Wauchier de Denain
De l’historiographie à l’hagiographie, l’histoire d’une « continuation »
p. 15-28
Texte intégral
1L’attribution à Wauchier d’une vaste compilation historique, connue, depuis Paul Meyer qui lui en reconnaît la paternité, sous le titre d’Histoire ancienne jusqu’à César, a suscité des controverses en dépit des rapprochements d’ordre stylistique, formel, thématique et idéologique que la critique a pu établir entre cet ouvrage et les textes hagiographiques où l’auteur s’est nommé. L’étude menée par Michelle Szkilnik sur la présence de pièces versifiées dans les vies de saints du manuscrit de Carpentras est à cet égard fondamentale : tout en donnant du poids à l’hypothèse de Paul Meyer, son analyse ouvre une stimulante interrogation sur l’existence possible de liens entre le récit historique de Wauchier et ses hagiographies. Partant du prologue de l’Histoire ancienne, M. Szkilnik a l’intuition en effet que les vies des saints recueillies dans le manuscrit de Carpentras pourraient être rattachées au programme qui s’y énonce :
[…] l’auteur annonce qu’il va écrire l’histoire du christianisme, des apôtres et des premiers martyrs. Malheureusement, comme on le sait, il n’a pas mené son œuvre jusqu’à son terme. Mais la compilation de Carpentras ne remplit-elle pas ce rôle ? […] Est-il gratuit, conclut-elle, d’imaginer que l’auteur de l’Histoire ancienne ait songé à intégrer la compilation à sa propre œuvre ou du moins à l’utiliser1 ?
2La date de composition de l’Histoire ancienne avancée par Paul Meyer contrarie, comme le précise M. Szkilnik, cette supposition. Écrite entre 1223 et 1230, elle serait postérieure aux vies de saints écrites, elles, entre 1208 et 1210. La datation s’appuie sur le passage versifié qui suit le récit de la mort d ’lexandre, où sont successivement cités Baudouin IX, empereur de Constantinople, sa mère, Marguerite, et un roi de France qui « mout honora sainte iglise », que Paul Meyer confond soit avec Philippe Auguste, mort en 1223, soit avec Louis VIII, mort en 1226. Toutefois, dans son compte rendu du Lancelot-Graal, Ferdinand Lot corrige cette datation en observant le caractère ascendant et non descendant de l’énumération des différentes personnalités royales. Ayant identifié le roi de France avec le pieux Louis VII qui participa à la deuxième croisade en 1147-1149, F. Lot relève qu’il n’est plus nécessaire de repousser autant la composition de l’Histoire ancienne, qui aurait été écrite, selon lui, dans les deux premières décennies du xiiie siècle, vers 1215. Cette datation, corroborée par Guy Raynaud de Lage, est à nouveau rectifiée par l’éditrice d’une des parties de l’Histoire ancienne, Marijke de Visser, qui en recule encore la rédaction à 1208, date d’entrée en fonction de Roger IV, commanditaire de Wauchier. On peut par conséquent considérer que Wauchier a écrit ses ouvrages historiques et hagiographiques pratiquement durant la même période et, à partir de là, envisager que leur rédaction pourrait participer de cette entreprise ambitieuse énoncée dans le prologue de l’Histoire ancienne et rappelée par Michelle Szkilnik. Sans prétendre régler la délicate question de la cohérence de l’œuvre de Wauchier, cette étude voudrait s’attacher aux correspondances formelles et idéologiques qui unissent les deux veines de son écriture, et tenter de montrer de quel projet elles relèvent toutes deux.
La question du titre
3L’appréciation que nous avons du texte de Wauchier et des intentions de celui-ci pâtit, il est vrai, de son caractère inachevé que confirme d’ailleurs le titre d’Histoire ancienne jusqu’à César. Or, il s’agit là d’un titre exogène, auquel Marijke de Visser préfère celui d’Estoires Rogier, porté par la rubrique du plus ancien manuscrit, où il s’accompagne du terme porsivance, impliquant l’existence d’une continuation qui dément l’incomplétude de l’écriture de Wauchier : « Ci comence li prologue ou livre des estories Rogier et la porsivance ». D’autre part, les rubriques des manuscrits postérieurs ne voient pas dans cette œuvre un récit retraçant exclusivement les événements qui ont marqué l’histoire païenne. Elles le rapportent soit au livre d’histoire par excellence qu’est la Bible : « Ci commencent les queroniques de la Bible », « Cestui livre s’apelle la Bible », « Ci commence li livre della Bible » ; soit à Orose : « li livres d’Orose », « les croniques que Orosius compila de la Bible », « le livre que translata Orose », « le livre d’Orose en franchois »2.
4Bien que la question du titre soit problématique dans le cas des textes médiévaux, la façon dont l’œuvre a été reçue et lue offre néanmoins un éclairage significatif du genre historiographique dans lequel s’inscrit l’entreprise de Wauchier. Les Historiae adversus paganos d’Orose forment effectivement la structure générale de l’Histoire ancienne, mais par-delà cette similitude formelle, la mention d’Orose et surtout de la Bible, explicitement invoqués par Wauchier, avec Eutrope, Trogue-Pompée, Justin et Isidore, comme sources principales de son œuvre, rattache les Estoires Rogier au premier grand genre de l’historiographie chrétienne qu’est l’histoire ecclésiastique. Ce statut du texte n’a pas échappé à Catherine Croizy-Naquet qui, dans sa minutieuse étude du prologue de cet ouvrage, relève que l’auteur avait l’intention d’écrire une histoire ecclésiastique, mais que ce projet « est resté à l’état de projet ». « Il rédige en effet, écrit-elle, une histoire universelle qui n’est qu’incidemment ecclésiastique, le récit des païens envahissant l’ensemble du texte, comme si celle-ci échappait à son créateur3 ».
