Langues et langages des capitaines marchands de Marseille au XVIIIe siècle
p. 127-147
Texte intégral
1Le 30 décembre 1821, le préfet des Bouches-du-Rhône reçoit de Toulon, par télégraphe, une information selon laquelle :
la corvette américaine l’Ontario, provenant de Mahon, a mouillé dans cette rade ; les intendants de santé lui ont dit de repartir de suite, et ne l’ayant pas fait, des officiers, par deux fois, lui ont dit de reprendre la mer ou qu’on l’y contraindrait par la force. Il a répondu qu’il n’entendait ni l’anglais, ni le français. N’y ayant pas dans cette ville de consul américain, veuillez bien dire au consul général américain de Marseille de se rendre immédiatement à Toulon pour signifier à cette corvette de partir sans délai ou qu’on l’y contraindra par la force.
2La fermeté et la détermination des autorités sanitaires semblent avoir suffi car ce même jour, « à trois heures du soir », une nouvelle dépêche fait savoir que « la corvette américaine l’Ontario est partie ; la présence du consul général de Marseille à Toulon n’est donc plus nécessaire1 ».
3Ignorance réelle ou feinte du capitaine qui cherchait à échapper à un contrôle ? Nous ne le saurons pas, mais au-delà de cet épisode, qui rappelle la présence croissante des bâtiments américains en Méditerranée, est posée la question de la pratique des langues par les capitaines et patrons de navires marchands, d’autant que certains d’entre eux ne limitent pas leurs fonctions à bord du navire au seul commandement de celui-ci. D’aucuns participent directement aux opérations commerciales et apparaissent comme des figures majeures de l’intermédiation marchande. Des marins certes, mais aussi des commerçants, car être marin ne se résume pas systématiquement à une seule et simple activité de navigation. Ce singulier qui est le regard des terriens sans réelle connaissance des choses de la mer renvoie au rapport des marins et des autres, recouvre des réalités multiples et complexes. De nombreux capitaines ou « marchands-mariniers » – comme on les qualifie d’ailleurs souvent dans les ports provençaux – participent aux échanges de proximité, font du commerce lointain en droiture, animent la caravane maritime en Méditerranée et pratiquent aussi la course munis de commissions les autorisant à aller « en guerre et marchandises ». Au cours de leurs campagnes de mer, dans l’exercice de leur métier et pour mener à bien les transactions, il leur est nécessaire de communiquer avec nombre de partenaires commerciaux et administrateurs, et de connaître pour cela les langues en usage dans cet espace, y compris celles des étrangers qui le fréquentent ; la prise de contact et l’instauration du dialogue, lors d’une escale en terre étrangère, nécessitent réellement pour le capitaine ou son écrivain de « prendre langue » avec l’autre2. Par ailleurs, ils doivent maîtriser un langage destiné à communiquer autrement avec les marins, voire les commanditaires des opérations.
4Atteindre ces moyens d’expression et retrouver la parole et les gestes qui l’accompagnent dans la pratique du métier, sont un véritable défi. Ces paroles perdues – ordres lancés aux équipages, discussions avec des affréteurs aux escales, entretiens dans le comptoir du négociant ou propos échangés à la Loge des marchands – ne peuvent être approchées qu’au travers des traces écrites. Éparses et inégalement conservées, elles ont parfois été laissées par la main du capitaine au fil d’une correspondance ou dans la rédaction de mémoires, mais aussi consignées sous sa dictée par un proche collaborateur – à commencer par l’écrivain de bord – pour renseigner un rôle d’équipage, un connaissement, une police de chargement, ou rédiger une lettre aux armateurs…
5Dans le cadre de cette étude, nous nous proposons de privilégier les correspondances de ces professionnels de la mer avec les armateurs et négociants d’une place marchande, à savoir Marseille au dernier siècle de l’Ancien Régime, en nous accordant quelques incursions dans les ports voisins qui composent son complexe portuaire. L’approche, assurément insuffisante, n’a pas la prétention d’épuiser le sujet, mais de poser quelques jalons d’une recherche en cours, centrée sur les figures paradoxalement méconnues des capitaines de navires marchands qui participent aux échanges commerciaux en Méditerranée et dans les espaces océaniques aux xviie et xviiie siècles. Au reste, nous savons combien la composition d’un tel groupe n’est en rien homogène : la formation, le travail effectué et les trajectoires sociales sont là pour souligner cette extrême diversité3. Notre approche sera donc parcellaire, incomplète, inachevée. Qui plus est, il serait artificiel de vouloir séparer ces langues et langages, de chercher à les figer dans des classements qui ne rendraient compte ni de leur association, ni de leur simultanéité dans l’exercice du métier ou le cours ordinaire de la vie. Ne peut-on pas trouver meilleure illustration de cette imbrication des modes d’expression que cette page d’un cahier du capitaine Sébastien Martin où se trouvent juxtaposés et imbriqués des fragments de comptabilité, la silhouette d’un bâtiment de mer – pinque en construction ou commandé ? – et des extraits d’écrit du for privé qui mentionnent, en l’occurrence, la venue au monde d’une enfant4 ?
III. 1. Extrait du journal du capitaine Sébastien Martin (1639)

Apprendre le métier : un apprentissage des langues étrangères ?
6Pierre Jeannin le rappelait : « Les acteurs du commerce international étaient polyglottes par nécessité de fonction. C’est à ce besoin que répondait l’habitude de placer les jeunes gens chez un marchand à l’étranger pour un apprentissage de la langue en même temps que du métier5 ». La « nécessité de fonction » conduit-elle le capitaine de navire à suivre pareil apprentissage des langues étrangères ?
7À l’époque de la guerre d’Amérique, le capitaine du port de Marseille, Saurel, transmet au ministère une série de mémoires où il déplore la « décadence » de la marine marchande. Outre la cupidité des armateurs – peu soucieux des compétences du personnel navigant et plus attentifs à la réduction des équipages – cette situation résulterait de « l’ignorance » des capitaines, qui selon lui, ne savent souvent ni lire, ni écrire. Aussi Saurel demande la mise en place, dans les plus brefs délais, d’examens pour valider l’expérience pratique acquise sur le terrain. Depuis l’ordonnance de 1689, les futurs capitaines au long cours doivent naviguer comme pilotins, faire deux campagnes sur les vaisseaux du roi comme matelots, et passer un examen devant un jury de spécialistes composé de deux capitaines et d’un hydrographe ; dans l’École d’hydrographie ouverte à Marseille à ce moment-là, un maître enseignait les mathématiques, l’hydrographie et des éléments de géographie. Il fallait en principe y avoir suivi six mois de cours pour maîtriser « la carte et le compas » et être reçu comme capitaine navigant, en sus des campagnes faites en qualité de lieutenant. Ce cursus, qui n’accorde aucune place à la connaissance des langues étrangères, n’était cependant pas pour autant suivi à la lettre. Des exemptions étaient fréquentes et des dispenses souvent octroyées. Néanmoins, en accordant en 1757 une telle dispense à André Teissère, le secrétaire d’État à la Marine se montre réservé ; il mentionne, à la Chambre de commerce de Marseille, que : « de plus en plus le commandement des bâtiments de mer est hasardé entre les mains d’un grand nombre de navigateurs qui devraient en être exclus ou n’y avoir jamais été admis6 ». Si les dérogations ne sont pas systématiques – comme le rappellent les refus d’exemption pour Pierre Prépaud de La Ciotat et Jaubert de Marseille – force est de reconnaître que les autorités centrales accordent souvent de telles dispenses (à Fabrici en 1748, à Jean-Antoine Aillaud en 1753, à Rebuffat et Fouque en 1768), quand elles ne se trouvent pas quelquefois mises devant le fait accompli, comme ce fut le cas, en 1766, pour Émile Laugier, parti au long cours un mois avant la réception de l’autorisation.
