Enseigner l’exposé oral dans une perspective inter-linguistique : des prescriptions officielles à la planification et réalisation en classe
p. 237-260
Texte intégral
Introduction
1La présente contribution vise à montrer, à partir de l’exemple de l’exposé oral1 enseigné dans une classe d’allemand du 11e degré2, les possibilités et limites de l’enseignement des genres textuels dans le cadre d’une approche inter-linguistique. L’objectif central du projet consiste plus précisément à observer empiriquement la planification et la mise en œuvre en classe d’un travail simultané sur deux langues, le français langue de scolarité (Ls) et l’allemand langue étrangère (Le).
2Notre travail s’insère dans le contexte de l’entrée en vigueur du nouveau Plan d’études romand (PER) à Genève en 2011. Celui-ci regroupe l’ensemble des langues enseignées au primaire et secondaire I dans un seul domaine, accompagnant la volonté de décloisonnement par une forte exigence en termes de développement de compétences transversales (CIIP, Cycle 3, 2010 : 8) autour de quatre axes : apprendre à communiquer, maitriser le fonctionnement des langues et réfléchir sur les langues, construire des références culturelles et développer des attitudes positives face aux langues et à leur apprentissage.
3Ces prescriptions font écho à des travaux issus des domaines de la linguistique, de la psycholinguistique et de la didactique, développés depuis les années 1980 autour de la problématique des approches inter-linguistiques. Roulet (1980) soulignait déjà les bénéfices d’un enseignement décloisonné entre Ls et Le :
Un élève apprendra d’autant mieux un type de structure ou d’emploi en langue seconde qu’il en aura préalablement compris les principes en langue maternelle et que les instruments heuristiques mis en œuvre pour découvrir ces principes dans la langue maternelle sont utilisables avec profit dans l’apprentissage des langues secondes. (p. 10)
4Le plaidoyer de l’auteur pour une exploitation en classe du « recours naturel de l’élève à sa langue 1 » (p. 23)3 et pour une revalorisation de la réflexion métalinguistique à l’aide d’outils conceptuels communs aux langues (p. 94) a été suivi par de nombreux travaux en linguistique (voir par exemple Béguelin, De Pietro & Näf, 1999, 2002 ; Fandrych & Thurmair, 2011).
5Dans le domaine de l’apprentissage des langues étrangères, ce sont surtout les stratégies d’apprentissage et la possibilité d’un transfert des savoirs et savoir-faire acquis d’une langue à l’autre qui ont fait l’objet de publications (voir par exemple Bimmel & Rampillon, 2000 ; Hufeisen & Lutjeharms, 2005 ; Hufeisen & Neuner, 2005 ; Hufeisen & Marx, 2007 ; Oxford, 2011).
6Sur un plan didactique, la nécessité d’une prise en compte de toutes les langues parlées par les élèves en classe est soutenue par les travaux du Conseil de l’Europe, qui proposent une multitude d’activités pour favoriser différents types de transferts et de décloisonnements : linguistiques, par exemple sous la forme de démarches comparatives au niveau du vocabulaire, de l’orthographe et de la grammaire (Kursiša & Neuner, 2006) ; culturels, sous la forme d’activités qui visent à sensibiliser aux langues et cultures étrangères (éveil aux langues, les travaux du CARAP : http://carap.ecml.at/).
7Cette volonté de décloisonnement ne fait cependant pas référence à un modèle didactique et encore moins à des outils permettant de construire ce « curriculum intégré ». Dans notre recherche, nous tentons d’une part de développer ces outils et d’autre part d’interroger la faisabilité et les conditions requises pour mener à bien un enseignement intégré de deux langues4.
8Pourquoi les genres textuels ? L’entrée par le genre textuel, considéré comme « outil sémiotique complexe » (Schneuwly, 1994 : 160) présente, selon nous, un triple avantage. Premièrement, il permet de considérer la transversalité prescrite sous l’angle de la construction d’un outil de communication commun dans plusieurs langues, donc d’envisager l’enseignement du genre dans sa complexité comme outil à enseigner. Un deuxième avantage consiste à donner aux textes un statut d’objets spécifiques sur les plans linguistique et culturel et de favoriser ainsi un enseignement contextualisé des formes langagières appropriées, dans le cadre d’un apprentissage de l’usage social de genres complexes. Lieu privilégié aussi bien d’un travail sur la langue spécifique (Ls/Le) que sur l’élaboration d’outils méta-langagiers communs aux langues, le genre se présente aussi comme outil pour enseigner. Troisièmement, une approche par le genre textuel permet de penser une progression aussi bien de type vertical qu’horizontal (Wokusch, 2008), dans une relation selon trois modalités : l’enseignement de la Le qui s’appuie sur les savoirs et savoir-faire de la Ls, le retour des savoirs et savoir-faire acquis en Le sur la Ls (Roulet, 1980 : 115 ; voir aussi Vygotsky, 1985 ; Cook, 2003) ou encore selon une construction qui intègrerait simultanément les savoirs sur les deux langues.
9Afin de comprendre si et comment les enseignantes abordent les genres et plus particulièrement le genre « exposé oral » dans les perspectives que nous venons de décrire, nous travaillons à partir des questions de recherche suivantes :
- Quelles sont les dimensions enseignables de l’exposé oral ?
