Personnalités et tableaux de la communauté de 1947 à 1970
p. 353-361
Texte intégral
Biographies de quelques personnalités de la Communauté juive de Toulouse
Emmanuel Grauhar
1Né le 20 mars 1889 à Varsovie, il s'installe en 1914 en France. Organisateur de la première Communauté juive de Roanne, il est aussi un militant de la LICA. Devenu toulousain, certainement au moment de la guerre, il participe à la gestion du « Château » qui accueillait les enfants de déportés après 1945. Il assure la direction de l'ACIT de 1951 jusqu'à sa mort en 1961. Fabricant de vêtements dans le quartier de la Bourse, il est un représentant des ashkénazes qui ont marqué de leur empreinte la Communauté des années cinquante.
Albert Cohn
2Il est un représentant des « Alsaciens » devenus des notables pendant l'entre-deux-guerres. Issu d'une famille de commerçants, il est un membre dévoué de la Communauté. Avant la guerre, il est d'abord membre du conseil d'administration, puis trésorier et enfin président général de l'ACIT. Il fut parmi les initiateurs de l'Union des sociétés de bienfaisance de la Communauté pendant la Seconde Guerre mondiale.
3Interné dans un des camps de la région, il réussit s'échapper et à gagner l'Espagne. Dirigeant le Comité de bienfaisance pendant les années cinquante, c'est à lui qu'incomba la charge d'accueillir les premiers réfugiés d'Afrique du Nord, à la fin de la décennie, avant que le FSJU ne s'implante dans la ville. Il fait partie du groupe de fondateurs de la Maison communautaire.
Le rabbin Rozen
4Né en Pologne, à Ostrowitz, en 1925, il est issu d'une famille pieuse, il entre à trois ans au jardin d'enfants où on l'initie aussitôt à l'hébreu :
Chez les juifs, on avait l'habitude d'envoyer les enfants au Heder, sorte de jardin d’enfants, où Von commence à apprendre à lire suivant la tradition [...] Chaque heder avait une vingtaine d'enfants [...] L'instituteur prenait chaque enfant toutes les deux heures, pendant un quart d'heure. Au für et à mesure que les grands savaient lire, ils devenaient les aides du maître [...] À cinq ans, j'ai commencé à étudier en hébreu la Bible, suivant les prescriptions des pirkavot [...] Comme j'étais l'unique fils de la famille, entouré de cinq filles [...] on a fait une fête. On a invité tous les petits camarades du heder [...] (à sept ans)]’ai quitté ce heder après avoir appris une bonne partie de la Torah, de la Michna et avoir même un peu commencé le Talmud. Je suis allé dans une école à plein temps. Nous avions les études juives le matin et les études profanes l'après-midi.
5Le futur rabbin reste dans cet établissement jusqu'en 1937, où il parfait sa culture religieuse en même temps qu'il passe son certificat d'études sous la houlette d'un maître non juif, dont il évoque avec beaucoup de chaleur le dévouement envers ses élèves juifs.
6Il entre alors dans une sorte de classe préparatoire à une Yéchiva créée dans sa ville par des Russes, repliés en Pologne après la Révolution. Il y demeure trois ans, jusqu'à la guerre. Il est alors plongé dans l'horreur :
J'étais dans les ghettos, j’étais à Auschwitz, j'étais dans les chambres à gaz, où l'on mettait alternativement de l'eau et du gaz. Et c'était de l'eau cette fois-là. Voilà. Et j'ai été sauvé. Nous avons été déportés d'Auschwitz, l'évacuation a eu lieu le 18 janvier 1945, date qu'il faut retenir, on nous a amenés jusqu'à Buchenwald. Et de là, ils nous ont envoyés à la frontière franco-germano-suisse, à Choltinghem. Il y avait un camp de concentration qui dépendait de Struthof [...] et c'est là qu'on a été libérés par l'armée française, l'armée Leclerc...
7Ayant perdu toute sa famille dans la tourmente, il décide de venir à Paris, où il est dirigé vers un centre d'accueil rue Gay-Lussac. Lorsque l'école rabbinique de la rue Vauquelin rouvre ses portes à l'automne 1945, il est accepté comme étudiant. Formant des condisciples dans les matières religieuses, il apprend le français, le grec, le latin.
