Chapitre X. Religion, arts et culture à l’âge baroque
p. 219-251
Texte intégral
1L’historien actuel tend à souligner les succès du long effort séculaire accompli par l’épiscopat du xviie siècle pour inculquer, aux clercs d’abord puis aux fidèles, les principes de la Réforme catholique. Il mesure cette christianisation à l’évolution d’un certain nombre de gestes et aussi à l’ampleur de l’héritage architectural et artistique qu’elle a laissé, en dépit des destructions. Les profits mal répartis du long xviie siècle de croissance agricole et maritime qu’a connu la Provence ont également financé les commandes publiques des administrations municipales et hospitalières faisant dresser hôtels de ville et hôpitaux et les nombreuses commandes privées d’une noblesse soucieuse de marquer son rang et d’une bourgeoisie en voie d’ascension sociale.
Un apogée du catholicisme provençal
2Face au besoin de réformes de l’Église et au développement du protestantisme, l’Église catholique a redéfini ses dogmes lors des sessions du concile de Trente (1545-1563) et posé les principes de la réforme catholique, programme ambitieux de réformation du clergé et d’action pastorale en direction des fidèles, précocement mis en œuvre dès les dernières décennies du xvie siècle dans la province d’Avignon qui devient la « vitrine du catholicisme rénové » (Venard, 1993). Plusieurs décennies, sinon deux à trois générations, seront cependant nécessaires pour que le catholicisme tridentin atteigne le niveau des fidèles, en particulier ruraux.
D’une « religion sacrale » à une « religion dévote »
3Le premier trait de la réforme catholique dans le Sud-Est est de ne pas avoir à assumer la reconstruction d’un tissu religieux déchiré par les guerres de religion, comme en bien des régions de l’autre côté du Rhône (à Nîmes par exemple). Cette Réforme n’a pas non plus, sauf exceptions locales, les traits d’une Contre-Réforme de reconquête menée sous le regard critique de forts noyaux protestants instruits et aisés. Des évêques actifs, souvent d’origine italienne dans la province d’Avignon, Mgrs Grimaldi (1584-1592), Tarugi (1593-1597) puis Bordini (1598-1609) voire du diocèse d’Aix, Mgr Alexandre Canigiani (1576-1591), puis le cardinal Jérôme Grimaldi (1655-1685), mais français ailleurs, sauront faire entrer dans le champ réformateur cette religiosité foisonnante et largement épargnée qui s’exprime depuis la fin du Moyen Âge à travers la multiplicité des associations pieuses, des processions, des grandes cérémonies et des pèlerinages. La pastorale tridentine va progressivement infléchir le riche substrat de la « religion sacrale » très ritualiste et sacramentelle (chap. 8) vers une « religion dévote » (M. Venard), à la fois épurée dans sa doctrine et davantage comprise, par un effort multiforme et prolongé d’approfondissement et d’intériorisation de la foi et de la morale catholiques.
4Les archevêques et évêques réformateurs vont être les promoteurs de cette mutation. L’évêque doit mener une vie moralement irréprochable et résider ordinairement dans son diocèse, innovation qui ne prend effet que progressivement. Il y exerce un contrôle effectif sur le clergé et la vie religieuse par des « visites pastorales efficaces » (M.-H. Frœschlé-Chopard) qui combinent une célébration liturgique et sacramentelle (la confirmation) et une inspection détaillée des lieux de culte, du clergé, parfois une enquête sur les fidèles. Elles sont suivies d’ordonnances par lesquelles l’évêque indique tous les points qui doivent être « réformés », c’est-à-dire corrigés. Cette visite pastorale « moderne », sous-tendue par une volonté systématique de réforme, est apparue d’abord dans le Sud-Est pour se répandre plus tardivement à travers la France.
5Les évêques ont su tirer parti du riche substrat préservé de sanctuaires, de traditions festives, de dévotions et de reliques, d’œuvres et d’associations préexistantes, qui seront rechargés de spiritualité, rénovés ou renouvelés, sans ruptures brusques ni changements radicaux, du moins jusqu’à la fin du xviie siècle. Les prélats réformateurs ne bouleverseront pas des institutions cléricales fortement ancrées dans l’organisation sociale, et en particulier intégrées aux stratégies familiales des notables : ainsi les chapitres de chanoines qui offrent des places à des cadets de bonne famille ne sont pas remis en cause. M. Venard souligne la part prise par l’élite sociale dans la réforme catholique : encadrement des fidèles dans les associations pieuses, dons et legs permettant l’installation de nouvelles maisons religieuses, la fondation de chapelles.
« L’invasion mystique » : la réforme du clergé séculier et régulier
6Le xvie siècle finissant et la première moitié du xviie sont les temps de l’« invasion mystique », selon l’expression de l’abbé Henri Bremond, qui suggère l’essor qualitatif et quantitatif des membres du premier ordre.
Le clergé séculier
7La réforme tridentine atteint d’abord les prêtres séculiers, qui vivent « dans le siècle », parmi les laïcs, au service de ces derniers et de leurs morts. Afin de former de « nouveaux prêtres », instruits, compétents, aux mœurs austères, le concile avait ordonné la création dans chaque diocèse d’un séminaire, lieu de formation initiale et continue du clergé et lieu de vie commune (pensionnat) des candidats au sacerdoce, lieu aussi de recyclage coercitif des prêtres médiocres, condamnés à la « peine du séminaire ». Mais il convient d’en édifier les bâtiments et de doter l’établissement de revenus. Les autorités communales sont davantage soucieuses d’aider à la création de collèges qui offrent aux laïcs des possibilités d’études. Le séminaire d’Aix, précocement ouvert par Mgr Canigiani vers 1583 sur le modèle de celui de Milan dont il avait été l’élève, ne survécut pas à l’archevêque : il ne fut qu’une maison de perfectionnement pour les prêtres venant y suivre des retraites, jusqu’à ce que le cardinal J. Grimaldi le fonde à nouveau en 1656 en le dotant d’une partie de ses revenus épiscopaux. La plupart des séminaires provençaux sont créés dans la seconde moitié du xviie siècle. À Aix, Mgr de Brancas crée en 1741 un petit séminaire : il sert à la fois à examiner la vocation des aspirants à l’état ecclésiastique et à accélérer leurs études pour permettre un passage plus rapide au séminaire, à un moment où le diocèse semble éprouver un besoin de prêtres.
8Le prêtre du xviiie siècle, le mieux connu actuellement (Roy, 1975 ; Tackett, 1977), est un homme austère. Son statut d’homme consacré à Dieu et son devoir d’édifier ses paroissiens lui imposent de mener une vie morale, à l’écart des laïcs – les exceptions sont d’ailleurs dénoncées par la communauté paroissiale. C’est aussi un homme instruit, formé au collège et au séminaire, ayant parfois étudié à l’université d’où il sort « gradué » (diplômé). Être gradué est obligatoire pour pouvoir occuper une cure dans une « ville murée », pourvue d’une enceinte, symbole urbain (voir chap. 6). À Arles, où il y a 18 cures de ce type, une enquête de 1777-1778 révèle 29 curés gradués contre 23 qui ne le sont pas – encore parmi ces derniers, certains attestent-ils une fréquentation de l’université, n’ayant pas jugé utile de passer les examens.
Le clergé régulier
9Les ordres monastiques bénédictins et cisterciens se réforment difficilement et ne jouent qu’un rôle marginal à l’époque moderne. D’importants monastères médiévaux connaissent une vie très discrète sous l’Ancien Régime, suivant une version très mitigée de leur règle, avec des effectifs réduits, faits de cadets de l’élite locale aux vocations parfois tièdes à cause de l’attraction des ordres mendiants réformés sur les plus fervents. C’est le cas chez les cisterciens des abbayes du Thoronet ou de Sénanque. La tentative de réforme de la branche masculine, dite des Feuillants, n’est parvenue qu’à une implantation très modeste et tardive à Aix et à Marseille. En revanche, les cisterciennes de la réforme savoyarde, dites bernardines, essaiment en Provence et reconstruisent à Marseille leur monastère sur des plans ambitieux au milieu du xviiie siècle (actuels lycée Thiers et Théâtre des Bernardines). Chez les bénédictins, l’archevêque d’Arles et l’abbé commendataire de Montmajour réforment d’autorité en 1639 le monastère en le confiant aux mauristes (congrégation bénédictine réformée des abbayes de Saint-Maur-les-Fossés et Saint-Germain-des-Prés). La plupart des moines préfèrent quitter le monastère après l’avoir saccagé. Leurs successeurs entreprendront à partir de 1703 une vaste reconstruction des bâtiments, restée inachevée. Lérins a expérimenté l’appartenance à trois congrégations successives (Labrousse et al., 2005). L’échec des tentatives de réforme et la décadence de Saint-Victor de Marseille conduisent la monarchie à transformer en 1739 l’abbaye en collégiale noble, aux places canoniales réservées à la noblesse provençale. En revanche, les chartreux, à la règle très austère, conservent leur prestige et leurs effectifs dans les monastères sylvestres de Montrieux, La Verne, celui de Bonpas et la grande chartreuse à noviciat de Villeneuve-lès-Avignon, aux portes de la Provence. Ils parviennent à fonder les chartreuses péri-urbaines d’Aix et surtout de Marseille, à la remarquable église (Amargier et al., 1988).
10L’« invasion mystique » du xviie siècle se traduit d’abord par la multiplication des couvents des ordres mendiants, qui se « réforment » par un retour à une observance très stricte de leur règle (le symbole en est la « déchausse » : les religieux portent des sandales par humilité) ainsi que par un renouveau de leurs exigences intellectuelles qui se traduit par l’ouverture, dans les grandes maisons urbaines, d’écoles de théologie et par l’importante production éditoriale de leurs religieux. Une partie des maisons existantes refusant d’observer la réforme, deux couvents du même ordre vont coexister dans nombre de villes (ainsi à Marseille l’église des Grands-Augustins est sur le port et celle des Réformés, à l’extrémité de la Canebière, a remplacé au xixe siècle le sanctuaire des augustins réformés). L’ordre franciscain se partage entre plusieurs branches (observantins, cordeliers, capucins, récollets, tiers-ordre régulier dit « de Picpus ») dont les maisons peuvent coexister dans les villes, même modestes – Riez n’a ainsi que deux couvents, tous deux franciscains (cordeliers et capucins). Les trinitaires se divisent entre deux réformes différentes. Les religieux, réformés ou non, proposent les collatéraux et la nef de leurs églises aux sépultures (mais les vieux couvents de fondation médiévale conservent un net succès sur ce point), et accueillent des confréries. Ils ont une action pastorale par leurs célébrations et leurs prédications ainsi que par leurs missions intérieures (dans les bourgs et villages), et pour certains, par leur participation aux missions outre-mer – les capucins étaient aussi aumôniers des échelles du Levant. Mais ce dernier aspect reste pour l’essentiel à étudier.
11Une des caractéristiques de la fin du xvie et du xviie siècle est la création ou la propagation d’instituts masculins voués à la pastorale des laïcs aisés, dont le pouvoir d’entraînement sur les masses par l’exemple et l’influence est présumé important. Une de leurs activités principales est l’enseignement. Très sollicitée, la Compagnie de Jésus n’accepte d’établir ses résidences qu’en des villes où elle sera assurée de trouver l’élite pieuse avant tout nobiliaire à laquelle elle consacre d’abord ses efforts et dans laquelle elle recrute ses membres. Elle prend en charge des collèges – ainsi ceux d’Aix en 1621, d’Arles en 1636 ; elle tiendra à partir de la fin du siècle les écoles d’hydrographie et les observatoires royaux de Marseille et de Toulon, ce dernier dans le cadre du séminaire des aumôniers de la Marine, qui leur a été confié en 1686-1690 (Homet, 1982). Bien qu’étant une société sacerdotale et non un institut régulier, l’Oratoire de Jésus doit être cité ici. L’Oratoire de Provence a été fondé en 1609 par le père Jean-Baptiste Romillon sur le modèle de l’Oratorio romain de Philippe de Neri, et ensuite rattaché à l’Oratoire de France, créé à Paris par Pierre de Bérulle en 1611. Bien implanté en Basse-Provence entre Marseille, Toulon, Aix, Arles et Avignon, il prend en charge des collèges, en particulier celui de Marseille, et se retrouve vite en concurrence avec les jésuites avant même le développement du jansénisme, auquel vont adhérer nombre de ses membres. La Congrégation de la Doctrine chrétienne (doctrinaires) est également d’origine régionale. Elle a été créée par César de Bus, chanoine de Cavaillon, et devient un institut religieux en 1597-1598 ; elle se propage dans le Comtat, à Aix, et s’établit plutôt dans les petites villes : Draguignan, Vence, Senez, Barcelonnette, Gap (J. de Viguerie, Les pères de la Doctrine chrétienne en France et en Italie, Paris, Publications de la Sorbonne, 1976). Ces instituts ont participé aux missions intérieures et les jésuites à celles d’outre-mer (la procure des missions jésuites du Levant fut établie à Marseille en 1725).
12La création de nombreux couvents féminins est significative du rôle spécifique que le xviie siècle accorde à la vie contemplative féminine, vouée à la louange divine et à la prière d’intercession pour les vivants et les morts de la ville. Le Carmel déchaussé, branche féminine des carmes réformée en Espagne en 1562 par Thérèse d’Avila, se diffuse à travers la France et s’établit dans des villes de quelque importance. Il en est de même pour les maisons de la Visitation, ordre fondé en Savoie par François de Sales et Jeanne de Chantal en 1610 ; observant un numerus clausus dans ses communautés, il doit ouvrir un second couvent dans certaines villes devant son succès, en partie lié à ses pensionnats (Marseille, Aix, Tarascon). Les ursulines, surtout enseignantes, adoptent une politique d’essaimage et ouvrent une quantité importante de maisons. Elles en ont 29 en 1700 et quadrillent à peu près la Basse-Provence (Sarre, 1997). Quelques instituts sont d’origine locale, ainsi les Dames de la Miséricorde, congrégation aixoise fondée en 1638 par le père Yvan (Rians 1576-Paris 1653) et une de ses pénitentes, Marie-Madeleine Martin, afin de recevoir « les filles de qualité empêchées par manque de fortune et par défaut d’une dot de se marier ou d’être reçues dans les autres ordres ». La congrégation créa ensuite des maisons à Marseille (1642), Avignon (1643), Paris (1649), Arles et Salon (1665) : elle eut un rayonnement limité. L’établissement aixois de la petite congrégation des Filles de l’Enfance, fondé en 1674, fut le plus important avec la maison mère de Toulouse. Mais ces maisons furent fermées par décision royale en 1686 pour cause de jansénisme.
« L’invasion dévote » : une Provence « très catholique »
13Ce clergé rénové propage ensuite à travers la Provence l’« invasion dévote » (M. Vovelle) qui imprègne l’esprit et les comportements des fidèles de la pastorale et de la morale catholiques, fait rayonner le culte marial et celui des saints. La Réforme catholique vient amender, modifier lentement, fortifier peu à peu la religiosité foisonnante des laïcs. M. Venard a montré combien « la sévère discipline tridentine a finalement composé avec la religiosité populaire ». Jusqu’à la fin du siècle, les prélats ne remettent pas en cause les formes les plus extériorisées de la piété du plus grand nombre. Ils s’efforcent de les orienter selon les vues du concile.
Multiplication des dévotions et des lieux de culte
14Une première preuve du succès de la Réforme catholique auprès des fidèles riches et instruits est la part qu’ils prennent à la fondation de maisons religieuses et de chapelles. Ainsi à Aix, Aymare de Castellane-La Verdière, seconde épouse du premier président du parlement Vincent-Anne de Forbin-Maynier d’Oppède (les mère et père d’Henri, cité au chap. 9), eut l’initiative en 1625 de l’introduction du Carmel réformé. Deux de ses filles y prirent le voile et, devenue veuve, elle s’y retira et y fut enterrée en 1649. Elle joua également un rôle décisif dans l’installation en 1637 de la branche masculine, celle des carmes déchaux (déchaussés), réformée en Espagne par Jean de la Croix. Alors que le conseil de ville hésitait à autoriser la création d’une nouvelle communauté, d’autant qu’un couvent de Grands-Carmes existait déjà dans la ville, elle les loge d’abord dans sa maison. Puis, selon l’annaliste P.-J. de Haitze, ils bénéficient de l’aide, « du crédit et de la faveur des amis de cette dame qui, à cause de son génie et de sa naissance, en avait bon nombre » et ils sont autorisés à s’installer (R. Bertrand, dans Le parlement de Provence, 2002).
15À une échelle plus modeste, la multiplication de l’offre pieuse proposée aux fidèles est souvent due à leur initiative ou à leurs dons. Ils fondent jusqu’à la fin du xviie siècle des chapellenies, petits bénéfices dotés d’autels ou de chapelles, qui peuvent permettre d’implanter une dévotion (voir chap. 3). L’assistance à la messe dominicale, la confession et la communion pascale (seule obligatoire) semblent devenir quasi générales, hors des zones de présence protestante (clandestine après 1685). Les fidèles montrent l’importance qu’ils leur accordent en finançant des « chapelles de secours » dans les hameaux et écarts (chapelles des bastides) ou bien sur les estives de la transhumance. Ils les font desservir, de façon au moins saisonnière, par un prêtre habitué. Ils fondent aussi des « messes de l’aube », qui permettent aux travailleurs d’assister à la messe pendant la semaine avant d’aller aux champs.
16Soulignons encore le succès de la pratique sacramentelle, avec la généralisation des derniers sacrements et l’importance considérable accordée au baptême, qui lave l’enfant du péché originel et lui permet, s’il meurt avant sept ans révolus, d’être au ciel. En témoignent ces demandes faites aux évêques qu’ils érigent en succursales dotées de cuves baptismales les chapelles des hameaux éloignés de l’église paroissiale. Ou l’essor des « sanctuaires à répit », où un enfant mort-né semblait un instant revivre, le temps de recevoir le baptême afin qu’il entre en paradis. Ainsi à Notre-Dame-de-Beauvoir à Moustiers (J. Gélis, dans Frœschlé-Chopard, 2002) ou bien les modestes chapelles de l’Ortiguières à Revest-du-Bion ou de Saint-Ours à Meyronnes.

