Les mirages d’un Ailleurs aux deux rivages dans les comedias de captivité de Cervantès
p. 17-31
Résumés
Dans trois des principales comedias de Cervantès, El trato de Argel écrite dès 1583, puis Los baños de Argel et El gallardo español publiées dans le recueil de 1616, les lieux de l’altérité servent de décor à l’antagonisme hispanomauresque dans le contexte politique du règne de Philippe II. Elles ont pour cadre deux régions voisines de la côte nord-africaine, Alger et Oran, liées à des épisodes facilement identifiables de la biographie de l’auteur. La toile de fond de ces comedias est donc faite de fils mêlés, où l’intime croise régulièrement le politique et l’historique.
Il s’agit ici de s’interroger sur les différentes modalités que recouvre cet Ailleurs si souvent convoqué depuis la côte nord-africaine et qui n’est autre que l’Espagne elle-même. La tension des voix et des regards vers l’invisible rivage des côtes espagnoles structure les œuvres. Elle y inscrit des éléments communs qui affectent la dramatisation. Trois d’entre eux sont retenus et étudiés, qui illustrent des perspectives plurielles propres à la représentation de cet Ailleurs cervantin, à la fois familier et inaccessible, intime et interdit. En installant une double ouverture, spatiale sur la « frontière liquide » de la Méditerranée (F. Braudel) et temporelle sur le passé perdu, l’Ailleurs impose sa réversibilité mise en écriture par une topologie de la réciprocité (P. Valéry). De plus, le recours au récit scénique entraîne le lecteur-spectateur vers un au-delà du texte, ou de la scène, qui, comme par l’effet d’un mirage, brouille les limites du discours dramatique et induit un questionnement littéraire qui rappelle la modernité de la création cervantine. Enfin, le truchement du personnage récurrent nommé Saavedra, véritable figure d’un transfert fictionnel et double de l’auteur, confère une dimension ontologique à cette écriture de l’altérité marquée par un incessant et obsessif retour vers soi.
En las tres principales comedias de Cervantes, El trato de Argel, escrita en 1683, y Los baños de Argel y El Gallardo español publicadas en 1616, los lugares de la alteridad sirven de decorado al antagonismo entre españoles y moros en el contexto político del reinado de felipe II. Se sitúan en dos regiones vecinas de la costa de África del Norte, Argel y Orán, vinculados con episodios conocidos de la vida del autor. El telón de fondo de estas comedias se compone de un tejido que mezcla los hikos de loíntimo, lo político y lo histórico.
Aquí se trata de cuestionar las modalidades de este « Ailleurs », este otro espacio tantas veces convocado desde la otra orilla y que no es sino la misma España. La tensión de las voces y de las miradas hacia la invisible orilla de las costas españolas estructura las obras inscribiendo en ellas elementos comunes que impactan la dramatización. Se estudian aquí tres de ellos que ilustran unas perspectivas varias de este « Ailleurs » cervantino, familiar e inalcanzable, íntimo y prohibido. Al instalar una doble apertura, espacial sobre la « frontera liquida » del Mediterráneo (F. Braudel) y temporal sobre el pasado perdido, este espacio impone su reversibilidad llevada a la escritura mediante una topología de la reciprocidad (P. Valéry). Además, el recurso al relato escénico lleva al lector-espectador hacia un más allá del texto, o del escenario, que como por un efecto de espejismo, borra los límites del discurso dramático e induce un cuestionamiento literario que recuerda la modernidad de la creación cervantina. Por fin, el personaje recurrente llamado Saavedra aparece como la figura de una transferencia ficcinal y como doble del autor, lo cual confiere una dimensión ontológica a esta escritura de la alteridad marcada por una incesante y obsesiva vuelta hacia sí mismo.
Texte intégral
1Trois des principales comedias de Cervantès, Los tratos de Argel, la plus ancienne, dite « suelta » et écrite autour de 1580, puis El gallardo español et Los baños de Argel, publiées dans le recueil de 1615, Ocho comedias y ocho entremeses nunca representados, et qui furent probablement écrites quelques années auparavant, se passent principalement dans deux régions voisines de la côte nord-africaine, Alger et Oran, bien connues de notre auteur. Elles sont liées à des épisodes biographiques facilement identifiables : pendant sa captivité au bagne d’Alger de 1575 à 1580, le soldat Miguel de Cervantès, avait comme destination convoitée lors de deux de ses tentatives d’évasion1, la ville d’Oran, alors place-forte espagnole2. Cette même ville, dont le siège par les turcs en1563 sert de cadre à l’action du Gallardo español, fut aussi le but d’une mission confidentielle confiée à Cervantès par Philippe II, et qui lui permit, dès 1581, un retour sur ces lieux de mémoire. La toile de fond de ces comedias est donc faite de fils mêlés, où l’intime croise régulièrement le politique et l’historique. Mon propos se limitera aujourd’hui à une tentative d’identification des différentes modalités de l’Ailleurs dans ce corpus spécifique que forment les comedias de captivité.
2Il est possible, dans un premier temps, d’identifier cet Ailleurs par sa nature géographique. Et si l’on se réfère à la définition étymologique de ce concept, cet aliorsum, cet espace autre, vers lequel sont tournés les personnages dans ces comedias cervantines, c’est alors l’Espagne elle-même. De fait, les espagnols exilés, captifs du bagne ou soldats engagés dans la défense de la place-forte, font de leur terre natale l’unique objet de leurs pensées tourmentées, le refuge de leur liberté perdue et le support leur fierté nationale. La tension des voix et des regards vers l’invisible rivage des côtes espagnoles structure ces œuvres. Elle y inscrit des éléments communs qui affectent la dramatisation : j’ai choisi de n’en retenir ici que trois, qui illustrent des perspectives plurielles propres à cet Ailleurs cervantin, à la fois familier et inaccessible, intime et interdit.
