escrita antes de 1603, con más de un siglo de distancia del descubrimiento de este Nuevo Mundo, que Colón, persuadido de haber descubierto el Extremo Oriente, no conoció como tal, la pieza actualiza, pone en actos literalmente, por la acción este espacio otro, recreado desde un hoy que corrige el error del gran almirante genovés al que se presta el presentimiento y el sentimiento absoluto del descubrimiento de un Mundo Nuevo, Otro contra Otro, « Ailleurs » contra « Ailleurs » en el único aquí y ahora : el lenguaje.
Texte intégral
1Littéralement, on ne peut parler d’ailleurs que d’ici puisque, dès qu’on atteint un ailleurs, il devient fatalement un ici, l’ancien ici devenant alors un là-bas, bref, un ailleurs ; littérairement, c’est donc une métaphore, visible et sensible sur scène selon divers degrés du pacte fictionnel entre l’auteur, l’acteur et le spectateur qui l’accepte dès lors qu’il met le pied ici dans ce théâtre. Il en va de même, dans la logique de l’espace-temps, de l’insaisissable demain qui devient un aujourd’hui tout comme l’aujourd’hui devient un hier.
Ailleurs temporel
2Antérieure à 1603, à plus d’un siècle de distance de la découverte de ce Nouveau Monde en 1492 – que Colomb, persuadé d’avoir atteint l’Extrême Orient, le Japon et la Chine, ne connut pas comme tel – la pièce actualise, j’entends, met en actes littéralement, trois « actes » (et non « journées »), par l’action, le jeu verbal du théâtre, cet ailleurs refabriqué ou renommé à partir d’un aujourd’hui corrigeant l’erreur du grand Amiral génois auquel est prêté ici le pressentiment puis le sentiment absolu de la découverte d’un Monde Nouveau qu’il méconnut toujours en réalité. Ainsi, cet ailleurs spatial a deux marges temporelles, un ailleurs en amont et aval historiques. Jouant avec la temporalité, la comedia condense ici, sur place, en quelque deux heures, quatorze ans de la vie du navigateur, qui a soin, d’entrée, de faire le récit de sa jeunesse et de ses voyages antérieurs. Elle met donc en scène un Colomb avant Colomb le découvreur, et un Colomb après Colomb, après la découverte de ce Nouveau Monde qu’il ignora, mais donnée comme pressentie et connue par lui. Une partie du titre de la pièce, « Nuevo mundo », sera de nombreuses fois varié, comme un motif conducteur, un leitmotiv, dans sa bouche et décliné dans celle de nombreux personnages.
L’Ailleurs, avant
3Dans l’ici et maintenant de la scène, Colomb est montré au spectateur du xviie siècle comme habité d’un ailleurs, qu’il habite déjà en pensée, « [ese] Nuevo Mundo que enseñas » (v. 8), comme le lui dit d’entrée, son frère Bartolomé, « otro mundo jamás visto », précise le navigateur (I, 1, v. 12), qui a un dessein certain pour ce monde incertain puisqu’il affirme, tout en s’interrogeant sur son désir : « ¿a este mundo añadir / otro mundo tan remoto ? » (v. 24). Ce qui entraînera l’ironie du roi du Portugal qui souligne son aliénation paradoxale dans cet autre monde : « ¿De aqueste mundo sales / para buscar otro en él ? » (I, 2, v. 59-60), « un mundo increíble » (v. 181), ajoute-t-il.
4Même scepticisme auprès des grands dont il cherche le patronage et le concours, qui moquent ses « disparates » (I, 5, v. 387), sa « loca erronía » (ibid., 432). Bref, l’ailleurs pas encore américain est un impossible que l’on sait accompli depuis.
