Acque patrizie entre terre et eau, Venise à l’Époque moderne
p. 87-106
Texte intégral
1Parler de Venise et de l’eau, c’est évoquer aussitôt un lien indissoluble. Comme l’a écrit Fernand Braudel de façon très imagée, Venise est née de l’écume de la mer. Dans son mythe fondateur, à travers le rituel du mariage avec la mer, Venise, en effet, considérait la lagune, sa mer, comme un « lac maternel ». Parler de Venise et de l’eau, c’est ainsi aborder l’essence même de son être ; l’essence d’une ville très particulière qui a dans la mer, les eaux, la lagune, dans l’Adriatique et dans la Méditerranée, ses espaces et ses horizons propres. Bref, sa raison d’être. « Venezia nasce sull’acqua, Venezia nasce dall’acqua. E la città, oggi come ieri, trionfa sull’acqua » a écrit Élisabeth Crouzet-Pavan1. Venise apparait aux voyageurs, aux pèlerins qui arrivent par terre ou par mer comme « assise sur la mer2 ». Enfin, comme le remarquait Sabellico au début du XVIe siècle : « Vien bagnata essa città non come altre da alcuna parte con le onde del mare, ma essa tutta in mezzo le acque è posta3. »
2Cette particularité environnementale a également été un des éléments fondateur du mythe même de Venise et le tout a contribué à construire une sorte d’« esprit de la mer » fait d’images, de mythes, de légendes, de littérature, de chants et de cérémonies. Le mariage de Venise avec la mer durant la Sensa, la fête de l’Assomption qui possédait à l’origine un caractère propitiatoire, en est un exemple parmi tant d’autres4 : accompagné des dignitaires ecclésiastiques, le doge sortait en mer avec le Bucintoro pour bénir et confirmer le lien très fort qui existe entre la cité et la mer5.
3Les nombreux ex-voto conservés au Museo Storico Navale de Venise nous racontent le danger quotidien que la mer représentait avec ses inévitables tempêtes et ses naufrages. Mais il ne faut pas oublier la mer de la ville, des lidos, des canaux, du port, des rios, des activités productrices (le grand Arsenal, mais pas uniquement), la mer des entrepôts, des fondaci, des chantiers navals, mais aussi la mer ouverte au-delà de l’entrée des ports, au-delà des forteresses, la mer où s’aventuraient les galères marchandes et militaires6.
4Avec l’usage et l’occupation de l’espace maritime se développa également, de façon expérimentale, coutumière et très pragmatique, un ensemble de normes juridiques et statutaires qui garantissaient une possession publique des espaces lagunaires et maritimes. Il s’agissait d’une codification ininterrompue de réglementations maritimes qui comprenait des principes de police navale mais également des dispositions pénales et disciplinaires. Il faut ajouter à cela les normes du droit maritime privé qui clarifiaient la navigation elle-même et définissaient les contrats d’embauche, les contrats de louage et les assurances maritimes7.
5C’est dans ce contexte environnemental et normatif que l’espace urbain s’est développé et organisé autour de l’eau. Les fonctions résidentielles, institutionnelles ou productives, dont certaines activités sont fortement polluantes, étaient à chaque fois concernées. Il s’agissait donc, et cela pendant des siècles, de concilier des intérêts contradictoires avec comme objectif de conserver ce délicat équilibre des eaux douces et des eaux salés, de la terre et de la mer8.
6Il faut comprendre que c’est dans ce contexte d’inextricable accumulation d’usages et de coutumes que les contestations, les revendications et les conflits trouvèrent un terrain fertile et entraînèrent la création de magistratures et de bureaux spécifiques. Il n’est pas inutile, à ce propos, de rappeler que le concept moderne de division des pouvoirs était totalement étranger à la doctrine et à la pratique constitutionnelle vénitienne. Il en découlait, classiquement, une superposition des compétences et des prérogatives qui naissaient souvent des contingences. Cela entraînait également – par une aptitude typiquement vénitienne à l’expérimentation, même provisoire, de nouvelles normes – la nomination de nouveaux magistrats prêts à corriger, avec une bonne dose de pragmatisme, ce qui avait été décidé précédemment. Ainsi, aux organes spécifiques (le Magistrato all’Armamento, le Collegio della Milizia da mar, le Magistrato all’Arsenal), s’ajoutèrent les commissions qui émanaient des assemblées : les Savi agli ordini, chargés de la préparation du texte des parti en matière maritime, et les Proveditori et executori ad expedir tutte le deliberation fatte et che cetero se faranno per questo Consiglio circa le cose maritime, c’est-à-dire l’organe qui était chargé de la rapide exécution des normes approuvés par le Sénat9.
7Dans la limite de cet article, nous ne pourrons donner qu’un aperçu synthétique de la complexité des thèmes qui concernent le rapport entre la ville de Venise et la mer, c’est-à-dire l’eau de l’espace lagunaire qui a été définie en son temps comme un extraordinaire « connubio di terra-quasi terra e acqua-quasi acqua10 ».
8La lagune procurait évidemment des ressources, au premier rang desquelles, le sel et la pêche. Aussi, les habitants revendiquaient-ils le droit de « pascolare le acque ». À partir du XVe siècle, des documents mentionnent des conflits et des querelles entre les grands monastères vénitiens et le patriciat émergeant pour la délimitation de zones de pêche et de zones de récolte du sel. Il faudrait également évoquer le dur conflit qui opposa Venise et Chioggia. Enfin, à la fin du XVIIIe siècle, la pose de bornes de confins (101 bornes en pierre d’Istrie) servant à délimiter la lagune fut une manière d’affirmer que la lagune était et resterait la véritable enceinte de Venise face à la Terre Ferme11.
De la lagune à la terre ferme
9Pendant des siècles, Venise avait tourné le dos à la terre, à cette vaste zone de l’hinterland où coulaient précisément les fleuves qui menaçaient la lagune si sûre. Mais au cours du XVe siècle, le destin parut changer de figure. Ce changement de perspective, de culture et de politique, parfois dramatique pour la vieille classe marchande, a longtemps été vécu par les Vénitiens comme la perte des anciennes vertus. Ils avaient été riches pendant des siècles, sans s’occuper des labours. Ils naviguaient. Ils cultivaient la mer. Mais pour s’enrichir désormais, ils devraient à leur tour se pencher sur l’araire. Les raisons et les événements qui ont abouti à ce changement de direction et à l’effacement de la suprématie vénitienne sont bien connus12. Mais ce qu’il faut souligner, pour ce qui nous concerne, c’est qu’à partir du XVe siècle, Venise eut à gérer d’autres eaux, les eaux qui précisément menaçaient l’isolement de sa lagune, et d’autres encore.
