Apprendre pour faire et faire pour apprendre : deux voies pour l’étude
p. 321-339
Texte intégral
1Cet article se place dans le cadre de la didactique comparée, champ de recherche naissant dans lequel on cherche à comprendre les phénomènes qui peuvent surgir dans tel ou tel cas spécifique à l’aide de la comparaison. Un des thèmes de la didactique comparée est l’analyse de la manière dont l’étude d’objets de savoir est déterminée en partie par le cadre institutionnel où vivent ces objets (Mercier, Schubauer-Leoni & Sensevy, 2002).
2Mais la plupart du temps, ces comparaisons se tiennent dans des cadres scolaires, où les modifications institutionnelles (selon les disciplines, selon les contrats didactiques, selon les lieux où se déroule l’étude) conduisent à des relations didactiques en partie différentes.
3En revanche, les prises en compte de changements plus vastes de cadres institutionnels sont plus rares : or, des comparaisons peuvent alors s’opérer entre les apprentissages au travail ou dans les familles et ceux qui se déroulent sous une forme scolaire. Gérard Vergnaud est l’un des rares parmi nous à chercher à le faire. Il nous propose une approche « par la compétence » particulièrement roborative : « X est plus compétent au temps t qu’au temps t’s’il sait faire ce qu’il ne savait pas faire ». Mais cette définition reste silencieuse sur trois autres considérations complémentaires de la première, tout aussi décisives pour l’analyse car « La performance est radicalement insuffisante pour comprendre et définir la compétence » (Vergnaud, 2001b) :
4X est plus compétent s’il s’y prend d’une meilleure manière (plus rapide, plus fiable, mieux compatible avec la manière dont ses partenaires s’y prennent).
5X est plus compétent s’il dispose de ressources alternatives pour traiter des situations d’un certain type, mais susceptibles, par leurs caractères propres, de rendre une méthode plus opportune dans tel cas, moins opportune dans tel autre.
6X est plus compétent s’il est moins démuni devant une situation nouvelle.
1. Comment les approches didactiques peuvent-elles contribuer à analyser la manière dont se forment ces compétences dans des lieux institutionnels différents ?
7Plus exceptionnelles encore sont les recherches qui portent sur les types d’approches d’objets de savoir dans le vaste secteur de l’association volontaire : mouvements sportifs, culturels, cultuels, organisations du « mouvement social », syndicats et partis politiques. Quand on s’interroge sur la manière dont les classes populaires ont pu conquérir une certaine émancipation culturelle, une certaine progression du point de vue de leur place dans la société, de leur compréhension du monde et de la culture, il ne faut pas négliger le fait qu’à côté de l’école toute une série d’apprentissages se sont bâtis dans ce tiers secteur. Or, on connaît assez peu de choses sur les conditions dans lesquelles s’organisent ces apprentissages. Tout se passe comme si un vaste continent des pratiques sociales était interdit de fait aux approches didactiques, comme si l’importance pratique de ce qui s’apprend dans ce cadre était sous-estimée. Ce qui, à son tour, pose des problèmes théoriques : existe-il des spécificités dans ces formes d’apprentissage ? Les outils conceptuels élaborés principalement pour analyser les rapports d’étude dans les institutions scolaires peuvent-ils être utiles dans ce nouveau cadre ? Et si la réponse est positive, à quelles conditions ?
2. Questionnement et cadre théorique
2.1. Les théories de « l’éducation permanente »
8Le champ que nous voulons aborder a bien entendu déjà fait l’objet de théorisations multiples. Celles de Claude Dubar (1996) en ce qui concerne les identités professionnelles par exemple, ou encore celles de Joffre Dumazedier & Samuel (1976) pour l’éducation populaire. Ce dernier s’intéresse ainsi à l’autoformation : « On peut définir l’autoformation comme une éducation systématique que l’individu se donne à lui-même, soit seul, soit en groupe. L’autoformation collective est souvent réalisée à l’intérieur d’une association volontaire où se pratique une sorte de formation mutuelle. » (Dumazedier, Encyclopédia universalis). Mais c’est bien plutôt quand cette formation est : « assistée, guidée ou dirigée de l’extérieur par une organisation conçue à cet effet par la société » que Dumazedier l’analyse. Domine alors une perspective d’éducation des adultes comme « opération de rattrapage : elle sert à remplacer le système scolaire et universitaire pour ceux qui n’ont pas pu le parcourir jusqu’au niveau auquel ils aspirent. Toute une histoire de l’éducation populaire témoigne aussi de l’existence dans le passé d’une promotion d’individus qui n’ont eu la possibilité de bénéficier ni du lycée ni de l’université. Aucun système scolaire n’a résolu de façon satisfaisante, dans un pays industriel avancé, le problème des meilleurs moyens d’accès à la culture la plus élaborée pour les individus socialement et intellectuellement les plus marginaux ».
9Dans ses travaux les plus récents, Dumazedier (2002) compare cependant les autodidactes du 19e siècle qui ont notamment été étudiés par Caceres (1967) à une époque où ils ne pouvaient pas accéder à l’école, et ce qu’il appelle les néo-autodidactes : aujourd’hui, tout le monde va à l’école jusqu’à 16 ans en France. Ces néo-autodidactes n’ont donc pas été privés, par le contexte social, de l’accès à la culture, mais ont appris en dehors de l’école parce que le système scolaire classique, organisé sur un mode transmissif, ne leur convenait pas. Ces analyses de Dumazedier sont largement inspirées pars les discours des pédagogies nouvelles, non directives, en faisant explicitement référence à I. Illich à C. Rogers, ou encore à Ph. Meirieu… Parce que l’école transmet des savoirs qui n’ont pas de sens pour les élèves, certains d’entre eux deviennent des autodidactes et l’autodidaxie permet alors de travailler de façon autonome et d’accéder à des savoirs qui ont du sens pour eux. Dumazedier en vient ainsi à l’idée qu’il faudrait transformer l’école pour qu’elle soit davantage un lieu d’apprentissage de l’autoformation.
10Deux idées principales se retrouvent tout au long des travaux de J. Dumazedier :
11– Le lien entre apprentissage et engagement militant. Il cite ainsi les travaux de Cacérès (1967), qui présente l’accès au savoir comme moyen d’échapper à l’humiliation :
12« A l’origine de l’effort de l’autodidacte, c’est le refus de se sentir humilié, le sentiment d’infériorité, le désir de défendre sa classe, la volonté de mieux servir un idéal, d’être à la hauteur des responsabilités acceptées et on ne saurait non plus oublier le rôle de la femme plus cultivée que l’on voudrait conquérir, comme Martin Eden dans le roman de Jack London » (Cacérès 1967, cité par Dumazedier 2002, p. 76).
13Il évoque également un entretien avec une québécoise, Marie Michèle, mariée à 20 ans avec un menuisier dans un milieu de catholicisme social actif, et mère de cinq enfants : « c’est pour en savoir plus afin de mieux résister au pouvoir masculin, qu’elle s’est auto formée sans cesse (…).La recherche des mots savants de la connaissance permet d’échapper au conservatisme des situations traditionnelles dominées par les hommes dont la domination se cache souvent sous les mots ordinaires. Pour Marie Michèle, se documenter, c’est un moyen de se libérer des stéréotypes et des préjugés qui dominent le plus souvent les « infos » ordinaires où dominent les hommes » (Dumazedier 2002, pp. 92-93).
