Robinson, ou l’art de se séparer
p. 59-70
Texte intégral
1Les « robinsonnades » sont par définition des fictions. Selon Marx, l’utilité principale de Robinson a été de permettre aux fondateurs de l’économie politique comme Adam Smith et Ricardo de naturaliser les activités humaines de production. Bergson a utilisé la figure de Robinson afin d’invalider l’idée qu’un homme puisse être pleinement homme dans la solitude, tandis que l’usage qu’en a fait Tournier a eu pour vocation de mettre en scène la déshumanisation progressive de quiconque est entièrement coupé de ses semblables. On propose dans cet article de doubler cet individu fictionnel victime de la solitude par un individu qui au contraire se défait volontairement des liens sociaux qui lui pèsent, se séparant de ceux qui l’aiment et refusant tout engagement. On voudrait montrer que Robinson, celui de Daniel Defoe, apparaît comme une figure à travers laquelle se réalisent, parfois avec bonheur, parfois dans la souffrance, le droit de se séparer et l’idée que l’individu se réalise autant en société qu’en dehors d’elle. Car si Robinson a inspiré la fiction de l’homme de la nature et la représentation du degré auquel « l’homme est utile à l’homme », il est également justifié de s’y référer pour examiner ce que gagne l’individu à se séparer de sa société.
L’individu, un idéal
2Que l’individu soit toujours une fiction, c’est ce qui est inclus dans l’idée même d’individualité humaine. Un individu ne devient tel que s’il est considéré comme tel alors qu’il ne l’est pas encore. Ce dernier n’est pas individualisé comme une pierre est un individu. Être un corps distinctif et séparé ne fait pas d’un homme un humain. L’événement fondateur de la subjectivation correspond au moment où l’individu parvient, d’après Winnicott, au « sentiment de sa propre existence1 ». Je propose d’appeler « individualité » l’individu doté de ce sentiment d’exister. À la naissance, un enfant en est dépourvu. Ce sont ses interactions avec son environnement qui le font naître. Mais à certaines conditions qui tiennent l’équilibre entre l’étouffement et l’abandon : Winnicott précise que l’environnement (la mère ou « ce qui en tient lieu ») doit répondre aux besoins de l’enfant afin de lui procurer en même temps la vie et la confiance, mais il ne doit pas pour autant encercler l’enfant de telle sorte que ses besoins seraient satisfaits avant même d’avoir été exprimés. L’individualité se développe aussi bien en fonction de la recherche d’un ajustement de la conduite aux réponses de l’entourage qu’en fonction des manquements de ce dernier, du moins quand ces manquements se produisent dans des proportions raisonnables. La brèche entre la demande et la réponse assure que la demande soit modérée et que le rythme des réponses soit équilibré. Un environnement est « suffisamment bon » quand il répond d’une manière raisonnablement différée aux besoins exprimés par l’enfant sous l’effet de l’épreuve d’un manque2.
3On peut tirer de cette évocation la remarque que l’individualité n’est pas donnée mais progressivement acquise. En outre, cette acquisition n’est pas nécessaire ; elle est contextuelle et contingente, souvent fragile et discontinue, si bien que la question des conditions environnementales de la formation des individualités humaines ne cesse jamais de se poser. Finalement il est utile de remarquer que la dépendance de l’individuation à l’égard de certaines conditions ne fait pas de la première le pur et simple produit des secondes. L’environnement n’est « assez bon » que s’il laisse libre cours aux activités constitutives de la conscience de soi, qui provient de ce sentiment d’exister ; il est convenable s’il aménage les lieux de l’exercice de la liberté comprise non comme une faculté innée mais comme la libération d’une puissance qui est inhérente au fait d’agir, d’entreprendre une action suivie de conséquences tangibles.
4La notion d’interaction, qui évite de réduire les conditions de l’individuation à des déterminations, désigne les processus de requalification réciproque entre un environnement et les individus qui en vivent. Winnicott est de fait clairement interactionniste : dans des termes proches de ceux qu’a utilisés George Herbert Mead3, il explique que les individus atteignent la « santé psychique » non seulement si leur entourage accède à leurs demandes vitales mais aussi s’ils prennent conscience des effets de leur demande sur la conduite de l’entourage et finalement, s’ils deviennent capables d’identifier les réactions de l’entourage à leur propre conduite. L’effectivité de l’action dépend de l’usage, qui plus est personnel, de ressources présentes dans l’environnement ; par exemple l’enfant ne parle que si quelqu’un lui apprend à parler, les ressources culturelles sont des conditions de l’individuation. Bref il y a interaction dans la mesure où l’environnement offre telle ou telle possibilité qui canalise les activités des individus et, réciproquement, dans la mesure où ces activités influent sur l’environnement de telle manière qu’il soit modifié de sorte à être mieux adapté aux besoins des individus, et que les individus qui y vivent puissent faire l’expérience concrète des effets de leurs activités sur leur environnement et y puisent un sentiment d’existence renouvelé.
