Des industries rurales aux districts industriels ?
Le cas de l’Italie du Nord, du xvie au xixe siècle
p. 295-308
Texte intégral
1La question des manufactures rurales et de leur diffusion dans le système économique revêt un rôle particulièrement important en Italie pour deux raisons différentes : la première réside dans la diffusion des activités industrielles dans les zones rurales et s’entrecroise avec la question du déclin de l’économie italienne au cours du XVIIe siècle – déclin réel ou prétendu que l’on a identifié avec la crise des économies urbaines1. La seconde, c’est qu’il existe apparemment une sorte de continuité entre les industries rurales, qui s’étaient affirmées au cours de la période moderne, et les districts industriels, à savoir une forme d’industrialisation typique de l’Italie du Centre et du Nord2. Ma communication abordera ces sujets, en essayant de mettre en évidence le rapport entre la diffusion – voire la simple présence – de manufactures rurales et le développement économique en Italie.
De la ville à la campagne : la crise d’un modèle
2L’historiographie s’est beaucoup occupée des causes, des dynamiques et des effets de ce que l’on définissait il y a quelques décennies comme la crise de l’économie italienne des XVIIe et XVIIIe siècles et qui a fait depuis l’objet de larges révisions : on ne parle plus de crise désormais, mais d’un déclin tout relatif, voire d’une transition. S’il n’est pas question de reprendre ici ce débat, quelques points-clés méritent cependant d’être soulignés.
3Premièrement, quelle que soit l’évaluation avancée sur la dynamique économique italienne des XVIIe et XVIIIe siècles, le modèle qui s’était affirmé au Moyen Âge – fondé sur une nette répartition du travail entre villes et campagnes, où les centres urbains monopolisaient les activités manufacturières – n’était plus compétitif. Il s’agissait d’un modèle qui avait garanti la prédominance des économies urbaines italiennes, lesquelles avaient ainsi dominé le continent grâce à l’exportation d’articles de qualité moyenne et supérieure produits dans le cadre d’une organisation du travail fondée sur les corporations artisanales urbaines3.
4En second lieu, il convient de mentionner les résultats les plus significatifs issus du débat sur la crise de l’économie italienne, à savoir la découverte – ou si l’on préfère, la redécouverte – des manufactures rurales dans l’Italie des villes4. Il est bien connu que les industries urbaines – il suffit de penser, par exemple, au secteur de la laine – délocalisaient à la campagne certaines étapes du processus de production. Toutefois, il est important de signaler que, si on a commencé à regarder les manufactures rurales d’un œil différent, c’est surtout grâce au succès historiographique du modèle de la proto-industrie rurale élaboré par Franklin Mendels5 ; c’est alors que l’on a commencé à considérer les manufactures rurales, non seulement en tant qu’appendices de leurs homologues urbaines, mais aussi comme formes d’organisation de la production ayant potentiellement leur propre identité en termes d’esprit d’entreprise, de savoir-faire et de pénétration des marchés. Certes, cette nouvelle sensibilité a parfois été accompagnée d’un excès d’enthousiasme et a pu conduire à surestimer l’importance économique des manufactures rurales de l’Italie du Centre et du Nord6.
5Comme le soulignait très finement Carlo Cipolla il y a plus de cinquante ans, pour ce qui est de la création de richesses, le poids économique atteint par les manufactures urbaines d’exportation ne pouvait être compensé ni aisément ni rapidement par le nombre réduit des industries dispersées dans les campagnes7. Il ne suffit donc pas de parler de manufactures rurales, de leur présence ou de leur diffusion : il faut distinguer les expériences qui ont atteint un volume économique important, en termes d’esprit d’entreprise et de capacité de pénétration des marchés nationaux voire internationaux, de celles qui se sont limitées au seul niveau local. Il est tout aussi important d’élucider le contexte économique, mais aussi institutionnel, dans le cadre duquel les usines rurales « à succès » se seraient développées. C’est dans cette perspective que s’inscrit la proposition de cette contextualisation, nécessairement synthétique, des industries rurales de l’Italie du Nord à l’Époque moderne.
