Préface
p. 5-7
Texte intégral
1Le présent ouvrage La mosaïque des racines. Pouvoirs, cultures et sociétés en France et en Méditerranée (xvie-xxie siècle), apporte à travers vingt-deux contributions des éclairages nouveaux sur quatre grands thèmes de recherche défrichés, au cours de ces vingt-cinq dernières années au sein de l’UMR TELEMME dont Gérard Chastagnaret fut le directeur. Au-delà de la contribution scientifique, l’ensemble constitue aussi un hommage à sa capacité à dynamiser la recherche collective.
2Fils d’instituteurs ardéchois – et il aime à rappeler ces origines –, Gérard Chastagnaret a été élève de l’École Normale Supérieure et agrégé d’histoire en 1968. Il s’est alors lancé dans l’exercice académique au long cours de l’époque que constituait la thèse de doctorat d’État. Il fallait choisir un sujet vaste et peu défriché ; ce fut l’histoire économique des mines en Espagne au xixe siècle. Après avoir été enseignant en coopération au Maroc, puis pensionnaire de la Casa de Velázquez à Madrid, il intégra en 1974 l’université de Provence comme assistant d’histoire contemporaine. Dirigée d’abord par Pierre Vilar, puis par Émile Temime, la thèse fut soutenue en 1985. Elle fut publiée par les presses de la Casa de Velázquez en 2000, dans une version réduite mais comportant toutefois 1170 pages, sous le titre L’Espagne, puissance minière dans l’Europe du xixe siècle. S’il n’a jamais abandonné dans ses propres recherches l’histoire économique et l’espace ibérique, son activité scientifique a pris, à la fin des années quatre-vingt, un nouveau tour.
3Après l’exercice individuel, si ce n’est solitaire, que constitue la thèse, Gérard Chastagnaret s’engage alors résolument dans la recherche collective. À l’époque, les outils et structures disponibles dans nos domaines disciplinaires sont encore peu nombreux et limités. Il y a d’abord les équipes de recherches universitaires, fondées quelques années plus tôt par un professeur et qui réunissent autour d’un séminaire régulier un petit groupe d’enseignants-chercheurs et de thésards dans sa spécialité. Ainsi Gérard collabore avec Émile Temime dans le CEHMC qui regroupe des historiens de la période contemporaine travaillant sur le monde méditerranéen. Il y a aussi le CNRS qui soutient des actions thématiques, dont certaines se prolongent dans des structures fédératives regroupant des chercheurs, universitaires et CNRS, sur un même domaine scientifique. Gérard dirige de 1987 à 1990 le Groupement de recherche L’Espagne du Siècle d’Or à nos jours, associant des chercheurs de plusieurs universités. Et c’est avec enthousiasme qu’il s’engage dans le projet de groupement scientifique pluridisciplinaire, historique et anthropologique, portant sur les sociétés de l’Europe méridionale, qui voit le jour à l’université de Provence en 1986 sous la direction de Philippe Joutard. Ce GIS, puis GDR, regroupe jusqu’à neuf équipes de recherche : historiens médiévistes, modernistes, contemporanéistes ; ethnologues, ethnolinguistes, géographes, architectes, corsisants et germanistes spécialistes des migrations. Tout en conservant les activités de recherche liées à chacun de leurs centres (séminaires) les chercheurs participant au GDR acceptent de prendre part à un travail pluridisciplinaire articulé autour de cinq grands thèmes dans le champ géographique de l’Europe méridionale : la ville, les comportements économiques, la Révolution française (nous sommes à l’heure du Bicentenaire), expression et affirmation des identités collectives, les courants migratoires. Tout est à créer : les modes de travail collectif et interdisciplinaire, comme les outils de la recherche (médiathèque, moyens informatiques, infrastructures administratives, locaux). Lorsque Philippe Joutard est nommé recteur, Gérard, fortement impliqué dans cette aventure, est choisi pour lui succéder.
4Ainsi il assume, de 1990 à 1993 la direction du GDR Nord Méditerranée – Cultures et civilisations méridionales xie-xxe siècle. Mais déjà il voit plus large. Si le GDR s’appelle Nord Méditerranée, il ne s’agit pas de faire de cette mer une frontière infranchissable. C’est d’abord lors des Écoles doctorales d’été qu’il dirige avec Robert Ilbert, au sein de la CUM (Communauté des universités méditerranéennes) que des confrontations entre des recherches menées sur les diverses rives de la Méditerranée seront effectuées. Chaque été une vingtaine de doctorants venant de divers pays méditerranéens assistent à quelques enseignements spécialisés sur un thème et confrontent leurs propres travaux en chantier. Gérard y donne toute sa mesure : conférences de synthèse, audition critique des jeunes chercheurs, mais aussi, à l’issue du repas de clôture, discours mémorable, maniant avec une même maîtrise l’ironie et la forme académique.