5L’importance de l’environnement pour la formation des individualités humaines n’est pas une conviction récente. Elle se trouvait déjà chez Aristote selon qui la constitution des individualités est sociale, non au sens où une société confère aux individus qui s’y trouvent telle ou telle identité en fonction des besoins et rôles sociaux (ce qui était la lecture, discutable à ce titre, d’Alasdair Macintyre4) mais au sens où est véritablement humain l’individu qui s’engage dans une discussion sur les conditions du vivre ensemble avec ceux auxquels il est lié. Le logos, la délibération, la discussion, qui sont possibles grâce au fait que nous avons acquis des notions communes, ne sont pas du tout réservés à la sphère publique. Mais on les trouve aussi au niveau de la famille par exemple. Car, précise Aristote, une famille humaine n’est pas identique à une famille d’ours. Dans la famille également, la philia repose sur une communication vis-à-vis de laquelle chacun compte pour un. Le fait d’être relié, socialisé, est une chose. Le fait de valoriser les liens et d’en prendre soin en est une autre. Cela ne fait pas de nous des gens qui légitimons les choses comme elles sont, mais des « acteurs » qui par nos activités modifions le jeu de nos relations sociales.
6On pourrait multiplier les exemples en sociologie, philosophie, anthropologie pour attester la reconnaissance quasi universelle de l’individuation humaine comme fait social, mais il est vrai, contingent, fragile et conditionnel5. On peut citer également le cas des philosophes du droit naturel et du contrat social, sans doute Locke excepté (puisqu’il a pensé le gouvernement comme un dispositif destiné à mettre la société, déjà et toujours constituée, à l’abri de « quelques dégénérés6 »). On trouve en revanche clairement chez Hobbes, Spinoza ou Rousseau l’idée que l’homme dans l’état de nature est moins un homme qu’une bête brute. Le perfectionnement n’advient que par l’intermédiaire d’un partage et d’un échange ; ce dernier est chez Hobbes essentiellement linguistique alors que chez Rousseau il est en priorité émotionnel et esthétique, comme en témoigne sa célèbre époque des cabanes durant laquelle se forgent les premiers rapports entre les hommes par le développement des pratiques communes, notamment la vie commune sous un même toit et les fêtes7, qui attachent les hommes les uns aux autres par un lien d’affect8. En outre, ces deux auteurs présentent clairement l’état de nature comme une fiction dont l’utilité est de servir de concept opératoire « pour bien juger de notre état présent9 ».
7Ainsi, sous un certain angle, il est habituel de penser l’individu non comme une origine, mais comme le résultat de relations sociales « suffisamment bonnes ». Rousseau et Hobbes ne situent pas la guerre de tous contre tous au même stade de l’histoire, mais ils ont en commun de décrire cet état comme antagoniste par rapport au perfectionnement humain et même par rapport à l’accès à la condition spécifiquement humaine. De ce point de vue, leur individualisme n’est pas véritablement destiné à plaider en faveur de l’individu nu, de l’autonomie, de la liberté et de l’égalité naturelles, de la rationalité et de l’accès à la majorité. En revanche, il apparaît négativement comme une critique des fonctionnements politiques et sociétaux qui sont prédateurs pour l’individualité, qui au lieu de procurer aux individus les conditions de leur croissance, les confinent au contraire, Rousseau s’en plaint sans cesse, dans un état de débilité, d’infantilisme et de dépendance10. Et positivement, on peut considérer l’individu comme une fiction établissant normativement l’idéal d’un individu pleinement accompli parce qu’il jouirait des conditions sociales les meilleures. Ces deux aspects, positifs et négatifs, sont articulés. Par exemple, l’individu pleinement indépendant que contemple Rousseau et dont il fait un modèle vient en opposition par rapport aux inégalités économiques et politiques justifiées par des différences de statut et de nature. Selon Kant, l’individu autonome dont la volonté serait inconditionnée, qui serait capable de se tenir à distance de ses attributs et de choisir ceux qu’il préfère, est également un modèle venant heurter brutalement les institutions destinées à placer une masse de gens sous tutelle intellectuelle, politique ou économique. La majorité chez Kant est entre le réel et le virtuel. Les concepts mobilisés pour fonder l’individualisme classique sont plus normatifs que descriptifs.
8Ce qui importe est donc d’évaluer l’ossature idéologique du modèle en faveur duquel est bâtie telle ou telle fiction des origines. Dewey a ainsi remarqué que la portée critique et même révolutionnaire de l’individualisme classique a été avérée. Elle a effectivement débouché sur la libération du commerce, de l’industrie et de la finance à l’égard de la tutelle féodale. Mais, les circonstances changeant, ce qui était au départ un instrument de liberté s’est retourné en instrument de domination. Le principe de non-interférence de l’État dans les affaires dites privées étant devenu un principe d’irresponsabilité. L’individu « nu » a donc perdu sa charge critique et est devenu un outil de légitimation d’une organisation désormais inique. Dans son texte intitulé Individualism, Old and New11, Dewey affirme la valeur non négociable de l’individualité et s’interroge sur les conditions de « la libération de l’individualité », c’est-à-dire sur les conditions de la participation des individus à la conduite des affaires, publiques ou privées, qui les touchent. Or, si l’individualisme ancien s’est appuyé sur le projet de supprimer le maximum d’obstacles en faveur d’une liberté définie négativement – c’est l’idée de liberté négative12 –, l’individualisme nouveau ne pourrait émerger que par l’intermédiaire d’une réflexion sur le rôle que peuvent jouer les institutions pour supprimer les handicaps et redistribuer plus justement les opportunités d’individuation. Selon Dewey, tel est l’office des institutions spécifiquement démocratiques.
