Chapitre trois. Les teknivals : problème ou solution ?
p. 53-78
Texte intégral
1La politique menée par le ministère de l’Intérieur vis-à-vis des raves peut également être analysée en distinguant plusieurs types d’événements techno. Si les raves illégales sont fortement réprimées, on assiste au contraire à l’institutionnalisation progressive de raves géantes : les teknivals, qui rassemblement plusieurs dizaines de milliers de personnes. Ils apparaissent comme un résultat concret de ce dialogue entre pouvoirs publics et organisateurs. Avalisés par le ministère de l’Intérieur, ces rassemblements de masse, même peu nombreux, focalisent l’attention, et ce, à juste titre ; ils concentrent une grande partie des problèmes que posent les raves, et en ajoutent d’autres, précisément en raison de leur taille. L’analyse de ces événements sera notamment l’occasion d’étudier de près les relations entre le ministère de l’Intérieur et les élus locaux, voire les riverains – en particulier via les registres de justification des différents acteurs en présence1.
2Un teknival (contraction des mots techno et festival) est une sorte de rave géante : plusieurs Sound-systems se rassemblent pendant quelques jours (souvent un long week-end), et un tel événement accueille souvent (de nos jours) des dizaines de milliers de personnes. Plusieurs points doivent être immédiatement précisés ou rappelés :
- les teknivals ne sont pas une création du ministère de l’Intérieur, contrairement à l’impression que l’on pourrait avoir aujourd’hui ;
- les teknivals ne sont pas un phénomène récent, bien au contraire : en France, le premier teknival a lieu en 1993. Les teknivals sont donc partie intégrante de l’univers des fêtes techno, et ce, depuis longtemps (même si leur ampleur n’était sans doute pas la même au début).
- à l’origine (c’est-à-dire avant 2003), un teknival est un événement illégal, qui se situe dans la continuité des free-parties2.
- les teknivals constituent depuis quelques années un phénomène extrêmement médiatisé (et aussi très fortement controversé) ; ils sont pourtant loin de représenter l’ensemble du mouvement techno. Néanmoins, une bonne partie des problèmes que soulèvent les teknivals sont aussi ceux des raves « classiques », c’est pourquoi ils seront analysés ici – sans négliger pour autant les enjeux qui leur sont spécifiques.
3Pour commencer, il faut revenir plus en détail sur les raisons qui ont incité le ministère de l’Intérieur à cautionner l’organisation de teknivals « officiels » depuis 2003. Les polémiques suscitées par cette politique seront examinées ensuite.
I. LA CRÉATION DES TEKNIVALS « OFFICIELS »
4C’est un teknival illégal qui est à l’origine du revirement opéré par le ministère de l’Intérieur vis-à-vis du mouvement techno free en 2002, comme on l’a vu. L’organisation des teknivals est donc logiquement l’objet central des discussions entre le ministère et les Sound-systems au début3.
5De fait, le ministère est confronté avant tout à un problème de gestion de foule. En 2001-2002, par exemple, les teknivals (alors illégaux) réunissent souvent dix à quinze mille personnes, et parfois trente mille, voire quarante mille personnes au maximum, soit la taille d’une ville moyenne. Or, face à de tels rassemblements de masse, les moyens d’action efficaces pour les autorités politiques sont de fait assez limités, et ce, malgré les nouveaux outils octroyés par le décret de 2002 tels que la saisie du matériel sonore :
- si les forces de l’ordre interviennent, le risque est grand de provoquer une émeute (ce qui est désormais beaucoup moins vrai pour les petites raves), comme on l’a vu.
- si la manifestation est interdite dans un lieu donné, il y a de fortes chances pour que le problème soit simplement déplacé en raison de la mobilité importante des Sound-systems4.
- enfin, si le teknival a lieu de façon clandestine, donc plutôt dans un endroit peu accessible, la sécurité sanitaire est plus difficile à assurer.
6En conséquence, le ministère de l’Intérieur décide de coopérer avec les Sound-systems qui organisent les teknivals et de mettre en œuvre tous les moyens dont il dispose pour assurer la sécurité de ces rassemblements. Événements illégaux au départ, les teknivals deviennent en règle générale des fêtes techno officielles, « cogérées » par le ministère. Le premier teknival officiel se déroule à Marigny, dans la Marne, en mai 2003 ; il réunit quarante mille participants. Depuis, trois ou quatre teknivals ont lieu chaque année. Ce conseiller pour la sécurité au ministère de l’Intérieur résume ainsi le sens de la politique menée5 :
« On ne peut pas interdire un phénomène qui rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes, on ne peut pas être absent, et on ne peut pas non plus arriver en retard (…). Vous allez les interdire à un endroit, mais si les gens convergent et se font passer le message, se réunissent et vont se poser à dix mille ou vingt mille ou quarante mille à cent, deux cent kilomètres plus loin, en changeant de département, est-ce qu’on dit on n’y va pas, est-ce qu’on dit on a la capacité de disperser dix mille, vingt mille personnes, ça devient très délicat. Notre idée, c’est d’être là suffisamment tôt pour éviter que les choses ne se compliquent. Ne pouvant empêcher le phénomène, le rassemblement, on fait en sorte qu’il y ait le moins de risques possible générés par ce rassemblement ».
7Il prend ensuite l’exemple du teknival du 1er mai 2005 (également à Marigny) ; au dernier moment, l’inspection du site prévu révèle la présence massive de chenilles urticantes, susceptibles de provoquer des allergies importantes, d’où une décision d’annulation… sur laquelle il a fallu revenir :
« Lorsqu’on a vu qu’il y avait le problème urticant, le ministère de la Santé a demandé qu’on arrête la rave, et s’est adressé au préfet en disant qu’il faut interdire parce qu’il y a ce risque de santé publique. Et donc le préfet a appliqué cette directive. Et il était devant un dilemme qu’il a vite résolu : c’est que les gens convergeaient, il y avait une poussée très forte, et que de toutes façons ils arrivaient, quitte à abandonner leur véhicule à cinq ou dix kilomètres de l’endroit ou à partir à travers champ pour s’approcher le plus possible. Donc pour vous dire que ce n’est pas facile.
– C’est difficile, voire impossible d’interdire au dernier moment…
– C’est presque impossible d’interdire. Sauf à être un État hyper-policier, voyez, et à dire « les véhicules qui circulent ne circulent plus dans cette direction » ; sachant que les gens peuvent faire des amplitudes de deux cent kilomètres et aller se poser ailleurs, et occuper de force d’autres terrains ! »
8Ressource classique de tout groupe d’intérêt, le nombre de participants6 joue ici un rôle-clef dans l’attitude adoptée par le ministère vis-à-vis de ces rassemblements (de même que leur capacité à se déplacer rapidement). En règle générale, pour les raves, « la massivité de l’assistance est en effet une forme de protection »7 ; ainsi, dominés dans le cadre des petites raves, désormais plus faciles à empêcher, les Sound-systems demeurent en position de force lors des teknivals.
9On peut ainsi parler d’une approche pragmatique des problèmes de sécurité que posent ces rassemblements, comme l’explique ce membre de la DLPAJ du ministère8 :
« Il y avait aussi la volonté de faire sortir de la clandestinité les organisateurs pour les contrôler. Donc une mesure d’interdiction générale et absolue, sur ce plan-là notamment, aurait été contre-productive. Et on sait très bien que des contournements de cette interdiction auraient eu lieu, sachant que les phénomènes les plus inquiétants sont sur les rassemblements non prévus ou clandestins, où des accidents graves sont survenus ».