- Quelles sont les dimensions du genre planifiées par l’enseignant ?
- Quelles sont les dimensions enseignées à l’aide de la séquence planifiée, à l’aide de quelles tâches ?
10Après une partie qui explicite notre méthodologie, nous nous interrogeons premièrement sur le genre « exposé oral » en tant qu’outil complexe « pour agir dans des situations langagières » (Dolz & Schneuwly, 2002 : 57) et sur ses dimensions enseignables. Celles-ci seront présentées dans une carte conceptuelle à priori du genre. Nous abordons, deuxièmement, la fonction que remplit le genre dans le travail de planification de l’enseignante. Envisagé tantôt dans sa globalité comme outil complexe à enseigner, tantôt comme outil pour enseigner, le genre en Le est l’objet de tensions inhérentes à sa transposition didactique que révèle l’analyse des entretiens. Troisièmement, nous montrerons, à partir de la macrostructure de la séquence d’enseignement et de l’analyse de quelques activités, un premier aperçu des synergies réalisées en classe.
1. Éléments méthodologiques
1.1. Récolte des données
11La spécificité du travail de l’enseignant secondaire, dont l’identité est fortement empreinte d’aspects disciplinaires, nous a amenée à ancrer notre démarche à partir de la discipline « allemand », renforçant ainsi l’acceptabilité d’une démarche intégrative des deux langues auprès des enseignantes. Notre étude est de type exploratoire, descriptif. Elle se situe à mi-chemin entre ingénierie didactique et recherche compréhensive, par le fait que nous cherchons à la fois à élaborer des outils (des séquences didactiques) et à comprendre leurs effets sur le travail enseignant et sur l’objet enseigné.
12Six enseignantes du 11e degré5, dont trois avec une expérience confirmée et trois sortant de la formation initiale, ont participé volontairement à la recherche. Les établissements scolaires se situent tous dans la ville de Genève, dans des quartiers populaires d’une grande diversité linguistique et socioculturelle. Chaque enseignante a travaillé sur un des six genres proposés.
13Nous présentons ici l’analyse et les premiers résultats de la collaboration avec l’enseignante qui a travaillé sur l’exposé oral.
14Le dispositif de récolte des données contient trois moments : l’élaboration d’une carte conceptuelle des dimensions enseignables du genre visé, l’enregistrement de séances de planification avec les enseignantes et la réalisation de la séquence en classe.
15Une carte conceptuelle de l’exposé oral intégrant des didactisations existantes (Berkemeier & Grundwürmer, 2012 ; Dolz, Noverraz & Schneuwly, 2001 ; Dolz, 2002) a été élaborée à partir des recherches menées en Ls et de démarches proposées dans des revues pratiques pour les enseignants de Le. Ce travail a permis à la fois de situer les dimensions enseignées dans une vision d’ensemble des possibilités qu’offre le genre sur un plan théorique et de fournir à l’enseignante les éléments nécessaires à la conception d’une séquence didactique.
16Deux séances de planification d’une durée de deux heures chacune avaient pour objet la planification commune de la séquence, réalisée ensuite en classe. La séquence d’enseignement en classe d’une durée de cinq leçons de 45 minutes a été filmée à l’aide de deux caméras, l’une suivant l’enseignante, l’autre focalisée sur les élèves.
1.2. Analyse des données
17Les enregistrements des séances de planification et de la séquence en classe ont été transcrits intégralement. L’analyse des séances de planification se situe à trois niveaux. Le premier niveau (macro) consistait à élaborer la structure générale et les contenus abordés dans les entretiens à l’aide d’un résumé synoptique. Pour le deuxième niveau (micro), nous avons repéré et codé, à l’aide d’une grille conçue à priori, les types de savoirs mobilisés dans le discours des enseignantes. Le troisième niveau (méso) représente un découpage de passages thématiques et leur classement dans sept catégories : les contenus, les compétences langagières, les types de tâches et leur construction, la progression envisagée, les outils à donner aux élèves, les obstacles anticipés et les liens inter-linguistiques. Ces catégories ont été construites dans un mouvement descendant tenant compte des contenus et activités didactiques planifiés et des savoirs professionnels mobilisées lors de la planification (Gagnon & Surian, 2011 ; Schneuwly & Hofstetter, 2009). Nous avons ensuite ajusté notre grille d’analyse en fonction des thématiques abordées pendant les entretiens et de leur fréquence d’apparition.
18Les séquences enseignées ont été filmées, transcrites et analysées selon la méthodologie « multifocale » du GRAFE6 (Schneuwly & Dolz, 2009). Nous avons d’abord élaboré des synopsis de séquences d’enseignement (Schneuwly, Dolz & Ronveaux, 2006) et procédé ensuite à l’analyse des gestes didactiques fondamentaux, croisés avec les dimensions des objets d’enseignement sur lesquels ils portent.
