La fête comme performance, le livre comme document : le Pas de Saumur1
p. 233-241
Texte intégral
1En 1395, espérant trouver un bel accueil à une cour qu’il savait généreuse, le chroniqueur et poète Jean Froissart alla en Angleterre se présenter au roi Richard II, muni, dit-il, d’un exquis cadeau : un livre « enluminé, escript et historié et couvert de vermeil velours à dix clous attachiés d’argent dorés et roses d’or ou milieu, à deux grans frumaus dorés et richement ouvrés ou milieu de roses d’or2 ». Un très beau frontispice célèbre la présentation rituelle du livre au roi3 : Richard, vêtu avec élégance, se penche légèrement vers le poète à genoux qui lui tend un grand livre relié de rouge – un grand livre placé au centre géométrique de l’image, un livre disproportionné qui de ce fait domine la page, capte le regard du lecteur. L’objet-livre se fait ainsi en quelque sorte le sujet de l’image... Dans ce qui suit, et à partir d’un objet-livre tout aussi remarquable, le superbe manuscrit qui nous a conservé le souvenir du Pas d’armes de Saumur de 14464, je voudrais esquisser quelques idées à propos de ce qui me semble une question capitale : que peut signifier, quelle peut être la fonction, d’un livre démesurément coûteux5 qui ne recèle en fin de compte que le « reportage » d’un fait divers6 ? Je mettrai notre manuscrit en relation avec deux autres ouvrages dont la matière unique est aussi un pas d’armes, ou bien un tournoi7 : les récits des tournois de Chauvency et du Hem8. Et je voudrais proposer de voir en ces manifestations la convergence de trois tendances majeures de la fin du moyen âge : d’abord l’importance attachée, dans les cours princières des xive et xve siècles, à la « performance », ensuite le rôle du « souvenir », et enfin, la vogue du livre compte-rendu somptueux.
2Je n’aurai sans doute surpris personne en parlant d’un tournoi « performance ». La théâtralité du tournoi à la fin du Moyen Âge, sa capacité mimétique, est un phénomène reconnu et déjà largement commenté9. Le tournoi du Hem mettait en scène des « aventures » arthuriennes et courtoises10 ; au tournoi de Chauvency les jeux et les danses eurent presqu’autant d’importance que les joutes et les faits d’armes eux-mêmes11. Le pas d’armes de Saumur, lui, fut choréographié à partir d’un scénario très élaboré : une demoiselle qui attendait sous une tente son champion, un hermite qui orchestrait les événements, un nain, deux lions12... Ces spectacles de plus en plus grandioses – et l’on pourrait citer par exemple entre maintes autres manifestations les pas d’armes qui faisaient la joie de la cour de Bourgogne13 – contribuaient à ce qu’on appelle parfois, suivant l’anthropologue Clifford Geertz, « l’état théâtre14 » : ils imaginent en quelque sorte un ordre socio-politique idéal qu’ils expriment, qu’ils espèrent peut-être faire naître. La cour ainsi, et son roi, concrétisent leur pouvoir, articulent une iconographie collective, se font une identité ; le courtisan se constitue en se démarquant de la foule à travers le spectacle, et l’hiérarchie de la société de cour est de ce fait extériorisée et renforcée. Le chevalier, disait Michel Stanesco, « écri[t]... à lui seul, son propre roman15 ».
3De la métaphore à la réalité : Jacques Bretel, « Sarrasin », et l’anonyme du pas d’armes de Saumur16 ont bel et bien écrit leurs « romans », et les ont fait paraître, surtout dans les cas de Saumur et de Chauvency, dans de très beaux manuscrits. Je me tourne donc maintenant vers les « romans » et leur support matériel – mais d’abord, une petite parenthèse. Dans les cas du tournoi de Chauvency et du pas d’armes de Saumur, il ne s’agit pas, on le sait, des manuscrits originaux. Le tournoi de Chauvency a eu lieu en 1285, mais le plus beau des manuscrits où figure le poème de Jacques Bretel, Oxford, Bodleian Library, Douce 308, n’a été recopié que vers 131217 ; tout semble dire toutefois qu’il a été recopié avec un soin exemplaire, et l’étude des armoiries montre que l’illustrateur a pu parfois corriger les erreurs de détail commises par le poète18. Le manuscrit de Saint-Pétersbourg, lui aussi, est une copie faite, d’après les données codicologiques, vers 1470 – mais là aussi, tout semble dire que la copie a été faite avec une précision admirable19 ; nos collègues russes se demandent d’ailleurs si cette nouvelle copie n’a pas été commandée, vers la fin de sa vie, par René lui-même20, les illustrations ayant été reproduites très fidèlement d’après celles de Barthélémy van Eyck qui fut très probablement responsable des originelles21. Ces constatations importantes vont nous autoriser à traiter ces manuscrits et leurs illustrations en témoignages des événements, au même titre que le sont les poèmes eux-mêmes.
