La démocratie turbulente des ouvriers de l’arsenal de Toulon
1789-1793
p. 125-138
Texte intégral
1Les ouvriers de l’arsenal maritime de Toulon sous l’Ancien Régime et la Révolution forment, selon les historiens locaux du xixe siècle, une « classe ignorante, turbulente et grossière, facilement accessible à toutes les passions, levier habituel des désordres, réunion de gens de divers pays1 ». C’est effectivement ce qui se passe au printemps 1789 lorsqu’éclate la Révolution en Provence. À la veille de la Révolution, la municipalité est dominée par des officiers et fonctionnaires retirés du service de la Marine ainsi que par des négociants, tandis que le peuple toulonnais, formé de paysans, d’artisans et boutiquiers, de pêcheurs et de travailleurs de l’arsenal est absent de l’assemblée des édiles2. Ainsi, les autorités navale et municipale sont, dès l’hiver 1788-1789, mises en cause ensemble, tant pour les problèmes de paiement des soldes que de taxation des denrées qu’elles ne savent résoudre. Le 23 mars 1789, la masse des ouvriers de l’arsenal et des artisans s’en prend violemment aux symboles du pouvoir municipal, religieux et militaire. L’action est violente : le carrosse de l’évêque est jeté dans le port, les maisons du maire et des archivistes sont saccagées. Le mécontentement ne retombe qu’avec le versement d’une partie des salaires de la Marine et l’addition à l’assemblée du tiers état de vingt-deux représentants de marins, charpentiers, calfats. Ces journées de printemps marquent le premier fait politique actif du peuple toulonnais.
2 De ce point de vue, les ouvriers de l’arsenal sont réellement turbulents : ils s’agitent bruyamment dans le tumulte, font preuve de violence, avec des pratiques dont nous savons qu’elles obéissent à certaines règles traditionnelles de l’émeute et du carnaval3. Pour l’observateur conservateur du xixe siècle ou pour les historiens révisionnistes du xxe, l’irruption des catégories populaires et de leurs pratiques violentes dans la sphère politique instituée marque le dérapage de la Révolution dès 1792. À Toulon, les ouvriers de l’arsenal, désignés comme « peuple » à l’égal des portefaix ou des travailleurs de l’échoppe et de la boutique, sont mis sur le « banc des accusés4 ». Mais, à la lecture des documents d’archives, il est possible de fortement nuancer cette accusation. Il serait fallacieux de nier les actes de violence, parfois extrêmes, des couches populaires. Leur action politique nouvelle est certes « dès l’origine favorable à l’enchaînement des contraintes et des menaces, verbales ou physiques, et, progressivement, à l’établissement de rapports humains où la force, voire la brutalité, incarnent des discours et des objectifs radicalisés5 ». Cependant ce serait oublier tout un pan, finalement moins visible mais plus quotidien, de l’activité politique populaire. Vue « d’en bas6 », la violence politique n’est pas de nature animale. Elle porte en elle des discours, des formes et surtout des finalités qui montrent que sa légitimité tient aussi au fait qu’au delà de sa limite dans le temps elle relève de « l’espérance d’un temps nouveau7 ».
3Il ne s’agit pas pour nous de retracer les événements violents des premières années de la Révolution à Toulon. Notre but est de comprendre l’insertion des ouvriers de l’arsenal de Toulon dans le processus politique local, donc comment ils se sont approprié la politique.
4Notre analyse se concentrera autour de trois pôles : la municipalité, la société populaire et l’arsenal, c’est-à-dire le pouvoir politique institutionnel, l’association où se tiennent le principal débat politique et le lieu de travail. En effet, la pratique du suffrage et l’accès à la Municipalité forment un enjeu important de la lutte politique des ouvriers ; le rapport de force des voix est corrélé à la lutte pour le contrôle des armes et de la police. Les travailleurs de l’arsenal tiennent ainsi à participer à la Garde nationale pour affirmer leur citoyenneté. Cette quête de citoyenneté passe également par le travail et la constitution d’un collectif politique dans la base navale en relation avec les instances civiles et militaires de la ville.
Intégrer la maison commune
5Le peuple, présentement constitué par les ouvriers et le « bas peuple », font irruption, au sens figuré comme au sens propre, durant les élections du Tiers en mars 17898. Cette inclusion nouvelle se prolonge jusqu’en août 1789. Le code électoral de la ville permet de fait aux personnes issues des catégories populaires de se présenter aux élections et d’y être élues. Ainsi le conseil de quarante-trois membres, qui est désigné les 24 et 26 août 1789 par l’ensemble des chefs de famille, contient « autant d’artisans que de membres des professions libérales9 ». Parmi les nouveaux venus, on compte onze artisans et maîtres artisans, un portefaix, un pêcheur, un maître canonnier, deux maîtres d’équipage, un maître charpentier de l’arsenal10.
6Toutefois lors des élections de février 1790, les professions libérales font une entrée massive et accaparent les hauts rangs tandis que la noblesse disparaît du conseil11. Les classes populaires, pour leur part, ne se servent pas vraiment de leurs droits. Un seul notable municipal travaille à l’arsenal (un maître canonnier). Nous pouvons avancer trois explications à ce recul des élus du peuple, et en premier lieu du « prolétariat de l’arsenal12 ». D’une part, la prépondérance électorale de la bourgeoisie peut se comprendre par le monopole qu’elle a exercé dans les affaires publiques sous l’Ancien Régime et donc par sa longue pratique de la politique. Les classes populaires accusent, quant à elles, une hysteresis dans ce domaine et il faut tout un travail de fonds des sections et du club jacobin pour les politiser durablement. D’autre part, le vote est certainement à cette époque un engagement politique parmi d’autres, c’est-à-dire que les individus ne considèrent pas le vote comme le seul moyen politique ; les adresses, la plantation d’un arbre de la liberté, l’adhésion à la Garde nationale, et même l’émeute sont autant d’actes politiques qui équivalent la participation aux différentes élections. Enfin, l’élite de la société toulonnaise dispose d’assez de temps et de loisir pour assister aux séances électorales qui, à cette époque, ne durent pas moins de quinze jours13. Il faut donc faire d’abord l’apprentissage de la politique, puisqu’il manque aux catégories populaires toulonnaises une plate-forme politique structurée, dont l’adhésion n’est pas soumise à une contrainte financière, pour leur permettre de s’éduquer à la pratique du vote et pour leur faire comprendre les enjeux des élections.