2. Résultats
2.1. L’exposé oral : caractéristiques et dimensions enseignables
19L’exposé oral est défini par Dolz et Schneuwly (2002) comme un genre textuel fonctionnant comme un outil7 de transmission des contenus. Il s’agit d’« un genre textuel public […] dans lequel un exposant expert s’adresse à un auditoire, d’une manière explicitement structurée, pour lui transmettre des informations, lui décrire ou lui expliquer quelque chose » (p. 143). L’action langagière de l’exposant véhicule un contenu référentiel qui, au fil du temps, diminue la dissymétrie en termes de savoirs entre l’énonciateur et son auditoire. Les lieux de production du genre sont essentiellement les milieux académiques et professionnels où l’exposé explicatif ou informatif a pour fonction essentielle la transmission d’un savoir ou savoir-faire, et permet ainsi à l’exposant de s’insérer comme expert dans une communauté discursive, scientifique ou professionnelle. Utilisé aussi dans des milieux politiques, l’exposé se conçoit alors dans une visée argumentative, cherchant à introduire, voire à susciter le débat autour d’une question sociétale.
20L’exposé oral peut aussi être défini par ses relations avec l’écrit. L’exposé est en effet le produit d’un travail sur et par l’écrit, travail qui se réalise dans les étapes de préparation à l’exposé oral proprement dit lors de la recherche d’informations se servant de formes d’écriture diverses, mais aussi, dans les milieux académiques notamment, d’une écriture après l’exposé, par exemple, sous la forme d’une publication ou d’un échange écrit qui se prolonge avec les membres de l’auditoire.
21L’exposé se définit aussi par sa forme et les paramètres de sa mise en scène par l’exposant. L’organisation interne en étapes (ouverture, introduction du thème, présentation du plan, etc.), l’utilisation d’éléments illustratifs et explicatifs et l’usage du non-verbal (Berkemeier, 2009, 2012) en constituent des éléments essentiels. Les caractéristiques énonciatives de l’exposé sont « fondamentalement dialogiques » (Nonnon, 1997 : 196). La gestion de la polyphonie est soutenue par l’utilisation d’outils discursifs de balisage (pauses, variations de rythme, etc.) qui permettent de déterminer les unités significatives, de signaler des positions énonciatives différentes que le locuteur prend par rapport à ce qu’il dit ou encore de mettre en évidence des variations de prise en charge du discours (restitution vs jugement personnel) (Nonnon, 1997). Finalement, l’exposé contient toute une série de traces grammaticales et lexicales de l’oralité (Koller & Gruber, 1988)8 et des marques déictiques. Des caractéristiques linguistiques propres au genre, telles que les formules métadiscursives (par exemple, « ce qu’il faut retenir ») (Nonnon, 1997) ou encore les marqueurs de structuration (Bronckart & Schneuwly, 1984 ; Egli, 1995) permettent de cadrer le discours.
22Genre textuel public complexe et objet pluridisciplinaire par excellence, sa maitrise experte en tant qu’outil pour agir dans une situation langagière précise présuppose l’apprentissage de toute une série de contenus et de compétences (voir le Tableau 1, ci-dessous). Un regard sur la carte conceptuelle regroupant quelques dimensions du genre potentiellement enseignables en Ls et/ou Le montre que le genre se présente aussi comme outil pour enseigner. D’abord à un niveau interdisciplinaire, il devient outil d’apprentissage aussi bien de contenus dans d’autres disciplines que de compétences méthodologiques, stratégiques, personnelles et sociales à développer tout au long de la scolarité dans une visée d’acquisition de qualifications transdisciplinaires (Fritsch, 2005).
Tableau 1 : Dimensions du genre « exposé oral » enseignables en Ls et/ou Le

23Les activités de planification, de présentation et d’écoute d’un exposé favorisent ensuite un travail sur l’ensemble des compétences langagières (réception/production écrite/orale) enseignées dans toutes les langues. Planifier l’exposé présuppose, entre autres, une confrontation à l’écrit sous la forme de stratégies de lecture adaptées à la recherche d’informations, des techniques de prise de notes, de condensation de l’information et de structuration de son discours. Présenter son exposé est un exercice complexe, comportant des facettes de discours monologique qui « donne à l’élève la possibilité de prendre en charge un discours long assumé en son propre nom » (Nonnon, 1997 : 207) mais qui, en raison de son caractère dialogique, nécessite aussi de prendre en compte le public. Outre la capacité d’exposer, il s’agit donc de développer la capacité de comprendre les questions et les réactions du public comme celle d’interagir de manière appropriée, par exemple en expliquant des points restés obscurs ou en argumentant ses choix.
24La situation de réception d’un exposé, quant à elle, donne la possibilité d’enseigner des stratégies de compréhension et d’assimilation des contenus exposés sous la forme de prise de notes et/ou d’une interaction avec l’exposant, que ce soit dans le but d’apprendre ou de confronter ses idées à celle du présentateur.
25Finalement, un grand nombre de contenus enseignables dans le cadre de l’exposé ne sont pas en lien direct avec l’oral. Le genre fournit alors un cadre pour des activités sur l’écrit. D’autres contenus ne sont pas spécifiques à la situation de communication du genre visé. À titre d’exemple, la posture corporelle ou les stratégies de compréhension et de communication peuvent être exercées dans d’autres contextes d’interaction orale.
26Outil de communication commun à enseigner dans plusieurs langues ou outil pour enseigner des contenus et des compétences langagières d’une manière plus générale, la langue dans laquelle l’exposé se réalise l’inscrit cependant dans la discipline scolaire « français Ls » et/ou « allemand Le » respectivement. La dernière colonne du Tableau 1 recense, à titre d’exemples, quelques moyens linguistiques souvent utilisés dans des exposés qui peuvent faire l’objet d’un travail lexical ou grammatical dans une perspective comparative.