10Le ministère de l’Intérieur opte donc pour le soutien à l’organisation de ces manifestations festives, en concertation avec les Sound-systems.
II. LA PRÉPARATION ET LA GESTION CONCRÈTE DES TEKNIVALS PAR LES AUTORITÉS
11L’encadrement des teknivals est guidé par une conception extensive de la sécurité. Celle-ci suppose un travail important à effectuer en amont, qui commence par le choix du site, comme l’explique ce conseiller pour la sécurité au ministère de l’Intérieur9 :
« Quand on est sur un grand teknival, il faut qu’il y ait un terrain qui puisse permettre d’absorber une quantité de population dont le nombre peut fluctuer – et c’est difficile de prédire à l’avance l’affluence ; donc il faut une capacité en hectares (soixante-dix à cent hectares). Il faut aussi que ce soit un terrain qui permette de converger avec les axes pour les secours, quoi qu’il arrive, qu’on puisse acheminer les secours, y compris au centre du teknival, sans écraser les personnes, sans qu’il y ait de mouvement de panique. Il faut que ce soit un terrain le plus sûr possible, donc qui ne présente pas d’obstacle dangereux, notamment la nuit, ou lorsque les gens sont au deuxième jour et très fatigués ; il faut limiter au maximum les risques. Donc ça ne peut pas se faire n’importe où.
L’idéal, ce serait d’avoir de grands terrains plats qui ne servent jamais à rien et qui ne présentent aucun risque où là, on peut faire du bruit, se retrouver, faire la fête et puis repartir après, etc. ; la réalité, elle est différente. Dans les bois, ce n’est pas souhaitable. Vous avez des régions qui ne s’y prêtent pas : régions montagneuses, relief,… Le choix du terrain, le terrain est toujours un problème important. On n’a pas forcément une réserve de terrains disponibles comme ça (…). Donc il y a ce problème, qu’il ne faut pas nier, qui n’est pas facile à régler, mais qu’il ne faut pas non plus exagérer ».
12Au-delà de certaines caractéristiques physiques (surface plane, etc.), un des critères déterminants est donc l’accessibilité pour les secours. Il convient néanmoins de noter que, sous certains aspects, ce dispositif ne représente pas, de fait, une nouveauté radicale par rapport à la période antérieure (avant 2003). Ainsi, l’impératif d’accessibilité existait déjà auparavant pour toute rave, même s’il avait une autre fonction (« réunir rapidement plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de participants »10) et même s’il était en tension avec la « recherche d’invisibilité »11.
13En conséquence, on peut noter qu’un nombre important de teknivals encadrés ont eu lieu dans des aérodromes, que ceux-ci soient désaffectés ou en activité : ça a été le cas à plusieurs reprises à Marigny (Marne), ou en 2006 à Vannes-Meucon et à Brie-Champniers près d’Angoulême.
14Une fois retenu, le site doit souvent être aménagé. Les terrains agricoles, en particulier, nécessitent parfois la construction de routes, comme à Chavannes, dans le Cher, en 2006, comme le raconte ce même conseiller :
« Les pistes pour accéder autour des terrains étaient pour certaines pas suffisamment stabilisées, en fonction aussi de la météo, ou pas assez aménagées ; on a été amené à les consolider ou à les renforcer ou à faire des accès qui restent d’une manière pérenne ; c’est un équipement qui reste ensuite pour la commune, on va pas enlever la piste qui a été posée par la DDE12. Là où les postes des pouvoirs publics avaient été installés, là aussi on a stabilisé le sol. Donc aménager en préparant bien le terrain, c’est pas quelque chose de négatif ».
15Ce type d’équipement a une utilité durable. Inversement, certains aménagements n’ont de fonction que pour la durée du teknival, comme par exemple lorsqu’il s’agit de protéger des installations à proximité immédiate ; c’était le cas à Vannes-Meucon, rappelle ce colonel de gendarmerie13 :
« C’est la première manifestation qui s’est déroulée sur un aérodrome en cours de fonctionnement (…), avec un bétonnage de manière à préserver les pistes et ne faire se dérouler la manifestation que sur les espaces ouverts. Donc on a fait transporter par la DDE trois mille mètres de séparateurs bétons d’autoroute, quatre mille mètres de barrières de chantier, et on a complètement cloisonné la zone ».
16Il convient ensuite d’anticiper les problèmes que vont devoir gérer les autorités, sur le site et aux alentours. Selon ce colonel, ils peuvent être regroupés dans quatre grandes catégories :
« – Le problème de la maîtrise de l’espace : il faut pouvoir s’assurer que ça se passe à l’endroit où on souhaiterait que ça se passe, sans avoir de débordements ailleurs, sans avoir trop de frictions avec les populations locales, qui n’adhèrent pas forcément au mouvement techno ;
– le problème de la maîtrise des flux, parce qu’on va avoir des flux très importants de circulation à certains moments, c’est-à-dire à l’arrivée et au départ (…) ;
– la gestion des troubles à l’ordre public qui peuvent soit apparaître au sein du teknival parce qu’on a des confrontations entre par exemple raveurs et dealers n’ayant aucun lien avec le mouvement ; ou des frictions avec des locaux, des résidents locaux qui n’admettent pas cette manifestation ; ou tout bêtement des débordements dus à des gens qui sont sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants divers et qui peuvent largement déborder de la zone dans laquelle ils ont été normalement contenus (…) ;
– la gestion des secours aux personnes ».
17Le lien entre ces différents éléments apparaît clairement : ainsi, il sera plus facile de traiter les troubles à l’ordre public si les participants du teknival sont situés dans un périmètre précis et contrôlé ; de même, la fluidité du trafic automobile à proximité du site est importante pour préserver l’accès des secours, etc.
18La gestion des routes mérite donc une attention particulière. Les forces de l’ordre sont présentes en masse pour gérer la circulation routière et le stationnement des véhicules. Elles sont souvent confrontées à la question suivante : comment procéder pour maintenir en permanence l’accessibilité d’un site qui n’est pas prévu pour accueillir des dizaines de milliers de personnes ? Les autorités cherchent de plus en plus à mettre en place un plan de déplacement spécifique pour toute la durée de la manifestation, qui permet notamment de canaliser la circulation, comme l’explique ce colonel de gendarmerie à propos du teknival de Vannes en 2006 :
« La maîtrise des flux nécessite de prévoir un schéma d’organisation routière infaillible, en le sur-dimensionnant pour être sûr qu’il ne soit pas sous-dimensionné. Dans le schéma des flux routiers, qui est approuvé par le préfet puisqu’il implique à la fois la DDE et les forces de l’ordre, et qui vise à garantir des routes qui sont dédiées aux secours pour pouvoir rapidement emmener vers les hôpitaux, il faut faire des routes à un seul sens de circulation, prévoir des inversions de sens de circulation pour gérer les départs (…).
À Vannes, on avait prévu une mauvaise conduite de la part des teknivaliers, donc on avait mis un schéma d’orientation incitatif à distance (panneaux), et plus près, à dix kilomètres du lieu, des points d’interdiction qui envoyaient sur des déviations secondaires si l’interdiction n’avait pas été respectée. Dès la première nuit, on a démonté ces déviations impératives parce qu’en fait, à partir du moment où c’est très bien indiqué et où c’est une manifestation autorisée, les gens sont assez dociles, surtout ceux qui viennent de l’extérieur du département. Et quand il y a des grands panneaux « teknival », ils suivent ».