Robinson, un sujet séparé
9De là nous pouvons en revenir à Robinson et aux robinsonnades : dans le texte de Defoe, la situation d’isolement que Robinson commence par subir en raison de son naufrage sur une île déserte est finalement l’objet d’une élection. À certains égards, Robinson est en effet moins un être condamné fortuitement à la solitude qu’un personnage qui n’a de cesse de se séparer des autres et qui trouve dans la solitude un certain apaisement. Le naufrage, coup du sort, est aussi la réalisation providentielle de sa nature. Il ne cesse de l’affirmer : ce qui lui arrive est juste et correspond à son caractère ; la solitude est la vie qu’il désire et préfère à toute autre :
Combien il a été juste, dis-je, que cette vie réellement solitaire, dans une île réellement déserte, et dont je m’étais plaint, devint mon lot ; moi qui l’avais si souvent injustement comparée avec la vie que je menais alors, qui, si j’avais persévéré, m’eût en toute probabilité conduit à une grande prospérité et à une grande richesse13.
10L’isolement auquel il est « condamné » est à certains égards moins un châtiment auquel se soumettre docilement qu’une récompense appropriée :
J’adressai à Dieu d’humbles et sincères actions de grâces de ce qu’il lui avait plu de me découvrir que même, dans cette solitude, je pouvais être plus heureux que je ne l’eusse été au sein de la société et de tous les plaisirs du monde14.
11Il affirme également au bout de deux ans passés sur l’île :
Ce fut alors que je commençai à sentir profondément combien la vie que je menais, même avec toutes ses circonstances pénibles, était plus heureuse que la maudite et détestable vie que j’avais faite durant toute la portion écoulée de mes jours15.
12De fait, Robinson peut apparaître comme le chantre de cet autre versant du libéralisme politique qui consiste en le droit de se séparer, de se dissocier, de défaire librement les liens préalablement contractés ou de quitter les groupes dont on est membre. Plus précisément, Robinson incarne deux figures de la séparation qui sont constitutives d’un état libéral et qui se trouvent au point de départ de la théorisation dont le libéralisme a fait l’objet. La première est celle de la défiance et la seconde, celle de la dissociation volontaire – correctif nécessaire de la libre association volontaire, et pas moins importante qu’elle.
La figure de la défiance
13Cette figure de la défiance tout d’abord se rencontre à deux niveaux. Le premier est celui où s’effectue le passage de l’état de nature à la société civile en conséquence de la « guerre de tous contre tous ». Selon Hobbes, cet état rend nécessaire un échange de promesses mutuelles. Quant au second niveau, il désigne l’ensemble des activités « privées » : en effet, il est inhérent à l’État libéral que la lutte des puissances d’agir individuelles, une fois prohibée dans le domaine public, se transporte dans le domaine privé. D’après les textes de Hobbes, la société privée est un état de nature du moment que le contrat social minimum incluant les échanges de promesses et le renoncement à la violence est respecté. Ainsi, le commencement des sociétés civiles fondées sur le droit individuel et le devoir mutuel se heurte à quelque chose qui pourrait les dissoudre : sous l’égide de l’égalité se trouve la sphère des activités compétitives, rationnelles et entrepreneuriales, réputées privées, dont le développement anarchique pourrait sonner le glas de la société libérale, comme l’en ont averti plus tard Marx et Tocqueville16.
14Sous cet angle, Robinson est bien moins un personnage qui retourne à l’état de nature, qu’un individu pour qui l’état de nature a persisté et qui a grandi dans une société de ce type. Il représente cette forme de méfiance désocialisante qui un siècle plus tard sera identifiée dans les termes de l’individualisme.
15À bien des égards, Robinson ressemble à l’homme que dépeint Hobbes dans l’état de nature. Il vit en effet dans la terreur. Cette dernière détermine la plus grosse part de ses activités ; tout ce qu’il entreprend est destiné à sa sécurité. Sans cesse, en priorité par rapport au soin qu’il apporte à sa subsistance, il construit, reconstruit, augmente et révise un système de fortification complexe qui s’avère parfaitement inutile, tant l’île est paisible. De fait, si Robinson évoque l’homme de nature hobbesien, l’île quant à elle sur laquelle il passe au total vingt-huit ans correspondrait assez bien à la nature vaste et généreuse que Rousseau a décrite dans son Discours sur l’origine de l’inégalité. On y trouve des cédrats, des raisins, une sorte de maïs, des chèvres, des sortes de chat, des perroquets capables d’apprendre à parler. Il n’y réside aucune bête féroce, aucun sauvage sanguinaire sinon quelques cannibales qui ne font que passer et dont il est facile de se cacher, aucune tempête sérieuse ni cataclysme, aucun antagonisme et fort peu d’adversité. Pour cette raison, il semble que Robinson soit un personnage qui incarne cette pathologie de la défiance que Tocqueville a clairement analysée à travers la question de l’individualisme, dont l’origine est sociale, et non naturelle. Dans la mesure où l’île ne recèle aucun danger, ce qu’apporte Robinson dans sa nouvelle résidence est une terreur sociale dont il ne parvient jamais à se départir.
