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Chapitre 5. Une population socialement transformée

p. 183-210


Texte intégral

1Trois changements de taille sont la conséquence de l'installation des rapatriés et des réfugiés. Jamais, tout d'abord, la population juive n'a été aussi nombreuse, passant de 3 000 personnes environ à plus de 15 000 en quelques années. On assiste ensuite à une diversification des emplois, qui transforme le profil socioprofessionnel du groupe. Les ouvriers et les « cols blancs » d'origine sépharade deviennent une donnée essentielle des années soixante. Enfin, l'établissement des rapatriés dans les immeubles neufs des quartiers périphériques conduit à une diffusion de la présence juive à travers tout l'espace urbain, qui s'oppose à la tendance au regroupement dans les quartiers centraux de la période précédente.

2Avant toute étude de la société juive des années postrapatriement, il convient toutefois d'évaluer et de discuter les perceptions des transformations portées par les acteurs eux-mêmes. Les différents protagonistes : État, représentants de la Communauté juive, rapatriés et réfugiés, émettent un même jugement positif quant au bilan du rapatriement. Bien sûr, les critères d'appréciation diffèrent. Aussi doit-on chercher à identifier, pour chacun des acteurs, ce qui donne sens à son point de vue.

Une réinsertion réussie ?

3Le travail de Doris Bensimon1 a fort clairement montré que cette insertion est largement une réussite sur le plan national. Nous avons donc plutôt étudié les jugements des différents acteurs de cette histoire.

Les jugements officiels sur l'insertion des rapatriés

4L'Administration considère très rapidement que les tâches du rapatriement avancent vers leur dénouement. En janvier 1964, un rapport préfectoral estime : « [...] Dans quelque temps, le problème du rapatriement entrera dans sa phase terminale »2. En mars de la même année, les deux premières phases, l'accueil et le rapatriement, sont considérées comme dépassées. Le problème du reclassement semble en bonne voie, ainsi que celui du logement3. La décision de dissoudre le ministère des Rapatriés en juillet 1964 apparaît donc vraiment en accord avec l'appréciation de l'Administration régionale.

5Les raisons officiellement avancées pour mettre fin à cette période de rapatriement sont basées sur l'intégration réussie de la plupart des actifs jeunes. Mais n'y a-t-il pas d'autres motivations ? Certes, des considérations de politique immédiate jouent. Les rapatriés sont perçus, à juste titre, comme peu favorables au gouvernement gaulliste. Plus l'intégration se fera rapidement, plus vite se tairont les rancœurs.

6Mais on peut expliquer cette hâte par une autre raison. Dès le début de la mise en place des mesures destinées au rapatriement, apparaît le souci de ne jamais faire du rapatrié un citoyen différent des autres, ce qu'exprime un journaliste de La Dépêche du Midi dès 1962 : « Ce n'est pas, d'un côté, en rendant l'accès au travail et au logement, et de l'autre, en tentant de constituer une communauté dans la communauté, un État dans l'État, que nous parviendrons à l'unité nécessaire. Mais sans doute, lorsqu'il n'y aura plus de "frankaouis" et plus de "pieds-noirs", nous aurons gagné et alors aucun des problèmes n'aura son acuité »4. Si le rapatrié nécessite dans un premier temps un traitement particulier, il ne faut pas, en créant des structures administratives trop rigides, « accentuer la ségrégation et la tendance spontanée aux droits spéciaux dans l'avenir... » D'où l'idée de « confier aux administrations traditionnelles les problèmes soulevés par les rapatriés et pour lesquels elles ont normalement compétence. C'est une solution d'intégration. Le rapatrié étant redevenu un citoyen normal, s'adresse à l'Administration normale, sauf pour quelques problèmes spécifiques et éphémères, comme l'accueil et les allocations »5.

7Le bilan positif porté par l'Administration équivaut à mettre fin à une situation d'exception, du strict point de vue de la citoyenneté. En 1964, grossissant le trait, il n'y a plus de rapatriés mais seulement une communauté nationale ressoudée, des citoyens d'origines diverses, mais tous égaux en statut. Il n'est pas question de faire de cette situation exceptionnelle, issue d'un état exceptionnel, un véritable statut. Celui de rapatrié doit rester éphémère. Ce jugement peut donc s'interpréter comme la volonté de tourner rapidement la page de la guerre d'Algérie. Il est aussi le reflet de cette conception républicaine, jacobine, qui considère qu'on ne peut intégrer qu'en gommant les particularités, qu'en hâtant la fusion des éléments neufs au sein du creuset national. Et l'on remarque que les juifs d'Afrique du Nord sont compris dans cette formidable machine d'assimilation.

8Politique volontariste, car on sait aussi dans les sphères administratives, que ce bilan positif doit tenir compte des nombreux laissés-pour-compte, rangés dans la catégorie des « cas sociaux ». Le soulagement que semble éprouver l'Administration devant le fait que, finalement, les rapatriés ont accepté leur sort, qu'ils commencent à retrouver une situation « normale », tend à minimiser l'impact du rapatriement sur de vastes catégories de population. Ce sont des groupes qui, par leur âge et leur place dans l'économie, ne comptent plus guère dans le paysage politique ou dans le champ économique. On admet donc leur sort difficile, tout en leur apportant une aide, souvent modeste6.