4 J’avais dit roman22 – mais en fait, ce sont bien plutôt des témoignages, ou plutôt de sobres reportages, que nos trois poètes prétendent fournir à leurs lecteurs : s’il est une angoisse commune à chacun d’eux, c’est bien celle de l’authenticité, de la vérité. Chacun a pris soin de nous expliquer, avec une insistance qui laisse entrevoir une vive anxiété, sa méthode de travail. Jacques Bretel, par exemple, pour le tournoi de Chauvency, se fait fort de deux interlocuteurs privilégiés, les hérauts « Mausparliers » (Chauvency, v. 2268), et « Bruiant », qui ont pu lui faire éviter les erreurs :
Assis me sui et il [Bruiant] léz moi.
Pour ce qu’il suet parler a moi
D’armes et de chevalerie
Et cognut la bachelerie,
Li ai commencié a enquerre
Qui fu chascunz et de quel terre.
(Chauvency, v. 301-06)
5Sarrasin, lui, laisse comprendre, soigneusement, sa méthode de travail. Il a, semble-t-il dire, pris des notes au fur et à mesure du déroulement du tournoi, notes qu’il a transcrites et amplifiées lorsqu’il a entrepris la composition du poème proprement dit : « Jel truis lisant en mon escript » (Hem, v. 4216), dit-il, laissant entendre un scrupuleux compte rendu23. Notre poète de Saumur insiste encore plus lourdement (le champ sémantique fidélité/loyauté est ici surdéterminé) sur sa mission de « rapporteur ». Il avoue qu’il est arrivé à Saumur le 3 août, lorsque le pas d’armes tirait à sa fin – mais que cela n’inquiète pas le lecteur ; il s’est scrupuleusement informé :
Mais pour veoir, ouir et aprandre
A Saumur me suis venu rendre
Cest IIIeme d’aoust, pour comprandre
Ceste matiere seurement,
Affin que mon esprit tendre
Se puisse leaument estandre
Au vray escripre, sans mesprandre,
Selon le loyal jugement
De ceulx qui le commancement
Ont veu, aussi l’achevement,
Dont en doivent plus clerement
Parler comme gens de savance,
Prudens, de noble entendement.
Escript ont sur ce vrayement
Affin qu’il en soit longuement
En tres hault honneur souvenance.
(Saumur, § 8)
6 Or le pas d’armes a, semble-t-il, pris fin le 7 août24... Le poète a donc dû emprunter son témoignage à ce qui ont été présents – mais il insiste sur leur bonne foi, sur le soin qu’il a pris à vérifier leurs comptes, « ... affin que devant le doctour Je ne soie trouvé mentour » (Saumur, § 625).
Mais dire ne puis vrayement
Quelle coulleur, car proprement
N’ay peu savoir, mes briefvement
M’en enquerray plus plainement :
Aprés en feray mencïon...
(Saumur, § 51)
7S’ils insistent autant sur leur fidélité aux faits, sur l’exactitude de leurs comptes rendus, c’est sans doute que nos trois poètes ont conscience d’entreprendre un travail de commémoration, de créer la mémoire historique26.
8C’est à bon escient ici que je choisis l’expression « créer la mémoire historique » : il ne s’agit pas, on s’en doute, de reportages mais plutôt d’œuvres tant soit peu tendancieuses, qui créent le souvenir et qui sont faites d’emblée pour exalter les tournois et les sociétés qui les ont imaginés27. Dans le cas du Roman du Hem, par exemple, Fortrece, porte-parole de la « reine Guenièvre28 » qui est, selon la fiction, commanditaire du poème, prie Sarrasin de dire soigneusement du bien de tous les participants :
Sarrasin, et je te requier,
Si com tu m’aimes et as chier,
Que tu dies de cascun bien ;
Et s’aucuns fait aucune rien
Qui face a taire et a celer,
Tant soit de povre baceler,
Di le bien et si lai le mal.