19Par certains aspects, ce type d’organisation pourrait s’apparenter à des pratiques en cours dans d’autres rassemblements de masse, beaucoup plus banals. Néanmoins, il faut également tenir compte de la spécificité d’une partie du public des teknivals, habituée à rejoindre à pied le site proprement dit :
« Si vous laissez des teknivaliers arriver à cinq kilomètres du lieu d’un teknival organisé, avec des bouchons dans les cinq derniers kilomètres, la tendance, c’est : « on pose la voiture, on prend le sac à dos et on y va ». Et on se retrouve avec des voitures garées partout. Alors que si on organise au contraire une grande fluidité dans les cinq derniers kilomètres, en ayant au départ généré volontairement des encombrements à quinze kilomètres de là, à quinze kilomètres les gens n’abandonnent pas leur voiture. On va prévoir des circuits avec des points de passage obligés. On va prévoir des points de contrôle qui permettent de gérer le trafic entre cinq et dix kilomètres. Et à cinq kilomètres, on ne fait plus rien qui puisse ralentir, voire au contraire, on agrandit les routes en faisant des sens uniques de circulation sur trois voies. C’est ce que j’appelle des effets d’accordéon programmés (…).
On regroupe les gens sur des couloirs d’arrivée que l’on a prévus, ce qui évite d’engendrer des campements autonomes, éparpillés dans des petits écarts (…) ; ça permet d’avoir une centralisation et de la surveillance, et des secours (…). En revanche, si vous multipliez les petits campements, vous multipliez les risques d’agression aux personnes, et les risques d’accidents non détectés, que ça soit des détresses physiques, des accidents par chute dans des cours d’eau, etc. ».
20On retrouve le lien entre les différentes dimensions de la notion de sécurité à assurer dans ces rassemblements. La gestion des teknivals peut également être envisagée, d’un point de vue géographique, comme une organisation sous forme de bulles concentriques :
« – Autour du terrain, un premier rideau à la fois de forces de sécurité et de forces de secours (…) ;
– à deux, trois kilomètres : une deuxième bulle d’interdiction des passages des véhicules, voire à pied, de manière à orienter tout le monde vers les endroits où on veut canaliser les arrivées ;
– à dix kilomètres : troisième bulle de renseignements et d’orientation routière pour être sûr que les gens suivent la bonne direction ; on peut utiliser un hélicoptère si on veut gérer plus loin ;
– également gestion de l’espace au niveau régional, avec des points de contrôle ou de surveillance organisés sur les péages, aires de stationnement autoroutier, grandes villes à proximité (…). La Police de l’Air et des Frontières est présente dans les grandes gares ».
21Hormis les problèmes de circulation, c’est bien entendu le site du teknival proprement dit et ses alentours immédiats qui mobilisent avant tout l’attention des forces de l’ordre, car ils concentrent la population la plus nombreuse. De fait, même si le terrain est grand, la présence des forces de l’ordre et/ou des secours à proximité immédiate permet à ces derniers d’intervenir très rapidement si nécessaire :
« Avec un campement centralisé à l’intérieur de la première bulle, les postes de secours qui sont autour sont parfaitement identifiés ; les gens qui vivent tous plus ou moins les uns sur les autres, s’il y en a qu’on n’a pas vu sortir de la tente, on va quand même voir dans quel état il est, ça permet d’alerter assez vite les secours. Dès qu’il y a un départ d’incendie, les pompiers sont à côté, donc on gère le départ de feu immédiatement ; dès qu’il y a une agression à l’arme blanche, on gère instantanément ; on a des incidents, des accidents, des détresses, mais qui diminuent largement les conséquences mortelles ou avec traumatismes graves. On réduit aussi le risque d’agression sexuelle.
En ce qui concerne la maîtrise de l’ordre public, pompiers et gendarmes ont des équipes d’intervention sur roue aptes à intervenir immédiatement, en tout point de la zone, dès qu’on a un problème qui est annoncé par les organisateurs, par des gendarmes qui ont pu voir à partir de leur poste de surveillance qu’il se passait quelque chose, par des particuliers en général plus ou moins affolés,…
Le jour, c’est assez calme à l’intérieur des teknivals, l’intervention pompiers va se passer sans grand souci ; la nuit, il faut en général l’accompagner avec des forces gendarmerie de manière à sécuriser la zone, dans l’optique de créer une micro-bulle de sécurité à l’intérieur du teknival où les pompiers vont pouvoir travailler tranquillement ».
22Parmi les troubles à l’ordre public, les affrontements sur le site même du teknival font l’objet d’une attention particulière de la part des autorités. Cependant, ce phénomène occupe une place relativement mineure au regard de la densité de la population réunie :
« Autre problème lié aux secours : on a régulièrement des bagarres à l’arme blanche – rarement des armes à feu. Les armes à feu, ce sont des dealers qui en emmènent en général, pour se protéger, pour protéger leur deal, surtout quand ils ont accumulé des grosses sommes d’argent ; mais ils font très rarement usage de ces armes. Par contre, l’arme blanche, tout le monde en a, même des armes de circonstance ; on a régulièrement des affrontements à l’arme blanche au sein des teknivaliers, voire des agressions sur les forces de l’ordre – on a eu deux blessés graves au cours du teknival de Chavannes. Donc les secours doivent être là aussi calibrés pour faire face dans l’urgence à ce type de traumatologie (…).
– Quelle est l’importance de ces confrontations à l’arme blanche dans les teknivals ?
– C’est mineur (…). Quand vous avez quarante mille personnes au même endroit, dans des états plus ou moins avancés d’ébriété, de substances diverses, avec des hallucinogènes, avec des gens violents, avec des gens beaucoup plus baba-cools qui demandent qu’une chose, à faire la fête, il y a forcément à un moment des frictions ; quand vous avez du trafic de drogues qui fait qu’il y a des gens qui s’affrontent, vous avez des frictions ; et on en arrive à avoir des infractions aux personnes ou aux biens (…). Mais les atteintes aux personnes dans un teknival, c’est une cinquantaine, pas plus. Après, il y a des altercations, mais c’est rare. Les substances qui sont prises au cours des teknivals ne favorisent pas la confrontation (…).
Les excitants qui sont pris sont pris pour faire la fête, pas pour entrer dans des confrontations (…).
Si vous avez bien géré au départ les flux de personnes, si vous avez bien géré l’organisation des Sound-systems et des parkings, si vous avez placé aux endroits judicieux, avec une bonne signalisation, les postes de secours, en coordination étroite avec les organisateurs sur comment on signalise, comment on accède, comment on renseigne les gens dès l’arrivée dans le teknival avec la distribution des flyers, avec un petit plan, où sont les postes, comment on y accède, les codes couleur et tout, vous diminuez a minima ce genre de frictions ».
