Le Moyen Âge sinon rien. Statut et usage du passé dans le jeu de rôles grandeur nature
p. 47-57
Texte intégral
1D’un abord un peu alternatif, voire trivial, le jeu de rôles grandeur nature est un observatoire tout à fait sérieux pour étudier la « présence » du passé et surtout celle du « Moyen Âge » dans nos sociétés. À la différence de la littérature ou du cinéma, dans le jeu de rôles grandeur nature, le récit est foncièrement interactif ; la dimension participative exige des créateurs, des joueurs et des animateurs, de partager une vision commune et pratique de l’univers dans lequel ils évoluent. La majorité des jeux de rôles grandeur nature a lieu dans une « ambiance moyenâgeuse » et à peu près tous dans un contexte non contemporain. Ce jeu, enfin, n’est pas une activité intimiste ; on estime le nombre de pratiquants à 15 000 par an en France, et une « partie » peut réunir, en Belgique par exemple, plus de 1 500 participants. Cette activité présente donc au moins pour ces trois raisons une configuration remarquable pour réfléchir sur les rapports contemporains au passé, tant dans les objets narratifs de fiction que dans la société en général.
2Un sondage de dix questions a été réalisé en ligne et limité à environ 500 fois 10 réponses, venant des pratiquants de jeu de rôles grandeur nature belges, français, québécois et suisses1. L’échantillon garantit une certaine représentativité des résultats et il est susceptible de quelques généralisations. L’observation participante a été cruciale. Ceci n’est pas dit au hasard. Nous avons quelque chance de ne pas faire les faux-pas d’appréciation qui menacent toute étude de ce type qui entretiendrait un rapport d’extériorité avec son objet. Il ne s’agit cependant pas de dire ce que l’on pense ; mais de « suivre » les intéressés, de décrire ce qu’ils font et ce qu’ils pensent jusqu’au moment où l’on est porté à « mieux » voir qu’eux ce qu’ils sont en train de faire et de penser. Ce ne sont donc pas les acteurs que nous mettons à l’épreuve, mais le lien entre le « Moyen Âge » et ce jeu, en lui faisant passer l’épreuve du point de vue praticien. Les pratiquants sont ici les porte-parole du Grandeur Nature et du Moyen Âge, et le Moyen Âge est considéré comme un acteur de ce jeu parmi d’autres2.
Les conditions d’un monde commun
3Le jeu de rôles grandeur nature est né de l’envie de certains de vivre en « vrai » les aventures des jeux de rôles sur table auxquels ils jouaient. Il s’est peu à peu développé dans les années 1980 et se pratique maintenant assez largement dans les pays occidentaux où des fédérations ont vu le jour. Il reste cependant confidentiel en raison de sa configuration en huis clos. Son public est exclusivement composé des participants. Ils se répartissent entre les nombreuses associations qui proposent chacune des jeux différents. Une partie peut durer jusqu’à cinq jours sans interruption ou simplement quelques heures, et rassembler de quelques joueurs à plusieurs milliers. De nombreux paramètres différencient les jeux entre eux, les styles sont variés et vont de la simple aventure sportive, axée sur la simulation de combat, à de véritables récits à épisodes nourris d’intrigues fouillées, individuelles et collectives, impliquant des univers très complexes.
4Le jeu de rôles grandeur nature est un jeu de simulation interactif : les participants y incarnent physiquement un personnage et improvisent son comportement. Ils interagissent entre eux selon les motivations et le caractère du personnage, en fonction des éléments de scénario ou tout simplement de leur humeur. Certaines interactions entre les personnages sont simulées, comme lancer des sortilèges ou se battre (avec des armes inoffensives). À bien des égards, le jeu de rôles grandeur nature satisfait aux caractéristiques définies par la réflexion traditionnelle sur le jeu. Ainsi, on peut sans peine se référer à la définition du jeu avancée par Johan Huizinga en 1939 :
Une action libre, sentie comme « fictive » et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d’absorber totalement le joueur ; une action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité : qui s’accomplit en un temps et dans un espace expressément circonscrits, se déroule avec ordre selon des règles données, et suscite dans la vie des relations de groupes s’entourant volontiers de mystère ou accentuant par le déguisement leur étrangeté vis-à-vis du monde habituel3.
5Le jeu de rôles grandeur nature a ceci de particulier que les univers qu’il utilise sont très majoritairement des univers moyenâgeux et fantastiques. Une des raisons les plus évoquées de ce phénomène par les répondants à l’enquête est la filiation du jeu de rôles grandeur nature au jeu de rôles sur table, dont le jeu le plus connu est Donjons & Dragons, ouvertement inspiré de l’œuvre de Tolkien. Alors que sur table d’autres jeux se sont largement répandus sans être « médiévaux fantastiques », le jeu de rôles grandeur nature, lui, reste fortement attaché à ce type d’univers. Les plus gros jeux, c’est-à-dire plus de 500 participants, se déroulent tous dans des univers de ce type4. C’est bien le genre qui attire le plus de joueurs, dans tous les pays où ce loisir est pratiqué.