Et moi le petit juif de Pologne, de ma petite yéchiva, j'ai appris le latin, le grec, etc. Et pour couronner le tout, le directeur (de l'école rabbinique) m’a dit, vous allez suivre un cours normal de terminale au lycée Henri IV. Je suis arrivé à un niveau qui était suffisant pour passer le bac. J’ai fait ensuite des études plus approfondies. Et au lieu de rester cinq ans à l'école rabbinique, j’y suis resté huit ans. Quand je l'ai quittée, j'ai tout de suite été nommé à Clermont-Ferrand où il y avait une communauté pas très importante, cent cinquante familles qui n'étaient pas très religieuses, et certains réfugiés qui y étaient restés.
8Il devient aussi le rabbin de la communauté voisine de Vichy où s'étaient repliés des juifs alsaciens très religieux. Pris entre deux feux, entre deux communautés, « l'une très libérale et l'autre très orthodoxe », le rabbin fait son apprentissage non seulement de chef spirituel mais aussi de chef politique. Par exemple, il fait l'expérience du paradoxe assez caractéristique des Communautés Israélites : « Déjà à Clermont-Ferrand, j'avais ce problème de juifs laïcs et de juifs religieux. Et c'était toujours les laïques qui participaient à l'entretien du rabbin.
9C'est à Clermont-Ferrand que les Toulousains viennent le chercher en 1958 et que commence l'histoire décrite dans ce livre. Le rabbin Rozen reste à Toulouse jusqu'en 1967. Il est aujourd'hui à Strasbourg.
Le rabbin Haïk
10Natif d'Algérie, il est nommé aumônier de la jeunesse à Nice avant de prendre le poste de rabbin à Toulouse en 1967. Il y exerce toujours sa mission, nonobstant un séjour de trois ans (1981-1984) à Paris. Depuis cette dernière date, Toulouse est devenue le siège d'un grand rabbinat, ce qui est tout à fait nouveau dans l'histoire des juifs de Toulouse. M. Haïk est le premier détenteur de ce titre de la ville.
Un intermédiaire obligé entre la ville et la Communauté : Maître Folus
11Né à Épinal en 1905, il devient avocat en 1932 et s'inscrit au Barreau de Nancy. Socialiste depuis 1924, il reste fidèle à l'engagement de sa jeunesse tout au long de sa vie. Engagé volontaire en 1939, il est démobilisé à Toulouse. Entrant dans la clandestinité, il participe à la Résistance. A la Libération, il est nommé commissaire du gouvernement auprès de la Cour de Justice. Il fait alors le choix de s'installer à Toulouse définitivement, s'inscrivant au Barreau de la ville en 1947. Au cours des années cinquante et soixante, il est un des animateurs principaux de la LICA. Il décède en 1971. (Source : L'Arche Midi-Pyrénées, no 13, décembre 1971.)
La vie communautaire de la fin des années quarante au début des années soixante-dix
Adhérents à l'ACIT de 1947 à 1970
janvier 1947 | 147 |
1948 | 205 |
1949 | entre 360 et 400 |
mai 1958 | 260 |
1960 | 400 |
septembre 1964 | 750 |
1970 | 840 |
La Communauté dans les années soixante
Le pôle religieux
Différents oratoires
12Synagogue de la rue Palaprat.
13Synagogue de la rue du Rempart Saint-Étienne : Vieille nouvelle synagogue (VNS) inaugurée le 23 septembre 1962.
14Oratoire ashkénaze de la rue du Rempart Saint-Étienne.
15Oratoire oranais-algéro-marocain de la rue du Rempart Saint-Étienne, installé en 1964.
16Oratoire 36 rue du Pech (Bagatelle).
17Oratoire de la Roseraie (nord de la ville).
18Oratoire Gerson : rue d'Alsace-Lorraine.
19Yéchouroun, rue J. Chalande.
Autour du culte
Le cadre religieux
20Un rabbin, deux gardiens, trois ministres du culte, un chohet, plus un aide, trois mohelim, un chamah (bedeau) pour l'Oratoire oranais, un secrétaire pour le rabbin et la Hévra Kadicha et huit professeurs d'hébreu.
Le bain rituel ou mikvé
21Un arrangement est passé avec le propriétaire de bains publics de la place Belfort. D'après le rabbin Haïk, sa fréquentation était devenue quasiment nulle (quelques femmes seulement l'utilisaient).
22Cimetière de Portet-sur-Garonne inauguré le 25 mars 1962.
23La Hévra Kadisha, ou Société du Dernier Devoir.
24Deux comités de bienfaisance, prenant en charge une partie de la tsédaka traditionnelle.
L'ACIT
25L'Administration de l'ACIT en 1965
26Le Rabbin est entouré d'un secrétaire comptable et une sténodactylo employée de bureau.