3J’analyserai d’abord les représentations du rivage et ses enjeux dramaturgiques dans ces comedias. Il apparaît que la double ouverture, spatiale sur la frontière maritime entre les deux rives de la Méditerranée3 et temporelle sur le passé perdu, façonne l’image d’un Ailleurs marqué par sa réversibilité.
4Il s’agira ensuite de s’interroger sur la portée du récit scénique qui, en brouillant les limites du langage dramatique, parvient à élargir le champ de la topographie initiale en stimulant la représentation imaginaire d’un Ailleurs hors scène. Il induit, en outre, un questionnement littéraire qui rappelle la modernité de la création cervantine.
5Enfin, je terminerai par l’évocation d’un personnage que l’onomastique désigne au lecteur-spectateur comme un transfert fictionnel : le nom de Saavedra sert de truchement entre vie et création et vient conférer une dimension ontologique à cette écriture de l’altérité marquée par un incessant et obsessif retour vers soi.
L’espace de la « marina » ou la dramatisation de l’Ailleurs
6C’est sous l’égide de Paul Valéry que je voudrais aborder ces rivages, avec une remarque extraite des Inspirations méditerranéennes, qui paraît en parfaite correspondance avec l’image du littoral perceptible dans ces comedias puisqu’il écrit : « Un regard sur la mer, c’est un regard sur le possible4… » Or c’est précisément par ce regard sur l’horizon marin que s’installe la première représentation de l’Ailleurs dans les pièces cervantines. Mais selon une image empruntée, cette fois, à Alain Corbin, la mer est aussi perçue comme « cette étendue palpitante qui constitue l’inconnaissable5. » On est encore loin ici de la rêverie littorale que les romantiques éprouveront à la contemplation des trois éléments, eau, terre et air, mêlés sur la grève. Ici, leur jonction sur le rivage est plutôt propice à l’intrusion de toutes les menaces et de tous les phantasmes qui sollicitent l’imaginaire6. Cet espace est fondamentalement porteur d’une double valence, convoquant tour à tour l’espoir ou l’appréhension, la nostalgie ou la terreur. Dans le cadre des trois comedias étudiées, cette implantation dramaturgique est potentiellement active et sa seule évocation installe une tension fortement suggestive : qu’il renvoie aux naufrages, à la course ou aux diverses péripéties de la nouvelle existence du captif, c’est toujours un Ailleurs empreint d’une tragique incertitude que convoque le rivage.
7Un inventaire sémantique de ce lexème et de ses synonymes montre que ce motif s’inscrit dans un réseau signifiant qui contribue à l’élaboration d’une dramatisation constamment renouvelée. Ce lieu apparaît en effet de façon inégale mais toujours pertinente : le bord de mer est désigné alternativement par orilla, ribera, playa ou, encore plus fréquemment dans les dialogues : la marina7. À partir de sa définition dans le Diccionario de Autoridades, « parte extrema de tierra inmediata al mar », on retiendra donc, pour ce terme, le concept d’extrémité, de confins. Le rivage marin est l’hyperbole de la finitude, fin des cours fluviaux et des routes terrestres, il est le lieu à la marge, à la lisière, véritable seuil vers l’inconnu qui suscite la rêverie et stimule l’imagination8. Plus précisément encore, le rivage s’ouvre sur un entre-deux incertain entre les territoires connus des côtes espagnoles et algériennes.
8Il faut remarquer tout d’abord que Cervantès, dans ces comedias, fait un usage le plus souvent laconique des didascalies : elles sont essentiellement destinées à indiquer les entrées et sorties de scène des personnages et leurs prises de parole, voire à confirmer de façon assez originale une coutume locale explicitée par l’auteur en personne9, mais elles donnent peu de précisions quant aux lieux de l’action qui sont à déduire du discours dramatique lui-même. Ainsi, devine-t-on que la scène finale des Tratos a lieu sur le rivage puisqu’on y voit les esclaves et les captifs qui rendent grâce à la Vierge Marie de l’arrivée du navire libérateur et prient en un chœur unanimement reconnaissant. Le texte suggère implicitement cette localisation par l’écho paronymique entre marina et María, et, surtout, le jeu verbal, explicite, « María… de nuestro mar incierto, cierto guía10 » de l’avant dernière réplique. De ce rivage symbolique, aux confins de la mer et de la terre, semble émerger l’image transcendantale d’une Vierge qui intercède pour le sort des captifs et parvient à confondre les eaux et les cieux, dans un Ailleurs d’autant plus impalpable et irreprésentable qu’il est métaphysique.
9Dans El gallardo español, c’est un jeu phonique et onomastique qui rappelle l’essence duelle du milieu marin. Margarita, déguisée en homme, a bravé les dangers de la traversée pour rejoindre don Fernando, incarnant parfaitement la porfía amorosa propre à son personnage. Elle se définit à son arrivée à Oran grâce à une paronomase11, soutenue par une allitération et un oxymore révélateur de cette douloureuse ambivalence : « [Soy] Margarita ; mar do mora/ gustos que me han de amargar12. »
10Le rivage est, avant tout, dans les trois œuvres citées, le premier contact avec la terre de la captivité. Il symbolise la réalité tragique et constitue donc un espace marqué par la souffrance. C’est là également que se joue le sort de chacun comme le suggère la répartition des captifs selon les travaux indiqués par le Guardián Bají (BA) : « Este a la leña se asienta, /éste vaya a la marina13. » Le groupe des prisonniers rassemblé ensuite dans le bagne, communie dans une même tension nostalgique vers l’au-delà de la rive africaine. Tous les regards disent le désespoir de l’abandon, comme l’enfant et le vieillard unis dans la même plainte :
Francisco
Allá miran los ojos
donde quieren bien
Viejo
Bien al propósito fuera,
pues que los del alma miran
desde esta infame ribera
la patria por quien suspiran,
que huye y no nos espera14.