7Cependant, en l’espace d’un an, le club des Jacobins et les huit sections14 ont fourni un vrai travail de politisation. Au printemps 1791, lors d’élections anticipées, l’ancienne oligarchie municipale est écartée, ce qui permet au conseil de la ville des ouvriers de l’arsenal (cinq, en comptant les pilotes) de revenir sur la scène politique. Par la suite, la mobilisation des classes populaires se confirme lors du renouvellement de la municipalité en novembre 1791 : la participation électorale est proche des 30 % et les Jacobins triomphent. Des ouvriers de l’arsenal y font « une entrée sans précédent15 », note qui ?, en qualité de notables et officiers. Les ouvriers ont donc, en cette fin de l’année 1791, des relais au sein même de la municipalité. Ils ne sont certes pas représentés en proportion de leur poids démographique dans la cité, mais c’est déjà un progrès par rapport à l’Ancien Régime.
8L’automne 1792 marque une prise de distance dans la relation des dirigeants jacobins avec la foule populaire. Pour autant, cette mise à distance ne doit pas cacher une plus grande implication de la part des catégories populaires, et spécialement des ouvriers, dans les affaires municipales. Pour corroborer notre propos, nous comparerons deux moments de la vie municipale toulonnaise qui ne sont pas des élections. Il s’agit dans les deux cas de la nomination de commissaires nommés par le Conseil municipal pour s’occuper d’îles, c’est-à-dire de pâtés de maisons. Ces îles servent aux dénombrements de la population, mais ne font pas vraiment partie de la conscience collective, à la différence des quartiers aux personnalités plus fortes, plus marquées. Toulon, à la fin de l’Ancien Régime et au début de la Révolution, compte environ 135 îles.
9C’est alors que le 12 octobre 1791, le Conseil municipal de Toulon se rassemble à l’hôtel de ville pour nommer 128 « commissaires d’isles ». Comme justifient-ils cette décision ?
Considerant qu’indépendamment des objets qui occupent journellement les administrateurs, il en est d’autre d’une nature qui doivent plus particulièrement exciter leur surveillance telle que celui de l’impôt mobilier, pour l’assiette duquel il convient de faire procéder à un nouveau recensement général de tous les citoyens de la ville qui determine les individus qui y sont soumis d’après la loi, celui auquel il a été procédé dans son tems ne pouvant servir pour cet objet, 1° par ce que les commissaire qui y procederent, avoient omis de recenser des isles entières. 2° que le plus grand nombre des citoyens ont changé de logement et de quartier, et que la plus grande partie des commissaires ont également changé de logement et de quartier, inconvenient qui exige qu’il soit procédé à une nouvelle nomination de commissaires d’isle pour acellerer cette opération si importante16.
10Effectivement le 25 novembre 1791 est fixée la matrice de rôle pour la contribution foncière17, dans la mesure où celle établie au mois d’août ne semble pas avoir donné satisfaction18. Qui compose cette liste de commissaires d’îles ? 30 % sont artisans, ce qui correspond à la proportion de cette catégorie socioprofessionnelle au sein de la population totale. Parmi ces commissaires artisans, les professions les plus hautes sont les mieux représentées : confiseurs, orfèvres-bijoutiers, perruquiers. Les catégories de bourgeois et de professions médicales forment chacune 17 % des commissaires, alors que la bourgeoisie représente 1/10e des chefs de famille de la ville. 10 % des commissaires sont des marchands. Les ouvriers de l’arsenal représentent 9 % des effectifs (12 personnes dont 3 menuisiers), alors qu’ils forment entre 15 et 20 % des chefs de familles de la ville. L’implication des ouvriers reste donc très limitée.
11Un an et demi plus tard, en avril 1793, alors que les Jacobins sont bien établis à la Mairie et que la peur de complot aristocratique hante les esprits, on assiste à une nouvelle nomination de commissaires d’îles, répartis « de dix en dix maisons dans Toulon19 ». Pourquoi cette liste est-elle établie ? Nulle précision à ce sujet, comme c’est le cas en 1791 lorsqu’il s’agit de recenser la population. Nous pouvons tout de même considérer qu’il fallait trouver un moyen de surveiller la population, au-delà du recensement. Cette hypothèse est corroborée par la manière dont cette liste est élaborée. Établie le 30 avril 1793, nous avons gardé trace dans les archives de la Société populaire du mois de mars 179320, du projet des commissaires de l’établir par quartiers. Et il apparaît que certains noms sont inscrits, puis remplacés, sans que ce choix soit mis en cause, bien au contraire :
Le conseil applaudissant au choix dudit Comité, après avoir oui le procureur de la Commune a unanimement adopté la liste ci dessus à l’effet de quoi les dits commissaires seront de suite invité à entrer en fonction et à se conformer aux instructions que le citoyen procureur de la Commune est authorisé à leur faire parvenir21.
12Il n’est même pas certain que la liste municipale soit définitive puisqu’elle semble avoir été examinée de nouveau aux Jacobins le 1er mai22. C’est à cette époque aussi qu’est mis en place un comité de surveillance, dont nous n’avons retrouvé aucune archive. Ce comité s’en prend aux possédants. Ainsi le 20 mai 1793, soixante-quatorze suspects dont cinquante-neuf cadres militaires de la Marine ou de la garnison, sept négociants et commis, et quatre artisans sont incarcérés.