6Pour comprendre ce phénomène, il faut revenir à la nature même du jeu. L’aventure, qui peut être considérée comme le résultat du jeu, ne se vit qu’au niveau du participant lui-même. Le jeu se présente donc comme une somme de récits individuels5. Pour que ces récits individuels puissent s’imbriquer les uns dans les autres au moment du jeu, il est nécessaire pour les participants de partager un cadre de référence, une diégèse, qui donne une cohérence générale à l’aventure, au même titre qu’ils appliquent tous les mêmes règles de simulation6. Ce cadre de référence, l’univers du jeu, se résume parfois à une note d’ambiance : « l’univers est médiéval et fantastique ». Mais il est souvent très fouillé et se réfère à de nombreux documents rédigés par les organisateurs qui détaillent tout ce qu’il faut savoir : la géographie, l’histoire, la faune, les structures sociales.
7Toutefois, les jeux qui attirent le plus grand nombre de participants sont ceux qui imposent le moins d’exigences. Pour que le jeu se déroule de manière fluide et pour que les participants se sentent le moins contraints dans l’interprétation de leur rôle, ils doivent donc partager un maximum de références et, de préférence, devoir en apprendre un minimum. Les jeux les plus accessibles font largement référence à des stéréotypes partagés par tous. Comme dans d’autres systèmes narratifs, les stéréotypes jouent un rôle fondamental pour assurer la participation active des destinataires de la fiction au déploiement du récit et permettre aux narrateurs de réaliser une importante économie de discours. Si ce mécanisme fonctionne déjà largement pour des médias comme le cinéma, il prend une importance encore plus grande dans des systèmes narratifs basés sur l’interaction, où le destinataire est également le destinateur.
8Parallèlement à cette nécessité de partager un cadre de référence, les scénaristes et les participants cherchent des contextes de jeu accueillants pour leurs envies et leurs idées. Généralement, les organisateurs inventent un univers non historique qu’ils modèlent entièrement selon leurs besoins. C’est pourquoi le fantastique au sens large, comme potentiel syncrétique infini, y a souvent une place prépondérante. Les auteurs créateurs aiment aussi diversifier les éléments de leur univers de jeu : plusieurs « races » de créatures intelligentes, des religions polythéistes, des organisations sociales et politiques diverses. Tous ces éléments élargissent les possibilités d’intrigues. Bien qu’on y retrouve des archétypes connus, les organisations ont majoritairement à cœur de revendiquer des univers de jeu originaux, qu’elles ont expressément créés pour le jeu.
9En d’autres termes, la plupart des jeux de rôles grandeur nature ont besoin d’un cadre de référence suffisamment partagé pour pouvoir facilement y intégrer les joueurs, un cadre qui soit compatible avec l’imagination fertile des auteurs et des participants. Et ce cadre, tout naturellement, c’est le « Moyen Âge ».
10Le Moyen Âge dont on parle ici ne renvoie pas à la période de l’histoire. Les Grandeur Nature qui se situent explicitement dans la société médiévale sont très rares. S’ils font le choix de l’histoire, les créateurs préfèrent généralement des contextes précis comme le Versailles de Louis XIV, la Seconde Guerre mondiale, les années 1920, le Far West. Ces « époques » sont surtout retenues pour leur esthétique vestimentaire bien identifiable et le potentiel de références qu’elles véhiculent. Les éléments historiques servent avant tout d’inspirateur dramatique. Mais en dehors de ces atouts, l’histoire reste par nature difficilement compatible avec le jeu de rôles grandeur nature qui nécessite le minimum de contraintes pour s’ouvrir à un large éventail de possibles. Or la liberté narrative et réactive est limitée par la réalité historique. Si le Grandeur Nature tente parfois de proposer du récit dans l’histoire, il ne tente jamais de rejouer l’histoire. Le Moyen Âge n’y est donc pas un univers en tant que tel mais plutôt une atmosphère, un adjectif sur lequel se greffent des éléments qui n’ont rien de médiéval. Les réponses à notre enquête relatives au Moyen Âge n’évoquent d’ailleurs que très rarement un lieu, un personnage historique (au contraire des personnages de légende), une date ou un évènement historique. Ceci alors même que les répondants déclarent majoritairement connaître « beaucoup » le Moyen Âge.
