Entre marginalité sociale et dissidence religieuse et culturelle : les charbonniers des Pyrénées occidentales, xvie-xixe siècle
p. 171-186
Texte intégral
1On ne compte plus les travaux consacrés au charbonnage et à l’anthracologie dans les Pyrénées1. En contrepartie, le charbonnier, humble parmi les humbles et cependant indispensable, est tenu dans le rôle d’un comparse obscur. Faut-il accabler davantage encore cette figure emblématique de la misère en la chargeant du fardeau de l’hérésie ? Si le charbonnier mérite les soins de l’historien des sociétés rurales, c’est parce que, aussi fugitive soit-elle, sa trace pose de multiples questions et qu’elles ne sont pas étrangères à une notion aussi extensive que celle d’hérésie.
2Le processus de réduction de la superstition, confondue avec l’hérésie, avec la religion ou la culture populaire triompha au XVIIIe siècle. Condorcet prenait la défense du peuple contre le « fanatisme des prêtres », plus dangereux que la superstition et la fausse science ; il condamnait avec la même force, « les faits qui appartiennent à la religion catholique » et le charlatanisme de Mesmer2. À la fin de l’Ancien Régime, il n’est pas certain que les partisans des Lumières aient été en meilleure posture pour comprendre la « foi du charbonnier » que l’abbé Thiers. Au nom d’une orthodoxie culturelle, le marginal que représentait le charbonnier rejoignait les victimes d’une « culture du mépris ».
3Celui qui retiendra notre attention œuvra dans le cadre de la proto-industrialisation, de l’Ariège à la Basse-Navarre. Collaborateur dépendant du maître de forges, en conflit avec les grands pasteurs des vallées, aux marges du terroir, il n’en faisait pas moins partie de la communauté villageoise.
La mauvaise réputation
4La mauvaise réputation s’abat sur tous ceux qui maltraitent le bois. Les médiévistes se sont penchés sur les vertus du bois et sur la noirceur de ceux qui portent sur lui un fer, ou pire, un feu destructeurs. Ils ont dévoilé sa forte symbolique et sa richesse métaphorique3. À l’Époque moderne, le bois conservait une forte charge culturelle. Les belles essences étaient associées à la route royale, emblème de la puissance souveraine jusque dans les provinces les plus reculées. Attribuée aux « mauvais usages », la déforestation faisait partie des mythes qui justifièrent le dressage politique et culturel des peuples. Le bûcheron, le forgeron, le charbonnier, formaient la trinité suspecte de ceux qui déchirent, abattent et brûlent le bois.
5Parce qu’ils se retrouvaient dans la forêt, pas nécessairement éloignés de l’ager, ils inquiétaient par leur solitude, temporaire et souvent brève, par leurs « secrets ». L’Église moderne ne se préoccupait plus d’établir une hiérarchie entre les métiers licites et illicites. Mais la société d’ordres ne s’en privait pas. Parmi les métiers immondes, M. Pastoureau distingue les charbonniers : « Plus pauvre, plus sale, plus chétif et plus inquiétant est le charbonnier. Ne maniant pas le fer mais le feu – le plus grand ennemi du bois – […] il est à la fois misérable, animal et diabolique ! » En 1775, l’illustrateur du livre terrier d’Esparros (Baronnies) esquissait le portrait de D. Ader, carboune : un visage noir de fumée, les pieds nus, un chapeau informe, il est l’homme sauvage du Moyen Âge ; les yeux rouges, velu, petit et noir, sa parenté avec les démons est évidente.
6Avant d’aller plus loin à la rencontre de cet ahumat (enfumé), on retiendra qu’il s’inscrit dans une symbolique dualiste. Les bois qu’il fréquentait abritaient des forces malfaisantes, mais aussi des amis de Dieu. Le rêve d’Hildegarde de Bingen, celui d’une harmonie entre l’homme, une créature parmi d’autres, et la nature, s’était fracassé. Mais il resurgit en d’autres temps, espoir d’une restauration du Jardin d’Eden. La Réforme catholique, en investissant la montagne par la promotion du culte marial, crut y trouver les vestiges du premier jardin. À Bétharram, à Sarrance, les réformateurs des sanctuaires tentèrent d’arracher les corps et la matière à Satan et de les unir à l’esprit dans le royaume de Dieu.
7Entre la fin du Moyen Âge et le Siècle des Saints, deux voies s’ouvrirent. La première fut celle des mystiques. L’autre surestima la part de Satan ici-bas et se laissa submerger par la peur. Les démonomanes crurent pouvoir contraindre la créature à rentrer dans le jardin par la porte étroite. La conséquence fut tragique : le soupçon d’hérésie devint obsessionnel. Dans le grand théâtre de la vie, l’homme des champs et des bois, solidaire des formes du vivant, trouvait la preuve de la création divine. La modernité économique et sociale, la réorganisation des métiers ruinèrent ces connivences. Pauvre, perdu dans un univers de moins en moins familier, le charbonnier devint un représentant potentiel de l’extranéité culturelle, de l’anomie sociale, de l’hérésie religieuse.