23Au final, il s’agit bien d’un dispositif d’ensemble qui fait système, c’est-à-dire qu’une faille dans un seul volet de l’organisation peut avoir des conséquences sur la totalité du rassemblement. La gestion d’un teknival suppose donc une mobilisation importante des services de l’État, et une coopération inter-services efficace – de ce point de vue, on retrouve des éléments de mutations très générales de l’action publique : « la nature plus transversale et plus collective des problèmes publics entraîne une coopération plus étroite, mais aussi plus réfléchie, des différents acteurs devenus par nécessité des partenaires (…). [L’action publique] est, par nécessité, une action conjointe »14. Ce colonel de gendarmerie confirme en ces termes :
« Lorsque l’État accompagne et autorise la manifestation, il y a une forte coordination au niveau des acteurs, et on se retrouve devant l’organisation typique d’un grand événement qui se rapproche de ce qu’on peut connaître par ailleurs (les Vingt-quatre Heures du Mans, le Bol d’Or, ou autre), avec toutefois quelques contraintes particulières (…).
Comment ça se gère ? Ça se gère d’abord par une grande transparence et une grande coopération entre les différents services de l’État sous l’égide du préfet. Si ce volet n’est pas acté – pour des raisons diverses, comme la volonté de garder un secret pendant longtemps, ou l’incompétence de certains services de l’État qui n’ont pas l’habitude de gérer la crise et qui ne se rendent pas compte qu’ils vont être obligés de gérer la crise (dans les petits départements, parfois, il y a un petit train-train gentillet qui s’installe, et la capacité à gérer les crises n’est pas toujours au beau fixe) – on peut avoir une grande catastrophe. Pourquoi ? Parce qu’on va s’apercevoir au dernier moment, dans les trois derniers jours, quand on est en train de monter le dispositif, qu’on a des oublis quasiment irrattrapables en termes d’organisation. Et après, on prie pour que rien de grave ne se passe.
Si on élimine cet aléa, et que tout est fait en termes de prévision, de planification, d’organisation, avec une distribution de tâches, chacun dans son domaine, qui est faite largement en amont, dès qu’on a connaissance qu’on est susceptible d’organiser ou d’accompagner ce type de manifestations, normalement ça se passe bien. Ça se passe bien parce que maintenant, on commence à avoir une expérience de ce type de manifestations, et que donc on sait en gros ce dont on va avoir impérativement besoin pour gérer la crise au niveau des différents intervenants. Au niveau des forces de sécurité, on va d’abord battre le rappel de ses troupes ; on va essayer d’organiser une forte coordination entre les intervenants police et gendarmerie, puisqu’en général les flux de circulation et les flux d’arrivée au niveau SNCF vont forcément impliquer les deux territoires (…). Mieux vaut se partager le travail et les compétences plutôt que de se marcher dessus. Et on va mettre sur le pont un maximum d’effectifs pour répondre à cet événement exceptionnel, mais qui de toute façon ne seront pas suffisants ; donc on va engager des renforts, en personnel (unités de gendarmes mobiles : CRS ou gendarmes mobiles), et des renforts spécialisés : par exemple un hélicoptère pour pouvoir gérer les flux de circulation à partir du haut et renseigner ; des chiens de détection stupéfiants ; des patrouilles en moto (motos vertes) pour pouvoir surveiller les chemins, les écarts, lorsqu’on est en zone rurale ; éventuellement des patrouilles équestres (…). Idem au niveau des secours : la Direction départementale est en général insuffisante pour gérer complètement la crise donc il faut des renforts des départements voisins ».
24Un teknival impose ainsi une mobilisation impressionnante de personnels et de moyens matériels. Pour autant, la coordination des différents acteurs n’est pas chose aisée, il faudrait être naïf pour imaginer une organisation optimale qui fonctionnerait « du premier coup ». Même quand il s’agit de services publics orientés en principe vers l’intérêt général, il n’est pas rare que des tensions, voire des conflits apparaissent ; c’est un phénomène bien connu de la sociologie des organisations et de l’analyse des politiques publiques15. Par exemple, la gestion des routes, aujourd’hui largement déléguée aux Conseils Généraux, soulève parfois des difficultés de cet ordre :
« Avant, on avait un interlocuteur unique, avec la capacité de mobiliser des gros moyens si on avait un préavis suffisant, et surtout une unité de gestion du schéma routier. Aujourd’hui, il y aussi la Direction des infrastructures départementales, mais qui a de petits moyens, notamment en moyens d’alerte et d’intervention pendant les week-ends et les heures non ouvrables16. Donc il faut un gros travail de coordination amont pour vraiment impliquer les départements dans cette manœuvre, alors que le département se sent parfois un peu pris en otage, puisque c’est finalement l’État qui accompagne et pas le département, et on lui demande quand même (certes avec des défraiements pour l’engagement de ses moyens) d’engager ses substances, de prendre des arrêtés d’interdiction de circulation pour les routes départementales. Il y a une coordination à améliorer. Ça dépend foncièrement des hommes : si vous avez un très bon contact entre le DDE17 et le responsable des infrastructures départementales, ça va, sinon vous allez avoir un effet de freinage jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce qu’il y ait vraiment un oukase de l’État vis-à-vis du département, et on aura perdu du temps, donc on sera moins bien organisés au final ».
25Choix du terrain, aménagement du site et de ses abords, gestion de la circulation, contrôle de l’espace festif : autant d’activités qui mobilisent non seulement l’État, mais aussi les collectivités locales, voire également des associations par exemple. Comme l’indique ce dernier extrait d’entretien, en ce qui concerne la gestion des teknivals, les relations entre l’État et les collectivités locales ne sont pas toujours exemptes d’une certaine tension. Plus généralement, il faut noter que les teknivals sont l’objet de nombreuses controverses.
III. LES TEKNIVALS, ENJEUX ET SUPPORTS DE CONTROVERSES POLITIQUES LOCALES
26En tant que rassemblements de masse fortement médiatisés, les teknivals suscitent de nombreuses réactions, et ce, d’autant plus que la mobilisation des services de l’État – et du ministère de l’Intérieur en particulier – est patente. De fait, ils provoquent souvent une opposition d’ampleur considérable. Lorsqu’un lieu est pressenti pour accueillir un teknival, on assiste en règle générale à une mobilisation politique locale destinée à éviter un tel choix. Les riverains du site concerné s’inquiètent des nuisances – réelles ou supposées – qu’est susceptible de produire un tel rassemblement. Les élus relaient leurs demandes et interpellent le préfet du département ou le ministère. Si le site envisagé est en zone protégée, des associations de protection de l’environnement tentent également de s’opposer à la tenue du teknival, comme à Marigny en 2005. Les agriculteurs, dont les terres peuvent être réquisitionnées, expriment également leur mécontentement. Au total, on a souvent une coalition qui se forme au niveau local et qui dirige ses critiques contre la préfecture et le ministère de l’Intérieur. Les conduites de ses principaux acteurs méritent d’être examinées en détail.