5Colomb affirme sa croyance en ces « nuevos cielos y tierras varias » (I, 2, v. 94), évoque « las nuncas tocadas aguas » (Ibid., v. 132), réaffirme sa foi en sa science, confirmée par une révélation du ciel (I, 7, v. 680-681), même désespéré par le peu d’écho qu’il rencontre : « ¡Ah, Dios, que no hay rey que quiera, / un mundo nuevo, un tesoro / que aquesta mano le diera ! » (I, 7, v. 592-594). Il faudra attendre la fin de l’acte pour que le Contador puis les Rois Catholiques se laissent convaincre par l’éloquence de Colomb qui, après l’étape décisive de la reconquête de Grenade, leur dit avec conviction : « Ahora es tiempo de ganar un mundo ». (I, 9, v. 930) Un monde sans nom encore mais appelées Indes par son inventeur1, et ce nom est la seule trace ici de la méconnaissance qu’eut le navigateur d’avoir découvert un Nouveau Monde qui ne porte même pas son nom, mais celui d’Amerigo Vespucci :
Creed que son las Indias que yo busco,
creed que hay gentes, plata, perlas y oro,
animales diversos, varias aves,
árboles nunca vistos, y otras cosas :
yo sé que el cielo anima mi propósito,
y mi imaginación levanta el cielo. (I, X, v. 918-923)
L’Ailleurs comme imagination
6Dès sa seconde réplique, sa première tirade, le navigateur s’avoue poussé vers un ailleurs entre fables et vérités, « fábulas y verdades » (v. 19), par une force obscure, divine, « una secreta deidad » (v. 21) qui le fait pencher vers la vérité. Ce Nouveau Monde que Colomb vaticine, prophétise devant le public incrédule et railleur des monarques et grands qu’il sollicite vainement de pays en pays et de cour en cour, est comme l’idée fixe, la boussole mentale, l’image qui le guide vers ce que lui-même nomme : « la tierra imaginada » (v. 221), « esta imaginada tierra » (v. 642). Cette faculté, visionnaire, de se créer des vues, des images mentales, cette secrète divinité qui le poussait, est incarnée d’ailleurs, si l’on peut dire, par un personnage : l’Imagination. Une didascalie indique : Baje de lo alto una figura, vestida de muchos colores, y diga : […]. Symbolique descente, du ciel du théâtre et symbolique costume versicolore. Après un long dialogue (v. 688-710) avec un Colomb découragé, la puissance de l’Imagination l’enlève, l’élève, le transporte littéralement :
Levántele en el aire, y llévele al otro lado del teatro, donde se descubra un trono en que esté sentada la Providencia, y a los dos lados la Religión cristiana y la Idolatría.
Colomb assiste alors à un long débat entre ces allégories qui disputent de savoir à laquelle des deux appartiennent les Indes encore à découvrir. Le Démon, s’en mêle bientôt, suppliant qu’on ne lui arrache pas « la no vista tierra y mar » (v. 806) où il règne car les Espagnols, argue-t-il, « No los lleva cristiandad, / Sino el oro y la codicia » (v. 798-799). Postulat qui se vérifiera et répétera plus tard dans le texte. Vaine plainte et plaidoirie du Démon, la Providence tranche : « La conquista se ha de hacer » (v. 809). Elle demande à l’Imagination de transporter Colomb auprès des Rois Catholiques à Grenade dont ils viennent de faire la conquête qui autorise enfin l’expédition vers le Nouveau Monde. Cette scène allégorique, digne d’un auto sacramental, est l’antichambre céleste, un ailleurs du merveilleux chrétien, imaginé, qui justifie aussi la merveille chrétienne, réelle, de la prise de Grenade. Ainsi conclut le Premier Acte, ouvrant la voie, dans le Second, à cette découverte d’un Nouveau Monde, clairement qualifiée d’avance dans la temporalité textuelle ou après coup dans la chronologie historique, de « conquista ». C’est la faveur divine qui, faisant de Colomb un élu de la Providence pour ses desseins, qui accrédite ses rêves, son imagination, invitation à solliciter celle du spectateur.
Ailleurs de la pièce
7Le texte jongle dans chaque acte2 avec des lieux pratiquement jamais donnés, à l’exception de l’Angleterre, où part Bartolomé, le frère de Colomb, (nommée au v. 2), ainsi que son roi Enrico (v. 3). Mais l’action passe du Portugal, à l’Albaicín, de San Lúcar à Santa Fe (ville du siège), à Grenade, à la nef sur l’océan, aux îles (Saint-Domingue, Haïti) puis le retour final à Barcelone.
Lieux identifiés par les personnages
8Ces lieux sont concrétisés non par leur désignation nominale mais par les personnages illustres qui y paraissent, simplement annoncés par les didascalies d’entrée en scène, ce qui suppose, sinon pour le spectateur gratifié d’on ne sait quel signe scénique descriptif (sûrement le costume), du moins pour le lecteur de la comedia qui a la distribution des personnages donnée par actes, une connaissance historique assez précise de la vie de Colomb. Ainsi, le roi, qui paraît dans la scène 2 de l’acte I, accompagné du duc de Lancastre, innommé dans le corps du texte, identifie le Portugal (Juan II), pays qui n’est cité qu’au vers 125 (« Portogal ») puis 197. La scène 3 saute du Portugal dans un ailleurs qui ne l’était plus au temps de la pièce, mais à l’exotisme romanesque encore vivace, l’Albaicín, identifié, dans la didascalie d’entrée en scène (« Salgan Mahomet, Rey Chico de Granada… »), par le fameux Boabdil, plus préoccupé de faire la cour à Dalifa que de son oncle soulevé qui règne dans l’Alhambra et du siège de la ville par les Rois Catholiques. La scène 5, avec Colomb, transporte le spectateur et le lecteur sans doute à San Lúcar, où le navigateur sollicite la faveur des ducs De Medinaceli et de Medina Sidonia (« Entren Colón, los duques3… »). Celle qui suit passe à Santa Fe, la ville construite par Isabelle pour le siège de Grenade, où les Rois Catholiques, qui servent à l’identification du lieu, reçoivent Zelín pour traiter la reddition de Grenade. Puis on passe en un autre lieu indéfini où Colomb reçoit son frère Bartolomé revenu d’Angleterre ; on pénètre ensuite dans la Grenade reconquise avec les vainqueurs et le vaincu. L’acte II s’ouvre sur le trait d’union entre l’Ancien et le futur Nouveau Monde, d’une scène sur la nef en pleine mer, avec la révolte des marins contre la folie de Colomb. La scène 2, c’est le Nouveau Monde où l’on découvre des Indiens avant l’arrivée des blancs et les scènes 15 et finales de l’acte iii se déroulent à Barcelone, nommée par la reine Isabelle.