13À la fin du mois d’avril 1793, la sociologie des commissaires n’est plus du tout la même. Déjà, on compte une inflation de leur nombre, 195 au lieu de 128 – ce qui renforce notre hypothèse selon laquelle il s’agit de surveiller de façon plus étroite la population. Au sein des commissaires de quartiers, les artisans sont toujours les plus nombreux avec 22 % des effectifs. Mais les métiers les mieux représentés ont changé : en tête se situent les maçons, les cordonniers (dont on sait qu’ils sont « très politiques23 ») et les tailleurs. Les orfèvres et les perruquiers n’ont pas disparu alors que les confiseurs quasiment (il n’en reste qu’un). Les marchands ne forment plus que 8 % des commissaires, les professions médicales 6 %. Les commis font une entrée spectaculaire (12 %). À quelque chose près, les ouvriers de l’arsenal sont aussi nombreux que les artisans, avec 21 % des commissaires (41 personnes dont 6 charpentiers, 6 menuisiers, 5 tonneliers). La part des ouvriers de l’arsenal a été multipliée par plus de deux en moins de deux ans !
14Le succès des ouvriers aux élections n’est donc pas constant. Par contre, ils parviennent à peser de plus en plus fortement sur les orientations politiques de la Municipalité et à intégrer les rouages de contrôle démocratique de la cité. Ils accèdent enfin au droit de surveiller et punir leurs concitoyens. Ce processus est rendu possible à la fois par la force des revendications ouvrières et par la disposition des Jacobins locaux à assumer une partie de la mobilisation des salariés de la base navale. Mais ce recours au monde du travail de l’arsenal – tout autant qu’à celui de l’échoppe et de la boutique – se déroule dans un cadre précis dans lequel la spontanéité est jugulée au profit de la marche en avant révolutionnaire24.
Ouvriers et peuple en armes
15L’implication des ouvriers dans les affaires de la cité s’étend également au maintien de l’ordre. De spontanée durant les événements de 1789, la participation des ouvriers à la police de la ville s’affirme et se légitime par la lutte au cours des premières années de la Révolution. Toutefois, l’intégration dans cette force armée n’est pas évidente pour le « bas peuple ». D’une part la Garde nationale a gardé dans de nombreuses villes en France son image de milice bourgeoise à laquelle les ouvriers ne veulent pas avoir à faire25. Mais, ce n’est pas le cas à Toulon où les travailleurs de l’arsenal ont dès le début de la Révolution voulu participer à « l’autogestion policière des villes26 » pour affirmer leur citoyenneté locale et nationale. D’autre part, l’inclusion dans la Garde nationale pour des travailleurs de l’État chargés de la défense de la patrie en danger pose des problèmes du partage de la disponibilité entre l’effort à l’atelier et la défense armée du mouvement révolutionnaire.
16Le 23 mars 1789, l’ordre est rétabli par des maîtres artisans et la moitié (dit-on) des ouvriers de l’arsenal27. Le procès-verbal des officiers municipaux parle d’un « accord intime du bourgeois et du soldat28 ». Toujours est-il qu’à Toulon comme ailleurs la révolution municipale se joue « autour de la formation de la garde nationale29 ». L’enjeu autour du « peuple en armes » se retrouve pendant les troubles de l’été 1789. Au début du mois d’août 1789, « des séditieux ayant persuadé au Peuple et aux Ouvriers de l’Arsenal qu’on avoit formé le complot de faire sauter la ville, et de n’attirer ceux ci dans le port que pour les massacrer, la terreur s’est emparée d’eux à un tel point, qu’ils ont demandé hautement à être armés30 ». Le commandant du port propose aux ouvriers de « partager la garde de l’arsenal », ce qui apparemment convient aux interlocuteurs. Le commandant de la marine rétablit également la journée du lundi qui, depuis le mois de mai, était chômée. Cependant, le département de la guerre accorde à celui de la marine le droit d’envoyer à Toulon le Bataillon d’Ernest pour venir en aide aux troupes de marine en cas d’insurrection populaire. Lors de la séance du 24 août après-midi, l’assemblée des chefs de famille est troublée par des perturbateurs, une quarantaine d’ouvriers « à la journée du roi », donc absents de leurs ateliers31. Un des agitateurs monte en chaire et, « s’exprimant en patois32 », annonce que le château de Missiessy détient des armes. « Cette dénonciation ainsi faite publiquement […] alarma les uns, indigna les autres et le vœu unanime fut de s’assurer du dénonciateur et de la conduire au château de Missiessy pour y vérifier en sa présence le fait dénoncé33 ». La visite ne donne aucun résultat en termes de présence d’armes. Les officiers municipaux font alors traduire le dénonciateur à la prison du palais. Dans le même temps, le commandant du port s’engage à ne point faire usage de l’armée pour ne pas exacerber plus « quelque fermentation dans les esprits34 ».
17Arrêtons-nous un instant sur l’itinéraire de ce dénonciateur. Joseph Cormain est né à Toulon 30 ans auparavant. Il est perceur à l’arsenal de Toulon et vit chez sa mère35. Il ne sait pas signer. Lors de son interrogatoire, il avance qu’il « est venu cette après midi dans l’assemblée indiquée dans l’église des precheurs », seul, « de son pur mouvement et comme un fol ». Cormain admet de lui-même que son intervention n’étant pas légitime « s’il doit être pendu il le sera » car « c’est un malheur qu’il ne peut plus reparer ». L’accusé se dit fou. Les témoins corroborent cette appréciation. Cormain est condamné à un an de réclusion en septembre, mais en décembre, sa mère évoque à nouveau sa folie, demande l’élargissement de son fils, expliquant qu’il vaut mieux le laisser auprès de sa mère que dans les geôles. Le procureur autorise sa libération.