1. L’hostilité des riverains et le rôle de la presse
27Tout d’abord, les riverains sont les premiers concernés par la présence éventuelle d’un teknival à proximité immédiate de leurs habitations ou de leur outil de travail. Ce qui frappe, c’est le rôle que jouent les rumeurs dans leur mobilisation, en ce qui concerne bien sûr les nuisances sonores (amplitude, degré,…), mais aussi et surtout le public du teknival : celui-ci est souvent réduit à une foule de marginaux, de drogués, bref de « sauvages », prête à déferler sur les habitations rurales pour commettre toutes sortes d’infractions (vols, dégradations, squats,…). C’est ce que révèle entre autres l’analyse du forum mis en place par le quotidien régional d’information Ouest-France sur son site internet (les contributeurs mentionnant en général leur lieu de résidence) à l’occasion du teknival qui s’est déroulé sur l’aérodrome de Vannes-Meucon (Morbihan) au début de l’été 2006. Mon enquête sur place m’a permis également de noter que les habitants des communes adjacentes avaient mis en œuvre des stratégies opposées : certains sont partis pendant tout le week-end pour éviter toute nuisance, d’autres au contraire ont préféré rester pour veiller sur leurs biens ; certains ont fait venir un huissier quelques jours avant pour constater l’état de leur maison au cas où des dégradations seraient commises. Ces comportements excessifs sont sans doute minoritaires, certes ; ils provoquent en outre l’indignation ou l’ironie d’autres habitants qui stigmatisent des réactions disproportionnées. Néanmoins, ils sont tout de même révélateurs d’une tonalité générale plutôt hostile qui existe chez les riverains.
28Indéniablement, la presse locale joue un grand rôle dans la propagation de ces rumeurs puisqu’elle se fait souvent l’écho des inquiétudes des riverains. Il faut rappeler, ici, qu’« une des particularités françaises en matière de presse est la faiblesse du tirage des journaux nationaux et, au contraire, la vitalité de la presse régionale ou locale (…). On trouve dans la presse locale, fidèlement retranscrit, tout ce qui fait la vie sociale quotidienne des collectivités locales, ce qui est au centre des discussions et des commérages (…). Ces journaux [sont] écrits avec l’aide d’une partie de la population et lus par son écrasante majorité (…). Cette presse a une fonction d’intégration locale ; c’est tout le groupe local qui se lit et se reconnaît à travers le journal »18. Ainsi, les teknivals occupent souvent le devant de la scène : ils font en général la « Une » des quotidiens locaux avant, pendant et après leur déroulement, comme j’ai pu l’observer pour les teknivals de 2006 (et plusieurs pages leur sont consacrées à l’intérieur du journal). Même le teknival non officiel du Larzac, en août 2006, par exemple, a fait l’objet de la « Une » du Midi libre. En Bretagne, les deux teknivals les plus importants, celui du début de l’été et celui de décembre (en marge des Transmusicales) ont fait l’objet en 2006 d’une couverture intensive de la part de Ouest-France ; on peut même parler d’un véritable feuilleton, dans la mesure où les incertitudes pesant sur la tenue ou non de la manifestation, sur le site choisi, ajoutées aux problèmes rencontrés lors de précédentes éditions, ont permis de produire des articles très en amont de la manifestation – en l’occurrence plusieurs semaines avant. Ce colonel de gendarmerie explique ainsi19 :
« Une manifestation comme ça, elle va déclencher un tremblement de terre au niveau de la population locale et des médias locaux, forcément. Le vendredi, c’est l’arrivée des médias nationaux ; si tout s’est bien passé dans la nuit du vendredi, le samedi, vous n’avez déjà plus que les médias locaux : les médias nationaux ne sont là que pour la catastrophe. S’il n’y a pas de catastrophe, ils s’en vont, ça devient un non-événement. Donc vous avez systématiquement dans les premiers jours une montée en épingle de quoi que ce soit. Un incendie mineur, c’est la moitié du camp qui part en flammes ; une agression, ça y est, c’est l’émeute ; c’est le risque. Donc il faut une filière communication extrêmement structurée et extrêmement réactive, pour tout de suite remettre dans le contexte par une micro-conférence de presse ce qui s’est réellement passé, ça part de là, ça se termine là. Point. Et ça se passe très bien (…).
La presse locale, c’est toujours pareil : au début, c’est la grande peur ; après, c’est l’euphorie, tout va bien ; et après, c’est le catastrophisme, selon qu’on a eu des drames humains avec des agressions aux personnes, des détresses physiques que les secours n’ont pas pu pallier, ou des destructions sur place qu’on n’a pas pu éviter, les gens pleurent, après, sur leur pré perdu. On a un cycle : inquiétude, euphorie, désespoir ».
29Les autorités connaissent bien le rôle-clef de la presse locale, qui fonctionne comme une interface auprès des habitants. Si elle exprime les craintes, elle peut donc aussi servir de relais aux pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de mettre un terme aux rumeurs.
30Cependant, les élus sont également susceptibles de se mobiliser et deviennent régulièrement le porte-voix des habitants mécontents. Il faut d’ailleurs remarquer que ce ne sont pas uniquement les élus locaux qui portent ces revendications ; c’est le cas bien entendu des maires des communes concernées, mais aussi parfois des parlementaires, et potentiellement de tout élu dont le mandat est lié au territoire administratif en question. Par exemple, François Goulard, adjoint au maire de Vannes et également député du Morbihan, et Josselin de Rohan, sénateur du même département, ont été deux des principaux animateurs de la polémique qui a précédé le teknival breton du début de l’été 2006.
2. Les agriculteurs et le problème des réquisitions
31Les agriculteurs sont également un acteur-clef des débats qui entourent ces rassemblements. Dans certains cas, l’État utilise en effet son pouvoir de réquisition, notamment pour des terres agricoles, comme par exemple lors du teknival du 1er mai 2006 qui s’est déroulé à Chavannes (Cher), car peu de terrains d’État adéquats à l’organisation de ces grandes manifestations sont disponibles20. Ce conseiller pour la sécurité au ministère de l’Intérieur précise les conditions de cette réquisition21 :
« Ce qu’il faut donner absolument comme garanties aux propriétaires ou aux exploitants, c’est que, d’une part, ils seront défrayés – donc là, il y a une évaluation, qui est faite par l’intermédiaire des experts pour qu’il n’y ait aucune perte de revenu pour les personnes sur le terrain desquelles se déroule le teknival ; et que, d’autre part, à l’issue, elles le récupèrent, et que les choses soient réparées et remises en état. Donc il y a forcément toujours au plan local cette crainte et des assurances qu’il faut donner, sinon c’est pas possible. Ça fait partie aussi du dialogue (…). À partir du moment où, par le procédé de la réquisition, on utilise des terrains, et qu’on indemnise – et c’est une indemnisation qui est équitable, juste, qui permet aux gens d’avoir l’équivalent de leur revenu, ça paraît le moins dommageable possible ».
32Cet extrait d’entretien révèle néanmoins un certain embarras, qui s’explique aussi sans doute par des considérations de sociologie électorale : si le poids électoral des agriculteurs est souvent surestimé (au regard de leur faible importance démographique), il n’en reste pas moins que les affinités entre la droite et cette catégorie socioprofessionnelle sont anciennes en France, et toujours d’actualité. Malgré les indemnisations, les agriculteurs sont en effet souvent particulièrement mécontents de ce type de procédé : au-delà de la dimension proprement économique du problème, ceux-ci peuvent avoir le sentiment que l’État ne respecte pas leur outil de travail, notamment lorsque ces terres sont cultivées. Suite au teknival de Chavannes, la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) s’est ainsi prononcée de manière très claire contre de telles réquisitions.
33Dans cette optique, il faut d’ailleurs noter que les représentants des Sound-systems se sont positionnés, depuis quelques années, contre la réquisition de terres agricoles, car ils estiment – à juste titre – que celle-ci contribue à répandre une mauvaise image de leur mouvement au sein du monde rural. Le choix du site de Chavannes a ainsi donné lieu à une négociation âpre entre les Sound-systems et le ministère de l’Intérieur, les premiers refusant un temps de s’installer sur ces terres agricoles d’abord proposées, puis finalement imposées, par le second.