L’autel élevé vers 1730 par la confrérie des Âmes du purgatoire dans l’église Saint-Michel de Salon est significatif de la pastorale de l’au-delà du catholicisme tridentin. Alors que le décor macabre sculpté du retable évoque la mort, la toile suggère la délivrance des âmes du purgatoire par l’intercession de la Vierge à l’Enfant : des anges les entraînent vers le paradis.
Le développement des confréries et les « œuvres »
17Un autre trait, qui déborde largement le cercle de l’élite, est l’adhésion aux confréries – qui sont aussi, il est vrai, le principal cadre associatif reconnu pour l’organisation professionnelle et toléré pour l’expression de la sociabilité méridionale. Certaines, les « confréries luminaires », se bornent à proposer à leurs membres des activités relativement peu astreignantes – les fidèles peuvent appartenir simultanément à plusieurs d’entre elles. Elles entretiennent un autel latéral dans l’église, l’illuminent lors des offices, célèbrent la fête de son saint titulaire. Les plus dynamiques offrent aussi à leurs membres un programme de dévotions personnelles et collectives. Ainsi les confréries du Rosaire, celles qui sont érigées en faveur des Âmes du Purgatoire ou les confréries de Saint-Joseph qui prient et font prier pour les agonisants. Les congrégations des jésuites et des oratoriens sont des associations de fidèles sous la direction étroite d’un prêtre. Elles proposent un programme particulièrement exigeant et astreignant d’exercices spirituels, de prières et d’offices, et aussi de bonnes œuvres. La crèche provençale apparaît au milieu du xviie siècle à Aix et Marseille dans le cadre de ces associations pieuses oratoriennes réservées à l’élite (Bertrand, 1992). Leur modèle se diffusera ensuite dans les paroisses ; les curés l’adapteront en particulier pour les associations féminines.
18Les compagnies de pénitents poursuivent leur diffusion. À partir de la fin du xvie siècle et surtout aux xviie et xviiie siècles, sous l’impulsion parfois des confrères mais plus souvent des évêques réformateurs, les activités charitables, en particulier funéraires, y prennent une importance croissante, au point de tendre à devenir la raison d’être de certaines de celles qui sont alors créées. Les pénitents accompagnent à la sépulture leurs propres membres et également des étrangers à la confrérie qui leur font un don ; puis ils pratiquent « l’enterrement pour Dieu » (gratuit) des indigents et des condamnés à mort. Ils accomplissent ainsi une « bonne œuvre » spécifique dans le domaine de l’assistance sociale, exigeant méthode et efficacité.
19La compagnie secrète du Très-Saint-Sacrement de l’Autel a été fondée à Paris vers 1630 pour rassembler une élite instruite et très pieuse de clercs ou laïcs dans un but de perfectionnement spirituel, mais aussi pour moraliser la haute société et organiser une charité efficace. Elle essaime à Aix en 1637, puis à Marseille, Grasse, Arles, Toulon. Elle compte parmi ses membres Antoine Godeau, évêque de Grasse, le chanoine Jean-Nicolas de Mimata, grand vicaire d’Aix, le chevalier de Malte Gaspard de Simiane-La Coste, fondateur d’œuvres charitables – en particulier l’hôpital des forçats de Marseille, construit entre 1643 et 1655. La compagnie mena une action antiprotestante, s’efforçant d’obtenir que l’édit de Nantes soit observé au pied de la lettre. Louis XIV ne peut tolérer cette organisation secrète qu’il ne contrôle pas et l’interdit en 1660. Mais la compagnie marseillaise, une des plus dynamiques, subsiste discrètement jusqu’en 1702. (A. Tallon, La compagnie du Saint-Sacrement, Paris, Cerf, 1990). Il convient de ne pas la confondre avec le luminaire du Saint-Sacrement qui, en Provence, veille à l’entretien d’une église paroissiale et à l’illumination de son maître-autel.