14– L’idée « du désir de réussite », qu’il pose lui souvent en termes de vengeance sociale. Il évoque par exemple le cas des entrepreneurs agroalimentaires autodidactes cités dans l’ouvrage de Le Meur (1998) : « ces entrepreneurs traitent la recherche de connaissances comme une sorte d’entreprise spécifique, inspirée par le seul désir de réussite professionnelle et de mobilité sociale. C’est un désir de compétence qui anime toujours leurs rapports aux savoirs. Il s’ensuit une pratique d’autoformation, éclairée par la recherche permanente de médiations éducatives en toutes circonstances » (Dumazedier, 2002, p. 85).
15La première de ces idées (l’importance du militantisme) de même que la distance critique que prennent les personnes interrogées par rapport à la formation scolaire, nous les retrouvons très fortement dans les entretiens des militants que nous avons rencontrés. La seconde (le désir de réussite) est plus problématique. En quoi un tel « désir » se traduirait par des apprentissages donnés ? Le « joker » de « la motivation » constate plus qu’il n’explique. Comment s’acquièrent les techniques correspondantes aux apprentissages ? Ne se rapproche t-on pas là plutôt des conditions qui sont celles analysées en situation de travail (Pastré, 1999) ?
16Le point décisif à étudier n’est-il pas à la jonction de ces deux caractéristiques (l’engagement individuel dans une structure collective, les compétences acquises sur un mode non scolaire) ?
17Il nous semble alors intéressant de voir dans quelle mesure le point de vue didactique peut éclairer ces réflexions sous un angle nouveau : quels sont les processus exacts qui conduisent au succès ou à l’échec de l’apprentissage ?
18L’ergologie de Yves Schwartz (2000) pourrait fournir un cadre théorique plus proche de nos préoccupations. Il définit la « discipline ergologique » comme conséquence du fait que « toute activité humaine est toujours à des degrés imaginables entre l’explicite et l’informulé, entre le verbe et le corps, entre l’histoire collective et l’itinéraire singulier, le lieu d’un débat constamment remis en chantier entre des normes antécédentes à définir chaque fois en fonction des circonstances, et des processus partiels de renormalisations, centrées sur l’entité agissante… » (Schwartz, 2000, p. 46). Mais surgit alors une nouvelle question : comment se forme-t-on à « l’intelligence ergologique » ? Si jamais aucune « technique » (entendue même comme technique du corps, comme technique sociale, ou autres) ne vient supporter les choix de renormalisations de valeurs, comment donc se constituent ces familles de métiers aisément repérables (le boulanger, le chirurgien…) ?
2.2. L’organisation de l’étude
19D’une manière révélatrice, des associations, des syndicats, des partis, mettent en place des « écoles de formation » qui, pour n’être pas dans l’institution scolaire au sens courant, peuvent (et doivent) relever des mêmes théorisations didactiques que l’école. Certes, des différences apparaîtront, que cherche à saisir justement la didactique comparée. Mais d’autres systèmes d’apprentissage, plus fluides et « silencieux », par « imprégnation » se déroulent aussi dans ce « tiers secteur » éducatif, et rapprochent alors ces institutions des modes familiaux. On repère également dans ce secteur des apprentissages qui ne se réalisent complètement ni sur un mode (scolaire), ni sur l’autre (familial) : rédiger un tract, tenir une réunion, prendre la parole, introduire un débat, des actes que l’on peut qualifier de « techniques de bas niveau ». L’un d’entre nous (Johsua, 1998) a proposé un système de distinction entre les objets de savoir qui relèvent plutôt du mode « silencieux » des apprentissages, ou, à l’inverse, plutôt du mode « explicite » de l’étude (« étude » de la montée en vélo ou « étude » des mathématiques). Les formes scolaires relèvent dans cette théorisation d’une systématisation des conditions de l’étude, ce qui, évidemment, n’exclut pas que ces formes comprennent aussi nombre « d’apprentissages silencieux ». Dans ce cadre, beaucoup de ce que décrit Dumazedier et d’autres théoriciens de l’éducation permanente comme spécifique de cette dernière (et opposée à l’école) relève paradoxalement bien de la « scolarisation » de la société.
20La théorie dite « anthropologique » du didactique, avancée par Yves Chevallard (1992) devrait en principe pouvoir fournir une base pour aborder ces questions. Il propose de délimiter pour chaque « objet » (à saisir dans une institution donnée) une structure « praxéologique », à quatre éléments : la tâche à résoudre, la (ou les) technique(s) pour le faire, la « technologie » de la tâche (le système de justifications de la technique) et, éventuellement, la région de « théorie » qui fonde la technologie. Peut-on, et à quelles conditions, utiliser ce cadre problématique pour aborder les apprentissages dans ce « tiers secteur » social (en plus de la famille, de l’école, et à côté du travail) ? Ainsi, si l’on considère une tâche précise (prendre la parole) dans le cadre de ce « tiers secteur », on peut, en suivant Chevallard, effectivement repérer les techniques correspondantes (même si elles ne sont pas explicitées par et pour la personne qui apprend à le faire), mais il y a peu de chances qu’une quelconque « théorie » soit présente, et la « technologie » y est en général peu systématique. Autrement dit, domine alors surtout le pôle « pratique » de la « structure praxéologique », ce qui revient à dire que si ces apprentissages relèvent bien « de l’étude », cette dernière est peu « guidée » explicitement.
2.3. Pour un nouveau champ de recherche
21C’est vers ce genre d’objets, peu valorisés culturellement, mais cruciaux dans le « tiers secteur » que l’intérêt didactique pourrait utilement se porter. Dans le cadre de la didactique comparée, il faudrait en toute rigueur analyser des objets comparables dans des cadres institutionnels différents, comme dans la recherche sur « l’appui tendu renversé » (Amade-Escot, Loquet, Garnier, 2002). Le présent travail, introductif et exploratoire, n’est pas encore en mesure de le faire. Il s’agit, pour l’instant, de vérifier si un regard neuf peut utilement être porté, à partir de la didactique comparée, sur ces anciens problèmes. De dégager si possible quelques caractéristiques parmi les plus importantes à aborder de cette « étude » peu guidée, et pourtant si efficace la plupart du temps. De décrire les candidats à une analyse comparatiste plus poussée, en particulier quant aux relations entre les apprentissages scolaires (ou de type scolaire), ceux « au travail » et ceux du « tiers secteur ». En gardant en tête la très grande justesse d’une des remarques de Dumazedier : le rôle irremplaçable de « promotion » culturelle qu’a joué et que joue encore ce « tiers secteur ». Ne le cachons pas : mieux comprendre son fonctionnement sera un outil pour la défense de l’importance sociale de l’engagement collectif.
3. Méthodologie de la recherche et cadre empirique
22Le présent travail s’appuie sur quatre entretiens de membres (ou anciens membres) d’un parti politique, la Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR). Des éléments sont propres à ce parti, d’autres se retrouveraient probablement dans les structures comparables : des parcours scolaires très différenciés, des trajectoires croisées et pourtant (et c’est l’objet de la recherche), des « techniques » amplement partagées, dont on peut supposer qu’elles proviennent bien de « l’étude » dans ce parti.