10Un bref aperçu de la structure hydrographique de la Terre Ferme s’impose ici. La Terre Ferme, région conquise par Venise en un siècle, correspond en grande partie à l’actuelle Vénétie. D’un point de vue géologique, la plaine padane constitue une classique cuvette de remplissage, et il est possible de distinguer quatre bandes de terrain : la bande des collines tertiaires est le débouché des vallées glaciaires ; la deuxième bande est une haute plaine formée par les lits fluviaux pierreux et graveleux, peu fertile et aride ; une troisième bande, dite des résurgences, se caractérise par des alluvions fines, riches en eaux jaillissantes ; la dernière, enfin, la basse plaine fertile et labourable est composée d’alluvions très fines sur lesquelles les eaux stagnent et forment des marécages. Grosso modo, chacun des fleuves de Vénétie traverse et sillonne en surface cette même succession de faciès géologiques13.
11En ce qui concerne l’hydrographie, il faut signaler que les fleuves de Vénétie, à l’exclusion du Pô, sont des fleuves au régime très inconstant et saisonnier. Ils ont une longueur moyenne faible mais surtout, à la différence des fleuves lombards, ils arrivent directement à la mer sans lacs fonctionnant comme bassins de compensation. Il en découle une extrême difficulté à réguler leurs crues. Cela explique les préoccupations séculaires de Venise concernant les apports de sable vers la lagune et leur corollaire, le danger d’enfouissement et de diminution des garanties de défense – danger réel, au demeurant, du point de vue sanitaire également. Pourtant, vis-à-vis de ces fleuves, l’attitude de Venise sera toujours ambivalente : ils étaient vus comme une extraordinaire ressource mais également comme une menace constante14.
12Le tableau ci-dessous fournit quelques informations sur les fleuves de Vénétie :
Principaux fleuves de la Terre Ferme vénitienne
Fleuves | Km | Régions traversées |
Le Pô | 652 | Piémont, Lombardie, Vénétie, Emilie-Romagne |
L’Adige | 410 | Trentin-Haut-Adige, Vénétie |
Le Piave | 220 | Vénétie |
La Brenta | 174 | Trentin-Haut-Adige, Vénétie |
Le Tagliamento | 170 | Frioul-Vénétie julienne, Vénétie |
Le Bacchiglione | 118 | Vénétie |
La Livenza | 112 | Frioul-Vénétie julienne, Vénétie |
Le Sile | 95 | Vénétie |
13Une fois la Terre Ferme conquise, des problèmes d’ordre juridique et normatif se posèrent à Venise comme cela avait été le cas auparavant pour la lagune, puis pour la mer. C’était une source de disputes et de conflits fréquents : en amont, il y avait le débat séculaire sur la nature publique des eaux et des fleuves, sur l’intérêt public de leur navigabilité. Ce paramètre et celui de la pérennité constituaient les deux critères de la définition des eaux comme un bien public. À l’époque romaine, c’était le critère de la pérennité principalement qui valait aux cours d’eau d’être reconnus comme biens publics. Le principe de l’usage commun perdit de la force face à l’idée et à la pratique de l’État patrimonial. Le souverain pouvait, en effet, donner en concession ou aliéner ces droits à des institutions, des monastères ou des tiers privés. À l’époque communale, de nombreuses normes reprirent ces critères. En ce qui concerne les eaux publiques, on affirma alors soit la liberté de dérivation soit l’obligation de concession au cas par cas16. Pour les eaux privées, les références viennent également du droit romain, mais avec des innovations importantes, comme par exemple, dans la région lombarde, l’acquedotto coattivo : c’est-à-dire la possibilité de creuser des canaux dans les terrains d’autrui en prévoyant le remboursement du terrain occupé17. En appliquant ce principe, ont été construit le Naviglio Grande, le canal Muzza et le Naviglio della Martesana. Ainsi, les eaux pouvaient être vendues ou louées à des privés.
« Nel passaggio ai regimi signorili e quindi agli stati regionali – écrit R. Vergani – è generale la tendenza ad ampliare la categoria delle acque pubbliche, includendovi anche fiumi non navigabili e a carattere torrentizio ; negli stati regionali, inoltre, si affermerà in varia misura un indirizzo accentratore, volto a limitare privilegi e particolarismi e in qualche modo caso anche a promuovere una disciplina delle acque a carattere unitario e uniforme per l’intero territorio18. »
14Venise suit alors la tendance qui aboutira à la domanialisation des fleuves, des torrents, des digues et d’une bonne partie des lidos et de la lagune. Le 6 février 1556 (style vénitien), il est décidé que « tutte le acque d’ogni sorte sono giurisdittion del Dominio ». En 1778, le juriste Marco Ferro définit dans son Dizionario del diritto comune e veneto, l’eau publique comme « dovesse servire a qualche fiume navigabile, o pure per molini, ovvero che […] scorresse per pubblica comodità degli abitanti19 ».
15Autour de l’eau, des eaux et de leur gestion, Venise créa un ensemble de magistratures, de bureaux spécialisés et une politique de contrôle de ces ressources. Une question se pose alors : dans ces conditions, et au vu de la centralité de l’eau comme ressource, Venise a-t-elle poursuivi une politique cohérente, programmée et rationnelle de gestion des eaux ? La réponse est non. Venise a agi, en cette occasion mais également comme nous l’avons vu en ce qui concerne la lagune et la mer, en essayant de concilier des intérêts différents et internes à la classe dirigeante et à l’aristocratie. Elle a cherché à résoudre au cas par cas les urgences, les nécessités du moment en prenant des décisions parfois contradictoires et qui sont le fruit de compromis pragmatiques et temporaires sans vision à long terme.
16Un jugement aussi net découle de l’analyse de la création et de l’évolution des magistratures liées à la gestion de l’eau. La question des eaux, divisées traditionnellement en trois (la lagune, les lidos et les fleuves), avait comme but essentiel la préservation de la lagune, condition essentielle à la défense militaire. La salubrité et l’existence même de Venise furent tout d’abord gérées selon les indications des conseils (Consiglio dei Dieci, Senato ou Pregadi, Quarantia) mais également par diverses magistratures dans le cadre de leurs compétences respectives, enfin, par des commissions ou des provveditori spécialement élus, à l’occasion.
17Le début du XVIe siècle est marqué par une intervention décisive pour mettre de l’ordre sur le sujet. En l’espace de quelques décennies, le Consiglio dei Dieci intervient à plusieurs reprises de façon résolue. Le 7 août 1501, il instaure les Savi alle acque, un collège permanent ; le 19 mai 1505, le Collegio alle acque est créé, auquel s’ajoutent, en 1531, trois esecutori, véritable bras opérationnel avec des fonctions administratives, financières et de trésorerie20. Comme toujours à Venise, cela a généré des superpositions de compétences et des conflits annexes. En cas d’événements particuliers, débordements, inondations, régulations des fleuves, on créait des organismes particuliers auxquels s’ajoutaient des inquisitori.