La chapelle du Corpus Domini (saint sacrement) dans la cathédrale de Toulon a reçu en 1682 de la confrérie du même nom un grand retable de stuc et marbre de Christophe Veyrier qui constitue un sommet du baroque provençal ; Dieu y apparaît dans les nuées parmi les cohortes d’anges pour attester la présence réelle du Christ dans les hosties consacrées que renferme le tabernacle de l’autel.
Un grand siècle de fondations charitables
20Grâce aux donateurs et bienfaiteurs laïcs et aussi clercs, les œuvres charitables se multiplient au xviie et dans la première partie du xviiie siècle. Les motivations religieuses (faire de « bonnes œuvres » propices au salut et obtenir à sa mort les prières des pauvres, « agréables à Dieu ») ne sont certes pas dénuées d’une volonté de solidarité sociale, parfois (quand ces hôpitaux sont réservés à des membres déchus des catégories aisées), et même locale (les lits d’hôpitaux réservés aux natifs du même lieu que leur fondateur), mais aussi du souci d’éviter la révolte des indigents en ces temps où se généralise à travers l’Europe l’« enfermement des pauvres » (Michel Foucault). Dans les bourgs, il s’agit de très petits établissements destinés à soulager toutes les misères, physiques et sociales, tel celui que le P. Honoré Chaurand, prédicateur jésuite, crée parmi bien d’autres à Allauch en 1693-1694 avec l’aide des paroissiens. Dans les petites villes, il s’agit d’élargir l’offre de soins ou le nombre de lits du vieil hôpital d’origine médiévale, aux bâtiments mal adaptés. Dès 1605, le marchand Antoine Gaimard de La Ciotat fonde un nouvel hôpital dans une de ses maisons pour y recevoir malades, voyageurs indigents et pèlerins de passage. À Manosque, le nouvel hôpital est de même fondé en 1724 par l’abbé Jean-Louis Quintrand, qui offrit le terrain, périurbain, et les sommes nécessaires pour édifier bâtiment et chapelles. Dans les principales villes, des besoins spécifiques sont satisfaits par des hôpitaux spécialisés, parfois de faible taille. En 1640, Emmanuel Pachier, chanoine de la Major, membre de la compagnie du Saint-Sacrement, fonde avec d’autres notables l’hôpital de la Charité de Marseille. Un petit groupe d’Aixois les imite en 1641. Ces hôpitaux pour mendiants (nous dirions hospices) seront ensuite intégrés au réseau des « hôpitaux généraux » mis en place sous Louis XIV. À Marseille, l’abbé Elzéar Beaulieu crée l’hôpital des convalescents, puis, en 1714, un prêtre et un bourgeois fondent celui des pauvres paralytiques incurables, dans les deux cas afin de libérer plus vite les lits de l’Hôtel-Dieu. S’ajoutent les « œuvres » animées par des paroissiennes et les confréries et associations à but charitable, dites souvent « de la Miséricorde ». Ainsi à Aix, l’œuvre des Filles de service (bureau de placement) fut fondée en 1698 par la présidente de La Roquette (Valran, 1899 ; Fairchild, 1976 ; Vovelle, Prov. hist., 1982 : 129).
Le renouveau des sanctuaires de pèlerinage
21Un premier ensemble de sanctuaires de pèlerinage était antérieur à la Réforme catholique. Il s’agit en général de lieux jouissant, dans le cas des « sanctuaires de hauteur », d’une position « cosmique » dans un site dominant, ou, au contraire, situés en un fond de vallon agreste bénéficiant de la présence d’une fontaine « miraculeuse ». Il peut s’agir encore de la « primitive église » de la paroisse dans le cas de déperchements précoces. Autant de buts du pèlerinage communautaire d’un village (chap. 3). La réforme catholique fait naître une nouvelle génération de lieux de pèlerinage, où des « apparitions » ou bien la découverte inattendue d’une antique statue de la Vierge sont suivies de « miracles » et viennent recharger de sacralité un sanctuaire sorti en ruines des guerres de Religion. Ainsi à Notre-Dame-de-Lumières à Goult, dont B. Cousin a montré la rapide prise en main, après 1’« apparition » fondatrice (1661), par les carmes qui encadrent les pèlerins et les dévotions particulières et collectives, contrôlent leurs pratiques, orientent la recherche de la thérapie physique vers la thérapie spirituelle, soit la conversion, enregistrent les cas réputés miraculeux (Cousin, 1981). Ce schéma fondateur se retrouve avec quelques variantes dans la plupart des autres sanctuaires de recours dont se dotent alors la plupart des diocèses provençaux, de Notre-Dame des Anges à Lurs ou à Pignans à Notre-Dame de la Fleur de Thorame-Haute. Exceptionnel est le cas du Laus (diocèse de Gap) par la personnalité hors du commun de sa fondatrice, Benoîte Rencurel (1647-1718), jeune bergère âgée de dix-sept ans lors des apparitions (1664), qui s’établit sur place, accueille et conseille elle-même les pèlerins, ayant soin de les orienter vers les prêtres qui viennent tôt desservir le sanctuaire (Frœschlé-Chopard, 2002).
22L’efficacité du recours peut être suggérée par l’ex-voto, tableau offert « en remerciement pour une grâce reçue ». Œuvres de petites dimensions, représentant conjointement une scène humaine dans un espace terrestre – où le donateur est montré soit en prière soit dans la situation du vœu – et une scène céleste délimitée de nuages où se retrouvent les protecteurs, ces tableautins témoignent aux yeux de tous de la puissance divine et de l’efficacité de la prière (Cousin, 1981 et 1983).
La prénomination
23Les travaux de B. Cousin et de ses étudiants sur les prénoms suggèrent la « catholicisation » croissante du choix des prénoms, en dépit des pesanteurs liées à la transmission majoritaire des prénoms des ascendants et surtout des parrains. Les prénoms chrétiens triomphent déjà statistiquement des païens depuis la fin du Moyen Âge. Le prénom dominant avant la Révolution est pour les garçons Jean (au xviiie siècle, un garçon sur cinq, 21 %, 30 % si l’on prend en compte Jean-Baptiste). Venaient ensuite au xvie siècle Antoine, Pierre, Jacques, Honoré. Le trait le plus remarquable est la montée de Joseph : parti de 2 % au xvie siècle, c’est le second prénom masculin de Provence au xviiie après Jean avec 13 %. Il supplantera Jean au xixe siècle. Pour les filles, à la fin du xvie, la dispersion est encore forte. Anne arrive en tête avec 16 %, puis Marguerite, Catherine et Jeanne. Au xviiie siècle se produit la montée de Thérèse (7 %) et surtout Marie, qui passe de 7 % au xviie à 17 % au début du xviiie et 35 % vers 1770. La famille du Christ avec Anne, Marie, Joseph et même Jean Baptiste se taille une place d’autant plus grande que l’usage se répand au xviiie de donner un second prénom. Joseph est pour les garçons le plus répandu et Marie, donné en second prénom, fait que 4 filles sur 10 ont Marie dans leur prénomination vers 1770. La plasticité dont le système fit preuve a bénéficié à un renforcement du patronat de la Vierge et des saints les plus proches du Christ (B. Cousin, Prov. hist., 2003 : 212). Chez les réformés, contrairement à une idée reçue, les prénoms vétérotestamentaires ont été d’emblée minoritaires (27 % des baptisés de Lourmarin entre 1560 et 1570) et ne dépassent guère au cours du xviie siècle 5 à 7 % des enfants de familles protestantes baptisés (C. Borello, id.)
Les « pompes funèbres baroques »
24L’un des indices les plus nets du succès de cette christianisation est enfin fourni par les testaments. Les pompes baroques des testaments provençaux de la fin du xviie siècle reflètent la foi des fidèles dans le salut par les œuvres. Le testateur a pu par ailleurs pratiquer une préparation à la mort et s’efforcer de mener une vie conforme à la morale catholique du temps, avoir enfin une action pieuse ou charitable. Il espère obtenir l’intercession des puissances célestes et surtout gagner des suffrages selon le dogme de la communion des saints en se procurant en échange de legs les prières de nombreux clercs séculiers et réguliers, de membres de confréries et de pauvres, pensionnaires des hôpitaux, qui assisteront à ses obsèques. Également en finançant la célébration de nombreuses messes pour le repos de son âme. Certains estiment de surcroît que l’inhumation dans l’église, et si possible près des autels, leur procurera le bénéfice des nombreuses messes qui y sont célébrées. Autant d’investissements dans le ciel qui manifestent l’espoir ardent d’accéder à la vie éternelle (Aubenas, 1927 ; Vovelle, 1973).
Mystiques et dévots
25Le xviie et le début du xviiie siècle ont connu nombre de fortes personnalités religieuses dont la mort « en odeur de sainteté » a ému les populations qui se sont parfois partagé, comme des reliques, des fragments de leurs vêtements. Ce fut le cas au décès de Jean-Baptiste Gault, évêque de Marseille, dont l’épiscopat ne dura que quatre mois de 1643 ; en dépit d’une santé déjà ébranlée par l’ascétisme et sans doute la tuberculose, il multiplia les visites des églises, des couvents et des hôpitaux, et mena une action caritative et pastorale auprès des forçats. Il mourut le 23 mai 1643, veille de la Pentecôte, on dut différer son inhumation pendant deux semaines à cause de la foule qui se pressait dans la cathédrale devant son cercueil, le priait comme un saint et lui attribuait une vingtaine de miracles (B. Montagnes, Prov. hist., 1986 : 146 ; A. Burkardt, Les clients des saints, Rome, École française de Rome, 2005).
26Des biographies édifiantes ont transmis le souvenir d’autres vies d’exception, en particulier féminines. Des religieuses, telle Agnès d’Aguillenqui (1602-1672), capucine de Marseille, modèle d’ascétisme, de piété et de discernement qui aurait eu une apparition du Christ sur son lit de mort. Plus tard, Anne-Madeleine Rémuzat (1696-1730), visitandine de Marseille, mystique du Sacré-Cœur de Jésus. Des laïques aussi. Le parcours spirituel de Marthe de Laigue d’Oraison (1590-1627), veuve du baron d’Allemagne, semble sans équivalent dans la Provence du xviie. Fondatrice du couvent des capucines de Marseille, elle ne peut y entrer comme religieuse, l’ordre refusant alors les veuves. Au terme d’une quête mystique et de mortifications impressionnantes, elle achève précocement sa vie en soignant les malades de l’Hôtel-Dieu de Paris et y meurt « au milieu des pauvres ». À un niveau social bien plus modeste, la couturière mystique Jeanne Perraud (1631-1676) a en 1658 la vision de l’Enfant Jésus tenant les instruments de sa Passion dont elle établit le culte chez les augustins déchaussés d’Aix (M. Bernos, dans R. Bertrand, dir., La Nativité et le temps de Noël, Aix, PUP, 2003).
Un protestantisme très minoritaire mais parfois opiniâtre
27Les protestants ne constituent qu’une très faible minorité dans un univers provençal resté massivement catholique. Vers 1630, la province synodale de Provence aurait renfermé au maximum environ 9 000 des quelque 856 000 protestants du royaume, selon le pasteur Mours. Peut-être 6000 à 7000 en 1682 d’après le dénombrement des familles tenté alors par l’intendant Morand, en un temps où les réformés sont victimes de discriminations croissantes et brimades, mais avant les dragonnades qui précédèrent la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV (1685). Cette dernière fait d’eux des « nouveaux catholiques ». Certains réformés provençaux émigreront alors (Borello, 2003). À Orange, les occupations françaises de 1685-1697, puis à partir de 1702, et le rattachement de 1713 provoqueront la fermeture des temples et l’exode d’une partie des protestants. Parmi les « nouveaux catholiques », certaines conversions ont pu être définitives, en particulier chez les notables (le seul livre de raison protestant conservé, celui des Chaussegros de Mimet de Liou, se clôt par l’entrée d’une descendante à la Visitation). Cependant un protestantisme opiniâtre subsistera « au désert » (dans une clandestinité périlleuse) à Orange et dans d’autres anciens foyers protestants du Luberon, du Pays d’Aigues et de la région des Baux pendant tout le xviiie siècle (exemple : B. Peyre, Histoire de Mérindol, Avignon, l’auteur, 1939).
28Marseille connaît l’« Église flottante et enchaînée » des protestants considérés comme des criminels d’État et condamnés aux galères pour avoir participé à travers la France aux assemblées clandestines du « désert » ou avoir tenté de sortir de France pour gagner un « refuge » étranger. Ils sont condamnés à la prison pour les femmes et, en général, aux galères pour les hommes. Parmi les 60 000 galériens qui entre 1680 et 1748 vécurent à Marseille, 1551, soit 2,6 % étaient des « galériens pour la foi » (Zysberg, 1987). Leur vie très difficile a été décrite par Jean Marteilhe, natif de Bergerac, condamné à vie en 1700 pour avoir tenté de passer en Hollande. Libéré en 1713 à condition de sortir du royaume (sic), il gagna la Hollande (Mémoires, éd. A. Zysberg, Mercure de France, 1979).
29Au cours du xviiie se constituent dans les principales villes – Marseille surtout, Aix et Toulon – de petits groupes protestants, clandestins lorsqu’ils sont issus de l’immigration languedocienne ou dauphinoise, tolérés s’il s’agit de riches étrangers – à Marseille, la présence continuelle de marchands du Nord, Hollandais, Allemands ou Suisses, a imposé après la révocation le maintien à leur usage de l’ancien « cimetière des protestants », pris en charge par la famille Sollicoffre, dont l’existence fut reconnue par un arrêt du Conseil du 24 mars 1726 (Bourrilly, 1956 ; Bertrand, 1994).
Un foyer de création architecturale et artistique
30Les patientes recherches d’archives de Jean Boyer et les analyses de J.-J. Gloton ainsi que les travaux de H. Witenhove, M.-C. Gloton, M.-C. Homet, plus récemment E. Motte-Roffidal et de bien d’autres chercheurs ont restitué des édifices disparus et reconstitué l’œuvre de nombre d’artistes.
Agrandissements et embellissements urbains
31À partir de la fin du xvie siècle, les progrès de l’artillerie imposent la mutation radicale des fortifications urbaines. Seuls restent « à l’épreuve » d’un boulet tiré de plus en plus loin avec de plus en plus de force les remparts talutés et bastionnés, dont le coût est considérable. Les villes dépendent dès lors du roi pour recevoir, si elles ont un net intérêt stratégique, une enceinte bastionnée. C’est le cas de Toulon (dont l’enceinte est cependant en triste état lors du siège de 1707 et doit être hâtivement « restaurée ») ou d’Antibes – fortifiée à partir de 1536, dont Vauban achèvera l’enceinte bastionnée qui résistera victorieusement en 1707 et encore en 1815 aux Autrichiens –, et des villes de la frontière avec les États de Savoie, le long du Var et du haut Verdon, dont les fortifications, ou du moins les citadelles sont modernisées. En revanche, dans la plupart des villes de Provence intérieure, l’enceinte perd sa capacité protectrice en temps de guerre. À Aix et Marseille, ses portions construites pour renfermer les agrandissements du xviie se réduisent à un simple mur qui n’est pas précédé d’un fossé.
32L’augmentation et la diversification de la population, l’évolution des façons d’habiter entraînent dans les villes et bourgs, et même dans certains « villages urbanisés », à la fin du xvie siècle et surtout au xviie une large reconstruction du bâti et la création de quartiers nouveaux ou de « bourgades » (faubourgs), en général détruites au temps des troubles. Aix, puis Marseille connaissent alors de très importantes opérations d’urbanisme. Entre 1646 et 1651, l’archevêque d’Aix Michel Mazarin – frère du premier ministre – fait tracer au sud de la ville selon un plan en damier le nouveau quartier qui va porter son nom. Puis, l’agrandissement de Marseille décidé par Louis XIV en 1666 juxtapose à la ville d’aspect encore médiéval, serrée sur ses buttes, une « ville nouvelle », aux tracés rectilignes. L’ensemble urbain et portuaire de Toulon double à peu près dans la décennie 1680 grâce aux travaux de Vauban qui agrandit la ville à l’ouest, développe l’arsenal et crée une nouvelle darse. Il enveloppe l’ensemble d’une enceinte bastionnée qui prolonge celle du xvie siècle, conservée à l’est et au nord.
33À la suture des quartiers anciens et de ces extensions, des cours sont créés à Aix et Marseille sur les lices des portions supprimées de l’enceinte. Cette réalisation majeure du xviie siècle dans la France méditerranéenne s’est vue assigner des modèles romains ou génois qui n’emportent pas entièrement la conviction. En fait, le cours Lafayette de Toulon – pour reprendre le nom actuel –, constitue une sorte d’ébauche : né à la fin du xvie siècle de la démolition de l’ancienne enceinte et du comblement de son fossé, mais planté en 1658 seulement – il devient « la rue aux arbres » –, il ne bénéficie d’aucun programme d’ordonnancement du bâti ni de recherche de perspective – il est coudé. En revanche, le grand « cours à carrosses » d’Aix (1649-1651, aujourd’hui cours Mirabeau) est traité comme une immense place arborée, bordée de vastes hôtels nobiliaires, fermée à ses extrémités (Boyer, 2004). Le Cours de Marseille (1666, aujourd’hui cours Belsunce et Saint-Louis) s’intègre dans la perspective rectiligne, longue de quatre kilomètres, qui traverse de part en part la « ville nouvelle », de la Porte d’Aix à la Porte de Rome, et qui s’élargit à sa partie centrale pour former une grande coulée de verdure bordée d’îlots dont les rangées de maisons sont habillées d’une façade uniforme. L’ensemble forme « une des plus belles avenues de l’Europe », au jugement des voyageurs. Cette exceptionnelle réalisation baroque sera en partie rasée et irrémédiablement défigurée au xxe siècle.
34Ces espaces publics plantés d’arbres, ornés de fontaines, dotés de larges trottoirs, servent à la promenade, aux échanges sociaux – bancs, cafés au xviiie siècle – éventuellement aux foires. Aix commence à en proposer dès 1670 une version plus modeste et utilitaire avec le cours Sextius, par aménagement de l’espace intermédiaire entre l’enceinte devenue obsolète et un faubourg populeux peuplé d’auberges. Salon aménage une large voie sur la portion des anciennes lices de son enceinte du xiiie siècle qui se trouve renfermée dans l’enceinte du xvie siècle. Ces cours – actuels cours Victor-Hugo et Gimon – deviennent le nouveau cœur de la cité. Ce modèle se diffusera au siècle suivant par aménagement de l’espace intermédiaire entre l’enceinte et le faubourg dans les petites villes – cours Gassendi à Digne –, ou bien par création ou élargissement d’une voie large ménagée dans un quartier suburbain – cours de la Trinité à Aix et allées de Meilhan à Marseille. À Toulon, le quartier neuf s’organise autour de la place d’armes, champ de manœuvre entouré d’allées arborées, établie à l’emplacement d’un ancien bastion.
Une ample parure bâtie
35L’inspiration baroque a pénétré précocement à Avignon avec les grands travaux d’inspiration romaine de Domenico Borboni – hôtel des monnaies, 1619 – et de François des Royers de La Valfenière – la Visitation, 1631, l’hôtel de Fortia, 1637. Aix va devenir, entre 1650 et 1725, « la plus baroque des villes du royaume » (J.-J. Gloton) ; elle le reste, en dépit des dénaturations des temps néoclassique et romantique et des destructions révolutionnaires qui ont aussi frappé Arles et surtout Marseille. Le goût provençal est cependant mesuré en architecture, et point seulement par les moyens financiers des commanditaires : la noblesse et les officiers roturiers du roi tiennent à marquer leur appartenance à l’élite du royaume et leur différence avec le reste de la population en restant attentifs au goût et aux modes de Paris et Versailles. Or, le baroque français n’a qu’exceptionnellement le caractère exubérant de celui de l’Europe centrale ou péninsulaire. Louis XIV souhaite la mise au point d’un style national, plus dépouillé, le « classicisme » français, qui marque surtout les édifices civils de la royauté et les constructions privées d’Île de France et influence aussi, dans une moindre mesure, le décor des églises.