23Basile est un jeune cheminot de 34 ans. Laurent est un animateur culturel de 39 ans. Nouvel adhérent de la LCR, il a fait ses classes dans l’animation du mouvement des Francs et Franches camarades (les « francas »). Sophie a 52 ans, elle est rédactrice en chef technique dans le secteur de la presse d’entreprise. Olivier, facteur de 29 ans, est le seul dont on ne cachera pas le nom. Il s’agit de l’ancien candidat à l’élection présidentielle de 2002 et porte-parole de son parti, Olivier Besancenot.
24La méthodologie suivie pour cette recherche introductive est celle des entretiens semi-directifs, sur la base d’une grille commune de questions. Il était ainsi demandé aux personnes interrogées de décrire, de la façon la plus exhaustive possible, leur parcours scolaire, leur parcours militant et leur parcours professionnel. Elles devaient ensuite essayer de décrire ce qu’elles avaient appris dans leur organisation politique, et nous dire si elles seraient capables d’expliquer à un-e jeune adhérent-e comment on prend la parole, comment on fait un tract, comment on dirige une assemblée générale, et donc en d’autres termes, comment on assume les principaux actes militants courants. Elles devaient ensuite essayer de nous dire quel souvenir elles gardaient de la façon dont elles-mêmes avaient appris à maîtriser ces différentes techniques. Enfin, sur ces différentes compétences repérées, elles devaient décrire ce que leur avait apporté l’école, l’éducation familiale ou leur lieu de travail.
25Il s’agissait pour nous de cerner la spécificité des modes d’approches de ces techniques partagées, de bas niveau de repérage au plan de « la culture » valorisée, et qui forment un substrat de la pratique militante dans ce parti. L’hypothèse, classique en didactique, est que ce sont bien ces techniques « de bas niveau » qui soutiennent la possibilité d’une affirmation forte de soi. Il s’agissait, secondairement, de vérifier les conditions d’une étude comparée entre ces approches et celles qui dominent dans les formes scolaires, et, si possible, de mettre en discussion, dans chaque cas personnel, les relations éventuelles entre les formations issues des deux institutions, « tiers secteur » (ici, surtout la LCR) et école. Ces entretiens se rapprochent des « histoires de vie » utilisées dans certaines approches sociologiques. Il existe en effet, en sociologie, une grande tradition de ce type de méthode, remontant notamment à l’école de Chicago, avec récemment les travaux sur le paysan polonais (Thomas et Znaniecki, 1998) et réactivée en France par exemple par les travaux de D. Bertaux (1997). L’essence de cette méthode consiste à s’appuyer sur les souvenirs des personnes qui font l’objet de l’enquête. Elle cherche à saisir ce que les acteurs perçoivent, subjectivement, de leur propre histoire. D’un point de vue didactique cependant, ces façons de faire nous semblent incomplètes, puisque nous ne disposons ainsi d’aucun moyen de mettre en relation les dires et souvenirs des personnes avec les pratiques effectives qu’ils et elles ont abordées et mises en œuvre. Il ne s’agit nullement pour nous de valoriser ce type d’approche d’une manière exclusive. Mais encore une fois, sur un terrain quasi vierge du point de vue didactique, cela nous a paru une entrée à la fois disponible et utile pour engager un champ de recherche à développer ultérieurement.
4. Quelques résultats
26Chacune des personnes interrogées s’est révélée experte dans un domaine de compétence particulier. Sophie, par exemple, était une spécialiste de la rédaction de « feuilles de boite » (tracts à destination des salariées des entreprises), et plusieurs cellules de son organisation politique faisaient ainsi appel à elle pour former les jeunes militant-es à cette technique particulière qui consiste à diffuser de l’information en deux ou quatre pages maximum. Olivier est devenu un expert dans l’art de l’expression médiatique. Basile quant à lui, malgré son aveu de difficultés dans les relations à l’écrit, est devenu un rédacteur hors pair de tracs incisifs.
27Tous ont également appris à prendre la parole dans des assemblées générales, sur leur lieu de travail ou dans leurs cellules respectives.
28Comment ont-ils acquis ces compétences ?
4.1. Des compétences liées à leur activité militante et à un fort engagement
29La première idée importante est le sentiment partagé par tous que leurs compétences ont été acquises dans le cadre de leur organisation politique commune.
30Ainsi, pour Sophie, qui reprend l’expression du député socialiste Henri Weber (ancien membre du bureau politique de la LCR), la meilleure université c’est la Ligue Communiste Révolutionnaire : « Donc c’est mon université, c’est clair, j’ai beaucoup appris grâce à la ligue, mais c’est pas une université comme les autres quand même, enfin je ne pense pas… ». Mais pour elle, cela va encore plus loin dans la mesure où la ligue a également été une école professionnelle en quelque sorte. Sans diplôme, elle a été recrutée par la LCR comme dactylo au départ, pour devenir ensuite très vite responsable de la production des « Cahiers de la Taupe » (nom générique des feuilles de boîte de la LCR dans les années 70) : « Là maintenant où je suis professionnellement, c’est complètement la Ligue (…). J’ai tout appris. Par exemple lorsque je m’occupais des Cahiers de la Taupe, c’était du producteur au consommateur, je faisais tout jusqu’à la vente. Enfin je n’écrivais pas tous les trucs, mais j’écrivais quand même… Donc je suivais complètement un produit du début jusqu’à la fin. ».
31Pour Basile, en dehors de ce que peut enseigner la LCR dans le domaine de la prise de parole ou de la réflexion, une organisation politique permet la prise de recul par rapport aux luttes : « je l’ai vu dans la grève de mai – juin 2003, il y a un moment où on s’arrête, on se pose et où on essaye d’analyser un petit peu la situation (…), et de voir un petit peu ce qui se passe à un niveau plus général, et ça je pense que sans la LCR c’est pas possible. Par exemple ne faire que du syndicalisme, c’est tout un apprentissage justement qui manque ».