18L’efficacité de l’action du magistrato alle acque, à travers les divers organismes qui la composaient et grâce aux attributions propres du collège, dépendait de la possibilité d’une gestion unitaire à l’intérieur du bassin hydrographique des fleuves convergeant vers la lagune et de la compétence générale exercée dans le secteur. Les compétences et les prérogatives étaient parfois étendues (du moins dans certaines limites) aux champs politique, législatif, administratif, technique et financier avec juridiction, aussi bien civile que criminelle jusqu’à la peine de sang avec une procédure du Sénat ou du Consiglio dei Dieci.
19Les circonstances qui entraînent la création par le Sénat, des Provveditori sopra beni inculti, le 10 octobre 1556 sont remarquables, puisqu’on y voit trois onorevoli gentil’homeni, mus par le besoin de nouvelles terres à adaquar, essicar et irrigar et soucieux de les mettre en buona cultura et d’en retirer une grande quantité de biave. Et ceci, après diverses tentatives avortées et plus d’une décennie de polémiques et de débats virulents sur les investissements vénitiens. Venise est bien alors une ville transformée, délaissant sa vieille vocation pour le commerce et se tournant vers la production et la rente foncière. En témoigne, l’extraordinaire éclosion des demeures de campagnes, les ville venete qui ont eu en Andrea Palladio un interprète si singulier21. L’eau devient dès lors une ressource essentielle aussi bien pour assainir les terrains inculti, marécageux et palustres que pour irriguer les campagnes arides de la zone graveleuse de la plaine. Évacuer ou amener l’eau est désormais l’objet d’interventions et de débats virulents entre Alvise Cornaro, favorable à l’assainissement, et Cristoforo Sabbadino, soucieux de la sauvegarde de la lagune22. Deux partis se forment alors, celui de l’eau et celui de la terre23.
20La controverse avait déjà été lancée par Marco Cornaro (1412-1464) qui défendait l’idée que l’arrivée des eaux fluviales dans la lagune contre-carrait l’action de nettoyage des fonds lagunaires opérée par les eaux salées de la mer, car « gran laguna fa gran porto ». La proposition de déplacer pour la énième fois les bouches de la Brenta, dans un souci quelque peu excessif du sort de la lagune, impliquait en revanche d’interrompre en partie la navigation fluviale sur le fleuve, de rendre plus aléatoire l’approvisionnement en eau de Venise et, enfin, de fermer de nombreux moulins. Les intérêts en jeu étaient donc multiples. Cependant, c’est à Critoforo Sabbatino, proto alle acque en 1542, ayant vécu dans la lagune parmi les pêcheurs et les marins de Chioggia, et à Alvise Cornaro, propriétaire foncier, que nous devons la plus violente controverse à ce sujet.
21Cristoforo connaissait parfaitement la lagune et ses écrits dénoncent les dommages causés par la mer, les fleuves et les hommes. « Tre condition di homeni ruinano la laguna, – soutenait-il – li signori, li inzegneri e li particulari », en ouvrant des canaux, en construisant des moulins, en assainissant de façon désordonnée et en étendant les cultures du grain et de la vigne. La mer, à son tour, détériore la lagune de trois façons : par les sables apportés par les vents, par la résistance exercée par la mer contre les fleuves en provocant le dépôt de matériaux, enfin, en se mélangeant avec l’eau douce, ce qui favorise le développement des cannaies. Cependant, dans une lagune libérée des embouchures des fleuves, la mer aurait par le reflux emporté les roseaux et le terreau.
22Il était nécessaire de mettre un frein aux spéculations foncières et à l’assainissement des territoires aux marges de la lagune. De plus, il ne fallait pas tolérer la construction de digues et la dépaissance des animaux. Quand en 1552, Cristoforo Sabbadino a essayé de faire approuver un projet complexe de dérivation des cours d’eau mineurs vers Jesolo, les intérêts agricoles et industriels de la noblesse se sont alliés. Par la voix d’Alvise Cornaro, mais également par celle d’autres proti, le projet fut rejeté. Depuis des années, Alvise Cornaro était le protagoniste d’entreprises capitalistes qui avaient pour but d’assainir des centaines d’hectares de marais, les rettratti. Sa pensée était celle d’un propriétaire foncier de la campagne du Padouan et non celle d’un citadin de la lagune. Il estimait que le rettratto, c’est-à-dire l’assainissement, était la nouvelle alchimie de l’agriculture. Angelo Ventura a estimé à 2 millions de ducats les sommes investies dans le drainage et les assainissements24. Ce sont des investissements spéculatifs voués au développement de la rizière et non, comme on pourrait l’imaginer, dans le but d’introduire une production fourragère qui favoriserait ainsi l’élevage – ce qui aurait enclenché un cercle vertueux aboutissant à une augmentation de la productivité plutôt qu’à une augmentation des superficies cultivables. On privilégia encore la céréaliculture et en particulier dans la deuxième moitié du XVIe siècle, comme nous l’avons dit, la riziculture. Cela obligea d’ailleurs le Sénat à intervenir, à la fin du XVIe siècle, pour interdire de nouvelles concessions. De plus, l’arrivée du maïs et le développement de sa culture dans toute la Vénétie ont augmenté encore plus la « soif » d’eau25. Là est la raison majeure du grand conflit qui anima et guida les choix de la politique agricole et environnementale à l’époque vénitienne : l’utilisation de l’eau pour l’irrigation est une constante dans toutes les suppliques qui se succèdent au cours des siècles. Cela a d’ailleurs provoqué d’importantes transformations de l’agriculture en Vénétie et, partant, du paysage lui-même26.
23Le souci et l’attention du gouvernement vénitien concernaient également la gestion du patrimoine forestier. Le déboisement excessif et le ravinement des pentes des collines pouvaient provoquer des crues désastreuses des torrents et des fleuves avec en plus comme conséquence le transport de graviers et de sable dans la lagune27. Les Provveditori sopra beni comunali (créés en 1574) ont la responsabilité de contrôler les abus de la « houe » qui consistaient à réduire en agriculture les bois et les pâturages communs grâce à d’incessantes usurpations28.
24Revenons un instant sur la magistrature des Provveditori sopra Beni Inculti : leurs compétences se sont étendues par la suite aux concessions et aux renouvellements des « investitures d’eau » pour l’irrigation ou pour l’usage industriel jusqu’au Mincio, zone où les eaux étaient de « ragion del Dominio », tandis que dans l’aire lombarde, elles étaient de statut privé et librement négociables29. En confirmant une tendance présente dès l’origine, deux Deputati all’agricoltura sont créés en 1768 dans le but d’étudier des perfectionnements techniques pour améliorer la production agricole et de viande ainsi que de stimuler les académies agraires naissantes30.
25Le problème de ces magistratures, comme des autres d’ailleurs, est celui de l’absolue fragmentation des compétences qui ne sont jamais complètes mais sectorielles. S’ajoute à cela un jeu continu de vetos croisés de la part des conseils, à commencer par les nominations mêmes des membres des conseils.
