Avant-propos
p. 11-13
Texte intégral
1Le présent ouvrage a été conçu pour accompagner et prolonger l’exposition qui s’est ouverte à la Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin (BUMP) de l’Université de Namur à la rentrée académique de 2017, intitulée Tite-Live, une histoire de livres – 2000 ans après la mort du Prince des historiens latins.
2Le projet d’une exposition de livres anciens autour de l’Histoire romaine de Tite-Live a vu le jour à la faveur d’un synchronisme fécond. En 2016, le département de Langues et littératures classiques de la Faculté de Philosophie et Lettres se préparait à fêter un anniversaire hautement symbolique pour tous les amateurs de lettres et d’histoire : le bimillénaire, en 2017, de la mort de l’auteur de l’Ab Urbe condita – les incertitudes pesant sur la datation précise de l’événement en 17 apr. J.-C. n’ôtaient rien, culturellement parlant, à la pertinence d’une telle commémoration. Par ailleurs, le 20 mai 2016, la BUMP inaugurait sa nouvelle Réserve précieuse et présentait à cette occasion une sélection d’ouvrages qui illustraient les diverses disciplines enseignées au sein de l’université, invitant le public à une Balade patrimoniale au cœur des Sciences et des Lettres1. Il est dès lors apparu comme une évidence que l’institution namuroise célébrerait le bimillénaire livien par la mise en lumière d’ouvrages issus des quelque 70 000 livres anciens conservés dans les deux réserves précieuses de la BUMP.
3Ont été rassemblés trente-huit ouvrages imprimés, pour la plupart d’exceptionnels volumes anciens – parmi lesquels un incunable et treize livres du xvie siècle. Si les éditions et traductions de l’Ab Urbe condita représentent bien sûr une part importante de cette sélection (nous en avons retenu quatorze des xvie et xviie siècles), l’exposition ambitionnait aussi d’illustrer les facettes variées de la réception de l’œuvre livienne au cours des cinq derniers siècles. À la Renaissance et durant les Temps Modernes, l’intérêt porté à l’historien padouan s’inscrivait dans un mouvement plus large de redécouverte passionnée des vestiges de l’Antiquité romaine : inscriptions, monnaies, temples et édifices divers, autant de uestigia (« traces ») auxquels le récit de Tite-Live offrait un contexte, et qui jetaient en retour une lumière nouvelle sur celui-ci. Quatre ouvrages ont été choisis pour évoquer cette exhumation du passé romain – parmi tant d’autres2. À une époque plus récente, l’étude de l’Histoire romaine fut aussi un laboratoire propice aux avancées de la science historique moderne, ce qu’on a montré par deux livres qui ont marqué l’historiographie du xixe siècle.
4Mais la fortune de Tite-Live ne fut pas confinée aux cercles des philologues, antiquaires et historiens. L’œuvre du Padouan fut une source d’inspiration – plus ou moins prégnante – de bien des grands noms de la littérature et de la pensée modernes : Érasme, Montaigne, Machiavel, Corneille… Son influence est parfois très ténue, y compris en des endroits où on l’aurait de prime abord crue inévitable – les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence de Montesquieu, par exemple. À l’inverse, un emprunt à Tite-Live se glisse parfois dans des œuvres où on ne l’attendait pas, ainsi dans les Fables de La Fontaine (dont l’édition exposée est un joyau de nos collections), auxquelles on découvre de la sorte des liens surprenants avec une pièce shakespearienne et l’Éloge de la Folie d’Érasme… Il ne nous a pas paru moins intéressant de faire une place à ces ouvrages où la référence à Tite-Live se limite à quelques citations ou allusions.

Gravure issue de : Familiae Romanae quae reperiuntur […]. Rome, [1577]
5Car l’histoire de la réception d’un auteur s’écrit autant en analysant sa présence que ses absences. C’était en outre l’occasion de mettre en lumière les détours parfois étonnants qu’a pu prendre la transmission de l’héritage classique – on songe notamment à la façon dont un Shakespeare accéda au matériau narratif de l’histoire romaine.
6Enfin, nous avons tenu aussi à ce que l’exposition accueille des livres certes moins prestigieux que ces volumes anciens, mais dont le contenu pouvait illustrer des épisodes plus proches, voire familiers, de la réception d’un classique tel que Tite-Live. On trouvera ainsi, parmi les anciens manuels scolaires, une de ces traductions juxtalinéaires qui ont accompagné pendant plusieurs générations l’apprentissage du latin. Ce faisant, nous n’avons pas voulu manquer l’opportunité d’ancrer l’exposition dans le contexte namurois, d’abord avec un manuel de thèmes latins dû à un membre de la famille Grafé, professeur à l’athénée royal de Namur au xixe siècle, ensuite avec une petite plaquette pédagogique signée par un père jésuite titulaire de la chaire de latin aux Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix.