32Enfin pour Olivier, ce que lui a apporté la LCR, c’est « le goût de la lecture et puis parler, savoir prendre la parole, prendre la parole plus que parler, prendre la parole en public ». C’est ainsi que, selon lui, sa première intervention devant un public lycéen, c’est à la LCR qu’il la doit : « je n’ai pas fait une intervention dans un lycée et puis ensuite la ligue est venue me chercher, c’est la ligue qui m’a poussé à intervenir, et qui m’a donné les moyens de le faire, sans réelle préparation d’ailleurs, c’est elle qui m’a foutu un mégaphone dans les mains déjà, et puis une ronéo pour distribuer le tract »…
33Mais ces compétences, ou encore ce goût de l’étude et de la lecture acquis au sein d’une organisation politique, viennent surtout de l’engagement individuel et volontaire de ces militants. Car en effet, même si tous ne se sont pas trouvés en situation de totale rupture à l’égard du système scolaire (Basile a même décroché un DEA et Olivier une licence d’histoire), tous avouent leur manque d’intérêt pour l’école et décrivent des parcours scolaires souvent atypiques. Tous opposent ainsi la motivation militante à l’obligation scolaire, en disant que c’est parce qu’ils étaient motivés par leur action militante qu’ils apprenaient, alors qu’à l’école ils s’ennuyaient. Basile a notamment quitté le système scolaire classique en fin de quatrième : « j’ai fait deux 4ème et au bout de la deuxième 4ème il a été question d’en faire une troisième et là je suis parti, c’est-à-dire que (…) j’avais par des copains pris connaissance du lycée autogéré et je me suis inscrit directement en seconde, je dirais presque en cachette de mes parents mais je me suis inscrit directement donc de ma deuxième 4ème en seconde au lycée autogéré ». D’abord en France puis en Allemagne, il finit ainsi, tout en choisissant les cours auxquels il assiste, par décrocher un baccalauréat série A2, qui lui permet de s’inscrire à l’université de Nanterre. Sophie a, quant à elle, quitté l’école en fin de seconde, non pas du fait de réelles difficultés scolaires, mais parce que pour elle, l’école n’est pas la vraie vie : « à partir de la 4ème, là c’est l’adolescence et j’ai eu l’impression que la vie c’était pas du côté de l’école, c’était à l’extérieur ». Elle fait alors du théâtre pendant plusieurs années avant de devenir permanente à la LCR. Pour Olivier enfin, les choses sont un peu différentes, la scolarité se déroule sans trop de difficultés, mais aussi sans grand intérêt : « je n’étais pas en échec scolaire, j’étais…, disons que j’avais d’autres activités à côté, et au fur et à mesure ça n’est plus devenu ma priorité. Mais je faisais le strict minimum (…) ». Son goût de la lecture nous dit-il, ce n’est pas l’école ni même son milieu familial qui le lui ont donné. Il a commencé à lire lorsqu’il est « entré en politique », et d’abord grâce à la rencontre avec des militants de la LCR, plus même que dans le cadre institutionnel du parti lui-même : « j’avais envie de comprendre et puis j’avais besoin d’arguments. J’avais besoin d’arguments pour pouvoir répondre à ceux qui n’étaient pas d’accord avec moi. Je ne voulais pas avoir l’air d’un con, d’être bloqué (…) Et là ça n’est pas un cadre organisationnel qui m’a permis d’avoir le goût de la lecture, ce sont des rencontres en même temps, je crois plus qu’autre chose, c’est des militants, des gens qui ont pris le temps, qui avaient un talent particulier, comme Gilbert et puis Pierre qui me disait bon ben lis ça… Des militants de la LCR. Qui me disaient : Lis ».
34Ce n’est donc pas l’école qui leur a donné l’envie d’apprendre, de se documenter et de lire. C’est leur engagement militant. Ce n’est pas une obligation scolaire mais une motivation militante. Et leur conviction des causes à défendre, leur envie de « changer le monde » leur a alors fait rencontrer la nécessité d’apprendre, d’apprendre pour faire : rédiger un tract, intervenir dans une assemblée générale pour convaincre, etc.
35Cette envie d’apprendre et d’agir, ils la rencontrent donc dans le militantisme, parfois même très jeunes. C’est ainsi qu’Olivier a commencé à militer dès la classe de troisième, dans l’engagement contre le racisme notamment : « il y a un événement qui est une agression raciste sur la ville, qui fait que avec plusieurs potes on se rapproche de SOS racisme. Et par le biais de SOS on rencontre des militants de la ligue, avec qui je commence à discuter, et puis il se trouve qu’un des profs, un des militants de la ligue, est prof dans mon collège. Donc dès le collège je sors un petit fanzine collégien, qui s’appelait je sais plus comment. Je sors plusieurs numéros et puis voilà, ça commence à partir de ce moment-là quoi. ». Puis il part une semaine en Espagne à l’occasion de rencontres internationales de jeunes avec les JCR (Jeunesses Communistes Révolutionnaires) pour adhérer ensuite très rapidement à la LCR. Pour Basile aussi l’engagement militant commence par la lutte contre le racisme : « En fait toutes mes premières manifestations, c’était contre le racisme. C’était je dirais le début d’une prise de conscience d’un engagement militant, qui a été marquée par la lutte contre le racisme. ». Et puis le hasard a joué également dans la mesure où, adolescent, il achète une radio et tombe, à l’occasion d’une chanson de Renaud, sur Radio Libertaire. Il est donc plutôt au départ séduit par les idées anarchistes. Puis il se retrouve lui aussi à 16 ans dans un camp des JCR pendant une semaine, mais il attendra 21 ans pour adhérer à la LCR. Quant à Sophie, le grand changement, comme elle le qualifie, se situe en mai 68. Elle a 18 ans, elle participe aux manifestations et se rend à la Sorbonne où des militants des JCR organisent tous les jours de petites discussions sur différents sujets (le stalinisme, la bureaucratie etc.). Elle adhère ensuite aux JCR dès septembre 1968.
4.2. Un pilotage de leur action « par le produit » (nécessité de pertinence), « apprendre pour faire »
36Dès leur engagement, ces militants vont se trouver confrontés à la nécessité de l’action. Ils veulent changer le monde et il faut agir, participer aux tâches d’une organisation politique, distribuer des tracts – et donc contribuer à leur rédaction – participer à la vie de la cellule, rédiger des « feuilles de boite », intervenir dans des assemblées générales ou des congrès. C’est donc cette nécessité de faire qui a rendu pour eux obligatoires un certain nombre d’apprentissages. En outre, il y a une nécessité de faire bien et de ne pas « manquer » sa première fois. Il faut, en fonction du type d’action, du type de public, des enjeux à l’œuvre, trouver les mots justes, trouver la concision, réduire le nombre d’idées développées, bref, être pertinent pour atteindre le but que l’on s’est fixé : il faut que le tract soit lu, il faut convaincre, il faut que les gens viennent dans les assemblées générales… On retrouve là, dans une certaine mesure, les éléments d’une thèse déjà formulée dans le Manifeste de Peuple et Culture en 1945 : « À travers la connaissance, une culture vraie se courbe vers l’action. Elle ne tend pas seulement à interpréter le monde, mais à le transformer » (Dumazedier, 2002, p. 107). Mais comment y parvient-on ?
37Olivier, à peine entré au lycée, prend la parole avec un « vrai » mégaphone devant un public de 1000 lycéens qu’il s’agit de convaincre de « partir en grève ». Il a très peur mais il est galvanisé par la nécessité de convaincre ses condisciples : « il fallait y aller quoi, parce qu’on avait distribué ce tract, (…), il fallait bien dire quelque chose ». Et même si les conditions très précaires de son lycée facilitent la conviction, il trouve les quelques mots qui suffisent à « faire débrayer le lycée ». Pour Basile, la première fois qu’il rédige un tract, c’est dans le cadre d’une campagne électorale, il réside alors dans le 18ème arrondissement de Paris et il est convaincu du fait que même si ce n’est pas à l’ordre du jour des élections en question, il est important de faire un tract sur le droit de vote des étrangers. C’est donc le choix du sujet qui va le pousser à écrire : « Je pensais que c’était vraiment important que dans un quartier comme le 18ème on fasse un tract qui soit spécifique, un tract électoral spécifique en direction de ceux qui n’avaient le droit de vote. Et ça ne semblait pas évident en soi. Parce que c’est vrai que c’était pas forcément l’enjeu de la campagne. J’ai pensé que c’était vraiment… nécessaire. ». C’est cette nécessité qui va l’aider à dépasser ses difficultés d’écriture. Car Basile a toujours eu des rapports compliqués à l’écrit, même s’il a rédigé un DEA ! Quant à Sophie, il fallait que sa première feuille de boite soit lisible par des ouvriers des entreprises relevant du domaine d’intervention de sa cellule. Et cela n’a pas été facile à réussir du premier coup : « au départ, ça a été un apprentissage et… J’ai toujours été plutôt bonne en français et la première fois que j’ai écrit une feuille de boite, c’était vraiment très très mauvais, parce qu’il y avait tout un jargon, c’était des phrases alambiquées etc. Et donc d’emblée effectivement la personne qui dirigeait la cellule, une fille que j’aimais beaucoup, m’a dit que ça n’allait pas pour telle ou telle raison… Et donc très vite la fois suivante j’ai compris comment il fallait faire à peu près… et j’ai pris goût à ça et c’est quasiment moi qui les écrivais toutes… Y compris on m’envoyait dans d’autres cellules et ça me faisait marrer parce que moi je n’avais pas de diplôme et je me retrouvais dans des cellules où il y avait tous les intellos de la Ligue à qui je disais non il faut pas écrire comme ça, il faut faire une feuille de boite comme ça… Donc je donnais en quelque sorte des leçons de Taupe rouge, comment écrire les trucs et bon c’est un exercice assez particulier, que j’aimais bien… ».