Le pôle communautaire
27Faisant la liaison entre le pôle religieux et le pôle communautariste :
la maison communautaire, rue du Rempart Saint-Étienne, proposant des activités religieuses (oratoires), sociales, culturelles ;
le FSJU assume quatre fonctions : l'action sociale, par l'intermédiaire de l'assistante sociale ; la collecte de dons, par l'intermédiaire de l'Appel juif unifié de France ; la cogestion de la maison communautaire ; l'encadrement de la jeunesse par la biais du DEJJ.
28Dépendent de lui :
l'assistante sociale : Mme Lassy, secrétaire Mme Bensoussan ;
le Club de l'amitié (ouvert aux personnes âgées), dirigé par Madame Lassy ;
la Coopération féminine (l'encadrement des femmes), présidente Mme Grynfogel.
La mouvance sioniste
La WIZO
29Trois sections principales :
30la section Ashod : Bagatelle (Cristal résidence)
31la section Natania : Soupetard, Jolimont,
32la Roseraie la section jeune wizéenne, rue de Rouaix.
La jeunesse sioniste
33Le Dror, organisé en plouga ou groupe d'enfants du même âge sous la responsabilité d'un madrih (responsable). Le groupe de Bagatelle regroupe à peu près trente jeunes. Un local est installé rue de la Faourette en 1968. Ferme de pionniers à Gimont.
34Le Cercle des jeunes sionistes, créé en 1965, s'adresse à des jeunes qui ne sont pas forcément aussi engagés dans le mouvement haloutsique.
35Mouvement Telem (mouvement sioniste réalisateur, destiné à intensifier l’aliah des jeunes) créé à Toulouse en 1967.
Organigramme de la mouvance sioniste en 1968
36Président de la fédération d'honneur : Bernard Grynfogel.
37Président en exercice : M. Pecznik.
38Le KKL (organisme destiné à reboiser en Israël)
L'Agence juive
39Destinée à assurer la présence d'Israël au sein de la Communauté de la ville, et en particulier à susciter l’aliah, elle est installée au début des années soixante-dix dans les locaux de la maison communautaire.
40De l'Agence juive dépend par exemple l'aliah des jeunes ; elle favorise l'émigration des jeunes de douze à dix-sept ans, sans ressources.
La transmission
L’enseignement
41Talmud Tora
421963 :120 inscrits.
431968 :10 classes de Talmud Tora.
44dont un cours de Talmud tora, à l'oratoire rue du Pech, fréquenté par à peu près cinquante enfants en 1966.
45L'école Bialik : une centaine d'inscrits.
46L'ORT, école professionnelle en 1963-1964.
Les mouvements de jeunes
47UEJF : Union des étudiants juifs de France.
48Les Éclaireurs Israélites de France. Un nouveau groupe se forme en 1967, qui compte 100 enfants et adolescents en 1968,120 en 1969.
49Département de la jeunesse juive (DEJJ).
50Mouvements rattachés au DEJJ : unités communautaires, Pionniers, Jeune action communautaire, Cercle du Renouveau.
51300 enfants en 1968.
52Les mouvements de jeunes sionistes :
53Bné Akiba, mouvement religieux (40 enfants en 1968).
54Dror, sioniste de gauche (20 enfants en 1968).
La société juive dans les années soixante en chiffres
Lieux de naissances des conjoints mariés entre 1959 et 1961 (19 mariages)
Lieu de naissance des conjoints | Pourcentage |
Afrique du Nord pour les deux | 31,5 |
Afrique du Nord/Europe | 42 |
Europe les deux | 21 |
Afrique du nord/non précisé | 5,5 |
Total | 100 % |
Lieux de naissances des conjoints mariés en 1962 et 1963 (64 mariages)
Lieu de naissance des conjoints | Pourcentage |
Afrique du Nord pour les deux | 78,5 |
Afrique du Nord/Europe | 16,5 |
Europe les deux | 1,5 |
Une des origines non précisée | 3,5 |
Total | 100 % |
Lieux de naissances des conjoints mariés entre 1964 et 1970 (172 mariages)
Lieu de naissance des conjoints | Pourcentage |
Afrique du Nord pour les deux | 64 |
Afrique du Nord/Europe | 20,5 |
Europe les deux | 7 |
Une des origines non précisée | 6 |
Autres origines | 2,5 |
Total | 100 % |
Notes de bas de page
1 Toulouse et son agglomération, Notes et documents, no 4 762.
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