Mondialisation de l’Ailleurs
9Même s’il faut attendre plus tard la première circumnavigation de l’équipage de Magellan (1519-1522) pour ceinturer la rotondité de la terre, la découverte du Nouveau Monde est bien l’amorce de la première mondialisation, la première fois où l’homme européen a connaissance puis conscience de sa coexistence simultanée avec des hommes autres de l’ailleurs radical des antipodes, une conscience globale, littéralement, du globe et il n’est pas étonnant que la géographie envahisse l’art et le genre « viatique », la description d’un ailleurs, la comedia. J’en ai longuement parlé dans un livre4. On trouve inévitablement ici des mentions géographiques de ce monde décloisonné où les horizons se démultiplient de fleuves proches ou lointains : le Rhin, l’Indus, le Gange, le Nil, l’Euphrate, de la Mer rouge ; de continents : África, Asia, Europa et naturellement de pays : Angleterre, France, Espagne, Italie, chaud ou froids, Thulé, Norvège, Albanie, Libye, Ethiopie, Égypte, Inde, Chypre, Crète, Sardaigne, Germanie, Hyrcanie, Perse, Médie, Palestine, Judée, Scythie, Gédrosie (Bélouchistan), Castille ; de villes : Carthage, Troie, Ninive, Palos de Moguer, Tolède, Valencia, Candie, Rome et Gênes, bien sûr, sa patrie, nommée par le héros lui-même (v. 380) ainsi que l’île de Madère évoquée où il réside (v. 381). Sont mentionnées aussi, par Zélín, le Maure, depuis Grenade, Loja, Sevilla, Córdoba, Andújar, Jerez, Jaén, Úbeda, Baeza, Carmona, Écija (v. 333-336), villes reconquises depuis longtemps par les chrétiens, et Fez où se réfugient les Maures vaincus de Grenade reconquise. Du Nouveau Monde, seuls sont seront nommés quelques toponymes, trois exactement caribéens Barucoa, Guanahamí, Haití, et deux anachroniques, Guayra (port de Caracas fondé en 1588), et Potosí (fondé en 1545). La mention d’un Anacona renvoie à Anacoa. Les contradicteurs de Colomb discutent aussi de « la Tórrida zona » (v. 396), de la zone boréale froide, impossibles à vivre pour l’homme, ce à quoi contredit le navigateur savant, ce qui le fait passer avec insistance auprès de ses interlocuteurs pour un fou (« loco impreso », v. 390) et ses rêveries géographiques, pour des « cuentos » (v. 405). Manière habile de Lope d’accréditer en vérité (avérée de son temps) cet ailleurs pour un public replongé dans un ailleurs d’avant, la réalité visionnaire d’un Colomb incompris à son époque dans ses rêves grandioses.
10Dans une scène qui oppose la foi de Colomb en sa certaine découverte et les sceptiques ducs de Medinaceli et Medina-Sidonia (I, 5) qui récusent ses « fables » folles, l’ailleurs le plus antithétique est évoqué longuement, ce sont les antipodes, au sens littéral : « ¿Hombres a nuestras plantas contrapuestos ? » (v. 407). Comment à un peuple voyageur imposer une sédentaire unité de lieu et son fixisme frustrant, expression peut-être obscure du centralisme absolutiste ? La comedia anti-aristotélicienne, comme la littérature de voyage, est saisie de bougeotte. Cervantès résume ainsi ce foisonnement des lieux :
La comedia est une carte
où à peine un doigt distant
tu verras et Londres et Rome
et Valladolid et Gant.
Peu importe au spectateur
que je passe en un instant
de l’Allemagne à l’Afrique
sans qu’il bouge pour autant,
car la pensée a des ailes
et il peut bien, un moment,
me suivre partout en rêve
ni égaré, ni fatigant5.
Après le Nouveau Monde découvert
Noms et langue
11On aborde le Nouveau Monde sur une plage avec un groupe d’Indiens de fantaisie aux noms la plupart fantasques eu égard aux lieux, par ailleurs précis. On imagine que le spectateur les identifie aux costumes, alors que le lecteur a le privilège d’en lire les noms dans la distribution en tête de l’acte : « Tacuana, Auté, Dulcán, Palca, Tapirazú, Mareama, Tecué, indios », Dulcanquellín6, nommé dans la scène 2. Dans cette comedia donc, plus citée que fréquentée7, on a néanmoins remarqué que Dulcanquellín, Auté, Tapirazú n’ont pas de consonance arawak ou taïno, les deux premier étant sans doute des emprunts aux Naufragios d’Alvar Núñez Cabeza de Vaca se référant aux Indiens de Floride, le troisième étant probablement du Paraguay8.