Pourtant, c’est de ce même rivage que peut aussi naître l’espoir de la libération parce que l’évasion ne peut se faire que par la mer. Ainsi, dans Los baños de Argel, le retour de don Lope qui vient chercher Zahara, et ses compagnons de captivité a lieu sur une plage toute proche de la maison et du jardin d’Agi Morato (père de Zahara) :
Don Fernando
Más a la orilla lleguemos
no hay que dudar, ellos son. […]
Vivanco
[…] y, sin poderme esperar,
a la marina corrieron15.
C’est par la mer qu’arrive le navire porteur de la limosna, la rançon libératrice, comme dans Los tratos de Argel. Enfin, les regards qui scrutent l’horizon marin attendent les renforts comme le montre, dans Los tratos, le monologue rétrospectif du personnage de Saavedra : le soldat pointe l’ambivalence de cet espace, perçue dès son arrivée sur la terre hostile. Il souligne à la fois le désarroi de la captivité et l’espoir de la libération en s’adressant directement au roi Philippe II :
Cuando llegué cautivo y vi esta tierra…
ofrecióse a mis ojos la ribera…
Cada uno mira si tu Armada viene16…
Dans El gallardo español, la place-forte espagnole d’Oran est soumise à la menace imminente de l’attaque turque d’Hassan Pacha. Là encore, l’horizon maritime est habité des perspectives contraires du l’assaut ou du renfort. La marina offre la meilleure ou la pire des alternatives, comme le montrent les deux répliques suivantes. La joie de Don Martín de Córdoba, heureux d’accueillir un navire ami, « Vamos a recibirle a la marina17 », s’oppose à la terreur engendrée par la menace confirmée par Bairán : « Digo, señor, que la venida es cierta / y que este mar verás y esta ribera / él de bajeles lleno, ella cubierta / de gente innumerable y vocinglera18. » Toutes les tensions convergent donc vers la mer et se cristallisent sur l’espace du rivage que s’approprie la scène. Acteur et spectateur sont ainsi projetés vers cet Ailleurs aléatoire, alternativement protecteur ou menaçant, qui devient le véritable vecteur de la dramatisation.
11Des trois pièces étudiées, c’est sans conteste Los baños de Argel qui justifie le mieux le titre de cette communication puisque les deux rivages y sont représentés par un aller-retour entre la côte espagnole et le bagne d’Alger qui structure fondamentalement l’œuvre. La dramatisation de l’espace stratégique de la marina est sensible des deux côtés de ce qui apparaît véritablement ici comme la « frontière liquide » définie par Fernand Braudel19. La première journée s’ouvre par une scène de razzia, el rebato20. Un système d’échos se met en place qui rend compte de la violence de l’événement tout en dessinant une topographie symbolique de l’antagonisme de la scène : aux cris des habitants du village espagnol assailli, al arma répété quatre fois, répond l’ordre donné par les corsaires et les maures à leur service, a la marina crié cinq fois au cours de cette première scène. Les désignations spatiales opposent le lexique terrestre des espagnols, tierra, atalayas, à celui de la mer et du rivage des assaillants playa, orilla, cala, marina. Cette binarité antithétique met en évidence l’impact pathétique de l’action représentée et la réplique, en forme de constat d’impuissance, du personnage de Sacristán associe, par l’écho d’une rime suggestive, le bord de mer et la tragédie à venir : « Ningún hacho en la marina… / Ser cierta nuestra ruïna21. »
12Le face à face entre les deux rivages et la proximité des côtes fit écrire à Fernand Braudel que cette frange de mer entre Oran et Carthagène « n’est pas dans la masse continentale des mondes ibériques et nord-africain, une barrière mais une rivière qui unit plus qu’elle ne sépare, qui fait de l’Afrique du Nord et de l’Ibérie, un seul monde22… » Tout se passe, en effet, comme si les vagues, avec leur flux et leur reflux, permettaient une osmose élémentaire et comme si la liquidité, le partage des eaux facilitait un échange fondamental. Cette commune aspiration explique le processus de réciprocité qui apparaît dans l’écriture dramatique créatrice de la topographie des comedias.
13La force de l’évocation cervantine réside, comme cela a souvent été souligné, dans la polyphonie qui multiplie les perspectives envisagées. Ainsi dans El Gallardo español, on assiste à un paradoxal face à face entre les deux protagonistes ennemis. Les deux rivages sont représentés ici par les deux visages de don Fernando Saavedra et Ali Muzel :
Alimuzel
No es enemigo el cristiano,
contrario sí.
Don Fernando
[…] y fía aquesto de mí
comedido Alimuzel
y aun pienso hacer por ti
lo que un amigo fiel23…
L’antagonisme politique et religieux disparaît au profit d’une réciprocité interculturelle féconde qui, chez Cervantès, est sans doute l’Ailleurs recherché, voire revendiqué24 : un terrain où n’émergent finalement, de toutes les incertitudes, que les qualités permanentes et essentielles de l’humain.
14Et surtout, on voit se dessiner concrètement dans ces comedias une carte originale, marquée par une topologie de la réciprocité, pour réutiliser ici une expression que Paul Valéry avait consacré aux rapports entre Orient et Occident25. Elle place tour à tour au centre de la scène des espaces qui symbolisent les liens entre ces deux mondes en situation d’interpénétration dans la réalité, grâce à un jeu d’interpolations de microcosmes espagnols en terres maures. La place-forte d’Oran est l’illustration la plus évidente de l’ancrage de l’hispanité dans l’altérité maure. Or, on constate que cette topologie est réversible et que les enchâssements se multiplient dans les deux sens : le douar de la belle Arlaxa, la dama maure du Gallardo español, dans les environs d’Oran, est une enclave maure en zone espagnole. Inversement, à Alger, le bagne devient un espace espagnol en zone maure, une sorte de réceptacle de la culture familière, de la mémoire intime dans l’environnement étranger. Enfin, on relève l’originalité d’un lieu intermédiaire, qu’on pourrait qualifier d’espace de la mixité : le jardin d’Agi Morato. On a rappelé plus haut qu’il est situé près de la plage par laquelle arrive don Lope et son bateau libérateur. C’est aussi ce que précise, pour ce même espace, le récit du captif dans Don Quichotte : « a mí me hallarán en el jardín de mi padre, que está a la puerta de Babazón, junto a la marina26. »
15La marina apparaît donc comme une zone franche, un seuil entre l’espace de la réclusion et cet Ailleurs cervantin polymorphe qui pourrait se résumer d’un seul mot : la liberté.