8Au reste, depuis Maurepas, existe une exemption en faveur des « gens de famille » ou « gens de distinction », séparés des « gens du commun », qui manifestent des dispositions pour le métier de marin ; selon ce texte de 1725, sont dispensés des deux campagnes sur les vaisseaux du roi « les enfants et parents des bons négociants et bourgeois d’une certaine distinction auxquels il ne convient pas de servir en qualité de matelot » ; cependant, en 1754, le pouvoir central revient légèrement sur cette disposition et exige de ces candidats « au moins une campagne sur les vaisseaux du roi », seule façon d’être instruit de la police et de la discipline des équipages, « ce qui ne se peut apprendre sur les vaisseaux marchands où ces principes sont peu connus et encore moins pratiqués7 ». Si le contrôle est effectif en temps de paix, les autorités se montrent moins attentives en temps de guerre ou au lendemain de celles-ci, afin de reconstituer au plus vite l’encadrement de la navigation.
9Néanmoins dans cet apprentissage ne figure pas celui des langues étrangères quelles que soient les orientations majeures des trafics du lieu ; le cosmopolitisme présumé des gens de mer serait à l’origine de cette absence, alors qu’au même moment l’éducation du parfait négociant ne peut plus se concevoir sans une ouverture linguistique. Ainsi, pour Jacques Savary :
Les pères et les mères qui mettront leurs enfants dans le Commerce doivent commencer dès l’âge de sept à huit ans à leur faire apprendre les exercices nécessaires pour cette profession ; c’est-à-dire, à bien écrire, bien savoir l’Arithmétique, à tenir les Livres en partie double et simple, afin qu’ils ne s’écartent pas du dessein qu’ils ont pris de faire le Négoce : même les Langues Italienne, Espagnole et Allemande, parce qu’elles sont très nécessaires à ceux qui veulent négocier dans les Pays étrangers8.
10À Marseille la formation du futur négociant ne suit pas nécessairement ce programme ; les étrangers établis sur la place y paraissent cependant plus attentifs, à l’image du Genevois François Butini qui apprend le hollandais et l’allemand au cours de ses déplacements ; néanmoins, lorsqu’en 1760 son confrère l’Allemand Hornbostel s’informe auprès d’un correspondant suédois pour savoir « si Butini le fils a bien profité dans les langues hollandaise et allemande », il ajoute « demandez-lui pourquoi il ne m’écrit pas en hollandais ». Peu après, il est vrai, lorsque Hornbostel écrit à son correspondant de Göteborg, il commence à le faire en suédois, mais ne tarde pas à ajouter : « Il vaut mieux que j’écrive en français. J’y ferai moins de fautes9 ».
11L’expérience de la mer sur des navires marchands constituait pour les futurs négociants de certaines places, comme Saint-Malo, une voie de formation y compris dans l’apprentissage des langues10 ; les déplacements, les rencontres et les échanges conduisent à cette acquisition sur le tas qui serait naturellement au cœur de la formation des capitaines, voire de l’ensemble des gens de mer. N’est-ce pas pour avoir servi dans sa jeunesse à bord de bâtiments marchands de Marseille, de Venise et de Livourne qu’Anastase, voyageur grec héros du roman de Thomas Hope, parlait « avec la même facilité le turc, l’arabe, le grec, le provençal et la langue franque11 » ? D’ailleurs, n’existait-il pas avec cette dernière langue, dans l’espace méditerranéen, un moyen de communication suffisant ? Selon Furetière « ce jargon, qu’on parle sur la mer Méditerranée, […] s’entend par tous les matelots » ; un siècle plus tard le Dictionnaire de Trévoux continue d’affirmer que ce jargon est « en usage entre gens de Marine de la Méditerranée » et le Dictionnaire de la langue franque ou petit mauresque publié en 1830 par un éditeur marseillais mentionne toujours son emploi « par les habitants des villes maritimes. »
12Attestée dès le xve siècle dans les principaux ports de Méditerranée orientale où étaient établies d’importantes colonies de marchands italiens, elle aurait gagné le bassin occidental au xvie siècle12. Elle ne serait pas ignorée dès ce moment-là des marins venus du nord de l’Europe : ainsi, lorsqu’en janvier 1581 un jeune matelot anglais, nommé Robert Wilkinson, comparaît devant l’Inquisiteur de Malte pour hérésie – car il est protestant – il déclare qu’il parle anglais, mais connaît un peu la « langue des ports » pour avoir vécu trois mois à Barcelone, peu avant son arrivée à Malte. Il parle d’ailleurs suffisamment cette langue pour que l’Inquisiteur, qui la comprend tout autant, n’ait pas recours à un traducteur anglais/italien pour transcrire en italien la déposition faite en lingua dei porti13.
13La lingua franca, « ce composé de langue tirée de l’italien, espagnol et provençal appelé petit mauresque qu’on parle et dont on se sert dans la Méditerranée avec les Maures qui l’ont formé, à cause du commerce qu’ils ont avec les chrétiens », est probablement usitée par les marchands et les marins, à commencer par les capitaines14. Césaire Philippe Vallière, vice-consul de France à Alger (1779-1781), rapporte dans un mémoire destiné à de Castries, secrétaire d’État à la Marine, que :
si la langue générale du pays est l’arabe et si les Turcs parlent entre eux la langue turque […] une autre langue, qui est celle dans laquelle s’expriment les consuls, et tous les Européens avec les Algériens, est la langue franque. Toutes les affaires se traitent en Franc. Elle est d’une pauvreté stérile et peut-être ne comprend-elle pas 150 ou 200 mots différents pour exprimer toutes sortes de choses. […] La langue franque est composée de mots arabes, espagnols, italiens et quelques-uns français. Les mots espagnols dominent. On doit l’attribuer aux longues guerres des Maures avec l’Espagne, pendant lesquelles le mélange des deux peuples a donné naissance à un jargon que nécessitait de part et d’autre le besoin de se faire entendre15.
14Dans cet « idiome, qui n’a ni orthographe, ni règles grammaticales bien établies » on peut relever, selon le Dictionnaire de la langue franque16, nombre de termes relevant de la navigation et du commerce17. Toutefois, pas plus que Nora Lafi, dans ses recherches effectuées auprès des marchands de Tripoli au xixe siècle, nous n’avons trouvé de documentation archivistique attestant l’usage de cette langue chez les capitaines provençaux18. Le témoignage de César-Auguste Fabre (1731-1800), originaire de La Ciotat, n’en est que plus précieux. En 1762, réfugié sur l’île de Saint-Eustache et réduit à la mendicité, il raconte que :
je fus pour ainsi dire aller tendre la main de porte en porte en priant qu’on me donnât quelque chose. Tout le monde fut surpris par mon habillement et d’entendre parler ce composé de langue tirée de l’italien, espagnol et provençal appelé petit mauresque […], ceux-là, dis-je, surpris en entendant mon accent étranger me demandaient par quel accident j’étais réduit à une pareille misère19.