12Comme Boabdil, accompagné de musiciens, de chants et d’un tambour (I, 3 et 4), invoquant Mars, Venus, le dieu amour (v. 248-254), les Indiens, s’accompagnant de « tamborillos y panderos », chantent, en répons, à une indienne, des hymnes au « sol divino », à Phébus et Diane, en l’honneur de Dulcanquellín et Tacuana, assimilés à ces dieux païens. Même s’il l’a enlevée en butin de guerre à un autre époux, Dulcán se défend d’être barbare (« no creas / que todo bárbaro soy », v. 1298-1299), s’exprime en amant courtois, serviteur de sa dame (« servirte quiero », v. 3002). Sous sa fierté guerrière, il s’avoue vainqueur vaincu par sa conquête (v. 1304-1305). Il fait le pendant de Boabdil face à Dalifa, dans Grenade en guerre : l’exotisme moresque s’est transporté sur le rivage des Indes.
13Tout comme les Maures, les Indiens s’expriment naturellement en castillan avant l’arrivée des Espagnols. La déclaration d’amour du cacique Dulcanquellín à Tacuana est un long autoportrait dithyrambique de ses charmes et de sa puissance, suivi d’une longue tirade sur les richesses de ces Indes qui devaient faire rêver les spectateurs de cet ailleurs (II, 2, v. 1184-1251).
Carte postale de l’Ailleurs
14C’est une sorte de carte postale élaborée de 68 vers de 17 redondillas, portrait flatteur de l’amant puis de l’abondance de cette terre, du levant au ponant, de sa richesse que l’amant propose verbalement à son aimée comme Don Juan fait à Aminta pour la séduire ou la circonvenir. Il fait valoir d’abord la richesse naturelle de la mer (« perla y coral »), de la terre en mines d’or et d’argent. Il fait rutiler les feux des pierres précieuses, poétiquement et magiquement évoquées avec les vertus qu’on leur prête : topacio de gualda, morada amatiste (qui arrête les hémorragies), el jacinto que azul viste, la continente esmeralda (qui dissipe l’ivresse), el colorado rubí, el vario girasol (opale).
15Il imagine une chaumière ou, plutôt plusieurs (« tambos ») et deux cœurs ornés de ces splendeurs. Puis il passe à l’abondance en animaux (à l’exception de ce mythique phénix qui trouve en ces lieux les herbes odoriférantes qui lui serviront de bûcher pour sa renaissance) dans un généreux mélange de bêtes de l’Ancien et du Nouveau Monde : la perdiz, el papagayo, el avestruz plumoso, la garza, el pavón hermoso, el vistoso guacamayo (ara), la oveja, la vaca fértil, la liebre, el tiburón, delfín, ballena.
16À la faune, il mêle la flore : tuna o mezquique amarga (nopal), frutas y maíz, cazaví (cassave, farine du manioc), miel, cocos, chiles, sabrosa raíz. Tout un lexique indigène ponctue dans les scènes indiennes l’évocation de ce lointain ailleurs exotique et pittoresque : le dieu solaire mais inconnu « Ongol » (v. 1315) qui reçoit des offrandes de liquidámbar, / mirra, laurel, canela (v. 1350-1351), goma de almizcle y ámbar (v. 1353) ; cinamomo y canela (v. 1846), linlaloel (aloès) y acanto (v. 1867), aromáticos maderos (v. 1868). Cette abondance est digne du Pays de Cocagne rêvé par l’Europe des famines et vite transporté dans les utopies américaines. Mais il y a aussi un vocabulaire local déjà transplanté en Espagne : casa y buhío (bohío) (v. 1338), tambo y buhío (v. 1392), hamaca (v. 2205), canoa (v. 2309).
Langue commune pour dire l’altérité
17On imagine les effets comiques tirés de la confrontation entre les autochtones et les nouveaux arrivants : les indigènes prennent les navires pour des maisons qui marchent, et, tous nus, ils voient dans les vêtements des blancs une peau de toutes les couleurs, la barbe pour des cheveux du bas du visage. Le public devait rire de leurs interprétations des chevaux, des armes à feu, du miroir, des grelots, de la verroterie offerte contre l’or. La convention nécessaire de dire les deux langues en une est soulignée par Colomb écoutant les vaines tentatives d’échange de Palca : « No es de entenderse capaz / que al fin es bárbara lengua » (II, 6, v. 1657-1658). Puis celle des Indiens parlant parfaitement l’espagnol un acte après est justifiée par Tacuana, qui le qualifie, à l’inverse, de « lengua hermosa » (III, 3, v. 2160) : triomphe de la beauté sur la barbarie qui aplanit et justifie les échanges plus subtils théâtralement des deux peuples.