5Appliquée uniquement à l’Histoire ancienne jusqu’à César, cette analyse est incontestable. Toutefois, l’hypothèse d’associer à une même entreprise écrits historiques et écrits hagiographiques donne raison à la première proposition de Catherine Croizy-Naquet. Le discours du prologue permet bien en effet d’ancrer le récit à venir dans le genre de l’histoire ecclésiastique, dont l’historien Karl-Ferdinand Werner, dans un article essentiel pour notre propos, a permis de fixer radicalement les critères idéologiques et formels4.
Traits définitoires du genre
6C’est à partir de deux œuvres qui constituent, selon lui, des étapes décisives dans l’élaboration du genre, que Karl-Ferdinand Werner étudie la spécificité générique de l’histoire, historia, à laquelle va se rattacher dans une société chrétienne, l’histoire « ecclésiastique ». La première est l’Historia Philippicarum de Trogue-Pompée qui écrivit, en quarante-quatre livres, une histoire du monde grec jusqu’à l’Empire d’Auguste sous lequel il composa. Le récit qui débute au règne de Ninus pour s’achever sur la création de la province de Syrie par Pompée montre le rôle du personnage de Fortune intervenant dans l’histoire des dynasties macédonienne et hellénistique. Cette œuvre est perdue, mais son contenu, transmis par un abrégé de Justin au début du IIIe siècle, connut un immense succès confirmé par plus de deux cents manuscrits. Elle fut, suivant les termes de Karl-Ferdinand Werner, un véritable « best-seller » païen, qu’Orose, au début du Ve siècle, ne fit, selon lui, que transformer en best-seller chrétien. La structure de ses Historiae adversus paganos, qui retracent en sept livres une histoire des temps depuis l ’ntiquité jusqu’à l’époque moderne, repose sur le modèle du texte de Justin, mais Orose substitue à la figure païenne de Fortune celle du Dieu chrétien, s’inspirant là du modèle des historiae bibliques et de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe de Césarée où est attestée l’existence d’un plan divin. Cette conception de l’écriture historique qui s’inscrit dans la visée théologique des textes vétéro-testamentaires fait de l’historia « une sorte de continuation de la Bible », mais, écrit Karl-Ferdinand Werner, « la Bible comprise comme une histoire, la seule histoire vraie du monde qui continue évidemment à vivre sous la direction de Dieu5 ».
7Ce critère qui donne au genre un développement thématique et idéologique sans précédent a modelé profondément l’écriture historique du haut Moyen Âge. Car dans l’ouvrage d’Orose se trouve réuni tout ce que des historiens comme Grégoire de Tours, Bède le Vénérable ou Isidore de Séville chercheront et exploiteront : l’explication spirituelle d’une histoire dirigée par Dieu et la compréhension profonde des événements derrière la confusion desquels sont dévoilés un présent de l’Écriture et l’universalité permanente d’une mémoire qui est celle de la foi. Ils vont trouver aussi chez Orose un modèle formel différent de celui de l’histoire universelle ou de la chronique, dominées toutes deux par la chronologie ou le schéma annalistique. Une historia n’est pas seulement de l’histoire bien ordonnée, mais une mise en forme de l’histoire élaborée suivant les règles de l’exornatio, notion qui ne se réduit pas, comme le veut la tradition cicéronienne, à des procédés ou à des formes rhétoriques purement extérieures. Pour l’historien ecclésiastique, en effet, il s’agit non seulement d’éviter de mentionner ou d’énumérer des faits nus, mais surtout, écrit Karl-Ferdinand Werner, de « les rassembler selon leur signification et [de] donner un jugement sur leur signification6 ». Aussi l’historia est-elle divisée en livres, eux-mêmes subdivisés en chapitres, introduits par des prologues et annoncés souvent par des titres.
8L’histoire ecclésiastique est donc un genre littéraire spécifique qui présente des traits définitoires précis. Elle se veut une histoire générale et exhaustive du monde vivant sous la direction de Dieu, sans qu’il y ait de distinction de principe entre histoire profane d’un côté et histoire sainte ou religieuse de l’autre ; et la forme du récit soumettant les faits narrés à l’ordonnance et à la logique de la pensée, l’impératif chronologique le cède à une organisation par thèmes et par sujets. Si l’on applique ces conditions génériques à l’écriture de Wauchier, on peut voir qu’elles sont parfaitement remplies par le programme qui ouvre les Estoires Rogier.
Un prologue programmatique
9Le prologue développé en deux cent quatre-vingt-quatre vers débute par un long discours qui suspend l’annonce du récit et dont le ton et la facture évoquent les sermons des prédicateurs du temps. L’auteur leur emprunte les lieux communs rhétoriques et thématiques du vieillissement du monde, de la fuite du temps et de la mort, et prolonge la prise de conscience douloureuse de la fragilité des choses humaines par des exhortations religieuses et morales. Pour gagner son Salut, perdu à cause d ’dam, l’homme « regeneré / Ens es sains fons » (v. 40-41) doit réformer ses mœurs, servir Dieu, en apprenant à se détacher du monde et de ses vains plaisirs, et surtout fuir le diable, « li mauvais sires ». L’intention parénétique, nourrie de recommandations et de mises en garde, ne fait pas non plus l’économie d’images propres à frapper l’imagination quand, en guise de conclusion, l’auteur exploite le motif du contemptus carnis dont ont abusé les prédicateurs, fascinés par la décomposition des corps et la pourriture organique de la chair :
C’est ce que la mort approchomes
Et nos cors acompaigneromes.