15Ce récit, qui se déroule loin du monde méditerranéen et sur une île sous contrôle hollandais, laisse planer un certain doute quant à son authenticité ; il n’en reste pas moins vrai que la référence à la lingua franca paraît naturelle chez ce marin au long cours dont l’apprentissage n’a accordé, dans le cursus officiel, aucune attention à la connaissance des langues.
16La lingua franca apparaît tellement répandue et pratiquée sur les rives de la Méditerranée au xviiie, que Rousseau la fait naturellement utiliser par Émile dans ses échanges avec le capitaine du bâtiment sur lequel il s’est embarqué à Marseille ; mais Émile précise que « je m’adressais d’abord dans ma langue à une douzaine de compatriotes que j’avais là, ne voulant pas leur parler en langue franque de peur d’être entendu des gens du pays20 ». Ce bref détour par la littérature a le mérite de rappeler les usages langagiers et les contextes d’usage.
Un métier, des langues
17La pratique du métier de la mer s’accompagne pourtant d’une diversité de responsabilités professionnelles, qui conduit le capitaine à devoir maîtriser à la fois un langage nautique – pour assurer la bonne marche du bâtiment – et une langue destinée au commandement d’équipages souvent composés d’hommes venus de multiples horizons, qui diffère de celle qui lui est nécessaire pour mener à bien les transactions faites en qualité de marchand-marinier.
La langue du marin : langage technique et codé
18La formation empirique du capitaine sur le pont ou accompagnée d’un passage chez le maître hydrographe exige de lui une bonne connaissance du « savoir circuler » en mer, et notamment une pratique de la lecture des cartes marines. Nombre d’inventaires après décès signalent d’ailleurs la présence de telles cartes à son domicile ou dans sa caisse marinière. Le langage nautique qui intègre également des éléments empruntés à l’architecture navale se retrouve dans la tenue, avec l’écrivain de bord ou non, du « journal des routes ». C’est là assurément une spécificité forte du métier de la mer. Ainsi, se rendant au Levant en 1754, le capitaine Maille mentionne dans le journal de la polacre Stella Matutina :
Le Rumb de vent mavalu NE ¼ E et de chemin 16 lieux. Le matin le vent a rafréchy ; tems couvert ; à 10 heures veut la terre ; le vent bon frais à l’E tems couvert ; au soleil couche relevé le Cap tailla au NNE, porquerolle O ; le vent bon frais a l’Est tems couvert ; veut deux batimens venant comme nous et allant a louest ; a 6 heures fermés nos huniers, revire au Sud temps pluilleux toute la nuit gouvernant au SSE ; a minuit reviré au N gouvernant au NNE pluille tout le reste de la nuit à la cope la mizenne et l’arthemon21.
19Un langage « visuel et sonore », destiné à la sécurisation de la navigation, doit également être connu de lui, en partage avec le pilotin du bord, qu’il s’agisse des signaux des tours à feu (de jour comme de nuit), ou de ceux employés pour communiquer entre bâtiments au sein d’un même convoi marchand ; ainsi, des coups de canon et l’usage de pavillons de formes et couleurs différentes donnent des instructions précises « pour appareiller, pour mettre en panne, pour mouiller, pour incommodité22… » Cette même vigilance et un savoir technique qui se manifeste par une connaissance langagière spécifique se retrouvent lors de la construction de bâtiments de mer – que le capitaine en soit copropriétaire ou non. Ainsi, en 1735, Antoine Icard surveille attentivement, à La Ciotat, la construction d’un vaisseau commandé par les frères Roux de Marseille, ses employeurs-armateurs ; il est en mesure de veiller au respect de la taille du bâtiment, aux essences employées et aux nombreuses fournitures diverses, en partageant avec Martin, le « maître d’ache », un même langage technique, et en restant sur le chantier jusqu’au jour du lancement à la mer23. Tel autre, va jusqu’à suggérer le nom de la Cérès à la barque en construction, « nom qui parvient parfaitement à sa destinée », c’est-à-dire à la traite des blés24.
La langue du commandant
20Le recrutement des équipages et les échanges entre marins posent également la question de la communication à bord des bâtiments ; les ordres donnés « au sifflet » par le « bosco » dans la marine de guerre, où les membres des équipages issus souvent de provinces différentes ne possèdent pas le français, ne paraissent pas de mise sur les navires marchands. Qu’il s’agisse de donner des instructions lors de manœuvres, de veiller à l’arrimage des cargaisons, de calmer les tensions inévitables surgies entre les marins embarqués ou de discuter avec d’éventuels passagers, le capitaine doit se faire comprendre à des hommes venus de divers horizons, comme on en trouve sur les bâtiments qui se livrent au grand cabotage.
21Dans le monde clos que constitue le navire, tout geste de mauvaise humeur et toute rancœur peuvent déboucher sur la prononciation de paroles impies ; les capitaines, comme les matelots, appartiennent à cette galerie de blasphémateurs dont les débordements langagiers ne figurent que de façon fragmentaire dans les archives. Selon le père Fournier, les capitaines ponctueraient leurs ordres de jurons « pour se faire craindre davantage » de leurs hommes, alors qu’ils devraient empêcher la profanation du nom de Dieu et la multiplication de paroles sacrilèges25. En 1722, le règlement de la confrérie des gens de mer de Marseille rappelle qu’ils doivent montrer l’exemple en évitant « très soigneusement toutes sortes de jurements et reniement du très saint nom de Dieu », et en faisant « corriger ceux qui auront cette abominable coutume26 ». Les grandes ordonnances françaises qui organisent la marine d’État, comme celle de 1689, contiennent de sévères dispositions envers les blasphémateurs allant, pour les récidivistes, jusqu’à la mutilation de la langue ; une législation similaire dans toutes les grandes marines de guerre européennes des xviie et xviiie siècles n’est sans doute pas étrangère à l’image récurrente des marins – au commerce comme à la guerre, car ce sont souvent les mêmes – intrinsèquement blasphémateurs27.