Incompréhension comique
18Mais l’incompréhension linguistique première est plaisamment rendue par les quiproquos des apartés des indiens et des blancs commentant la même situation dans la même langue mais supposée différente. Le sommet, quand les Espagnols manifestent par gestes leur désir de manger, c’est l’ordre aussi compréhensif qu’erroné de Dulcán le cacique à ses serviteurs de faire apprêter pour la table des hôtes quatre serviteurs bien gros et bien rôtis (II, 9, v. 1997-2000). Pour cet effet théâtral comique, qui n’aura pas d’autre incidence dans la pièce, Lope confond ou mêle deux voyages du navigateur puisque seuls les Indiens de Caniba, terre du Grand Can (Khan) selon Colomb (Isla Hispaniola), découverte plus tard, s’avèreront effectivement cannibales. Mais, dans ce Paradis terrestre cherché et apparemment trouvé, qui fait encore rêver le public, cette condensation, le faisant frissonner et rire, introduit le Mal, le Serpent, justifiant les sentences du Démon, qui fera plus tard une autre apparition dans ces terres que lui dispute désormais la Croix.
Indiens déjà hispanisés
19L’acte III, Colomb reparti pour l’Espagne, suppose du temps passé : en tous cas, les indiens parlent déjà espagnol : Auté « habla un poco de espagnol » (III, 2, v. 2141), et Tacuana « entiende la lengua ya » (v. 2149) ; ils s’appellent respectivement par leurs noms et prénoms, nécessité scénique puisque Auté, en deux scènes très drôles, devient l’original gracioso de la comedia : chargé d’apporter au prêtre un nombre d’oranges puis d’olives compté dans des lettres qu’il remet, il ne comprend pas comment, en les lisant et faisant le compte, Fray Buyl a pu deviner qu’il avait mangé de ces fruits curieux du Vieux Monde et se croit trahi par les lettres expliquant le contenu du panier et du bocal (III, 2 et 5).
Espagnols et femmes indigènes
20Quant à la facilité de Tacuana à s’exprimer en espagnol, elle permet l’introduction de scènes assez libres, qui choquèrent par leur crudité au xixe siècle, sur les rapports des Espagnols déplacés ailleurs avec les femmes autres de ces autres. Tacuana, sous couvert de plainte pour avoir été arrachée à son mari par Dulcán, « cacique bárbaro y torpe » (III, 3, v. 2188) se lance dans un panégyrique de ces Espagnols « hijos del sol » (v. 2155) qui apportent une nouvelle religion et de nouvelles mœurs et, dans une vision prophétique de la colonisation et du métissage, souhaite que les arrivants s’en retournent chez eux avec l’or de ces montagnes pour enrichir leurs fils,
O los traigáis a casar
con nuestras hijas, adonde
mezclándose nuestra sangre
seamos todos españoles. (v. 2183-2186)
Mais sous le masque de cette déclaration, la coquine indienne, qui fait ouvertement miroiter la richesse qu’elle peut offrir aux Espagnols, demandant leur défense contre son ravisseur Dulcán qui la vola à son mari, nous avoue en aparté, qu’elle rêve d’être ravie par Terrazas : « vengo a sus brazos rendida / porque ansí me lleve y robe » (III, 3, v. 2249-2250), souhaitant même, semble-t-il qu’il la prenne de force (v. 2251, 2261), s’enquérant s’il est noble, réaction intéressée bien hispanique.
21À bon entendeur, salut : l’Espagnol s’écarte avec elle et son compagnon Arana lui demande : « ¿Dónde la bárbara llevas ? ». Réponse de Terrazas, réplique censurée par tel éditeur9 :
¿Dónde quieres que la lleve
sino a lugar que la gocen
mis necesitados brazos?
¿Soy yo de carne o de bronce? (v. 2250-2255)
Évidemment, nul besoin de traduire « brazos » pour en comprendre la brute métaphore. Dans une scène précédente, c’est l’historique Pinzón, qui pour son plaisir va prendre « dos muchachas » (v. 2151), causant la surprise de l’innocent, jusque-là, Arana : « Mucho te precias de gallo, / ¿una no basta ? ». Mais Arana, jaloux de tous ses camarades en possession de femmes10, tente l’approche d’une Indienne avec des sous-entendus érotiques si transparents que la scène (III, 4) est censurée par de pudibonds éditeurs. Si l’on sait que les Indiennes sont supposées nues, du moins dans le verbe de la pièce, on comprend le double sens de ce tribut et double attribut qu’Arana demande à la jeune Palca : « Palca, ¿cómo va de pechos ? ». On prêtera à l’Indienne une mauvaise connaissance des doubles sens espagnols puisqu’elle répond innocemment : « Que no tengo oro ». « Pecho », au sens de tribut que les déjà conquistadors demandent aux femmes, comme une dot. Ce qui amène la réplique, le piropo, du frustré Arana en voyant les appâts de la belle :
Sólo estos vuestros adoro,
que de oro mejor son hechos.