Les industries rurales dans l’Italie du nord : un panorama articulé
6La zone qui probablement compte la plus grande tradition de manufactures rurales est celle des vallées de la région préalpine. Dans les zones montagneuses, en effet, la présence de ressources naturelles, la nécessité d’accroître les revenus provenant d’une agriculture extrêmement pauvre, l’existence de franchises institutionnelles permettant à ces territoires d’échapper à l’emprise politique et économique des centres urbains et de leurs corporations, constituaient autant de facteurs susceptibles d’encourager la diffusion des activités manufacturières. La spécialisation productive principale était l’usinage des métaux : la disponibilité de matières premières, l’accès conjoint à l’énergie hydraulique et au combustible à des coûts abordables étaient des facteurs de localisation qui permettaient à certaines vallées alpines et préalpines d’être « naturellement » vouées à cette sorte d’activités. Le travail dans les mines – notamment pour ce qui est des processus de transformation dans les fourneaux et les forges – devenait ainsi une bonne alternative à l’émigration comme moyen de subsistance pour les familles qui ne pouvaient pas fonder leur survie sur la seule exploitation de sols pauvres ou sur l’élevage. Les zones montagneuses, en outre, bénéficiaient souvent d’exemptions particulières – de caractère fiscal, commercial ou sur le plan de la production – de la part des États d’Ancien Régime, qui d’une part préféraient éviter des politiques de contrôle contraignantes et onéreuses, et qui d’autre part ne dédaignaient pas de favoriser la production métallurgique, souvent stratégique.
7Sur ce point, les exemples les plus significatifs se trouvent dans la zone montagneuse de la Lombardie, dans les territoires de Lecco, de Bergame et surtout de Brescia8. Les vallées au nord de la ville de Brescia avaient développé, du moins à partir du Moyen Âge tardif, une spécialisation très marquée dans les activités de transformation métallurgique, fortement orientée vers la production d’armements ; il s’agissait anciennement de cuirasses et d’armes blanches, mais à partir du XVIe siècle, ce fut la production d’armes à feu qui connut une importance grandissante. Celle-ci est particulièrement intéressante par la façon dont elle faisait coexister des aspects apparemment peu compatibles. Il s’agissait en effet d’une industrie rurale, située loin de la ville et dispersée sur le territoire en une multitude de forges. Le bourg ayant fonction de chef-lieu, Gardone Valtrompia, ne présentait pas de caractères urbains. Les protagonistes de cette activité étaient toutefois des artisans très spécialisés, les fabricants de canons de pistolets et de fusils, le composant le plus délicat de l’arme à feu. En outre, ce système de production était complété par une nébuleuse d’ateliers où travaillaient des artisans moins spécialisés, chargés de la fabrication de tous les autres composants de l’arme, alors que la partie en bois de la crosse et du boîtier de culasse, souvent décorée, était fabriquée à Brescia. L’ensemble de la filière était coordonnée par des marchands entrepreneurs. Ainsi, il s’agissait d’un système de production complexe, qui reposait largement sur l’industrie rurale, mais qui employait une main-d’œuvre qualifiée et qui était lié à l’économie urbaine9. Toutefois, comme je l’ai déjà souligné, la métallurgie des régions montagneuses était une sorte de spécialisation traditionnelle qui a évolué dans le temps sans entrer ni en conflit, ni en compétition avec les manufactures urbaines ; bien au contraire, elle fut même favorisée par les gouvernements des pays et des villes pour son caractère stratégique et, de ce fait, s’orienta vers un vaste marché.
8Il n’en va pas de même pour les manufactures textiles présentes dans toutes les zones montagneuses sous la forme d’une industrie domestique destinée à satisfaire l’autoconsommation. Parfois, ces manufactures travaillaient pour les industries textiles citadines, pour les phases de préparation des matières premières par exemple, et elles ont pu, dans certains cas, remplacer les manufactures urbaines. Si on considère les industries rurales comme une compensation possible des activités citadines, l’exemple le plus significatif est sans aucun doute celui du travail de la laine dans le territoire de Bergame, notamment dans la vallée de Gandino. C’est là qu’au cours du XVIe siècle, une multitude d’ateliers, avec leurs propres formes d’organisation, le verlagssystem aussi bien que le kaufsystem, parvinrent à mettre en place le pôle productif lainier qui fut probablement le plus dynamique de l’Italie du Nord. Les raisons de ce succès sont, certes, à rechercher dans la flexibilité productive, dans les coûts de production réduits que les manufactures rurales consentaient, ainsi que dans l’orientation vers des productions économiques, mais elles résident également dans le rapport non conflictuel et la complémentarité avec la ville10.
9En effet, le rapport entre la ville et son territoire constitue une question primordiale pour ce qui est de l’évolution des manufactures rurales ; il s’agit d’un rapport qui a pris des formes différentes selon les territoires, allant des franchises souvent accordées aux zones montagneuses – comme mentionné plus haut – pour des raisons d’opportunité géopolitique, à des formes d’intégration économique fonctionnelle – comme ce fut le cas de Bergame et de ses vallées avoisinantes – et jusqu’à la dialectique institutionnelle découlant de l’interaction avec les bourgs et les nombreuses « presque villes11 » de la plaine du Pô.