9Si les personnes âgées n'inquiètent guère, les jeunes, en revanche, sont un souci précoce et tenace pour les hommes politiques. Les responsables locaux considèrent que les jeunes désœuvrés, « ni étudiants, ni travailleurs » peuvent représenter un danger, surtout « [...] s'ils ont envie de faire de la politique au sens pied-noir du terme... » Ils redoutent que les quatorze/dix-sept ans deviennent un terrain pour l'OAS7. Roger Peyrefitte, secrétaire d'État à l'Information, est encore plus explicite : « Un certain nombre d'adolescents et de jeunes gens, qui ont assisté et participé à sept ans et demi d'une lutte fratricide, ont pris le goût de la violence [...] La guerre qui a peu à peu gangrené nos élites intellectuelle ou politique, puis nos institutions, aurait pu gagner tout le corps français [...] Un double problème se pose au gouvernement : protéger les jeunes métropolitains des germes dont ils peuvent être porteurs ; les protéger eux-mêmes de la contamination de ceux qui les ont dévoyés »8.

10Plus critique est évidemment le jugement des associations de rapatriés. Elles sont actives à Toulouse (RANFAN, Union nationale des Français d'Algérie et d'Afrique du Nord ; l'Association des Français d'Algérie de la Haute-Garonne ; l'Union familiale des foyers rapatriés). Face à la volonté d'intégration politique rapide, voulue par les autorités politiques, elles mettent en avant la spécificité des rapatriés. Elles se veulent partie prenante dans la réinsertion, en faisant paraître dans la presse locale des offres et des demandes d'emploi. Elles soutiennent les manifestations organisées pendant l'été 1962 pour exiger des logements. Elles critiquent les mesures gouvernementales, et réclament une indemnisation rapide des biens laissés en Algérie, après la mesure prise en 1963 par le gouvernement algérien de les nationaliser.

L'opinion des responsables communautaires juifs

11« Une population qui s'est merveilleusement intégrée », affirme Mme Kremsdorf, responsable de la politique sociale du FSJU à Paris. Elle ajoute que les juifs d'Afrique du Nord, population stable depuis des siècles, « ont gardé des forces intactes pour leur adaptation ».

12Mme Lassy a établi un bilan en 1970 ; elle affirme qu'à cette date, il n'y avait plus de gros problèmes : pas de chômeurs, pas de suicides, pas de délinquance juvénile. Pour elle, le « coup de feu » a duré quatre à cinq ans. Ensuite, ce fut un travail social routinier, « normal ».

13Melle Bensoussan affirme qu'en 1975, la majorité était intégrée. M. Zrihen, responsable de la délégation régionale du FSJU, est encore plus affirmatif : « Non, il n'y pas eu de problèmes. Pour ceux qui n'étaient pas Français, on a fait des demandes, ça c'est arrangé [...] Les gens ont trouvé du travail au fur et à mesure. On n'a pas tellement connu de chômeurs [...] au début, on aidait ceux qui arrivaient et après, ils s'inséraient [...] J'ai fait toute la région, les gens ne se plaignaient pas, ils étaient bien installés [...] Les juifs n'ont pas eu de problèmes. Les personnes âgées, bien sûr, mais on les a aidées. La Communauté était bien heureuse, car le Fonds social l'a soulagée de ce côté-là ».

14Si le jugement est positif, c'est qu'au-delà des faits objectifs, l'institution cherche à valoriser son action. Ainsi, le bilan de la réinsertion est aussi celui du travail du FSJU, celui d'une action communautaire qui a permis à cet organisme de se déployer, localement et nationalement.

L'opinion des intéressés

15S'il est aujourd'hui courant d'évoquer le départ d'Afrique du Nord comme un exil9, les résultats de l'enquête menée en 1993, mettent en relief un autre aspect, le bilan « globalement » positif porté par les individus sur leur insertion. Ce qui motive ce jugement n'est pas seulement une considération économique, le reflet d'une installation réussie, c'est aussi le sentiment d'un enracinement rapidement réalisé.

16Deux questions posées portent sur l'opinion que se font aujourd'hui les intéressés de leur réinstallation10 : 50 % se prononcent pour un succès complet (« totalement réussie ») ; le pourcentage atteint les 84 %, si l'on ajoute ceux qui nuancent leur constat (34 % se décident pour « en partie réussie »). Ce jugement satisfait est corroboré par les 83 %11 qui pensent n'avoir rencontré que « quelques difficultés » ou « pas de gros problèmes ». Algériens et Marocains ont des réponses à peu près similaires.

Opinion des témoins sur leur insertion en France (source : Enquête sur les juifs d'Afrique du Nord)

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17Ce jugement positif est tout de même à moduler. Logiquement, ceux qui sont arrivés dans la période du grand flot (entre 1956 et 1967) font état de plus de difficultés que ceux qui sont arrivés avant ou après. Les problèmes professionnels de la catégorie des plus de quarante ans, dans les années soixante, apparaissent aussi. Toutefois, ils ont un jugement aussi positif que les autres classes d'âge sur leur réinstallation. Ce sont les quelques représentants des catégories les plus modestes qui considèrent avoir une réinstallation non réussie : ouvriers, employés, petits commerçants et les femmes sans travail lors de l'enquête.

18L'opinion se colore aussi selon les générations. Les personnes estiment avoir globalement mieux réussi que leurs parents (4 % de « pas du tout réussie » pour eux-mêmes contre 9 % pour leurs parents)12. Et plus de 80 % (84 %) pensent que l'installation de leurs propres enfants est une totale réussite. L'enquête privilégiant des représentants des classes moyennes ayant connu un net mouvement d'ascension sociale depuis leur arrivée en France, les personnes interrogées ne peuvent qu'avoir une vision favorable de leur insertion.