18Mais cette démence n’est-elle pas simplement une excuse ? Cormain a-t-il agi de façon solitaire ? N’est-il pas plutôt à l’image d’un peuple virulent ? L’accusé dit n’avoir jamais pris part aux mouvements populaires « qui ont eu lieu en cette ville ou ailleurs et notamment dans l’arcenal », et qu’il « n’a jamais été prévenu en justice ». Or, le jour de son retour à Toulon, le 23 juillet 1789 – son navire avait été désarmé à Brest36 – les révolutionnaires toulonnais manifestent violemment contre la condamnation des émeutiers de mars récemment sanctionnés à Aix. Sous prétexte de la réunion annuelle de la corporation des cabaretiers, des ouvriers, des artisans et des bourgeois s’assemblent. L’intervention de la troupe pour disperser l’assemblée a été perçue par les historiens de xixe siècle comme une manœuvre de la bourgeoisie pour substituer leur milice à celle issue des corporations. Maurice Agulhon estime qu’il est « possible que certaines confréries de Métier se soient prolongées dans les débuts du nouveau régime en se servant de cadre à la prise de conscience révolutionnaire des classes moyennes en attendant que les institutions nouvelles (sections) et les exemples nationaux (clubs) aient fourni les cadres organiques nouveaux susceptibles de prendre le relais37 ».
19Ce contexte marqué par la politisation des masses se ressent dans les paroles prononcées par Cormain à la chaire de l’assemblée. D’après un témoin, Cormain aurait déclaré en provençal : « mes frères nous sommes la nation il faut faire le bien et le bien faire il faut aller au château de Missiessy nous assurer du seigneur et de ses gens parce qu’il y a un souterrain où sont cachées des armes et des munitions, je le tiens de la servante38 ». Deux choses sont à noter à propos de cette seule phrase. La rumeur d’un dépôt d’armes s’est propagée à partir de l’arsenal. J. Cormain en aurait pris connaissance sur un chantier sur lequel il travaillait avec un perceur, et ce dernier l’aurait apprise par une domestique du château dont le père est armurier à l’arsenal39. Le deuxième élément à relever est la mise en avant de la notion de bien et de légitimité. « Il faut faire le bien et le bien faire », harangue l’ouvrier perceur devant l’assemblée. Alors que la France connaît l’épisode de la Grande Peur, à Toulon les nouvelles forces politiques ont du mal à s’affirmer. Ainsi la violence collective par la voix de Joseph Cormain exprime la volonté de « forger une conscience nouvelle40 ». La façon dont notre protagoniste prend la parole, sa manière d’insérer le peuple dans la Nation, laisse penser que sa folie n’est qu’excuse. Cormain participe à l’invention du mouvement révolutionnaire, mouvement par lequel le politique atteint des aspects parmi les plus ordinaires des usages quotidiens41. Ici, l’invention passe par la maîtrise des armes, pour l’essentiel.
20Revenons en 1789, lorsque le décret du 22 décembre 1789 spécifie qu’un citoyen « actif » doit être inscrit au registre de la milice bourgeoise, et légitime donc la participation à la Garde nationale de la ville comme moyen d’exercice de la citoyenneté. Mais le problème de la participation proprement dite des ouvriers à la Garde nationale demeure en suspens. Le début de l’année 1791 voit en effet l’Assemblée Nationale voter une loi dispensant les ouvriers des arsenaux du devoir de servir dans la Garde nationale sans toutefois les en exclure. Cette loi du 7 janvier laisse donc planer une ambiguïté quant à son interprétation : faut-il écarter les ouvriers en leur assurant le statut de citoyens ou bien faut-il laisser le choix à chaque travailleur de servir ou de ne pas servir dans la milice ? Certes le problème n’est pas formulé ainsi par les autorités qui se rappellent combien renvoyer autoritairement les ouvriers de la Garde nationale représente un affront pour ces derniers. Afin de décourager les ouvriers à s’engager dans des patrouilles moins fatigantes que les travaux des chantiers, la Marine décide alors de ne point payer les journées de garde en invoquant la loi et le fait que « le service de la garde nationale [est] fait gratuitement par toutes les autres classes de citoyens42 ». Le commandant du port et l’ordonnateur prennent également des mesures coercitives afin de débusquer les ouvriers qui partent « immédiatement après l’appel43 » dans leur atelier à l’arsenal pour rejoindre les patrouilles de la milice. À Brest et à Rochefort, des séditions ont en effet éclaté à cause du non-paiement des journées de Garde. On craint au ministère que ces troubles s’étendent à d’autres ports, et surtout on observe que le service des ouvriers dans la milice porte atteinte à l’autorité, qu’il cause une perte de temps préjudiciable aux travaux de l’arsenal et enfin que « des hommes, entraînés par un système d’égalité que le service de la Garde Nationale réduit en pratique, [sont] nécessairement moins subordonnés44 ». Cette allusion à la fraternité rejoint ce qu’écrit H. Lauvergne : « À Toulon la bourgeoisie armée fut admirable de générosité et de patriotisme : plusieurs officiers, dans ce temps de détresse, morcelèrent leur fortune pour nourrir des ouvriers sans travail, pour secourir la classe pauvre45 ». Pour sa part, Toulon ne connaît pas de troubles à propos du paiement des journées de gardes. Par contre, la réorganisation de la Milice en bataillons sectionnaires, en janvier 1791, transforme la ville en « champ de bataille politique46 ».