22En cours de voyage, les pertes, qui résultent des désertions et de la mortalité, exigent le renouvellement des matelots, et donnent une étonnante physionomie aux équipages où se succèdent les nouveaux venus. De tels compléments en modifient radicalement la composition initiale, et expliquent le nombre élevé de marins ayant pu participer, pour un temps plus ou moins long, à une expédition de plusieurs mois. Le pinque les Âmes du Purgatoire du capitaine Jacques Antoine Paulian, qui se rend au Levant en mars 1769 avec treize hommes d’équipage, en compte onze au désarmement, en septembre 1773, mais deux seulement de l’équipage initial – le capitaine et l’écrivain – alors que quarante-quatre personnes ont participé au déroulement de la campagne. Ce cas souligne le brassage des hommes dans cette circulation méditerranéenne et le turn-over qui affecte les équipages, avec des remplacements aux escales réalisés en puisant dans le lot des « déserteurs », des marins « disgraciés » de bâtiments naufragés, pris ou vendus, originaires de l’ensemble des rives de la Méditerranée. Le capitaine François Arnaud commande en 1727 le pinque Saint-Joseph, monté par douze hommes d’équipage, capitaine compris : un de Martigues (capitaine), sept de Saint-Tropez, un de Marseille, un du Comté de Nice, un de Malte et un Grec ; en cours de voyage, neuf de ces hommes quittent le bâtiment, « débarqués et désertés ». Pour compléter l’équipage, le patron est amené à effectuer plusieurs remplacements à Malte, Naples et Villefranche : il y embarque des marins de Pantelleria, Malte (4), Gênes, Frontignan, La Ciotat, Martigues, Marseille (3), Villefranche, Saint-Tropez, San Remo, Toulon, Chypre et Jérusalem ; le nombre de ces nouveaux embarqués est d’autant plus grand que certains des recrutés ont quitté le navire avant la fin de l’expédition – à Naples, Malte, Villefranche ou Livourne – et qu’il a fallu procéder à leur remplacement pour assurer la bonne marche du bâtiment. La composition des équipages se modifie au gré des escales, et au retour en 1729, on ne retrouve, en comptant le capitaine, que trois hommes de l’équipage originel, alors que trente personnes ont participé à l’opération. Les exemples de ce type sont légions, qui témoignent des déplacements des travailleurs de la mer dans le monde méditerranéen, et de la présence de nombreux étrangers dans la flotte marchande française malgré les directives du système des classes28. La situation en rien originale se retrouve dans les marines du Nord étudiées par Pierrick Pourchasse29. Cette mobilité qui façonne le caractère cosmopolite des équipages pose la question de la communication entre les hommes à bord sur ces « navires-Babel ». La lingua franca, cette « langue de nulle part » qui ne présentait pas de grandes difficultés d’apprentissage, a-t-elle été ce vecteur permettant ces échanges entre individus de nations différentes30 ? Bien que nous n’en ayons pas de traces écrites, ce « baragouin facile et plaisant », comme le qualifient le Père Dan en 1635 et le galérien Jean Marteilhe en 1713, a dû être un langage de nécessité pour obtenir des réponses simples. Toutefois, la proximité des langues parlées par ces hommes d’équipage ne pouvait-elle pas conduire ceux-ci à s’exprimer dans leur langue tout en se sachant compris de l’autre, qui plus est dans un champ lexical réduit à celui de la vie à bord ? Par ailleurs, cette diversité géographique n’est pas une originalité des caravaneurs méditerranéens ; les équipages corsaires présentent souvent pareille coloration, à l’instar de L’Hirondelle, vaisseau corsaire armé à Marseille en 1781 pour Saint-Domingue, et qui compte 72 personnes originaires de 32 localités différentes, notamment des péninsules italienne et ibérique, d’Allemagne méridionale, de Barbarie, du Canada, des États-Unis31.
23La langue des capitaines marchands peut être un marqueur identitaire fort qui retient l’attention des autorités des amirautés en période de guerre. À l’instar des démarches qui suivent les naufrages, la capture d’un vaisseau par un bâtiment armé en course est suivie de l’interrogatoire du capitaine et de plusieurs membres de l’équipage, pour vérifier l’origine du capitaine – peut-être en déduire parfois celle du bâtiment et de sa cargaison – et la présence de passeports, pour connaître les escales effectuées et les événements de route. À cette occasion, avec la prudence qu’impose la nature de la procédure, nous pouvons saisir de précieuses informations relatives à l’apprentissage et à l’usage des langues étrangères.
24Ainsi, à la fin de la guerre d’Amérique, est conduit à Toulon le brigantin impérial l’Isabella Magdalena, pris sur les Anglais près de Villefranche le 15 octobre 1781. Aussitôt, comparaît, devant le lieutenant général de l’amirauté, le capitaine Hendrick Holst, « norvégien » âgé de 48 ans, qui « par l’interprétation du sieur Louis Hoffmann, interprette juré de cette amirauté en langues suédoise danoise et allemande » est interrogé car soupçonné d’avoir des liens avec les Anglais, voire d’être anglais32. Le capitaine dément ce propos, se dit résidant à Ostende et natif de Schein en Norvège, sans pouvoir en apporter sur le champ des attestations. Il dit avoir été élevé par ses parents à l’endroit de sa naissance et, après avoir reconnu parler l’anglais, déclare « avoir appris à parler cette langue soit pendant qu’il naviguait avec les Anglais, soit au retour de ses campagnes en Angleterre où il prenait alors des maîtres de la langue et des maîtres de navigation ». Le représentant de l’amirauté voulant savoir combien d’hommes de son équipage parlent l’anglais, le capitaine « croit qu’il y en a deux ou trois et qu’il y a même un Français qui parle l’anglais. » Enfin, à la question de savoir comment il commande les manœuvres, le capitaine « a répondu que lorsqu’il commandait à ceux qui parlent et entendent l’anglais il le faisait en anglais, et que lorsqu’il commandait à ceux qui entendent le flamand c’était en langue flamande ». Les dépositions des autres membres de l’équipage recoupent en partie ces affirmations ; toutefois, selon un matelot d’Ostende « la manœuvre était sans cesse et toujours en langue anglaise mais que sans être entendu dans cette langue il comprenait les commandements qu’on faisait en anglais » ; selon un autre matelot originaire de Flandre autrichienne « la manœuvre était commandée tantôt en danois, tantôt en anglais et tantôt en flamand » et d’après le cuisinier, d’Ostende, « la manœuvre était commandée tantôt en anglais, tantôt en flamand suivant la langue de ceux à qui on commandait. » Par « l’interprétation de Jean-Baptiste Jouve interprette juré en cette amirauté en langue anglaise », le pilote – originaire de Bergen mais résidant « tantôt en Angleterre, tantôt en Suède, tantôt en Dannemarck et Hollande »- affirme que le capitaine s’adressait à lui en anglais, « seule langue qu’il parle, ayant appris à lire et à écrire l’anglais aux écoles en Écosse pendant environ 6 ans ».
25Cette variété à bord des navires et ces comportements ne sont pas des spécificités du xviiie siècle, comme le rappelle aux xxe et xxie siècles la composition des équipages des cargos, porte-conteneurs ou pétroliers qui vont de Singapour à Rotterdam ou de Hong-Kong à Valparaiso : Coréens, Pakistanais, Turcs, Indiens, Portugais, Croates, Grecs, Polonais ou Philippins cohabitent et suivent les directives du capitaine ou maître d’équipage, qui s’exprime souvent, malgré l’obligation d’unité de langue à bord d’un navire à nationalités multiples, dans un « anglais pidginisé33 ». Néanmoins, reconnaissons avec Vallière que de tout temps « le geste, l’inflexion de la voix, l’expression des yeux expliquent mieux quelquefois ce que l’on veut dire que les termes mêmes qui servent d’interprète à la pensée34 ! »
La langue du marchand-marinier
26Tous les patrons et capitaines qui fréquentent la Méditerranée arabo-musulmane ne réduisent leurs fonctions au seul commandement de leur navire. D’aucuns qui appartiennent à des structures marchandes très souples et sont intéressés à la propriété de l’embarcation, ainsi qu’aux capitaux investis dans le cadre d’un contrat de « colonne », effectuent des opérations marchandes en cours de navigation pour le compte de leur compagnie ou de leurs armateurs.
27Le capitaine ou patron apparaît à plus d’un titre comme le pivot des opérations, le garant de leur réussite et le dépositaire de la confiance des associés. Dans cette formule originale, où armement et négoce sont étroitement associés voire confondus, les aptitudes du capitaine – compétences nautiques et savoir-faire commercial – sont décisives pour la réussite des transactions, pour tourner une réglementation, trouver de discrets points d’abordage dépourvus de droits de douane, y nouer des liens amicaux, en exploitant parfois avec malice les coutumes locales, et en s’entendant avec des administrateurs locaux pour charger des marchandises prohibées de sortie ; nul doute que les capitaines savent « les mots pour le dire » et leurs complices ceux « pour le faire » sans laisser de traces écrites.