« Noir comme le péché4 »
8Couleur professionnelle, le noir était aussi celle d’un mode de vie : nocturne autant que diurne. Il l’introduisait dans le cercle du sabbat, dans l’intimité du diable. Le noir, la nuit, la solitude faisaient du charbonnier un suspect. Lorsque la charbonnière était allumée, elle devait être surveillée jusqu’à sa combustion intégrale et le charbonnier y travaillait sans relâche. Aussi partageait-il le sort de tous les ouvriers du feu, qui travaillaient de nuit, mais aussi les dimanches et jours de fêtes. Au cours du XVIIIe siècle, la condition de ces hommes ne cessa de se dégrader. L’industrialisation et la prolétarisation allèrent de pair avec le travail nocturne et ses dérives sociales et morales. Même lorsqu’il fut modeste, l’accroissement de l’activité des forges contribua à prolétariser plus encore le charbonnier. Homme noir, homme de la nuit, il entrait dans les normes d’un imaginaire de la violence que la littérature exploitait depuis le XVIIe siècle : « Une dramaturgie des caractères par son association à la violence, à la prostitution et à la perdition humaine5. » À la suite de Rétif la Bretonne et de Sade, George Sand tenta une approche anthropologique de la nuit et du noir. Les romanciers du terroir reprirent le flambeau. Dans Jacquou le Croquant, Eugène Le Roy esquisse le tableau sinistre d’un campement de charbonniers.
9Dans le contexte pyrénéen, la couleur noire était associée aux souvenirs de la Reconquista. En Aragon, la tradition condamnait les Maures aux cavernes obscures : les Cuevas de la Moras. Ces Moras se manifestaient de préférence pendant la nuit de la Saint-Jean ; à Alquezar, la reconquête fut achevée par une jeune chrétienne qui triompha de la Mauresque et la jeta dans le feu. Dans de nombreux bourgs aragonais, la représentation de Las Moriscas est pérenne. Dans la Mourisma d’Ainsa, les Noirs tiennent le rôle des vaincus dans une bataille où triompha le roi légendaire du Sobrarbe. Au fil des siècles, le Maure d’Ainsa est devenu el Diablo, el Pecado : Aqui sale Belcebù, noir comme le péché6. En Pays de Sault, Christian Thibon signale une rumeur qui menace les gardes forestiers des représailles de la « main noire7 ». Pendant la guerre des Demoiselles, les charbonniers apparaissaient aux villageois comme les alliés objectifs des maîtres de forges et des « ennemis ». En juillet 1829 à Ustan, à Sentein, des affrontements violents causent la mort de plusieurs charbonniers. Contre eux, les Demoiselles retournent l’emploi et le sens du masque, de la nuit ; Peter Salhins souligne ce détournement du noir : « Plusieurs Demoiselles, à Saint-Lary et Massat, furent reconnues plus tard par des traces de noir sur leurs cols, mains et visages8. » Suppôt des ennemis des libertés et usages, pourquoi cet ensauvagé ne l’aurait-il pas été aussi du diable ?
10Le charbonnier est noir, le Maure est noir et hérétique, donc le charbonnier est hérétique ; ce syllogisme approximatif, mais métaphore efficace, se retrouve au nord des Pyrénées. Le Mouret, conte bigourdan, en représente l’archétype : une jeune femme égarée dans la forêt est capturée par un « homme tout noir, plus noir qu’un charbonnier, presque aussi affreux que le Diable. En serez-vous étonné : c’est un Maure d’Espagne, un ennemi des chrétiens et du Bon Dieu9 ». Le Maure l’entraîne dans les entrailles de la terre, autre similitude avec le charbonnier, dans une « caverne plus sombre encore que la peau de celui qui l’habitait ». De leur union naît Le Mouret, qui devient bientôt aussi méchant que son hérétique de père, renvoyé à son altérité par la réponse de sa mère : « Vous n’êtes pas la véritable femme de mon père, vous devez être d’une race tout opposée – Tu dis vrai : je suis de l’espèce blanche et chrétienne, lui est de l’espèce noire et maudite. » Le Mouret pille les églises, assassine les chrétiens, jusqu’au jour où il est vaincu par la grâce d’une pure jeune fille !
« Il est plus malheureux que le bois des forges10 »
11Qu’un proverbe ait fait du sort du charbon de bois le comble du malheur dit assez dans quelle estime la littérature tint le charbonnier. La forêt médiévale était le repaire des brigands, de genz Sarrasines. Elle pouvait être aussi le refuge des amants, du chevalier errant, mais elle n’abritait en fin de compte que des proscrits, condamnés à l’errance comme le charbonnier.
12Dans ses Fables, La Fontaine introduisait le berger, le laboureur, le savetier, le bûcheron ; le charbonnier était le plus mal loti : il n’apparaît qu’une seule fois, dans L’âne et ses maîtres. Après avoir servi un jardinier, un corroyeur, l’âne touchait le fond de l’abîme social :
« Et sur l’état d’un charbonnier
Il fut couché tout le dernier » !
13Synonyme de misère, la forêt de Jean de La Fontaine était aussi un espace carcéral, une prison de l’âme et de la raison :
« Confiné par le sort dans un bois solitaire
Il fut devenu fou : la raison d’ordinaire
N’habite pas longtemps chez les gens séquestrés »
(L’ours et l’amateur des jardins).
14En 1663, le fabuliste voyagea en Limousin11. En vrai Parisien, il commençait à trembler de peur dès qu’il fut sorti de Meudon. Dès lors, le moindre bois affole le bonhomme :
« République des loups, asile de brigands
Faut-il que tu sois dans le monde ?
On ne trouve chez toi que vilains bûcherons,
Charbonniers noirs comme démons
Qui t’accommodent de manière
Que tu sois à tous les larrons
Ce qu’on appelle un cimetière » !
15L’arrêt était sans appel : il fallait brûler les bois et les charbonniers avec eux ! Ce tableau de la forêt et de ses hôtes inquiétants comportait quelques nuances, sous le signe de l’ambivalence. Dans les romans médiévaux, elle était déjà un espace de liberté ; la modernité élargit cette perspective. Dans Le Loup et le Chien, la bête fauve choisit plutôt les bois que le collier, même si ses « pareils y sont misérables ». Les poètes de l’âge baroque réhabilitèrent la forêt qui devint, pour longtemps, le refuge des cœurs blessés, des illusions perdues.