27En même temps, les objets grammaticaux peuvent s’émanciper du contexte de communication de l’exposé et donner lieu à des activités grammaticales ou lexicales « décrochées », attribuant ainsi au genre, par moments, une fonction de cadre pour enseigner.
28L’élaboration de la carte conceptuelle permet de tirer deux conclusions provisoires du point de vue du potentiel qu’offre l’enseignement du genre dans une perspective inter-linguistique. Premièrement, les compétences et contenus sont définis de manière suffisamment générale pour penser les liens entre les langues en termes d’objets communs à traiter. Deuxièmement, la difficulté de transposer le genre comme outil de communication complexe apparait par le fait même de sa déclinaison en une multitude de facettes correspondant, pour chacune d’entre elles, à des objectifs d’apprentissage différents et, comme nous le verrons, parfois difficiles à concilier.
2.2. Les dimensions planifiées du genre « exposé oral »
29Nous présentons, dans cette partie, quelques résultats de l’analyse des deux séances de travail de planification en nous centrant sur un aspect du processus de construction de la séquence didactique, celui des relations tissées entre Ls et Le. La question à laquelle nous cherchons à répondre ici est celle de savoir quelles sont les dimensions du genre « exposé oral » abordées sous l’angle inter-linguistique. Nous nous intéresserons, dans un premier temps, aux choix des contenus à enseigner, aux compétences langagières à entrainer, et à la progression envisagée en montrant les différents types de mode d’articulation entre les deux langues.
30L’analyse des 30 extraits portant explicitement sur la construction de la séquence à partir de questions inter-linguistiques permet de distinguer plusieurs modes d’articulation qui relient les deux langues. Ces liens apparaissent dans différents contextes du processus de planification que nous avons regroupés en cinq catégories, présentées dans le Tableau 2 par ordre décroissant de leur fréquence d’apparition9.
Tableau 2 : Contextes d’apparition de la construction des liens inter-linguistiques
Catégories de contenus de planification | Occurrence | Pourcentages |
● les contenus (langagiers, culturels) à enseigner | 15 | 50 % |
● l’enchainement des activités et la construction d’une progression | 6 | 20 % |
● les compétences langagières à entrainer | 5 | 17 % |
● l’anticipation des obstacles chez les élèves | 3 | 10 % |
● les outils à créer pour les élèves | 1 | 3 % |
Total | 30 | 100 % |
31La question du choix des contenus à enseigner prédomine dans la réflexion sur les liens didactiques à construire entre les langues. Les objets suivants à travailler en Ls et/ou en Le ont été sélectionnés lors de l’entretien : l’usage des supports visuels comme stratégie de présentation, sept critères d’un bon exposé, les caractéristiques du genre au niveau textuel (structure, travail sur l’introduction), le métalangage pour parler du genre, le champ lexical (et sa structure) sur la thématique des fêtes, les outils linguistiques spécifiques au genre. Plusieurs tendances générales se dégagent du processus de réflexion de l’enseignante. Premièrement, elle souhaite travailler les caractéristiques du genre « exposé » et les stratégies de présentation en Ls d’abord, en Le ensuite, avec le but de développer la capacité des élèves de comprendre un exposé en Le. Deuxièmement, son choix porte sur des contenus du niveau textuel plutôt que lexical ou grammatical. Troisièmement, le genre apparait clairement, au fil du choix des contenus, comme outil complexe à enseigner. À l’intersection des deux langues, c’est surtout la question de ses caractéristiques génériques et spécifiques à la Le qui influe sur les modes d’articulation construits. Nous avons dégagé quatre façons de penser les liens.
32Le premier consiste à juxtaposer une série d’activités sur des contenus travaillés en Ls pour les travailler ensuite en Le, avec l’idée sous-jacente d’un transfert des savoirs et savoir-faire enseignés ou réactivés en Ls sur les nouvelles connaissances à construire en Le. C’est le cas lorsque l’enseignante propose de travailler en Ls sept critères hétérogènes d’un bon exposé – bonne introduction, bon handout, utilisation de supports visuels, attitude adéquate, prise en compte du public, bonne structure, formulations de phrases claires – pour ensuite aborder « comment est-ce que ces points-LÀ- / ils se réalisent en allemand » (Entretien I, Extrait 2).
33Un deuxième mode consiste à travailler les deux langues en parallèle. L’enseignante évoque la possibilité de partir d’un exposé complet « en bi-langue » et de travailler des contenus différents, les points du bon exposé en Ls, les moyens linguistiques en Le (Entretien I, Extrait 8, 16.1.2013). Dans l’extrait ci-dessous, elle propose de créer un document qui récapitulerait en parallèle les caractéristiques d’un bon exposé et les moyens linguistiques dans les deux langues :
[…] puis on complète ces affiches et qu’elles soient vraiment LÀ pour qu’ils puissent les REregarder quand ils travaillent avec l’allemand […] puis qu’après on développe par exemple pour la structure ces mêmes affiches mais en ALLEMAND […] pour qu’il y ait des MOTS des mots de structu:re pour qu’ils les ils puissent les VOIR. (Entretien II, Extrait 8)
34Le troisième mode, peu évoqué, joue sur la complémentarité des contenus, abordés soit en Ls soit en Le, selon les thématiques et la complexité des textes. La proposition de traiter la même thématique travaillée en Ls dans un texte complexe et de le simplifier ensuite pour un travail en Le va dans ce sens : « Comme les élèves connaissent le contenu, il n’y a PAS le BARRAGE de la compréhension » (Entretien II, Extrait 10). La difficulté de compréhension en Le diminuée, le travail peut désormais se focaliser sur une comparaison des formes du genre (parties, structure, langue) dans les deux langues.