28Si le nolisement des caboteurs à des affréteurs ottomans – turcs, maures, juifs et chrétiens – apparaît comme l’action essentielle, sinon la raison d’être du « voyage à l’aventure », nous saisissons un enchevêtrement de combinaisons où se mêlent des opérations de commerce et des actes de crédit sous la forme de prêts de diverses natures (grosse aventure, hypothèque maritime, dépôts à intérêt, etc.). Ces opérations se déroulent au cours de voyages « à la cueillette » ou caravanes maritimes. Cette dénomination, en rien fantaisiste, désigne le grand cabotage réalisé en Méditerranée – occidentale mais surtout orientale – entre les ports de l’Empire ottoman et des régences barbaresques par des bâtiments européens (surtout Provençaux) au service d’affréteurs sujets du sultan35. Les opérations marchandes donnent lieu à la rédaction de contrats d’affrètement : les uns sous seings privés, les autres, plus nombreux, dans la chancellerie du consulat dont relève le bâtiment36. Le contenu de ces contrats est discuté entre le « capitaine aventurier » et l’affréteur par l’entremise d’un interprète37. Néanmoins, plusieurs voyageurs séjournant au Levant, comme Antoine Galland à Smyrne à la fin du xviie siècle, ont toutefois noté l’usage de la lingua franca par des marchands soucieux de se passer des services coûteux d’un tel truchement ou drogman38. Celui-ci, qui sert de médiateur entre les deux parties, est en effet diversement apprécié. Ainsi, à Alger :
Chaque consul a le sien, c’est toujours un sujet de la régence […] Le Dey nomme à ces postes toujours recherchés et brigués. […] Le drogman est ordinairement l’être le plus nuisible à son consul. C’est un espion de ses actions, de ses gestes, de sa conduite, de ses pensées mêmes qu’il entretient dans sa maison. C’est un fléau inévitable qui, si parfois ne cause aucun mal, ne fait jamais aucun bien. Avide, jamais content, mendiant sans cesse, se plaignant du travail, il faut toujours le flatter, le caresser, lui donner, et, malgré mille attentions, c’est toujours un maussade animal. La conduite d’un consul avec son drogman ne peut être ni trop ménagée, ni trop réservée. Il faut avoir des égards pour lui, mais il est bon de le tenir dans un certain respect et de ne pas se prêter trop à ses caprices. C’est dans le commencement qu’il faut lui tracer ses devoirs et le mettre sur un bon pied, pour ne plus s’en départir […] Il est toujours imprudent de se livrer à leurs conseils et de les admettre à une trop grande confiance. Il serait à désirer, pour toute puissance qui entretient des consuls à Alger de pouvoir supprimer les drogmans turcs pour y substituer des truchements nationaux39.
29L’arrêt du Conseil royal du commerce de 1669, selon lequel les drogmans et interprètes des consulats français dans les Échelles du Levant « devront être Français de nation et avoir été nommés dans une assemblée des marchands et résidants français, et que, de trois en trois ans, seront envoyés à Constantinople et à Smyrne six jeunes garçons français âgés de 9 à 10 ans, pour y être élevés dans les couvents des Capucins et y recevoir l’enseignement des langues » ne paraît guère avoir été appliqué en Barbarie40.
30Les mains courantes de la chancellerie d’Alexandrie comme certains papiers de capitaines marchands contiennent de tels contrats rédigés dans les langues des deux partenaires commerciaux. Nous ne trouvons nulle trace ici de lingua franca – même si celle-ci a servi lors des tractations qui ont précédé la rédaction des contrats. Au vrai, elle ne peut pas être employée pour ces actes commerciaux qui servent de référence en cas de désaccords car, outre l’absence de normativité linguistique, elle est surtout dépourvue du statut juridique qui pourrait en faire la langue commune.
31La présence d’interprètes n’est pas une originalité levantine, mais un service nécessaire sur toute place marchande ; des commissions de langue sont régulièrement enregistrées à Marseille par les bureaux de l’amirauté pour répondre aux besoins des administrateurs et capitaines ; parmi celles-ci, mentionnons les lettres de provision de l’office de secrétaire-interprète des langues turque et arabe octroyées en 1633 à Pierre Borrelly41, la commission d’interprète des langues orientales accordée en 1705 à Jean-Baptiste Rougiers de Dumas42, celle d’interprète de la langue maltaise attribuée en 1741 à Thomas Zingue43, celle pour les langues latine, espagnole et italienne à Pierre Jourdan en 174544, et à Joseph Robert pour les langues anglaise et hollandaise en 174745.
III. 2. Lettre adressée de Smyrne à Malte par un capitaine provençal (22 mars 1684)46

Au miroir de la correspondance marchande
32La correspondance échangée par les capitaines avec leurs armateurs, lors des campagnes en mer ou non, fournit un éclairage complémentaire et des renseignements qui nous autorisent à approcher – à travers l’écriture, la syntaxe, le style, la signature – la culture mais aussi la langue et le langage du capitaine marchand. Dans ces papiers, rédigés généralement de la main même du capitaine, nous saisissons sur le vif la nature et le contenu des relations nouées entre ces deux composantes des affaires maritimes, les propos qui concernent des opérations marchandes en cours et la navigation, mais également des faits de nature privée.
33Toutefois, parmi la cinquantaine de capitaines ayant été au xviiie siècle – pour un temps bref ou long – au service de la maison Roux de Marseille, les lettres conservées montrent, au-delà de leur richesse, une diversité de situations qui invite à ne pas présenter les exemples retenus comme des modèles. Quelques familles – les Icard, Brunet, Bonnecorse – qui ont vu plusieurs de leurs membres attachés à ces puissants négociants marseillais, ont été ici privilégiées ; en cela, ces hommes ne sauraient être représentatifs de l’ensemble de leur catégorie professionnelle. Ils apportent néanmoins des indications que nous ne saurions refuser.
Prévenance et friction
34Les marques de politesse et d’attention jalonnent la correspondance. La présentation des vœux à l’occasion de la nouvelle année montre un certain attachement :
Souffrez que j’ay l’honneur de vous souhaiter cette nouvelle année suivie de plusieurs autres des plus heureuses, comme à Madame Rous, Monsieur Lainé et à tout le reste de votre chère famille, Dieu vous y conserve une santé des plus parfaites47…
35ou encore :
Permettez qu’au commencement de cette nouvelle année, je prenne la liberté de vous la souhaiter des plus heureuses suivie d’une parfaite santé et de l’accomplissement de tous vos désirs ; mêmes souhaits à Madame et Monsieur Roux48.
36Le propos, qui peut être plus bref, n’oublie pas vers quoi tend tout négociant : « vœux de santé, de bonheur et de profit49 ».
37Les affaires familiales affleurent à l’occasion d’événements douloureux – ici une maladie, là un décès suivi de la présentation de condoléances – ou honorifiques : « Je viens daprendre avec plaisir votre élection de consul de cette ville [de Marseille] et je prends la liberté de vous en faire mon compliment […] vous priant de me croire avec une afection inviolable à vos interest50 ». En 1772, le capitaine Antoine Brunet félicite son armateur, à qui viennent d’être accordées des lettres de noblesse, en des termes qui ne manquent pas de traduire à la fois un profond respect et une certaine culture :
J’apprends avec un vray plaisir que le Roy vient d’ennoblir Monsieur votre père, et toute sa digne prospérité, recevés je vous prie mon respectueux compliments sur ce juste événement, car on peut dire icy comme Boileau, et si vous n’en sortiés, vous en deviés sortir51.