19Ce constat ne repose pas uniquement sur des faits économiques. Le jugement tient implicitement compte de l'ensemble de la famille (ascendants et descendants) et se situe dans une perspective de trajectoire familiale. La réussite est d'avoir pu reconstruire, dans le terreau local, la cellule étroite ou élargie de la famille.

20L'exode apparaît bien comme un phénomène à double face. Il est la fin d'un monde, celui des vieillards qui n'ont pu trouver leur place de l'autre côté de la Méditerranée ; c'est la face nostalgique. Mais il est aussi une chance pour les plus jeunes, la possibilité de donner à leurs enfants un avenir économique meilleur, de rompre avec un univers certes familier et rassurant, mais aussi sclérosant.

21L'ascension sociale des enfants, basée sur la volonté des parents de profiter des possibilités offertes par la métropole, en témoigne. Les données de l'enquête de Jean-Paul Lévy fournies par les archives du consistoire apportent un éclairage sur le devenir des enfants. À partir de 1980, dans les registres de mariages du consistoire, des renseignements apparaissent concernant les professions des mariés et de leurs parents respectifs. Ces données permettent de délimiter un groupe de 137 pères et 289 enfants13. On y trouve à peu près tous les groupes socioprofessionnels. Concernant les pères, les couches populaires dominent très largement ; elles représentent 72 % du total, si l'on additionne les petits commerçants, les employés et cadres moyens et les ouvriers. L'étude du groupe des enfants permet de percevoir très nettement le mouvement d'ascension sociale, même si 12 % des effectifs sont encore aux portes du monde professionnel. On remarque le recul des classes les plus modestes : ouvriers, petits commerçants et, dans une moindre mesure, les employés et les cadres moyens (40 % pour 72 % des pères). Corrélativement, on note l'essor des catégories les plus élevées, celles auxquelles on accède par le savoir (ce qui explique le nombre de personnes encore en études au moment du mariage). Professions libérales et cadres supérieurs forment 45 % du total, encore renforcés par une part non négligeable des étudiants.

22Cette montée dans l'échelle sociale s'effectue par un transfert des catégories liées au commerce et à l'artisanat vers les professions intellectuelles. Dans la catégorie « petits et gros commerçants », « industriels » chez les pères (comparaison entre la profession du père et celle des enfants), seul un enfant sur cinq suit les traces paternelles. Dans le groupe des pères ouvriers et employés, le mécanisme d'ascension sociale se laisse également entrevoir. Le quart seulement des enfants continuent sur la voie tracée par le père, 51 % sont déjà cadres supérieurs ou professions libérales, auxquels il faudra par la suite ajouter une bonne part des 35 % d'étudiants. Si l'on replace ces données dans le temps, on voit que le mouvement d'ascension sociale amorcé en Afrique du Nord ne fait que se renforcer en France. Que le rapatriement soit une chance, c'est bien ce que confirme l'assistante sociale du FSJU : « La réussite des enfants est indéniable. On assiste à une éclosion intellectuelle. Les enfants deviennent bacheliers, puis poursuivent des études. C'est dû à une prise de conscience des parents de leur manque de formation. Ils veulent donc donner une chance aux enfants, voire se réaliser à travers eux ».

23Doris Bensimon, dès la fin des années soixante, remarquait ce désir de promotion chez les parents, ainsi que l'attrait pour les professions libérales et le fonctionnariat. Elle augurait un changement dans la répartition des CSP, qui se concrétiserait par une montée dans l'échelle sociale, avec un abandon du commerce et de l'artisanat, et aboutirait à terme à une plus grande dispersion professionnelle, tous phénomènes que nous avons pu vérifier.

24Alors, insertion réussie ? Oui, répondent les différents acteurs, avec divers motifs de satisfaction. Oui, pour l'État qui se hâte de mettre fin à sa politique de rapatriement de peur de voir apparaître une catégorie à part de citoyens, nantis de droits particuliers. Oui, disent les dirigeants du FSJU parce que leur responsabilité est engagée et qu'ils jugent autant leur action que le fait social en soi. Oui, enfin, répondent les intéressés, car l'installation en France a permis non seulement de conserver un statut antérieur, mais surtout de lancer les enfants sur la voie de l'ascension sociale.

25Un autre aspect de l'insertion globalement réussie des juifs d'Afrique du Nord est le renouvellement du tissu socioprofessionnel juif au sein de la cité.

Une nouvelle donne socioprofessionnelle

Le poids nouveau des salariés, un fait sépharade

26Entre la société toulousaine des années cinquante où les indépendants dominaient, et celle des années quatre-vingt où les professions libérales et supérieures attirent une part sensible des jeunes, les années soixante ont marqué une étape originale dans l'histoire sociale des juifs de Toulouse. L'arrivée d'un groupe important de petites gens, employés modestes, petits fonctionnaires, ouvriers..., renouvelle complètement le profil sociologique.

27Ces salariés modestes sont eux-mêmes au cœur d'un phénomène qui touche l'ensemble des rapatriés, le glissement vers le salariat. Bien mis en lumière par P. Baillet14, voulu et encouragé par l'État, dans le cadre général de la modernisation de l'économie française, il est tout à fait lisible dans les sources FSJU. Les catégories artisans et commerçants d'Afrique du Nord, même en tenant compte des lenteurs de la réinsertion des de ces groupes, voient fondre leurs effectifs.