26Ces conflits institutionnels continus finissaient par paralyser l’action du gouvernement régional et rendaient les décisions inefficaces. Mais les conflits étaient encore bien plus aigus et les intérêts radicalement divergents quand il s’agissait de concilier les intérêts publics liés à la sauvegarde de la lagune avec les investissements privés. Il faut ajouter à cela que dans le cas de la Brentella dans la région de Trévise, les compétences appartenaient à des bureaux et des magistratures locales (dans ce cas à l’Ufficio alle acque). Certaines magistratures étaient d’origine communale et leurs prérogatives étaient jalousement défendues et revendiquées face aux organes du gouvernement central.
27En ce qui concerne la sauvegarde de la lagune, des travaux importants de détournement et de dérivation ont été entrepris à partir de l’embouchure de certains fleuves : le Piave et le Sile au nord de Venise, et le Bacchiglione et la Brenta au sud. Ces aménagements ont abouti à la réalisation des tagli et à la construction de nouveaux canaux mais aussi de digues, de soutènements, de conche, intestadure, murazzi, paradori, et de jetées31. Voici de façon synthétique les travaux les plus importants qui ont réclamé de lourds investissements en capitaux et la contribution d’hydrauliciens et inzegneri.
1455 : détournement de la Brenta vers Chioggia
1502 : détournement du fleuve Marzenego
1543 : achèvement de la construction de la digue de San Marco, le long de la rive droite du fleuve Piave
1560 : Parte qui prévoit le détournement de l’embouchure du Piave (conclu en 1664)
1595 : construction d’écluses fluviales pour réguler les embouchures de la Brenta et du Bacchiglione
1604 : ouverture d’un nouveau taglio du Pô
1610-1611 : réalisation du Taglio Novissimo del Brenta
1683 : achèvement du Taglio del Sile.
28Sur la Terre Ferme en revanche, outre les grands travaux d’assainissement entrepris entre autres par Alvise Cornaro et par de nombreux consortium privés, à partir de la seconde moitié du XVe siècle, on assiste sans discontinuer à un détournement et à une extraction d’eaux grâce aux canaux, seriole, rogge, pour apporter l’eau dans les campagnes arides et sèches32. Le nom de certains fossés d’irrigation, roggia Balbi, Bernarda, Cappela, Contarina, Corner, Dolfina, Grimana, Mocenigo, Morosina, Priuli, évoquent le nom des grandes familles patriciennes de Venise qui les ont réalisés et qui les utilisaient pour leurs terres. Sur 30 km, le long du fleuve Brenta entre Bassano et Limena, on dénombre 67 fossés qui irriguaient des prairies, des rizières, des jardins, des viviers et des jeux d’eau mais qui alimentaient également des dizaines de roues hydrauliques dans des manufactures de différentes natures : moulins, bocards, pilons-leviers à riz, scieries, papeteries, foulons pour la laine, soieries, marteau-pilon pour le fer, forges, ateliers de batteurs de cuivre…
29Dans ce cas également, comme le souligne Raffaello Vergani, un conflit séculaire existe entre les usages énergétiques, les usages d’irrigation et les usages civils de l’eau : « La storia delle acque è estremamente ricca di questi conflitti e dei tentativi, sempre ricorrenti, di risolverli in un modo o nell’altro, ora sacrificando uno dei termini della questione, ora cercando di inventare delle regole di condotta di sempre e difficile e incerta applicazione33. »
30À la fin du XVIIIe siècle, il est possible d’avoir une photographie précise de la réalité productive de la Terre Ferme vénitienne grâce à la dernière des Anagrafi, datant de 178934.
Répartition des manufactures de la République de Venise selon l’Anagrafe veneta de 1789
Nature des établissements | Lombardie vénitienne | Vénétie | Frioul | Total |
papeteries | 63 | 69 | 26 | 158 |
métiers à filer | 332 | 965 | 86 | 1 383 |
foulons pour étoffes | 80 | 177 | 87 | 344 |
meules | 524 | 745 | 38 | 1 307 |
marteaux-pilons, repasseuses mécaniques, forges | 585 | 479 | 144 | 1 208 |
moulins et pilons-leviers à riz | 2 514 | 4 721 | 1 932 | 9 167 |
scieries | 162 | 285 | 112 | 559 |
teintureries | 132 | 257 | 40 | 429 |
Total | 4 392 | 7 698 | 2 465 | 14 555 |
31Ce tableau de synthèse doit être pris avec précaution à cause des problèmes liés à l’escamotage naturel des déclarations et des réponses aux questionnaires. Quoi qu’il en soit, en calculant en moyenne 3 roues par établissement, on aboutit à un total de 43 665 roues hydrauliques… que nous estimons à 50 000 environ35. Pour Venise, il s’agit d’une source de revenus importante. Selon les données élaborées par Salvatore Ciriacono, les entrées pour les périodes indiquées sont les suivantes36 :
Période | Ducats |
1558-1604 | 54 837 |
1605-1645 | 29 047 |
1646-1700 | 66 732 |
32Si nous prenons également en compte l’évolution des suppliques relatives à l’utilisation de l’énergie hydraulique, nous constatons une phase de croissance surtout dans la seconde moitié du XVIIe siècle, et une progression continue au cours du XVIIIe siècle : cela correspond à une phase importante de développement de certains secteurs particuliers comme celui de la laine, mais également à un trend démographique en expansion après la crise des années 30 du XVIIe siècle. Certaines aires en particulier en bénéficient comme la région de Vicence et de Trévise, dans les zones de piémont et de collines37.
33Les fleuves permettaient en outre le flottage du bois vers la lagune pour l’Arsenal ; mais ils étaient également des voies navigables pour satisfaire les besoins quotidiens de la ville. Cela était une autre grande raison de conflit. Durant la saison du flottage, entre l’automne et le printemps, les dizaines de fossés d’irrigations de la Brenta étaient fermées ce qui entraînait d’importantes protestations de la part de tous ceux qui travaillaient dans les ateliers qui utilisaient l’énergie hydraulique : les activités manufacturières étaient ainsi paralysées pour faciliter le flottage de milliers de radeaux qui devaient arriver à la lagune. Sur le fleuve Piave, 5 000 radeaux environ descendaient annuellement du Cadore, du Bellunese et du Cansiglio. Ils étaient également chargés de charbon, de fer, de poix et de pierres. Du Bosco del Montello, en passant par Trévise, les taglie de chêne rouvre prenaient la voie du Sile pour arriver à la lagune tandis que le bois du Primiero arrivait de Cismom et de Brenta38.