16Tocqueville a établi une distinction utile entre l’individualisme et l’égoïsme, « un amour passionné et exagéré de soi-même, qui porte l’homme à ne rien rapporter qu’à lui seul et à se préférer à tout. » ; tandis que « l’individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi créé une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même17. » Alors qu’il y a eu toujours et partout de l’égoïsme, l’individualisme advient, sous l’effet de la « passion de l’égalité », avec les sociétés démocratiques. Chacun devient un centre pour lui-même et tend à se séparer de quiconque, risquant de s’enfermer « enfin tout entier dans la solitude de son propre cœur ».
17Alors que l’égoïsme différencie, l’individualisme uniformise. La peur des autres et la compétition en dictent le développement. L’égalité est une relation d’identité. Contrairement aux sociétés aristocratiques, chacun apparaît à l’autre comme son « semblable », ayant les mêmes désirs, les mêmes buts et, approximativement, les mêmes forces. La seule utilité de l’association avec les autres est quantitative et, par conséquent, agrégative. Si la société n’est pas utile au développement des goûts et de l’esprit, alors elle ne peut apparaître à l’individu que comme un réservoir de biens à utiliser, de ressources dans lesquelles puiser, de moyens au service de ses propres fins qu’il croit avoir forgées de lui-même. Dans un même mouvement, plus les individus affirment la validité de leurs fins, plus ils s’isolent des autres, et plus leurs fins s’uniformisent en effet. La compétition est la situation qui se trouve à la fois au commencement de la société et à sa fin, au sens terminal du terme, car elle la dissout. Faute d’une socialisation correcte, les individus, privés du commerce avec les autres, voient leurs facultés s’amenuiser, leur esprit s’appauvrir, leurs inclinations se rapprocher de plus en plus d’une sorte de norme biologique, qui est partout la même.
18Robinson quant à lui n’est pas l’être primitif plein de naïveté et de confiance que dépeint Rousseau, mais il représente à l’inverse un être empli d’une civilisation qui lui dicte la défiance et dont il ne parvient pas à s’émanciper, étant incapable de la questionner malgré les kilomètres et finalement les lustres qui l’en séparent. Il reste la créature de sa civilisation, il en partage les préjugés, son dogmatisme et ses croyances. Robinson est un personnage sans altérité, sans dehors. Sa relation au monde extérieur est une relation de domination. Il n’a de cesse de museler, de neutraliser, d’administrer et de réduire tout ce qu’il rencontre, à commencer par l’île elle-même, puis les animaux qu’il domestique, et finalement Vendredi dont il fait son esclave. Les premiers mots qu’il lui enseigne sont « maître », « oui » et « non ». Il oublie le biquet qu’il a capturé et le retrouve presque mort de faim. « Pauvre Robin, où êtes-vous18 ? » est la seule phrase qu’il enseigne à son perroquet. Il appelle le petit groupe d’animaux, chats, chien, perroquet, chèvres, qui vivent chez lui sa « cour ». Quand il découvre une trace de pied qui n’est pas le sien, il est envahi par la peur, non par l’espoir19 et construit alors une fortification supplémentaire autour de sa plantation. Le seul homme dont il rêve est venu pour le tuer ; ses sentiments moraux sont atrophiés : « Quand je fus délivré et recueilli en mer par le capitaine portugais, raconte-t-il, qui en usa si bien avec moi et me traita avec tant d’équité et de bienveillance, je n’eus pas le moindre sentiment de gratitude20. ». Avant son naufrage, il décide de se séparer d’un jeune garçon nommé Zury qu’il vend en esclavage à un marchand et regrette ensuite.
19Robinson annonce donc l’individualiste décrit par Tocqueville. Il est incapable de relations avec les autres non parce qu’il est seul, mais parce qu’il est coupé de ses semblables, enfermé dans « le cercle étroit » de ses pensées et sentiments, dont il ne parvient pas à sortir. La preuve en est qu’à aucun moment, il ne change. Malgré ses aventures inédites, son personnage est constant du début à la fin du récit. Le processus de déshumanisation qu’imagine Michel Tournier ne se réalise en aucune manière. Quand ses sauveurs arrivent enfin dans l’île, il communique avec eux comme s’il avait conversé régulièrement durant toutes ces années ; il n’est pas moins sociable qu’au départ. Seuls ses vêtements et sa tignasse témoignent de sa condition. Il demeure égal à lui-même, c’est-à-dire un individu plein de défiance qui se protège en se coupant des autres, en s’en dissociant et en développant des activités pour lesquelles il n’a besoin de l’aide de personne.