35Le quatrième mode d’articulation propose un travail intégratif par une analyse comparative, notamment sur la partie spécifique du genre en Le, la langue10 . La possibilité de travailler sur des contenus grammaticaux typiques du genre visé, par exemple sur l’usage du passif et du pronom impersonnel « on », est discutée. Au niveau lexical, la chercheuse propose de travailler la structure du champ lexical thématique choisi par l’enseignante dans une approche comparative.
36Un rapport de complémentarité est visible aussi lors du choix des compétences langagières à entrainer. L’enseignante propose d’atteindre son objectif final, « la réception en Allemand la compréhension d’un exposé en allemand », par le moyen de « bouts de production » en français (Entretien I, Extrait 3). L’idée que sous-tend le discours de l’enseignante est celle de développer la capacité de compréhension du genre en Le par le biais des savoirs et savoir-faire acquis en Ls et entrainés par la production. Produire des parties du texte (une introduction, par exemple) permettrait d’être mieux outillé pour la compréhension. À l’idée de la répartition des compétences, réception en Le, production en Ls, s’ajoute ainsi celle du transfert. Les élèves devraient être capables de mobiliser les savoirs et savoir-faire acquis en Ls lors de l’écoute d’un exposé en Le : « On est quand-même censés leur dire que ok voilà vous savez un tas de choses en français sur le genre et ça et ça va vous aider quand vous écouterez le même genre en Allemand ce serait ça l’objectif finalement » (Entretien I, Extrait 7).
37Le mode qui prime ici est celui du transfert présupposé entre les langues. L’objectif d’apprentissage central de la séquence est défini de la manière suivante : « Être capable de se servir de stratégies facilitant l’écoute et la compréhension d’un exposé en allemand […] grâce à un travail au préalable sur l’exposé en français en réception↓ » (Entretien I, Extrait 1). L’entrainement de stratégies de compréhension en Ls devrait faciliter leur application dans la situation d’écoute d’un exposé en Le. C’est dans ce contexte et dans l’idée d’enseigner les caractéristiques d’un bon exposé que l’enseignante propose de faire vivre aux élèves une expérience d’écoute d’un exposé en Ls avec et sans supports visuels11 :
c : | alors t’es toujours en français là |
E : | toujours là on est QUE dans le français |
c : | mmh / |
E : | donc SI ils ont PU constater EUX-MÊMES le fait que s’appuyer sur les supports visuels ça AIDE à la compréhension / ils vont ils vont le garder comme stratégie d’écoute quand ils seront da : ns dans un texte plus complexe ou dans l’allemand / après on arrive donc euh à tous ces POINTS […] et puis / comment est-ce que ces points-LÀ- / ils se réalisent en allemand […] |
c : | mmh |
E : | et est-ce qu’il y a des différences donc essentiellement je vois le lexique / la LANGUE quoi qui change |
c : | mais |
E : | dans les autres cho : ses |
c : | oui |
E : | j’ai l’impression que c’est |
c : | oui |
E : | que c’est tout des choses qui ne changent pas |
c : | mmh |
E : | et puis là entrer dans l’exposé en allemand (Entretien 1, Extrait 4) |
38Dans ce passage, l’accent est mis sur des choix de contenus communs aux deux langues. L’activité de mise en situation, choisie pour prendre conscience de l’importance des supports pour la compréhension (« ils ont pu constater eux-mêmes ») postule un transfert de l’expérience vécue en réception Ls (le constat que « ça aide ») à la construction d’une stratégie de compréhension orale en Ls (« texte plus complexe ») ou en Le. La différence est néanmoins soulignée entre les deux situations, mais à un niveau très général : « Et est-ce qu’il y a des différences donc essentiellement je vois le lexique / la LANGUE quoi qui change. »
39L’impression d’un travail juxtaposé est renforcée par le fait que l’enseignante propose, après ce travail sur les spécificités générales (cf. « sept critères du bon exposé »), de répéter le dispositif d’activités déjà mis en place pour le travail en Ls. S’affiche ici la tendance de travailler l’exposé surtout dans ses dimensions générales communes et au niveau textuel. Cette démarche apparait d’une part comme intéressante, dans la mesure où elle permet de consolider les savoirs sur le genre en les mobilisant dans deux contextes différents, Ls et Le ; mais elle peut paraitre d’autre part paradoxale, dans la mesure où ce sont les différences de la langue qui sont mises en exergue (« je vois le lexique / la LANGUE qui change ») et que les obstacles anticipés sont souvent liés à une maitrise lacunaire de la Le. L’enseignante évoque, par exemple, le fait que la fonction première de l’exposé en tant que genre, apprendre quelque chose de nouveau, peut se réaliser dans un entrainement de la compréhension orale en Ls, mais plus difficilement en Le (Entretien II, Extrait 8). Elle compare les deux situations en évoquant le peu de choses que les élèves vont pouvoir comprendre en Le :
Je pense qu’en français ça peut passer la difficulté c’est que ça sera en allemand et que : / (soupire) ouais j’sais pas / parce que est-ce qu’on PEUT espérer qu’ils comprennent plus que / d’où vient la perso::nne ou d’où vient l’arti::ste eu::h je sais pas moi. (Entretien II, Extrait 9)
40C’est la langue, au niveau grammatical et lexical, qui est pressentie comme obstacle ou, autrement dit, l’objet même à enseigner, le genre complexe en Le avec ses spécificités linguistiques.