10Les politiques économiques adoptées par les différents États régionaux furent déterminantes à cet égard. La République de Venise avait construit l’espace économique de son État territorial en s’inspirant d’un principe fondamental : la sauvegarde des manufactures vénitiennes comme priorité absolue qu’il fallait garantir et défendre même au détriment des intérêts économiques, fussent-ils raisonnables, de la Terraferma. Au cours du XVIIIe siècle cependant, et à la suite de son déclin industriel, Venise adopta une attitude beaucoup plus pragmatique, sensible aux dynamiques économiques prometteuses du territoire ; en même temps, une politique économique, accordant généreusement des privilèges et des exemptions, favorisait le développement d’un tissu productif dense dans le territoire de la Terraferma12. Un exemple significatif à cet égard est celui de l’industrie lainière, qui parvint à trouver sa place sur le marché avec une vaste gamme de produits et qui connut un développement remarquable surtout dans les départements de Trévise et Vicence – hormis le territoire de Bergame, dont on a déjà parlé, appartenant lui aussi à Venise. Dans ces territoires, s’était affirmée une organisation de la production articulée où, à côté des manufactures domestiques, du moins pour ce qui concerne le tissage, il existait des formes de production concentrées sous le contrôle direct du marchand. Ce système productif concernait des centres urbains plus petits, tels que Schio, Valdagno, Bassano et Thiene, mais impliquait les campagnes environnantes dans la réalisation de plusieurs phases du processus productif13.
11En Lombardie aussi, les difficultés rencontrées par les entreprises urbaines furent à l’origine de marges de manœuvre de plus en plus amples pour les manufactures rurales. L’exemple le plus important est, peut-être, celui des territoires au nord de Milan, axés sur les bourgs de Busto et Gallarate. Cette zone était déjà un réservoir de main-d’œuvre au Moyen Âge, pour les phases de préparation des tissus de coton qui s’achevaient à Milan. À partir de la seconde moitié du XVIe siècle, lorsque l’industrie cotonnière urbaine commença à ralentir, les marchands locaux entreprirent d’organiser le cycle productif de manière autonome, se spécialisant dans des articles de qualité inférieure par rapport aux productions citadines traditionnelles, tout en parvenant à s’emparer de créneaux significatifs du marché régional14.
12La différenciation qualitative entre productions urbaines et rurales est un point important qui a été déterminant dans le sort des industries rurales. Parfois, comme ce fut le cas de la Lombardie mentionné plus haut, le déclin de la manufacture urbaine, traditionnellement vouée à la production haut de gamme, s’est accompagné, « presque naturellement » de l’essor d’activités rurales d’un niveau moins élevé. Il s’agit là d’évolutions qui ne peuvent être considérées comme de simples compensations ; en effet, les produits urbains de qualité ne pouvaient pas être mis sur le même plan, ni en termes de valeur ajoutée, ni de pénétration du marché, que des articles ordinaires destinés au marché régional et souvent issus des manufactures rurales. Dans d’autres cas, en revanche, la différenciation qualitative a été imposée par la ville prédominante, comme ce fut le cas en Toscane avec Florence. En effet, dans le Grand-Duché, la suprématie politique de Florence allait de pair avec la domination économique de la ville dans la production de tissus de laine de qualité : aux villes et aux bourgs du Grand-Duché n’était consentie que la seule production d’étoffes ordinaires. Même en Toscane – tout comme en Lombardie et dans la République de Venise –, les difficultés grandissantes rencontrées par l’industrie urbaine entre XVIIe et XVIIIe siècles ont permis aux manufactures rurales de gagner du terrain. En 1739, le monopole florentin de la fabrication de tissus de qualité était supprimé. Prato, centre urbain de moindre importance qui avait le mieux réussi à survivre aux siècles d’impérialisme florentin, devint le nouveau pôle régional de la manufacture lainière, fort de son rôle charnière dans un vaste territoire d’industries rurales15.
13De cette analyse sommaire il ressort, entre autres, un élément qui, à mon avis, n’a pas fait l’objet d’une réflexion appropriée, à savoir le rôle des bourgs, des centres urbains secondaires ou « presque villes », selon l’heureuse expression de Giorgio Chittolini16. Ces agglomérations secondaires ou semi-urbaines, qui avaient peut-être connu une certaine autonomie politique au Moyen Âge, avaient perdu de leur importance au profit d’autres pôles urbains. Cependant, grâce à des conditions favorables, elles avaient atteint un développement démographique remarquable et un poids économique non négligeable. Une grande partie des zones caractérisées par la présence de manufactures rurales est ainsi structurée par des centres de ce type, qui jouèrent, en quelque sorte, le rôle de pôles catalyseurs, avec leur marché, leurs équipements hydrauliques, leurs entrepreneurs ; c’est le cas, entre autres, de Gandino, Schio et Bassano, Busto et Gallarate, Prato, mais on pourrait citer nombre d’exemples.