4.3. Le « format » (mimétisme des techniques en œuvre)
38Comment les militants que nous avons rencontrés ont-ils finalement acquis leurs compétences, qu’est ce que les a rendus de plus en plus en efficaces au fur et à mesure de leur engagement dans l’organisation ? Les choses sont un peu plus floues dans leurs propos lorsqu’on leur demande de relater la façon dont ils ont appris.
39Une première chose apparaît clairement dans leurs propos, ainsi qu’on commence à l’entrevoir ci-dessus, c’est la question du « formatage » même si Sophie refuse ce mot qu’elle trouve péjoratif. Pourtant, si on le prend au sens de Bruner, on constate que ce sont bien des « modèles » d’action qui sont mis en œuvre, même si « la tutelle » dont il parle est spécifique au cas considéré (Bruner, 1996).
40Les militants interrogés admettent en effet tous qu’ils seraient capables d’identifier l’auteur d’un tract ou d’une intervention comme un-e militant-e de la LCR, même si l’information directe n’est pas disponible. Olivier nous dit notamment qu’il « y a un formatage militant entre guillemets je pense, il y a une construction de la logique, mais qui est le goût d’abord de la construction (…). Oui évidemment (…) si je ne reconnaissais pas un militant de la ligue dans une AG, le mec qui intervient je verrais qu’il est à la ligue, je le sentirais je pense (...). C’est parce que je pense que chaque parti est un peu formaté (…). Par exemple il y a des trucs un peu caricaturaux dans la ligue, il y avait du vocabulaire, du vocabulaire typiquement ligue (…). La substance de la ligue je dirais c’est oui une logique d’esprit critique particulièrement aiguisé, donc celui qui va savoir poser la bonne question, question que tout le monde se pose sans savoir vraiment se la formuler, ça c’est une richesse qu’on va retrouver dans une intervention des militants de la ligue. ».
41Chaque cellule fonctionne un peu sur le même modèle et on retrouve dans toutes ces cellules l’existence « d’exposés de formation ». Chaque semaine, la cellule se réunit et débute par un exposé de formation préparé par un-e adhérent-e sur un sujet particulier. Olivier indique ainsi qu’il « y avait des rapports, on se partageait des rapports, on essayait d’introduire les discussions, soit sur des thèmes d’actualité, des thèmes internationaux, des thèmes de formation… Chacun tournait, devait préparer un rapport, court, pas un truc qui durait des plombes, mais court pour essayer d’introduire des discussions. ». Tous indiquent que cela avait un caractère stressant – notamment le premier exposé – mais très formateur en même temps. Parce que les sujets préparés étaient du coup bien connus. Comment ces exposés étaient-ils préparés ? Les militants interrogés ne parlent pas en fait d’une véritable formation à l’exposé. Une liste circule, l’exercice est obligatoire, il faut s’inscrire et « se lancer ». Sophie par exemple, explique : « Ah oui moi quand j’avais un exposé à faire, j’allais chez Maspero, je ramassais dix mille bouquins même si je ne comprenais pas le quart de ce qu’il y avait dedans (…). C’était un peu une formation comme ça, sauvage, sans guide, sans « truc », mais bon ça permettait (…) d’apprendre pas mal de choses par ce biais-là, par les lectures, et de mettre un peu les choses en ordre ». De la même façon, Olivier préparait également ses exposés : « j’allais à la BU, et puis je prenais des bouquins et puis je faisais un petit rapport, comme j’aurais dû le faire – mais je ne le faisais pas – pour mes TD en fait… Donc je le faisais là pour la cellule et puis on se partageait des thèmes différents, on essayait de se pousser à lire quoi ». Il le faisait dans ce cadre-là et pas à l’université car dans la cellule, il y avait un enjeu : il fallait se partager des thèmes entre militants, il fallait se pousser à lire, il fallait apprendre, notamment pour se forger des arguments utilisables dans les discussions politiques pour répondre aux interpellations. Basile insiste également sur l’aspect formateur de ces exposés et garde un souvenir très fort de ceux qu’il a eu lui-même à préparer : « les exposés de formation dont je me rappelle le plus ce sont ceux que j’ai faits, tout simplement. Donc c’était aussi bien sur les luttes de classes en France, de Marx, en 1848, c’était sur le Mexique bien sûr, sur l’ALENA, on faisait un peu de formation élémentaire en économie. Tous ceux qui faisaient des trucs un peu particuliers à la fac, il y en a qui faisaient des mémoires sur l’Afrique, sur le racisme. Un exposé sur pourquoi le racisme dans le capitalisme etc. Et donc on faisait les exposés toutes les semaines, et ça c’était bien. Et je pense que ça nous a bien formés ».
42Pas de véritable formation « consciente » donc, au sens de préparation méthodologique à l’exposé, mais un constat : on apprend parce qu’il faut le faire, et on apprend de la même façon parce que tous ces exposés se ressemblent, sont construits selon la même structure, etc.
43De même, l’apprentissage à la présentation d’un rapport en congrès de la LCR existe, mais les militants ont du mal à expliciter la forme qu’il prend. Olivier se souvient ainsi de son premier rapport à un congrès de la LCR, en 1997. Ce rapport porte sur le changement du nom dans l’organisation, question très débattue au sein du parti à l’époque. Olivier n’est pas d’accord avec le fait que l’organisation soit renommée, il prend donc en charge ce rapport. Là encore, le stress : « au congrès sur ce rapport j’ai une trouille extraordinaire. Parce que là (…) là il y a un enjeu… Y’a des adversaires de haute volée qui peuvent me manger (…) et puis je peux bafouiller, ça peut être la catastrophe quoi ». mais malgré cela, Olivier fera ce rapport, parce qu’il faut, une fois de plus, convaincre : « Et là je le fais, et je le fais motivé, je le chiade et puis c’est pas trop mal, je m’en sors pas trop mal, j’ai de bons retours sur cette intervention. Celle-là elle m’a marqué ». Comment Olivier a-t-il préparé ce rapport ? « Je m’étais isolé pendant le congrès je me souviens, j’avais discuté avec un copain (…) ». Il n’écrit pas parce qu’il n’a pas la « culture écrite », « c’est pas la culture je crois qu’est donnée aux militants de la ligue et puis moi comme ma formation ça a été d’abord d’intervenir dans un lycée, c’est une culture orale quoi ». Il travaille donc sur la base d’un plan détaillé : « j’ai fait un plan détaillé, je me souviens de l’avoir fait, d’essayer de le construire, et puis de voir deux trois arguments, (…). Voilà, j’ai un plan et puis je m’y accroche et puis je pars à partir de ça (…), mais pas improvisé parce que j’ai un plan mais disons que j’ai pas fait une fausse intervention avant quoi, j’ai pas répété une intervention avant non. (…) Je me suis lancé mais dans ma tête je faisais le plan… Dans ma tête quand je fais le plan, je le fais oral, enfin je m’imagine en train de parler ». Mais selon lui, rien de naturel dans cet exercice cependant : « c’est un apprentissage peu à peu oui, y’a rien de naturel là dedans », même s’il est difficile d’expliquer les facteurs qui ont favorisé l’acquisition de cette compétence.