(Hem, v. 3947-53)
9Jacques Bretel travaille semble-t-il avec la même consigne :
Dont doit on bien des bons bien dire
Que miex en valenet, et li pire
Aucunne fois i prenent garde
Ce n’est nuns biens, com loig qu’i tarde,
Que a la fois ne vaigne en haut.
(Chauvency, v. 743-47)
10 Bien que cette consigne n’ait pas été explicitée dans le cas du pas de Saumur, tout suggère que le même parti-pris ait animé le travail de notre poète : il écoutera les jugements des « juges du pas et auditeurs [...] Chevaliers anciens et acteurs de tout honneur » qui lui conteront « la vaillance des jousteurs », et bien qu’il promette l’objectivité (sans faveur ne sans fictïon), il s’en tiendra aux vaillances des preux (Saumur, § 7) ; les faiz seront nobles (Saumur, § 30), la noblesse naturellement joieuse (Saumur, § 17)...
11Mais ces performances, ces entreprises de panégyrique, ne seront valables que si elles empreignent dans le souvenir – et c’est là sans doute le rôle de l’écrit, mais encore plus pertinemment de l’image29. Les autorités du Moyen Âge, tel par exemple Richard de Fournival, sont, on le sait, d’accord pour souligner l’importance du visuel dans le travail du souvenir30. Alain Chartier, en 1422, reconnaît dans le Quadrilogue invectif combien les Romains ont eu raison de commémorer (pour louenge et memoire) ceux qui avaient contribué à la gloire de leur empire avec ymages de divers metaulx, ars et curres triumphans31. Jacques Legrand précise : écrivant vers 1400, il préconise l’illustration dans le livre manuscrit précisément pour perpétuer la mémoire de l’homme ou de l’événement, la souvenance étant augmentée, dit-il, par la difference des couleurs et la difference des lignes :
La premiere regle si est que pour avoir aucune souvenance d’aucune chose, et singulierement pour impectorer par cuer, prouffitable est de mectre en son cuer et en son ymaginacion la figure et la fourme d’ycelle chose que 1’en veut impectorer, et pour tant est ce que l’en estudie mieulx es livres enluminez pour ce que la difference des couleurs donne la souvenance de la difference des lignes, et consequamment de ycelle chose que l’on veult impectorer. Et de ce fait les anciens quant ilz vouloient aucune chose recorder et impectorer, ilz mectoient en leurs livres diverses couleurs et diverses figures a celle fin que la diversité et la difference leur donnast meilleur souvenance32.
12Que ceux qui ont conçu ces volumes aient voulu exploiter la dynamique poème-image, l’étude des miniatures de Douce 308 et du manuscrit de Saint-Pétersbourg le montre. On n’a qu’à voir la vigueur des miniatures dans Douce 30833 – les personnages qui débordent largement les encadrements et qui empiètent sur l’espace du texte, les cimiers qui envahissent le haut de page, les extraordinaires déguisements des jouteurs (voir par exemple les ailes des chevaliers34) – pour comprendre combien le maître d’atelier a misé sur cette dynamique pour promouvoir une lecture performative35, c’est-à-dire une lecture où nous sommes invités à participer à une occasion particulièrement élaborée, particulièrement somptueuse... Les miniatures du manuscrit de Saint-Pétersbourg – qui n’ont pas l’aspect carnavalesque qui caractérise Douce 308 – semblent servir par contre un dessein documentaire, à « prouver » en quelque sorte la « réalité » du texte, témoin par exemple au folio 6ro l’image minutieuse du défilé des participants : on y décèle, peints avec une remarquable diligence, chaque acteur, chaque mouvement de la foule – en germe, toute la fiction du pas. Que cette miniature ait été faite, dans son état original, à partir d’esquisses faites au cours du pas36 ou bien d’après le texte, il en résulte ce que l’on pourrait appeler une « monumentalisation » du présent ; ces témoignages visuels de l’événement et des personnages historiques – comme c’était le cas d’ailleurs au xve siècle pour le portrait – semblaient fournir une preuve décisive de leur authenticité, et amenaient ainsi le lecteur à se construire une memoria rerum gestum qui célébraient dûment la société qui en était responsable37.