La place de l’hôtel de ville d’Aix, résultat d’une opération d’urbanisme en 1741, rassemble les trois édifices publics de l’ancienne Provence : la maison communale, œuvre de P. Pavillon de 1655 à 1671, la tour de l’horloge, ancienne tour d’enceinte, surélevée et rhabillée aux xvie--xviie siècles, la fontaine, dessinée par Georges Vallon et sculptée par J.-P. Chastel en 1755.
36La commande royale se manifeste surtout par des fortifications : les forts Saint-Nicolas (1660-1664) et Saint-Jean (1668-1671) de Marseille par le chevalier Louis-Nicolas de Clerville, la nouvelle enceinte de Toulon par Vauban, et les réalisations frontalières de ce dernier, d’Antibes à Saint-Vincent-les-Forts. Il faut ajouter les arsenaux de Toulon et surtout de Marseille, où le grand arsenal des galères, édifié en deux étapes en 1665-1669 puis 1673-1690, fut une réalisation majeure, entièrement détruite dans les dernières années de l’Ancien Régime. On doit mentionner les travaux dont le palais comtal d’Aix fit l’objet : sa façade principale, sur la place des Prêcheurs, avait été reconstruite en 1597 ; elle reçut en son centre, en 1677, un majestueux avant-corps arrondi renfermant le grand escalier, œuvre de Jacques Messier, architecte du roi. Mais la totalité de ce monument d’exception sera rasé sous Louis XVI. La commande par excellence des consulats urbains de Basse-Provence est alors la reconstruction de l’hôtel de ville, qui peut intégrer, comme à Aix et Arles, la tour communale antérieure : Tarascon (1648), Toulon (dont ne subsistent que les atlantes du balcon, sculptés par P. Puget en 1657), Salon (1665), Aix (reconstruction de 1665 à 1671 sous la direction de Pierre Pavillon), Marseille (pavillon du quai, 1653-1656 et 1665-1673, par Gaspard Puget et Mathieu Portal), et surtout Arles avec son exceptionnelle voûte surbaissée, « le chef-d’œuvre de la stéréotomie française » selon J.-M. Pérouse de Montclos, élevé en 1673-1676 par Jacques Peytret selon ses plans, modifiés par Jules Hardouin-Mansart (J. Boyer, Gazette des Beaux-Arts, 1976 : 118 a.).