Le récit scénique ou l’autre scène
16La liberté, Cervantès la revendique aussi dans l’écriture par le mélange formel qui caractérise ses œuvres : on a souvent souligné la théâtralité de sa prose romanesque et il est aisé aussi de relever le recours fréquent au récit scénique dans ses comedias. Sa fonction première et évidente est de révéler ce qui s’est passé « Ailleurs », dans un autre espace et un autre temps, sur une autre scène. Conformément aux règles de la bienséance classique, ces tirades, généralement assez longues, permettent d’évoquer des combats irreprésentables sur la scène. Mais leur portée va au-delà de cette contrainte car le récit scénique montre le non figurable en dépassant les limites de la perception visuelle : la voix prévaut alors sur le regard et la scène est donnée à imaginer et non plus à voir, soulignant ainsi, comme le rappela Diderot l’insuffisance du visible par rapport à l’imaginaire dans la représentation27. Sans exagérer la comparaison avec le théâtre-récit, tel qu’il fut conçu plus récemment par Antoine Vitez28, on trouve déjà chez Cervantès, une parole scénique déléguée à un personnage, souvent secondaire, qui devient conteur et interprète d’une action hors scène. L’irruption de cette forme de description intervient à des moments précis dans les comedias et elle provoque manifestement un allongement, une dilatation de la tension dramatique qui intensifie l’émotion de la scène évoquée.
17Deux moments illustrent remarquablement le recours à cette technique et permettent d’en mesurer l’enjeu dramaturgique dans El gallardo español et dans Los baños de Argel.
18Dans El gallardo español, Oropesa, un vieux captif au service de la maure Arlaxa lui raconte au début de la IIe Journée un exploit militaire de don Fernando de Saavedra.
Oropesá
Escucha una
de su esfuerzo y su fortuna
que podrá ser que te asombre.
Dio fondo en una caleta
de Argel una galeota
casi de Orán cinco millas
poblada de turcos toda.
Dieron las guardas aviso
al general y, con tropa
de hasta trescientos soldados,
se fue a requerir la costa.
Estaba el bajel tan junto
de tierra, que se le antoja29
dar sobre él: ved qué batalla
tan nueva y tan peligrosa.
Dispararon los soldados
con prisa una vez y otra;
tanto, que dejan los turcos
casi la cubierta sola.
No hay ganchos para acercar
a tierra la galeota;
pero el bravo don Fernando
ligero a la mar se arroja.
Así recio de la gúmena
que ya el turco aprisa corta
porque no le dan lugar
de que el áncora recoja.
Tiró hacia sí con tal fuerza
que, cual si fuera una góndola,
hizo que el bajel besase
el arena con la popa.
Salió a tierra y de ella un salto
dio al bajel, cosa espantosa,
que piensa el turco que el cielo
cristianos llueve, y se asombra.
Reconocido su miedo,
don Fernando con voz ronca
de la cólera y trabajo
grita: « ¡Victoria, victoria! »
La voz da al viento, y la mano
a la espada victoriosa,
con que matando e hiriendo
corrió de la popa a proa.
Él solo rindió el bajel30.
La bravoure exceptionnelle du personnage est annoncée depuis le seuil même de la pièce par son titre, El gallardo español, et ne constitue donc pas l’apport d’un élément nouveau à l’intrigue, mais le récit d’Oropesá permet d’authentifier cette réputation par le témoignage. Il justifie l’amour, justement engendré de oídas que les deux héroïnes, Arlaxa la maure et Margarita la chrétienne, éprouvent pour don Fernando. Ce courage est fondateur du drame et chaque acte débute donc par un éloge du héros. Le récit de cet exploit s’appuie sur des techniques propres à l’épopée et de ce fait, renvoie au plan formel à l’héroïsme chevaleresque du romancero traditionnel : la scène est isolée du contexte, les détails de l’action sont décrits avec précision et dynamisme, le rythme s’accélère et le ton devient lyrique et exalte l’image du héros. On retrouve l’emploi de l’impératif et d’un présent qui fait irruption dans le passé des faits rapportés, comme si la voix produisait une troisième dimension en offrant ainsi le dépassement de la limite de l’horizon imposée par la vue31. On remarque aussi le caractère parcellaire de l’hypotypose qui souligne des traits symboliques de l’action dans ses détails les plus concrets, et renvoie à l’immédiateté de l’image, ou plutôt du tableau imaginaire, recréé par la seule évocation verbale. Le récepteur est sommé de voir : il s’agit concrètement alors non plus d’une mise en scène mais d’une « mise en voix » par laquelle se manifeste toute la théâtralité du langage32.
19Dans Los baños de Argel, l’usage du récit scénique est plus complexe car cette fois, l’auteur fait appel à l’imaginaire du récepteur pour mieux remettre en question le témoignage visuel. Il met en place un subtil enchâssement qui entraîne un véritable questionnement générique. Il s’agit pour le gardien Bají de raconter les effets trompeurs et tragiques d’un mirage. Les turcs ont cru voir arriver sur la mer une flotte espagnole et, fous de panique et de terreur, se sont vengés en massacrant des captifs. Or, ce récit d’une tragédie engendrée par le réel, vient interrompre une comédie, œuvre de fiction, mise en scène et interprétée pour fêter le jour de Pâques par les prisonniers du bagne.