16La littérature bleue, attentive au « pauvre peuple », ignora le charbonnier et lui préféra les bergers, les brigands au grand cœur, des monstres démoniaques, tel Robert le Diable. Mais parmi ces suppôts de Satan, de charbonniers, point. Une seule fois les petits livres bleus mirent en scène le charbonnier, dans Les cris de Paris ; il y voisine avec le marchand de peau de lapin, le ramasseur de fiant, le marchand de mort au rat, les mendiants. Trois couplets étaient réservés à ce personnage dont l’âme était de la même couleur que sa peau.
17Les contes des pays pyrénéens offrent une représentation moins univoque. La forêt y reste un espace dangereux, mais aussi le rempart ultime de la liberté. Dans Le coq et les trois loups, un vieux coq, menacé de finir à la casserole, « plus malin s’en alla dans les bois » ! L’ambivalence de l’homo silvaticus a ici tendance à prévaloir. Plus rustique que le forgeron, le charbonnier faisait à l’occasion preuve de ruse : « Un charbonnier d’Urbasa s’alimentait comme il pouvait, se contentant le plus souvent de galettes de maïs. » Visité par un ours dans sa solitude sylvestre, il détournait sa fureur en partageant ses galettes avec le fauve. Ce plantigrade recherchait compagnie ; il aida le charbonnier, mais il dévorait ses maigres réserves. Lorsqu’il se servit de ses pattes en manière de coins, le charbonnier retira les coins de bois et l’abattit sans autre forme de procès12. Moins sympathiques, les trois charbonniers qui tentèrent de s’emparer de la fille d’un roi : « Le roi dit aux charbonniers qu’ils n’étaient que des imposteurs et les fit pendre13. » À la rubrique des êtres malfaisants, Bladé fait témoigner sur l’alliance entre le charbonnier et la « secte des sorciers » : « Ces charbonniers sont d’une certaine race d’hommes qui tuent les chrétiens quand ils le peuvent et qui les mangent crus ou cuits au four. »
18Proches des réalités locales, les « blasons » villageois complétaient ce portrait. Ceux des vallées du Béarn disent sa misère. En Ossau, en Aspe, il était associé à ses ânes : Saunetz d’Eysus ; métaphore fréquente du silvaticus, comparable à l’animal. Les carbounes d’Eysus étaient devenus les Jobs de la tradition locale, las touroumboles d’Eysus (les mangeurs de bouillie de maïs plus riche d’eau que de farine). À ces représentations, peu flatteuses, s’ajoutait celle du repoussoir social et culturel : « Qui-s ba droumi dab û carbouné, noù s’a à stourna si-s lhèbe » – (Qui va dormir avec un charbonnier ne doit pas être surpris de se voir noir au lever). Et, pire encore : « Tu aquet ahumatz – Qui n’hen per tout sabé – Qu’u barbare lengadge » – (Toi, l’enfumé – Qui n’a pour tout savoir qu’un barbare langage) !
Le charbonnier : un travailleur sur les marges de la communauté
19Oublié, sinon méprisé par la littérature, le charbonnier le fut aussi par le premier âge de la statistique. S’il ne faut pas abuser de la preuve a silentio, l’oubli n’était pas ici seulement imputable à la chétive apparence du personnage. D’autres, plus miséreux, moins utiles, furent dénombrés, persécutés ; sans être exclu de la communauté rurale, le charbonnier se singularisait par son mode de vie, son univers culturel, suspect à la sanior pars et au moins autant à l’État et aux Églises. Pour comprendre son statut d’hérétique culturel il faut rappeler l’originalité de sa condition.
Le charbonnier : l’homme des marches
20Dans les montagnes, la forêt moderne conservait son rôle de frontière. Frontière entre le sauvage et la civilisation, dans la montagne basque elle héberge le Basajaun, géant violent, païen, voisin du Tartara (le cyclope) et des Mairu (les Maures). En altitude plus qu’ailleurs, la forêt était toujours, selon la formule de Charles Higounet, « une marche séparante ». Mais elle était aussi une frontière mouvante, parfois véritable front pionnier, comme en vallée de Baïgorry, une zone d’occupation temporaire et prédatrice : structurelle dans le cas des charbonniers, conjoncturelle lors des pulsions démographiques, sociales et climatiques. Aux côtés des charbonniers, quelques petits agriculteurs, des cadets, tentaient leur chance, hors du contrôle de la seigneurie et des « bonnes maisons ». Dans cet espace, véritable entre-deux, les traces laissées par le charbonnier commencent à être bien connues.
21Mais d’une intense exploitation, il ne reste que des vestiges archéologiques qui ne disent rien ou presque sur les hommes. Les témoignages n’apparaissent qu’à la fin du XIXe siècle, lorsque le charbonnage était devenu résiduel. Dénoncé comme un concurrent-prédateur par les pasteurs, le charbonnier est le grand absent des textes normatifs locaux et nationaux. Les Fors et les Coutumes pyrénéens, soucieux de préserver l’exclusivité des ressources forestières aux pasteurs, l’ignorent. La création d’une Maîtrise particulière en 1738 eut peu d’effets ; en plus d’un demi-siècle, pas une seule de ses procédures ne concerna un charbonnier ou un maître de forges. Accusé de tous leurs maux par les populations pyrénéennes, le Code de 1827 ne prêtait aucune attention particulière aux charbonniers.