As vers de terre sans orgoill
N’en porterons c’un soul lensuel
Dont nos avromes vesteüre. (v. 87-91)
10La teneur de ce discours qui pourrait être l’entrée en matière d’une vie de saint rejoint les intentions des historiens ecclésiastiques, comme Eusèbe de Césarée ou Grégoire de Tours, qui introduisent leurs ouvrages par des professions et des proclamations de foi. À leur exemple, le début du prologue des Estoires Rogier soumet la matière narrative au discours de l’institution et à l’orthodoxie. L’évocation du péché originel et de la régénérescence du baptême, soutenue par la citation des deux grandes figures antithétiques d’Adam d’abord, puis du Christ Rédempteur fixe un schéma théologique clair fondé sur un avant et un après l’Incarnation ; les exhortations réitérées aux vertus chrétiennes et le rappel de la présence constante du diable tentateur dessinent le cadre d’une axiologie qui est un élément majeur de la dramatisation de l’histoire où les tenants du Bien doivent constamment lutter contre le Mal.
11L’annonce du récit confirme l’ancrage religieux du texte et l’intention qui gouverne sa rédaction :
N’en dirai plus, el ai a faire,
Car j’ai entrepris un afaire
A traitier selonc l’Escriture
Ou mout aura sens et mesure. (v. 102-104)
12À l’origine de sa pratique d’historien, Wauchier place les saintes Écritures, dont la mention, tout en garantissant l’autorité de son œuvre, en constitue un critère interprétatif essentiel. Comme un palimpseste sur lequel serait tissée la narration à venir, le texte biblique détermine le sens et la mesure de l’histoire – deux termes appliqués dans le prologue aux vertus chrétiennes –, en la soumettant à une grille de lecture qui assure sa cohérence et l’oriente. Attestant la présence d’un sens, l’auteur définit aussi le statut générique de son œuvre, sur le modèle des histoires ecclésiastiques où est révélée « la signification profonde et spirituelle qui se cache derrière le récit et le destin des hommes et des peuples7 ».
13La spécificité du genre dans lequel s’engage Wauchier est encore confirmée par le passage qui suit immédiatement la définition de l’« afaire » entreprise :
Qui la matiere porsivra
E de cuer i entendera
Oïr porra la plus haute ovre
– Qui encore pas ne se descuevre –
C’onques fust en nos lengue traite. (v. 105-109)
14L’emploi du superlatif « la plus haute » qualifiant « ovre » et surtout l’insistance de l’auteur à en souligner l’originalité décalquent, peut-être, un passage du prologue de l’Histoire ecclésiastique d’Eusèbe, que Wauchier pouvait connaître par la traduction latine de Rufin d ’quilée dont l’Historia monachorum à servi de source à ses Vies des moines d’Égypte. Eusèbe y présente en effet son ouvrage comme le premier essai du genre, distinguant son histoire « ecclésiastique » de tout ce qui a pu être écrit avant lui :
Étant aujourd’hui le premier à aborder le sujet, nous entreprenons d’aller comme sur un chemin désert et non frayé, en priant d’avoir Dieu pour guide et pour auxiliaire la puissance du Seigneur, car assurément nous ne pouvons nullement trouver les simples traces d’hommes qui nous auraient précédés sur le chemin8.
15Cette prétention est aussi celle de Wauchier, et l’histoire littéraire lui donne raison. S’il n’a pas inventé le genre historiographique chrétien, l’entreprise qu’il revendique n’a, à ma connaissance, pas d’équivalent en langue vernaculaire : il est le premier à avoir écrit en français une histoire de la cité terrestre unie à l’histoire de la foi.