11Le questionnaire invitait les participants à proposer trois mots-clés qui évoquent pour eux le Moyen Âge, ainsi que trois objets physiques. Concernant les mots-clés, « château » est le terme le plus évocateur en apparaissant dans une réponse sur trois. Viennent ensuite « chevalier » (dans 26 % des réponses), « roi » (15 %), « guerre » (13 %), « épée » (11 %), « religion » (9,7 %), « féodal » (8,5 %), « noblesse » ou « noble » (6,1 %), « armure » (5,3 %) et « paysan » (5,1 %). Les autres mots-clés totalisent moins de 3 % de récurrence : on y trouve « dragon ». Pour les choses physiques, 45 % des réponses désignent le château, 42 % l’épée et 30 % l’armure ; les autres mots proposés par les répondants (tels que « costume », « chevalier », « bougie ») n’atteignent pas 4 % des réponses.
De la « supériorité » du Moyen Âge
12Ces éléments à l’esprit, pourquoi – selon les pratiquants – le jeu de rôles grandeur nature aurait-il si souvent pour cadre le Moyen Âge ? Près de quatre répondants sur dix expliquent le succès du Moyen Âge par sa notoriété. Ceci confirme implicitement la nécessité de partager un cadre de référence commun pour jouer. La source de cette notoriété est à leurs yeux essentiellement la fiction : près de trois quarts de ces réponses évoquent le cinéma, la littérature, les légendes et Tolkien7.
13Trois répondants sur dix indiquent que le Moyen Âge est facile à réaliser, ce qui expliquerait son succès. Parmi les gestes techniques, comme la médecine ou l’artisanat, l’exemple le plus illustratif est le combat. Le simuler se fait sans peine grâce à des répliques inoffensives d’armes blanches, au contraire d’époques où l’arme à feu et plus largement toutes les technologies sont difficilement simulables sans passer par des règles qui contrarient la fluidité du jeu. Le succès du duel est significatif à cet égard (fig. 1, p. 261). Il semble effectivement plus aisé de poser une ambiance moyenâgeuse qu’un environnement futuriste ; raison pour laquelle, le Moyen Âge serait préféré par exemple au Space opera8.
14Le Moyen Âge serait aussi facile à visualiser. La notion de Moyen Âge permet facilement de mettre tout le monde d’accord sur la manière de se costumer : la cape, l’épée, la robe, la cotte de mailles, l’armure, le chaperon, la bure sont autant d’éléments qui font moyenâgeux et qui contribuent aisément à installer l’ambiance. Pour certains répondants, le vêtement médiéval est lié à une certaine saleté ambiante, à la boue et à la paille. Les bâtiments comme le château ou l’auberge portent aussi une charge évocatrice aisément exploitable.
15Connu par les uns, le Moyen Âge est méconnu par d’autres, et cela constituerait un de ses atouts ludiques. À première vue contradictoire, cette réponse sous-entend que les faits et l’histoire de cette époque (qui « a duré très longtemps » selon plusieurs répondants) ne sont pas maîtrisés. Cette méconnaissance permettrait dès lors d’utiliser plus facilement cet « âge » éloigné, offrant une plus grande liberté aux créateurs pour inventer des histoires.
Les catégories « vivantes » du Moyen Âge
16La perception qu’ont les pratiquants du Moyen Âge témoigne elle aussi d’un « passé » qui vaut essentiellement par son potentiel narratif, en l’occurrence, ludique. Là aussi les pratiquants s’expliquent comme s’ils répondaient à la question suivante : Qu’est-ce que le passé permet quand il n’est pas de l’Histoire ?
17Par nature, le Moyen Âge serait le temps de la légende, des contes enfantins et des chevaliers au destin remarquable, auxquels il est aisé de s’identifier comme personnage. Cette association est évoquée par un répondant sur trois. Un répondant sur dix explicite cette caractéristique en disant que le Moyen Âge prête à rêver.
18Le Moyen Âge serait caractérisé par un moment de convivialité : celui de la fête campagnarde ou du banquet aristocratique. Ainsi, pour plonger quelqu’un dans une atmosphère moyenâgeuse, un répondant sur cinq ferait intervenir de la nourriture ou les boissons. La musique est une autre dimension largement évoquée. Un répondant sur cinq l’utiliserait et un répondant sur dix évoque explicitement la présence de musiciens (de troubadours, de baladins, etc.) pour créer cette atmosphère. Le Grandeur Nature étant une activité poursuivie notamment, nous le verrons, à des fins de sociabilité, voilà une représentation qui coïncide bien avec ce que recherchent les participants.
19Le Moyen Âge semble être une époque de troubles propice à la guerre, ce qui facilite l’introduction d’une situation de déséquilibre favorable aux intrigues musclées, faites d’embuscades et de batailles rangées. Il serait aussi une époque de maladies, d’incertitudes, d’existences précaires. Pour plonger quelqu’un dans une ambiance moyenâgeuse, un répondant sur six évoque des soldats, des joutes, des guerres.