Guardián
Yo me alisto
a contar la crueldad
igual de la necedad
mayor que jamás se ha visto.
Salió el sol esta mañana,
y sus rayos imprimieron
en las nubes tales formas,
que, aunque han mentido, las creo.
Una armada figuraron
que venía a vela y remo
por el sesgo mar aprisa,
a tomar en Argel puerto.
Tan claramente descubren
los ojos que la están viendo
las fingidas galeras,
las proas, popas y remos,
que hay quien afirme y quien jure
que del cómitre y remero
vio el mandar y obedecer
hacerse todo en un tiempo.
Tal hay que dice haber visto
a vuestro profeta muerto
en la gavia de una nave
en una bandera puesto.
Muestra tan al vivo el humo
su vano y oscuro cuerpo
y tan de cerca perciben
los oídos fuego y truenos
que, por temor de las balas
más de cuatro se pusieron
a abrazar la madre tierra:
tal fue el miedo que tuvieron.
Por estas formas que el sol
ha con sus rayos impreso
en las nubes, ha en nosotros
otras mil formado el miedo.
Pensamos que ese don Juan
cuyo valor fue el primero
que a la otomana braveza
tuvo a raya y puso freno
venía a dar fin honroso
al desdichado comienzo
que su valeroso padre
comenzó en hado siniestro.
Los jenízaros archíes
que están siempre zaques hechos
dieron en matar cautivos
por tener contrario menos;
y si acaso el sol tardara
de borrar sus embelesos
no estábades bien seguros
cuantos estáis aquí dentro.
Veinte y más son los heridos
y más de treinta son los muertos.
Ya el sol deshizo la armada.
Volved a hacer vuestros juegos.
Don Fernando
[…] Que siempre en tragedia acaban
las comedias de cautivos33.
Quand l’ouïe et la vue sont sollicitées, ce n’est que pour mieux en montrer les limites trompeuses. La fiabilité de la perception sensorielle est remise en question par cet épisode où le mirage met à l’épreuve le réel et autorise un mélange des plans : « y sus rayos imprimieron / en las nubes tales formas […] que una armada figuraron », « las fingidas galeras », « el sol borró sus embelesos ». La diffraction entre réel, fictif et imaginaire entraîne le lecteur dans une quête philosophique de la connaissance et de la vérité. Mais le récit de cette tragédie, le massacre inutile des captifs, fait aussi un détour par l’absurde qui rappelle la modernité de l’écriture dramaturgique cervantine : la mort de ces espagnols n’est due qu’à une erreur d’appréciation !
20De fait, dans nos deux exemples, on pourrait parler à propos du récit d’un double point de fuite tant il est vrai que le lecteur-spectateur est entraîné à la fois vers un hors scène, mais aussi vers un hors texte, qui interroge la théâtralité essentielle du texte dramatique et sa limite dans la réception34. Le mirage du langage, « el espejismo del lenguaje35 », est bien la représentation la plus adaptée : au-delà de l’action dramatique concrètement évoquée, il est emblématique de ce que Anne Ubbersfeld, citant Claudel, nomme cette « fuyante réalité36 ». L’auteur met le récit du mirage au service d’une esthétique proprement baroque, d’une écriture de l’instable, du paraître, pour reprendre une expression de Jean Canavaggio37.
21L’originalité de la théâtralité cervantine est peut-être d’avoir surtout cherché à amplifier l’impact émotionnel en instillant dans ces comedias une dimension pathétique propre à la tragédie ou à l’épopée. Par l’insistance sur la complexe fragilité de la nature humaine par essence faible et faillible, c’est un recours systématique aux affects et à leur impact dramatique que l’écriture semble proposer ici. Le caractère exemplaire des actions décrites tend à éveiller la crainte ou la pitié comme le préconisait Aristote, mais encore à susciter l’admiration et surtout à rappeler la force du destin sur les personnages38. Au-delà du brouillage générique propre à susciter une interrogation globale sur l’apparence, il y a une volonté manifeste de générer un dépassement de soi qui entraîne vers un Ailleurs plus largement ontologique.
Le personnage de Saavedra ou l’autre soi
22Borges, qui, à propos de Cervantès et de don Quichotte, a souvent abordé le thème du rapport entre auteur et personnage, suggère dans le poème « Un soldado de Urbina » à quel point l’écriture constitue une révélation de l’être et je n’en citerai quelques vers qui disent la nécessaire projection du moi vers l’autre ou, plutôt, selon le titre du recueil de Borges El Otro, el mismo39 :
Sospechándose indigno de otra hazaña
como aquella en el mar, este soldado,
[…] para borrar o mitigar la saña
de lo real, buscaba lo soñado.
L’écriture rend compte de cette quête, par un effet de dédoublement, à travers des personnages qui expriment la tragédie intime de l’auteur. D’une façon générale, Cervantès semble fasciné par les personnages hybrides, à l’identité floue, ceux qui appartiennent à la marge, à la frontière : je veux parler des nombreux personnages de renégats ou des héros à l’apparence équivoque. C’est le cas, dans El Gallardo español, de don Fernando, habillé en maure qui défend le douar d’Arlaxa contre les espagnols, au côté de celui qui est devenu son ami Alimuzel effaçant ainsi toutes leurs différences. Cet intérêt particulier n’est pas soutenu seulement par une conviction idéologique, si fort soit l’humanisme cervantin, on ne peut le comprendre que si l’on identifie, dans la fiction, le fil de la trame autobiographique qui s’y s’immisce.