Professions en Afrique du Nord et en France (source FSJU)

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Légende : AGR : agriculteur ; ART : artisan ; EMP : employé ; COM : commerçant ; OUV : ouvrier ; C.PI : cadre, profession intellectuelle ; IND : industriel ; S.P : sans profession ; RET : retraité ; ETU : étudiant ; CHO : chômeur ; NSP : ne sait pas

28Alors qu'une partie des effectifs part à la retraite, les plus jeunes se dirigent vers le salariat, profitant éventuellement des aides gouvernementales. Ce glissement est appuyé par le fait qu'aucun autre groupe professionnel n'a choisi les métiers indépendants. Le schéma est à nuancer en ce qui concerne les Marocains qui opèrent un mouvement vers les professions indépendantes, ressortissant à une des voies classiques d'intégration des immigrants d'origine étrangère par l'échoppe ou la boutique.

L'importance nouvelle des employés

29Le glissement vers le salariat grossit le nombre de cols blancs au sein de la population juive. Avant l'arrivée des juifs d'Afrique du Nord, ils étaient rares à Toulouse, comme ailleurs. « Les originaires d'Europe centrale sont rarement employés ou cadres moyens. Parmi les originaires d'Europe centrale et occidentale, professions libérales et cadres supérieurs prédominent largement. Cette tendance est encore accentuée dans la vague d'arrivée de la Deuxième Guerre mondiale »15.

Les fonctionnaires

30En Algérie, existait au contraire un groupe assez important de petits et moyens fonctionnaires, d'origine juive, qui reflète l'accession à une scolarité moyenne de la génération née dans la première moitié du siècle. Les divers métiers de la fonction publique sont bien illustrés dans les sources FSJU, depuis les agents communaux16, les gardiens de musée, les militaires, le personnel de la SNCF, jusqu'à la cohorte du personnel enseignant (instituteurs, professeurs, surveillants). Avec humour, le rabbin Rozen rapporte que si tout le personnel juif des PTT avait chômé le samedi, la poste à Toulouse n'aurait guère fonctionné dans les années soixante. Hormis le personnel communal, les autres fonctionnaires n'ont pas connu de problèmes d'insertion particuliers, sinon de se rapprocher de leur famille ou d'une communauté préexistante.

Les autres catégories d'employés et cadres moyens

31Les archives FSJU font apparaître la catégorie abondante des employés modestes. Ils représentent 29 % des professions connues en Afrique du Nord, 15 % en France. Mais en valeur absolue, leur nombre ne diminue qu'à peine. Ils sont 118 en Afrique du Nord, 68 en France, auxquels il faut ajouter 36 personnes au chômage, qui ne changeront certainement pas toutes de secteur. Un tiers de ces employés vient du Maroc, ce qui correspond au poids des Marocains dans la population masculine totale. Ce sont souvent des catégories modestes. Nombreux sont ceux qui se déclarent comptables et sont de fait des employés de bureau sans grande qualification17.

32Contrairement aux fonctionnaires, ces catégories d'employés passent par une phase difficile au cours de leur réinsertion, comme le révèle le nombre de chômeurs. Leur stabilisation professionnelle a pu prendre plusieurs années.

Un véritable prolétariat ouvrier

33À côté du groupe nombreux des employés, celui des ouvriers et du personnel de service représente aussi une part importante de la population des nouveaux venus. Ils forment 18 % des professions en Afrique du Nord18, 16 % en France. Parmi ceux-ci, la moitié avaient déjà ce statut19. Un peu moins du quart (22 %) d'entre eux exerçaient cependant une autre profession en Afrique du Nord (10,5 % étaient artisans). On retrouve le mouvement vers le salariat, qui se conjugue avec une prolétarisation des couches indépendantes. Pour certains, le phénomène a pu être provisoire. Tel est le cas de cet artisan qui, ne trouvant pas à se réinstaller, est devenu ouvrier pendant quelques années, avant de retrouver son ancien statut.

34Ces ouvriers se retrouvent dans toutes les branches de l'activité industrielle et artisanale de la région. Une première catégorie concerne les métiers traditionnels (21 cas) : dans la confection, 11 personnes (ouvriers tailleurs, presseurs, coupeur...) ; cordonnerie (4 personnes) ; 6 autres (un garçon boucher, un ouvrier joaillier, 3 ouvriers coiffeurs et un ouvrier tapissier). Les secteurs plus modernes de l'activité économique sont aussi représentés : le bâtiment (peintres, maçons...), la mécanique automobile (4 cas), les métiers d'ouvriers qualifiés (deux rectifieurs-outilleurs, un soudeur) ; et enfin des ouvriers des grandes entreprises de la région (ONIA, Bréguet, Sud-Aviation, CEAT à Balma, Cartoucherie de Lannemezan). Enfin il faut ajouter des emplois moins qualifiés, comme magasinier (2 cas). 37 % de ces ouvriers des secteurs « modernes » proviennent du Maroc, 55 % d'Algérie. Ce sont presque tous des hommes jeunes, nés après 1910 et même plus tard pour les Marocains. Ainsi le mouvement qui pousse les jeunes générations vers les secteurs les plus modernes de l'activité industrielle et artisanale est confirmé.

35Μ. B., originaire de Tunisie, ouvrier civil dans l'armée française, s'est trouvé affecté dans la région de Toulouse à la suite de l'affaire de Bizerte, en 1961. Sa femme et lui s'estiment satisfaits de leur intégration en France qui a permis au mari de trouver un emploi stable et un appartement à leur convenance dans le quartier populaire de Bagatelle. « On a travaillé pour arriver à ce stade. Maintenant, je suis retraité, locataire, mais grâce à Dieu, je suis bien. J'ai ma pension, j'ai pu arranger ma maison. Mais je n'ai pas pu acheter quelque chose ou construire... » Quinze ans plus tard, le pourcentage d'ouvriers a considérablement chuté. Dans l'enquête menée par J.-P. Lévy, 2,7 % seulement des pères se déclarent ouvriers. On remarque la même chose dans l'enquête sur les juifs d'Afrique du Nord avec 1,2 %. Cette prolétarisation constatée plus haut a été, pour beaucoup, un phénomène passager. Pour les ouvriers, ce statut n'était qu'un pis aller dans la situation difficile de la réinsertion. On peut imaginer que le comptable qui s'est retrouvé manutentionnaire, ou l'ancien commerçant qui a accepté un emploi de ce type, ont tenté de retrouver au plus vite leur ancien statut.