14L’impression qu’on peut tirer de cette brève analyse, c’est qu’il s’agit de la récupération d’une tradition manufacturière d’origine médiévale, affaiblie ou étouffée à l’époque de l’essor des grandes villes, d’abord, et des États régionaux ensuite, et qui connut un regain d’importance lorsque le système productif, axé sur les villes, entra en crise. Dans ces centres urbains de petite taille, survivaient souvent, bien que dans une moindre mesure, des formes d’organisation corporative : on voit là combien serait schématique l’opposition ville et corporations versus campagnes et manufactures rurales.
15Observons pour finir le cas de la soie qui peut être considérée comme la manufacture italienne par excellence, sa fabrication allant des Alpes aux Apennins, du Piémont au Frioul17. L’élevage du ver à soie et le tirage de la soie, de plus en plus répandus à partir du XVIIe siècle, étaient des activités typiquement rurales et domestiques qui se déroulaient au sein des familles paysannes et s’ajoutaient aux activités agricoles. Il ne s’agissait évidemment que des étapes préliminaires du cycle de production du tissu de soie, les phases suivantes, de la filature au tissage, jusqu’au finissage, étaient réalisées ailleurs. La filature elle-même pouvait être réalisée hors des villes, mais il s’agissait d’un travail généralement centralisé et contrôlé. L’élevage du ver à soie et le tirage de la soie permettaient aux paysans de compléter leurs revenus ; ils pouvaient même en obtenir une rémunération en espèces, celle des travaux des champs étant habituellement versée en nature. L’importance de ce complément monétaire variait considérablement selon les clauses contractuelles et la condition du paysan, à savoir, s’il était petit propriétaire exploitant, métayer ou simple manœuvre. Cependant, il me semble qu’on peut affirmer que la diffusion du travail de la soie dans les campagnes de l’Italie du Nord a représenté une source importante d’accumulation, surtout pour ceux qui – marchands et propriétaires terriens – en contrôlaient et coordonnaient la production et le commerce. C’est ainsi que la soie a joué un rôle significatif dans le processus d’industrialisation grâce à sa contribution fondamentale à l’accumulation du capital18.
16Métallurgie, laine, coton et soie étaient les secteurs principaux – il en existe d’autres que nous n’analyserons pas ici par souci de brièveté, tels que la paille dans différentes zones de la Toscane, les copeaux à Carpi ou le chanvre à Cento en Émilie – dans lesquels étaient actives les manufactures rurales de l’Italie du Nord. Celles-ci, entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, furent à l’origine d’un vaste tissu productif où interagissaient des entités territoriales différentes : les vallées préalpines et celles des Apennins, les zones collinaires et les bourgs très peuplés de la plaine. Ce fut cette « accumulation proto-industrielle », selon la définition efficace d’Alain Dewerpe, qui prépara l’industrialisation italienne de la fin du XIXe siècle et du début du XXe19 ; une industrialisation qui, toutefois, eut comme moteur des villes telles que Milan, Turin et Gênes.
Des industries rurales aux districts industriels ?
17À partir de la fin des années 1980, un groupe de chercheurs, essentiellement des économistes et des sociologues, a attiré l’attention de la communauté scientifique sur l’existence d’une forme particulière d’organisation de la production industrielle ayant joué un rôle décisif dans le développement économique italien et qui jusqu’alors avait été négligée : les districts industriels, c’est-à-dire les réseaux de petites et moyennes entreprises réparties sur un territoire autre que celui des zones industrielles urbaines traditionnelles20. Les chercheurs qui ont lancé ces investigations sur les districts industriels avaient repéré, dans l’environnement social de certaines zones rurales de l’Italie centrale, un terrain particulièrement adapté à la naissance et à l’affirmation des systèmes de production locaux axés sur la petite entreprise. En particulier, les investigations menées sur les situations de l’Émilie, de la Toscane et des Marches parvenaient à attribuer au métayer, quoiqu’avec des nuances différentes selon les lieux, un rôle fondamental dans la genèse du district industriel. L’expérience acquise par le métayer, dans l’organisation du travail des membres de sa famille et des salariés, ainsi que dans la comptabilité de l’exploitation agricole, aurait permis l’accumulation d’un patrimoine de culture managériale susceptible de le convertir en petit entrepreneur lorsque, dans l’après-guerre, le métayage a commencé à décliner21. Cette position ne prenait nullement en compte l’apport des recherches et le débat historiographique qui s’étaient développés au sujet des manufactures rurales et de leur regain d’importance : comment ne pas penser désormais que ce sont justement les entreprises rurales, connaissant un nouvel essor entre le XVIIe et le XVIIIe siècle, qui ont pu être à l’origine des districts industriels ?