22Ce silence inspire deux questions : le législateur ignorait-il la part du charbonnage dans la dévastation forestière, spécialement dans les zones métallurgiques ? La réponse est évidemment négative. Dès lors, pourquoi ce mutisme qui ne parvint pas à cacher des tensions violentes ? Si l’on veut bien admettre que l’hérésie ne se définit que par rapport au dogme de la religion dominante, si l’on se rapproche des informations que produisait l’environnement immédiat du charbonnier, le silence est moins assourdissant. Le charbonnier est indispensable et son travail est protégé. Mais ses protecteurs le méprisent et le cachent, il est le rival d’une communauté rurale dont il occupe les marges, mais à laquelle il appartient de droit14.
23Ni l’État ni la sanior pars n’attendirent le Code de 1827 pour tenter, véritable quadrature du cercle, de concilier leurs intérêts, ceux des maîtres de forges, ceux des pasteurs et le charbonnage. À la fin du XIXe siècle, les notables n’hésitaient pas à faire l’apologie du Code et à lui attribuer le mérite de la reconstitution des forêts. À en croire un bétharramite, la forêt de Trescrouts, livrée depuis des siècles aux charbonniers, ne produisait plus aucun revenu en 1860 ; elle fournissait, depuis, « des exploitations régulières15 ». Après avoir condamné les gardes de la communauté, qui faisaient « de temps en temps la chasse aux malheureux charbonniers qui le carbonisaient sur place », sans jamais poursuivre les « étrangers », il tressait une couronne aux Eaux et Forêts. Vers 1850, un certain Moucles, garde, entreprit de « concilier l’intérêt forestier avec les besoins d’une population très nombreuse alors, industrielle et pauvre ». La mise au pas ne se fit pas sans mal et le 77e de ligne dut prêter main-forte à Moucles « dans son entreprise de répression à outrance » ! Sans établir le moindre lien de causalité, l’apologiste achevait ainsi sa démonstration : « Le nombre des charbonniers de Saint-Pé diminue singulièrement. Le métier est bien pénible et notre population émigre. » Le charbonnier devenait estimable lorsqu’il disparaissait de la forêt…
Le charbonnier et la sanior pars
24Qui ne se souvient pas des premières pages de La Sorcière de Michelet ? La forêt et la nuit, asiles de la femme persécutée, « réalité chaude et féconde », qui y retrouvait Satan, « nom bizarre de la liberté, jeune encore, militante, d’abord négative, créatrice plus tard ». Il a fallu plus d’un siècle pour que les historiens reconnaissent leur dette envers le visionnaire. Marc Bloch montra que la forêt était un espace peuplé de « suspects aux sédentaires ». Jacques Le Goff décrit cette foule, au contact des oratores, de la sanior pars, « mais tous à vrai dire sont allés surtout s’y marginaliser, s’y conduire en homme de la nature, fuyant le monde de la culture dans tout le sens du mot16 ».
25Le charbonnier se distinguait bien, en effet, de la culture dominante, mais quelle était sa propre culture ? En Ossau à la fin du XVIIIe siècle, il se dispensait d’assister aux offices, travaillait dimanches et fêtes et décidait de boycotter les assemblées générales et de payer l’impôt. Marginal, il revendiquait les libertés et les franchises que justifiait son indispensable fonction. Plus que sa misère matérielle, c’est son rapport à l’espace villageois, sa solitude clanique qui caractérisait sa culture. En forêt plus qu’ailleurs, le travailleur était exposé au danger et à une menace redoutable, la mors repentina, la mort sans le secours des sacrements, des voisins. Autour des forges d’Asson, les corps des carbounes étaient retrouvés plusieurs jours après leur décès. J. Guiraut, « âgé de 70 ans, charbonnier, lequel s’étant plaint la veille au matin à un jeune homme d’une incommodité qu’il ressentait fut trouvé décédé dans le bois lorsqu’on vint le secourir, a été inhumé (1775) ». À la veille de la Grande Guerre, les femmes de charbonniers d’Asson accouchaient, seules, dans la montagne.
26Le charbonnage était en effet une activité qui impliquait toute la famille, des nouveaux-nés aux vieillards et parfois un véritable clan familial. Une Liste des noms des délinquants charbonniers de Saint-Pé, établie entre 1850 et 1880, énumère 139 délinquants. À l’exception de quatre femmes seules, deux veuves et les épouses d’un cloutier et d’un cordonnier, ce sont toujours des chefs de famille et leur lignage que mentionne la liste. Soit : 17 épouses, 3 mères, une belle-mère, une sœur, 15 fils et 11 filles, six « enfants », dont quatre orphelins. Au contraire des activités agro-pastorales qui spécialisaient et dispersaient les membres d’une famille, le charbonnage mobilisait toutes les énergies autour de la meule, dans un espace restreint. Parmi les délinquants ne figuraient ni laboureur, ni pasteur, pratiquement aucun artisan à l’exception d’un charpentier, gendre d’un charbonnier, et d’un maçon. Les carbounes constituaient bien au sein de la communauté un groupe fortement endogène ; dans un monde rural où la pluralité des activités était la règle, ils faisaient figure d’exception. Ils ne pouvaient donc compter que sur des solidarités primaires, confinées dans l’espace familial et professionnel.