44En ce qui concerne la prise de parole dans les réunions, cela commence souvent par une période d’observation, avant de prendre l’initiative d’intervenir (en dehors des fameux « exposés de formation » obligatoires de fait). Basile indique ainsi : « je pense que je suis resté un an sans parler dans ma cellule. Je crois que quasiment pendant un an j’ai pas du desserrer les dents. C’était tous les jeudi soirs j’écoutais mais je parlais pas, j’avais du mal à prendre la parole donc… c’était un petit groupe hein, mais j’avais du mal à parler comme ça… ».
45Par ailleurs, dans la prise de parole des règles existent, qui différencient les interventions dans le parti d’autres, comme les interventions syndicales. Basile explique ainsi que « la différence c’est que par exemple, (…) on respecte les temps de parole. Il y a un tour de parole qui est donné, les gens ne s’interrompent pas comme ça à tout bout de champ à la LCR. Au syndicat, vous commencez votre intervention, il y a quelqu’un qui n’est pas d’accord, il vous interrompt tout de suite pour vous dire que non etc. Et il y a des choses qui font que bon la réunion n’est pas possible. (…) A ce niveau-là d’un point de vue qualitatif, c’est quand même le côté – enfin je pense – supérieur d’une cellule pour la discussion. Parfois même les interventions à la LCR sont plus courtes, plus concises, mais plus précises. Il y a une éducation, à ce niveau-là, de lecture, d’entraînement à la discussion, à la polémique, qui est quand même bénéfique. Dans le syndicat, le droit à la parole c’est quand même un truc à gagner tous les jours, il faut s’organiser petit à petit, oui, c’est commencer à prendre ce droit, mais c’est pas évident. Et à la LCR c’est vrai qu’il y a une façon de discuter qui est quand même je pense, particulière. Déjà où tout le monde peut s’exprimer ».
46Il faut également apprendre à faire des interventions concises. C’est le cas par exemple pour les militants de la ligue qui ont été élus au parlement européen et pour les camarades assistants parlementaires qui les aident à traiter les dossiers, comme cela a été le cas pour Olivier et Basile. Ce dernier a obtenu un détachement de la SNCF pendant un an et demi pour être attaché parlementaire et assister donc, avec quelques autres camarades, deux élus LCR au parlement : « Quand les députés interviennent dans l’hémicycle, c’est pas mal les assistants qui préparent les interventions, ce sont des interventions de parfois, 2 – 3 minutes, 1 minute, donc il faut rédiger une intervention d’1 minute, avec Roselyne ou avec Alain, etc. Et puis le chrono… De toutes façons si ça fait plus d’1 minute, le micro s’arrête, l’intervention elle n’est pas reprise au procès verbal, donc on ne peut pas s’en servir après pour l’extérieur. Ca c’est un exercice pratique. Donc on s’entraîne, on se chronomètre, il faut réécrire, deux fois, trois fois, quatre fois. C’est pas mal. Enfin en tous cas c’est intéressant. Comme exercice en tant que tel, oui, ça a son intérêt ».
47C’est le cas également de la rédaction de textes : on apprend à être le plus concis possible. Un tract ne doit pas dépasser un recto, une feuille de boite deux ou quatre pages. Toujours dans le cadre de son passage au parlement européen comme assistant parlementaire, Basile a eu à rédiger des explications de vote : « on a le droit à des explications de vote au parlement européen et qui seront reprises après dans les comptes rendus. Les explications de vote doivent faire 1500 signes maximum, grand maximum. Donc en 1500 signes il faut être clair, il faut être précis, il faut être concis expliquer pourquoi on vote contre, pourquoi on vote pour, et mettre les raisons etc. Tout ça sans partir dans un texte de dix pages avec le pourquoi du comment ».
48Tous ces exemples montrent donc qu’il y a bien des apprentissages qui s’effectuent au sein de l’organisation, mais qu’ils se font sur un mode plus mimétique et « silencieux » qu’à l’école. Si la répétition (« l’entraînement ») est présent (on s’améliore en recommençant), la nécessité de réussite, jugée par l’extérieur, est présente en permanence.
4.4. Une grande différence entre les modes d’apprentissage à l’école et dans l’organisation
49Et ces militants insistent d’ailleurs beaucoup sur la différence entre leur organisation comme « structure de formation » et l’école, parce qu’il n’y a pas de cours, d’interrogations écrites ou orales, etc. Basile nous a d’ailleurs raconté qu’il avait été, encore collégien, approché par des militants de Lutte Ouvrière qui lui proposaient une formation. Ce sont ces militants qui lui ont donné le goût de la lecture, mais en même temps Basile s’est très vite détourné de leurs méthodes trop « scolaires » de formation : « Au lycée autogéré (…), ils faisaient pas mal ça Lutte ouvrière, ils venaient à la sortie du lycée pour discuter et j’ai discuté, je pense pendant un an, même pendant que j’étais au collège (…), avec une militante de lutte ouvrière, une fois par semaine ou deux fois par semaine, sur la révolution russe et tout ça. Mais ils (…) donnaient des livres à lire, et en fait parmi les premiers livres politiques que j’ai lus, c’est Lutte Ouvrière qui me les a donnés. Et c’était un peu soutenu, j’en lisais un par semaine, comme ça me plaisait, je les lisais, je ne faisais pas mes devoirs, j’étais en train de planter ma 4ème tout ça mais enfin c’est pas de leur faute, mais enfin je lisais des bouquins et le samedi après-midi ils faisaient aussi des cours de formation sur Paris, sur l’origine des classes sociales, ce genre de trucs. Bon là j’y ai été une ou deux fois, et la première révolte c’est que j’aimais pas l’école, que l’école ça m’emmerdait et retourner à l’école le samedi après-midi c’était vraiment… Ça ne correspondait pas du tout à ce que je voulais faire, je voulais plus d’activités, faire les manifs tous ces trucs là donc j’ai vite abandonné… (…) On arrivait, il y avait une sorte de prof, qui tenait un peu la leçon, enfin qui faisait un exposé de formation en même temps. Il fallait prendre des notes et puis le lundi je revoyais (…) un peu et elle me disait alors qu’est-ce t’as pensé de la formation de samedi et j’avais déjà quasiment oublié même si j’avais pris des notes… Oui il y avait un peu l’interro. Pour savoir si j’avais retenu… Et donc c’était pas… Ça n’a pas duré longtemps... »
50Enfin, dans ces apprentissages, les militants interrogés insistent beaucoup sur le caractère collectif des tâches effectuées et sur l’interaction, qui différencie encore l’apprendre pour faire du faire pour apprendre dans le cadre scolaire. Par exemple, lorsqu’on lui demande comment elle a appris, dans le cadre de son parti, à « tenir des assemblées générales » Sophie se défend d’avoir eu à réaliser seule ce genre de tâche : « Oh je ne dirais pas que j’ai appris à tenir des assemblées générales, non je n’irais pas jusque-là. Parce qu’on était toujours à plusieurs. C’était plus collectif que ça. Moi les souvenirs que j’ai, parce que c’était au niveau de la section ça, heu… Moi je militais beaucoup avec Pascale W., très dynamique, et une autre fille qui s’appelait Françoise, c’était vraiment assez collectif. Donc je n’ai pas eu le sentiment, j’ai eu le sentiment là qu’on travaillait à un petit groupe de trois, quatre personnes et qu’on se répartissait les tâches… Donc j’ai jamais eu le sentiment d’être en charge moi, personnellement, je ne l’ai pas vécu comme ça ».