Le vaste îlot acquis par Pierre Maurel de Pontevès en bordure du futur cours fut partagé par lui en trois lots. Au 38 (à droite sur le cliché), son hôtel, édifié de 1648 à 1654, dont la façade a exceptionnellement conservé son décor d’origine. Au 40, l’hôtel du conseiller aux Comptes Esprit Arnaud, construit en 1648, a subi une modernisation radicale sous Louis XVI. Au 42, hôtel d’angle édifié par Maurel de Pontevès en 1662 pour son fils. En 1774, les Reinaud de Fontvert en firent refaire la porte et l’ornèrent de balcons en ferronneries.
37Aix se couvre des hôtels des « Messieurs » des cours souveraines et de la noblesse terrienne qui y réside une large partie de l’année (Gloton, 1980 ; Boyer, 1985 ; Castaldo, 2011). Alors que le cours est encore en projet, un de ses principaux îlots bordiers a fait l’objet d’une opération spéculative de la part du « Crésus aixois », Pierre Maurel de Pontevès (voir chap. 5). L’hôtel qu’il fait construire à partir de 1647, dessiné par Jean Lombard assisté de Pierre Pavillon, caractérise le premier âge baroque aixois. Il manifeste une recherche de majesté par les ordres superposés qui encadrent les baies, et de pittoresque avec des frontons cintrés et brisés ou à enroulement, des niches d’angle et surtout le portail à atlantes, le premier réalisé à Aix, qui sera imité. L’ordonnance de la façade qui donne sur le cours se retrouve sur la façade arrière qui ouvre sur le jardin, ce luxe de l’habitat aristocratique, qui est décoré d’une fontaine adossée au mur d’enceinte. Son modèle fait école, par exemple à l’hôtel d’Agut, place des Prêcheurs, construit entre 1667 et 1676, dont les atlantes sont sculptés par Jean-Claude Rambot.

Atlantes de l’hôtel Maurel de Pontevès. Le vieux thème de la figure humaine portante, amplement utilisé dans les décors intérieurs, les jardins, les cheminées ou les meubles, devient ici l’élément majeur du portail d’apparat qui anime la façade. Ces géants placides portent encore sans effort excessif leur fardeau de pierre.
38Le second baroque aixois, selon J.-J. Gloton, apparaît vingt ans plus tard et se caractérise à la fois par la recherche de la verticalité et une sobriété nettement plus grande des décors qui la rapproche du classicisme parisien ou versaillais. Il est illustré par l’hôtel construit à partir de 1672 par Madeleine de Forbin d’Oppède, veuve de Vincent de Boyer d’Éguilles (aujourd’hui Museum). La même ordonnance de pilastres colossaux – régnant sur plus d’un étage – est répétée sur le bâtiment central et les deux ailes de communs qui encadrent une cour d’honneur ouvrant sur la rue par un portail à carrosse, selon la mode parisienne. Telle ordonnance sera reprise pour des hôtels plus modestes, entre rue et jardin, du quartier Mazarin. Son principe est adopté à la même époque pour les îlots à programme du Cours de Marseille, sans doute sous l’influence de P. Puget.
39Cependant la verve architecturale baroque semble s’assagir ou du moins s’alléger à Aix au début du xviiie siècle devant un art où l’inspiration venue de la capitale se mêle d’accents méridionaux. Ainsi François de Rolland-Tertulle de Réauville-Cabanes commande-t-il les plans de son hôtel aixois au Parisien Robert de Cotte, qui vient d’achever la chapelle du château de Versailles. Mais Georges Vallon (1688-1767), architecte de la ville et de la province, qui le construit entre 1717 et 1725, modifie les élévations et toitures pour le mettre au goût aixois et le dote d’un décor sculpté baroquisant de masques et d’atlantes que le premier architecte du Roi n’avait guère prévu. Son père Laurent Vallon (1652-1724) et peut-être Jean Lombard modernisent au même moment avec une élégante sobriété et selon le même principe le vaste hôtel sans doute maniériste que le premier président aux Comptes Henri d’Albertas tient de son grand-père Séguiran. Depuis Avignon et le Comtat, la dynastie des architectes Franque relaie également cette ample inspiration parisienne « provençalisée », en des œuvres à la stéréotomie remarquable (hôtel d’Arbaud-Jouque, à Aix, par Jean-Baptiste Franque, vers 1732). La faveur auprès des élites provençales civiles et religieuses des décors sculptés marqués par le mouvement baroque annonce l’accueil qu’elles feront sous Louis XV au style rocaille, dans le décor architectural (Aix, place d’Albertas, hôtel de Panisse-Passis) comme dans celui du mobilier ou des faïences.