36Compte tenu de nos sources, il est difficile de donner un pourcentage exact de ces catégories modestes au sein de la population juive toulousaine. On ne peut que saisir les mouvements sociologiques qui les ont parcourues, à savoir une certaine prolétarisation des indépendants, le maintien pendant quelque temps en métropole d'une couche d'ouvriers. Mais on doit relever, sur un plus long terme, un mouvement ascendant provenant des plus jeunes qui ont accédé au statut d'indépendant par le petit commerce ou l'artisanat.

Catégories de salariés encore à dominante ashkénaze

37Parmi les représentants et les ingénieurs, l'élément ashkénaze continue à dominer malgré l'arrivée de Nord-Africains dans la profession. D'après l'Annuaire, en 1958, sur les 19 représentants répertoriés, tous semblent originaires d'Europe ; ils sont encore 18 sur 30 en 1967. En 1963, 3 d'entre eux viennent d'Afrique du Nord, 7 en 1967. Ainsi, la croissance de l'effectif est également due aux deux composantes de la judaïcité toulousaine.

38Pour les ingénieurs, le phénomène est patent : on passe de 21 en 1958 à 34 en 1967. Si tous semblent ashkénazes en 1958, 5 seulement sont d'origine d'Afrique du Nord dix ans plus tard. Non qu'il n'existât pas d'ingénieurs d'Afrique du Nord ; mais peut-être ont-ils préféré s'installer dans des régions plus industrielles.

La diversification du monde des indépendants

39L'arrivée des juifs d'Afrique du Nord mais aussi les changements qui ont affecté à la fois la ville de Toulouse et la société française tout entière, vont amener une plus grande diversification des activités des indépendants. Le niveau de vie des Français s'améliorant, des services de plus en plus variés leur sont offerts, que les nouveaux venus, juifs ou non, sont peut-être plus prompts que les autres à découvrir : services liés à l'automobile, à l'aménagement de la maison, à la beauté...

40Le dépouillement de l''Annuaire de 1967, mené en comparaison avec celui de 1958 déjà étudié, permet de dresser le tableau suivant.

Répartition des professions toutes catégories confondues en 1967 (source : Annuaire 1967)

Profession

en % des professions connues

Artisan

73

12,6

Commerçant

240

41,6

Droit

10

1,7

Docteur/Dentiste

68

11,8

Paramédical

16

2,7

Représentant

30

5,2

Négociant

8

1,3

Grossiste/fabr

30

5,2

Industriel

9

1,5

Ingénieur

34

5,9

Comptable

8

1,3

Fonct./Employé

21

4,2

Professeur

12

2

NSP

138

Autre

17

3

Total

714

100 %

Les commerçants

41Parmi les 240 commerces de 1967, la moitié concerne encore les métiers traditionnels de la confection, de la fourrure, du cuir, etc. Les commerçants originaires d'Europe centrale, orientale20, sont particulièrement bien représentés dans cette catégorie (60 des commerçants).

42En revanche, les sépharades se pressent dans d'autres branches, tels les bijoutiers. Sur 17 au total, 14 d'entre eux n'étaient pas répertoriés en 1958 ; 12 portent un patronyme d'Afrique du Nord. Ce sont ces mêmes bijoutiers que nous avons évoqués dans la première partie, du moins ceux qui semblent avoir réussi à se réinstaller.

43Il n'y avait pas de boucher juif à Toulouse avant l'arrivée des sépharades. En 1967, on en trouve 13, tous avec un patronyme d'Afrique du Nord. Trois semblent s'être installés entre 1958 et 1963, les autres après cette date. Tous ne vendent pas de la viande cacher (et même ceux qui en vendent peuvent avoir une autre boutique où ils n'en servent pas). Cette installation significative de bouchers marque un tournant dans l'histoire de la Communauté. Elle permet de satisfaire les besoins religieux des nouveaux venus habitués, pour beaucoup, à consommer de la viande cacher. De plus, elle offre la possibilité d'une meilleure observance des règles de la cacherouth aux anciens de la Communauté toulousaine. Et ne faut-il pas voir dans cette installation Tune des bases du retour à des pratiques alimentaires, assez sensible aujourd'hui ? Dans la même catégorie, on peut ranger les épiciers, droguistes, etc., identifiés en 1967 alors qu'ils n'apparaissaient pas en 1958.

44À côté de ces commerces, que Ton peut ranger dans le secteur traditionnel, on voit apparaître des services plus « modernes », plus proches des goûts et des modes de vie en cours : magasins de fournitures automobiles, d'appareils électriques divers, des pressings, des librairies-papeteries, une auto-école, une agence de publicité, un cabinet d'esthétique, des hôtels... La liste est longue, et témoigne de l'extrême diversité des commerces des nouveaux venus.