21Par ailleurs, l’organisation en sections survit jusqu’à la fermeture de celles-ci en octobre 179247. Régulièrement des demandes du Conseil de Marine de Toulon parviennent à la municipalité pour lui demander d’exempter les ouvriers du service48, mais l’exclusion devient encore plus préjudiciable à l’ordre public depuis qu’un décret du 2 septembre 1792 déclare « infâme, traître à la patrie et digne de mort49 » tout citoyen qui refuse de s’enrôler dans la Garde nationale. Pourtant la domination des Jacobins dans les institutions, la fermeture des sections et l’arrivée de nouveaux ordonnateurs mettent à mal la présence des ouvriers au sein de la Milice. C’est ainsi qu’en janvier 1793, lors de la constitution d’un bataillon de gardes de la Convention dans le district de Toulon, seuls dix des trente ouvriers qui se présentent sont acceptés « pour ne pas enlever trop de bras aux travaux des constructions navales50 ». Les officiers municipaux se portent alors « dans tous les ateliers pour prêcher l’assiduité et le zèle51 ». Cette mise à l’écart des ouvriers de la Garde nationale a été certainement bénéfique aux chantiers de l’arsenal mais elle a été préjudiciable, voire fatale au régime jacobin de Toulon lors de la crise fédéraliste. En effet, il ne faut pas négliger le côté patriotique de l’engagement dans la Milice. Les ouvriers préfèrent certainement les patrouilles aux chantiers navals mais comme le fait remarquer N. Hampson, « il faut ajouter qu’ils n’ont pas reculé lorsqu’ensuite on fit appel à la Garde nationale pour des expéditions quelquefois périlleuses contre les insurgés de la Vendée et de la Bretagne52 ».
Démocratie au travail
22L’insertion politique des ouvriers se fait également par le travail. Membres assidus du club des Jacobins, les travailleurs de l’arsenal transposent les rituels démocratiques de ces assemblées sur leur lieu de travail au sein d’une société ayant pour but la défense de leurs intérêts. Le « Comité central des ouvriers de l’arsenal » – tel est le nom de cette structure – est une instance où l’égalité constamment défendue s’expérimente de façon concrète
23C’est dans ce contexte que la « société ouvrière » fait son apparition à l’été 1792. La description de ses séances, que nous avons conservée, montre qu’il y a continuité entre les assemblées primaires, les réunions sectionnaires, la Garde nationale et la pratique clubiste. L’organisation de cette société est telle qu’elle est ouverte à tous les ouvriers, fonctionnant en principe selon le mode de démocratie directe par assemblées générales. Mais en raison du grand nombre d’ouvriers, il y a tout lieu de croire que chaque atelier élit ses délégués, et que nous sommes donc plus dans le cadre d’une démocratie représentative53. Les réunions du Comité central se tiennent dans la salle des Minimes54, au cœur du quartier populaire de Toulon avec leurs présidents, leurs secrétaires, et leurs orateurs. Nous n’avons retrouvé qu’une seule de ces délibérations à partir de laquelle nous pensons pouvoir identifier une sorte de conseil permanent de vingt-cinq membres55. Aucun des noms inscrits ne correspond à des « acteurs importants de la révolution toulonnaise, tels qu’on peut les saisir par exemple, à travers l’index des noms de personnes dressé […] à la suite de son répertoire des archives municipales pour la série révolutionnaire56 ». Les formulations administratives dans les correspondances montrent que le Comité des ouvriers agit toujours collégialement, et par députation. Le 17 avril 1793 par exemple, les officiers municipaux écrivent simultanément au président de la société populaire et au comité central des ouvriers – sans précision de personne – pour les informer de la nécessité d’augmenter le prix « de la viande de bœuf et du pain ». Ils ne veulent pas prendre le risque de déclencher une émeute. Ainsi la municipalité invite les deux associations à faire nommer une députation de cinq membres pris dans la Société et cinq autres membres du Comité pour assister au Conseil57.
24Les historiens de Toulon au xixe siècle ont fait du Comité ouvrier soit un appendice de la société jacobine, soit une traduction de la Terreur, mais surtout un « foyer éternel d’insubordination58 ». Effectivement il se défie des ordonnateurs et participe du mouvement de suspicion de la nouvelle République pour qui les officiers de marine sont de possibles traîtres. Les chefs du port sont également coupables aux yeux des ouvriers de vouloir leur imposer le paiement des salaires en assignats et donc de contribuer à la perte de leur pouvoir d’achat. Cependant le nouvel ordonnateur, arrivé à Toulon en mai 1793, doit ainsi être présenté au Comité central et au club jacobin par le citoyen Ricard, ex-Constituant, défenseur des ouvriers au tout début de la Révolution, qui jouit auprès d’eux « de la confiance la plus générale et la plus entière59 », pour être accepté comme nouveau chef de l’arsenal.
25Le Comité central est néanmoins le produit d’hommes désireux de défendre leurs intérêts sur le terrain de la lutte économique et sociale, donc porteurs d’une certaine vision de la société et d’un certain ordre révolutionnaire. À la lecture des archives de la Ville et de la Marine, nous remarquons que le Comité central est autonome par rapport au club des Jacobins, qu’il est associé aux décisions de l’arsenal et qu’il participe aux réunions des trois corps administratifs réunis (Municipalité, directoire du District, directoire du Département). Il accompagne le mouvement législatif de la Convention et même le dépasse. Par la loi du 25 janvier 1793, il est explicitement demandé à ce que « Les Maîtres, Contre-maîtres, Aides & Caps [aient] sur les ouvriers, Matelots ou Journaliers l’autorité attachée à l’exercice de leurs fonctions respectives60 ». Les ouvriers sont « tenus à la subordination & à l’obéissance envers eux en tout ce qu’ils leur commanderont pour le service, sous peine d’être punis comme insubordonnés manquant à leurs Supérieurs ; & les Supérieurs seront également tenus de se conformer aux Lois de discipline sous les peines portées contr’eux en cas d’injustice envers leurs inférieurs ». En somme, les mesures d’autorité sont déléguées aux maîtres qui, ensuite, par voie hiérarchique, en rendent compte à leurs chefs de service, ces derniers dénonçant au bout du compte les désordres au président de la Cour martiale maritime, sous couvert de l’ordonnateur. Mais les ouvriers toulonnais vont plus loin dans l’interprétation de la loi et s’investissent d’un rôle de police par le biais de leurs commissaires issus de leur Comité central. En mars 1793, les trois corps administratifs se réunissent, avec le commandant de la base navale, et arrêtent qu’« une commission sera chargée de se porter journellement sur les vaisseaux qui sont en armement à l’effet de seconder l’autorité des officiers, sous-officiers et maîtres, d’exciter le zèle des ouvriers et de l’équipage, de les engager par tous les moyens que le patriotisme peut inspirer à accélérer les travaux et à mettre le plutôt possible les bâtiments en état de sortir du port61 ». Cette commission n’est pas formée par des officiers de marine ou des ingénieurs. Elle est composée « de quinze membres, savoir trois du département, trois du district, trois de la municipalité, trois de la société patriotique et trois du Comité de l’Arsenal62 ». Bien entendu, le commandant des forces navales est « également invité à se joindre à la commission et de la suivre dans les différentes visites qu’elle fera sur les vaisseaux ». Un mois plus tard, le 29 avril 1793, une députation ouvrière annonce à l’administration départementale qu’il « s’occupe de la rédaction d’un code de police63 ». Les commissaires ouvriers demandent alors aux autorités de lui adjoindre trois de ses membres afin de parfaire la rédaction de ce « code de discipline ». D’une prise d’initiative à l’autre, les ouvriers font preuve d’une autonomie, sans confiner à l’isolement puisqu’ils cherchent à impliquer les autorités de la République, tout en s’impliquant eux-mêmes dans l’organisation de l’arsenal.