20Pour certains, c’est aussi le temps de la croyance, de la foi, du fanatisme religieux et de la crédulité, favorable aux notions de magie et de fantastique. Cette disposition historique à l’égard des forces invisibles, des miracles ou des mirabilia peut apparaître comme un argument qui justifie le couple du Moyen Âge et du fantastique (fig. 2, p. 261). Le raisonnement est alors le suivant : puisque les gens croyaient à la magie et aux monstres, rien ne s’oppose à ce qu’il y en ait.
21Une économie rudimentaire, une géographie féodale ; la société médiévale serait rurale (ce qu’elle est pour l’essentiel), morcelée, isolée et divisée ; un peu comme certains historiens ont tendance à la voir comme un univers sans marché, qui reflète la vision ecclésiale alors dominante. Dans ce monde, pour les pratiquants, la nature a encore ses droits, la forêt règne en maître. Par conséquent, le voyage, très présent dans le Grandeur Nature, est une véritable aventure où l’on passe d’une situation particulière à une autre.
22Le Moyen Âge apparaît comme une société hiérarchisée. La place de chacun y est vue comme bien définie, surtout par la naissance. On reconnaît les chefs, c’est un cadre structuré et familier mais laborieux pour le peuple et marqué par l’injustice. Cela incite à vouloir s’en extraire : la promotion sociale semble accessible par la seule force de l’individu, ou à la pointe de l’épée, ce qui, finalement, justifie l’aventure.
23Malgré la passion du costume qui anime beaucoup de pratiquants, l’atmosphère « médiévale » semble s’obtenir d’abord par effacement de la modernité. L’important, avant toute autre exigence, est l’élimination des indices contemporains (fig. 3, p. 262). On quitte la ville, on enlève ses lunettes, on cache les cigarettes, on drape les murs et les tables, on allume une bougie ou un feu, on bannit de son langage des termes modernes, et le tour est joué. Nous sommes au Moyen Âge, ou plus exactement : nous ne sommes plus dans le monde moderne, donc nous sommes au Moyen Âge. Ainsi l’illustre un étudiant belge de 30 ans quand il explique comment il s’y prendrait pour créer une atmosphère moyenâgeuse :
Quelques tentures, de l’obscurité, et quelques bougies font l’affaire (mais c’est le cas pour presque toutes les périodes de l’histoire pour peu que les personnes soient prêtes à imaginer) – ou simplement costumé au milieu d’un bois.
Loin de l’Histoire
24Il y a un paradoxe pour qui aborderait le jeu de rôles grandeur nature avec des lunettes d’historien. L’intérêt pour le passé, pour le Moyen Âge en tant que période historique, est faible dans ces jeux à « univers » moyenâgeux, à « rendu médiéval ». Lorsque les raisons de pratiquer le Grandeur Nature sont librement questionnées, la motivation de type passéiste – par passion pour la période, ou pour vivre comme à l’époque – est une des raisons les moins représentatives, et ce malgré un facteur positif, puisqu’il s’agit d’un sondage ouvertement consacré au Moyen Âge9. Si l’on ne peut pas mesurer cette influence, on peut du moins en être certain avec, à la question Pourquoi faites-vous du GN ?, des réponses de ce type : « Pour passer un WE agréable avec des passionnés. Pas du tout pour revivre une réalité historique » (un enseignant français de 33 ans).
25Les réponses peuvent être classées en huit motivations qui se décrivent par une série de termes formant un ensemble cohérent, auquel on donne une étiquette par pure commodité10. Un peu plus d’un participant sur deux dit jouer pour le jeu (l’immersion, l’interactivité, l’aspect « grandeur nature » etc.). De même qu’un peu plus d’un participant sur deux dit pratiquer le Grandeur Nature pour s’évader ou se dépayser. La dimension conviviale (sociabilité, mixité sociale) du Grandeur Nature revient comme motivation dans presque une réponse sur deux. Presque un participant sur trois dit être motivé par l’aspect sportif ou les sensations fortes du jeu. Environ un répondant sur six dit pratiquer cette activité comme simple divertissement. De même qu’un peu moins d’un répondant sur six indique jouer pour les vertus psychologiques et initiatiques du Grandeur Nature (dépassement et estime de soi, réflexion sur les comportements humains). L’intérêt historiciste au sens large arrive donc en avant-dernière position : un peu plus d’un répondant sur huit dit pratiquer cette activité pour des questions « historiques ». Suivie d’une réponse sur neuf qui contient une motivation d’ordre créatif (écriture de scénario, mise en scène, inspiration artistique, confection), cf. graphique :
26À la question Pourquoi faites-vous du GN ?, les réponses « passéistes » parmi les plus franches sont les suivantes : « J’ai toujours été passionné par l’histoire et en particulier par le moyen-âge » (un étudiant belge de 16 ans) ; parce que « je suis fasciné par les matières nobles et les techniques anciennes » (un ingénieur français de 32 ans) ; « pour le plaisir de vivre comme nos ancêtres, sans souci » (un étudiant québécois de 17 ans) ; « je peux revivre les combats d’autrefois » (un étudiant québécois de 15 ans) ; « mieux comprendre comment certaines choses pouvaient se passer historiquement » (un étudiant québécois de 22 ans) ; « pour me mettre dans la peau d’un personnage médiéval [sic] et non fantastique » (un québécois de 27 ans en maîtrise d’histoire médiévale) ; « je pratique cette activité dans le but de satisfaire mon intérêt pour le monde médiéval, l’authenticité et l’originalité de la recherche faite sur certains lieux et événements historiques (dans le cas de certains GNs) » (un étudiant en Histoire québécois de 19 ans).