16Tel est le contenu du plan des Estoires donné dans le prologue, où il s’applique à déployer scrupuleusement, pour reprendre les termes que François Hartog applique à Eusèbe de Césarée, « la chaîne de la tradition »9. Partant « de Deu est bons li commenciers » (v. 113), principe premier de la Création – le In principio erat verbum de l’Évangile de Jean (1, 1, 3) –, il déroule l’axe des temps en prétendant intégrer dans son œuvre toute une partie des témoignages vétéro- et néotestamentaires de la Genèse aux Actes des apôtres, et recueillir une bonne partie de la littérature païenne et chrétienne. Catherine Croizy-Naquet fournit une analyse très précise d’un projet qui embrasse la totalité du temps historique depuis la formation du monde jusqu’à la création du royaume de Flandre. On voit ainsi que, par son ancrage dans les Écritures et la succession temporelle continue qui le structure, le récit annoncé épouse bien le modèle de l’histoire ecclésiastique, « Bible continuée » qui « place au cœur de sa démarche le principe de “succession”10 ». D’autre part, l’application au prologue des critères idéologiques de ce genre historique permet de souligner deux points dans le programme annoncé. Le premier concerne la borne spatiale et temporelle que Wauchier assigne à son œuvre qu’il prévoit d’achever sur la Flandre contemporaine et sur ses princes, dont les descendants furent sans doute les commanditaires de son ouvrage. C’est à ce titre que sont cités, à la fin du prologue des Estoires, son « segnor », Roger IV, châtelain de Lille, et dans le prologue des Vies des Pères, Philippe de Namur, régent de Flandre et de Hainaut de 1204 à 1212, et frère de Baudouin et d’Henri, empereurs de Constantinople. Cette double citation qui place son ouvrage historique comme ses récits hagiographiques sous le patronage de la Flandre, fait de Wauchier un écrivain attaché aux intérêts de cette prestigieuse famille, et plus spécialement à ses intérêts politiques. Dans son étude de la fonction des récits historiques composés au début du xiiie siècle, Gabrielle Spiegel a montré qu’ils étaient destinés à nourrir les sentiments patriotiques contre le pouvoir centralisateur de Philippe Auguste qui menaçait l’aristocratie du Nord11. Mais en recentrant son histoire du monde sur la Flandre, Wauchier ne fait que se conformer au modèle ecclésiastique du haut Moyen Âge où, sans jamais effacer ni la geste des saints ni celle des membres de l’Église universelle, des catégories ethniques habitées par un sentiment identitaire y interviennent peu à peu à côté des structures strictement chrétiennes du genre. À partir de la matrice fournie par la Bible, Grégoire de Tours est le premier à construire une histoire allant de la création du monde au règne des rois francs, et, à sa suite, Bède le Vénérable fera s’incarner l’histoire universelle dans le particulier anglais12. Aussi, en dotant les princes de Flandre d’une histoire ecclésiastique qui place leur règne dans la perspective de la Révélation, la rédaction des Estoires Rogier leur procurait-elle une mythologie politique parfaitement aboutie et magnifiée.
17Le second enseignement à dégager du prologue porte sur la résolution exprimée par l’auteur de dire « tote en ordene », expression qui engage une réflexion sur la nature de l’ordonnancement choisi. M. de Visser relève que le schéma fourni par l’annonce du plan ne suit ni la division augustinienne et orosienne du temps en « six âges13 », largement adoptée au Moyen Âge, ni celle en trois périodes, choisie, par exemple, par l’auteur des Gesta Francorum du début du xiiie siècle, ni même une répartition, issue du songe de Daniel, reposant sur une segmentation spatiale du monde en quatre monarchies universelles. Dans le prologue de Wauchier, l’ordonnancement des sections n’est pas strictement chronologique, ou plutôt la chronologie y est doublée par une organisation d’ordre thématique soulignée par l’intervention de régie « après l’estoire porsivrai » qui ponctue par deux fois le prologue (v. 145 et 182). Elle permettrait de repérer trois grandes parties présentant elles-mêmes des sous-parties. La première, qui correspondrait à l’« estoire » proprement dite, reprend les événements fondateurs de l’Ancien Testament où est racontée l’origine des temps et des hommes, depuis Adam jusqu’à la partition des pays orientaux avec ses peuples « de diverses figures » (v. 114-144). La deuxième s’attache à la fondation et la destruction des grandes cités de l’Antiquité, de Ninive à la Rome d’Auguste (v. 145-181). La troisième qui porte sur les temps postérieurs à l’Incarnation et qui s’achève sur la Flandre est constituée de différentes sections : l’histoire du Christ et de ses apôtres, le récit des martyres, des miracles et des conversions, celui, enfin, des combats livrés contre la chrétienté (v. 182-246). À la lumière de cette partition, il est clair que si l’ordonnancement annoncé dans le prologue est une mise en forme du mouvement de l’histoire, il est aussi gouverné par l’unité conférée par des regroupements thématiques, caractéristiques des histoires ecclésiastiques. Aussi le panorama des temps écoulés depuis l’Incarnation – qui succède à la partie romaine des Estoires – pourrait-il former un nouveau livre de la vaste histoire des temps projetée dans le prologue, dont les vies de saints qui relaient l’histoire du Christ pourraient être autant de chapitres.
La continuation hagiographique
18L’hypothèse est étayée par l’existence de deux collections qui rassemblent la plupart des vies de saints attribuées à Wauchier, et dont l’organisation thématique est avérée. Les Vies des sainz peres regroupent les Vies de saint Paul l’ermite, d’Antoine, d’Hilarion, de Malchus, de Paul le Simple14, ainsi que diverses Vies des ermites de la Thébaïde, connues depuis l’édition de Michelle Szkilnik. À ce premier recueil, contenu dans le manuscrit de Carpentras, s’ajoute celui des saints Confesseurs dont on peut désormais connaître le contenu, vraisemblablement intégral, depuis les travaux de John Jay Thompson15.