13Précisons toutefois : la « belle ordonnance » qui marque cette miniature et d’autres du manuscrit de Saint-Pétersbourg n’est pas une représentation véridique de la fête de 1446. L’image, on s’en doute, codifie les événements, veut présenter un monde idéalisé, harmonieux, mesuré. Les joutes individuelles telles qu’elles sont représentées dans le manuscrit font parade d’élégance et de raffinement, d’une cohérence et d’une symétrie qui ne peuvent avoir existé que dans un pas imaginé. C’est que pour les commanditaires de ces manuscrits, l’image peinte devait sans doute jouer un rôle stratégique : la construction d’une identité de classe. Tous les éléments visuels – les fastes de l’occasion, la gestuelle, la symbolique vestimentaire – sont en effet systématisés pour créer un équilibre entre la mémoire d’une part et les attentes du pouvoir de l’autre. Tout comme le pas lui-même, sa représentation dans le manuscrit de Saint-Pétersbourg est faite selon ce que Jonathan Alexander appelle « a representational matrix that both codifie[s] and strengthen[s] social values38 ». Immortaliser ainsi sa festivité – que ce soit pour la célébrer avec ses proches ou pour la communiquer aux absents39 – remodelait la réalité et rendait ce remodelage concret40.
14Mais il y a plus. Immortaliser sa festivité sur un support matériel d’une telle valeur pécuniaire représente un investissement que le commanditaire consacre à sa plus grande gloire. L’œuvre d’art de la fin du Moyen Âge se faisait signe de distinction qui procurait à son propriétaire une certaine gloire ; le livre par la même occasion se faisait admirer pour sa belle reliure, son écriture soignée, ses miniatures éblouissantes (rappelons avec Brigitte Buettner qu’à la cour des Valois, on désignait le bibliothécaire le « garde des joyaux41 »). Pour les princes de la fin du Moyen Âge, le livre faisait partie de cette consommation ostentatoire qui constituait une méthode d’honorabilité42. Le manuscrit superbe, tout comme d’autres objets de luxe – et ici je fais appel à l’œuvre de l’historien-anthropologue Oleg Grabar43 – contribue au culte du plaisir sensoriel qui caractérise les échanges princiers.
15Mais le manuscrit de Saint-Pétersbourg n’est pas qu’un bel objet ; il est aussi le récit d’une fête elle-même sans doute destinée à accroître le prestige du roi René et qui de ce fait demande elle aussi à être partagée : il s’agit, nous l’avons dit, d’une œuvre de commémoration. Or le quinzième siècle a justement vu naître un genre d’ouvrages qui ressemble de façon très intéressante à notre manuscrit : le « livre de fête », ou « festival book44 », ouvrages qui, à la Renaissance, étaient faits pour perpétuer le souvenir des magnificences : les fêtes de cour, les joyeuses entrées, les triomphes45... Mais notre manuscrit ferait croire que ce ne fut pas qu’à la Renaissance46 que les princes tenaient à ce que leurs fêtes et leurs réjouissances fussent immortalisées à l’écrit. En effet, ces spectacles fugitifs, au Moyen Âge aussi bien qu’à la Renaissance, servaient à entériner les valeurs d’une société, à définir ses structures sociales, à témoigner de sa légitimité47 – bref, nous l’avons dit, à créer une identité de classe ; un prince donc, sachant combien l’alliance de l’écrit et de l’iconographique favorisait le souvenir, devait sans doute imaginer, bien avant la lettre, un moyen d’immortaliser ces moments primordiaux mais évanescents : produire un tel ouvrage servirait à la fois à célébrer l’occasion et à faire voir combien sa cour était chevaleresque, combien elle bénéficiait de ressources artistiques.