No busco aquel oro aquí,
de que ya tengo un tesoro.
Explication suffisante pour que Palca s’offre entièrement à lui ce qui entraîne la réflexion de l’Espagnol, éberlué de cette liberté sexuelle des Indiennes :
No vi tal facilidad.
Por deshonra tienen éstas
el negar la voluntad;
que del no vestirse honestas
les nace la enfermedad.
Il soupire avec nostalgie de l’ailleurs qu’est devenu le lointain pays comparé à celui-ci, et rêve d’y voir vivre les femmes de là-bas à la mode d’ici : « Al andar así las mujeres / de España, ¿quién se quejara ? ». Les Indes sont le Paradis érotique des Espagnols. Cependant, malgré la licence innocente, la liberté ou le libertinage, le serpent de la séduction capiteuse mais captieuse, s’y glisse puisqu’il y a aussi la méfiance, comme celle de Tacuana envers Terrazas auprès duquel elle s’enquiert du nom, du lignage, avec ce soupçon : « ¿Engáñasme acaso ? » v. 2257), « ¿Harásme fuerza ? » (v. 2265), peur ou désir du viol. Et, pour accréditer le serment de ce Don Juan, elle prend l’initiative : « Dame la mano », dit-elle rassurée. Ce qui amène l’aparté, le clin d’œil du séducteur au public :
Perdone
esta vez el juramento,
que el amor todo los rompe. (v. 2263-2265)
Serment, parole qu’il n’hésite pas à parjurer, à ne pas tenir, comme celle, sur sa foi, qu’il affirme à Dulcán de lui rendre Tacuana (III, 6, v. 2370- 2376) ; abusant la femme et l’homme, tel le Don Juan ibérique :
No es ley
que quieras tú, por ser rey,
la ajena mujer gozar.
Avec cet aparté cynique : « Basta, que yo le predico / Lo que para mí escojo. » (III, 6, v. 2326-2331).
La faim de l’or
22Cependant le désir de l’or devance, chez les Espagnols, l’appétit sexuel. S’ils offrent à Palca, ravie, des grelots, et un miroir qui la fait fuir, à l’inverse des femmes d’Espagne comme le regrette le prêtre (II, 6, v. 1695), ils attendent, en retour, de l’or. Colomb a beau prétendre qu’il veut ramener en Espagne, quelques indigènes, des animaux et des oiseaux étranges (II, 9, v. 1959-1962) avec lucidité, Terrazas lui dit : « Otra cosa España quiere, / ya presumo que lo sabes ». Colomb a vite compris : « ¿Oro dices ? » (v. 1963-1965). Dans cette vision hagiographique du navigateur, il s’en défend en se drapant dans un alibi pieusement évangélique : « La salvación de esta gente/es mi principal tesoro » (v. 1969-1970).
23La réalité était tout autre puisque même son fils Ferdinand témoignera que le premier souci, la première demande de son père aux indigènes était l’or, qu’il implorait même Dieu de lui dire où s’en trouvaient les gisements. Il l’affirme lui-même crûment dans son Journal (13 octobre 1492) et Las Casas, participant au premier voyage le montre affairé à arracher aux Indiens des renseignements sur le métal et les pierres précieuses. On n’insistera pas sur ce fait bien connu mais on soulignera que la distance temporelle et géographique de cet ailleurs permet à Lope de dénoncer cette réalité, même si c’est par la bouche du Démon, comme dans le premier acte, affolé de voir les Indiens l’abandonner pour le Dieu des chrétiens qu’il dénonce à Dulcán :
Éstos, codiciando oro
de tus Indias, se hacen santos,
fingiendo cristiano decoro
vienen otros tantos
que lleven todo el tesoro. (III, 11, v. 2690-2696)
Car le va et vient de l’exploitation des Indes est déjà commencé. Désabusé, le cacique Dulcán appelle son peuple à la révolte contre les Espagnols : « ¿Con falsa relación y falsos dioses / nos venís a robar oro y mujeres ? » (III, 13, v. 2745-2746). Ce qui correspond à une anecdote réelle puisque les Indiens, près de se convertir, se révoltèrent quand les Espagnols enlevèrent la femme du cacique. Ici, ce n’est qu’un miracle, la croix renversée qui se remet à repousser comme un arbre qui maintient les indigènes dans l’obédience à la nouvelle religion.
Symétrie des Ailleurs
24Face à l’exotisme indien, ce qui est espagnol est, pour les Indiens, un ailleurs tout aussi étrange et exotique. Pour Auté, les olives sont « une fruta extraña », qui rime avec « España » (III, 7, v. 2391-2392). Même les Espagnols conviennent d’une symétrie inverse. Ainsi, les oranges amenées d’Espagne deviennent aussi précieuses que l’or : « Más vale aquí su presencia / que el oro en barras o franjas » (III, II, v. 2108-2110).