IV. LES TEKNIVALS À L’ÉPREUVE DU SYNDROME NIMBY
34Au total, les réactions dominantes des différents acteurs locaux concernés par les teknivals peuvent être résumées sous la forme de l’effet NIMBY : Not In My Back Yard, c’est-à-dire littéralement « pas dans mon arrière-cour ». Cette notion sert à qualifier l’argument (et la mobilisation qui le porte) consistant à dire : « on n’a rien contre, mais on n’en veut pas chez nous », ou encore : « c’est où vous voulez, mais pas chez moi ». Apparu aux États-Unis à la fin des années 1960, le phénomène NIMBY, qui caractérisait initialement l’opposition des riverains à l’implantation d’équipements polluants, s’applique désormais à de nombreux projets imposés au nom de l’intérêt général mais considérés comme porteurs de nuisances22. Les exemples sont très nombreux23 : aire de stationnement pour les gens du voyage, prison, décharge, centrale nucléaire, infrastructures routières ou ferroviaires. Plus précisément, la « théorie » décrite sous le terme de syndrome NIMBY est formulée ainsi par Arthur Jobert : « l’implantation de tout équipement collectif crée des nuisances pour les riverains proches de l’équipement alors qu’ils n’en tirent pas d’avantage direct »24. Elle dessine, de manière réductrice, voire caricaturale, la figure d’individus à la fois rationnels (car ils font un calcul coût/avantage de type économique) et pathologiques (dans la mesure où les nuisances sont surestimées, voire fantasmées)25. Ce conseiller pour la sécurité au ministère de l’Intérieur commente ainsi l’attitude des riverains vis-à-vis du teknival de Chavannes (2006)26 :
« Je ne vous dis pas qu’ils n’auraient pas préféré que ça se passe ailleurs. Il y a souvent des craintes, des inquiétudes avant, pour la population riveraine. Ensuite, pendant, ça ne se passe pas forcément mal. Ils sont plutôt rassurés. Et après, ils disent souvent « ça s’est passé une fois, si possible, on préfèrerait que ça se passe ailleurs la prochaine fois ». Même si ce sont des zones peu peuplées, il faut veiller à ce que ce ne soit pas toujours dans les mêmes endroits ».
35Si l’annonce de la tenue prochaine d’un teknival provoque des réactions hostiles, il reste que les manifestations classiques, dans la rue, sont exceptionnelles et peu fréquentées : à l’image de ce qu’a observé A. Jobert, « on assiste rarement à des mobilisations de masse mais plutôt à des manifestations de l’ordre de quelques centaines de personnes »27, comme lors de la manifestation hostile au teknival de Vannes en 2006. Pour « calmer le jobard », selon l’expression de Goffman28, deux voies principales se dessinent pour les autorités politiques : la communication et la compensation.
36Une remarque méthodologique s’impose ici, car le plus souvent, le syndrome NIMBY a été analysé dans le cadre d’une sociologie des mouvements sociaux qui n’échappe pas toujours aux considérations morales : d’un côté, les travaux critiques stigmatisent l’égoïsme des habitants29 ; de l’autre, ces mobilisations ont ainsi pu être analysées comme un renouveau de la citoyenneté30. Bien entendu, il ne s’agit pas de trancher ce débat, mais plutôt de rendre compte des arguments utilisés par les acteurs et de comprendre leurs logiques sociales et politiques.
1. Communiquer
37D’une part, il s’agit donc de communiquer et de dialoguer avec les riverains. À l’image de mutations qui concernent bien d’autres secteurs de la vie sociale, émerge ainsi l’idée « d’un droit au « débat public » (…). La contestation des projets d’aménagement n’est pas réductible à des questions d’intérêt. Elle reflète aussi une aspiration démocratique de citoyens refusant, pour reprendre les expressions les plus fréquentes, d’être « mis devant le fait accompli », devant les dossiers « bouclés » »31. Des réunions publiques ont ainsi été organisées en amont des teknivals encadrés de 2006. Les préfets, notamment, ont la difficile mission de désamorcer les oppositions, de faire baisser la tension, de minimiser les conséquences d’un tel événement sur l’environnement immédiat. Ils doivent généralement affronter une salle hostile de riverains remontés, alors qu’eux-mêmes connaissent mal le mouvement techno, n’ont pas ou peu d’expérience en la matière, et exécutent un ordre du ministère de l’Intérieur. Le chef du bureau Prévention et protection sociales de la DLAPJ du ministère, puis un autre membre de ce service, indiquent ainsi32 :
« Le préfet du Cher a fait accepter et comprendre le teknival de Chavannes. Il a fait, je crois, deux ou trois réunions avec les élus locaux, tous les maires concernés. Il s’est beaucoup investi, a fait un travail pédagogique immense pour que ça se passe très bien.
– Il faut expliquer qu’il est aussi dans l’intérêt des élus que les rassemblements soient accompagnés pour qu’on puisse les contrôler, les aider, plutôt qu’eux-mêmes soient soumis à un rassemblement impromptu.
– Il est toujours plus facile d’anticiper, et de s’impliquer dans l’anticipation, que de subir quelque chose qui de toute façon va nous tomber dessus. L’intérêt bien compris de tout le monde, il est clair. C’est ça qui doit faire bouger les gens.
– C’est ce travail d’explication que le préfet fait vis-à-vis des élus : leur dire qu’ils ont tout intérêt à ne pas buter contre le phénomène, que plus d’accidents surviendraient sur un rassemblement clandestin.
– Anticiper, c’est savoir ce que veulent les jeunes, c’est savoir le porter à des acteurs locaux, pour leur expliquer, pour faire baisser les peurs, et pour expliquer aussi ce qu’on apporte dans l’accompagnement matériel, opérationnel, sécurité, ce qu’on apporte nous puissance publique pour que ça se passe bien et qu’on n’ait pas peur. C’est la gestion des peurs collectives : comment porter le projet pour qu’il soit accepté. C’est ça la technique. Et là vous avez tout le travail du corps préfectoral, mais aussi du gendarme, du pompier, du policier, qui va essayer d’amener à la raison des acteurs locaux qui en fait réagissent plus par rapport à des représentations qui les angoissent. C’est comme le sentiment d’insécurité : il y a le ressenti et la réalité. Et dans ce schéma-là, il y a une partie psychologique à gérer. Et ça, ça se fait en amont. Sinon ça explose en aval, par des recours, par des manifestations, par quelque chose de beaucoup plus bruyant, beaucoup plus intempestif ».
38Il faut d’ailleurs noter qu’en règle générale, on n’a pas affaire véritablement à des débats publics dans le cas des teknivals : la décision est déjà prise (sous réserve de contestations juridiques ultérieures). Les autorités peuvent donc faire preuve de pédagogie, expliquer, informer, il n’en reste pas moins que les riverains ont le sentiment d’être face à un événement imposé « de l’extérieur ». D’autres formules de dialogue ont ainsi pu être mises en place, à l’instigation des Sound-systems : des rencontres informelles entre les organisateurs du teknival et les riverains, à l’occasion d’un apéritif ou d’un pique-nique, comme lors du teknival de Brie-Champniers, près d’Angoulême (Charente), début septembre 2006. L’objectif est avant tout de faire connaissance, de faire tomber les préjugés, de montrer que les teufeurs sont comme tout le monde et attentifs à leur environnement (et non pas indifférents). Ils sont en effet plutôt perçus comme des envahisseurs, des étrangers, par les riverains.