16Un moyen aussi de « refaire » la réalité, d’en présenter une image manipulée... Le livre de fête fut naturellement propagandiste : comme la fête elle-même, il refaisait la réalité48. La memoria qui comptait tant pour les cours princières, et l’importance de la fama – éléments qui expliquent par exemple la nomination de chroniqueurs « officials » tels Froissart, Chastellain, Monstrelet – exigeait naturellement de « confectioner » une histoire « officielle ». C’est ainsi sans doute qu’il faut comprendre la « belle ordonnance » du manuscrit, l’élégance de la mise en page, les magnifiques miniatures... Faut-il parler à propos de René, comme le fait Brigitte Buettner à propos des ducs de Bourgogne, d’un « véllo-manie49 », une véritable politique bibliophile ? Toujours est-il que la réification du livre n’a pas qu’une dimension esthétique ; le manuscrit de Saint-Pétersbourg, dirait-on, est fait pour concilier le présent et le passé, l’actualité et la mémoire chevaleresque : pour en fin de compte cristalliser une identité proprement angevine...
Notes de bas de page
1 Lors du colloque, cette communication a bénéficié d’une vraie discussion ; je suis profondément redevable à M. Gabriel Bianciotto et à Mme Helena Kogen de leurs commentaires et de leurs remarques.
2 Froissart, Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, 28 t., Bruxelles, V. Devaux, 1867-87, t. 15, p. 167 ; voir P.F. Ainsworth, « Froissart et “ses” manuscrits : textes, images, codex et ressources électroniques », Froissart dans sa forge : colloque réuni à Paris, du 4 au 6 novembre 2004, éd. Michel Zink, Paris, De Boccard, 2006, p. 213-30.
3 New York, Pierpont Morgan Library, M.804, fo 1ro ; la miniature est à voir au site web de la Bibliothèque. Voir Brigitte Buettner, « Profane illuminations, secular illusions : manuscripts in late medieval courtly society », The Art Bulletin 74 (1992), p. 75-90.
4 Et que nous consultons désormais en fac-similé : Das Turnierbuch für René d’Anjou (Le Pas de Saumur). Vollständige Faksimile-Ausgabe in Original Format der Handschrift Codex Fr. F. XIV. Nr. 4 der Russischen Nationalbibliothek in St. Petersburg. t. 1 : Faksimile ; t. 2 : Kommentarband, éd. N. Elagina, J. Malinin, T. Voronova et D. Zypkin, Graz, Akademische Druck-und Verlagsantalt, Moscou, Verlag Nasledije der Akademie der Wissenschaften Russlands, 1998.
5 Voir par exemple C. Bozzolo et E. Ornato, Pour une histoire du livre manuscrit au Moyen Âge. Trois essais de codicologie quantitative, Paris, Éd. du CNRS, 1980, p. 28-43, et par exemple, pour la cour de Bourgogne, A. van Niewenhuysen, Les finances du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi (1384-1404). Économie et politique, Bruxelles, Université de Bruxelles, 1984, p. 385-404.
6 Le mot est de Michel Stanesco, Jeux d’errance du chevalier médiéval : aspects ludiques de la fonction guerrière dans la littérature du moyen âge flamboyant, Leiden, E. J. Brill, 1988, p. 88.
7 Genre qui semble avoir pris naissance au xiiie siècle : voir Stanesco, Jeux d’errance, p. 90.
8 Jacques Bretel, Le Tournoi de Chauvency, éd. Maurice Delbouille, Liège, H. Vaillant-Carmanne et Paris, E. Droz, 1932, et Sarrazin, Le Roman du Hem, éd. Albert Henry, Paris, Les Belles Lettres, 1939. J’ajouterai aussi le « Pas de la Bergère », de Pierre de Beauvau, que j’ai commenté lors du colloque de Toulouse en 2009 : « “Une gente pastourelle” : René d’Anjou, Louis de beauvau et le Pas d’armes de la bergère », René d’Anjou, écrivain et mécène (1409-1480). Actes du colloque René d’Anjou (Toulouse, janvier 2009), sous la direction de Florence Bouchet, Turnhout, Brepols, 2011, coll. « Texte, Codex & Contexte », xiii, p. 197-208 ; j’aurais voulu consulter aussi le manuscrit du pas d’armes de Sandricourt (Bibliothèque nationale de France Ms. Arsenal 3958, éd. A. Vayssière, Paris, Léon Willem, 1874, mais je n’ai pu avoir accès ni au manuscrit ni à l’édition ; voir toutefois à ce propos Évelyne van den Neste, Tournois, joutes, pas d’armes dans les villes de Flandre à la fin du Moyen Âge, Paris, École des Chartes, 1996, p. 57-59.
