D’un corps socialement attribué…
p. 71-72
Texte intégral
1LE CORPS N’EST JAMAIS pleinement le nôtre. Il est pénétré par les codes de l’esthétisme collectif qui le traversent de part en part ; il est inscrit dans un vaste système normatif, symbolique et institutionnel dont les mécanismes sociaux méritent d’être décrits. Dans ce cadre, le corps n’existe pas en soi, il prend sens et s’auto-construit par les défis collectifs qui lui sont donnés et auxquels il est sommé de répondre.
2Il est significatif que la plupart des recherches sociologiques portant sur le corps s’intéressent soit aux individus qui véhiculent et reproduisent certains modèles corporels normatifs, soit à ceux qui les établissent. Cependant si nous voulons comprendre le processus de mise en forme du corps, nous devons garder l’équilibre entre ces deux pôles d’analyse. Notre étude sur les magazines nous permet de le faire : elle vise à situer le corps dans l’ordre social général, dans la pluralité de ses incitations normatives, constitutives de modèles divers. Les magazines peuvent être conçus comme l’un des relais les plus représentatifs de la culture somatique, dans le sens où ils ordonnent et légifèrent sur les signes dont le corps est le support et le représentant. Toutefois, la puissance de la normativité de ces signes n’est pas absolue ; le caractère souvent aliénant du dispositif médiatique ne parvient que très rarement à imposer sa tyrannie et ceci se dessine clairement à travers l’analyse du microcosme social de la salle, vecteur par excellence de la promotion de ces modèles d’esthétisme collectif. En effet, les pratiques corporelles véhiculées par le discours médiatique, sont arbitrées par les propriétés d’un ordre institutionnel : en l’occurrence celui des C.R.F. qui promeut leur marchandisation, mettant en relief leur extension (A. Giddens, 1987).
3Ces deux contextes structurels de co-présence (contexte normatif et institutionnel) se constituent donc mutuellement. Cela revient à soutenir que le développement de la culture somatique n’aurait pas été possible si en parallèle certaines transformations institutionnelles ne s’étaient pas réalisées. Cette dimension supra-individuelle de l’ordre médiatique et institutionnel devient non seulement partie constituante de ce qu’est le corps, mais aussi un moyen de le transformer.
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La mobilité sociale dans l’immigration
Itinéraires de réussite des enfants d’origine algérienne
Emmanuelle Santelli
2001