18Le modèle même de la proto-industrialisation avait affirmé l’existence d’une genèse rurale du processus d’industrialisation, même si les transformations économiques et sociales enclenchées par la proto-industrie rurale n’aboutissaient pas à l’affirmation d’une classe de petits entrepreneurs, mais plutôt à une prolétarisation progressive des paysans pauvres22. Toutefois, un examen plus attentif permet d’observer qu’il existe des exemples de districts industriels nés dans les zones proto-industrielles. Ces dernières étaient caractérisées par la présence d’activités manufacturières traditionnelles, organisées par des marchands exploitant la main-d’œuvre rurale sous-occupée pendant les périodes de ralentissement de l’activité agricole.
19L’un des exemples les plus connus est probablement celui de Carpi où, dès le XVIe siècle, s’était affirmée la manufacture des chapeaux de copeaux, largement exportés au cours des siècles suivants. Le travail des copeaux, qui permettait de produire les tresses servant à la fabrication des chapeaux, était réparti sur un vaste territoire et constituait un complément de revenu pour les familles paysannes. Lorsque, dans l’Entre-deux-Guerres, la demande de chapeaux de copeaux commença à baisser définitivement, le système de production et l’organisation commerciale qui avaient été à la base de cette manufacture pendant presque quatre siècles furent reconvertis dans une autre production : la bonneterie. Celle-ci, en effet, put s’affirmer en utilisant les réseaux préexistants de cette nébuleuse de travailleurs à domicile et un network commercial international de qualité. L’initiative entrepreneuriale, qui marqua le développement économique local d’après-guerre, fut l’œuvre de protagonistes appartenant à différents milieux sociaux : anciens marchands-entrepreneurs du copeau, intermédiaires organisant le travail à domicile de la bonneterie ainsi que travailleurs à domicile23.
20Il est possible de relever de fortes analogies avec Carpi quand on examine l’évolution à long terme du système de production local à Cicognara, dans le territoire de Mantoue, spécialisé dans la production de pinceaux et d’articles pour le ménage. Même dans ce cas, le développement économique plus récent s’est inséré dans l’ancienne organisation de la production et du commerce de type proto-industriel. La proto-industrie locale, qui s’était affermie entre les XVIIIe et XIXe siècles, était liée au travail du chanvre : la fibre était utilisée dans le tissage domestique, tandis que les déchets des tiges de chanvre, préalablement séchés et imprégnés de soufre, pouvaient être utilisés pour allumer le feu et, pour cette raison, étaient vendus dans les zones avoisinantes. Entre la fin du XIXe siècle et le début du siècle suivant, l’avènement des allumettes et le déclin de la culture du chanvre jouèrent un rôle déterminant dans la crise des manufactures proto-industrielles traditionnelles qui, à leur tour, furent remplacées par une autre activité : la fabrication de balais de sorgho. Cette activité occupait la plupart de la population de Cicognara et d’autres localités limitrophes : enfants, femmes et même plusieurs hommes se consacraient à la production de balais. L’organisation de la production se fondait essentiellement sur le travail à domicile même si, au cours de la première décennie du XXe siècle, apparurent de premières usines, plutôt rudimentaires, où le travail gardait un fort caractère saisonnier. À Cicognara aussi, comme dans beaucoup d’autres cas, le développement du système productif local remonte à l’après-guerre, la naissance de nombreuses petites entreprises coïncidant avec le remplacement de matières premières traditionnelles par les fibres synthétiques. Cette évolution put profiter également d’un vaste réseau de distribution issu de l’activité des marchands ambulants d’allumettes et de balais24.
21Apparemment, ces deux exemples – Cicognara et Carpi – semblent démentir le fait que l’aboutissement inéluctable de la proto-industrialisation doit être la prolétarisation de la population paysanne ; bien au contraire, ils prouveraient que des zones proto-industrielles peuvent même se transformer en districts industriels.
22Charles Sabel et Jonathan Zeitlin25 ont cependant remis en question le modèle proto-industriel en tant que schéma d’interprétation du processus d’industrialisation, en critiquant la dynamique des changements économiques et sociaux décrits plus haut, mais surtout, en faisant valoir l’existence de formes d’organisation industrielle alternatives à l’usine et la production de masse. Il faut préciser, cependant, que les exemples analysés par ces deux chercheurs dans leur reconstruction de l’évolution de la production flexible concernaient des situations caractérisées par la présence d’activités artisanales plutôt spécialisées ou relevant du Kaufsystem ; dans les deux cas, il s’agissait d’artisans bien conscients de leurs compétences et qui, de ce fait, avaient des connaissances plus approfondies de « culture entrepreneuriale » par rapport aux paysans insérés dans un Verlagssystem, engagés à travailler seulement pendant quelques mois par an à la réalisation d’objets simples, tels que des chapeaux de copeaux ou des balais de sorgho. Il n’en reste pas moins que l’Italie du Nord a effectivement connu des zones dont le développement économique, fondé sur une structure préexistante d’activités artisanales largement autonomes, a pris la forme du district industriel. Les expériences du territoire de Lecco26 et, surtout, de Lumezzane dans le département de Brescia, en constituent autant d’exemples significatifs27.