19Ces recueils forment des ensembles bien circonscrits. Conformément au modèle formel de l’histoire ecclésiastique, chacun d’eux s’ouvre sur un prologue général dont la présence confirme l’unité des vies qui les composent et grâce auquel il est possible de reconstituer l’ordre de succession de leur composition à partir des discours d’intention, tenus par l’auteur. Suivant John Jay Thompson, la rédaction des Vies des saints Pères précéderait celle des Vies de saints lombards, comme semble l’indiquer le prologue qui précède la version du Dialogue de saint Grégoire dans le manuscrit de Carpentras :
Or ai je dit et conté une partie de la vie des sains Peres qui habiterent en la terre d’Egypte por ce que cil qui oroient les saintes ovres qu’il fissent et la sainte vie qu’il menerent i preïssent essemple, quar de bien venir et naistre. Or vos voldrai conter une partie des ovres et des vies de cex qui habiterent en Lonbardie, si con sainz Gregoires, cui en doit bien croire, lo raconte a Peron son cliere, car il vielt faire savoir et entendre de quel vie et de con grant merite li sainz home furent en cele contree. Si conmence ainsi.16
20Ces Vies s’intercaleraient de fait dans les Vies des Pères, auxquelles Wauchier apporte un supplément avec les Vies des moines d’Égypte, introduites par un nouveau prologue :
Or vos ai je conté et dit une partie des faiz et vies des sainz peres qui habiterent en la contree de Lonbardie si com sainz Gregoires meïsmes lo tesmoigne. Or vos retrairai aprés les faiz et les ovres des sainz peres qui habiterent en la terre d’Egypte, si com Postumiens li moigne qui partot fut et les vit, les raconte.17
21La cohérence de chaque recueil est d’autant mieux préservée que Wauchier ménage de fréquentes transitions entre les récits qui les composent et qu’il travaille à les assembler. S’il reconnaît dans le prologue général de ses Vies des Pères s’inspirer de saint Jérôme, dont il reprend l’introduction pour sa Vie de saint Paul ermite, il supprime ses prologues pour les Vies de saint Hilarion et de saint Malchus, ainsi que celui d’thanase, repris en latin par le prêtre Evagrius, pour la Vie de saint Antoine. Transitions et omissions témoignent donc d’une volonté concertée de rapporter les textes à un projet unique. Chacune des collections conserve une autonomie que lui assurent les prologues, elles sont comme les branches différentes d’un même tronc ou, si l’on applique à cette écriture sérielle le modèle de l’histoire ecclésiastique décrit par Karl-Ferdinand Werner, autant de chapitres ou de livres qui peuvent être formellement unis aux Estoires Rogier.
22La sélection des saints dont est contée l’existence découle elle aussi du projet mis en œuvre dans le prologue où, lors de l’énumération des points de sa recherche, l’hagiographe distingue différentes figures saintes suivant un système hiérarchique fondé sur le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire du Salut. Le premier groupe est formé par les apôtres qui furent « doctriné[s] » par le Christ et « enluminé[s] / Dou saint Esperit et de sa grace » (v. 193-195) et qui « par trestot le munt errerent / Por anuncier la loi novelle » (v. 193-199). Le deuxième par les martyrs, saints et saintes, qui « receurent mort » et qui « As comans Deu se tinrent fort » (v. 205-208). Le troisième, enfin, par « ceus qui la loi Deu tenoient / E lui e ses ovres amoient » (v. 221-222)18.
23La Vie de sainte Marthe, dont deux versions encore inédites nous sont parvenues19, s’intègre dans la catégorie des récits consacrés aux apôtres. Comme eux, Marthe a connu le Christ et a vécu auprès de lui ; comme eux encore, elle a diffusé sa Parole. La légende lui prêtant l’évangélisation de la Provence, elle est citée avec d’autres saints qui ont christianisé la France : saint Trophime à qui Dieu donna Arles, saint Sauveur qui reçut Toulouse, et d’autres encore que Wauchier énumère. Dans la version brève du récit, la liste est surtout assortie d’un commentaire sur les dons de Dieu à ses fidèles où est très bien illustré le principe de continuité entre les textes et entre les personnages de l’histoire sainte, caractéristique de l’histoire ecclésiastique :
Ensi dist nostre Sires Abraham : « Sors de ta terre et de ton lignage et vien en la terre qe je te nomerai et la te ferai conoistre en grant segnorie ». Tout ensi fist nostre Sires au premerain home de Paradis u il ot fait. L’envoia en escil el monde, del monde l’envoia en infer. Quant il ot trespassé ceste vie après çou le remist il es ciels la u il parfait iretage [le verbe manque]. Et ausi fist nostre Sires de lui meïsme : de ses hautes maisons descendi il el ventre le buene eureuse virgene ; de la vint il el monde et après en la sepulture, et puis la Resurrexion ala il la droite voie, et puis lasus em paradis en ses sovrains regnes20.
24Ce condensé de l’histoire chrétienne repose aussi sur un système complexe qui soumet les personnages aux contraintes de la typologie biblique. Les saints fondateurs de Wauchier ont pour prototype Abraham que Dieu récompensa, et pour antitype Adam condamné aux peines infernales, et antitype lui-même du Christ, modèle de toute sainteté. Ainsi est-ce dans la lignée des « types » du Seigneur, les apôtres, qu’est placée sainte Marthe, et ce statut privilégié est confirmé par le récit de sa Vie, lui-même directement greffé sur les Évangiles :
Aprié chou ke nostre Sires fu resuscités de mort a vie et fu montés es ciels en sa grant segnorie, et il ot ses apostles confermés et doné del saint Esperit gracie, ceste sainte damoisele quamqu’ele ot et pot avoir, aporta ele as piés des apostles. Car tout cil ki creoient adonqes en Dieu estoient aussi com uns cuers et une ame, ne nus n’i clamoit nule cose suie. Tout çou q’il avoient estoient en comune, et aportoient tout as piés des aspotles, et il les departoient et donoient coumunement as ceus ki creoient. Ens fu sainte Marthe avoc les aposteles en compaignie, et pot estre apelee et nomee apostelesce, et avoc les desiples disciple21.