45Les sépharades renforcent la catégorie des négociants et des grossistes. La plupart d'entre eux restent dans le secteur traditionnel. Mais là encore, ils innovent. Tel est le cas de ce couple de grossistes en fruits et légumes qui possédait un grand bazar en Algérie. Arrivés au plus fort de l'exode en 1962, M. et Mme C. se remettent au travail : « Mon mari a acheté cette mûrisserie au moment où le marché était en construction. Au moment où il Ta achetée, tous ces primeuristes, puisque c'est le terme, ces grossistes, travaillaient la nuit et sur les trottoirs. Ça s'appelait les carreaux. Ils avaient un barnum, ils le dressaient comme vous voyez sur les marchés en plein vent, ils avaient un emplacement, et ils faisaient leurs ventes là [...] Il Ta achetée en association, l'un restait à la mûrisserie, l'autre faisait le carreau, c'est-à-dire qu'il allait sur les marchés de plein vent pour vendre des bananes, des fruits, toutes les importations qu’ils faisaient à l'époque, à savoir l'orange d'Espagne, les citrons [...] et le pamplemousse qui était inconnu à Toulouse. C'est mon mari qui a eu l'audace de l'importer le premier [...] Quand il a acheté cette mûrisserie, c'est avec la promesse de pouvoir entrer au marché-gare, enfin le MIN, avec le titre de primeuriste-grossiste. Ce qui fait que lorsque le marché-gare a été terminé, mon mari a revendu les lieux [...] a dissous l'association, il a pris une case, c'est comme ça que ça se nomme, son associé, une autre. Celui-ci a gardé le mûrissage de bananes, et mon mari, le côté primeurs, légumes d'importation... »

46Les juifs d'Afrique du Nord sont à l'origine du renouvellement du commerce, à prendre dans les deux sens : ils grossissent les rangs des commerçants traditionnels, confection, textile, et assurent, dans les années à venir, la pérennité du groupe des commerçants juifs dans la ville. Dans les années soixante, entre les vieux toulousains (ashkénazes ou turcs) et les Nord-Africains, c'est encore la cohabitation qui prévaut. Dans les décennies qui suivent, on voit s'opérer une fusion, par la voie notamment du mariage entre enfants des deux groupes. Les Nord-Africains rachètent les boutiques des premiers qui partent à la retraite. Aujourd'hui, le vieux centre ashkénaze de la place de la Bourse a perdu son caractère des années cinquante21.

47Mais le renouvellement se comprend aussi sur le plan des activités. Les Nord-Africains se tournent vers les secteurs plus neufs. Leur position de « nouveaux venus » leur permet de repérer ce qui manque à la ville et de s'installer dans des domaines qui leur semblent porteurs, constituant ainsi ce ferment de modernité que les études sur les rapatriés ont su mettre en valeur.

Artisans et fabricants

48C'est la même dynamique de renouvellement que l'on retrouve dans ces catégories : le renforcement d'un secteur traditionnel et l'ouverture à la modernité.

49Le premier est représenté par les nombreux coiffeurs, tailleurs, cordonniers et couturiers ou couturières que nous avons pu identifier. C'est la transplantation sur le sol de la métropole des petites échoppes méditerranéennes. Celles qui ont subsisté jusqu'en 1967 ne doivent pas faire oublier, comme on l'a vu dans les archives du FSJU, que nombre d'entre elles ont vivoté, et que les faillites ont été relativement nombreuses.

50À côté des ces activités traditionnelles, qui restent tout de même prépondérantes, apparaissent quelques métiers plus tournés vers la modernité : transporteurs, professions tournant autour de la construction (entrepreneur en bâtiment, artisans peintres, menuiserie métallique, serrurerie) et de la mécanique (ateliers de mécanique, d'emboutissage)... Ces métiers sont plutôt le fait des nouveaux venus, pour les mêmes raisons que celles avancées pour les commerçants qui, de plus, les pratiquaient souvent déjà en Afrique du Nord.

51Les fabricants sont majoritairement des « métropolitains » (14 sur 17), en 1958. Ils restent spécialisés dans les métiers traditionnels : confection, maroquinerie et fabrication de meubles. Ceux qui se qualifient d'industriels sont originaires d'Afrique du Nord.

52Pour les commerçants, artisans et fabricants juifs, les années soixante correspondent à une ouverture mesurée vers des professions autres que celles léguées par la tradition. Même si cette ouverture reste assez limitée, c'est seulement à partir de ces années-là que Toulouse opère sa mue économique, en partie grâce à la stimulation provoquée par l'afflux des rapatriés.

Les autres professions indépendantes

53Le groupe des médecins se trouve renforcé par l'arrivée des nouveaux venus. Le phénomène n'est pas récent. La parité est presque totale en 1967 entre patronymes d'Europe et d'Afrique du Nord : 10 dentistes et 21 médecins pour ceux-ci ; 11 dentistes et 24 médecins pour ceux-là. Si le nombre de médecins a augmenté, passant de 42 en 1958 à 59 en 1963 et 68 en 1967, la progression est due également aux deux composantes de la population juive. Le monde médical se trouve aussi représenté par les infirmiers ou infirmières, les sages-femmes, les prothésistes, les kinésithérapeutes.

54Les nouveaux venus sont également représentés dans les professions juridiques. Si la ville a toujours compté un nombre limité d'avocats juifs – parmi lesquels Maître Folus, élu municipal, est un exemple – ces professions se renforcent d'avocats ou avoués venus d'outre-Méditerranée.

Les femmes au travail ?