41En même temps, l’enseignante exprime à plusieurs reprises ses doutes quant au fait qu’un travail sur des outils linguistiques en Le puisse aider les élèves à comprendre un exposé : « Mais si par exemple je leur fais écouter un exposé : pour sortir ces formulations linguistiques pour essayer de le:s […] les avoir / dans quelle mesure est-ce que ça les aide pour l’exposé d’après. » (Entretien I, Extrait 9) Et elle indique, comme pratique habituelle, le recours au travail préalable sur le vocabulaire thématique afin de faciliter la compréhension :
gb : | parce que par exemple si je fais un admettons un autre truc que j’aurais FAIT si il y avait pas eu |
mj : | ouais |
gb : | cette histoire du GENRE |
mj : | oui d’accord |
gb : | c’est que j’aurai : s euh par exemple xx sur Oktoberfest- je sais pas moi travaillé: le vocabulai:re euh sur ça AVANT (Entretien I, Extrait 7). |
42Le renoncement aux outils linguistiques propres au genre au profit d’un travail thématique apparaitra aussi dans les choix qu’opère l’enseignante lors de la séquence enseignée. Nous y reviendrons.
43L’enchainement des types d’activités évoqués et la construction d’une progression se fait, nous l’avons déjà vu dans le choix des contenus, sous le signe d’une difficulté exprimée du « passage » à l’allemand (Entretien 2, Extrait 1) et donc aussi sur le mode de la juxtaposition. La progression est systématiquement envisagée allant de la Ls – plus facile et devant jouer une fonction de tremplin pour la construction des savoirs en Le – vers la Le, souvent jugée trop complexe. L’idée par exemple d’une mise en situation et d’un test initial en Le est écartée par l’enseignante qui redoute de mettre ses élèves en échec.
44On peut conclure cette première analyse des entretiens par quelques constats. Il semblerait d’abord que la planification se centre sur une série de caractéristiques et de stratégies communes au genre dans les deux langues et que l’objet « langue » (grammaire, lexique) soit abordé plus ponctuellement et avec plus de réticence. Le « barrage de la langue » n’incite cependant pas à travailler davantage les outils linguistiques spécifiques au genre, mais tend vers l’élucidation préalable du vocabulaire avant une compréhension orale. Ensuite, l’objectif d’apprentissage, comprendre un exposé en Le, a pour conséquence le glissement d’une conception du genre comme outil à enseigner vers celle de l’outil pour enseigner, en l’occurrence ici la compréhension orale en Le sur un plan plus général, voire thématique. Les entretiens se caractérisent effectivement par une tension récurrente entre deux choix qui apparaissent à l’enseignante comme contradictoires : enseigner la compréhension ou enseigner les caractéristiques du genre. C’est probablement cette incompatibilité perçue qui fait surgir la tension entre les savoirs (méta)-linguistiques, c’est-à-dire les savoirs qui permettent de parler du genre (de sa structure, de son fonctionnement et de ses caractéristiques langagières) d’une part et l’entrainement des compétences langagières complexes (comprendre un exposé) d’autre part. Finalement, la planification se construit, à quelques exceptions près, sur les modes de la complémentarité des contenus et de la juxtaposition, dans une logique allant de la Ls vers la Le, supposant un transfert des savoirs et savoir-faire construits en Ls à une situation de compréhension orale en Le.
2.3. La réalisation de la séquence en classe : quels liens s’enseignent ?
45Quels sont les choix finalement retenus par l’enseignante et réalisés en classe ? Les dimensions du genre textuel effectivement enseignées sont représentées dans la macrostructure de la séquence enseignée (voir Tableau 3). Nous les commenterons toujours à travers le prisme des liens construits entre les deux langues en illustrant nos propos par un choix d’activités.
46Au niveau de la macrostructure, on constate d’abord la juxtaposition du travail sur le genre dans deux blocs distincts, allant de la Ls à la Le. Les objets communs travaillés dans les deux langues au niveau du genre textuel sont la structure de l’exposé, la structure et la fonction de l’introduction (Ls 6 et 8 ; Le 3). D’autres objets communs concernent les stratégies de compréhension, plus particulièrement la fonction des supports (Ls 9 ; Le 4) pour une meilleure compréhension et, d’une manière plus générale, la nécessité de se préparer à l’écoute, d’anticiper les contenus à partir des connaissances sur la thématique (Ls 2 et 5 ; Le 5, 7, 9).