La figure de la dissociation volontaire
20Robinson illustre en outre un autre type de séparation, la dissociation volontaire. Cette dernière constitue également un trait dominant des démocraties libérales, trait contre lequel, comme l’a montré Michael Walzer, il n’existe pas de remède libéral, mais seulement illibéral. Commençons par quelques repérages de cette figure dans le roman de Defoe. Dès le début, bien que ses sentiments et ses intérêts s’y opposent, Robinson est poussé par une sorte d’instinct au voyage, par un désir irrépressible de partir. Sa biographie exprime dès les premières pages sa marginalité : « Troisième fils de la famille, et n’ayant appris aucun métier, ma tête commença de bonne heure à se remplir de pensées vagabondes21. » Il désobéit à son père qui voulait en faire un avocat et s’enfuit un an plus tard sans prévenir personne :
Mon seul désir était d’aller sur mer, et cette inclination m’entraînait si résolument contre sa volonté et ses ordres, et malgré même toutes les prières et les sollicitations de ma mère et de mes parents, qu’il semblait qu’il y eût une fatalité dans cette propension naturelle vers un avenir de misère22.
21Il a conscience d’avoir violé ses devoirs envers Dieu et ses parents ; il étouffe ses remords dans l’alcool et y dilue aussi sa résolution de rentrer, détruisant sciemment toute son architecture morale. Sa rupture est familiale, religieuse, morale et sociale. Au fond de son attitude se trouve le refus de la « condition moyenne » que son père souhaitait le voir embrasser parce qu’il avait pour idéal une certaine idée du bonheur qu’il assimilait à l’absence d’excès, à une certaine modestie, à l’équilibre entre les besoins et les moyens de les satisfaire, bref à une vie rationnelle et raisonnable fondée sur l’intérêt bien compris dont les Lumières ont fait leur idéal. Or Robinson ne partage pas émotionnellement cet idéal ; il le comprend mais n’y adhère pas : « bien que souvent ma raison et mon bon jugement me criassent de revenir à la maison, je n’avais pas la force de le faire23. » Ce motif du tiraillement entre l’attachement et la rupture est récurrent ; Robinson redoute les périls inhérents au voyage mais ne peut résister au désir de fuir, ou de repartir : « Mais j’étais entraîné, et j’obéis aveuglément à ce que me dictait mon goût plutôt que ma raison24. » Il est notable que dans le récit de Defoe, il se sépare aussi aisément de son île quand le moment est venu de la quitter, que de n’importe quel autre lieu ou personne qu’il a rencontrés. Après l’avoir en quelque sorte léguée à ses prisonniers, assortie d’un mode d’emploi, il la quitte sans aucun regret.
22Ainsi, Robinson est un personnage dont la solitude pour cause de défiance rejoint la solitude pour cause de dissociation, ces deux solitudes se rejoignant fortuitement du fait du naufrage qui représente la providence et lui assure finalement un sort à certains égards préférable à celui qu’il aurait eu s’il était resté à la maison.
L’art de se séparer : Michael Walzer
23La solitude issue de la séparation n’est pas à l’égard de nos sociétés modernes un accident. Elle dérive de l’exercice d’un droit constitutif du libéralisme, le droit de se séparer. Sous la forme de la « désobéissance civile », ce droit a été considéré comme « naturel » dès les premières formulations du contractualisme : l’association politique n’est pertinente et légitime que si les avantages qu’elle apporte aux particuliers sont plus grands que les sacrifices qu’ils consentent.
24Outre cette situation extrême où l’État a failli à tous ses devoirs envers les citoyens, où il ne leur assure ni paix, ni subsistance, ni confort ni agrément, il existe une situation intermédiaire dans laquelle se pratiquent l’association et, en même temps, la dissociation volontaire. En accordant des droits aux seuls individus, et non à des entités collectives, l’État libéral leur garantit la liberté de contracter les liens qu’ils jugent utiles et de se défaire de ceux qui les encombrent. L’association, écrivait Tocqueville, est le laboratoire de la démocratie : la forme d’union sur laquelle débouche « l’art » de s’associer assure aussi bien, contre l’individualisme, la participation des individus aux groupes dont ils deviennent membres que, contre une forme ou une autre d’union coercitive, le développement d’une sociabilité énergique. L’association forme la base la plus solide des démocraties modernes25.
25Toutefois, l’union sociale constituée par le libre engagement d’individus les uns à l’égard des autres ne peut perdurer que si l’individu satisfait le groupe et si le groupe satisfait les individus qui le constituent. Si, à travers l’analyse des mécanismes d’exclusion des individus – mécanismes que par exemple Durkheim a appelés « invalidation sociale » et Robert Castel, « désaffiliation »26 –, le premier aspect nous est familier, les processus expliquant que les individus quittent volontairement leur groupe sont moins connus, de même que le droit à la séparation n’a jamais fait l’objet d’une proclamation. Par exemple, ce n’est qu’assez récemment que la Cour européenne des droits de l’homme a élaboré une jurisprudence, au sujet de questions d’affiliation syndicale au Danemark, reconnaissant un droit d’association négatif, la liberté de ne pas adhérer ou, si l’on a adhéré, de se retirer. L’arrêt de Grande Chambre correspondant a été rendu le 11 janvier 200627.