27Solitaire dans la forêt, le charbonnier l’était aussi dans l’espace villageois : avec quelques petits agriculteurs, des artisans, il occupait les bordes dispersées à la périphérie du centre et de ses dominants. Le « soy disant sorcier » de Louvie habitait ainsi les marches du village. Ceux qui dénoncèrent Jean Tuquet prirent la précaution de préciser : « Déclarons néanmoins les dits jurats et habitants qui ont signé l’arrêté ci-dessus que leur entendu n’est point de se rendre parties d’aucune manière. »
28Il faut attendre les dernières décennies du XIXe siècle et le début du siècle suivant pour que le voile se lève. Fils d’un des derniers carbounes de Saint-Pé, hussard noir de la République, Henri Péninou a laissé un témoignage exceptionnel17. Au début du XXe siècle, 200 ânes portaient « trois sacs de charbon chacun ; les femmes en ont deux ». Le charbon livré, le charbonnier et sa famille rejoignaient les bordes. Tous étaient de pauvres gens qui faisaient feu de tout bois : les enfants se livraient à la cueillette « des fraises, genièvre, arnica, aubiscou », vendus « au bourg de porte en porte pour quelques ardits. Bon an mal an, nourriture et vêtements sont assurés, avec parcimonie ». Le fils du charbonnier se souvenait du mépris à peine dissimulé de ceux du bourg : « Tu, qu’es u carboué de Sen Pé, me glissait à l’oreille – certain soir de Mardi-Gras – un perspicace. » La grande affaire de l’année était l’adjudication des bois ; bûcheron l’hiver, charbonnier au printemps, le charbonnier et toute sa famille se mettaient à l’œuvre.
Le charbonnier : un révolté, un vengeur, un hérétique ?
29Faut-il, suivant Michelet, associer l’espace forestier à la sorcellerie et suspecter ceux qui y vivaient d’être plus ou moins hérétiques ? Le dernier grand procès instruit contre un « soy disant sorcier », condamna, en 1775, un jeune charbonnier de Louvie-Juzon en Ossau. Son destin éclaire l’hérésie culturelle que pouvait représenter la communauté charbonnière.
Jean Tuquet, dit Chourat : un révolté ?
30L’hypothèse de Michelet, celle d’une sorcière appartenant peu ou prou au monde des primitifs de la révolte n’a plus beaucoup de partisans. Mais elle est relayée par celle qui veut voir dans la répression de la « secte » la volonté de l’État moderne, allié à la sanior pars, de réduire une dissidence sociale et culturelle. Cette lecture n’est pas inexacte ; elle est cependant partielle. Lorsque Pierre de Lancre vint enquêter en Labourd, il le fit contre la volonté du Parlement de Bordeaux, mais à la demande des communautés basques. On ne peut donc réduire les chasses à un pur rapport de force et de violence entre le centre, le centralisme monarchique et social, et la périphérie, géographique et sociale. Bien documentée, l’affaire Tuquet dévoile la complexité de ces relations conflictuelles. Le parti du charbonnier réunissait des servantes, des cadets, mais aussi des laboureurs, un forgeron et plusieurs notables, dont le baile de la vallée d’Ossau qui retarda les poursuites, un prêtre plusieurs fois mêlé à des scandales démonomanes mais jamais inquiété par son évêque, enfin quelques-unes des épouses des conseillers du parlement en charge du procès ! Il faudrait y ajouter tous ceux qui en Ossau, sur le marché de Pau, avaient recours aux consultations du prêtre et du charbonnier.
31Charbonnier et « faux sorcier », Tuquet remplissait un office reconnu de tous en donnant ou en levant les maus dats, mais il était aussi un travailleur indispensable à la vie économique. Cela faisait-il de lui et de ses semblables un révolté, un vengeur : ici celui de la périphérie villageoise contre les puissants du centre18 ? Dévastateur des forêts, travailleur sans terre, souvent installé dans des zones forestières de non-droit, plus ou moins nomade, le charbonnier disposait d’une liberté qui « dans une société paysanne est l’apanage d’un petit nombre19 ». Sa connaissance du milieu naturel était par ailleurs plus étendue que celle des sédentaires. Henri Péninou rappelait qu’il récoltait des plantes médicinales. De là à voir en lui le détenteur de dangereux secrets ? En marge de l’économie et de la société pastorale dominante, avait-il vocation à la révolte ? Christian Thibon observe « une délinquance massive : les délits forestiers ». Mais il constate que le charbonnage y est minoritaire20. Dans un climat très tendu, les charbonniers se manifestaient fort peu ; une seule exception, mais elle est de taille : ce sont eux qui formèrent la première coalition ouvrière, au Bousquet, et obtinrent par la force une augmentation de salaire.
32Reste une question : pourquoi ce dévastateur des forêts, ce travailleur de la nuit, inquiétant, est-il si peu représenté dans nos sources, judiciaires en particulier, y compris celles des Maîtrises des Eaux et Forêts (dont celle de Louis de Froidour, au XVIIe siècle en Béarn et Navarre) ? En novembre 1848 Augustin Chaho, conseiller général républicain des Basses-Pyrénées, défendait les bergers, mais il n’accablait pas les charbonniers ; leur activité aurait même été très supportable car le bois qu’ils exploitaient « est indispensable, non pour le pacage, il faut aux bêtes à laine une nourriture plus saine que celle qui croît à l’ombre » ! En réalité, l’ordonnance de 1669, le Code de 1827 pénalisaient bien davantage l’affouage et le pastoralisme que le charbonnage.