27On notera que ce sont deux étudiants en histoire qui donnent les réponses les plus exclusives. Quatre constations peuvent encore être faites, dont les conclusions viendront immédiatement au lecteur. Premièrement, beaucoup de pratiquants situent le Moyen Âge à un certain degré de distanciation : « Qui plus est j’ai toujours été passionné par l’univers médiéval » (un étudiant belge en informatique de 21 ans). Il n’y a souvent pas loin de la référence médiévale à son éviction. Finalement, on a moins affaire à une période qu’à un genre, à l’instar du Post-apocalyptique ou de la Belle Époque.
28Deuxièmement, dans la lignée des autres réponses, le Moyen Âge ou « le médiéval » employé comme substantif est fréquemment associé (15 occurrences) au fantastique et au merveilleux, soit en couple, soit en dyade : j’aime le médiéval et le fantastique / j’aime un monde médiéval et fantastique. Un répondant précise que « médiéval » ne veut certes pas dire « Moyen Âge » : « j’aime l’ambiance med-fan. Maintenant, le Moyen Âge et le GN sont deux choses bien distinctes ».
29Troisième et quatrième remarques : environ 70 % des répondants qui évoquent le Moyen Âge ont moins de 20 ans (les moins de 20 ans représentent 21 % des répondants), et environ 80 % de ceux qui font référence au Moyen Âge historique à un titre ou à un autre sont Québécois.
30De manière générale, le Moyen Âge dans le jeu de rôle grandeur nature apparaît comme « un espace de dépaysement exotique quasi infini ». Ces mots, qui conviendraient à la réponse d’un pratiquant, sont les mots donnés au Moyen Âge romantique11. Les idées d’un ailleurs et de l’exotisme dominent : il s’agit avant tout d’« un autre monde » (une éducatrice belge de 28 ans). L’intérêt pour le passé est moins encore lié à l’érudition et/ou à la recherche : « Il faut l’avouer, écrit un ingénieur belge de 33 ans, le monde du GN est peuplé de joueurs non spécialistes en histoire (dont je fais partie). Et le but premier n’est pas la reconstitution historique. » « Je pense que les Gn ne puisent réellement que leur visuel dans le Moyen Âge » (un fonctionnaire belge de 38 ans). En forçant le trait on pourrait dire que le temps à reconstituer est celui de l’enfance.
À quoi sert le passé ?
31Plutôt qu’une époque révolue, le Moyen Âge est un « dispositif » de création. Nous insistons sur le désintérêt pour l’histoire dans une pratique à forte présence « médiévale » parce que l’historien, qui a le monopole du discours légitime sur le passé, a tendance à ne considérer l’usage du passé que sous l’angle de l’histoire et de l’historicité12. Les œuvres reproduisent-elles fidèlement le passé ? Quelle vision de l’histoire véhiculent-elles ? Quel imaginaire ou mythe produisent-elles ? La majeure partie des travaux sur le cinéma et le roman historiques procède de ce questionnement13. Comme l’historien est ordinairement le seul à s’intéresser à la dimension « historique » des œuvres de fiction, il n’est pas nécessairement le mieux équipé pour observer l’étendue des motifs du recours au passé14. D’autre part, l’effet d’objectivation, c’est-à-dire « la transformation d’un rapport de familiarité en connaissance savante » (Bourdieu) ne cesse pas d’écarter l’historien d’une toute autre évidence de l’histoire15. L’historiocentrisme est encore accentué par la fonction d’expert des enjeux de la mémoire donnée à l’historien assez récemment par la société civile16. Notre manière d’articuler le passé au présent, notre « régime d’historicité » (Fr. Hartog) n’est pourtant pas uniquement et peut-être même pas essentiellement épistémique, idéologique, mémoriel17. À la vieille « refondation cognitive de l’histoire » (Kr. Pomian) se séparant de la chronique et des belles-lettres devrait succéder une autre refondation, qui séparerait usage de l’histoire et usage du passé, ménageant ainsi une place à ses qualités non historiques. Car il y a tout un continent de pratiques des temps anciens, que le jeu de rôles, mais pas seulement, met en lumière. On en a déjà vu des aspects, ajoutons quelques éléments et le bilan.