23L’activité manufacturière de la vallée de Lumezzane, au nord de Brescia, s’était affirmée, dès le XVIe siècle, en lien avec l’industrie de l’armurerie installée dans le bourg voisin, Gardone Valtrompia. Les forgerons de Lumezzane produisaient des platines, des baïonnettes et d’autres accessoires pour armes à feu destinés aux armées de la moitié de l’Europe. C’est ainsi que se développa, au fil du temps, un tissu de production complexe, fondé sur une multitude de forges spécialisées dans la fabrication de composants d’armes à feu. Ces forges étaient capables de convertir leur fabrication, lors d’une baisse des commandes militaires toujours fluctuantes, vers des articles manufacturés à usage civil : clouteries, lames, tréfileries et surtout couverts. Spécialisation et flexibilité furent les traits distinctifs du réseau des petites entreprises du territoire de Lumezzane, dès le XIXe siècle, comme le soulignait un observateur de la seconde moitié du siècle : « Dans la “Valle Trompia” la petite industrie se concentre entièrement, on pourrait dire, dans l’industrieuse vallée de Lumezzane. Là-haut chaque maison est un atelier où les habitants s’emploient à toute sorte de travaux28. »
24Métayage, activités proto-industrielles, artisanat sont les milieux hétérogènes qui sont à l’origine des formes de développement économique local fondées sur la petite entreprise et prenant la forme de districts industriels. Il est certain que toutes ces expériences se sont développées en milieu rural, mais certains travaux29 nous incitent à ne pas trop insister sur l’empreinte du contexte rural dans la genèse du développement économique local et à considérer le fait que, dans de nombreux cas, la présence d’une usine a joué un rôle décisif, même si cette présence s’est limitée à une phase bien précise de l’histoire de la région. L’implantation industrielle centralisée a, en effet, joué un rôle-clé dans l’acquisition de compétences techniques et d’un savoir-faire professionnel par la main-d’œuvre locale : cet apprentissage est, dans certains cas, un passage fondamental dans l’histoire du développement local. Sebastiano Brusco30 et plus récemment Giovanni Solinas31 ont fortement insisté sur l’importance du caractère formatif de l’expérience du travail en usine et quelques exemples peuvent confirmer cette approche.
25Ainsi, l’usine Noemi, fabrique de bas et collants implantée dans la seconde moitié des années 1920 avec des technologies et une main-d’œuvre d’origine allemande, fut l’incubateur des petites entreprises qui se développèrent après la guerre dans l’Alto Mantovano (au nord de Mantoue), à Castelgoffredo, cœur du district de la bonneterie pour femme. Noemi obtint de bons résultats durant un peu plus de deux décennies mais, après la guerre, l’usine connut une réduction progressive de son activité jusqu’à sa fermeture totale. À la suite de cette crise, les travailleurs, restés sans emploi, tirèrent profit de l’expérience acquise sur les métiers à tisser Cotton et ouvrirent une multitude de petites et très petites entreprises ; il s’agissait souvent de simples ateliers artisanaux qui, du moins au début, travaillaient comme sous-traitants, sans leur propre marque. Leurs connaissances et leurs compétences techniques, acquises grâce à l’expérience en usine, furent essentielles pour gagner le défi sur le plan de l’innovation32. Il en va de même pour le district de Manerbio, dans la plaine de Brescia, où l’usine lainière du bourg, née au début du XXe siècle d’une initiative locale avec la participation de capitaux étrangers, fut rachetée en 1928 par l’entreprise Marzotto. La manufacture se développa considérablement, jusqu’à employer plus de 3 000 ouvriers à la veille de la Seconde Guerre mondiale. À la fin des années 1960, lorsque les grandes entreprises s’orientaient vers une réduction des effectifs, l’usine de Manerbio subissait elle-même un plan de restructuration entraînant une suppression d’emplois. C’est alors que se développa un tissu local de petites entreprises implantées par les anciens travailleurs, auxquelles Marzotto assurait son soutien et passait ses commandes33.