23C’est par la résonance du patronyme de « Saavedra » que Cervantès insère cet autre lui-même, issu de son Ailleurs intime. Un personnage nommé « Saavedra » revient par trois fois dans l’œuvre cervantine, dont deux figurent dans les comedias étudiées ici. Si l’on compare ces trois apparitions, on mesure son avènement dans ce que l’on pourrait qualifier d’une épiphanie héroïque : de l’alter ego de l’auteur, modeste porte-parole des captifs dans Los Tratos au rôle encore secondaire nommé simplement « Saavedra », au soldat exemplaire de courage et de ténacité dans son aspiration à la liberté, mais cité brièvement par le capitaine captif Ruy de Viedma dans le récit interpolé du Quichotte, par l’expression ambiguë « un tal de Saavedra40 », ce truchement fictionnel devient le héros de la comedia, et s’appelle fièrement « don Fernando de Saavedra », dans la comedia chronologiquement postérieure du Gallardo español. Cette évolution semble suivre celle de l’appropriation par l’auteur de ce nouveau patronyme. La première trace écrite de cet ajout figure sur les documents liés à son mariage avec la jeune Catalina de Salazar en 1586, soit six ans après son retour d’Algérie et il devient ensuite la double signature patronymique bien connue, « Miguel de Cervantes Saavedra ». La loi n’était pas aussi rigoureuse qu’aujourd’hui et cette liberté de choix était fréquente. Toutefois, il est intéressant de remarquer que les années douloureuses (1581-1586) de la réinsertion dans la société espagnole coïncident avec l’appropriation de ce deuxième patronyme par Cervantès. De plus, c’est aussi ce nom qu’il lègue à sa fille unique, née hors mariage en 1585, reconnue alors et connue depuis comme Isabel de Saavedra.
24On a longtemps attribué ce choix à une filiation spirituelle avec un cousin éloigné Gonzalo de Cervantes Saavedra, poète et soldat, qui probablement participa à la bataille de Lépante41. Mais des travaux récents42 permettent plus pertinemment de relier ce patronyme à une autre figure, à la fois historique et littéraire, Juan de Saavedra, sévillan, alcaide de Jimena de la Frontera, et héros du romance « Río Verde » qui raconte sa capture par les maures de Grenade lors d’une expédition43 le 10 mars 1448. Il fut retenu en captivité dans la capitale des Nasrides et libéré après le versement d’une rançon. La similitude avec la propre expérience de notre auteur est remarquable et sans doute fut-elle propice à une identification symbolique44. Si l’itinéraire cervantin et ses traumatismes individuels semblent clairement dévoilés par ce personnage emblématique, l’originalité de ce transfert réside dans sa double inscription, esthétique et historique, qui lui offre une portée idéologique particulière. Cervantès s’identifiait-il après son expérience de captif, avec la dualité fondamentale de l’homme de la marge, la pluralité de l’homme frontalier au point de créer avec ce personnage, une « nouvelle frontière », cet Ailleurs essentiel pour l’écrivain entre réalité biographique et fiction littéraire45? En tout cas, cette nouvelle signature est arborée comme une cicatrice qui stigmatise, au sens littéral, une identité nouvelle.
25L’histoire nous ramène à nouveau aux deux rivages, qui séparent et unissent en même temps les mondes chrétiens et musulmans. En effet, la temporalité nostalgique est double : le passé intime du bonheur perdu du captif se mêle au passé collectif glorieux d’Al-Andalus, tous deux abolis par le présent traumatique de la captivité ou de la défaite. De fait, les deux communautés regardent ensemble vers cet Ailleurs qui est le territoire commun de leur paradis perdu. Il est manifeste que l’expérience de la captivité a permis à Cervantès de mesurer la dimension douloureuse consubstantielle à cet Ailleurs, comme l’écrit Michel Moner : « Cervantès, dont la mémoire itinérante demeure inscrite à jamais dans cet espace entre deux rives où les enfants de la Méditerranée, ballottés par l’Histoire, n’en finissent pas de pleurer leurs paradis perdus46. »
26Cervantès revendique le double héritage, maure et espagnol, transcendant ainsi leurs déchirures pour mieux en rappeler les blessures partagées. Juan Goytisolo, depuis le Maroc, dans une empathie évidente avec notre auteur, se plaît à souligner la dimension idéologique de ce regard vers l’Espagne : « La obra cervantina está concebida desde la otra orilla – la de lo excluido y rechazado por España47. »
27Le personnage de Saavedra révèle le palimpseste de l’auteur, dans une construction très baroque où cette spécularité est la mise en scène, ou la mise en écriture, des mécanismes inconscients et fondateurs de l’œuvre.
28L’Ailleurs cervantin dans les comedias de captivité est remémoré mais aussi réinventé dans une sublimation qui transcende le spatio-temporel symbolisée par cet entre-deux rives, et qui se manifeste par un dépassement générique et ontologique : le drame devient récit, l’auteur devient personnage48.
29L’Ailleurs cervantin résulte avant tout d’une aspiration fondamentale à la liberté. Pour conclure, je dirai que la projection vers cet Ailleurs est surtout d’ordre gnostique. Cette « quête de l’être au-delà du paraître49 » m’a semblé parfaitement illustrée par les enjeux profondément ontologiques de ces comedias de captivité.