33La restriction des usages forestiers s’était accomplie au bénéfice des sidérurgistes et par voie de conséquence des charbonniers qui devenaient leurs alliés objectifs au regard de la communauté villageoise. La politique coercitive n’avait jamais pu trancher entre le souci légitime de préserver la ressource et les besoins, impératifs, de la métallurgie. Le fantasme de la pénurie ne tenait pas devant cette réalité et lorsque l’intendant Lebret constatait que les bois de l’Ossau « se dégradaient par les forges », il ne prenait aucune mesure de protection. La volonté de valoriser à tout prix la ressource forestière alla jusqu’à refuser de moderniser les forges au XIXe siècle ; celles de la vallée d’Aspe perpétuèrent l’emploi du charbon de bois jusqu’à leur extinction, au prix d’un affrontement avec les consommateurs urbains qui dénonçaient des « bandes de charbonniers » dévastatrices21. Dans la montagne pyrénéenne, le charbonnier fut ainsi d’abord associé à la modernité, celle que générait la proto-industrialisation, l’État ; mais il n’en était que l’instrument le plus humble, le plus fragile. Entre les exigences salariales du maître de forges et la haine qu’il inspirait aux villageois, sa position était bien celle d’un marginal.
« La foi du charbonnier »
34Au diable qui lui demandait ce qu’il croyait, le charbonnier aurait répondu : « Je crois ce que l’Église croit. » Des formes anciennes associaient le centenier, un bas-officier, au charbonnier et pouvaient faire allusion au centurion de l’Évangile. Dans un sens littéral, le proverbe certifiait que la foi du charbonnier était ferme, mais sans aucune science ; le soupçon était implicite. Il l’était d’autant plus qu’un autre proverbe mettait en avant la liberté du silvaticus, peu enclin à se soumettre à des dogmes contraignants : « Charbonnier est maître chez soi. » Mais la sagesse populaire disait tout et son contraire ; la foi du charbonnier était-elle celle, innocente et pure, des petits enfants ou bien celle des « païens baptisés » qui désespéraient les pasteurs réformateurs ? Le renoncement aux bûchers ne tarit pas le champ de la superstition, il lui ouvrit au contraire un espace illimité22.
35Les charbonniers ne figurent pas en nombre parmi les victimes des procédures ; il est probable que leur utilité économique les a plus ou moins protégés. On en rencontre cependant dans quelques procès instruits par le Parlement de Navarre ; l’Inquisition de Saragosse condamna elle aussi quelques carboneros, serradores y fusteros23. Dans les deux cas, il s’agissait de guérisseurs qui donnaient ou levaient le mau dat, le mal de ojo – maldau – mal dado en Aragon. Entre les hautes vallées aragonaises et la Gascogne, le trafic des hierbas, plantes aux vertus médicinales et magiques, celui des amulettes, étaient encore très actifs au XVIIIe siècle. Ceux qui fréquentaient la forêt étaient naturellement suspectés de se livrer à ce négoce. Il est hors de propos de confondre sociologie et vocation sorcellaire, mais la rumeur qui entourait le charbonnier mérite l’attention.
36Le chapelain des forges d’Asson, au XVIIIe siècle, affirmait que ses ouailles « croyaient plus au Diable qu’à Dieu » ; faut-il y voir une prédisposition particulière à la superstition ? Dans leur ensemble les populations du piémont et des vallées pyrénéens manifestaient une piété vigoureuse à la veille de la Révolution. Mais il est vrai qu’elles ne croyaient pas exactement ce que croyait l’Église. Elles passèrent outre lorsque l’épiscopat béarnais interdit les processions champêtres du saint sacrement contre les orages ou le départ de la communauté en pèlerinage. L’Église obtint en vain le secours du Parlement pour empêcher Béarnais et Basques de se rendre au sanctuaire de Sainte-Orosie de Jaca, qui guérissait les possédés. En revanche, un vicaire, démonomane attardé, trouva sans peine des auditeurs attentifs, en particulier le charbonnier Tuquet. Une piété héritée des premiers temps de la réforme catholique, la « religion populaire » et la culture traditionnelle faisaient bon ménage.
37Le clergé du XIXe siècle mit une sourdine à sa dénonciation obsessionnelle de la superstition. Les instituteurs, avec un objectif différent, reprirent le combat. Les lacunes de la documentation inspirent la prudence ; mais dans les cantons montagnards de la Barousse, où le charbonnage fut actif, les maîtres d’école établissaient volontiers une relation de cause à effet entre la montagne et la superstition. À Aveux, « comme dans la plupart des contrées montagnardes, les superstitions étaient vivaces et remplies de contes fantastiques24 ». L’instituteur se faisait l’écho de la terrible affaire de Vic : « La crainte des maléfices et des sortilèges trouble parfois les esprits jusqu’à l’exaltation la plus criminelle. » En 1850, à la cour d’Assises des Hautes Pyrénées, on demandait à un homme comment il avait pu commettre l’atrocité de brûler une femme vivante. Il répondit avec l’assurance que donne l’hallucination : « J’ai vu cinq sorcières, elles ont disparu comme des feux follets. » D’autres, plus optimistes sur les effets de l’instruction, reléguaient la superstition parmi les vieillards. À Arise, à Cazareilh, Ferrère, Sacoue, Sost, les instituteurs signalaient la présence et l’activité des charbonniers, pour mieux souligner leur disparition prochaine ; ils n’y découvraient pas plus de superstitions qu’ailleurs. Mais comme dans tous les pays gascons, la culture traditionnelle persistait à associer le charbonnier et le charbon à des forces occultes : « Nègre coum lou carboù – rouje coum lou carbou » – (Noir comme le charbonnier – rouge comme une braise)25.