5Mais cela n’est qu’une première pierre du grand projet qui se dessine : transformer le GDR en un laboratoire de recherche pérenne associé au CNRS, en inscrivant cette mutation dans un projet plus vaste, la création d’une Maison méditerranéenne des sciences de l’homme, que porte Robert Ilbert, avec l’appui de l’Université de Provence. Ce n’est pas le lieu de dire les difficultés rencontrées, les responsables à convaincre, les dynamiques à créer pour chacun de ces deux projets. Gérard a été l’âme du premier, qui s’est concrétisé en 1994, et a pris une large part au second, qui a abouti à l’inauguration de la MMSH en 1997.
6En 1994 est donc créée l’UMR (Unité mixte de recherche) TELEMME (Temps, espaces, langages, Europe méridionale-Méditerranée) associant le CNRS et l’université de Provence, dont Gérard Chastagnaret assure la direction. Ce nouveau laboratoire regroupe chercheurs, enseignants chercheurs et doctorants issus de six centres de recherche, préalablement membres du GDR, la nouvelle structure se substituant aux anciennes. Il est doté de matériel, de personnels d’appui à la recherche, et de locaux, qui à partir de 1997 avec l’installation à la MMSH, sont dignes d’un grand laboratoire. Il s’assigne quatre champs de recherche : dynamique des espaces, le politique, religions et minorités, et les représentations, au sein desquels, à chaque renouvellement, sont construits des programmes et des groupes de recherche. Au fil du temps s’ajoutent de nouvelles thématiques (les élites) et des programmes transversaux (les techniques, le genre) où se nouent des collaborations avec d’autres UMR de la MMSH. On peut, à bon droit, s’étonner qu’un champ spécifiquement économique n’apparaisse pas dans une UMR fondée et dirigée par un spécialiste d’histoire économique. C’est que Gérard n’a pas voulu imposer ses thématiques de recherche ; il a su au contraire partir de ce qui pouvait fédérer les chercheurs susceptibles de participer à l’unité, et notamment faire place aux initiatives nouvelles, notamment celles portées par de jeunes collègues. Les problématiques de l’histoire économique demeurent néanmoins présentes dans des colloques et publications. Mais ce qui importait par-dessus tout au directeur de laboratoire qu’il fut jusqu’en 2001, c’était que chacun puisse trouver sa place dans l’unité. En contrepartie il avait une exigence, c’était l’implication dans le travail collectif. Dans la continuité des écoles doctorales d’été de la CUM, il fut particulièrement attentif à l’aide que le laboratoire pouvait donner aux doctorants, et notamment aux allocataires de recherche : soutien matériel (mission sur le terrain, soutien logistique, informatique…), encadrement de la recherche (participation aux séminaires et journées d’études, organisation par les doctorants eux-mêmes de journées jeunes chercheurs où ils présentaient leurs travaux), aide aux premières publications (avec Rives).
7En 2001, lorsque Gérard prend la direction de la Casa de Velázquez, TELEMME était devenu un laboratoire de recherche solide et reconnu. Je pris sa suite à la direction de l’unité, jusqu’en 2007. Jean-Marie Guillon me succéda alors jusqu’en 2012, où il passa le relais à Maryline Crivello, secondée par Laure Verdon. L’histoire de TELEMME continue… Avant son départ à Madrid, comme après son retour à Aix, Gérard Chastagnaret s’est impliqué, au-delà de son laboratoire, dans la vie de l’Université de Provence, comme élu dans les conseils, mais aussi comme chargé de mission du président, à la recherche en lettres et sciences humaines (1997-2001) et à la communication (2007-2011). À l’échelon national, il a été membre du conseil de département SHS en 1999-2000.
8Le contenu du présent ouvrage illustre bien de grands thèmes de recherche que Gérard Chastagnaret a su impulser et soutenir, lorsqu’il était à la direction de TELEMME. Leur présence dans ce recueil est la preuve de la continuité d’une politique de recherche qu’il a su mettre en place.
9P.S. Je remercie Marie-Françoise Attard, ingénieur de recherche à TELEMME, pour son précieux concours.
Auteur
Aix-Marseille Université - CNRS, UMR 7303 Telemme
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