26Les ouvriers participent bien à l’établissement de l’ordre révolutionnaire en dehors de l’arsenal. Les députés du Comité central des ouvriers assistent à certains conseils de ville, surtout à partir de janvier 1793. Par exemple, le 30 mars, L’assemblée des trois corps administratifs réunis « arrête qu’il sera tenu demain une assemblée secrète à laquelle la société patriotique et le comité central de l’Arsenal seront invités d’assister par députations. Seront également invités les membres des tribunaux judiciaires, le commandant de la place, celui des armes de la Marine, celui des forces navales et l’ordonnateur. Cette assemblée se tiendra à l’hôtel du département à huit heures du matin64 ». Cette assemblée fait suite à une délibération du conseil municipal de la ville de Marseille, datée du 28 mars 1793 et à une députation des trois corps administratifs réunis des Bouches-du-Rhône venue aux trois corps administratifs réunis du Var.
27La municipalité marseillaise soupçonne les travailleurs de l’arsenal de négligence et charge alors ses commissaires de s’informer de ce problème auprès des différents pouvoirs pour « obliger tous les ouvriers à remplir leur devoir avec exactitude et ponctualité et de les faire punir en cas de désobéissance ». Le lendemain, la réunion se tient donc en présence de membres de la société patriotique et de membres du « comité central de l’arsenal ». La discussion ne fait apparaître aucune prise de parole de la part des députés du comité central des ouvriers. De manière générale, il est déclaré que « le ministre est seul coupable du dénuement où nous nous trouvons par rapport aux moyens de protéger notre commerce ». De ce point de vue, on constate que la mobilisation du monde du travail dépasse le rôle qu’entendent lui assigner les Jacobins. Les masses laborieuses de l’arsenal créent leurs propres marges de manœuvres par rapport aux bornes politiques fixées par les leaders de la société populaire. Cela pose donc le problème du consensus révolutionnaire – de sa tenue ou de sa rupture65 – surtout quand l’étau de la contre-révolution se resserre en Provence au printemps 1793.
28Mais encouragée par la loi, et bien que localement redoutée parce qu’elle bouleverse les rapports hiérarchiques inhérents à l’autorité militaire, l’action des ouvriers se révèle donc être un mode de participation collective du peuple à la vie publique garantissant le respect de l’ordre républicain.
Conclusion
29Dès 1789, les ouvriers toulonnais embrassent la politique par tous les moyens que la Révolution met à leur disposition. Leurs modes d’action combinent les moyens légaux d’intervention du peuple dans le débat public (vote, Garde nationale) et ceux auxquels répugne la classe politique bourgeoise, essentiellement l’attroupement66, et l’émeute. Les travailleurs de l’arsenal innovent également en forgeant un collectif nouveau à travers une société politique ancrée dans leur lieu de travail : le Comité central des ouvriers de l’arsenal. Par cette instance inédite, ils apprennent par eux-mêmes à devenir citoyens et réinvestissent les acquis démocratiques auxquels ils se sont habitués durant les toutes premières années de la Révolution au sein des sections et du club jacobin.
30Mais en insérant la dimension « travail » dans la conception de la citoyenneté, les ouvriers de l’arsenal lient aussi fortement le politique et la vie sociale67. Le processus social d’appropriation du politique par les travailleurs du port de Toulon, tout original soit-il, est aussi pris dans les soubresauts de l’histoire locale. De ces différents facteurs, sociaux, politiques et locaux, il ressort la construction d’une conscience commune nouvelle plutôt fragile, surtout par le fait des tensions sociales, économiques et politiques68 Mais, sans conteste, demeure un acquis de la Révolution : les ouvriers n’ont jamais cessé de s’investir dans les affaires de la cité.
Notes de bas de page
1 D.M.J. Henry, Histoire de Toulon depuis 1789 jusqu’au Consulat d’après les documents de ses archives, t. 2, Toulon, Aurel, 1855, p. 43. Nous trouvons dans cette appréciation dans les discours sur le peuple du xviiie siècle pour lesquels, « il n’y a pas d’hommes et de femmes du peuple, seulement des masses, des groupes, des agrégats, le plus souvent en émeute ». Le peuple est perçu comme incapable de réflexion politique. Dès lors, il ne peut qu’être par nature profondément séditieux. Déborah Cohen, La nature du peuple. Les formes de l’imaginaire social (xviiie-xxie siècles), Seyssel, Champ Vallon, p. 51. Nous renvoyons également, pour une approche plus générale de la « notion à extension indéterminée » de « milieux populaires », à : Pierre Bourdieu, « Vous avez dit “populaire” ? », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 46, mars 1983, p. 98-105.
2 Malcolm Crook, « Marseille, Aix et Toulon : vicissitudes du personnel municipal de trois grandes villes provençales à l’époque de la Révolution », dans Bruno Benoît, dir., Ville et Révolution française, Actes du Colloque international, Lyon, mars 1993, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1994, p. 201-215, p. 202.