9 Voir l’étude de Michel Stanesco déjà citée.
10 Que Nancy Freeman Regalado a analysé dans son article « Performing romance : Arthurian interludes in Sarrasin’s Le Roman du Hem (1278) », Performing medieval narrative, éd. Evelyn Birge Vitz, Nancy Freeman Regalado, and Marilyn Lawrence, Cambridge, D.S. Brewer, 2005, p. 103-19.
11 Marie-Madeleine Fontaine, « Danser dans Le Jeu de Robin et Marion », dans Le corps et ses énigmes au Moyen Âge. Actes du colloque, Orléans, 15-16 mai, 1992, éd. Bernard Ribémont, Caen, Paradigme, 1993, p. 45-54.
12 Voir surtout Gabriel Bianciotto, « Le pas d’armes de Saumur (1446) et la vie chevaleresque à la cour de René d’Anjou », Le roi René : René, duc d’Anjou, de Bar et de Lorraine, Roi de Sicile et de Jérusalem, Comte de Provence, 1409-1480 : Actes du colloque international, Avignon 13, 14 et 15 juin 1981 : Annales universitaires d’Avignon, n° spécial, 1 et 2 (1986), p. 1-16, Armand Strubel, « Le pas d’armes : le tournoi entre le romanesque et le théâtral », Théâtre et spectacles hier et aujourd’hui : 115e Congrès national des sociétés savantes, Paris, Éditions du CTHS, 1991, p. 273-84, Alice Planche, « Du tournoi au théâtre en Bourgogne : le Pas de la Fontaine des Pleurs à Chalon-sur-Saône 1449-1450 », Le Moyen Âge 81 (1975), p. 97-128. Jean-Pierre Jourdan, lui, s’est penché sur « Le symbolisme politique du Pas dans le royaume de France (Bourgogne et Anjou) à la fin du Moyen Âge », Journal of Medieval History 18 (1992), p. 161-181.
13 Voir A. Planche, « Du tournoi au théâtre », art. cit.
14 Clifford Geertz, Negara : The theatre state in nineteenth-century Bali, Princeton, Princeton University Press, 1980. Cette constatation a déjà été faite par exemple pour la Bourgogne : voir Peter Arnade, Realms of ritual : Burgundian ceremony and civic life in late medieval Ghent, Ithaca et Londres, Cornell University Press, 1996.
15 M. Stanesco, Jeux d’errance..., op. cit., p. 99.
16 L’auteur semble-t-il tenait à son anonymat, et à la fiction du poète-observateur : « Je suis presque demy sauvaige N’ay congnoissance hors ce boucaige, Nourry suis en lieu solitaire, Nulz temps ne voy gens de paraige Fors en ville, court ou festaige » (§ 238) ; il semblerait avoir été clerc, ou abbé (voir G. Bianciotto, « Le pas d’armes de Saumur »). Pour le texte du Pas, j’ai le plaisir de reconnaître la grande générosité de M. Gabriel Bianciotto qui m’a fourni la copie électronique de l’édition qu’il en a faite.
17 Douce 308 est un manuscrit composite ; voir au sujet de la datation et de l’histoire du manuscrit Mary Atchison, The Chansonnier of Oxford Bodleian Ms. Douce 308 : essays and complete edition of text, Aldershot, Ashgate, 2005, et Keith Busby, Codex and Context : reading Old French verse narrative in manuscript, 2 t., Amsterdam, Rodopi, 2002, t. 1, p. 316, 318-21 ; t. 2, p. 539, 578, 722-24.
18 Voir l’introduction, p. XXIX : M. Delbouille croirait volentiers, dit-il, « que J. Bretel eut un collaborateur chargé de noter les armoiries ; cette hypothèse expliquerait les différences qui séparent le poème des miniatures et les menues erreurs du texte ; elle expliquerait aussi comment le Tournoi est farci de descriptions d’armures, alors que J. Bretel manifeste le plus grand mépris pour les hérauts et ne parait nullement être des leurs ».
19 G. Bianciotto y verrait peut-être « la mise en forme originale destinée à servir de modèle à une copie plus somptueuse » qui n’aurait jamais été réalisée (« Le pas d’armes de Saumur », p. 2).