26Dans la mesure où les accords concernant la séparation des individus sont plus tacites qu’explicites, l’emphase portée par Michael Walzer sur le droit de séparation est d’une grande utilité. Ce dernier rappelle à diverses reprises que, si une société démocratique est fondée sur la participation active des individus aux groupes qui structurent leur existence, une société libérale repose quant à elle sur la pleine reconnaissance du « droit de se dissocier ». Une démocratie libérale se situe donc à la croisée entre l’association et la dissociation. Le « séparatisme libéral » est défini par l’intermédiaire de quatre types de « mobilité » – géographique, sociale, maritale et politique –, et présente les éléments fondateurs du libéralisme politique comme des outils destinés à garantir cette mobilité : « Le libéralisme est tout simplement l’approbation théorique et la justification de la mobilité des individus28. » C’est le cas de la théorie individualiste et de celle des droits naturels qui légitiment et protègent, contre tout empiétement social ou politique, le droit de se séparer. La liberté de croyance, la liberté de pensée et d’expression, la liberté d’étude et d’association, reposent uniformément sur le postulat de l’autonomie des individus concernant leurs affiliations : seuls les liens librement consentis sont légitimes. L’évolution des sociétés libérales est d’ailleurs allée vers une reconnaissance de plus en plus large du droit de se séparer.
27Le libéralisme politique est donc un « art de la séparation29 ». C’est au nom de l’individu qu’en effet les libéraux ont historiquement tracé une frontière entre l’individu et le groupe social, entre le privé et le public, entre la religion et la citoyenneté, entre le marché et l’État. Le gouvernement lui-même est voué à préserver le primat du droit à la séparation et à la mobilité. En se référant à John Dewey, à Randolph Bourne et à Horace Kallen, Walzer définit l’union démocratique libérale comme un dispositif tantôt très actif, tantôt plus discret, qui assure la protection des libertés individuelles de dissociation, de l’autonomie des associations les unes par rapport aux autres, et met un frein aux agissements liberticides de celles qui exigent de leurs membres une conduite contraire aux droits et aux lois, ou qui interdisent le développement d’autres associations.
28Ce point de vue était celui de Dewey qui n’était ni pluraliste (au sens où il aurait mis toutes les associations sur le même plan), ni libéral (au sens où il aurait admis que le gouvernement n’a pas à intervenir dans les activités qui sont traditionnellement reconnues comme privées), ni socialiste (au sens où il aurait préconisé la socialisation des moyens de production) ; sa position correspondait à ce qu’il a appelé plus tard un « libéralisme radical ». Par cette expression il signifiait qu’il était légitime d’utiliser tous les moyens possibles, y compris celui de la réglementation gouvernementale des activités industrielles et commerciales, pour restaurer les conditions de la liberté de tous quand cela est nécessaire30. Or, à l’inverse de la doctrine pluraliste, l’utilisation de la puissance publique pour assurer la liberté des individus est une position interdisant de concevoir que l’État ne soit qu’une association parmi d’autres. Il est une association dévolue à la protection des autres associations et, en dernière analyse, à la protection des individus qui s’associent. Il encourage les associations bénéfiques et, au contraire, fragilise, voire démantèle, celles qui lèsent les individus. Il n’est donc pas « neutre », au sens libéral du terme ; sa fonction est celle d’un chef d’orchestre plus que celle d’un arbitre.
29Cependant, la fonction d’un tel État ne se confond pas avec celle de l’État républicain. Il agit en faveur, non d’un bien national ou inclusif, mais du bien que représentent les réelles opportunités de s’associer librement et volontairement. Par conséquent, si une démocratie libérale est « communautarienne », ce n’est pas au sens où elle préconise la prééminence de l’intérêt général « substantiellement » défini, ou prend la défense des groupes constitués dont les individus seraient censés faire dériver leurs désirs, leurs projets et le sens de leur identité ; c’est au sens où elle prend parti en faveur des formes d’association qui encouragent les activités conformes aux droits individuels établis par la constitution – droits qui, pour les pragmatistes, comme le rappelle à juste titre Walzer, « sont bien moins la reconnaissance de ce que les individus ont ou sont par nature, que l’expression d’un espoir au sujet de ce qu’ils auront ou seront31. » À la fois interventionniste concernant la protection des droits et adepte du « laisser-faire » à l’égard de la vie des associations, cet État est nécessairement ouvert à la prolifération des biens, des intérêts, des visées ou des fins. Comme il est à la fois activement protecteur et largement tolérant, l’union qu’il forme ne peut être exclusive ; elle inclut d’autres unions, nationales ou locales, privées ou publiques, vastes ou petites, connues ou inconnues, sans chercher à les dissoudre, sans prendre toutefois le risque d’être débordée par les plus puissantes.