32Les répondants (4 %) émettent des objections quant au rapport entre Grandeur Nature et histoire. Soit ils ne font pas ce genre de jeu, soit ils déclarent que le Grandeur Nature n’a pas grand-chose à voir avec le Moyen Âge. Un étudiant en langue bretonne (24 ans) dit adorer le combat et les costumes mais surtout l’aventure ; alors, « bloqué par l’historicité de la reconstitution », il continue de jouer. Quelques-uns nous gratifient d’une leçon parce qu’il y aurait confusion entre « moyenâgeux » (qui évoque le Moyen Âge) et « médiéval » (qui se rapporte au Moyen Âge) :
Les GN ne se déroulent pas pendant le Moyen Âge en général... mais dans des mondes plus ou moins inspirés des concepts développés aux xviiie-xixe siècles sur le Moyen Âge. C’est totalement différent ! (un enseignant français de 46 ans).
33Aux yeux des auteurs et des joueurs, il y a en somme trois grandes raisons pour que le Moyen Âge tourne aussi bien sur l’orbite du jeu : son potentiel dramatique, sa puissance d’évocation (ou préférence esthétique) et sa facilité de mise en scène et de simulation. Héritage commun omniprésent dans notre culture, idéologiquement neutre vis-à-vis de l’extérieur, le Moyen Âge est à plus forte raison, à leurs yeux, une solution dramatique et pratique.
34À l’historiocentrisme, il faut donc opposer un dramatisme de l’histoire ; à l’instrumentalisation, un pragmatisme du passé ; à l’idéologisme, un esthétisme historique18. L’atmosphère ou la couleur « médiévale » fonctionne comme un dispositif de jeu, non comme une expérience du passé, ou pour avoir « la sensation du Moyen Âge » (Proust). Son statut, c’est son usage. C’est un moyen et non une fin. Même si elles en disent toujours quelque chose, les créations ne veulent généralement rien dire sur le passé. La question à se poser n’est pas : la période est-elle fidèlement reproduite ? mais : combien d’histoires n’aurions-nous pas pu raconter sans elle ?
Prolégomènes à une anthropologie des temps historiques
35Si le Moyen Âge n’existait pas, il faudrait l’inventer. Car manifestement il remplit une fonction dans la société occidentale. Ce n’est pas un hasard si l’humanisme et la Réforme puis l’érudition l’inventent, et avec lui, le mode de périodisation qui est encore le nôtre bien que « les noms même de “Moyen Âge” et de “médiéviste” devraient être bannis »19. Le xixe siècle ne le réinvente pas non plus par hasard et nous n’en sommes pas les innocents récipiendaires. L’actualité du Moyen Âge ne s’explique pas seulement par l’école ou le patrimoine. Le Moyen Âge n’est pas plus « médiéval » qu’un autre millénaire. À ce compte, l’« Âge des extrêmes » d’Éric Hobsbawm est médiéval.
36Interroger sérieusement la fonction et la valeur de ce temps historique nous en dirait beaucoup sur l’« inconscient » contemporain. On peut poursuivre un instant, de manière métaphorique, sur ce registre. Le Moyen Âge appartient à cette série de catégories de l’altérité occidentale à la fois repoussoirs et attirantes. Il est le « Ça » historique de l’Occident, de la même manière que l’animal est son « Ça » anthropologique, et l’Orient ou l’Afrique son « Ça » géographique. Le Moyen Âge, la Bestialité, l’Orientalisme ont beaucoup de choses à se dire. Mais pour cela, il faut sortir d’une vision strictement historisante du passé. Dans la terminologie de l’évolutionnisme social et dans la tradition intellectuelle du processus de civilisation – de Lewis Morgan à Norbert Elias – le Moyen Âge est un état barbare (enfantin), intermédiaire entre l’état sauvage (animal) et l’état civilisé (adulte). Tout ce qui est rejeté par la culture supérieure et la norme, tout ce qui a trait aux aspects brutaux, émotionnels ou spontanés de nos rapports humains pourrait être qualifié, comme on le fait parfois, de médiéval.
37En marge de cette qualification, mais non en rupture avec elle, le moment romantique et le médiévalisme ont fait et font du Moyen Âge un espace d’intimité, une dimension de l’authentique, un « retour aux sources », contre la poussée aliénante de la mécanisation industrielle, du technocosme et du consumérisme. C’est en quelque sorte la version moderne du vieux thème romain de la décadence qui faisait regretter à Caton l’Ancien ou à Tacite la feritas, la rudesse primordiale encore vive chez les peuples extérieurs. Le Moyen Âge est donc aussi devenu pleinement le « Moi » d’un certain nombre de nostalgiques, d’anti- ou d’alter-modernistes, de traditionalistes libertaires ou pas. Le Moyen Âge incarne positivement la « condition prémoderne » jusque dans les interprétations conceptuelles et critiques du présent20.