Tableau 3 : Macrostructure de la séquence enseignée sur l’exposé oral

47La macrostructure de la séquence révèle ensuite les spécificités des contenus traités en Le, à savoir un travail grammatical sur le futur (2) et l’entrainement à la compréhension orale (4, 6, 10). Deux nouveautés apparaissent par rapport à la planification. La première consiste en une explicitation par l’enseignante de la situation de communication spécifique au genre « exposé » (Ls, 5). Après avoir terminé la première leçon portant sur les caractéristiques d’un « bon exposé » (4) et avant d’aborder la fonction et la structure de l’introduction (6), l’enseignante explique, à l’aide d’un dessin au tableau, la relation asymétrique entre spectateurs et exposant en termes de connaissances. Elle met en évidence la posture d’attente du public (« vous vous posez des questions »), la fonction de l’exposé (acquérir de nouvelles connaissances) et les sources d’informations dont on dispose pour le préparer. Cette activité méta-langagière thématise le genre en tant qu’outil de communication et dresse le cadre général du travail sur ses différentes parties. La fonction centrale du genre réapparaitra, de manière implicite en Le, sous la forme d’un exercice de compréhension orale qui consiste, entre autres, à noter les nouvelles informations apprises.
48La deuxième nouveauté est représentée par la place importante12 accordée à la préparation du vocabulaire thématique (7 et 9) en vue de l’écoute d’un exposé sur les habitudes alimentaires en Allemagne (10). L’enseignante fait une révision en deux temps. Elle répartit plusieurs sous-thèmes parmi les groupes qui doivent noter un maximum de mots sur des transparents. Lors de la mise en commun, elle pose les transparents conçus par les élèves sur le rétroprojecteur et laisse à chaque fois une minute pour la mémorisation. Les élèves notent ensuite les mots dont ils se souviennent. Cette activité donne lieu à des explications, des traductions en Ls et des listes complétées par des mots demandées par les élèves. L’enseignante met l’accent sur certains mots « importants » et relève que ceux-ci représentent une aide à la compréhension de l’exposé. On retrouve ici le souci de l’enseignante de pallier les difficultés langagières de ses élèves et le recours à la pratique d’explicitation de mots pouvant poser problème lors de l’écoute. Ce choix contraste avec la proposition d’un outil linguistique évoqué en entretien, qui aurait permis de travailler de manière comparative les outils linguistiques spécifiques au genre dans les deux langues. L’activité de compréhension orale semble orienter le travail de la langue vers le lexique thématique et exclusivement en Le.
Conclusion
49Les analyses portant sur la planification et l’enseignement de l’exposé oral ont permis de dégager quelques pistes de réponses à nos questions de recherche. Nous les reprenons ici sous la forme d’une discussion. Un triple constat se dégage. D’abord, le genre est avant tout envisagé en tant qu’outil complexe à enseigner. Un des soucis constants de l’enseignante pendant la planification consiste à équilibrer la nécessité de simplifier les textes, de découper l’objet et de rendre visible la fonction communicative du genre. L’accent est mis sur le choix d’objets communs entre les deux langues : la situation de communication et la fonction d’un exposé, l’introduction et ses fonctions, la façon de présenter, les stratégies de compréhension. Ceux-ci sont organisés dans une logique soit de répartition complémentaire, soit de répétition de tâches semblables dans les deux langues. L’analyse plus fine des activités et de leur enchainement en classe permet ensuite de cerner les objets et les tâches spécifiques enseignées en Le : exercices de compréhension orale, grammaire, lexique thématique. Le travail sur les spécificités textuelles du genre se présente comme un travail de préparation et se fait dans une visée de construction des savoirs et savoir-faire mobilisables dans le cadre d’une activité de compréhension d’un exposé en Ls. Il apparait néanmoins que le genre en tant qu’outil à enseigner tend à s’effacer pour devenir outil pour enseigner dans la partie de la séquence consacrée à la Le. Au centre se situe alors l’entrainement à la compréhension orale, outillée par des savoirs construits sur le genre, par un travail grammatical ponctuel mais surtout par la révision extensive du lexique thématique lorsque l’écoute d’un exposé complet est envisagée. Cette observation nous amène au troisième constat, celui de l’absence d’un travail systématique sur les outils linguistiques spécifiques au genre, que ce soit en Ls, en Le ou en comparant les deux langues.
50Ces résultats ne remettent en aucun cas en cause la qualité du travail de l’enseignante, mais révèlent deux types de tensions dans sa pratique. La première tension est visible entre le choix de s’appuyer véritablement sur la structure du genre comme aide à la compréhension en Le et celui de procéder de manière plus traditionnelle, en passant par un travail sur le lexique thématique ou par la mise en place de stratégies de compréhension. On peut imaginer d’abord, au niveau du dispositif mis en place, que cette difficulté trouve son origine dans l’estimation de la complexité du texte et de la tâche. Soucieuse de mettre en perspective la fonction première d’un exposé comme source d’informations nouvelles et de construire chez ses élèves une posture orientée vers l’apprentissage de contenus liés à la culture allemande, l’enseignante a probablement voulu pallier cette double difficulté par une mise à disposition du lexique qui permette de franchir certains obstacles liés à la situation de compréhension en Le. Ensuite, l’organisation des objectifs d’apprentissage autour de l’entrainement des quatre compétences, compréhension et production orales et écrites, d’une part et les manuels scolaires organisés selon une logique thématique d’autre part, révèlent une logique différente de celle du genre textuel. Et finalement, le type d’évaluation orale, suivant cette même logique, influe fortement sur les pratiques. La cohérence nécessaire à créer entre plans d’études et types de tâches dans les manuels exerce une contrainte supplémentaire.