34Trafic d’hommes et de marchandises donc. Les fleuves, surtout le Sile et la Brenta, ont garanti l’afflux continuel de céréales, de vins, de denrées, mais également d’eau potable de la Brenta et de tout ce qui pouvait servir Venise, la métropole. Pour la seconde moitié du XVe siècle, Gian Maria Varanini a estimé que les envois de vins de Trévise à Venise étaient de l’ordre de 50 000 hectolitres. Il faut ajouter à cela les céréales et les farines moulues par le Consorzio des 80 roues du Sile qui étaient destinées à la fabrication du biscotto pour les équipages des navires39. Les enjeux autour de l’eau étaient donc nombreux et cet exemple permet d’imaginer l’articulation complexe et conflictuelle des intérêts.
35Pour terminer ce bref tour d’horizon, il est impossible de ne pas évoquer le fait qu’à Venise, à partir du XVe siècle, on débat et on écrit beaucoup sur l’eau et la science hydraulique. Au cours des siècles, de nombreux proti, inzegneri, hydrauliciens, d’école lombarde dans un premier temps, créent une école vénitienne très prestigieuse. En effet, durant le Quattrocento, le bagage technique des ingénieurs vénitiens était nettement inférieur à celui des Lombards. Une « école vénitienne » se constitue petit à petit en s’émancipant et en combinant à son tour empirisme et science. Salvatore Ciracono a écrit :
«Sul fronte interno, scienza idraulica, conoscenze empiriche venivano adeguatamente sollecitate dalle autorità veneziane per seguire gli effetti di derivazioni fluviali, canalizzazioni, scavi delle bocche di porto […] Erano comunque barcaioli, valligiani, pescatori a informare al contempo i Savi alle acque della profondità dei fondali marini, dell’affiorare delle barene, del trasporto di masse sabbiose e delle alghe marine (i cosidetti bari) all’interno dello specchio marino40.»
36Au cours des XVe et XVIe siècle, une formulation théorique du mouvement des eaux était encore inconnue. Il faudra attendre le XVIIe siècle pour assister à des progrès significatifs de la science hydraulique. Ces progrès se poursuivent au XVIIIe siècle et soutiennent les interventions incessantes du gouvernement de la Sérénissime autour de la lagune, des lidos et des fleuves.
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37Le destin de Venise a été marqué par l’eau. Nous avons montré brièvement que les enjeux et les conflits étaient nombreux autour de l’usage et de la gestion de cette ressource. Résumons la hiérarchie des conflits : du Moyen Âge au XVe siècle, les conflits importants sont dus au contrôle et à l’exploitation des ressources de la lagune. On procède alors à la pose de bornes pour délimiter les marais. Au moment de la conquête de la Terre Ferme au cours du XVIe siècle, Venise inaugure une politique hydraulique. Deux options s’offrent à elle : d’une part, la défense des intérêts de la lagune (Cristoforo Sabbadino) et de l’autre la défense des intérêts fonciers en Terre Ferme qui poussent aux grandes opérations d’assainissement (Alvise Cornaro). La rectification du cours des fleuves qui se jettent dans la lagune révèle de nombreux intérêts en jeu car les travaux traversent les grandes propriétés patriciennes et ecclésiastiques. Dans les zones d’assainissement même, le choix des cultures est souvent conflictuel : rizière contre prairie, prairie contre céréaliculture.
38De façon générale, la conflictualité est toujours élevée entre les communautés et à propos des usages civiques de l’eau. De plus, de nombreux conflits sont dus à l’usage énergétique des eaux pour les activités artisanales qui se mettent en place dans les secteurs productifs liés au papier, à la laine, à la soie, au fer, mais également pour les concentrations de moulins. Il est fréquent qu’une même famille patricienne de Venise participe aux magistratures vénitiennes tout en ayant des intérêts importants dans les activités agricoles et artisanales. L’usage énergétique de l’eau entraine également un taux de pollution des ressources important et cela génère de fortes protestations de la part des populations villageoises, mais surtout dans les villes où la densité des roues est parfois importante. L’usage de l’eau dans les communautés s’accompagne en outre d’une micro-criminalité. Les comportements criminels, comme le vol d’eau le long des seriole et des canaux, sont très fréquents41. L’usage de l’eau est souvent vécu par les milieux populaires comme un privilège.
39On le voit, les recherches en cours autour de ce thème sont nombreuses. Mais il est impossible de conclure ces quelques notes sans une allusion au monde contemporain et en particulier au problème de l’acqua alta à Venise. Accompagné d’incessantes polémiques, le projet Mose est une tentative pour défendre Venise des marées, et donc de la mer, en construisant de gigantesques vannes. Qui sait ce qu’en aurait pensé Cristoforo Sabbadino !
Notes de bas de page
1 É. Crouzet-Pavan, Venezia trionfante. Gli orizzonti di un mito, Turin, 2001, p. 3. Un volume de la monumentale Storia di Venezia, parue il y a vingt ans, concerne la mer : A. Tenenti et U. Tucci (dir.), Storia di Venezia, Temi. Il mare, Rome, 1991. Citons également l’ouvrage fondamental de F. C. Lane, Venice a Maritime Republic, Baltimore, 1973.
2 D. Calabi, « Una città “seduta sul mare” », Storia di Venezia. Temi…, p. 135-143.
3 M. Sabellico, Del Sito di Venezia. La città, (1502), Venise, 1985, p. 10.
4 F. Ambrosini, « Cerimonie, feste, lusso », A. Tenenti et U. Tucci (dir.), Storia di Venezia V, Il Rinascimento. Società ed economia, Rome, 1996, p. 441-520.
5 A. Tenenti, « Il senso del mare », Storia di Venezia, Temi…, p. 7-76.
6 Sur l’Arsenal : G. Bellavitis, L’Arsenale di Venezia. Storia di una grande struttura urbana, Venise, 1983 ; E. Concina, L’Arsenale della repubblica di Venezia. Tecniche e istituzioni dal medioevo all’età moderna, Milan, 1984 ; Id., « La Casa dell’Arsenale », Storia di Venezia, Temi…, p. 147-210. Sur les activités productrices comme la filature, la teinturerie, la production du coton, la soierie, la peausserie, la métallurgie, la production d’objets de luxe, l’industrie du savon, de la cire, du sucre et du verre, qui ont toutes d’importantes retombées environnementales sur la salubrité des eaux, voir S. Ciriacono, « Industria e artigianato », Storia di Venezia V, Il Rinascimento…, p. 523-592.
7 G. Zordan, « Le leggi sul mare », Storia di Venezia, Temi…, p. 621-662. Sur les contrats d’assurance, voir A. Tenenti, « L’assicurazione marittima », Storia di Venezia, Temi…, p. 663-686, et la riche bibliographie citée.
8 É. Crouzet-Pavan, « La maturazione dello spazio urbano », Storia di Venezia V, Il Rinascimento…, p. 3-100.
9 Sur les magistratures, voir F. Rossi, « La magistrature », Storia di Venezia, Temi…, p. 687-757. On peut également citer l’importante compilation normative entreprise par G. Rompiasio, Metodi in pratica di sommario, o sia di compilazione delle leggi, terminazioni et ordini appartenenti agl’Illustrissimi et Eccelentissimi Collegio e Magistrato alle Acque Venise, 1733-1771, réédition critique par G. Caniato, Venise, 1988.