30L’organisation d’un tel État correspond aux recommandations que Jefferson faisait d’établir une « gradation de l’autorité », de la ferme (entreprise administrée par un gouvernement privé) à l’État fédéral. Cette organisation, qui n’a été réalisée qu’à moitié, aurait défendu les associations parfois indépendantes, parfois encastrées les unes dans les autres, dans la mesure où elles auraient été « fondées sur la loi constitutionnelle », précisait Jefferson32. Elle aurait alors formé une « République de républiques » (Jefferson33), une « union sociale d’unions sociales » (Rawls34), un « public de publics » (Dewey35) ou encore d’une « nation de nationalités » (Horace Kallen36).
31Dans un État libéral et démocratique (Walzer utilise le terme « social democracy »), il n’existe aucune limite aux possibilités de réviser ses engagements, de tenter de les renégocier, ou de se désengager : chacun peut se séparer de sa famille, de son groupe linguistique, de sa religion, de son parti politique, de l’opinion dominante, sans enfreindre aucune loi, sinon celles qui réglementent les modalités, comme dans le cas de l’employeur ou du couple marital, de la séparation elle-même. Il en va de la définition même des associations qui ne sont effectivement libres et volontaires que si la dissociation est à portée de main :
La meilleure manière de comprendre le libéralisme, c’est de le considérer comme une théorie des relations dont l’association volontaire est le centre et qui comprend le volontariat comme un droit de rompre ou de se retirer. Ce qui rend un mariage volontaire est la possibilité permanente du divorce. Ce qui rend une identité ou une affiliation volontaire est le fait que d’autres identités et affiliations sont aisément accessibles37.
32Une association est donc par principe une formation dont les institutions de base prévoient la séparation : « L’association est toujours risquée dans une société libérale. Les frontières des groupes ne sont pas policées ; les gens vont et viennent… c’est pourquoi le libéralisme est assailli par le phénomène du passager clandestin (free rider)38 ».
33Dans la mesure où le libéralisme s’accompagne d’une culture dans laquelle les individus sont fortement attachés à leurs droits de se séparer et ne supporteraient pas qu’ils soient rognés, le communautarisme ou quelque autre conception politique fondée sur la défense du collectif ou sur la critique de l’individualisme, ne peut consister qu’en la correction temporaire d’un mouvement de dissociation excessif, sans pouvoir exiger que les individus soient contraints d’être fidèles à leurs affiliations, à moins de devenir manifestement antidémocratique et d’entrer en conflit avec les convictions les plus ancrées des citoyens. Car le communautarisme contre lequel Michael Walzer s’exprime spécifiquement dans les articles cités serait alors en contradiction avec ce qu’il préconise, puisqu’il repose sur l’affirmation de l’identité culturelle des sujets humains et sur le devoir de l’État d’agir en faveur de cette identité.
34Le fait que nous soyons culturellement attachés à nos libertés de séparation et à nos droits ne fait cependant pas de nous des êtres sans attachement, sans culture, sans croyance collective ou sans appartenance. Quiconque se dissocie est toujours un être social, socialisé et cultivé. Même si les libéraux affirment au plan théorique l’antécédence du sujet humain sur ses appartenances et ses croyances, se séparer n’est pas dans les faits jouir pleinement de son autonomie et retourner dans un état originel d’isolement complet ; c’est plus concrètement, comme chacun peut le constater aisément, juger que telle affiliation est préjudiciable, soit parce qu’elle interdit telle autre affiliation plus désirable, et est rejetée à ce titre, soit parce qu’elle se révèle contraire aux attentes qu’elle a elle-même fait naître, soit encore parce que, bien que les attentes qu’elle a fait naître aient été satisfaites, elles se révèlent décevantes, ou ne déclenchent aucune dynamique ultérieure, la situation étant bloquée, et ainsi de suite. Bref, l’association est rompue au nom d’un idéal d’association.
Conclusion
35La fiction qu’est le personnage de Robinson permet donc de raffermir la conception libérale du droit à la dissociation. Mais elle permet également, comme Robinson en témoigne abondamment au cours du récit de son existence, de déceler ce que la séparation a de psychologiquement coûteux. Car s’il est vrai que se séparer vaut mieux que faire partie d’un groupe destructeur, comme l’aurait été la « voie moyenne » que le père de Robinson réservait à ce dernier, il reste que la séparation conduit à une forme de solitude contraignante qui n’a guère de rapport avec un état de liberté, et qui n’en a aucun avec l’affirmation d’un individualisme conquérant, rationnel et étroitement égoïste.
Notes de bas de page
1 Donald Woods Winnicott, La Nature humaine, Paris, Gallimard, 1990, p. 166.
2 Donald Woods Winnicott, De la pédiatrie à la psychanalyse (1969), Paris, Payot, 1989.
3 George Herbert Mead, « The Child and His Environment », Transactions of the Illinois Society for Child-Study no 3, 1898, p. 1-11.
4 Voir Alasdair Macintyre, After Virtue, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 1981.
5 Concernant la question de la reconnaissance, voir, en particulier, les travaux d’Axel Honneth, Pour illustrer son propos, il prend l’exemple de l’anti-héro de l’ouvrage de Ralph Ellison, Homme invisible, pour qui chantes-tu ? qui met en scène un jeune Afro-Américain que la négritude rend socialement invisible, c’est-à-dire dont la négritude justifie un « déni de reconnaissance » (Axel Honneth, La Société du mépris, Paris, La Découverte, 2006).