25Par son incipit et ses commentaires sur les saintes Écritures, la version brève se distingue de la seconde version, plus développée, introduite par un long prologue en vers où l’auteur s’adresse à Jeanne de Flandre, et conçue à la manière des biographies hagiographiques. Le récit y commence par un exposé sur les origines et sur l’enfance de la sainte, et s’attarde sur sa rencontre et ses échanges avec le Christ. L’existence de ces deux textes au contenu différent confirme, me semble-t-il, l’intention de Wauchier de rédiger une histoire ecclésiastique. Par son début, la version la plus courte, peut-être la plus ancienne des deux, présente toutes les conditions pour y être aisément intégrée et y former une partie de la section traitant des successeurs directs du Christ. En revanche, la plus longue aurait pu être écrite indépendamment de ce projet initial, à l’intention exclusive de Jeanne de Flandre qui y trouvait un exemple de vertus chrétiennes, et dont l’existence présentait quelques affinités avec celle de sainte Marthe, par son lien sororal avec Marguerite, sa cadette, et, surtout, par le rôle politique qu’elle dut jouer durant la captivité de Ferrand, son époux. Selon Sébastien Douchet, Jeanne disposait en effet avec sainte Marthe d’un parfait exemple de « femme pieuse et généreuse engagée dans le siècle, figure inverse et complémentaire de sa sœur Madeleine, la contemplative », et d’un modèle de conduite privée et publique22.
26Pour ce qui est des autres divisions de la hiérarchie sainte, en dépit de l’allégation du prologue des Estoires, aucun manuscrit ne nous a transmis de récits de martyre, même si, au début de la Vie de l’ermite Paul, est inséré un long développement sur Cyprien et Cornille, deux saints martyrisés à Carthage sous Dèce et Valerius23. Cette référence inaugurale qui sert de cadre temporel à l’ensemble de la compilation est une manière de rappeler que les Pères et moines de la Thébaïde s’inscrivent eux aussi dans cette lignée continue inaugurée par le Christ et prolongée par les apôtres puis par les martyrs.24. Et bien qu’ils n’aient pas connu le martyre sanglant, leur ascèse et leurs mortifications font d’eux des témoins et des ambassadeurs de la Parole divine. En revanche, Wauchier s’attache à la dernière des catégories saintes en contant les Vies des Confesseurs, champions de l’orthodoxie qui ont tous présidé à la conduite des plus illustres Églises.
27Quel que soit leur statut, tous, Pères, ermites ou Confesseurs, sont, par les souffrances qu’ils ont supportées, par leurs miracles et par leur zèle prosélyte, les signes de l’histoire divine incarnée dans le monde terrestre où ils jouent le rôle de commutateurs, de traits d’union, entre l’histoire ancienne et l’histoire moderne de la chrétienté. Cette dimension de la sainteté est particulièrement accusée dans les textes. Non seulement leurs vies décalquent les actes et les paroles du Christ, comme c’est toujours le cas dans les textes hagiographiques, mais Wauchier s’est attaché à maintenir constamment la présence des Écritures dans ses récits, contrairement aux hagiographes qui l’ont précédé25. La citation en latin de passages des textes sacrés, dont il donne la traduction immédiate en français, tisse et garantit le lien avec la Bible, et le recours fréquent à la typologie fait s’incarner le passé biblique dans le présent des hommes.26 Aussi, dans chaque récit, le temps, revisité par les références vétéro- et néotestamentaires, est-il vécu selon une continuité qui intègre naturellement l’histoire des saints à l’histoire sainte, la conception d’un même temps continu courant derrière la relation des événements contribuant à unir plus étroitement encore les textes hagiographiques de Wauchier à ses Estoires Rogier. Car, intégrées à l’histoire sainte, les vies des saints s’intègrent aussi au temps profane suivant une coïncidence constamment soulignée27 ; et dans les Estoires Rogier, la même synchronie lie les événements qui ont précédé l’Incarnation à l’histoire sainte. La prise en compte d’un double temps, céleste et terrestre, alimente notamment les transitions ménagées entre les parties du récit, quand l’historien rappelle la permanence de l’action de Dieu dans le monde et fait reconnaître derrière les événements racontés les signes divins, en associant l’histoire du monde, violente et désordonnée, à une histoire linéaire qui lui donne sens et mesure, conformément à ce qui est annoncé dans le prologue des Estoires28.
28C’est aussi à cette démonstration que collaborent les passages en vers qui ponctuent les Estoires Rogier, comme les textes hagiographiques. Ils ont été analysés par Michelle Szkilnik qui a souligné la constance des thèmes traités, et commenté leur mode d’enchâssement dans le récit, où à partir de l’histoire racontée, le discours tenu en son nom propre par l’auteur est destiné à éclairer l’auditoire sur le sens de celle-ci et à consolider le message transmis par la diégèse. On peut ajouter que ces exposés didactiques entrent, par leur ton et par leur contenu, en résonance avec le long sermon qui introduit le prologue des Estoires. Traitant de la vanité des valeurs terrestres, de l’imminence de la mort et de la nécessité pour l’homme de se préparer à comparaître devant le tribunal de Dieu, fustigeant l’avarice, la cupidité, la jalousie, thèmes déjà abordés au seuil du récit et exploités inlassablement d’un texte à l’autre, les pièces versifiées, qui ont permis d’identifier l’écriture de Wauchier, contribuent aussi à souligner la cohérence de son entreprise historique, et à unir, au plan formel et idéologique, l’histoire profane et l’histoire religieuse. L’œuvre tout entière est ainsi soumise à une axiologie qui vise à promouvoir les valeurs chrétiennes et à fixer sous cette forme encore le sens d’une histoire dirigée vers le Salut, comme dans les histoires ecclésiastiques où les auteurs ont conscience de leur rôle de guides et foi dans l’autorité que leur confère leur fonction de « témoins » de la Parole. Avec ses discours dont Michelle Szkilnik a souligné la virulence, Wauchier récupère le statut des écrivains ecclésiastiques qui, à l’instar des prophètes bibliques, n’hésitent pas à faire la leçon aux princes. Qui fabrique l’histoire détient un pouvoir sur les rois qui en sont les premiers destinataires29, et la fonction des historiae dans leur éducation et leur gouvernement est à la base de toute la tradition historiographique du haut Moyen Âge30. Bien que les passages en vers n’aient pour dessein d’infléchir la politique des princes de Flandre, ils livrent un discours sur le monde et concourent, par les conseils prodigués et le rappel des valeurs de la foi et des devoirs chrétiens, à la moralisation des destinataires de son œuvre.