20 Voir N. Elagina, « “Le pas de Saumur”. Eine französische Handschrift des 15. Jahrhunderts aus der Sammlung der Russischen Nationalbibliothek (Fr. F. XIV. Nr. 4) », Kommentarband, p. 36-40, et sur la codicologie, D. Zypkin, « Der Codex “Le pas de Saumur” (Fr.F.XIV. 4) », ibid., p. 43-49.
21 Voir N. Reynaud, « Barthélémy d’Eyck avant 1450 », Revue de l’art 84 (1989), 22-43 (p. 38).
22 Précisons : la désignation roman dans le cas du Roman du Hem est bien celle de l’explicit, mais figure aussi dans le texte même (« Sarrazins dist en sa parole C’un rommant i vaurra estraire, Selonc çou qu’il en savra faire » (v. 472-74). Ne faudrait-il pas pourtant entendre roman au sens de « récit fait en français » ? L’expression ne figure ni pour Chauvency ni pour Saumur.
23 Voir l’introduction d’Albert Henry, p. XLV, n. 2 ; il s’agirait (p. XII) d’un « reportage en vers qui a la valeur d’un document historique ».
24 Voir G. Bianciotto, « Le pas d’armes de Saumur », p. 9-10. Le pas ayant commencé le dimanche 26 juin, le poète n’a pu être témoin oculaire des événements.
25 Pour d’autres exemples, nombreux, qui témoignent de la même anxiété, voir J. Malinin, « Das Werk “Le pas de Saumur von 1446” und sein Autor », Kommentarband, p. 11-26 (19-20).
26 Pierre Nora, Realms of memory : rethinking the French past, 2 t., New York, Columbia University Press, 1996, t. 1, p. 21.
27 Voir à ce sujet le bel article de Nancy Freeman Regalado, « A Contract for an Early Festival Book : Sarrasin’s Le Roman du Hem (1278) », Acts and Texts : performance and ritual in the Middle Ages and Renaissance, éd. Laurie Postlewate and Wim Hüsken, Amsterdam : Rodopi, 2007, p. 251-69 ; voir aussi id., « Performing romance ».
28 Il s’agit en fait de la sœur d’Aubert de Longueval, l’un des organisateurs du tournoi ; voir l’introduction d’A. Henry au Roman du Hem, p. XLVI-LII.
29 Voir à ce sujet Christian de Mérindol, Les Fêtes de chevalerie à la cour du roi René : emblématique, art et histoire (les joutes de Nancy, le Pas de Saumur et le Pas de Tarascon), Paris, Éditions du CTHS, 1993.
30 Voir Mary Carruthers, The Book of Memory : a study of memory in medieval culture, Cambridge : Cambridge University Press, 1990. Pour le rôle de l’image, voir l’article de Jean-Philippe Antoine, « Ad perpetuam memoriam. Les nouvelles fonctions de l’image peinte en Italie : 1250-1400 », Mélanges de l’École française de Rome : Moyen Âge, Temps modernes 100 (1988), p. 541-615.
31 Éd. Eugénie Droz, Paris, H. Champion, 1950, p. 17.
32 Archiloge Sophie. Livre des bonnes mœurs, éd. E. Beltran, Paris, H. Champion, 1986, chap. 24.
33 Voir Nancy Freeman Regalado : « Picturing the Story of Chivalry in Jacques Bretel’s Tournoi de Chauvency (Oxford, Bodleian Library, Ms. Douce 308) », Tributes to Jonathan J.G. Alexander : Making and Meaning in the Middle Ages, éd. Susan L’Engle and Gerald Guest (Londres : Harvey Miller-Brepols, 2006), p. 341-352.
34 Voir l’article de Nancy Freeman Regalado, « Les ailes de chevaliers et l’ordre d’Oxford, Bodleian Ms. Douce 308 », à paraître dans Lettres, musique et société en Lorraine médiévale : Le Tournoi de Chauvency (Ms. Bodl. Douce 308), éd. Mireille Chazan, Nancy F. Regalado, & R. Müller.
