Introduction
p. 135-136
Texte intégral
1Le marché du travail étatique commence à être reconfiguré dans le cadre de la réforme urbaine à partir du milieu des années 1990. Dans cette transition de l’économie planifiée vers l’économie du marché, le système de danwei (unité de travail) qui garantissait l’emploi et les avantages sociaux aux employés citadins a été bouleversé et perd progressivement ses fonctions. La suppression des emplois à vie a remis en question tout le système des emplois. Le chômage est apparu et gagne en ampleur. Le gouvernement a ainsi mis en place un système de marché du travail à double voies. D’un côté, le marché du travail étatique continue à exister pour assurer une réforme progressive dans les secteurs publics et de l’autre, le marché de travail privé se développe et se diversifie. Ce dernier se divise en deux secteurs : l’un est réservé à la main-d’œuvre urbaine, considérée comme prioritaire dans l’accès aux emplois, et l’autre concerne les migrants ruraux (wailai laodongli : la main-d’œuvre venant de l’extérieur) qui arrivent massivement dans de grandes métropoles à partir des années 1990.
2En même temps, dans les villes, l’urbanisation modifie la structure des emplois. Les secteurs agricole et industriel reculent au profit du secteur tertiaire. Nous assistons à l’émergence de nouvelles activités économiques en ville. La Chine enregistre un nombre croissant de nouvelles professions et métiers depuis la réforme, principalement dans le secteur tertiaire. De 2004 à 2010, 122 nouvelles professions ont été répertoriées par l’État1. Ces dernières années, dans les grandes métropoles, le secteur tertiaire réalise presque la moitié de la valeur du PIB. Dans ces nouvelles professions, nous trouvons aussi bien des métiers de la finance, des hautes technologies ou des assurances, que des emplois de services peu qualifiés. On note aussi qu’un bon nombre de nouvelles activités économiques informelles n’entrent pas dans la nomenclature officielle.
3Dans cette reconfiguration du marché des emplois, les migrants semblent les mieux à même de profiter de la nouvelle économie urbaine. Plus aptes à travailler dans des conditions difficiles que les citadins, les migrants se rendent disponibles là où se présentent les opportunités, dans de petits métiers de service formels ou informels. Selon le recensement de la population de 2000, sur l’ensemble de la Chine, les employés migrants sont massivement présents dans la manufacture (68 %), la construction (80 %) et les services (52 %)2. Les migrants travaillent essentiellement dans des secteurs privés ou des activités indépendantes (geti : individuel) ; ils occupent des postes peu qualifiés et ils sont payés à l’heure ou à la tâche.
4Comment les migrants intègrent-ils une nouvelle activité économique dans un marché de travail segmenté et discriminatoire ? Ce chapitre s’appuie sur les expériences de quelques migrants à Shanghai. Ils travaillent dans la rénovation de meubles anciens, l’aménagement intérieur, la distribution des journaux et la couture. Leurs parcours migratoire et professionnel témoignent d’une part du développement de la nouvelle économie urbaine à Shanghai, et nous montre d’autre part comment ces migrants renouvellent sans cesse leurs compétences professionnelles, imaginent et déploient tous les moyens pour s’insérer dans la société urbaine, et aspirent à ne plus rester des citoyens de seconde zone.
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La mobilité sociale dans l’immigration
Itinéraires de réussite des enfants d’origine algérienne
Emmanuelle Santelli
2001