38Au-delà de sa connaissance intime de la forêt et de ses ressources, le charbonnier participait d’une culture associée au charbon et au feu. L’Église romaine admit longtemps l’ambivalence du feu et en particulier de celui de la Saint-Jean ; sans la condamner, Bossuet en prenait acte dans son Catéchisme de Meaux. La rupture culturelle intervint au XVIIe siècle : Louis XIV fut le dernier roi à allumer le feu de la Saint-Jean en place de Grève26. Le feu de la charbonnière était un feu caché, souterrain, celui des énergies occultes. Gaston Bachelard a exploré cette dualité et il y voyait une composante de la relation complexe entre monothéisme et dualisme27. Plus prosaïquement, le feu, source de vie, de richesse, était aussi pour la communauté villageoise un instrument de vengeance, une manifestation de révolte. Produit du feu caché, le charbon de bois participait de ce monde occulte des « secrets », de ceux qui guérissent ou qui tuent. Il était considéré comme un prophylactique : il éloignait les mauvaises influences, le bisatgle (la perte de sens). Il fallait pour être protégé porter dans un sachet quelques morceaux de charbon pendant sept jours, puis enlever le sachet sans toucher les charbons et les jeter dans une eau courante. Pour chasser les petits maléfices, il fallait jeter un charbon par-dessus l’épaule, sans qu’il ne touche ni homme, ni mur, ni arbre28. L’usage du charbon apparaît cependant assez peu dans les recettes et les secrets. Au XIXe siècle en Béarn, il guérissait la hoec saubatye ou encore « le feu29 ». Quelques pregans, prières à caractère magique, évoquaient la part du charbon dans la médecine traditionnelle : usage de cendres du charbon contre la douve ou mal de fiet, emploi de la suie30.
39Toujours placé sous le signe de l’ambivalence, le charbon était généralement bénéfique. En revanche, le charbonnier ne triompha jamais de la suspicion que suscitait son mode de vie, sa misère, sa dépendance. Non seulement il brûlait une noble matière, mais de vilaine manière : combustion lente, souterraine, infernale. Son aspect physique renvoyait aux ténèbres et à la mort. En Bretagne, les charbonniers étaient réputés très superstitieux : lors des orages, ils jetaient dans les flammes des fleurs séchées de la Fête Dieu pour protéger leur meule ; ils ne regardaient jamais la lune en face plus de deux fois, sous peine d’y voir la face de Judas. D’un autre côté, ils étaient redoutés31. Aux XVIe et XVIIe siècles, de très nombreux récits évoquent le charbonnier parmi les familiers des chasses fantastiques, en particulier celle du « grand veneur ou chasseur noir » qui apparut à Charles VII comme à Henri IV32. On reste toujours, cependant, dans le registre du dualisme. Ainsi le charbonnier est-il à la fois un familier des esprits malfaisants de la forêt et un être qui les combat lorsqu’ils cherchent à éteindre sa meule ; il entrerait ainsi dans la catégorie des « bons sorciers » ou des « plus ou moins sorciers » décrits par Jean-Pierre Pinies ou des Benandanti de Carlo Ginsburg. En contrepartie, le korrigan breton prenait l’apparence du charbonnier : un présage de mort. Enfin, le Diable se faisait charbonnier pour enfumer ses victimes, ahumat… !
***
40Hérétique le charbonnier ? Sûrement pas si l’on s’en tient au sens théologique du mot. Mais aux marges de la communauté villageoise, sans aucun doute. Cet homme qui travaillait sur les marches du terroir était par ailleurs dans une situation d’extrême fragilité sociale et économique. Seule son altérité culturelle lui offrait un espace d’indépendance. Liée à la forge et à la métallurgie proto-industrielles, sa culture disparut brutalement avec son activité. Au sein de la besiau pyrénéenne, il apparaît comme un rival des pasteurs et des agriculteurs les plus puissants, un collaborateur du maître de forges. Utile et même indispensable, l’État et les puissants fermaient les yeux sur la part qu’il prenait à la dévastation de la ressource forestière. Mal-aimé, mal connu, il était toléré autant que la conjoncture lui était favorable. Ce ne fut pas un révolté mais une victime.
41Christianisé, faiblement ou nullement alphabétisé lorsqu’il disparaît dans la seconde moitié du XIXe siècle, il suggère une question plus générale : où est l’orthodoxie, où commencent la dissidence et l’hérésie ? Le charbonnier d’Ossau n’était évidemment pas le chef d’une secte hérétique, mais l’originalité, l’autonomie de son horizon culturel ne font aucun doute et elles transcendaient les hiérarchies ordinaires. Représentant de la religion populaire certes, mais encore dépositaire d’un savoir, de secrets de la nature qui ne consistaient pas seulement à produire du charbon de bois, le charbonnier rappelle à l’historien « que les marges sont peut-être pas si marginales que cela, et que leur histoire est aussi, surtout, un révélateur de l’étude plus globale des mentalités33 ».
Notes de bas de page
1 État de la question et bibliographies dans : B. Davasse, Forêts, charbonniers et paysans dans les Pyrénées de l’Est du Moyen Âge à nos jours. Une approche géographique de l’histoire de l’environnent, Toulouse, 2000.
2 Condorcet, Almanach antisuperstitieux, A-M. Chouillet (éd.), 1992, p. 43 et 197.
3 M. Pastoureau, Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, 2004, p. 83 ; J. Le Goff, Pour un autre Moyen Âge, Paris, 1999, p. 91-107.