2. Des compensations pour les riverains
39D’autre part, les autorités politiques insistent sur les compensations, plus ou moins officielles, qui seront offertes aux riverains en échange de leur acceptation de la tenue du teknival. Il ne s’agit pas simplement de réparations individuelles, comme celles destinées aux agriculteurs (vu supra) : « l’idée d’une forme d’indemnisation collective se surajoute à cette d’indemnisation des particuliers »33. L’aménagement durable d’un site, par exemple sous la forme de routes en zone rurale, est souligné par les acteurs publics, comme on l’a vu pour le teknival de Chavannes.
40De la même façon, les autorités politiques insistent sur l’apport économique non négligeable que représente la venue de dizaines de milliers de personnes pour les commerçants locaux, comme le fait ce conseiller pour la sécurité au ministère de l’Intérieur à propos du même teknival de Chavannes34 :
« Les commerçants locaux avaient d’ailleurs été sensibilisés, dans les petits villages à proximité, on leur avait dit que les commerces seraient très sollicités. C’est ce qui s’est passé. Il y a eu énormément de gens qui sont venus acheter du pain, du ravitaillement, etc. Ce n’est certainement pas un élément majeur, mais ce n’est pas un élément totalement neutre ».
41On assiste même, dans certains cas, à une forme d’« officialisation du troc “nuisances contre compensations” »35 : les autorités incitent les commerçants locaux à s’installer directement sur le site pour la durée du teknival. À Vannes et à Angoulême, un « village » des commerçants a ainsi été mis en place sur le lieu même de la manifestation pour vendre sandwiches, boissons, etc. (voire des produits locaux comme du Pineau des Charentes à Angoulême).
42Néanmoins, l’intégration de ces commerces à l’événement laisse à désirer. Leur situation géographique au sein de la zone du teknival, tout d’abord, révèle à elle seule leur statut incertain : sur les deux sites que j’ai observés, ils sont installés à l’écart, en périphérie de la manifestation, près de la sortie. Cette distance pourrait être interprétée comme la manifestation d’une réticence des commerçants vis-à-vis de contacts trop rapprochés avec la population des teufeurs, qui sont pourtant autant de clients potentiels. De plus, et inversement, la présence de ces commerçants extérieurs au mouvement techno est diversement appréciée par ces mêmes teufeurs : sur place, j’ai pu entendre un nombre important d’entre eux déclarer que ces commerçants n’avaient rien à faire là, et qu’ils n’étaient là que pour gagner de l’argent, ce qui s’oppose aux valeurs communautaires, et de gratuité, défendues par le mouvement.
43Au-delà, et même si on ne peut l’y réduire, une mobilisation de type NIMBY peut s’analyser comme une contradiction entre intérêt particulier et intérêt général : l’action collective vise avant tout le lieu d’implantation de l’équipement ou de la manifestation ; en tant que telle, la finalité du projet n’est pas remise en cause. Schématiquement, le raisonnement est celui-ci : « il faut des prisons, des décharges, etc., mais pas ici ». Or, dans le cas des teknivals (et des raves en général), la mobilisation concerne également la légitimité de ce type de rassemblements, ainsi que celle de l’implication de l’État36. Les critiques se focalisent notamment sur deux points sensibles : la drogue, et le coût des teknivals.
Le coût des teknivals en débat
44Indépendamment des critiques qui concernent la drogue37, le coût de ces rassemblements de masse est aussi l’objet de nombreuses interrogations. Ce point revient souvent dans la presse locale ; il apparaît également dans le forum initié par Ouest-France lors du teknival de Vannes en 2006. Évalué (de manière très approximative) à plusieurs centaines de milliers d’euros38, le prix à payer pour la gestion publique d’un teknival semble exorbitant aux yeux d’une partie importante des citoyens.
45Il entraîne donc aussi un questionnement sur la légitimité de l’action de l’État : l’État a-t-il vocation à financer de tels rassemblements ? Le débat porte bel et bien sur l’allocation des ressources publiques : pour certains, l’encadrement des teknivals ne correspond pas à la définition de l’intérêt général. La présence avérée de marginaux dans ces événements contribue à renforcer cette idée. Si l’on ajoute la consommation de drogues, on comprend mieux les oppositions que soulèvent les teknivals, notamment chez les riverains, qui craignent et/ou subissent en plus des nuisances, et chez ceux dont les terrains sont réquisitionnés.
V. L’apparition d’une délinquance d’opportunité
46De plus, les teknivals encadrés apparaissent également comme un terrain privilégié pour certaines formes de délinquance. Fortement médiatisés, annoncés largement à l’avance, ces rassemblements semblent constituer des opportunités, tout d’abord, pour la délinquance d’acquisition, comme l’explique ce colonel de gendarmerie39 :
« Il y a aussi des voleurs professionnels (…) ! Vous avez au cours des grands teknivals des gars qui sont là simplement pour fouiller les voitures, fouiller les tentes quand les gens sont endormis, voler un appareil photo, etc. Quarante mille personnes, c’est une petite ville ! Vous avez tout ce qui se passe dans une ville de quarante mille personnes ».
47Ces actes de délinquance bénéficient de la protection qu’offrent l’anonymat et la foule du teknival. Mais une autre menace plane sur la population des teknivals : l’agression sexuelle, comme le dit ce même colonel :
« On a des délinquants sexuels qui n’ont rien à voir (…) avec le mouvement techno qui profitent de ces grands rassemblements, qui savent très bien qu’il y aura des jeunes gens, masculins ou féminins, dans des états en général inconscients, surtout au petit matin, pour venir faire de la prédation sexuelle. Ce sont des vrais prédateurs qui attendent dans la tranche des quatre heures, huit heures du matin (en fonction de la saison, ce sont des heures de nuit) pour effectuer de la prédation sexuelle sur des jeunes inconscients. Ça, c’est quelque chose qu’on ne connaît pas dans les rave-parties spontanées ».
48Un meurtre a même eu lieu lors du teknival de Carnoët, en Bretagne, lors de l’été 2005. Pour retrouver le coupable, les forces de l’ordre ont procédé à l’identification d’une partie importante du public, opération qui a révélé la présence d’anciens criminels :
« On a identifié à peu près dix mille personnes sur les quarante mille qui étaient sur le teknival, dont des personnes qui avaient été condamnées à plus de quinze ans d’emprisonnement pour des viols aggravés, voire même des meurtres, qui ne faisaient absolument pas partie du milieu des raveurs. C’est à partir de là qu’on a détecté cette « mouvance ». Ce qui fait qu’en 2006, à Vannes, on a orienté notre action d’abord sur la surveillance permanente des écarts boisés, puisque la jeune fille avait été tuée dans un écart, avec patrouilles à chien ou en moto ; avec une surveillance hélicoptère la nuit avec éclairage ponctuel et aléatoire des zones boisées, histoire de mettre un peu la sécurité, pour dissuader totalement ce type de personnes d’entraîner des gens ailleurs. Ce qui fait que sur ce domaine-là, on n’a eu aucun problème. À Carnoët, en 2005, sur les dix mille personnes identifiées, vous aviez des « clients » très sérieux, qui, vu leur âge, n’étaient absolument pas dans la mouvance techno. C’est quelque chose qui est identifié au niveau des teknivaliers : quand vous discutez avec les organisateurs… d’ailleurs une de leurs revendications est de dire : vous devez nous laisser organiser nous-mêmes l’espace au sein du teknival, avec la possibilité pour les gens de camper avec les Sound-systems, parce que c’est notre manière de nous protéger des agressions – et essentiellement des agressions sexuelles. Quand au sein d’un teknival vous faîtes une intervention et que vous annoncez que vous êtes là pour arrêter un violeur, les gens vous ouvrent le passage ! C’est quelque chose qui est identifié et réprouvé au sein du mouvement ».