3 Michel Vovelle, Les métamorphoses de la fête en Provence (1750-1820), Paris, Aubier, 1976.
4 Maurice Agulhon, « La Révolution française au banc des accusés », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 1985, vol. 5, no 1, p. 7-18.
5 Daniel Roche, « La violence vue d’en bas. Réflexions sur les moyens de la politique en période révolutionnaire », Annales, 1989, vol. 44, no 1, p. 47-65 et 49.
6 Ibid.
7 Ibid., p. 57.
8 « Bas peuple » est ici utilisé dans son sens usuel et reprend la dénomination de l’époque. Alors que les délégués des corporations se réunissent à l’Hôtel de Ville afin de rédiger les cahiers de doléances, le reste des catégories populaires sans représentation communautaire se regroupe dans « la salle basse de l’Hôtel de Ville » et reste exclu de la procédure électorale. Albert de Rions, amiral et commandant du port en 1789, parle alors de l’alliance des ouvriers et de la « plus basse classe » – cité dans Maurice Agulhon (dir.), Histoire de Toulon, Toulouse, Privat, 1988, p. 169 – pour décrire l’émeute du 23 mars 1789 qui a amené les autorités à inclure l’ensemble des classes populaires, et non seulement les représentants des corporations, dans le processus électif.
9 Christine Laurant, La Classe politique toulonnaise : chefs de famille, citoyens actifs et élus municipaux de 1789 à 1793, Mémoire de maîtrise, Faculté de Lettres, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1982, p. 113.
10 Ibid.
11 Au début 1790, se déroulent les premières élections municipales dans le cadre du décret du 22 décembre 1789. Le mode d’embauche et de rémunération spécifique à l’arsenal pousse les autorités civiles à accorder une dérogation au décret : « à titre exceptionnel, tous les hommes âgés de plus de vingt-cinq ans, domiciliés depuis une année et non en état de domesticité » pourront voter et être élu. cf. M. Crook, art. cit., p. 204.
12 Maurice Agulhon, Une ville au temps du socialisme utopique : Toulon de 1815 à 1851, Paris, École Pratique des Hautes Études, Mouton La Haye, 1970, p. 14.
13 M. Crook, art. cit., p. 204.
14 Les sections se superposent au moment du vote aux assemblées primaires. Elles se réunissent pour la première fois le 27 janvier 1791. Leurs séances s’ouvrent à 17h les jours de travail et à la sortie des messes le dimanche. Les sections coordonnent leurs actions grâce à un « comité central » des délégués. Plus de 20 % des citoyens actifs de Toulon assistent aux réunions.
15 M. Crook, art. cit., p. 205.
16 Archives municipales de Toulon (désormais AMT), L68 D4, Administration municipale, Délibérations et rapports, Délibérations du Conseil de la Ville, du 25 février au 3 novembre 1791. Les citations d’archives conservent l’orthographe originale.
17 AMT, L202 G2, Contributions et Administrations financières, Contribution foncière, matrice du rôle, 1791.
18 AMT, L203 G3, Contributions et Administrations financières, Contribution foncière, rôle pour la ville et la campagne, 1791.
19 AMT, L68 D6, Administration municipale, Délibérations et rapports, Délibérations du Conseil de la Ville (8 décembre 1792-11 septembre 1793).
20 AMT, L416 I21, Police générale, établissement de commissaires par quartiers de maisons.
21 AMT, L68 D6, op. cit.
22 AMT, L416 I21, op. cit.
23 Eric J. Hobsbawm et Joan Wallach Scott, « Des cordonniers très politiques », dans Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, vol. 53, no 4bis, p. 29-50.
24 Ce « rapport privilégié » des Jacobins avec le peuple se retrouve à une plus grande échelle à Paris. cf. Haim Burstin, L’invention du sans-culotte : regards sur Paris révolutionnaire, Paris, Odile Jacob, 2005.
25 Samuel Guicheteau, La Révolution des ouvriers nantais. Mutation économique, identité sociale et dynamique révolutionnaire (1740-1815), Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
26 Serge Bianchi et Roger Dupuy (dir.), La Garde nationale entre nation et peuple en armes. Mythes et réalités, 1789-1871, Rennes, Presses Universitaires de Rennes.
27 Maurice Agulhon (dir.), Histoire de Toulon, Toulouse, Privat, 1988.
28 AMT, L347 H41, Événements locaux, « Affaire du 23 mars 1789 ».
29 dans M. Agulhon, Histoire de Toulon, op. cit., p. 170. La bourgeoisie souhaite s’armer contre le peuple qui attaque les biens et les personnes et le peuple veut s’armer pour se défaire de la tutelle oppressante des hautes classes. Cela était d’autant plus vrai pour les ouvriers de l’arsenal qui avaient face à eux une force armée puissante, les troupes de marine, et un commandement intransigeant en la personne du comte d’Albert de Rioms.
30 Service Historique de la Défense, département Marine, Toulon (désormais SHMT), 1A1107, Émeutes de Toulon en 1789, « lettre du ministre La Luzerne, le 15 août 1789 ».
31 AMT, L349 H43, Événements locaux, Visite du Château de Missiessy, 24 août 1789, « liste d’ouvriers absents le 24 établie le 25 août 1789 ».
32 AMT, L349 H43, op. cit., « procès-verbal adressé au lieutenant général du roi, le comte de Caraman ».
33 Ibid.
34 SHMT, 1A1107, Émeutes de Toulon en 1789, « lettre du ministre La Luzerne, le 5 septembre 1789 ».
35 AMT, L349 H43, op. cit.
36 AMT, L348 H42, Événements locaux, Assemblée illégale, 1789.
37 Maurice Agulhon, La Sociabilité Méridionale, Confréries et Associations dans la vie collective en Provence orientale à la fin du xviiie siècle, Aix-en-Provence, La Pensée Universitaire, 1966, p. 460-463.