4 V. Lespy, Proverbes et dictons béarnais, Pau, 1892, rééd. Bayonne, 1990, p. 245, no 517.
5 A. Cabantous, Histoire de la nuit, XVIIe-XVIIIe siècles, Paris, 2009, p. 61.
6 J. Adell, C. Garcia, Brujas, demonios, encantarias y seres magicos en Aragon, Huesca, 2005.
7 C. Thibon, Pays de Sault. Les Pyrénées audoises au XIXe siècle : les villages et l’État, Toulouse, 1988, p. 69.
8 P. Salhins, Forest Rites. The War of the Demoiselles in Nineteenth Century France, Londres, 1994, p. 23.
9 C. Desplat, J. Fr Le Nail, Contes et récits des Pays de Bigorre, Pau, 2006, p. 200-204.
10 Le Roux de Lincy, Le livre des proverbes français, rééd. Paris, 1996, p. 204.
11 J. de La Fontaine, Le voyage en Limousin. Lettres de La Fontaine à sa femme (1663), Paris, 1937, p. 12.
12 J.-F. Bladé, Les contes populaires de la Gascogne, Paris, 1967, t. I, p. 165.
13 C. Desplat, Le Nail, Contes et récits…, p. 49.
14 Voir le cas du « soy disant sorcier » de Louvie (1775) : C. Desplat, « Le vicaire et le charbonnier : métissage sorcellaire en Béarn à la fin du XVIIIe siècle », Heresis, Revue d’histoire des dissidences européennes, 2006, p. 223-246.
15 P. B., « La forêt de Trescrouts », Annuaire du Petit séminaire de Saint-Pé, 1895, p. 386-422.
16 J. Le Goff, Pour un autre Moyen Age…, p. 501.
17 Des souvenirs d’Henri Péninou ont été publiés dans Les marcassins de 1908, Pau, 1973 ; il s’agissait d’une version tronquée de cahiers manuscrits que l’auteur remit à son ancien élève.
18 C’est l’hypothèse de R. Muchembled dans Les derniers bûchers. Un village de Flandre et ses sorcières sous Louis XIV, Paris, 1981, p. 97-100.
19 E. J. Hobsbawn, Les bandits, Paris, 1972, p. 22.
20 C. Thibon, Pays de Sault…, p. 56.
21 À la fin du XVIIIe siècle dans les ferreiras basques, « Les intérêts des propriétaires des forêts et des forges et de l’oligarchie qui contrôlait le pouvoir municipal s’opposèrent radicalement à l’introduction du haut fourneau ». Cf. I.M. Carrion-Arregui, « La sidérurgie basque à l’époque moderne » : M. Mousnier (éd.), L’artisan au village dans l’Europe médiévale et moderne, Flaran XIX, Toulouse, 2000, p. 239.
22 Lise Andries souligne que le clergé n’était pas seulement inspiré par le rationalisme : « C’est la lutte du Bien contre le Mal, de l’orthodoxie contre l’hérésie et aussi de la culture lettrée contre les superstitions », dans Le grand chemin des secrets. Le colportage en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1994, p. 167
23 Voir A. Gari Lacruz, Brujeria e Inquisicion en el alto Aragon en la primera mitad del siglo XVII, Saragosse, 1991. L’Inquisition était aussi imprécise dans ses chefs d’accusation que le Parlement de Navarre : aojamineto, embrujamiento, aojo, sortilego, encatamiento…
24 C. Arrieu, La Barousse de main de Maîtres. Une vallée au cœur des Pyrénées racontée par ses instituteurs (1887), Estadens, 2000, p. 50-52, 105.
25 Charbon et démonomanie mériteraient une enquête approfondie ; dans l’affaire Urbain Grandier, une des religieuses de Loudun était possédée par le démon, « Charbon d’impureté ». J. P. Pinies a montré la relation nouée entre le noir, la cheminée et les démons, « la cheminée est donc l’espace central autour duquel s’organisent les préliminaires du sabbat », « Pet-sus-Fuelha ou le départ des sorcières pour le Sabbat », dans Heresis…, p. 247, 266.
26 A. Van Gennep, Le folklore français, t. II, Paris, 1999, p. 1491-1496,.
27 G. Bachelard, La psychanalyse du feu…, ch. 1. Paris, 1937 : « Il brille au Paradis. Il brûle à l’Enfer. Il est douceur et torture. Il peut se contredire : il est donc un des principes d’explication universelle ».
28 Abbé J.-B. Laborde, Les « Brouches » en Béarn, Gascogne et Pays Basque, Pau, 1937.
29 Il s’agissait d’une inflammation, un érythème et le mal (le feu) était guéri par le feu, celui du charbon consumé.
30 Voir La tradition médicale en Gascogne, quatre manuscrits de médecine (XVIIIe-XIXe siècles), RECLAMS, no spécial, 1989, p. 198 et 227. La suie était également employée en Languedoc et en Catalogne. Cf. M. Albert, A. Cabroc, J.P. Pinies, Bergers et troupeaux en Languedoc et en Catalogne, Carcassonne, 1985, p. 62.
31 P. Sébillot, Légendes et curiosités des métiers…, Paris, s.d. [1re édition : 1894] et P. Maheo, Une famille de charbonniers en Haute Bretagne, les Feuvrel, 1715-1914, Paris, 1986.
32 Comme les Benandanti du Frioul ou le breich languedocien, il pouvait être un « bon sorcier » ou seulement « un peu sorcier ». Cependant, lorsque le korrigan breton prenait l’aspect d’un charbonnier, il était signe d’un mauvais présage ; le diable se faisait charbonnier pour enfumer ses victimes.
33 J.-P. Chantin, « Un projet de recherche et sa concrétisation : réalisation d’un dictionnaire des « marges » », Heresis…, p. 162 ; Id., « Les marges du christianisme, « Sectes » dissidence, ésotérisme », Paris, 2001 : J.-M. Mayeur, Y.-M. Hilaire (dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, t. X, Paris, 2001.
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