51Là encore, nous trouvons des points communs avec les travaux de Dumazedier, lorsqu’il écrit : « Les pratiques d’autoformation surtout collectives sont centrées sur les pratiques d’échange mutuel et de coopération active qui caractérisent l’éducation tout au long de la vie, où les plus forts aident les plus faibles, alors que la formation scolaire traditionnelle, sans exclure les exercices de groupe, est forcément centrée sur le développement individuel noté » (Dumazedier, 2002, p. 101).
4.5. Le rôle spécifique de la nécessité de convaincre et du débat de tendance
52La nécessité d’apprendre pour faire se retrouve également dans les débats de tendance au sein du parti. Cela est très clair dans le cas d’Olivier notamment, qui découvre les tendances dans son premier Congrès des JCR, et se trouve galvanisé par leur existence : « Je découvre un congrès, je découvre les discussions de tendance, le désaccord, moi ça ne m’effraie pas du tout, je trouve ça super exaltant, on a le droit de ne pas être d’accord… Du coup je me fous tout de suite d’emblée dans les tendances, parce que ça m’excite, même j’y vais, je fais bien le choix évidemment de me retrouver bien minoritaire dans la section roannaise à laquelle je vais participer, c’est-à-dire de me retrouver à 2 contre 35 parce que ça, ça arrive tout de suite, et du coup, comme on est deux je me retrouve délégué au congrès national dans une section où je suis super minoritaire ». De même, à son entrée dans la ligue, Olivier intègre une tendance minoritaire du parti, et il prend très vite des responsabilités dans la direction de cette tendance, ce qui l’amène à être délégué à un congrès de la LCR et à intervenir dans ce congrès : « Alors là trouille, terrible, mais motivé par le débat de tendance donc j’y vais. Motivé par le débat de tendance parce que ça m’énerve donc je dis : il faut se faire violence et y aller, donc j’y vais (…) Mais c’est pas mille lycéens, c’est trois cents délégués de la ligue, dont je connais le niveau d’intervention, donc là je me sens à poil quoi… Les lycéens ça va, je leur dis il faut débrayer ils débrayent… (…) Je suis épaté, c’est-à-dire je suis hyper fier d’appartenir à une organisation où il y a de la matière grise comme ça intellectuelle, vraiment ça me scotche, je me dis bon c’est une richesse et en même temps hyper culpabilisé, je me dis, intervenir là-dedans, comment on fait ? Je pense que j’aurais pas eu le sentiment d’injustice par rapport à ce qui était dit, donc la volonté d’intervenir, je ne l’aurais pas fait… J’aurais été majoritaire je pense que j’aurais fermé ma gueule, et j’y serais pas allé parce que je pense vraiment pour se faire violence il faut… (…) Donc un sentiment de dire non c’est pas juste, ce que tu dis c’est pas juste donc il faut que j’y aille ».
4.6. Inutilité des apprentissages scolaires ?
53Pour les militants de la LCR que nous avons écoutés, il est difficile de distinguer ce qui, dans les apprentissages scolaires, a pu leur être utile pour l’acquisition de leurs compétences militantes. D’une manière très vague, Olivier indique ainsi, lorsqu’on lui demande ce que l’école lui a apporté : « l’acquisition de connaissances forcément, mais moi les connaissances que j’ai emmagasinées elles datent du lycée et du collège, mais la fac je l’ai fait tellement de travers que j’aurais même envie des fois de me dire, je repasserais bien un an à la fac rien que pour apprendre… Le restant oui, c’est des connaissances sur l’histoire, la géographie, mais c’est… Je sais pas ». De la même façon lorsqu’on demande à Basile si, sans l’école, il y a des compétences qu’il n’aurait pu acquérir, il répond par la négative : « Non, ben finalement non alors. Parce que par exemple l’histoire j’ai aussi décroché dès la quatrième. Donc même tout ce qui peut, ce qui est dans le programme de terminale, par exemple sur la révolution russe, je l’ai étudié après, un peu tout seul dans les bouquins, ça m’a pas servi particulièrement au lycée, non au niveau des savoirs, de l’histoire de la géographie, etc. je pense pas. Si forcément un peu mais j’ai pas comme ça le souvenir de… ». Mais forcément un peu dit-il, « parce que c’est là quand même qu’on apprend à lire, qu’on apprend à écrire, et que ça sert quand même par la suite pour militer hein, pour écrire des tracts etc. Donc ça joue forcément, mais si je regarde un petit peu ce que j’ai appris là où on m’a appris à lire enfin à écrire par exemple, ça s’arrête au collège parce que après au lycée, je le faisais plus, ça s’arrête au collège et c’est un niveau de rédaction quatrième… Donc ça aide forcément pour la suite etc. mais ça reste quand même heu ». Quant à Sophie, pour elle aussi, les apprentissages scolaires semblent se résumer à la lecture et l’écriture : « Je ne sais pas. À apprendre à lire, à écrire... Non attends je ne sais pas… ».
54Ces militants insistent cependant sur le caractère socialisateur de l’institution scolaire et sur l’importance des rencontres. L’école est donc d’abord un premier lieu d’apprentissage de la vie en collectivité, et Sophie indique ainsi que l’école est un lieu où l’on apprend à lire et à écrire, mais aussi « la sociabilité, un peu les rapports de force ». Cela est particulièrement fort dans le témoignage de Basile qui a bénéficié de la pédagogie Freinet durant sa scolarité primaire : « Ben pour mon cas je dirais que depuis tout petit hein, y’a cette idée de collectif, elle est forte. (…) Et cette idée de collectif suprême, je sais pas comment dire, je l’ai appris depuis l’école primaire parce que l’école où j’étais, à Vitruve, y’avait toujours cette idée de… Une école Freinet… On avait des assemblées (…), j’ai toujours connu les AG, je ne les ai pas découvertes à la SNCF, je les ai connues depuis le CP et je crois que quasiment tous les matins on avait une sorte d’AG… Dès qu’il y avait un conflit même entre élèves etc., il était résolu en commun, chacun exposait pourquoi l’autre avait frappé untel (…). Et puis on essayait de trouver la solution (…). Quand on partait en classe verte, on essayait à trente gamins de décider ensemble des menus avant de partir, comment est-ce qu’on pouvait faire, etc. Toujours cette idée, même un peu de compromis, mais de… De discussion, que la discussion allait finir par régler les divergences et que en discutant on allait pouvoir arriver à faire quelque chose ».