Désenchantement
25De la sorte, le Nouveau Monde découvert fait du nôtre, par contrecoup, le Vieux Monde, une symétrie dont l’apparente contradiction se résout par un étrange désenchantement des Espagnols dès la première scène du troisième acte. Colomb reparti, ils ont bien conscience de l’effet qu’aura sa découverte en Espagne. Arana, tournant ses yeux vers le pays lointain, l’exprime ainsi :
Brava admiración y espanto
ha de dar al español,
nuevo mundo y mundo tanto. (III, 1, v. 2015-2017)
Il prophétise, dans le temps fictif de la pièce, la réalité qu’était devenue, au moment de son écriture, ce Nouveau Monde, aimant pour la cupidité du Vieux Monde :
¡Qué atraerá de corazones
del nuevo imán la ganancia! (v. 2034-2035)
Terrazas y fait écho en soulignant les ravages de cette « golosina del oro » (v. 2035), dont il voit déjà les ravages dans un Vieux Monde saisi par cette soif de l’or et cet appétit d’horizons nouveaux qui va le dépeupler, déclenchant aussi, sur place, des guerres fratricides importées :
Despoblaránse las tierras
por ver las nuevas que encierras,
nuevo mundo, en tu horizonte. (v. 2040-2043)
Dans cette scène qui est un faux dialogue mais vrai duo entre Arana et Terrazas, c’est le désenchantement qui s’exprime et concorde, concerte, sur la vaine quête du bonheur dans un ailleurs toujours plus lointain, exprimé en formules lyriques parallèles : « Pues que no estás en el oro, / ¿oh, contento, dónde estás ? » (v. 2068-2069), dit Terrazas. À quoi fait écho la tirade d’Arana sur la vanité d’espérer un bonheur ici, peut-être laissé derrière, en réalité jamais trouvé sur terre par aucun homme, « siendo patria común el cielo » (v. 2086), et encore fondé moins sur la richesse :
Dime, contento, ¿en qué estás?
¿Es honra, es vida, es tesoro?
Pues quien tiene en ti más
pensando que está en el oro,
no sabe por donde vas. (v. 2090-2094)
Avec un regain d’optimisme, Terrazas espère de Dieu que le trésor qu’ils ont amassé, inutile ici, ils en pourront jouir là-bas. Ce à quoi, concluant la scène, réaffirmant la symétrie des deux mondes et la vanité de la quête de ce bonheur, Arana répond :
Y cuando estemos allá,
lo de acá codiciaremos (III, 1, v. 2098-2099)
L’ici et le là-bas réversibles, l’Autre = le Même
26En sorte que cette équivalence sentie par nos découvreurs entre l’ici et le là-bas réversibles renforce finalement le sentiment que l’Autre est en réalité le Même. Certes dans la ludique convention théâtrale, l’ailleurs reste apparemment un ailleurs, verbalisé par des formules qui jouent à dire la différence : bárbara lengua, bárbaros suelos (III, 1, v. 2063), bárbaros bueyes (III, 1, v. 2014) auxquels Colomb, retourné en Espagne, est allé chercher des leyes auprès des souverains.
Assimilation de l’Autre au Même
27Cependant, le prêtre Fray Buyl a un traitement doux ou paternaliste envers l’Indien, qu’il appelle « amigo », (III, 8, v. 2422) « buen indio » (III, 5, V. 2314), dans un rapprochement affectif. On assiste aussi à l’assimilation des indigènes (III, 5, v. 2266) par l’évangélisation, la messe à laquelle ils assistent tous en récitant en chœur unanime le credo (III, 8, v. 2475-2485), devenus tous chrétiens, donc, frères en Jésus Christ.
28D’autre part, au-delà de la nécessaire convention de la même langue pour dire l’Altérité, la même idéologie guerrière régit le défi entre les Indiens, tel celui des deux bravaches Tapirazú et Dulcán qui se disputent Tacuana (II, 3), semblables aux rodomontades courantes dans les comedias de cape et d’épée. La même rhétorique courtoise règle les rapports formels, l’expression du désir, entre homme et dame, que ce soit entre Boabdil et Dalifa, les Maures, qu’entre les Dulcán, Tapirazú et Tacuana, même si la politesse de la pétition d’amour ne cache pas la réalité de la brutalité masculine, puisque le cacique est un ravisseur et l’Espagnol, un séducteur fallacieux : mêmes discours et recours ici et là-bas.