49Les teknivals apportent donc de nouveaux problèmes pour les autorités politiques.
VI. LE MINISTÈRE DE NOUVEAU SCEPTIQUE SUR L’ORGANISATION DES TEKNIVALS
50Considérés au départ comme une solution, les teknivals « officiels » apparaissent finalement aujourd’hui plutôt comme un problème pour le ministère de l’Intérieur. Face aux raves « sauvages », le ministère avait décidé de coopérer avec les Sound-systems pour gérer les rassemblements de masse. Quelques années tard, le bilan semble plutôt mitigé, car si leur succès public ne se dément pas, les teknivals sont toujours l’occasion de controverses politiques fortes et de mobilisations locales importantes. En conséquence, la politique actuelle du ministère de l’Intérieur consiste à tenter de diminuer la taille de ces rassemblements, dont le gigantisme s’avère problématique, comme en témoigne ce conseiller pour la sécurité40 :
« Les teknivals, c’est quand même quelque chose d’assez lourd et de compliqué. Nous, on ne cherche pas du tout à encourager, bien au contraire, les grands rassemblements (…). Notre objectif, très clairement, c’est de ne pas empêcher les petites raves de se tenir dès lors qu’il y a des organisateurs qui se font connaître, qui s’engagent sur un certain nombre de critères permettant le bon déroulement des manifestations, plutôt que de voir grandir les teknivals, parce que dès qu’on concentre la population, on fait accroître les risques, et c’est ce qu’on ne souhaite pas. Donc on souhaite voir dégonfler progressivement ces grands teknivals ».
51Les textes officiels vont dans le même sens : le télégramme envoyé aux préfets le 7 juillet 2005, déjà cité, stipule par exemple :
« Il convient d’éviter (…) une augmentation excessive du nombre de participants lors des grands rassemblements que sont les « teknivals ». À l’avenir, l’objectif est d’ailleurs de faire évoluer les grands rassemblements d’ampleur nationale vers des rassemblements plus modestes de dimension régionale ».
52Toujours à l’étude, cette idée de « régionaliser » les teknivals n’a pas encore vu le jour. Conscient des difficultés que soulève l’organisation de ces événements, le ministère de l’Intérieur opère ici une inflexion importante de la ligne politique fixée fin 2002 : il essaie désormais de limiter l’ampleur d’un type de fête qu’il avait pourtant encouragé auparavant. Il faut alors se pencher plus spécifiquement sur le cas des petites raves légales, qui constituent l’autre volet de la politique menée.
Notes de bas de page
1 BOLTANSKI Luc, THÉVENOT Laurent, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991.
2 RACINE Étienne, op. cit., p. 57.
3 POURTAU Lionel, art. cité, p. 135.
4 EPSTEIN Renaud et FONTAINE Astrid, « La ville des raves », loc. cit., p. 162.
5 Entretien cité.
6 OFFERLÉ Michel, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, Clefs, 1998.
7 EPSTEIN Renaud et FONTAINE Astrid, « La ville des raves », loc. cit., p. 156.
8 Entretien, 2007.
9 Entretien cité.
10 EPSTEIN Renaud et FONTAINE Astrid, « La ville des raves », loc. cit., p. 156.
11 Ibid.
12 Direction Départentale de l’Équipement.
13 Entretien cité. Les extraits d’entretien qui suivent renvoient au même interlocuteur.
14 DURAN Patrice, op. cit., pp. 113-114. L’auteur précise : « Les organisations administratives sont tournées maintenant moins vers la répétition et la reconduction de solutions standards que vers la création et l’innovation de solutions qui doivent être ajustées à la réalité des situations. L’administration est conduite à agir « en situation » en tenant compte explicitement désormais d’une plus grande variabilité des contextes d’action et d’une plus grande interdépendance de ses actes » (p. 128).
15 Cf. par exemple MULLER Pierre, SUREL Yves, L’analyse des politiques publiques, Paris, Montchrestien, 1998.
16 Les teknivals ont lieu généralement le week-end, jour et nuit sans discontinuer ou presque.
17 Directeur Départemental de l’Équipement.
18 BEAUD Stéphane, WEBER Florence, Guide de l’enquête de terrain. Produire et analyser des données ethnographiques, Paris, La Découverte, Guides Repères, 1998, pp. 86-87.
19 Entretien cité.
20 Sur l’aspect juridique de la question, cf. VIDELIN Jean-Christophe, art. cité, p. 1074.
21 Entretien cité.
22 Cf. par exemple DEAR Michael, « Understanding and Overcoming the NIMBY Syndrome », Journal of the American Planning Association, 58 (3), 1992, pp. 288-300, et TROM Danny, « De la réfutation de l’effet NIMBY considérée comme une pratique militante », Revue française de science politique, 49 (1), 1999, pp. 31-50.
23 Cf. par exemple BIDET Marie, LAFARGUE de GRANGENEUVE Loïc, THOMAS Carole, « Le danger à sa porte ? La représentation des gens du voyage, des raveurs et des mineurs délinquants chez les riverains », in MBANZOULOU Paul et al. (dir.), Les nouvelles figures de la dangerosité, Paris, L’Harmattan, Sciences criminelles, 2008, pp. 239-249.
24 JOBERT Arthur, « L’aménagement en politique ou ce que le syndrome NIMBY nous dit de l’intérêt général », Politix, no 42, 1998, p. 71.
25 Ibid., p. 72.
26 Entretien cité.
27 JOBERT Arthur, art. cité, p. 77. L’auteur note également le rôle des médias locaux.
28 GOFFMAN Erving, « Calmer le jobard : quelques aspects de l’adaptation à l’échec », in Le parler frais d’Erving Goffman, Paris, Minuit, Arguments, 1989, pp. 277-300.
29 Or, comme le note Arthur Jobert : « si l’on quitte les logiques de la disqualification, ces politisations de proximité ne sont (…) pas assimilables à des conflits de voisinage, ni à une montée des égoïsmes locaux et particuliers » (art. cité, p. 91).
30 SAUVÉE Stéphanie, Mobilisation contre les infrastructures d’intérêt général. Cas du projet TGV Ouest, Paris, L’Harmattan, 2000.
31 JOBERT Arthur, art. cité, p. 85.
32 Entretien cité.
33 JOBERT Arthur, art. cité, p. 80.
34 Entretien cité.
35 JOBERT Arthur, art. cité, p. 82.
36 Bien entendu, les projets de construction de centrale nucléaire, de prison, etc., peuvent également susciter des mobilisations qui contestent le bien-fondé de ces équipements.
37 Voir chapitre six.
38 Le coût moyen d’un teknival est d’environ deux cent mille euros, selon un document des archives de la DLAPJ du ministère de l’Intérieur.
39 Entretien cité.
40 Entretien cité.
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