35 Expression que j’emprunte à l’article cité de Robert L. A. Clark et Pamela Sheingorn, « Performative reading : experiencing through the poet’s body in Guillaume de Digulleville’s Pèlerinage de Jhesucrist », Cultural performances in medieval France : essays in honor of Nancy Freeman Regalado, éd. Eglal Doss-Quinby, Roberta L. Krueger, E. Jane Burns, Cambridge, D.S. Brewer, 2007, p. 135-151.
36 Selon Christian de Mérindol, « le peintre a sans aucun doute à sa disposition des croquis exécutés pendant les joutes, dont il est vraisemblablement l’auteur. Ceci explique la précision étonnante des illustrations où l’on retrouve, nous le montrerons, les émaux des armoiries et les livrées des participants (Les Fêtes de chevalerie..., op. cit., p. 9).
37 Je suis redevable ici à Brigitte Buettner, « Profane illuminations... », art.cit.
38 Jonathan Alexander, « Iconography and ideology : uncovering social meanings in western medieval Christian art », Studies in Iconography 15 (1993), p. 1-44, en particulier p. 6.
39 On sait que René a fait faire un « portrait » coûteux du tournoi de Saumur, qu’il destinait à Charles VII, mais qui a disparu : voir Lecoy de la Marche, Le Roi René, sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires d’après les documents inédits des archives de France et d’Italie, Paris, Firmin-Didot, 1875 ; consulter désormais : http://www.archive.org/stream/leroirensavies02lecouoft/leroirensavies02lecouoft_djvu.txt.
40 Je reviens ici à la notion d’« état-théâtre » proposée par Clifford Geertz : « designed to express a view of the ultimate nature of reality and, at the same time, to shape the existing conditions of life to be consonant with that reality ; that is, theatre to present an ontology and, by presenting it, to make it happen – make it actual », Negara : the theatre state..., p. 104.
41 Boccaccio’s Des cleres et nobles femmes. Systems of signification in an illuminated manuscript, Seattle et Londres, College Art Association with University of Washington Press, 1996, p. 6.
42 Je renvoie ici à Thorstein Veblen, Théorie de la classe de loisir, Paris, Gallimard, 1970 ; voir aussi sur la consommation ostentatoire à la fin du Moyen Âge Malcolm Vale, The Princely court : medieval courts and culture in north-west Europe, Oxford, Oxford University Press, 2001, surtout Part II, « Culture », p. 165-300, et Roy Strong, Art and Power : Renaissance festivals 1450-1650, Woodbridge, The Boydell Press, 1984, p. 3-20.
43 « The shared culture of objects », Byzantine court culture from 829 to 1204, éd. Henry Maguire, Washington DC, Dumbarton Oaks Research Library and Collection, 1997 ; Oleg Grabar, The Mediation of ornament : the A. W. Mellon lectures in the fine arts, 1989 ; The National Gallery of Art, Washington DC, Bollingen Series XXXV 38, Princeton, Princeton University Press, 1992 ; Islamic visual culture, 1100-1800, Aldershot, Ashgate Variorum, 2006.
44 Je suis encore redevable ici à N. Regalado, « A Contract for an Early Festival Book... », art.cit.
45 Le « festival book » est le sujet d’un grand projet abrité par la British Library ; voir http://www.bl.uk/treasures/festivalbooks/valois.html.
46 La plupart des historiens se sont penchés uniquement sur les premiers livres de fête imprimés et qui ne sont apparus qu’à partir de 1475 ; voir par exemple Helen Watanabe O’Kelly et Anne Simon, Festivals and ceremonies. A bibliography of printed works relating to court, civic and religious festivals in Europe 1500-1800, Londres, Mansell, 2000.
47 Voir Helen Watanabe-O’Kelly, « The Early Modern festival book : function and form », « Europa Triumphans » : court and civic festivals in Early Modern Europe, éd. J.R. Mulryne, Helen Watanabe-O’Kelly and Margaret Shewring, 2 t., Aldershot et Burlington VT, Ashgate, 2004, t. 1, p. 3-18, et R.J. Knecht, « Court festivals as political spectacle : the example of sixteenth-century France », ibid., p. 19-31.
48 Voir H. Watanabe-O’Kelly, « The Early Modern Festival Book... », art. cit., p. 22.
49 B. Buettner, « Profane illuminations... », art. cit., p. 75.
Auteur
Institut d’Études Médiévales de Montréal
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