51La deuxième tension est visible dans l’enchainement et l’articulation des activités entre les langues ou autrement dit dans le genre comme lieu pour travailler l’inter-linguistique. La relative absence d’un travail systématique sur le fonctionnement de la langue dans une perspective comparative peut s’expliquer en suivant deux pistes. Une première hypothèse peut être avancée au niveau du dispositif didactique. La focale sur les exposés et le fait de juxtaposer deux moments distincts en Ls et Le font obstacle à la mise en place d’une approche comparative systématique de la langue. Ceci essentiellement par le double objectif que s’est fixé l’enseignante : exercer la compréhension et mener une réflexion sur les facteurs qui y contribuent. Les aller-retour entre activités de compréhension d’un exposé dans une des langues et moments d’activités méta-langagières intégrées (effets des supports visuels, travail sur la structure de l’exposé et de ses fonctions, pointage de certaines formes langagières et de ses fonctions dans le texte…) ne laissent plus de place à un travail sur le fonctionnement de la langue et la comparaison. La difficulté semble bien résider dans l’impossibilité de traiter simultanément plusieurs niveaux d’activités méta-langagières au risque de faire éclater l’objet central, la compréhension des exposés à l’aide des notions générales sur le genre.
52Une seconde piste explicative se situe, à notre avis, du côté des pratiques enseignantes, fortement tributaires des manuels et directives méthodologiques (voir supra). Proposer aux enseignants une entrée par le genre textuel présuppose un changement de perspective radicale par rapport aux démarches thématiques organisées autour de l’entrainement des quatre compétences déjà mentionnées. L’entrée par le genre peut avoir un effet déstabilisant, dans la mesure où elle oblige à redéfinir les objectifs d’apprentissage et les objets à travailler. Adopter un point de vue inter-linguistique dans le contexte de l’enseignement de l’exposé impliquait de travailler sur des aspects généraux, seul lieu possible, d’après l’enseignante, pour construire des liens intelligibles pour les élèves. Travailler sur la langue dans cette perspective aurait signifié changer d’objet et d’objectif.
53Se heurtent ici à la fois deux principes organisateurs de l’enseignement des langues et deux disciplines scolaires avec leurs spécificités, pouvant expliquer, du moins en partie, certains obstacles à la mise en œuvre des démarches préconisées.
Bibliographie
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Annexe
Annexe
Grille d’analyse des savoirs enseignants

Notes de bas de page
1 Cet article fait partie d’une recherche plus large portant sur l’enseignement de six genres textuels (exposé oral, récit oral, débat oral, article encyclopédique, récit policier, courrier de lecteur). Le résumé du projet (2012-2014), financé par l’Institut de plurilinguisme à Fribourg, est consultable sous : http://www.centre-plurilinguisme.ch/recherche/projets-de-recherche-en-cours/enseigner-genres-textuels.html
2 Des élèves de 14-15 ans, en dernière année du secondaire I.
3 Voir aussi, plus récemment, Bourguignon & Candelier (2014).
4 L’analyse des pratiques va montrer que cette intégration, même au niveau de deux langues enseignées, rencontre un certain nombre d’obstacles. La prise en compte systématique de toutes les langues en classe, y compris les langues des migrants, nécessiterait une autre recherche qui dépasse le cadre plus modeste de la nôtre.
5 Pour rappel, il s’agit du dernier degré du secondaire I, les élèves ont 14-15 ans.
6 Groupe de recherche pour l’analyse du français enseigné.
7 Plus récemment, comme un « instrument ». Cf. communication orale dans le cadre d’une journée d’études du GRAFE en décembre 2013.
8 En allemand, Korrektursignale.
9 Certains passages relèvent de plusieurs catégories ; nous avons ici effectué le comptage à partir du thème dominant.
10 Nous sommes consciente que la langue dans laquelle se réalise le genre de l’exposé n’est pas sa seule spécificité. Celui-ci peut prendre des formes différentes selon les milieux culturels ou professionnels. Dans le cadre de nos analyses et dans les limites imposées par nos questions de recherche, nous pouvons cependant observer que les obstacles ne proviennent pas de la compréhension de la fonction et de la structure d’un exposé. Nous avons deux types d’indices pour l’affirmer : 1. les réponses des élèves lors de la mise en situation qui montrent qu’ils ont une pratique scolaire du genre sous-tendue par des représentations claires sur la fonction du genre. 2. Le travail approfondi, en Ls, effectué par l’enseignante avant d’aborder le travail en Le (voir le Tableau 3).
11 Activité inspirée de Dolz, Noverraz & Schneuwly (2001).
12 Les deux activités proposées, l’une en Leçon 4 (7) et l’autre en leçon 5 (9) durent en tout 37’, ce qui correspond à une leçon presque complète, voire à 1/5 de la totalité du temps consacrée à la séquence de cinq périodes.
Auteur
Institut Universitaire de Formation des Enseignants (IUFE)
Université de Genève
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