10 Cette heureuse définition est dans P. Selmi, « Politica lagunare della veneta Repubblica dal secolo XIV al XVIII », Mostra storica della laguna veneta, Venise, 1970, p. 105-115. Voir également : G. Caniato, E. Turri et M. Zanetti (dir.), La laguna di Venezia, Vérone, 1995. De nombreux sites web existent aujourd’hui, voir par exemple : http://www.storiadivenezia.net/ (au 1er mai 2011).
11 Sur le sel : J.-C. Hocquet, Il sale e la fortuna di Venezia, Rome, 1990. Sur le bornage de 1791, voir Conterminazione lagunare : storia, ingegneria, politica e diritto nella Laguna Di Venezia, Venise, 1991 (et en particulier, sur la période moderne, l’article de G. Cozzi, « Il problema della Laguna nella storiografia veneziana all’inizio dell’età moderna », p. 15-37). Voir également, E. Armani, G. Caniato et R. Gianola, I cento cippi di conterminazione lagunare, Venise, 1991.
12 La bibliographie sur la construction de l’État régional vénitien est très abondante. Nous renvoyons une fois pour toutes à G. Cozzi et M. Knapton (dir.), Storia della Repubblica di Venezia. Dalla guerra di Chioggia alla riconquista della Terraferma, Turin, 1986 (Storia d’Italia dirigée par G. Galasso, vol. XII, t. I).
13 Sur les caractéristiques physiques, pédologiques et hydrographiques de la Vénétie, voir E. Migliorini, Veneto, Turin, 1962.
14 Bibliographie synthétique sur les fleuves de Vénétie : A. Averone, Sull’antica idrografia veneta, Mantoue, 1911 ; F. Vallerani, « Geografia storica delle acque venete », M. Cortelazzo (dir.), La civiltà delle acque, Milan, 1993, p. 9-27 ; G. Marson, Il fiume Livenza, Trévise, 1997 ; E. Turri (dir.), Adige, Vérone, 1997 ; A. Bondesan et al., Il Sile, Vérone, 1998 ; A. Bondesan et al., Il Piave, Vérone, 2000 ; A. Bondesan et al., Il Brenta, Vérone, 2003 ; M. Bertoncini, Logiche di terre e acque. Le geografie incerte del delta del Po, Vérone, 2004 ; F. Bianco et al., Il Tagliamento, Vérone, 2006 ; F. Selmin et C. Grandis, Il Bacchiglione, Vérone, 2008. Sur la Terre Ferme vénitienne, voir également : Le acque cremasche. Conoscenza, uso, gestione, Crémone, 2000. Pour une nouvelle approche culturelle des fleuves de Vénétie, voir F. Vallerani, Acque a nordest. Da paesaggio moderno ai luoghi del tempo libero, Vérone, 2004. Sur une région proche : Il Mincio e il suo territorio, Vérone, 1993.
15 Il est nécessaire de préciser que certains fleuves faisaient office de frontière et que les conflits entre États étaient fréquents. Les conflits existaient également à l’intérieur des États entre différents territoires, podesterie, comtés, vicariats… jusqu’au moindre village. Pour un contexte général et pour les cas particuliers du lac de Garde et du fleuve Adda, voir M. Pitteri, Per una confinazione « equa e giusta ». Andrea Tron e la politica dei confini della Repubblica di Venezia nel ‘700, Milan, 2007. Volontairement, nous n’avons pas abordé les problèmes complexes liés à la gestion des lacs. Sur le lac de Garde, nous renvoyons aux articles du volume : U. Sauro et al., Il lago di Garda, Vérone, 2001 (voir surtout l’article de P. Lanaro Sartori et G. M. Varanini, « Tra Quattrocento e Settecento : le sponde divise. Istituzioni, demografia, società ed economia », p. 250-299).
16 D. Ballestracci, « La politica delle acque urbane nell’Italia comunale », Mélanges de l’École française de Rome. Moyen Âge, 1992, p. 431-479. Sur certains cas en Vénétie : G. M. Varanini, « Energia idraulica e attività economiche nella Verona comunale : l’Adige, il Fiumicello, il Fibbio (secoli XII-XIII) », Paesaggi urbani dell’Italia padana nei secoli XIII-XIV, Bologne, 1988, p. 331-372 ; M. Pasa, Acqua terra e uomini tra Lessinia e Adige, [Vérone], Consorzio di Bonifica Zerpano Adige Guà, 1999.
17 Le cas lombard est intéressant puisque le principe de l’acquedotto coattivo est appliqué aux eaux privées, ce qui entraîne le droit d’occuper des terres privées pour y conduire de l’eau sur son propre terrain. Ce principe est aujourd’hui reconnu par l’art. 1033 du Code civil : « Il proprietario è tenuto a dare passaggio per i suoi fondi alle acque di ogni specie che si vogliano condurre da parte di chi ha, anche solo temporaneamente, il diritto di utilizzarle per i bisogni della vita e per usi agrari e industriali. » Pour la Lombardie, voir E. Roveda, « Il beneficio delle acque. Problemi di storia dell’irrigazione in Lombardia tra XV e XVII secolo », Società e storia, 1984, p. 274-279.
18 R. Vergani, Brentella. Problemi d’acque nell’alta pianura trevigiana dei secoli XV e XVI, Trévise, 2001, p. 18-19. Voir en particulier, G. Astuti, « Acque. Introduzione storica generale », Enciclopedia del diritto, vol. I, Milan, 1958, p. 372-376.
19 M. Ferro, Dizionario del diritto comune e veneto, Venise, 1778.
20 Pour la genèse de ces magistratures et des autres, voir M. Dal Borgo, Il Magistrato sopra Beni Inculti e la gestione delle acque, Un dissegno informa di libro, Treviso, 2011, p. 55-60. Voir également : Guida Generale agli Archivi di Stato Italiani, vol. IV, Archivio di Stato di Venezia, Rome, 1994, p. 958-964 ; U. Mozzi, I Magistrati veneti alle acque e alle bonifiche, Bologne, 1927.