38Dans l’esprit ludique, les aspects jugés négatifs et positifs font l’objet d’une seule et même « fascination » pour ce que beaucoup appellent le Médiéval. Par ce Moyen Âge en jeu – ce sont les termes des rôlistes – le besoin d’« évasion », de « rupture », de « décrochage » se conjugue au désir d’expérimenter les « possibilités humaines », de se « retrouver entre amis », de se « ressourcer ». Ce Moyen Âge paraît moins un espace de transgression que de normalisation. Mieux que d’emprunter à la vulgate psychanalytique, le jeu de rôles grandeur nature invite à entreprendre une anthropologie des pratiques du passé.
Notes de bas de page
1 Ce sondage anonyme non probabiliste et principalement qualitatif a été effectué entre le 13 avril et le 17 mai 2007 (N =506). Nous remercions chaleureusement les rôlistes d’avoir rendu possible cette étude en accueillant favorablement l’enquête et en donnant, non sans humour, des réponses circonstanciées. Le présent article, ici raccourci de plusieurs développements, allégé de nombreux exemples, notes et statistiques, peut être lu dans son intégralité sur le site de Modernités Médiévales : "http://www.modernitesmedievales.org" (section « Articles en ligne »). Il s’inscrit dans un travail de comparaison des spécificités dramatiques, narratives, médiatiques, sociologiques du jeu de rôles grandeur nature avec celle du cinéma, du théâtre, de la littérature, de la téléréalité, etc., qui est un des objectifs du projet Larp.eu. An International and Open Community dedicated to Live-action Roleplaying Theory, www.larp.eu
2 Nous aurions souhaité donner davantage encore la parole aux participants et à leur intelligence. L’importance, à nos yeux, d’en passer ici par « l’épreuve de pertinence » – par la validation critique des principaux intéressés, comme le suggère Nathalie Heinich (Ce que l’art fait à la sociologique, Paris, Minuit, 1998, p. 83-86) – est assumée, en épousant modestement les perspectives de l’anthropologie des sciences et de la sociologie pragmatique telles que les ont forgées Bruno Latour, Michel Callon, Luc Boltanski. Le retour critique des pratiquants aura lieu sans aucun doute. Dans les citations, les incorrections n’ont pas été conservées.
3 Johan Huizinga, Homo Ludens. Essai sur la fonction sociale du jeu, Paris, Gallimard, 1951, p. 35 (Amsterdam, 1939).
4 5 000 participants est approximativement le record d’affluence du jeu anglais The Gathering, www.lorientrust.com.
5 Il faut cependant noter que vivre une aventure et construire un récit n’est pas forcément l’objectif premier de tous les participants. Mais cette mécanique garantit la dimension fictionnelle du jeu et lui sert, finalement, de raison d’être. C’est à travers elle que le joueur trouvera ce qu’il cherche ou ce qui lui plait dans le jeu de rôles grandeur nature.
6 Pour la majorité des participants, le respect et l’assimilation des règles de jeu sont l’élément le plus important pour garantir le fonctionnement d’un jeu. Le respect de l’ambiance du jeu à travers l’interprétation d’un rôle est également un souci constant. La connaissance des éléments qui caractérisent l’univers, en revanche, semble moins prioritaire. Si un joueur manifeste du fairplay (le respect des règles) et du roleplay (le respect du rôle), il satisfait généralement aux exigences communément partagées pour intégrer le jeu.
7 Tolkien est nommément cité par un quart de ceux qui évoquent l’origine fictionnelle de la notoriété du Moyen Âge. Le Moyen Âge est aussi, selon eux, intéressant, un atout qui justifierait son exploitation : ce serait parce qu’il est aimé des participants qu’il est si largement utilisé.
8 On peut s’interroger toutefois sur cette raison invoquée en faveur du Moyen Âge. 21 Belges et Français (majoritairement organisateurs de jeux) disent qu’il est aisé de jouer dans un cadre « moyenâgeux » en raison de l’accès facile aux vestiges. Mais aucun Québécois n’évoque cette raison. Ce qui est normal puisqu’ils n’y ont pas accès. Pourtant, ils jouent tout autant, si pas plus, le Moyen Âge que leurs homologues européens. En réalité, en Belgique, rares sont les jeux qui se déroulent dans des vestiges. Pour des raisons de coût et de logistique, la plupart des jeux de rôles grandeur nature se déroulent dans des cantonnements de mouvement de jeunesse, de préférence rustiques. Cet exemple indique peut-être que l’argument technique ou pratique est surévalué quant au succès du Moyen Âge dans le monde du jeu de rôles.