26Métayers, paysans « proto-industriels », artisans, anciens ouvriers furent les acteurs qui, en fonction de la situation, abandonnèrent leur condition pour s’orienter vers la petite entreprise : des figures sociales différentes, actives dans des contextes, à des moments et selon des rythmes différents, ont muri le même choix entrepreneurial. L’analyse de la genèse de certains cas de développement économique local confirme l’existence d’une multiplicité de formes, ce qui complique toute tentative taxinomique. Cependant, dans l’histoire du district industriel, il paraît possible de repérer deux parcours évolutifs – certes parallèles et pas nécessairement alternatifs : d’une part, il y a les nombreux exemples qui ont comme protagonistes du système productif local des activités artisanales, avec toutes les compétences techniques qu’elles impliquent ; de l’autre, il y a les situations dans lesquelles le progrès industriel du territoire résulte de l’initiative entrepreneuriale d’acteurs issus du milieu rural. Autrement dit, on pourrait penser qu’il existe deux visions possibles de la genèse des districts industriels : l’une imprégnée de la culture artisanale et l’autre de la culture paysanne. En fait, le point crucial ne réside probablement pas tant dans l’opposition entre culture artisanale et paysanne, mais plutôt dans le mode d’acquisition du savoir-faire : par le biais de l’apprentissage dans un atelier d’artisan ou bien à l’usine. L’apprentissage en usine a représenté pour de nombreux districts une opportunité de formation souvent décisive, du moins dans certaines phases du cycle de vie du district même. Il ne faut donc pas considérer l’usine comme une alternative au district, ou en opposition avec ce dernier, mais plutôt comme une expérience qui est, du moins en partie, complémentaire au district aussi bien qu’à l’atelier d’artisan.
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27Il est difficile de dire si la crise des industries urbaines, avec leurs produits prisés destinés à l’exportation qui avaient fait la fortune des villes de l’Italie du Nord au moins jusqu’au XVIe siècle, a été compensée par la diffusion et la maturation des manufactures rurales gagnant du terrain entre XVIIe et XVIIIe siècles. Probablement pas. Pourtant, l’essor de ces manufactures eut des retombées significatives sur le développement industriel des siècles suivants. D’une part, la présence d’activités manufacturières répandues dans les campagnes est à l’origine d’un tissu productif préparatoire à l’industrialisation, en termes de formation de la main-d’œuvre ainsi que du point de vue d’une transition « douce » vers l’usine qui, dans le textile, en Piémont tout comme en Lombardie, put coexister avec le travail à domicile. D’autre part, la manufacture rurale de la soie, qui était probablement la plus répandue, devint une source importante d’accumulation de capital, jouant sans aucun doute un rôle non négligeable dans le processus d’industrialisation en Italie.
28Ce tissu productif industriel, ramifié dans les campagnes, n’a-t-il pas été l’incubateur de cette forme industrielle typiquement italienne, celle des districts industriels ? La réponse pourrait être affirmative dans certains cas – les districts métallurgiques de quelques vallées préalpines en sont un exemple –, mais ce n’est pas toujours vrai. Il me semble plus correct d’affirmer, en s’appuyant sur des cas particuliers, que les districts industriels découlent de l’industrialisation, plutôt que de la proto-industrie ou de l’artisanat.
Notes de bas de page
1 Sur ce point voir P. Malanima, La fine del primato, Milan, 1998.
2 G. Becattini, M. Bellandi, L. de Propris (dir.), A Handbook of Industrial Districts, Cheltenham (UK) and Northampton (USA), 2009.
3 C.M. Cipolla, « The Economic Decline of Italy », B. Pullan (dir.), Crisis and Change in the Venetian Economy, Manchester, 1968, p. 127-145.
4 C.M. Belfanti, « Rural manufactures and rural proto-industries in the “Italy of the cities” from the sixteenth through the eighteenth century », Continuity and Change, 1993, p. 253-280.
5 F. Mendels, « Protoindustrialization : the first phase of the industrialization process », Journal of Economic History, 1972, p. 241-261
6 Voir par exemple S. Ciriacono, « Protoindustria, lavoro a domicilio e sviluppo economico nelle campagne venete in epoca moderna », Quaderni Storici, 1983, p. 57-80 ; P. Corner, Contadini e industrializzazione, Rome-Bari, 1993 ; G.L. Fontana (dir.), Le vie dell’industrializzazione europea. Sistemi a confronto, Bologna, 1997.
7 C.M. Cipolla, « The economic decline… ».
8 C.M. Belfanti, « Due secoli di storia del distretto industriale di Lumezzane », A. Cova, P. Mezzanotte, G. Rumi (dir.), Brescia e il suo territorio, Milan, 1996, p. 503-528 ; C.M. Belfanti, « Istituzioni intermedie e sviluppo locale in prospettiva storica », A. Arrighetti, G. Seravalli (dir.), Istituzioni intermedie e sviluppo economico, Rome, 1999, p. 124-144 ; A. Colli, Legami di ferro. Storia del distretto metallurgico e meccanico lecchese tra Otto e Novecento, Rome, 1999 ; V. Beonio-Brocchieri, “Piazza universale di tutte le professioni del mondo”. Famiglie e mestieri nel Ducato di Milano in età spagnola, Milan, 2000.