30Au terme de ces réflexions, il apparaît que la caractéristique de ces différentes modalités de l’Ailleurs cervantin dans les comedias de captivité correspond à ce que Jankélévitch appelle « une géographie pathétique de la nostalgie50. » En fait, je parle de comedias pour rester fidèle à la terminologie générique proposée par l’auteur dans le titre de l’ouvrage qui en rassemble huit mais, de toute évidence, l’essence des pièces ici retenues est bien plus tragique que comique51. Moins ludique que sa prose ou son théâtre bref, la dramaturgie cervantine de ces comedias cherche avant tout à émouvoir pour séduire ou convaincre, critiquer ou informer. L’expérience tragique de la captivité fait de la souffrance l’élément privilégié dans la lutte contre un destin contraire que ces pièces mettent en scène. Sans doute, cela explique-t-il un certain décalage avec le goût du public contemporain et la controverse avec Lope de vega rappelée dans le Prologue des Ocho comedias. On retrouve cet impact du pathétique dans la réécriture d’un romance, que Rafael Alberti a inséré dans son discours de réception du Premio Cervantes en 1983 pour évoquer son propre exil, qui est celui que chantent les captifs dans Los baños de Argel, soulignant à nouveau la forte dramatisation du rivage :
À las orillas del mar
que con su lengua y sus aguas
ya manso, ya airado, llega
del perro Argel las murallas,
con los ojos del deseo
están mirando a su patria
cuatro míseros cautivos
que del trabajo descansan,
y al son de ir y volver
de las olas en la playa
con desmayados acentos
esto lloran y esto cantan:
¡Cuán cara e [re] s de haber, oh dulce España!52
Le chant et sa plainte désignent ici, une fois encore, l’Espagne comme l’Ailleurs convoité mais inaccessible, imaginé mais irreprésentable sur scène… en quelque sorte comme le mot qui unit si justement et si douloureusement la marge et le rivage et qui est, pourrait-on dire, leur anagramme pathétique : le mirage.
Notes de bas de page
1 Voir l’article de Michel Moner, « Les paradis perdus de la mémoire : le périple “algérien” de Cervantès », « Colloque Emmanuel Roblès et l’hispanité en Oranie », à Oran, les 4 et 5 novembre 2008, disponible sur le site www.biu.montpellier.fr: « Oran a indubitablement été considérée comme l’une des portes ouvrant sur la liberté… Oran a d’abord perduré comme un symbole dans l’univers cervantin, où la cité semble avoir cristallisé tous les espoirs et toutes les tensions ».
2 Conquise depuis le 17 mai 1509 par le cardinal Cisneros pour le compte des rois catholiques.
3 Voir Fernand Braudel, La Méditerranée, t. II, « Sur les côtes de l’Afrique du Nord » et « Les présides, un pis aller », Paris, Armand Colin, 1985, p. 181 et sq.
4 Paul Valéry, Inspirations méditerranéennes, Œuvres Complètes, La Pléiade, t. i, p. 1090 et sq. : « Certainement, rien ne m’a plus formé, plus imprégné, mieux instruit – ou construit – que ces heures dérobées à l’étude, distraites en apparence, mais vouées dans le fond au culte inconscient de trois ou quatre déités incontestables : la Mer, le Ciel, le Soleil. Je retrouvais, sans le savoir, je ne sais quels étonnements et quelles exaltations de primitif. Je ne vois pas quel livre peut valoir, quel auteur peut édifier en nous ces états de stupeur féconde, de contemplation et de communion que j’ai connus dans mes premières années. Mieux que toute lecture, mieux que les poètes, mieux que les philosophes, certains regards, sans pensée définie ni définissable, certains regards sur les purs éléments du jour, sur les objets les plus vastes, les plus simples, le plus puissamment simples et sensibles de notre sphère d’existence ; l’habitude qu’ils nous imposent de rapporter inconsciemment tout événement, tout être, toute expression tout détail, – aux plus grandes choses visibles et aux plus stables, – nous façonnent, nous accoutument, nous induisent à ressentir sans effort et sans réflexion la véritable proportion de notre nature, à trouver en nous, sans difficulté, le passage à notre degré le plus élevé, qui est aussi le plus “humain”. »
5 Alain Corbin, Le territoire du vide. L’Occident et le désir de rivage. (1750-1840), Paris, Aubier, 1988, édition consultée : Flammarion, coll. « Champs », 1990, p. 12.
6 Voir Alain Corbin, « La plage s’intègre à la riche fantasmatique des lisières, par lesquelles surgissent les périls et les enchantements », op. cit., p. 192.
7 Le Diccionario de Autoridades donne la définition suivante de ce terme : « la parte extrema de tierra inmediata al mar de cuyo nombre se forma esta voz ».
8 Voir Pierre Jourde, Géographies imaginaires, Paris, Corti, 1991, p. 26-27.
9 Voir El gallardo español, Jornada Ia, p. 223, à propos de la quête de Buitrago, Cervantes Obras completas, por A. Valbuena Prat, Madrid, Ediciones Aguilar, 1980, tomo 1. Les œuvres seront dorénavant citées à partir de cette édition.
10 Los tratos de Argel, Jornada IV, p. 168 : « OTRO : En Vos, Virgen dulcísima María, /entre Dios y los hombres medianera, / de nuestro mar incierto cierto guía ».
11 Sur l’effet de la paronomase, voir l’article de Benito Pelegrín, « Pour une théorie figurale du baroque.
L’effet paronomase. », Atala, no 11, Les Espagnes, Rennes, 2008, p. 199-218, ainsi que les travaux de Philippe Meunier, L’oreille, la voix et l’écriture dans quelques textes du Siècle d’Or, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2005.
12 El gallardo español, Jornada III, p. 254.
13 Los baños de Argel, Jornada I, p. 328.
14 Los baños de Argel, Jornada II, p. 352.
15 Los baños de Argel, Jornada III, p. 384-385.
16 Los tratos de Argel, Jornada I, p. 135.
17 El gallardo español, Jornada I, p. 232.
18 El gallardo español, Jornada III, p. 255.
19 Voir supra, note no 4.
20 Scène conforme au début in medias res des comedias nuevas, comme le relève Maria Caterina Ruta, « Elementos teatrales y elementos narrativos en los textos de cautiverio de Cervantes », Criticón, 87-88-89, 2003, p. 765-774.