9 En premier lieu par l’intitulé du sondage : « Le GN et le Moyen Âge ».
10 Ce sont nécessairement des catégories « molles » mais leur distinction est opérante. Les énoncés peuvent comprendre plusieurs catégories : par exemple, le rapprochement entre évasion/immersion est fréquent, mais l’immersion va avec la théâtralité et l’évasion va avec le dépaysement, or la théâtralité et le dépaysement ne vont pas ensemble.
11 Cf. Christian Amalvi, « Moyen Âge », Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Jacques Le Goff et Jean-Claude Schmitt (dir.), Paris, Fayard, 1999, p. 800 et passim.
12 L’exemple récent le plus significatif est le colloque Uses and Abuses of the Middle Ages : 19th-21st Century /Gebrauch undMissbrauch... / Usages et mésusages... dir. par Jânos M. Bak, Jôrg Jarnut, Pierre Monnet et Bernd Schneidmûller à Budapest (Cental European University) les 30 mars-2 avril 2005 – un titre symptomatique, cependant réducteur par rapport aux exposés.
13 Pour ne citer que trois exemples dans une historiographie désormais pléthorique : Marc Ferro, Cinéma et histoire, nouv. éd. Paris, Gallimard, 1993 (1977) ; Michel Vanoosthuyse, Le Roman historique. Mann, Brecht, Döblin, Paris, Presses universitaires de France, 1996, qui fait le point ; François Amy de la Bretèque, L’Imaginaire médiéval dans le cinéma occidental, Paris, Champion, 2004. Voir aussi note 17.
14 L’ouverture se fait plutôt par des non-historiens. Par exemple, partant du Ricœur de Temps et récit (Paris, Seuil, 3 t., 1983-1985), Jean-François Hamel, Revenances de l’histoire. Répétition, narrativité, modernité, Paris, Minuit, 2006, bien qu’il interroge moins les usages différés du passé que les poétiques historiques (appropriations narratives, reformulations de l’expérience du temps). La promotion nouvelle de l’usage de l’anachronisme par certains historiens reste, cela va de soi, une opération de méthode (Nicole Loraux, « Éloge de l’anachronisme en histoire », Le Genre humain, 27, 1993, p. 23-39). À noter l’étude de Corneliu Dragomirescu, « Le cinéma à l’épreuve des représentations médiévales : l’enluminure et le théâtre », Babel, 15, 2007, p. 135-175.
15 Un des auteurs de ce texte est historien (médiéviste).
16 Cf. François Bédarida, Histoire, critique et responsabilité, Bruxelles, éd. Complexe, 2003, p. 289329, le conseil historique dans le domaine de la création constituant une dérivée de la « fonction d’expert », forcée ou consentie.
17 Autour de tels usages, par exemple Paul Ricœur, La Mémoire, l’histoire, l’oubli, Paris, Seuil, 2000 ; Pierre Nora dir., Les Lieux de mémoire, Paris, Gallimard, 3 vols, 1984-1986 ; Christian Amalvi, Le Goût du Moyen Age, Paris, 1996, spécialement pour le Moyen Âge depuis le xixe siècle, en particulier p. 185-260 (cité selon l’éd. Boutique de l’histoire, 2002). Ce type d’études contribue à laisser hors de la réflexion les usages qu’on dirait aujourd’hui « alternatifs » du passé mais qui sont en réalité constitutifs de l’immense majorité des œuvres et des manifestations liées au passé.
18 Cette perspective est développée pour le cinéma à partir des intentions des réalisateurs et de leurs manières de faire des mondes dans Gil Bartholeyns, « Représentation du passé au cinéma. Entre historicité et authenticité », Diogène, 189, 2000, p. 41-61, version anglaise « Representation of the Past in Films: Between Historicity and Authenticity », Diogenes, 189, 2000, p. 31-47 (http://dio.sagepub.com). Gil Bartholeyns prépare d’autres études sur les limites et les impensés des historiens face aux œuvres de fictions et plus généralement face à tout objet qui « ressemble » au passé.
19 Jean-Claude Schmitt, « Le Temps. “Impensé” de l’histoire ou double objet de l’historien ? », Cahiers de Civilisation Médiévale, 189, 2005, p. 31-52, ici, p. 44.
20 Voir en dernier lieu Bruce Holsinger, The Premodern Condition. Medievalism and the Making of Theory, Chicago-Londres, University of Chicago Press, 2005, autour de Georges Bataille, Jacques Lacan, Pierre Bourdieu, Jacques Derrida, Roland Barthes.
Auteurs
Université Libre de Bruxelles
Écoles des Hautes Études en Sciences Sociales, Paris
Média Animation ASBL
Bruxelles
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