55On y apprend également à se confronter aux autres. C’est ainsi qu’Olivier témoigne du fait que « oui l’école ce que ça m’a appris c’est un lieu de socialisation, c’est ça, un lieu de socialisation où j’ai confronté (…), où je tenais tête à des profs où je prenais la parole dans des assemblées dans la cour du lycée, etc., donc c’est ça que ça m’a appris ».
56De même, l’école permet également de faire des rencontres : certains professeurs, particulièrement charismatiques, les ont marqués et laissent des traces des disciplines scolaires qu’ils enseignaient. Olivier note ainsi qu’il a souvenir, « de profs, de profs qui m’ont apporté des choses, profs d’histoire notamment ça oui, qui m’ont apporté des choses si si mais là pareil c’est des rencontres comme quand je parle de la ligue, souvent on parle de rencontres ». Cela est encore plus vrai pour Sophie, pour qui tout en effet est affaire de rencontre : les professeurs jouaient un rôle déterminant dans les résultats scolaires d’une discipline à l’autre : « J’ai de très bons souvenirs de profs (…). J’ai été bonne en latin une année parce j’avais un prof qui nous faisait pas faire… C’était pas version thème, c’était y compris elle nous parlait de… des romains, des latins (…). Elle parlait beaucoup quoi, elle faisait de l’histoire, elle nous racontait des histoires autour de ça… (…) Pour moi, je serais tentée de dire c’est une affaire de rencontres, c’est ce que je disais, de rencontres. Moi j’ai un prof qui ne m’intéresse pas, qui ne me plait pas, je ne rentre pas et je ne marche pas… Je me ferme…(…) Alors là vraiment je distingue en fonction de… Par exemple une année je suis bonne en histoire parce que le prof m’intéresse, l’année suivante je suis pas bonne en histoire parce que le prof m’intéresse pas… C’est très très clair pour moi. Pareil en latin, j’ai été bonne en latin une année parce que le prof, hein... L’année suivante bon je chutais parce que le prof… Enfin moi je l’ai vécu comme ça ».
5. Conclusion
57La division didactique du « apprendre pour faire » et du « faire pour apprendre » est l’une des plus intéressantes pour rendre compte des modes d’entrée dans les compétences considérées. En effet, ces techniques décrites plus haut débouchent sur de véritables « savoirs » qui se vérifient non par la légitimité d’une communauté savante mais parce qu’ils sont efficaces : on apprend pour faire (un tract, une A. G., etc.). Dans le contexte scolaire en revanche, on fait pour apprendre et ce qu’on fait n’a pas toujours une grande importance (on « fait » une dictée pour apprendre l’orthographe). La deuxième façon (l’étude guidée scolairement) a des avantages décisifs, entre autres la possibilité « institutionnelle » de l’erreur, l’existence de « chemins pour l’étude ».
58Mais cette supériorité de principe (vérifiable empiriquement par les succès des effets de la scolarisation à l’échelle planétaire) disparaît de la conscience de ces militants. Comme d’ailleurs de celle de la très grande masse de la population. On peut même supposer que les jugements seraient encore plus durs si le « politiquement correct » ne les limitait pas pour des personnes en principe activement solidaires de la lutte pour le droit à l’école ! Seuls surnagent des souvenirs attachés à des personnalités marquantes (certains professeurs particulièrement charismatiques) et aux relations sociales dont le temps de l’école est l’occasion (socialisation, apprentissage de la vie en collectivité). La supériorité revendiquée des apprentissages acquis par l’intermédiaire de la LCR sur les apprentissages scolaires apparaît sans contrepartie aucune.
59Cela renvoie probablement à un problème théorique de fond. Comme le dit Quéré, « nous manquons d’un vocabulaire approprié pour articuler aussi bien les opérations tacites effectuées, que les habitudes et les capacités qui les soustendent, alors que nous disposons de concepts et de significations instituées pour nommer, désigner, expliquer, justifier les actions accomplies, et en faire sens… La description symbolique prévaut inévitablement sur la description opérationnelle, et il faut adopter une attitude spéciale vis-à-vis de l’action pour que la seconde acquière quelque pertinence » (Quéré, 2002, p. 91).
60Autrement dit, nous manquons des « structures langagières » pour dire les techniques. C’est pour cela que celles-ci seraient systématiquement sous-estimées. Une fois entrés dans les routines, les savoirs s’éprouvent, mais ne se prouvent plus. Entre autres, ceci invalide aussi, dans le principe, toute confiance exagérée dans « la parole de l’acteur », et donc conduit à entretenir une nécessaire distance critique sur « les histoires de vie ». Ainsi, quand Olivier nous dit qu’en vue de son exposé il travaille sur une documentation à la BU « comme il devrait le faire pour son TD », il y a bien là une référence à des façons de faire qui s’ancrent ailleurs que dans son parti, et qui sont clairement des prototypes de fonctionnement scolaire, que l’on retrouve même chez Basile, si rétif à la scolarisation.
61Des recherches plus précises seront donc nécessaires pour re-construire les relations entre divers types d’étude. On peut toutefois confirmer les éléments principaux de l’étude façon « tiers secteur » : la dialectique de l’engagement volontaire (comme le disait Dumazedier), qui éloigne des modes d’étude des compétences issues de la pratique professionnelle, mais aussi d’une certaine « obligation » de la pertinence sociale qui l’en rapproche, comme n’a cessé de le signaler G. Vergnaud. Comment se joue la conceptualisation dans les deux cas ? « L’apprendre pour faire » est commun à ces deux modes, qui se distinguent pourtant par la prégnance des « formats » institutionnels (sauf à remonter peut-être aux apprentissages des corporations, et de ce qu’il en reste comme traces aujourd’hui). Ceux-ci s’écartent en effet des techniques qui sous-tendent les « genres professionnels » décrits par exemple par Yves Clot (2001). Les « genres » sont construits à l’issue d’un détour méthodologique lourd (les « auto-confrontation »), alors que « les formats » de la LCR affleurent plus rapidement à la conscience, effet réfracté de l’engagement volontaire.
62Toutes ces remarques conclusives doivent être prises avec les précautions que nous n’avons cessé de signaler tout au long de ce texte. Il faudrait, par exemple, aller voir directement si l’activité effective dans ce parti (dans ses cellules par exemple) correspond bien à ce qu’en disent « les acteurs ». Il faudrait comparer avec d’autres structures du même type. Mais c’est justement la fonction de la didactique comparée de s’en donner les moyens. Elle a là, en l’occurrence, un champ nouveau et privilégié pour éprouver, renforcer ou modifier ses outils théoriques.
Auteurs
Maîtresse de Conférences à l’IUFM d’Aix-Marseille. UMR ADEF - Université de Provence, IUFM d’Aix-Marseille, INRP
Professeur à l’Université de Provence. UMR ADEF - Université de Provence, IUFM d’Aix-Marseille, INRP
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Didactique de la lecture
Regards croisés
Claudine Garcia-Debanc, Michel Grandaty et Angeline Liva (dir.)
1996
Le système éducatif
À l’heure de la société de la connaissance
Martine Boudet et Florence Saint-Luc (dir.)
2014
Sur le chemin des textes
Comment s’approprier l’écrit de l’enfance à l’âge adulte
Catherine Frier
2016
Programmes et disciplines scolaires
Quelles reconfigurations curriculaires ?
Christine Vergnolle Mainar et Odile Tripier-Mondancin (dir.)
2017