6 Pour Locke, le gouvernement doit faire respecter une loi naturelle qui le précède, que les individus raisonnables savent suivre spontanément mais que quelques-uns enfreignent.
7 Voir Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, dans Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, III, Paris, Gallimard, 1964, p. 169 ; et, du même auteur, Discours sur l’origine des langues, dans Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes, V, Paris, Gallimard, 1995, p. 406.
8 Voir le début de la deuxième partie du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes de Rousseau : « Les premiers développements du cœur furent l’effet d’une situation nouvelle qui réunissait dans une habitation commune les maris et les femmes, les pères et les enfants ; l’habitude de vivre ensemble fit naître les plus doux sentiments qui soient connus chez les hommes, l’amour conjugal, et l’amour paternel. » (Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, dans Jean-Jacques Rousseau, Œuvres complètes vol. 3, Paris, Gallimard, 1964, p. 168).
9 Ces points, bien connus, mériteraient de plus amples développements dont cet article n’est pas le lieu.
10 L’issue du développement social est la dépendance : « De libre et indépendant qu’était auparavant l’homme, le voilà par une multitude de nouveaux besoins assujetti, pour ainsi dire, à toute la nature, et surtout à ses semblables dont il devient l’esclave en un sens, même en devenant leur maître. » (Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, éd. cit., p. 174-175.)
11 John Dewey, The Later Works (1930) – 17 volumes, vol. 5, Carbondale, Illinois University Press, 1977.
12 Cet individualisme ancien est celui proposé par Benjamin Constant sous le label « liberté des modernes » opposée à celle des anciens et reprise par Isaiah Berlin sous l’étiquette « liberté négative » opposée à la liberté positive (voir Constant, « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes », discours prononcé à l’Athénée royal de Paris en 1819 et publié par la suite, et Isaiah Berlin, « Deux conceptions de la liberté », dans Isaiah Berlin, éloge de la liberté, trad. J. Carnaud et J. Lahana, chap. iii, Paris, Calmann-Lévy, 1988).
13 Daniel Defoe, Robinson Crusoë, édition en ligne :
http://www.inlibroveritas.net/lire/oeuvre20936.html#page_toc, p. 53.
14 Ibid., p. 155.
15 Ibid., p. 134.
16 Voir Karl Marx, À propos de la question juive, dans Philosophie, Rubel, éd., Paris, Gallimard, 1982, et Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, dans Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1992, vol. II (en particulier les deux premiers chapitres de la deuxième partie, p. 607-614).
17 Ibid., Deuxième partie, « Influence de la démocratie sur les sentiments des Américains », p. 612.
18 Daniel Defoe, op. cit., p. 191.
19 Ibid., p. 212.
20 Ibid., p. 113.
21 Ibid., p. 12.
22 Idem.
23 Ibid., p. 24.
24 Ibid., p. 59.
25 Alexis de Tocqueville, op. cit., chap. 5.
26 Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat, Paris, Fayard, 1995, p. 716 : « C’est du centre que part l’onde de choc qui traverse la structure sociale. Les “exclus” ne sont pour rien dans le choix d’une politique de flexibilité des entreprises, par exemple, sauf que leur situation en est la conséquence. Ils se retrouvent désaffiliés, et cette qualification leur convient mieux que celle d’exclus : ils ont été dé-liés, mais restent sous la dépendance du centre, qui n’a peut-être jamais été aussi omniprésent pour l’ensemble de la société ».
27 Mentionnons également l’article 13 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme : « Toute personne a le droit de quitter son pays ».
28 Michael Walzer, « The Communitarian Critique of Liberalism », Political Theory, vol. 18, no 1, (février) 1990, p. 6-23.
29 Michael Walzer, « Liberalism and the Art of Separation », Political Theory, vol. 12, no 3, août 1984, p. 315-333.
30 John Dewey, Le Public et ses problèmes, traduction et introduction par J. Zask, Paris, Gallimard, 2011.
31 Michael Walzer, « The Communitarian Critique of Liberalism », art. cit., p. 19.
32 Sur la pensée constitutionnelle de Jefferson, voir les Notes on the State of Virginia, David Waldsreicher, éd., New York, Palgrave, 2002.
33 Voir la cinquième partie du livre d’Olivier Beaud, Théorie de la fédération, Paris, PUF, 2009.
34 John Rawls, Libéralisme et politique, Paris, PUF, 2001, p. 379.
35 Voir, à ce sujet, l’article de James Bohman, « Réaliser la démocratie délibérative comme mode d’enquête : le pragmatisme, les faits sociaux et la théorie normative », trad. C. Girard, dans Tracés, Revue de sciences humaines, no 15, 2008, p. 21.
36 Voir Horace Kallen, Culture and Democracy in the United States, New York, Boni and Liveright, 1924.
37 Ibid., p. 21 (nous traduisons).
38 Ibid., p. 16 (nous traduisons).
Auteur
Aix Marseille Université, CEPERC, UMR 7304, 13621, Aix-en-Provence
Maître de conférences en philosophie à l’Université de Provence et membre
Du CEPERC.
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