38Si les propos concernent en général la famille de l’armateur, le capitaine demande également quelquefois, faute de temps pour le faire, que soient transmises de ses nouvelles aux siens, et signale parfois, non sans humour, son impatience de les retrouver. Ainsi, le capitaine Bonnecorse qui doit, après une longue caravane en Levant, respecter un temps de quarantaine aux infirmeries, a hâte de retrouver les siens : « Il aurait fallu que dans mon riche chargement il y eut une balle de patience car je ne sais plus où en trouver52 ! »
39Ces indices de bonnes relations ne sauraient masquer les traces de désaccords, voire de disputes d’autant moins feutrées que les liens sont anciens : « […] après vingt années que j’ay l’honneur de servir votre maison, je n’ay jamais reçu », déplore Antoine Icard, « lettre de votre part plus piquante que celle que vous m’écrivez53 ».
40La tension est palpable quand est mise en cause ce qui est à la base de la relation entre les deux parties, à savoir la confiance :
[…] voilà ce qui me mortifie, n’ayant pas l’ame assés basse pour sacrifier vos interests aux miens particuliers ; je ne crois pas du moins vous avoir donné lieu, depuis vint deux ans que j’ay l’honneur d’estre a votre service, de former un pareil soupçon sur ma conduite […] et si pour mon malheur telle est votre façon de pense sur mon compte, il est dangereux pour vous que vous me confiés votre bien54.
41Les mots employés peuvent être plus cinglants, à l’instar de ceux utilisés par François Bonnecorse, au service des Roux depuis une décennie :
j’ay vu dans votre lettre les reproches cruels que vous me témoignez au sujet d’une police que j’ay omis de signer […] des capitaines connus pour être très prudents et remplis d’exactitude en ont fait autant et aucun n’a essuyé de reproches aussi sanglants que ceux que vous me faites […] alors que je n’ai participé à cette faute que par empressement que j’avais de faire un bon fret […] mais tout cela ne compte point puisque j’ai oublié de signer une police de 4 ballots de draps ; le cas est trop criminel pour être passé sous silence […] je suis fâché de la peine que cette affaire peut vous avoir donnée, mais elle ne doit pas durer longtemps, je vous en fais bien mes excuses55.
42Des excuses qui soulignent, dans une certaine mesure, combien l’écrit porte la langue du capitaine : « Passez moy, s’il vous plait, Messieurs ce petit trait de vivacité, je n’ay pu le retenir, ma plume ayant glissé un peu trop vite sur le papier ». Et plus tard, à la suite d’une autre friction, c’est Antoine Brunet qui déclare que : « […] mon intention n’ayant jamais été depuis que j’ay l’honneur de vous connaître d’avancer la moindre parole qui aye pu vous indisposer contre moi56 ». Ces propos amers, mais conciliants et respectueux, laissent aussi entrevoir le savoir-faire de ces capitaines « aventuriers » et leur compétence à la base de la confiance accordée par les négociants.
Intermédiation marchande
43La langue du capitaine se fait plus technique lorsqu’il s’agit de fournir des informations pratiques au sujet des monnaies, réelles ou de compte (piastres, thalers, écus, réaux, paras, livres, sols, sequins, ducats, etc.), des changes, des quantités, des prix, des marchandises – « caffés, indigo, cochenille, cottons, bleds, molues, draps, huiles, ris » – des taxes, de la fréquentation des ports visités, des bruits de guerre, des risques corsaires, des menaces des forbans et des craintes de contagion. Ce sont là autant d’indicateurs qui participent à la prise de décision des négociants, ou du capitaine lui-même si les instructions données au départ lui en laissent la liberté : François Bonnecorse signale avoir été « obligé pour obtenir un voyage de donner 2 000 talary d’hypothèque sur chargement sans change pour compte du vaisseau57 », puis « contraint de prendre cette lettre [de change] parce que le tireur ne l’aurait pas fourni autrement et il a fallu le ménager parce qu’il passe pour très solide ce qui n’est pas commun à Smyrne qui donne bien de l’embarras58 ». Étant donné le risque corsaire, le capitaine Sauveur Olivier a placé les « 100 sequins qu’il lui restait à Alexandrie au change de terre de 1 % par mois payable au retour59 ».
44La langue du capitaine, saisie à travers ces informations transmises par voie maritime ou par « voie de Vienne » lorsque la mer n’est pas sûre, laisse percevoir la maîtrise des affaires et la connaissance des pratiques marchandes qui se retrouvent au moment d’effectuer le bilan comptable des campagnes maritimes. Quelques fragments de comptes permettent ainsi de suivre la manière complexe dont se répartissaient les gains ou les pertes des nolis pour les opérations caravanières. Les résultats étaient établis non pas à la fin de la campagne mais « voyage après voyage », c’est-à-dire au terme de chaque contrat de nolisement, afin de tenir compte de la variation du nombre d’intéressés – donc de parts – à chaque voyage. Cette comptabilité, effectuée au fur et à mesure des voyages qui composent ce cabotage lointain, et qui intègre de multiples paramètres, appartient à un autre langage, qui résulte bien souvent d’un apprentissage sur le tas – en qualité de capitaine en second ou écrivain de bord – et qu’il faut présenter au retour à l’armateur ou à ses associés. Par ailleurs, le capitaine s’autorise à juger les partenaires commerciaux de ses armateurs, comme le fait Antoine Brunet à propos de Garavaque et Cusson, de Smyrne, ou de Baudry et Boulogne du Havre :
MM Baudry et Boulogne meritent de s’attirer la confiance des etrangers, ils sont infatigables dans les affaires, ils voyent tout par eux mesmes, et on peut dire a juste titre que c’est la meilleure addresse que vous puissiés avoir icy pour estre bien servy, et pour la solidité de la maison60.
Informations codées
45La correspondance contient quelquefois un langage codé défini par le capitaine. Après avoir signé la lettre écrite aux Roux, Honoré Chauvet leur précise : « Je vous préviendray que pour me faire connaître lors de mon arrivée, je mettray un pavillon bleu au haut du mât de mizaine et un pavillon blanc au batton d’enseigne61 ». Quelques mois plus tard, le code, de nouveau mentionné après la signature, est légèrement modifié : « Mon signal de reconnaissance sera le pavillon bleu au haut du mât de mizaine et 9 coups de canon, s’il plait au Seigneur62 ». D’autres codes – lettres, signes et numéros – accompagnent les marchandises embarquées sous divers conditionnements ; indiqués également sur les connaissements des marchandises, ils sont rappelés aux consignataires par le capitaine dans sa correspondance – ainsi que le précise le capitaine Joseph Cureux pour ces « dix barils de cochenille cachetés et numérotés, de no 1 à no 10, et marqués des lettres NC63 ».
III. 3. Joseph Vernet, L’intérieur du port de Marseille vu du pavillon de l’Horloge du Parc (1754, détails)

46Pareils codes se retrouvent dans les manifestes des chargements des marchandises accompagnés de brèves annotations indiquées par le capitaine ou l’écrivain de bord sous sa dictée, comme le montrent, parmi d’autres, ces mentions portées par le capitaine de l’Isabella Magdalena.