55D'après les études de Doris Bensimon et Sergio della Pergola, le taux d'activité de la population juive féminine est moins élevé que celui de la population globale. Un peu plus du tiers (40 %) des femmes juives travaillent, contre 50 % pour l'ensemble des femmes dans la région parisienne, encore moins en province : « Les femmes exerçant une activité professionnelle sont peu nombreuses. Dans la population globale, le taux d'activité féminin en province est moins élevé que dans la région parisienne. Il est particulièrement bas dans le midi de la France »22. Par ailleurs, il semblerait que la partie originaire d'Afrique du Nord ait un taux d'activité inférieur à celle née en France ou en Europe centrale (33 % pour les unes contre 47 % pour les autres).

Données générales

Professions des femmes (source FSJU)

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Légende : ART : artisan ; CHO : chômeur ; COM : commerçant ; C/PI : cadre/profession intellectuelle ; EMP : employé ; ETU : étudiant ; OUV : ouvrier ; RET : retraité ; S.P : sans profession ; NSP : ne se prononce pas

56Le constat est tout à fait vérifié pour la population juive féminine qui s'installe à Toulouse. En France, 70 % sont sans profession, qu'il convient de distinguer des personnes au chômage. Le chiffre est important ; il témoigne de la difficulté que rencontrent les catégories professionnelles les plus pléthoriques à se réinsérer. Ainsi, parmi les 110 femmes sans emploi, 18 travaillaient en Afrique du Nord. Devant les problèmes du marché de l'emploi, elles semblent se retirer du monde professionnel23.

57Et pourtant l'entrée dans le monde du travail des épouses est un fait attesté par les acteurs sociaux qui ont accompagné l'installation des nouveaux venus. « Les femmes se sont mises peu à peu au travail. En travaillant bénévolement d'abord, et en demandant l'autorisation du mari pour qu'il laisse sortir sa femme »24. Face aux difficultés de réinsertion du mari, il n'est pas rare que la femme qui n'avait pas d'activité professionnelle en Afrique du Nord, en prenne une le temps que l'époux stabilise sa situation. Tel est le cas de Mme H. que son mari rapporte : « Le début [de la vie en France] a été très dur. Mais l'État nous a aidés [...] Ma femme au début, comme il fallait qu'elle travaille, elle était couturière à son compte, diplômée. Elle était couturière quand elle était jeune fille. Mais mariée [...] Chez nous les femmes ne travaillent pas. Les femmes sont faites pour rester à la maison, pour élever les enfants. Ici, ce n'était pas facile de trouver une place. Elle a commencé à travailler. On a souffert de voir ma femme comme cela [...] On a commencé à y arriver avec ce qu'on avait comme ressources, ma femme n'avait plus besoin de travailler... » Les archives du FSJU révèlent une dizaine de situations semblables : les femmes sollicitent un emploi, souvent peu qualifié, pour traverser la période de réinsertion. Traverser, car si Ton se réfère aux données de l'enquête de J.P. Lévy, la génération la plus âgée n'est guère active. Sur les 131 mères de jeunes mariés, dont on connaît le statut pour les années quatre-vingt, le taux d'activité est de 24 %25. Cette génération, qui a connu la transplantation, semble avoir vite retrouvé le chemin des foyers une fois les choses stabilisées.

58En revanche, trois catégories ont rejoint le monde du travail : les femmes seules, les plus qualifiées et les jeunes. Les sources FSJU font apparaître que si les femmes mariées sont actives pour seulement 24 % d'entre elles, ce pourcentage passe à 55 % pour les divorcées et 51,5 % pour les célibataires. On peut intégrer dans cette catégorie les jeunes veuves, obligées de subvenir seules aux besoins de leurs enfants.

59La qualification joue aussi un rôle mis en évidence par le questionnaire et qu'une enquête plus approfondie ne pourrait que confirmer. La femme qui a fait des études plus longues accepte difficilement un repli sur le foyer. Parmi les personnes interrogées, celles qui ont continué une activité professionnelle sont les plus qualifiées.

60Quant aux filles de celles qui ont connu l'exode, elles participent vivement à l'entrée des femmes dans le monde du travail. Elles sont actives à 97 % dans les années quatre-vingt26. Les familles n'ont pas fait de différence entre la fille et le garçon, poussant l'un et l'autre à suivre des études et à intégrer le marché du travail.

61La disparité entre les mères et les filles tient aussi à la structure du travail féminin. Les jeunes célibataires exercent massivement une activité professionnelle en attendant de se marier. Ce qui était vrai en Afrique du Nord le reste, en moindre partie certes, en France : « Le taux d'activité et plus particulièrement le taux d'activité féminine varie fortement en fonction du statut matrimonial [...] les femmes exercent surtout une activité professionnelle soit dans les années qui précèdent le mariage, soit en cas de divorce »27. Le statut de femme mariée s'accompagne souvent d'une inactivité professionnelle. Cette correction mise à part, la mise au travail des femmes sépharades est nette. Ce phénomène ressortit au mouvement général de la société qui, ces trente dernières années, a précipité les femmes sur le marché du travail. Mais c'est certainement un bouleversement majeur dans la population juive originaire d'Afrique du Nord. Ce mouvement, qui s'était largement amorcé avant 1962 pour la génération de l'entre-deux-guerres, devient le modèle dominant chez leurs filles. Il serait intéressant de voir comment cette donnée nouvelle interfère aujourd'hui dans l'organisation de la transmission des valeurs juives, dont la femme est le pivot dans la famille traditionnelle28.

62La population active féminine29 des années soixante fait une large place aux professions modestes (ouvrières, employées...). Une catégorie échappe à toute statistique, celle des travailleuses à domicile ; elle n'était pourtant pas négligeable et leur activité permettait d'équilibrer bien des budgets fragiles. Parmi ces actives des années soixante, les plus jeunes, souvent mieux qualifiées, se maintiennent sur le marché de l'emploi. Leurs filles poursuivront leurs traces, pour arriver pratiquement à égalité avec les garçons face au travail.