Aix, hôtel et place d’Albertas. Le premier président Henri d’Albertas a fait mettre au goût du jour vers 1724 son vaste hôtel de l’actuelle rue Espariat. Exaspéré par le vis-à-vis des maisons de la rue Espariat, il les achète et son fils crée en 1742-1746 cette place-parvis bordée d’une série d’étroits immeubles de rapport au décor rocaille. La discutable fontaine de fonte est de 1912.
40Marseille a renfermé quelques hôtels particuliers remarquables qui ont été pour la plupart détruits à l’époque contemporaine. L’hôtel de Pesciolini à l’angle des rues d’Aix et Nationale, édifié en 1672 pour Amant de Venerosi de Pesciolini, d’une famille de négociants marseillais originaire de Toscane qui aurait donné son nom à la préparation des olives dite « à la Picholine », est un « trois fenêtres » d’exception par son décor sculpté – atlantes encadrant la porte et soutenant le balcon de l’étage noble –, car il ferme la perspective du Cours. La caractéristique marseillaise sera les îlots dont les maisons, construites selon le même gabarit, recevront une façade ordonnancée au décor uniforme « en manière de palais », sur le principe des places royales parisiennes (mais à Marseille, chaque îlot a un programme décoratif différent). Ceux du Cours ont pour l’essentiel disparu. Subsiste l’ensemble édifié au milieu du xviiie sur la Canebière entre le cours Saint-Louis et la rue Saint-Ferréol, au beau décor rocaille.

Château d’Entrecasteaux ; la forteresse médiévale des Castellane et des Adhémar de Grignan, rachetée fort onéreusement en 1714 au lieutenant général avec la seigneurie par le négociant marseillais Raymond Bruny, a été aussitôt modernisée par de nombreux percements réguliers et dotée d’un jardin d’agrément.
41Nombre de châteaux élevés ou restaurés au xviie siècle, en particulier en Haute-Provence, portent encore des marques de défense telles que des tours rondes d’angle à canonnières, pas seulement sans doute pour les protéger contre un éventuel coup de main des troupes de passage ou une « émotion » des vassaux. Elles pourraient indiquer aussi le rang d’un seigneur haut-justicier ou d’un noble d’épée. Ces allures de forteresse peuvent aussi dériver d’un gros œuvre médiéval modernisé plus que reconstruit – c’est le cas à Meyrargues, La Barben ou Gréoux par exemple, voire Entrecasteaux, entièrement rhabillé après 1714 par son acquéreur Raymond Bruny. En revanche, le château du grand érudit Nicolas-Claude Fabri de Peyresc à Belgentier (vers 1623), parallélépipède à façades ordonnancées et à toiture à quatre pans bien visible, directement inspiré des villas italiennes, préfigure le petit château de Haute-Provence – qui conserve longtemps ses tours d’angle rondes – et la maison de maître des bastides de Basse-Provence de la seconde moitié du siècle et du xviiie, en contraste avec le désordre visuel des bâtiments agricoles, aux toits présentant des décrochages et aux baies percées en fonction des impératifs utilitaires (Agay, 1991 ; H. Vésian, Châteaux et bastides en Haute-Provence, Avignon, Aubanel, 1991). La « maison de plaisance » aristocratique, aux façades parfaitement ordonnancées, avec son « jardin de propreté », aux terrasses, aux parterres de broderies et aux bassins, s’annonce dans les « pavillons » périurbains aixois (pavillons Vendôme puis Lenfant). Elle s’impose avec Barbentane, bâti en 1674 par Louis-François des Royers de la Valfenière, librement inspiré des réalisations d’Île de France, et se diffuse ensuite à travers reconstructions ou constructions ex nihilo. Ainsi Lagoy à Saint-Rémy, « le plus beau château provençal du début du xviiie siècle » (J.-J. Gloton), édifié pour les Meyran de 1705 à 1714, ou Sauvan à Mane construit à partir de 1719 pour le chevalier de Malte Michel-François de Forbin-Janson sur des plans initiaux de Franque.

Aix, Pavillon de Lenfant. Le trésorier général de France, Simon Lenfant, a fait élever en 1685 aux portes d’Aix cette petite résidence de plaisance, modèle réduit de la bastide à l’italienne qui s’impose alors. Elle est précédée d’un grand jardin à la française. Derrière une façade sobre, la décoration intérieure stuquée et peinte transpose dans la maison de campagne le décor raffiné de l’hôtel aixois.

Mane, château de Sauvan. En 1719, Michel-François de Forbin-Janson, commandeur de l’ordre de Malte, décide de remplacer le château fort situé au sommet du village dont il est seigneur par cette résidence de plaisance, édifiée dans la plaine, au milieu d’un parc, qui restera assez exceptionnelle en Haute-Provence.
Le renouvellement des églises
42La réforme catholique et l’accroissement démographique ont induit de multiples transformations, agrandissements et reconstructions d’églises, et la création de couvents, collèges et hôpitaux constituaient autant de chantiers de sanctuaires. Nombre de nefs médiévales ont été bordées de rangées de chapelles latérales appartenant à des confréries de métier ou de piété, ou à des familles aisées qui y ont leur tombeau. D’autres ont été entièrement mises au goût du jour – l’église des Prêcheurs d’Aix est un exemple d’église gothique entièrement restructurée et rhabillée intérieurement en 1690 (Boyer, 1974 ; Gloton, 1980). La cathédrale romane de Toulon est devenue la première travée d’un nouvel édifice, construit perpendiculairement à elle, qui englobe également deux chapelles préexistantes du groupe épiscopal. Cependant, la Haute-Provence marque un décrochement par un gothique d’arrière-saison ou des réminiscences romanes rustiques (portails à voussures de la vallée de l’Ubaye).

Intérieur de l’église des Prêcheurs d’Aix
Dans la dernière décennie du xviie siècle, les prêcheurs (dominicains) d’Aix ont fait transformer par Jean et Laurent Vallon leur vaste église gothique en un édifice baroque d’une grande richesse décorative que prolonge la perspective en trompe-l’œil peinte au fond de l’abside, exceptionnellement conservée.
43L’église de la réforme catholique, établie selon le modèle du Gesú de Rome, est d’abord introduite à Aix, Marseille ou Arles par les couvents des ordres mendiants réformés. Les façades appareillées sont marquées par la superposition des ordres ; l’inférieur court sur toute la largeur de l’édifice, scandé de pilastres encadrant la porte centrale, parfois de niches à statues ; le second ordre ne règne que sur la nef centrale mais se raccorde au premier par de larges ailerons ; sa façade est percée d’une grande fenêtre et s’achève par un vaste fronton, qui cache le pignon de la toiture. À l’intérieur, un vaste vaisseau aux travées scandées par des pilastres couronnés d’un entablement et d’une large corniche, bien éclairé par des fenêtres hautes. De part et autre de cette nef, les chapelles latérales tendent à perdre leur autonomie pour former un bas côté facilitant les circulations. Une coupole peut couvrir le chœur. Dans les couvents masculins, les stalles des religieux sont souvent placées contre les murs du chevet et encadrent le maître-autel – ce dernier est dès lors très visible des fidèles depuis la nef. Mais des chœurs fermés occupant la partie supérieure de la nef existent dans certains édifices médiévaux dépendant de chapitres canoniaux ou de religieux. Celui des dominicains de Saint-Maximin, qui subsiste, a ainsi été refait à la fin du xviie siècle avec, il est vrai, une clôture de chœur assez largement ouverte sur la nef par une claire-voie. Dans les couvents féminins ou chez les capucins, le chœur des religieux est une salle située dans le prolongement du chœur liturgique ou sur un de ses côtés, communiquant avec ce dernier par une ouverture.
44Les chapelles confraternelles des pénitents et des congrégations oratoriennes et jésuites avaient en général un vaisseau rectangulaire bordé par les banques (stalles) et parfois prolongé d’un chœur. Leur grande discrétion extérieure contrastait avec la richesse foisonnante du décor intérieur, sur le modèle des scuole italiennes. Celle des pénitents de l’Annonciade à Martigues est quasiment la seule à conserver ses boiseries et peintures baroques de la décennie 1670 (F. Valette et V. Ripoll, Prov. hist., 1997 : 187).
45La chapelle de l’hôpital général de la Charité de Marseille, construite entre 1679 et 1707 par P. Puget, fait figure d’exception dans l’espace régional par sa coupole ovoïde de surcroît appareillée. La complexité de son plan centré et les annexes cloisonnées qui entourent sur deux niveaux son espace central reflètent la volonté d’isoler les recteurs, échevins et bienfaiteurs et les diverses catégories de pensionnaires, qui devaient assister aux cérémonies sans se mêler (J.-J. Gloton et J.-M. Sanchez, Marseille, no 177, 1996).
46La volonté de manifester, par sa majesté et son élévation, que l’église est la demeure du Dieu présent dans l’Eucharistie ainsi que le sanctuaire des reliques des saints a conduit à la construction d’églises qui peuvent paraître aujourd’hui surdimensionnées : les Chartreux de Marseille, par Dom Jean-Baptiste Berger, Lorgues, par Thomas Veyrier puis Joseph Pomet, Roquevaire par Laurent Vallon et Saint-Ferréol de Marseille peut-être par un membre de la famille parisienne Bruand, rasée en 1794. Le décor, parfois surabondant, joue un rôle qui n’est jamais gratuit : ainsi le plus bel autel doit être le maître-autel, et la partie la plus décorée de l’église, le chœur liturgique. Dans les chapelles latérales, les autels ont été progressivement hiérarchisés en fonction des dévotions auxquelles ils sont voués. Les saints locaux à l’historicité douteuse sont relégués près de la porte, le Christ, la Vierge et les grands saints sont établis au plus près du chœur et dans le chœur. (Frœschlé-Chopard, 1981). L’art baroque s’épanouit jusque dans les modestes sanctuaires villageois à travers les boiseries sculptées des retables aux colonnes torses, aux frontons brisés et aux ailerons en volutes, ornés de têtes d’angelots – moins exubérants et moins chargés cependant que ceux de la Savoie rurale (Baudat, 2008). Et aussi dans les nombreux bustes reliquaires en bois doré et polychromé (Sanchez, 2009). En revanche, les statues et les bustes en argent urbains ont souvent été fondus pendant la Révolution. Les chaires à prêcher ont pu être des œuvres majeures d’ébénisterie et de sculpture – c’est le cas de celle de Saint-Maximin. La diffusion des orgues est manifeste dans la Provence urbaine du xviie siècle (C. Lubin-Colombi, L’Orgue, nos 247-248, 1998 ; J.-R. Cain et R. Martin, Marseille, L’orgue dans la ville, Parenthèses, 2004 ; Sanchez, 2005). Après les guerres de Religion, les orgues gagnent en ampleur et reprennent leur diffusion dans les églises paroissiales et conventuelles des villes et parfois des gros bourgs.