29Wauchier qui, dans le prologue de ses Estoires Rogier, a la prétention de mêler l’histoire des nations et celle des saints, est, selon moi, l’auteur non seulement du plus grand ouvrage d’histoire ancienne, mais d’une histoire ecclésiastique à tous points conforme – si l’on accepte l’hypothèse d’unir les textes hagiographiques à la partie historique des Estoires – aux historiae léguées par les historiens chrétiens depuis l’Antiquité et le haut Moyen Âge. Elle est même un exemple de la permanence de ce genre historiographique, et le premier témoignage en langue vernaculaire d’une entreprise conçue sur le modèle orosien. Ce n’est pas ainsi pourtant qu’elle a été comprise, et son destin peut être rapproché de celui qu’ont connu les Historiae de Grégoire de Tours dont Martin Heinzelmann a livré une analyse fondamentale31. Cette œuvre présente une écriture elle aussi composite puisqu’elle commence par le récit de l’histoire des Francs, développée en dix livres, se poursuit avec sept livres de miracles, auxquels s’ajoutent trois autres livres : le premier composé de vingt biographies de saints, le deuxième traitant du Psautier, le troisième, enfin, des grands miracles de la nature. Or, comme l’a montré M. Heinzelmann, la partie spécifiquement historique de l’œuvre a été dissociée de l’ensemble des vingt livres grégoriens, et l’histoire ecclésiastique originelle ainsi transformée en une Historia Francorum. La réception politiquement intéressée de l’ouvrage aurait supplanté les ambitieux desseins théologiques et exégétiques de l’auteur. Mais qu’en est-il pour l’œuvre de Wauchier ? A-t-on aussi, dans son cas, détaché les Estoires Rogier des textes hagiographiques, à l’initiative, peut-être, des princes de Flandre qui, aux dires de Wauchier, ont infléchi leur rédaction ?32. L’œuvre de Wauchier a-t-elle pâti de la forme même des histoires ecclésiastiques, dont les parties, faciles à détacher, pouvaient être lues indépendamment de l’ensemble dont elles relevaient, le démantèlement qu’ont subi au fil des temps les manuscrits n’ayant fait que renforcer cette tendance à l’éparpillement ? Mais encore faut-il savoir dans quel ordre les livres ont été écrits. Leur composition relève-t-elle d’un projet concerté dès l’origine auquel chacun d’eux concourt ? L’idée de faire une histoire ecclésiastique est-elle venue au contraire à Wauchier uniquement lors de la rédaction des Estoires Rogier ? Dans ces conditions, le prologue général traduirait une volonté d’intégrer des récits hagiographiques conçus antérieurement.
30Bien des questions à résoudre que l’analyse livrée ici ne fait que soulever. Il faudrait en effet avoir accès à l’ensemble des textes composés avec certitude par Wauchier pour vérifier comment ils peuvent s’intégrer au programme du prologue des Estoires. Il ne nous reste que la parole d’un auteur, d’un historien, qui demande à son public de reconnaître dans « l’affaire entreprise », une œuvre unique, et peut-être, comme c’est le cas aussi pour Grégoire de Tours, l’œuvre de toute une vie.
Notes de bas de page
1 Michelle Szkilnik, « Écrire en vers, écrire en prose. Le choix de Wauchier de Denain », Romania 107, 1986, 2-3, p. 209-30, ici, p. 217.
2 Histoire ancienne jusqu’à César (Estoires Rogier), éd. critique Marijke de Visser-van Terwisga, 2 t., ici t. II, p. 226.
3 Catherine Croizy-Naquet, Écrire l’histoire romaine au début du xiiie siècle, Paris, Champion, 1999, p. 27.
4 Karl-Ferdinand Werner, « Dieu, les rois et l’Histoire », La France de l’an Mil, sous la dir. de Robert Delort, Paris, Seuil, « Points », 1990, p. 264-81.
5 Karl-Ferdinand Werner, art. cit., p. 269.
6 Ibid., p. 266.
7 Ibid., p. 266.
8 Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, texte grec, trad. et annotations par Gustave Bardy, Paris, Le Cerf, 1952 pour le 1er volume, 1955 pour le second, 1958 pour le troisième ; ici prologue du Livre I.
9 L’Histoire, d’Homère à Augustin. Préfaces des historiens et textes sur l’histoire réunis et commentés par François Hartog, réunis par Michel Casevitz, bilingue latin/grec-français, Paris, Seuil, « Points Essais », 1999, p. 268.