29C’est que l’Autre est toujours le Même, accentué par le fait que ce sont des acteurs d’ici, sans doute connus du public, qui jouent indifféremment les Indiens ou les espagnols. Quel que soient les déguisements, ce sont les mêmes fêtes, danses, le même gracioso goulu, c’est la même langue, les mêmes mots, les mêmes phrases, les mêmes formules et les mêmes réactions qui sont prêtées aux uns et aux autres : les mêmes affects universels semblent les régir. La mise en scène des Indiens, qui « agissent », traduit cet ailleurs pour les spectateurs, confronte l’Ancien au Nouveau Monde, Autre contre Autre, Ailleurs contre Ailleurs. On est toujours l’Autre d’un autre et l’on est toujours de l’Ailleurs pour un Ailleurs dont la réversibilité l’assimile au Même, mais dans le seul ici et maintenant : la même langue. Les patronymes, les toponymes, le lexique qui nomme des nouveautés, sont adoptés, adaptés, acclimatés, colonisés, digérés dans un cannibalisme culturel essentiel. L’inconnu est ramené au connu : l’Altérité n’est pas renfermée longtemps dans le ghetto de l’exotisme, de l’étrangeté toujours inquiétante et toujours inquiétée. Mais, plus subtile portée, de la sorte, l’Indien, plus près de la Nature, n’est plus coupé de l’Européen moderne. Celui-ci s’en éloignera dans le post-humanisme cartésien rompant cette unité en marche. Si Montaigne soulignait les affinités entre homme du Vieux et du Nouveau Monde sous les apparences de la différence, unissant les deux dans une même humanité (Les cannibales), Descartes, avec sa triomphale arrogance pseudo-scientifique, affirmant que l’homme est « maître et possesseur de la nature », radicalise un humanisme qui, à tant la posséder et maîtriser, établit une hiérarchie si imperméable entre homme et nature, homme et animal, que cela aboutira à une hiérarchisation de l’humain, entre les hommes, ceux trop près de la nature (noirs), assimilés à l’animalité, qu’il faudra maîtriser et posséder, et une essence pure de l’homme : hiérarchie implicite entre sous-hommes donc et surhommes. À l’inverse, ici sous ses apparences badines, traitant l’Ailleurs et les Autres, Lope abolit des frontières géographiques et humaines. Il reste donc dans un humanisme renaissant et chrétien (Saint Paul : « il n’y a plus d’hommes, plus de femmes, plus de Grecs, plus de Romains, plus de Juifs, mais des frères en Jésus-Christ »), proche de Montaigne. Le théâtre y est bien le Grand Théâtre du Monde11 où, sous des diversités de lieux et de rôles, l’unique acteur est l’Homme.
Notes de bas de page
1 Le Contador lui dit : « Siendo tú el inventor de aquestas Indias, / que aquí no les sabemos otro nombre » (I, X, v. 892-893).
2 Elle est découpée en trois actes et non jornadas, les scènes étant signalées simplement par l’entrée des personnages.
3 Dans la scène précédente c’est le verbe « salir » qui indiquait l’entrée des personnages, dans la suivante, c’est encore « entrar ». Souvent, c’est la simple mention des personnages qui est donnée.
4 Figurations de l’infini. L’age baroque européen, Paris, le Seuil, 1999, Grand Prix de la Prose 2000, Première partie, « Les routes du monde », p. 47-194.
5 « Ya la comedia es un mapa / donde no un dedo distante /, verás a Londres y a Roma, / a Valladolid y Gante./Muy poco importa al oyente/que yo en un punto me pase/desde Alemania a Guinea/sin del teatro mudarme. / El pensamiento es ligero : / bien pueden acompañarme / con él doquiera que fuere, / sin perderme ni cansarme. », El Rufián dichoso, II, 1, dont la scène passe des bas-fonds de Séville à Mexico. Je cite ma traduction in Figurations de l’infini, op. cit., p. 122.
6 Tacuana donne le nom de son père, Clapillán (v. 2208). Dulcán est appelé ensuite Dulcanquellín.
7 Aucune mention dans le remarquable livre de Christophe Couderc, Le Théâtre du Siècle d’Or, Paris, 2007, PUF, Quadrige Manuel.
8 C’est l’opinion de J. Lemartinel et C. Minguet dans leur introduction à l’édition critique de la pièce, Presses Universitaires de Lille, 1980, p. V. Mais Tapirazú pourrait venir de tapahari, signifiant “tuer” dans le dialecte Haïtiens, cf. L’édition de la pièce par éd. Barry, Paris, Garnier frères, s. d., p. 78.
9 Éd. Barry, op. cit. : « Nous omettons ici quatre vers où les jeux de mots bravent à la fois le bon goût et l’honnêteté », p. 130. Il censure aussi toute la scène entre Arana et Palca.
10 « que no hay piloto embreado », dit-il : certes, couvert de brea, de goudron, mais on ne peut n’y pas sentir l’accouplement sonore avec hembra, hembreado donc, lié à une femme.
11 Rappelons le nom significatif, à Londres, pays également colonisateur, du fameux Théâtre du globe de Shakespeare, où se jouaient des pièces à la géographie fantaisiste : Milan est une île dans La Tempête, qui se passe peut-être à Cuba ; dans la forêt d’Ardenne, il y a des palmiers et des lions dans As you like it (Comme il vous plaira) où se trouve la fameuse sentence : « All the world is a stage ».
Auteur
Université de Provence
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