Chapelle de l’hôpital de la Charité à Marseille. Si Puget emprunte à G. L. Bernini le plan centré à coupole elliptique, les puissants contreforts et les fortes corniches de l’église Saint-André du Quirinal de Rome, l’artiste marseillais choisit de placer l’entrée de l’église et l’autel dans l’axe long de l’ellipse, à la différence du Bernin, et il crée un dôme ovoïde en pierre appareillée, qui va donner à la Charité sa silhouette caractéristique.
Peintres et sculpteurs
47Dans cette région située sur la route européenne du « Grand tour » en direction de la péninsule, les commandes artistiques traduisent une large inspiration italienne – la plupart des artistes actifs à Aix, qui pour 45 % sont étrangers à la Provence, ont pour les meilleurs fait le voyage d’Italie et ont été formés à Rome ou à Venise (Boyer, 1971). Une partie de la statuaire de marbre est importée de Gênes, comme l’a montré F. Fabbri (Prov. hist., 2001 : 203 et 2003 : 213). L’Arlésien Trophime Bigot (1579-1650) semble avoir passé les années 1620-1634 à Rome sous le surnom de Truphemondi, où il a pu peindre des « nuits » caravagesques qui l’identifieraient au « maître à la chandelle » dont les historiens d’art ont reconstitué l’œuvre hypothétique. De retour en Provence en 1635, il réalise des toiles d’où le caravagisme paraît exclu, qui ont fait un temps croire à l’existence d’un fils homonyme, jusqu’aux recherches d’archives de J. Boyer – c’était oublier qu’un artiste dépend alors du goût et des exigences de ses commanditaires. Plus tard, le Marseillais Pierre Puget (1620-1694), le grand artiste provençal du temps, étudie en Italie entre 1638 et 1643 auprès de Pierre de Cortone, connaît un séjour très créatif à Gênes entre 1661 et 1668 et réalise ses œuvres sculptées les plus remarquables pour Versailles, autre preuve des limites du marché provençal et de ses commandes publiques ou privées (Gloton, 1985, Pierre Puget peintre, sculpteur, architecte, cat. d’exposition, Marseille, Vieille Charité, 1994-1995). Néanmoins, la Provence rhodanienne et maritime du xviie siècle forme, attire et parfois retient des artistes de qualité : les Flamands Louis Finson[ius] (av. 1578-1617), Jean Daret (1613 ou 1615-1668), Abraham-Louis Van Loo (1653 ?-1712), le Catalan Michel Serre (1658-1733, Homet, 1987), le Nîmois Reynaud Levieux (1613-1699) qui mourra à Rome après y avoir passé la moitié de son existence (H. Wytenhove, Édisud, 1990), le Champenois Nicolas Mignard (1606-1668, frère de Pierre Mignard), le Napolitain Barthélemy Chasse (1659-1720), et bien d’autres, encore mal connus. Natifs de Provence ou de ses confins sont les frères Daniel (1649-apr. 1728 et 1656-1720), Laurent Fauchier (1643-1672), Jean-Baptiste de Faudran (1611-1669), Gilles Garcin (1647-1702), Jean-Baptiste Van Loo, fils d’Abraham-Louis (1684-1745), et les premiers représentants de la dynastie des Parrocel. Ils ont orné églises, hôtels et châteaux d’œuvres peu à peu répertoriées et étudiées (Boyer, 1971 ; Wytenhove, 1976 – désormais périmé pour Bigot).
48En revanche, la sculpture a davantage souffert des destructions révolutionnaires. Un de ses aspects les plus significatifs, la décoration des galères, ne peut plus guère être évoqué que par quelques fragments dans les musées de Toulon et Paris. Outre P. Puget, doivent être citées les œuvres de Christophe Veyrier (1637-1689) et, plus tard, celles d’Antoine Duparc (1675-1755), tous deux membres les plus connus de dynasties de sculpteurs. L’ébénisterie est dominée par Bernard Turreau, dit Toro (1672-1731), qui travailla à l’arsenal de Toulon.
49Parmi les arts appliqués, la fabrication des faïences de Moustiers-Sainte-Marie et de Saint-Jean-du-désert (terroir de Marseille) a commencé dans la décennie 1670 sous l’impulsion des frères Clérissy. Ces deux centres produisent alors des pièces, souvent de grande taille, de « grand feu » (le décor est cuit en même temps que l’émail, s’incorporant à lui). Marseille a eu les excellents ateliers de ferronnerie d’art des Gautier, Colson puis Fortis, dont quelques œuvres ont survécu (G. Reynaud, Comité du Vieux Marseille, 1997).

Aix, décor de la cage d’escalier de l’hôtel de Châteaurenard par Jean Daret, 1654. Le seul décor en trompe-l’œil qui subsiste intact de cet artiste d’origine flamande, formé en Italie, dont l’œuvre fut considérable. Le jeune Louis XIV fut enthousiasmé par une telle réalisation lors de son passage à Aix en 1660.

Toulon, atlantes du portail de l’hôtel de ville, 1656-1657. Inspiré peut-être par des trompe-l’œil romains, P. Puget métamorphose la figure de l’atlante en représentant avec réalisme dynamique et précision anatomique les corps de portefaix ployés sous la charge, aux limites de l’effort. C. Baudelaire le louera d’avoir su « ramasser la beauté des goujats ».

Louis Finsonius, La résurrection du Christ, 1610. Tableau peut-être peint en Italie par ce natif de Bruges qui va faire carrière en Provence. Un des très rares disciples qu’ait eus de son vivant le Caravage, Finsonius en reprend, non sans maladresse, le clair-obscur, le réalisme tragique et les raccourcis brutaux. Aix, église Saint-Jean-de-Malte.

Reynaud Levieux, La Vision de saint Bruno. La redécouverte de ce protestant converti sans doute par les chartreux qui achèvera sa vie dans leur sillage à Rome et la reconstitution de son œuvre constituent une avancée majeure de la recherche au cours de la dernière génération. Le visage ascétique et extasié du fondateur de la chartreuse figure parmi les représentations majeures du saint peintes au xviie siècle. Aix, église Saint-Jean-de-Malte.