9 C.M. Belfanti, « A chain of skills : the production cycle of firearms manufacture in the Brescia area from the sixteenth to the eighteenth centuries », A. Guenzi, P. Massa, F. Piola (dir.), Guilds, Markets and Work Regulations in Italy, 16th-19th Centuries, Londres, 1998, p. 266-283.
10 W. Panciera, L’arte matrice. I lanifici della Repubblica di Venezia nei secoli XVII e XVIII, Trévise, 1996, p. 28-38.
11 G. Chittolini, « Quasi città. Borghi e terre in area lombarda alla fine del Medioevo », Società e Storia, 1990, p. 3-26.
12 C.M. Belfanti, « Town and country in central and northern Italy, 1500-1750 », S.R. Epstein (dir.), Town and Country in Early Modern Europe, Cambridge, 2001, p. 291-314 ; P. Lanaro (dir.), At the Centre of the Old World. Trade and Manufacturing in Venice and the Venetian Mainland, 1400-1800, Toronto, 2006.
13 W. Panciera, L’arte matrice…
14 Beonio-Brocchieri, « Piazza universale di tutte le professioni… », p. 91-98.
15 P. Malanima, La decadenza di un’economia cittadina. L’industria di Firenze nei secoli XVI-XVIII, Bologna, 1982 ; P. Malanima, Il lusso dei contadini. Consumi e industrie nelle campagne toscane del Sei e Settecento, Bologna, 1990.
16 G. Chittolini, « Quasi città. Borghi e terre in area lombarda… ».
17 F. Battistini, L’industria della seta in Italia nell’età moderna, Bologna, 2003.
18 L. Cafagna, Dualismo e sviluppo nella storia d’Italia, Venise, 1989.
19 A. Dewerpe, L’industrie aux champs. Essai sur la proto-indutrialisation en Italie du Nord (1800-1880), Rome, 1985.
20 M. Bellandi, M. Russo (dir.), Distretti industriali e cambiamento economico locale, Turin, 1994.
21 G. Becattini, « Riflessioni sullo sviluppo economico-sociale della Toscana in questo dopoguerra », G. Mori (dir.), La Toscana, Turin, 1984.
22 F. Mendels, « Protoindustrialization… ».
23 L. Cicognetti, M. Pezzini, « Dalla lavorazione delle paglie all’industria delle maglie : la nascita del distretto industriale di Carpi, C.M. Bellandi, M. Russo (dir.), Distretti industriali…, p. 107-126 ; P. Mengoli, « Dal truciolo alla maglieria : alle radici del distretto industriale di Carpi », Padania, 1993.
24 I. Denti, « Gli scopai di Cicognara », G. Barozzi, L. Beduschi, M. Bertolotti (dir.), Mantova e il suo territorio, Milan, 1982 ; A. Ghinzelli, Le scope di saggina. La gente e la storia, Viadana, 1991.
25 Ch. Sabel, J. Zeitlin, « Historical alternatives to mass production : politics, markets and technology in nineteenth-century industrialization », Past and Present, 1985.
26 A. Colli, Legami di ferro…
27 C.M. Belfanti, « Due secoli di storia… ».
28 Cité par C.M. Belfanti, « Due secoli di storia…, p. 512.
29 A. Guenzi, « La storia economica e i distretti industriali marshalliani : qualche considerazione su approcci e risultati », C.M. Belfanti, T. Maccabelli (dir.), Un paradigma per i distretti industriali. Radici storiche, attualità e sfide future, Brescia, 1997, p. 19-29.
30 S. Brusco, Piccole imprese e distretti industriali, Turin, 1989.
31 G. Solinas, « Competenze, grandi imprese e distretti industriali. Il caso Magneti Marelli », Rivista di Storia economica, 1993 ; G. Solinas, « Grande impresa e formazione di competenze : l’industria meccanica di Carpi », C.M. Bellandi, M. Russo (dir.), Distretti industriali e cambiamento economico…, p. 127-148.
32 C.M. Belfanti, Mezzadri, operai, artigiani : personaggi in cerca d’autore alle origini del distretto industriale, Belfanti, Maccabelli (dir.), Un paradigma per i distretti industriali…, p. 31-37.
33 C.M. Belfanti, Mezzadri, operai, artigiani…
Auteur
Université de Brescia, Italie.
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