47Toutefois, tant dans les lettres que dans la comptabilité, l’interlope – ce « commerce au bout de la pique » ou « commerce économique » comme on dit à Cadix au xviiie siècle pour évoquer la contrebande – fait l’objet d’un langage codé : « limons », « vanilles », « oranges », « citrons », « taffetas jaune et blanc », « quina », « rescriptions », « clous », constituent autant de termes connus et utilisés par les négociants et capitaines des grandes maisons de négoce pour désigner les piastres et matières d’or et d’argent expédiées64. Un langage qui peut assurément entraîner sur de fausses pistes les agents des fermes d’hier et les historiens d’aujourd’hui…
III. 4. « Manifeste général du chargement du brigantin impérial l’Isabelle Madeleine commandé par le capitaine Holst, destiné à droiture d’Ostende à Gênes et Livourne65 ».

48Par commodité de communication, le bailli de Suffren aurait donné, lorsque cela était possible, la préférence au recrutement de Provençaux pour constituer ses équipages66 ; cette mesure, qui est loin d’avoir été générale et qui marque indirectement certaines limites de l’usage du français chez les gens de mer au xviiie siècle, est sans doute recherchée sur les vaisseaux de guerre afin de faciliter la transmission des ordres et de renforcer la cohésion de l’équipage. Cependant, la diversité linguistique reste de mise à bord des bâtiments marchands, sans être pour autant un obstacle à leur bonne marche et à la conduite des opérations commerciales. Force est de reconnaître l’absence de recherche d’une langue « universelle » ou « langue du travail67 », et le peu de traces laissées par la lingua franca dépourvue du statut juridique qui lui aurait permis d’être cette référence lors des transactions.
49Au reste, par l’écrit nous ne saisissons qu’une mince pellicule des gens de mer, à savoir celle des capitaines et écrivains de bord. Nous échappent la langue de cette « vilaine race de matelots68 » et plus largement encore les regards et les gestes qui accompagnent les paroles, au cours d’une tractation commerciale ou à l’occasion de rancœurs accumulées. Lorsqu’en novembre 1781, une querelle éclate entre le négociant marseillais Pierre Philippe Laroque et le capitaine Jean-Baptiste Teisseire qui avait rendez-vous avec un négociant concurrent, les paroles insultantes – « foutre, drôle, […] sortez si… » – interviennent après un échange de regards – « de pied en cap, de manière à se provoquer, avec de petits airs » – accompagnés de gestes menaçants – « les bras levés, les poings tendus » – avant d’en arriver aux coups69.
50Saisis à travers les filtres de l’écriture, les langues et langages des travailleurs de la mer nécessiteraient assurément une recherche menée sur le temps long, avec un échantillon plus étoffé, afin d’approcher au plus près le vocabulaire et la syntaxe, et de débusquer, sinon les accents, les emprunts faits aux langues croisées au fil des campagnes maritimes.
Notes de bas de page
1 Service Historique de la Défense, département Marine, Toulon (désormais SHDMT), 1 A3 - 94, Intendant de la Marine, Correspondance, 1821.
2 Archives départementales des Bouches-du-Rhône (désormais ADBdR), IX B 175, Correspondance de la maison Rampal & Tiran de Smyrne, avec Marseille, Lettre du 21 janvier 1679 pour Malte, adressée à Jean Goujon : « J’ai recommandé cette lettre à monsieur Alphanty, écrivain de ce vaisseau Saint-Louis qui m’a promis de vous l’envoyer […] par monsieur Mille ou bien par l’autre gardien du port qui sera de semaine, lorsqu’ils prendront langue. » Je remercie Olivier Raveux de m’avoir signalé cette lettre.
3 Bernard Heyberger et Chantal Verdeil, dir., Hommes de l’entre-deux. Parcours individuels et portraits de groupes sur la frontière de la Méditerranée (xvie-xxe siècle), Paris, Les Indes savantes-Rivages des Xantons, 2009.
4 Archives départementales du Var (désormais ADVar), 12 J, Papiers de famille Martin de Roquebrune, Journal du capitaine Sébastien Martin, 1639 (extrait).
5 Pierre Jeannin, « Distinction des compétences et niveaux de qualification : les savoirs négociants dans l’Europe moderne », in Franco Angiolini et Daniel Roche, dir., Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995, p. 363-398, ici p. 380.
6 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence (désormais ACCIM), E. 105, cité in Gaston Rambert, dir., Histoire du commerce de Marseille, 7 vol., Paris, Plon, 1951-1959, t. 4, p. 451.
7 ACCIM, E. 105, cité in G. Rambert, dir., Histoire du commerce de Marseille, op. cit., t. 4, p. 451-452.
8 Jacques Savary, Le Parfait Négociant, ou Instruction générale pour ce qui regarde le commerce, Paris, chez Louis Billaine, 1675, Livre 1, chapitre IV.
9 Cité par Charles Carrière, Négociants marseillais au xviiie siècle. Contribution à l’étude des économies maritimes, 2 vol., Marseille, Institut historique de Provence, 1973, p. 760-761.
10 André Lespagnol, « Modèles éducatifs et stratégies familiales dans le milieu négociant malouin aux 17e et 18e siècles : les ambiguïtés d’une mutation », in Franco Angiolini et Daniel Roche, dir., Cultures et formations négociantes dans l’Europe moderne, Paris, Éditions de l’EHESS, 1995, p. 255-278, ici p. 264.
11 Thomas Hope, Anastase ou Mémoires d’un Grec : écrits à la fin du xviiie siècle, Paris, Gide fils, 1819-1820, cité par Jocelyne Dakhlia, « La langue franque, langue du marchand en Méditerranée ? » voir contribution ci-dessous dans le présent volume.
12 John E. Wansbrough, Lingua Franca in the Mediterranean, Richmond, Curzon Press, 1996 ; Daniel Panzac, « La Lingua franca : un outil de communication », in Vera Costantini et Markus Koller, dir., Living in the Ottoman Ecumenical Community : Essays in Honour of Suraiya Faroqhi, Leyde-Boston, Brill, 2008, p. 409-422.
13 Archives of the Inquisition of Mdina (AIM), Processi 6A, fol. 208 r-212 r, janvier 1581. Je remercie vivement ma collègue et amie Anne Brogini qui m’a communiqué cette déposition.
14 Jocelyne Dakhlia, Lingua franca. Histoire d’une langue métisse en Méditerranée, Arles, Actes Sud, 2008.
15 Lucien Chaillou, L’Algérie en 1781 : Mémoire du consul C.-Ph. Vallière, Toulon, chez l’auteur, 1974, p. 12-13.
16 Dictionnaire de la langue franque ou Le Petit Mauresque, suivis de quelques dialogues familiers et d’un vocabulaire de mots arabes les plus usuels, à l’usage des Français en Afrique, Marseille, Feissat aîné et Demonchy, 1830.
17 Daniel Panzac, « La Lingua franca », op. cit., p. 412 et 417-422.
18 Nora Lafi, « La langue des marchands de Tripoli au xixe siècle : langue franque et langue arabe dans un port méditerranéen », in Jocelyne Dakhlia, dir., Trames de langues. Usages et métissages linguistiques dans l’histoire du Maghreb, Paris, Maisonneuve et Larose, 2004, p. 215-222.