Pierre Puget, Le bienheureux Félix de Cantalice recevant l’Enfant Jésus des mains de la Vierge, vers 1650. De retour de Rome où il a travaillé dans l’atelier de Pierre de Cortone, Puget traduit toute la modestie de ce frère convers capucin qui est alors le premier membre béatifié de son ordre (il sera canonisé en 1712), symbole de la sainteté accessible aux humbles. Cathédrale Sainte-Marie de Toulon.
Écrivains, savants, musiciens
50Les villes abritent de petits groupes d’écrivains, antiquaires et savants, dont les œuvres ne nous sont pas toujours parvenues et n’ont parfois pas atteint l’impression, qu’ils y soient nés et y vivent comme l’Arlésien François Rebatu (1588-1662), « poète et magistrat parfait », découvert par I. Luciani (Prov. hist., 2003 : 211), ou Joseph-François de Remerville d’Apt, historien de sa ville, ou encore le notaire collectionneur Boniface Borrilly (Dolan, 1988) et P.-A. de Rascas-Bagarris à Aix. Une création occitane très minoritaire persiste avec les poètes C. Brueys et G. Zerbin, J. de Cabanes d’Aix (Gardy, 1986), et surtout les noëls du Comtadin Nicolas Saboly (1614-1675), un des auteurs les plus populaires aujourd’hui encore.
51Parmi les nombreux écrivains religieux que connaît alors la Provence, bornons-nous à trois exemples très différents. Louis Thomassin, de l’Oratoire (1619-1695), auteur de l’Ancienne et nouvelle discipline de l’Église (1678), fut un des principaux théologiens de son temps, François Malaval (1627-1719), « le saint aveugle de Marseille », a dicté La belle ténèbre. Pratique facile pour élever l’âme à la contemplation (1664), œuvre spirituelle qui fut mise à l’index en 1688 lors de la crise du quiétisme (J. Deprun, Marseille, 1980 : 122). L’obscur Laurent Durand (1629-1708), prêtre habitué ciotaden, est l’auteur du plus grand succès d’édition provençal du temps, le recueil des Cantiques de l’âme dévote, dit « Cantiques de Marseille », qui fut constamment réimprimé du règne de Louis XIV à celui de Napoléon III. Les marins le diffusèrent dans le Ponant – les ethnologues du xixe siècle en recueillirent des versions en breton – et il eut des éditions canadiennes (R. Bertrand, dans J. Quéniard, dir., Le chant, acteur de l’histoire, PUR, 1999).
52Parmi les savants, on doit citer avant tout le conseiller au parlement Nicolas-Claude Fabri de Peiresc (1580-1637), collectionneur et érudit à la curiosité universelle. G. Pichard a par exemple montré la qualité de ses observations météorologiques. Il sut entretenir depuis la Provence une correspondance nourrie avec la République des Lettres et joua un rôle important dans la vie artistique aixoise, s’attachant le jeune architecte Jean Lombard, confiant la restauration de ses antiques au sculpteur Pierre Pavillon, de retour de Rome, faisant venir Finsonius des Flandres, accueillant Van Dyck et Rubens à leur passage sur le chemin de l’Italie. « Jamais peut-être Aix n’aura joué aussi pleinement son rôle de relais et de lieu de rencontres artistiques » (J.-J. Gloton). Sous son influence, l’autre savant illustre du xviie siècle provençal, le chanoine de Digne Pierre Gassendi (1592-1655), devint astronome. Nommé professeur de mathématiques au collège royal (aujourd’hui Collège de France), Gassendi y enseigna surtout cette science. Il fut le premier à observer le passage de Mercure dans le disque solaire, mais il est passé à la postérité essentiellement pour son œuvre de philosophe et sa relecture chrétienne de l’épicurisme.
53L’astronomie et la botanique sont les deux spécialités dans lesquelles des Provençaux acquièrent alors une réputation, constituent des équipes et font des disciples. Parmi les mathématiciens astronomes de la compagnie de Jésus, citons les P. Antoine Laval (1664-1728) et Esprit Pézenas (1692-1776). L’ordre des Minimes, qui est alors à son apogée, a fourni en particulier les P. Charles Plumier (1646-1704) et Louis Feuillée (1660-1732), grands voyageurs aux Amériques, dont ils ont étudié la flore – le second fut aussi astronome. L’Aixois Joseph Pitton de Tournefort (1656-1708) herborisa à travers l’Europe et fut professeur de botanique au Jardin des plantes de Paris (Homet, 1982 et Les botanistes à Marseille et en Provence, Marseille, impr. Cholet, 1982).
54Les professeurs de l’université d’Aix semblent très en retrait de ces chercheurs aux correspondants internationaux. Ils brillent surtout en Droit. Charles Annibal Fabrot (1580-1659) a traduit les Basiliques du grec en latin ; le primicier de l’université Scipion Dupérier (1588-1667) fut surnommé « le Papinien moderne ». Les professeurs de médecine portent attention aux ressources thérapeutiques de la région, en particulier les bains thermaux d’Aix, Digne et Gréoux. Pour prendre l’exemple de la dernière ville, Jacques Fontaine publie en 1619 le premier ouvrage médical consacré à ses bains. Aucun exemplaire n’en a été retrouvé, mais son titre précise qu’il renfermait la première tentative d’analyse des eaux. Un de ses successeurs, Jean des Combes, donne ensuite en 1645 une Hydrologie des bains de Gréoux de 420 pages. En 1714-1715, Pierre-Joseph Garidel (1659-1737) publie à Aix la première flore provençale.
55Les xviie et xviiie siècles sont marqués par le développement des académies, corps privilégiés établis par lettres patentes. Sur les trente-deux villes provinciales qui en furent dotées, deux seulement furent provençales. L’Académie royale d’Arles fut la première à être reconnue par le roi en 1668-1669 ; elle aurait préexisté sous forme d’une société de beaux esprits créée vers 1659 sinon en 1622. Bastion du purisme francophone dans les belles-lettres, ses activités semblent se tarir après 1700 (D. Plaisance, Prov. hist., 1994 : 175, et I. Luciani, dans Rouquette, dir., Arles, 2005). Celle de Marseille sera fondée par quelques notables ayant formé une société littéraire qui se serait réunie dans le terroir pendant la peste. Le gouverneur, le maréchal Claude-Louis-Hector de Villars, la prit sous sa protection et lui obtint en 1726 les lettres patentes. Sa double vocation fut reconnue en 1766 lorsqu’elle fut autorisée à prendre le titre d’Académie des belles-lettres, sciences et arts (il s’agit des arts appliqués, soit des techniques), ses trente membres se partageant à égalité entre littéraires et scientifiques. Elle élut pour membre associé en 1746 Voltaire – à la demande de ce dernier.
56La musique religieuse est dominée par la gloire de la maîtrise métropolitaine d’Aix sous la direction de Guillaume Poitevin (1646-1706), qui la tint trente-cinq ans au total. Deux de ses élèves ont atteint la célébrité. Jean Gilles (1668-1705), maître de chapelle à Aix, Agde et Toulouse, est l’auteur d’un Requiem qui fut, après sa mort précoce, une des œuvres les plus jouées au Concert spirituel – organisation de concerts publics qui a existé à Paris de 1725 à 1791 – et qui fut choisi pour les funérailles de Rameau et de Louis XV. André Campra (1660-1744), maître de chapelle à Toulon, Arles, Toulouse, fit ensuite une grande carrière parisienne à Notre-Dame puis à la chapelle royale de Versailles et comme directeur de l’Opéra. Autant que par ses opéras-ballets (L’Europe galante, 1697) et ses motets, il est aujourd’hui présent par son Requiem, comme Gilles, chez les disquaires (J. Duron, dir., Campra, Mardaga, 2010). Citons aussi Laurent Belissen (1693-1762), formé à la maîtrise de Saint-Sauveur d’Aix, puis choriste de Saint-Trophime, maître de chapelle de l’abbaye Saint-Victor de Marseille et de la cathédrale de la Major, chef d’orchestre à partir de 1719 du Concert de Marseille (voir ci-après), qui a laissé des grands motets joués à Paris par le Concert spirituel. D’autres maîtrises ont existé dans les cathédrales (pour Arles, Signorile, 1993), les collégiales, voire des hôpitaux généraux – celle de la Charité de Marseille fut remarquée.
57Le chant et la musique profanes sont illustrés par les collèges des oratoriens de Marseille ou des jésuites d’Aix, avec leurs divertissements d’écoliers, leurs tragédies, comédies et ballets, dont les représentations eurent grand succès mais dont il ne reste en général pas une note. À Aix, la « musique dans la rue » des bandes de violons, de flûtes, de hautbois et des quatre « trompettes de ville » se manifeste pour les fêtes religieuses (en particulier la fête-Dieu), l’entrée de grands personnages – Louis XIII en 1622, Louis XIV en 1661 –, les réjouissances publiques pour les naissances de la famille royale ou les victoires, les fêtes des confréries de métier, et même les soutenances de thèse (Jeanselme, 1991). Les bandes de musiciens animent également les fêtes privées, ainsi les bals donnés par la noblesse aixoise au temps du carnaval. Les salons de la noblesse et de la bourgeoisie accueillent aussi les divertissements d’amateurs, dont les instruments transparaissent dans certains tableaux – les natures mortes de Meiffren Conte (vers 1630-1705) –, sur les gypseries des maisons de notables et dans les inventaires après-décès.
58Depuis le xvie siècle, sinon auparavant, des troupes itinérantes donnent des spectacles théâtraux. Elles bénéficient au xviie de la construction de vastes jeux de paume où elles jouent. À partir de 1660, le nouveau jeu de paume « royal » d’Aix accueille assez systématiquement des troupes de passage et la comédie y alterne avec l’opéra. Il est aménagé en théâtre au début du xviiie siècle, la salle étant reconstruite en 1757-1758. Mais la ville n’a pas vraiment de troupe permanente jusqu’en 1775. L’opéra est implanté à Marseille en 1685 par Pierre Gautier, né à La Ciotat vers 1642, qui a étudié le clavecin à Paris : il y a passé contrat avec J.-B. Lully qui détient le privilège des représentations d’opéras en France, pour en obtenir la première concession octroyée par Lully en « province ». Il loue à Marseille le jeu de paume de la rue Pavillon, dans la « ville nouvelle », y monte deux opéras qui sont son œuvre et d’autres de Lully. Il fait faillite dès 1688, mais revient à Marseille en 1693 après une tentative à Lyon. Il fait alors construire avec son frère une salle rue Saint-Ferréol. Gautier fera des tournées à travers les villes provençales et à Montpellier ; de retour de cette ville en décembre 1696, il meurt en mer dans une tempête, avec une partie de la troupe. Ses successeurs font faillite. En 1733, le marquis d’Éguilles fait construire à grands frais une nouvelle salle rue Vacon (Cheylan-Cambolin, 1972 et Marseille, 1996 : 176).
59Des associations musicales groupant professionnels et amateurs se forment. Une académie de musique est créée à Arles en 1715 ; elle disparaît avec la peste, une seconde y est fondée en 1729. À Marseille, le « Concert » est pareillement fondé en 1717 par des notables de la ville et reconnu par lettres patentes de 1728 ; il en est de même à Carpentras en 1719, à Avignon en 1722. À Aix, une académie de musique semblerait exister en 1719 au témoignage d’un voyageur. Puis un « concert » vers 1740 et, plus certainement entre 1756 et 1776, une académie, établie dans la salle du théâtre, à la différence des groupes précédents.
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