21 Sur le thème de la pénétration foncière des Vénitiens en Terre Ferme, la bibliographie est abondante. Voir en particulier, D. Beltrami, La penetrazione economica dei veneziani in Terraferma. Forze di lavoro e proprietà fondiaria nelle campagne venete dei secoli XVII e XVIII, Venise-Rome, 1961 ; A. Ventura, « Considerazioni sull’agricoltura veneta e sulla accomulazione originaria del capitale nei secoli XVI e XVII », Studi Storici, 1968, p. 674-722 ; G. Gullino, « Quando il mercante costruì la villa : le proprietà dei veneziani nella Terraferma », G. Cozzi et P. Prodi (dir), Storia di Venezia, VI : Dal Rinascimento al Barocco, Rome, 1994, p. 875-924 ; G. M. Varanini, « Proprietà fondiaria e agricoltura », A. Tenenti et U. Tucci (dir.), Storia di Venezia, VI : Il Rinascimento. Società ed economia, Roma 1996, p. 807-879. Nous renvoyons également aux recherches que nous avons dirigées dans le cadre de la fondation Benetton sur Le campagne trevigiane in età moderna : A. Bellavitis, Noale. Struttura sociale e regime fondiario di una podesteria della prima metà del secolo XVI, Trévise, 1994 ; M. Pitteri, Mestrina. Proprietà, conduzione, colture nella prima metà del secolo XVI, Trévise, 1994 ; A. Pizzati, Conegliano. Una “quasi città“e il suo territorio nel secolo XVI, Trévise, 1994 ; M. T. Todesco, Oderzo e Motta. Paesaggio agrario, proprietà e conduzione di due podesterie nella prima metà del secolo XVI, Trévise, 1995 ; A. Pozzan, Zosagna. Paesaggio agrario, proprietà e conduzione di un territorio tra Piave e Sile nella prima metà del secolo XVI, Trévise, 1997 ; G. Nicoletti, Le Campagne. Un’area tra Sile e Montello nei secoli XV e XVI, Trévise, 1999 ; M. G. Biscaro, Mestre. Paesaggio agrario, proprietà e conduzione di una podesteria nella prima metà del secolo XVI, Trévise, 1999 ; M. Vigato, Castelfranco. Società, ambiente, economia dalle fonti fiscali di una podesteria trevigiana tra XV e XVI secolo, Trévise, 2001 ; L. Bulian, Asolo. Paesaggio, proprietà e credito nel territorio asolano del secolo XVI, Trévise, 2001 ; C. Pasqual, Quartiere del Piave. Paesaggio, proprietà e produzione in una campagna pedemontana veneta nei secoli XV e XVI, Trévise, 2006. Pour la région de Vérone : G. Borelli (dir), Uomini e Civiltà agraria in territorio veronese, Vérone, 1982. Sur la villa, nous renvoyons au travail et à l’importante bibliographie dans R. Derosas (dir.), Villa. Siti e contesti, Trévise, 2006.
22 Pour les thèmes abordés dans le cadre de notre recherche, voir l’excellent travail de S. Ciriacono, Acque e agricoltura. Venezia, Olanda e la bonifica europea in età moderna, Milan, 1994.
23 Sur la nature de la polémique, voir S. Ciriacono, Acque e agricoltura…, p. 153-162. Id., Scrittori d’idraulica e politica delle acque, in Storia della cultura Veneta. Dal primo quattrocento al Concilio di Trento, vol. 3, t. II, Vicence, 1980, p. 491-512 ; sur Alvise Cornaro, voir. E. Menegazzo, Alvise Cornaro : un veneziano del Cinquecento nella terraferma padovana, in Storia della cultura Veneta. Dal primo quattrocento al Concilio di Trento, vol. 3, t. II, Vicence, 1980, p. 513-538 ; Alvise Cornaro e il suo tempo, Padoue, 1980 (en particulier l’article de V. Fontana, Alvise Cornaro e la terra, p. 120-128) ; G. Gullino, Corner Alvise, in Dizionario Biografico degli Italiani, XXIX, Rome, 1983, p. 142-146.
24 A. Ventura, Considerazioni sull’agricoltura veneta e sull’accumulazione originaria del capitale nei secoli XVI e XVII, in Agricoltura e sviluppo economico, Rome, 1970, p. 539.
25 Sur la diffusion du maïs en Vénétie, renvoyons à D. Gasparini, Polenta et formenton. Il mais nelle campagne venete tra XVI e XX secolo, Vérone, 2002. Sur les assainissements du XVIe siècle : B. Caizzi, Aspetti economici e sociali delle bonifiche nelle Venezie, Padoue, 1937 ; envoyons également au travail de S. Ciriciano, Acque et agricoltura… ; Id., « Investimenti capitalistici e colture irrigue. La congiuntura agricola nella Terraferma veneta (secoli XVI-XVII) », A. Tagliaferri (dir.), Terraferma attraverso le relazioni dei rettori, Milan, 1981, p. 123-158. Voir également F. Bozzini, « La bonifica delle valli Grandi Veronesi : ambivalenze di una storia », Adige…, p. 376-377.
26 S. Ciriacono, « Irrigazione e produttività agraria nella terraferma veneta tra Cinque e Seicento », Archivio Veneto, 1979, p. 73-135 ; sur ces procès, nous renvoyons à nos travaux sur les trois aires territoriales liées aux fleuves Brenta, Sile et Piave : D. Gasparini, « La città e la campagna : contadini, patrizi e fattori in età moderna tra Piave et Sile », Il Sile…, p. 152-181 ; Id., « Andar per campi “di qua e di là della Piave” tra grebani, grave e zappadi », Il Piave…, p. 273-290 ; Id., « Le campagne “adacquate” del Brenta in età moderna, Il Brenta… », p. 301-319. Pour les suppliques, voir tableau en annexe.
27 La bibliographie sur l’aménagement des bois en Vénitie est abondante : A. Lazzarini, « Boschi e legname. Una riforma veneziana e i suoi esiti », F. Agostini (dir.), L’area altoadriatica dal riformismo veneziano all’età napoleonica, Venise, 1998 ; Id., « Amministrazione statale e boschi pubblici della montagna veneta nel primo ottocento », Archivio veneto, 1999, p. 45-85 ; M. Agnoletti, « Il bosco in età veneziana », Il Piave…, p. 259-72 ; A. Lazzarini, La trasformazione di un bosco. Il Cansiglio, Venezia e i nuovi usi del legno (secoli XVIII-XIX), Belluno 2006 ; Id., Boschi e politiche forestali. Venezia e Veneto fra Sette e Ottocento, Milan, 2009. Pour la région du Tyrol : K. Occhi, Boschi e mercanti. Traffici di legname tra la contea di Tirolo e la Repubblica di Venezia (secoli XVI-XVII), Bologne, 2006. Pour le Frioul : C. Lorenzini, « Risorse forestali, comunità di villaggio e mercanti nella montagna friulana », Il Tagliamento…, p. 369-394. Voir également le travail important de D. Celetti, Il bosco nelle provincie venete dall’Unità ad oggi. Strutture e dinamiche economiche in età contemporanea, Padoue, 2008.
28 M. Pitteri, « La politica veneziana dei beni comunali », Studi veneziani, 1985, p. 57-80 ; S. Barbacetto, « La più gelosa delle pubbliche regalie ». I « beni comunali » della Repubblica Veneta tra dominio della Signoria e diritti delle comunità (secoli XV-XVIII), Venezia 2008. Pour le Frioul : S. Barbacetto, « Tanto del ricco quanto del povero » : proprietà collettiva e usi civici in Carnia tra antico regime ed età contemporanea, Tolmezzo, 2000 ; F. Bianco, L’immagine del territorio. Società e paesaggi del friuli nei disegni e nella cartografia storica (secoli XVI-XIX), Udine, 2008.