21 Los baños de Argel, p. 324.
22 Fernand Braudel, op. cit., t. I, p. 108.
23 El gallardo español, Jornada Ia, p. 231.
24 Pour comprendre la prégnance de cette interculturalité, voir l’article de Ahmed Abi-Ayad, de l’Université d’Oran, « L’hispanisme algérien : Oran, Cervantès et Emmanuel Roblès », lu lors du Colloque « Emmanuel Roblès et l’hispanité en Oranie », Oran, 4 et 5 novembre 2008, disponible sur le site www.biu.montpellier.fr
25 Paul Valéry, Orient et Occident…
26 Miguel de Cervantes, Don Quijote de la Mancha, [1605], I, 40, Barcelona, Edición Crítica, 1998, p. 469.
27 Diderot, Entretiens sur le fils naturel, [1757], III, éd. J. Goldzink, Paris, GF-Flammarion, 2005, p. 133.
28 Je veux ici rappeler la première tentative du metteur en scène, Catherine adaptée des Cloches de Bâle d’Aragon et présentée par Antoine Vitez en Avignon en 1975.
29 C’est moi qui souligne les verbes au présent de cette tirade.
30 El gallardo español, Jornada II, p. 234.
31 Voir Paul Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972, p. 95.
32 Théâtre/Public, no 189, Théâtre Oracle, juin 2008, cahier orchestré par Henri Meschonnic.
33 Los baños de Argel, Jornada III, p. 370-371.
34 Lire sur ce point Cécile Narjoux, « La théâtralité de l’invisible dans le récit scénique : approche énonciative et stylistique d’un paradoxe », La lettre et la scène : linguistique du texte de théâtre, sous la direction de C. Despeirres, H. Bismuth, M. Krazem et C. Narjoux, Dijon, Éditions Universitaires de Dijon, coll. « Langages », 2009, p. 195-207.
35 Voir Helena Percas de Ponsetti, Cervantes y su concepto del arte, Madrid, Gredos, 1975, tomo 1, « El tema morisco. El lenguaje como cultura » et plus particulièrement, p. 235 « el espejismo del lenguaje ».
36 Anne Ubbersfeld, Lire le théâtre III, 1996, p 138.
37 Jean Canavaggio, Cervantes dramaturge, un théâtre à naître, Paris, PUF, 1977, chap. vii, p. 341 et sq.
38 Voir pour une analyse de la dramaturgie du pathos, Florence Dobby-Poirson, La pathétique dans le théâtre de Robert Garnier, Paris, Honoré Champion, 2006.
39 Jorge Luis Borges, El Otro, el mismo, 1964.
40 Le personnage récurrent de Saavedra est cité dan le récit interpolé du captif dans Don Quijote par le narrateur qui devient alors témoin des exploits de ce « soldado español llamado tal de Saavedra el cual, con haber hecho cosas que quedarán en la memoria por muchos años… que si yo dijera ahora lo que este soldado hizo fuera parte para entreteneros y admiraros harto mejor que con el cuento de mi historia. », I, 40.
41 Après des déboires financiers, il s’embarqua pour les Indes et mourut près de la Havane dans un naufrage.
42 María Soledad Carrasco Urgoiti, « El gallardo español como héroe fronterizo », Actas del Tercer Congreso Internacional de Cervantistas, Menorca, 20-25 octubre de 1997, Palma, Universitat de les Illes Balears, 1998, p. 571-581.
43 Romance recensé par Menéndez Pidal, cité par Maximiano Trapero, « El romance del Río Verde », Homenaje a Zamora Vicente, Tomo II, Dialectología II, Estudios sobre el Romancero, Castalia, 1989, p. 434.
44 Pour l’historicité des données biographiques dans ces comedias, on se reportera en plus de l’ouvrage cité supra, à la biographie de Jean Canavaggio, Paris, Mazarine, 1986, et à l’article ancien mais très documenté de Jaime Oliver Asín, « La hija de Agi Morato en la obra de Cervantes », Boletín de la Real Academia Española,
45 Voir Maria Antonia Garcès, Cervantes en Argel, historia de un cautivo, Madrid, Gredos, 2005, la citation p. 49 : « Si el nombre “Saavedra” simultáneamente delinea una firma, una geografía, un cuerpo y una cicatriz que sangra en este relato (el cautivo), también representa esa frontera límite tenue entre la autobiografía y la ficción ».
46 Michel Moner, « Les paradis perdus de la mémoire : le périple algérien de Cervantès », art. cit.
47 Juan Goytisolo, Crónicas sarracinas, Barcelona, Ediciones Peninsular, 2005, p. 277 : « La summa cervantina, concebida desde la otra orilla, la de lo excluido y rechazado por España, será así entre otras muchas cosas, la tentativa de representación de una disyuntiva cultural y vital seductora, y finalmente descartada.[…] El destierro o trasplante a un área cultural juzgada apriorísticamente como el envés de la nuestra, ofrece la oportunidad de poder contemplar a ésta con distintos ojos : tengo para mí que Cervantes elaboró su compleja y admirable visión de España durante su prisión en tierras africanas en contraposición al modelo rival con el que contendía ».
48 Voir l’idée d’un prisme déformateur du regard extérieur sur l’espace par l’individu errant, Jean-Marc Moura, L’Europe littéraire et l’Ailleurs, Paris, PUF, 1998, p. 2-3.
49 Jean Canavaggio, Cervantes dramaturge, un théâtre à naître, Paris, PUF, 1977, p. 355.
50 Vladimir Jankélévitch, L’Irréversible et la nostalgie, Paris, seuil, 1979, p. 277.
51 Voir Jesús González Maestro, La escena imaginaria. Poética del teatro de Miguel de Cervantes, Iberoamericana, Vervuert, Madrid, 2000, p. 137-154 , « De la experiencia trágica a la existencia trágica ».
52 Los baños, Jornada IIa, p. 351.
Auteur
Université de Provence
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