19 Émile Isnard, Dix générations de marins provençaux : les Fabre, Marseille, s.n., 1928, p. 71.
20 Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, t. IV, Émile et Sophie, Paris, Gallimard (coll. Bibliothèque de la Pléiade), 1969, p. 920.
21 Arch. Privées Prévost-Allard, Saint-Tropez, Journal des routes de la polacre Stella Matutina, 1754.
22 ACCIM, E 22, Signaux et ordres pour les batimens du convoy, 1729.
23 ACCIM, L.IX 94, La Ciotat, 12 et 14 avril 1735.
24 ACCIM, L.IX 100, La Ciotat, 24 juin 1737.
25 Père Georges Fournier, Hydrographie contenant la théorie et la pratique de toutes les parties de la navigation, Paris, Michel Soly, 1643 (rééd. Grenoble, Édition des Quatre Seigneurs, 1973).
26 Henri Alezais, « La confrérie des gens de mer de Marseille – le nouveau règlement de 1722 », Mémoires de l’Académie des Sciences, Lettres et Beaux-Arts de Marseille, 1935, p 129-148, ici p. 144-145.
27 Alain Cabantous, Histoire du blasphème en Occident (xvie-xixe siècle), Paris, A. Michel, 1998, p. 90-91.
28 Gilbert Buti, Les chemins de la mer. Un petit port méditerranéen : Saint-Tropez (XVIIe-XVIIIe s.), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.
29 Pierrick Pourchasse, « Les routes du commerce international dans le nord de l’Europe (années 1680-1780), in Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse, dir., Les circulations internationales en Europe, années 1680 - années 1780, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 145-146.
30 N. Lafi, « La langue des marchands », op. cit., p. 254.
31 SHDMT, 1 P7/92 bis.
32 SHDMT, 2 Q36. Règlement des prises (1778-1782)
33 Le mot pidgin serait la déformation chinoise du mot anglais business ; ce pidgin ou « mixte de langue » (J. Dakhlia, voir ci-dessous) résulterait d’un mélange de langues, l’une dominant les autres et servant de « langue commerciale composite » (M. Lombard). Du Frère de la côte de J. Conrad aux Marins perdus de J.- C. Izzo, la littérature a pointé cette promiscuité langagière.
34 Société des Amis du Vieux Toulon et de sa région, Fonds Vallière, Mémoire sur l’Algérie remis en 1781 par Vallière, vice-consul à Alger (1779-1781), à de Castries, secrétaire d’État à la Marine. En partie publié par L. Chaillou, L’Algérie en 1781…, op. cit., p. 13.
35 Gilbert Buti, « Aller en caravane : le cabotage lointain en Méditerranée, xviie et xviiie siècles », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 52/1, 2005, p. 7-38.
36 Daniel Panzac, « Les contrats d’affrètement maritimes en Méditerranée : droit maritime et pratique commerciale entre Islam et Chrétienté (xviie-xviiie siècles) », Journal of the Economic and Social History of the Orient, 45/3, 2002, p. 344-345.
37 ANP Affaires Étrangères, BI 344, mémoire du député des négociants de La Canée, joint au courrier du consul du 28 juin 1736 : « Des capitaines sans être adressés, qu’on appelle communément Aventuriers, lesquels pour vite charger, faire un bref voyage et jouir d’une provision ne ménagent rien sur le prix qui ne leur importe qu’il soit haussé ou diminué ». Cité in Patrick Boulanger, Marseille, marché international de l’huile d’olive. Un produit et des hommes (1725-1825), Marseille, Institut historique de Provence, 1996, p. 297, note 52.
38 Antoine Galland, Le voyage à Smyrne. Un manuscrit d’Antoine Galland (1678), édition de Frédéric Bauden, Paris, Chandeigne, 2000, p. 151.
39 L. Chaillou, L’Algérie en 1781…, op. cit., p. 69-70.
40 ADBdR, IX B2, fo 1506v, Saint-Germain-en-Laye, 18 novembre 1669.
41 ADBdR, IX B2, fo 276, Lettres du 29 juillet 1633.
42 ADBdR, IX B4, fo 307v, Lettre du 16 novembre 1705.
43 ADBdR, IX B6, fo 668v, Lettre du 29 décembre 1741.
44 ADBdR, IX B6, fo 906v, Lettre du 26 juin 1745.
45 ADBdR, IX B6, fo 1001, Lettre du 18 avril 1747.
46 ADBdR, IX B175, Correspondance, 22 mars 1684.
47 ACCIM, L.IX 86, Marseille, Infirmeries, 31 décembre 1754.
48 ACCIM, L.IX 86, Marseille, Pomègues, 31 décembre 1767.
49 ACCIM, L.IX 95, La Ciotat, 3 janvier 1773.
50 ACCIM, L.IX 86, Marseille, Infirmeries, 18 décembre 1754. Le capitaine Antoine Brunet manifeste également de son côté pareil sentiment envers Pierre Honoré Roux : « J’apprens indirectement que vous venés d’estre nommé consul de la ville ; j’en ressens un vray plaisir, quoyque vous n’en ayiés pas beaucoup, par rapport au peuple qui trouvera en vous un bon amy et un grand protecteur ; je ne cesseray d’addresser des vœux au seigneur pour votre conservation pendant votre échevinage afin que vous puissiés résister a ses fatigues et a celles de votre commerce » : ACCIM, L.IX 87, 18 décembre 1754.
51 ACCIM, L.IX 88, Alexandrie, 19 décembre 1774.
52 ACCIM, L.IX 94, Marseille, Pomègues, 21 janvier 1772.
53 ACCIM, L.IX 94, La Ciotat, 2 décembre 1740.
54 ACCIM, L.IX 88, Le Havre, 13 mai 1771.
55 ACCIM, L.IX 86, Smyrne, 15 juin 1764.
56 ACCIM, L.IX 88, Le Havre, 23 mai 1771.
57 ACCIM, L.IX 86, Alexandrie, 30 septembre 1772.
58 ACCIM, L.IX 86, Marseille, Pomègues, 23 avril 1774.
59 ACCIM, L.IX 101, Alexandrie, 19 août 1739.
60 ACCIM, L.IX 87, Le Havre, 14 octobre 1763.
61 ACCIM, L.IX 86, Saint-Pierre, 1er mars 1754.
62 ACCIM, L.IX 89, Saint-Pierre, 21 octobre 1755.
63 ACCIM, L.IX 89, ND de la Mer, 12 février 1764.
64 Robert Chamboredon, « Toutes antennes déployées : les enseignements de la correspondance des frères Fornier entre Nîmes et Cadix (1748-1786), » Rives nord-méditerranéennes, 27, 2007, p. 78. Nous ne pouvons que regretter, avec l’auteur, de ne pouvoir disposer de la réponse qu’adressèrent les gérants à la demande de B. Fornier qui attendait des explications sur ce point…
65 SHDMT, 2. Q 36, Toulon, règlement des prises (1778-1782)
66 Rémi Monaque, Suffren. Un destin inachevé, Paris, Tallandier, 2009, p. 177-178.
67 Expression retenue par la directive européenne du 19 novembre 2008 qui concerne le niveau minimal de formation des gens de mer.
68 ADVar, 12J6, Marseille, Lettre du capitaine Martin, 4 février 1720.
69 ADBdR, 2 B, 2007, Déposition, 2 novembre 1781.
Auteur
Aix-Marseille Université - CNRS, UMR Telemme
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