29 Pour la Lombardie, voir G. Bigatti, La provincia delle acque. Ambiente, istituzioni e tecnici in Lombardia tra Sette e Ottocento, Milan, 1995.
30 Les Provveditori all’Adige (1677) et un Aggiunto sopra beni inculti délégué au Retratto delle Valli veronesi leur sont ensuite rattachés.
31 Pour une synthèse chronologique des travaux, voir G. Tomba, « Interventi tecnici del collegio delle acque : sintesi secolo XIV-anno 1797 », Mostra storica della laguna…, p. 119-120. Un aperçu plus complet des interventions, dans G. Caniato, « Cronologia dei principali avvenimenti e provvedimenti riguardanti la laguna di Venezia », La laguna di Venezia…, p. 501-505 ; Id., « Palade e conche fluviali nel bacino del Sile », Il Sile…, p. 150-181 ; Id., « I grandi interventi idraulici nel basso Piave in età moderna », Il Piave…, p. 334-348. Pour la Brenta, voir également S. Ciriacono, « Ingegneria idraulica e pratica territoriale in età veneziana », Il Brenta…, p. 239-254.
32 Quelques exemples de cette intense activité d’adduction : R. Vergani, Brentella… ; Id., « Problemi d’acque e scavo di canali nell’alta pianura veneta dei secoli XIV-XVI », A. Calzona et D. Lambertini, La civiltà delle acque tra Medioevo e Rinascimento, t. II, Florence, 2010, p. 507-526 ; M. Pitteri, « Rogge, canali, tagli, derivazioni e afferenti del medio e basso Brenta nei secoli XVI-XVIII », Il Brenta…, p. 295-297.
33 R. Vergani, Brentella…, p. 83 et la bibliographie de la note 3. Pour les conflits, voir également les études de cas dans M. Marcarelli, « Reati e controversie relativi all’uso delle acque in Carnia », Il Tagliamento…, p. 402-410.
34 Il s’agit d’une réélaboration des données tirées de G. Gullino, Atlante della Repubblica Veneta 1790, Vérone, 2007. La bibliographie sur le sujet est abondante. En se limitant aux bassins fluviaux étudiés ici : R. Vergani, « Gli opifici sull’acqua : i mulini », La civiltà delle acque…, p. 53-71 ; M. Pitteri, « Gli opifici del bacino del Sile in età veneziana », Il Sile…, p. 194-205 ; Id., « Gli opifici idraulici », Il Piave…, p. 291-306 ; Id., « Le ruote del Brenta fra Bassano e Dolo », Il Brenta…, p. 283-300 ; C. Lorenzini, « Gli opifici idraulici », Il Tagliamento…, p. 411-415 ; M. Zacchigna, Sistemi d’acqua e mulini in Friuli fra i secoli XIV e XV, Venise, 1996 ; C. Grandis, « I mulini », Il Bacchiglione…, p. 272-281. Pour une « machine » hydraulique particulière, l’écluse de Lizzafusina à Dolo le long de la Brenta, voir L. Molà, « La Repubblica di Venezia tra acque dolci e acque salse : investimenti tecnologici a Lizzafusina nel Rinascimento », La civiltà delle acque…, p. 447-472.
35 Pour chacune de ces activités, une supplique devait être adressée aux Provveditori sopra Beni Inculti (avec paiement d’une taxe). Chaque supplique formait ensuite un fascicule composé de papiers, de documents divers ainsi que de dessins. Ces derniers sont l’œuvre d’experts-arpenteurs et sont conservés à l’Archivio di Stato di Venezia, dans le fonds Provveditori sopra Beni Inculti.
36 S. Ciriacono, Acque e agricoltura…, p. 95-98.
37 Sur la laine, renvoyons à l’excellent travail de W. Panciera, L’arte matrice. I lanifici della Repubblica di Venezia nei secoli XVII e XVIII, Trévise, 1996.
38 Les études sur le flottage du bois sont nombreuses. Pour le fleuve Piave, voir G. Caniato et M. Dal Borgo (dir.), Dai monti alla Laguna. Produzione artiginale e artistica del bellunese per la cantieristica veneziana, Venise, 1988 ; D. Perco (dir.), Zattere, zattieri e menadàs. La fluitazione del legname lungo il Piave, Belluno 1988 ; G. Caniato (dir.), La via del Fiume dalle Dolomiti a Venezia, Vérone, 1993 ; L. Corrà, « La fluitazione sul Piave », La civiltà…, p. 73-93 ; G. Caniato, « Commerci e navigazione del bacino plavense », Il Piave…, p. 307-322 ; G. Caniato et F. Vendramini, « Il porto di Belluno e gli zattieri di Borgo Piave, Il Piave… », p. 325-332 ; G. Caniato, « La “strada dei burchieri”. Navigazione, porti e commerci lungo il Sile », Il Sile…, p. 206-220 ; C. Lorenzini, « Praticare il bosco, praticare il fiume. Appunti sul trasporto di legname », Il Tagliamento…, p. 395-410 ; C. Grandis, La navigazione…, p. 246-258 ; G. Caniato, « Commerci e navigazione lungo il Brenta », Il Brenta…, p. 255-272. Un autre usage intéressant des fleuves est la transhumance le long des digues ou dans le lit même des fleuves. Cela entraîne des dommages dus au piétinement des animaux, voir par exemple J. Bonetto, « Tra pianura e montagne : la transumanza lungo il Brenta », Il Brenta…, p. 273-282.
39 Sur le trafic des vins vers Venise, voir G. M. Varanini, « Aspetti della produzione e del commercio del vino nel Veneto alla fine del Medioevo », Il vino nell’economia e nella società italiana medievale e moderna, Florence, 1988, p. 61-89.
40 Les travaux de S. Ciriacono sont fondamentaux (voir n. 22). Voir aussi Id., « L’idraulica veneta : scienza, agricoltura e difesa del territorio dalla prima alla seconda rivoluzione scientifica », G. Arnaldi et M. Pastore Stocchi (dir.), Storia della cultura veneta. Il Settecento, vol. 5, Vicence, 1986, p. 347-78. Voir également le travail classique d’A. Cornaro et C. Sabbadino, Antichi scrittori d’idraulica. Scritture sopra la laguna, R. Cessi (dir), Antichi scrittori d’idraulica veneta, II/1, Venise, 1930 et II/2, Venise, 1941.
41 Sur quelques exemples qui concernent le canal Brentella dans la région de Trévise, voir F. Antoniol, Il mestiere di guardar le acque, Montebelluna, 2010, p. 41-58.
Auteur
Professeur, université de Padoue. Traduction E. Huertas.
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