38 Comme le note R. Merle, « l’irruption de Cormeil [est] autant l’irruption du peuple ouvrier que celle du "patois". […] Tous les témoins insistent sur cet usage du patois, ce qui indique bien que l’assemblée se tenait en français ». René Merle, « Étienne Pelabon et le partage des langues dans les affrontements toulonnais de 1789-1790 », dans R. Merle, A. Tramoni, M. Vovelle, Toulon, 1780-1790. Étienne Pelabon et la Réunion patriotique, Bulletin SEHTD, 3, 1988.
39 AMT, L349 H43, op. cit.
40 D. Roche, art. cit., p. 61.
41 C’est un des aspects de la rupture révolutionnaire : des gestes ou des mots autrefois non perçus comme « politiques », sont désormais faits, dits ou reçus comme tels. […] Or ce lent processus n’est pas un mouvement descendant qui, partant des élites les plus cultivées, aurait progressivement « éclairé » le menu peuple. La politique s’invente aussi par le bas. Guillaume Mazeau, « La violence évitée : citoyens ordinaires face à l’assassinat de Marat », dans Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 57, no 1, p. 47-68.
42 AMT, L380 H52, Milice bourgeoise, Garde nationale, 1791, « lettre de MM. de Glandevès et de Possel aux maire et officiers municipaux de Toulon, 19 janvier 1791 ».
43 AMT, L380 H52, Milice bourgeoise, Garde nationale, 1791, « lettre de MM. de Glandevès et de Possel aux maire et officiers municipaux de Toulon, 22 janvier 1791 ».
44 cité dans Norman Hampson, « Les ouvriers des arsenaux de la marine au cours de la Révolution française (1789-1794) », dans Revue d’Histoire économique et sociale, 1961, vol. 39, no 3, p. 287-329, p. 304.
45 Henri Lauvergne, Histoire de la Révolution française dans le département du Var depuis 1789 jusqu’à 1798, Toulon, Monge & Villamus, 1839, p. 89.
46 Malcolm Crook, « Un nouvel espace politique sous la Révolution : les sections de Toulon, 1790-1793 », dans L’espace et le temps reconstruits, la Révolution française, une révolution des mentalités et des cultures ?, Aix-en-Provence, Presses Universitaires de Provence, 1990, p. 49-63.
47 Le 29 septembre 1791, l’Assemblée Nationale décrète une nouvelle organisation de la Garde nationale. Suivant ce décret, « aucune raison d’état, de profession, d’âge, d’infirmités, ou autres, ne dispensera de l’inscription les citoyens actifs qui voudront conserver l’exercice de leurs droits ; plusieurs d’entr’eux seront néanmoins dispensés du service… », mais le cas des ouvriers des arsenaux n’est nullement mentionné comme appartenant à la catégorie des exemptés.
amt, L391 H513, Milice bourgeoise, Garde nationale, 1791, « Loi relative à l’organisation de la Garde nationale donnée à Paris le 14 octobre 1791 ».
48 cf. N. Hampson, art. cit.
amt, L393 H515, Milice bourgeoise, Garde nationale, 1792, « Délibération du district de Toulon et du département, le 3 mai 1792 ». Pour un exemple d’aide aux gardes nationaux envoyés aux frontières : AMT, L228 H7, Affaires militaires, recrutement, « fédérés toulonnais ou Bataillon du 10 août 1792 ».
49 cité dans N. Hampson, art. cit., p. 307.
50 D.M.J. Henry, Histoire de Toulon depuis 1789…, op. cit., p. 323.
51 Vincent Brun, Guerres Maritimes de la France : port de Toulon, ses armements, son administration, depuis son origine jusqu’à nos jours, Paris, Plon, 1861, p. 198.
52 N. Hampson, art. cit., p. 304-305.
53 SHMT, 4O1, Cour martiale et tribunal correctionnel de Toulon, interrogatoires et procédures de la Cour martiale de Toulon, décembre 1792 – Thermidor an II, « Dénonciation du Comité central des Ouvriers de l’Arsenal contre Jean-Baptiste Valence, second maître-voilier ».
54 AMT, D33 L94, Administration Municipale, Correspondance, Correspondance générale, 1792.
55 SHMT, 4O1, op. cit., « Dénonciation du Comité central des Ouvriers de l’Arsenal contre Jean-Baptiste Valence, second maître-voilier ».
56 Antoine Tramoni, « À propos du Comité central des ouvriers de l’arsenal de Toulon en 1793 », dans Bulletin de la Société des Amis du Vieux Toulon et sa Région, 1989, no 111, p. 199-209 et 202.
57 AMT, D36 L95 bis, Administration Municipale, Correspondance, Correspondance générale, du janvier à juillet 1793.
58 H. Lauvergne, op. cit., p. 240.
59 SHMT, 1A2 80, Correspondance des ordonnateurs (janvier-août 1793), « lettre de l’ordonnateur Puissant au Ministre, le 15 mai 1793 ».
60 Archives nationales, D§1 31, Missions des représentants du peuple et comités des Assemblées de la Révolution, Rouyer, Brunel et Le Tourneur de la Manche : départements maritimes méridionaux (janvier-mai 1793).
61 AMT, L50 B18bis, Actes de l’Administration départementale, Délibération des Trois Corps Administratifs de Toulon, du 30 mars au 5 juillet 1793.
62 Ibid.
63 Ibid.
64 Ibid.
65 H. Burstin, op. cit., p. 76.
66 Paula Cossart, « S’assembler en Provence sous la Révolution. Légitimité des réunions des sociétés populaires comme mode de participation collective du peuple au débat public (1791- 1794) », dans Annales historiques de la Révolution française, 2003, 331, p. 57-77 et 69.
67 Ibid., p. 59.
68 N. Hampson, « Les Ouvriers des arsenaux de la marine… », art. cit., p. 313.
Auteur
Aix-Marseille Université - CNRS, UMR TELEMME 7303
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