7Pour présenter au public une matière aussi riche et diversifiée, il était nécessaire de rassembler autour du projet une équipe de professeurs et de chercheurs issus des diverses disciplines concernées par les ouvrages retenus : philologie classique et histoire antique, bien sûr, mais aussi philologies germanique et romane, archéologie et histoire de l’art, histoire moderne et contemporaine, sans oublier les sciences du livre (manuscrit et imprimé). Douze collègues issus de cinq départements de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’Université de Namur ont accepté avec enthousiasme de se lancer dans l’aventure. Les ont rejoints dix collègues d’autres institutions belges et étrangères : l’Université catholique de Louvain, l’Université de Liège, l’Université libre de Bruxelles, la Bibliothèque royale de Belgique, l’Université du Maine et le Musée national d’histoire et d’art de Luxembourg. L’exposition et le catalogue sont riches de leurs compétences et de leurs curiosités savantes si généreusement offertes. Nous les en remercions vivement. Nous sommes tout particulièrement redevables à Michiel Verweij, du département des Imprimés anciens et précieux de la Bibliothèque royale de Belgique, qui nous a offert de surcroît une présentation des manuscrits et incunables de Tite-Live conservés dans cette institution. Cette contribution, sans équivalent dans d’autres publications, élargit le champ du présent volume et donne à voir des illustrations de magnifiques ouvrages du xve siècle, reproduites avec l’aimable autorisation de la KBR.
8Ni l’exposition ni le catalogue n’auraient pu voir le jour sans le soutien conjoint du directeur de la BUMP, Nicolas Louis, et du doyen de la Faculté de Philosophie et Lettres de l’UNamur, David Vrydaghs, qui nous a fait l’honneur de préfacer ce livre. L’un et l’autre ont d’emblée fait montre d’un grand intérêt pour le projet et ont rendu possible sa réalisation matérielle. Nous tenons à leur exprimer notre profonde gratitude.
9L’exposition accueillie pendant un mois et demi à la BUMP est le fruit d’un travail d’équipe impliquant un grand nombre de personnes, auxquels nous sommes heureux de dire ici notre reconnaissance. Nos remerciements vont à tous les membres du Pôle Patrimoine, en particulier à Florence Libert et, pour la remarquable restauration des livres anciens, à Anne-Sophie Hanse, Catherine Charles, Ringo Broere et Caroline Caillaux. Ils s’adressent également à Élise Scaillet, qui a œuvré sans relâche à la numérisation de très nombreuses pages des ouvrages sélectionnés, offrant au catalogue une somptueuse illustration. La scénographie de l’exposition a bénéficié des conseils avisés et inventifs de Catherine Charles et d’Anne-Sophie Hanse. Nous remercions aussi François Collet et Hubert Dubois, qui ont géré le matériel multimédia, ainsi que Sylvie Alexandre et France Scheffer, pour la coordination logistique. Pendant les mois de préparation, tous les collègues du Pôle Public ont fait montre d’une disponibilité jamais démentie, dont nous leur sommes grandement reconnaissants : plusieurs contributeurs du catalogue ont pu, grâce à eux, bénéficier de précieuses heures supplémentaires pour se plonger dans les livres anciens. Enfin, notre gratitude va à l’ensemble du personnel de la BUMP pour toute l’aide apportée à chaque phase – et jusqu’aux dernières heures – de la mise en œuvre du projet.
10L’édition du présent catalogue a également bénéficié des compétences et de l’investissement précieux de plusieurs personnes. Pour la relecture des textes, nous avons pu compter sur l’acribie de Cécile Arnould, Mathieu Minet et Élise Royer. La mise en page et le graphisme du livre ont été assurés par Joëlle Cerfontaine (VO-Group). Nous tenons à les remercier de cette collaboration fructueuse et enrichissante – et tout spécialement de leur réactivité dans la dernière ligne droite de la rédaction.
11À l’instar de l’exposition dont il garde le souvenir, ce catalogue souhaite inviter à une promenade dans les méandres de la fortune de l’œuvre livienne. L’histoire de la réception d’une œuvre littéraire ou d’une figure historique est généralement complexe et peut être appréhendée de bien des façons. L’Ab Urbe condita ne fait pas exception. Nous avons voulu rendre perceptible dans la conception même du livre la multiplicité des points de vue possibles. Ce n’est donc pas un parcours linéaire, mais une série d’itinéraires variés que nous proposons au lecteur. Pour ce faire, nous avons multiplié les renvois entre notices, tous signalés dans la marge par une manicule dont le dessin a été trouvé dans un ouvrage des collections de la BUMP. Ce signe, fréquent dans les manuscrits et les livres anciens, était tracé ou imprimé en regard d’un élément sur lequel on voulait attirer l’attention. Reprenant cet usage, nous avons indiqué en dessous de nos manicules le numéro de la notice à laquelle renvoie le passage signalé. Ces renvois dessineront par exemple les réseaux savants des xvie et xviie siècles, suivront la progressive accumulation du savoir humaniste ou retraceront les avatars inattendus de tel ou tel épisode livien… Puisse chaque lecture offrir l’occasion d’un chemin nouveau, riche en surprises et en découvertes.
Notes de bas de page
1 Le catalogue de cette exposition a également été publié par les Presses universitaires de Namur (Namur, 2016).
2 On se fera une idée de la richesse des collections de la BUMP dans ce domaine à la lecture du beau catalogue d’une exposition réalisée en 2012 : M. Lefftz, C. Van Hoorebeeck (éds), L’Antiquité de papier. Le livre d’art, témoin exceptionnel de la frénésie de savoir (xvie - xixe siècles), Namur, 2012.
Auteurs
Département de Langues et littératures classiques,
Université de Namur
Bibliothèque Universitaire Moretus Plantin,
Université de Namur
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