10 François Hartog, op. cit., p. 268.
11 Voir Marijke De Visser-van Terwisga, éd. cit., t. 2, ch. 4.
12 Bède le Vénérable, Histoire ecclésiastique du peuple anglais, trad., prés. et notes par Olivier Szerwiniack, Florence Bourgne, Jacques Elfassi, Mathieu Lescuyer et Agnès Molinier Paris, Les Belles Lettres, « La Roue à Livres », 1999, 2 vol.
13 C’est aussi le cas de Grégoire de Tours qui évite la périodisation en six âges d’Augustin. Voir Martin Heinzelmann, « La réécriture hagiographique dans l’œuvre de Grégoire de Tours », La Réécriture hagiographique dans l’Occident médiéval. Transformations formelles et idéologiques, sous la dir. de Monique Goullet et Martin Heinzelmann, Stuttgart, Thorbecke, 2003, p. 15-70, (Beihefte der Francia 58).
14 Elles sont éditées par Éliane Aujard-Catot dans une thèse inédite soutenue en 1981 et dirigée par Jean Subrenat à l’université de Provence : Wauchier de Denain : vie des pères du désert, édition du manuscrit 473 de la bibliothèque Inguimbertine de Carpentras.
15 Voir Wauchier de Denain, La Vie mon seint Nicholas le beneoit confessor, éd. critique par John J. Thompson, Genève, Droz, 1999, introduction, p. 37-38.
16 Cité d’après l’article de Paul Meyer, « Versions en vers et en prose des Vies des Pères », Histoire littéraire de la France 33, 1906, p. 254-328, ici p. 270.
17 L’Histoire des moines d’Égypte suivie de la Vie de saint Paul le Simple, éd. par Michelle Szkilnik, Genève, Droz, 1993, p. 49, l. 1-6.
18 L’intérêt de Wauchier pour la répartition hiérarchique des figures chrétiennes se révèle dans le prologue des Vies des Pères où il reprend à saint Jérôme un développement sur l’origine de l’érémitisme afin de décider qui du prophète Élie ou de saint Jean-Baptiste fut le premier ermite. Voir le manuscrit de Carpentras, f. 1c.
19 La plus brève est contenue dans le manuscrit BnF fr 19531 ; la plus longue dans le manuscrit BnF fr 6447. Je remercie Sébastien Douchet d’avoir eu la générosité de me communiquer la transcription des deux textes encore inédits.
20 Vie de sainte Marthe, version brève, manuscrit BnF fr 19531, f. 148 va.
21 Ibid.
22 Sébastien Douchet, « Sainte Marthe et Perceval, deux figures entre exemple et divertissement. Les œuvres littéraires écrites pour Jeanne de Flandre », Jeanne de Constantinople, princesse de Flandre et de Hainaut, dir. N. Dessaux, Paris, Somogy, p. 135-143, ici p. 135.
23 Folios 1c et 1d du manuscrit de Carpentras.
24 Les ermites sont « lo tresor Jhesu Crist » qui « repost es humains cors », et tous communient dans la même foi : « il estoient ensemble selonc l’exemple des apostres car il avoient un cuer et une ame ». Voir respectivement les p. 48 et 91 de l’édition citée de Michelle Szkilnik.
25 Voir notre étude, Plaire et Édifier. Les récits hagiographiques composés en Angleterre aux xiie et xiiie siècles, Paris, Champion, 1996.
26 Des couples biblico-historiques sont créés comme Job et saint Hilarion, Job et saint Antoine ou encore Élie et saint Antoine. Voir respectivement les f. 29a, 11d, 8a du manuscrit de Carpentras.
27 L’ermite Paul, quitta la ville de Thèbes « par cel tens que li crestien soffroient si tres granz dolors por la loi Nostre Seignor », et arriva au désert là où « soloit l’en faire fause monnoie coiement en cel tens que Anthoines ot Cleopatre qui fu suer Pompee l’empereor de Ronme don vos avez oï mainte foiz » (f. 2c du manuscrit de Carpentras). Saint Antoine vécut au temps de l’empereur Maximien : « Adont en cel tempore, estoit la granz persecucions en Alixandre que Mauximiens li empereres faisoit sor Sainte Iglese ; quar vos avez bien oï dire que partot la ou il ooit parler de crestiens, qu’il les faisoit ocire » (f. 12c du manuscrit de Carpentras). On peut se demander s’il est possible d’interpréter les « oï dire » qui ponctuent les adresses de l’auteur à son public, comme des allusions directes à l’Histoire ancienne dont il a déjà entendu le récit.
28 Voir Histoire ancienne…, éd. cit., § 1, p. I, par exemple.
29 Le premier destinataire est le roi David.
30 Il en est ainsi de Bède le Vénérable qui adresse son Histoire ecclésiastique du peuple anglais au roi de Northumbrie.
31 Martin Heinzelmann, « Structures typologiques de l’histoire d’après les Histoires de Grégoire de Tours : prophéties – accomplissement – renouvellement », Recherches de science religieuse 92, 2004, p. 569-596.
32 C’est notamment à la demande de Roger de Lille qu’a été exploitée la légende troyenne, récit qui fonde cette translatio imperii d’est en ouest dont les princes de Flandre pouvaient se gratifier. Voir Guy Raynaud de Lage, « Les Romans antiques dans l’Histoire ancienne jusqu’à César », Le Moyen Âge 63-4, 1957, p. 55-86.
Auteur
Université Blaise Pascal-Clermont-Ferrand - France
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