63L'arrivée des Nord-Africains se solde par une dynamique apportée à l'ensemble du groupe. Celui-ci, assez homogène dans les années cinquante, subit un mouvement d'éclatement. Il est tiré vers le bas par l'apparition de catégories très modestes, sinon pauvres, vieillards, laissés-pour-compte de l'insertion, prolétaires, petits employés. En même temps, l'insertion réussie de fonctionnaires, d'employés qualifiés, de commerçants avisés, conforte cette bourgeoisie moyenne déjà bien installée.

64Cette dynamique ne se mesure pas seulement aux années soixante. L'exode a permis d'accélérer le mouvement d'ascension sociale qui touche filles et garçons d'une génération sur l'autre. C'est donc dans les années soixante que se prépare, à travers l'éducation donnée aux enfants, la formation de cette bourgeoisie moyenne qui forme aujourd'hui un groupe important, comme nous le révèlent les enquêtes récentes30.

La nouvelle donne géographique

65En janvier 1964, l'exode est presque terminé. La Haute-Garonne a accueilli 48 820 rapatriés, fonctionnaires compris31. Selon Christine Toujas-Pinéde, environ 40 000 se seraient fixés à Toulouse à cette date. Combien d'entre eux sont juifs ? L'intérêt de cette réponse n'est pas seulement démographique. Les institutions juives ont tendance à surestimer le chiffre pour marquer la place prise par la Communauté au sein de la judaïcité française32. C'est aussi un moyen de souligner le poids de la population juive à l'intérieur de la ville, vis-à-vis des autorités locales.

66Les organisations juives disposent de moyens d'estimation. En 1964, la taxe acquittée par les boucheries et les épiceries cacher33 permettait de fixer à 20 000 le chiffre de juifs habitant dans la zone comprise entre Toulouse, Albi, Montauban et Agen, en gros celle desservie par la Délégation régionale du FSJU. La même année, les organisateurs des mouvements de jeunesse estiment que la population devrait se situer entre 12 000 et 15 00034 pour la capitale régionale. Plus tard, en 1969, le directeur régional du FSJU donne des chiffres précis. « En 1962, la population juive de Toulouse s'élevait à peu près à 2 500 âmes (ce qui paraît peu). Plus de 16 000 de nos frères d'Afrique du Nord sont, depuis, venus s'installer dans le Sud-Ouest : ce qui représente près de 15 % de tous les juifs rapatriés [...] »35.

67Le chiffre concerne également la zone couverte par la délégation régionale du Sud-Ouest. Concernant la seule ville de Toulouse, on peut penser qu'il devrait varier entre 12 et 14 000 rapatriés36.

68Donc, aux 2 500 personnes présentes à la fin des années cinquante, chiffre augmenté par l'arrivée de familles entre 1958 et 1961, pour donner environ 3 500 à 4 000 âmes juste avant l'arrivée du grand flot, sont venues s'ajouter entre 7 et 9 000 personnes au moment de l'exode. Cette population n'a cessé d'augmenter au cours de la décennie, du fait de l'arrivée continue des Marocains avec le dynamisme propre à une population jeune, aux traditions natalistes encore vivaces. On peut donc penser qu'elle atteint et dépasse les 15 000 personnes à la fin des années soixante37.

La dispersion dans l'espace toulousain

69À la fin des années cinquante, l'essentiel de la population, boutiques et domiciles, se trouvait dans les quartiers centraux de Toulouse. Pourtant des tendances centrifuges apparaissaient déjà. Des commerçants modestes s'installaient dans des quartiers populaires du nord de la cité, tandis que des commerçants et des fabricants aisés, des médecins, habitaient dans les quartiers plus « bourgeois » de l'est.

70L'arrivée des nouveaux venus accentue ces tendances. Le centre ancien de la ville conserve sa prééminence. Mais l'évolution fondamentale est bien l'installation d'une partie importante des nouveaux venus dans les grands ensembles périphériques, au nord et au sud-ouest. À partir de 1963, et surtout dans les années suivantes, ces habitations, conçues pour absorber les populations issues à la fois de l'exode régional et des migrations nord-africaines, sont livrées au public. On sait qu'un certain pourcentage de ces logements – 30 puis 10 % – fut réservé aux rapatriés. Ce qui aboutit à un regroupement des « pieds-noirs » dans de grands ensembles : Bagatelle, Papus, Cristal résidence... Celle-ci, déjà construite au moment de leur arrivée, leur fut largement ouverte (comme la cité Amouroux au nord). Entre 1962 et 1968, ces quartiers connaissent une forte progression, principalement le centre rive-gauche qui va de Saint-Cyprien à Bagatelle, et qui voit passer sa population de 47 800 habitants en 1962 à 73 600 en 1968, soit la plus forte progression de toute la commune toulousaine38. C'est là que s'installent majoritairement les juifs d'Afrique du Nord.

Répartition de la population entre 1960 et 1970 (enquête J.-P. Lévy)

Quartiers

Total

31000

31,5

31100

15,7

31200

11

31300

6,4

31400

13,8

31500

16

Toulouse indéterminé

5,6

Total

100 %

71La population déjà présente à Toulouse avant 1958 reste majoritairement au centre ville39. Ainsi s'établit une occupation de l'espace quelque peu différente selon les diverses composantes de la population juive. Les juifs nord-africains sont pris dans le mouvement général issu à la fois du rapatriement et de l'aménagement de la ville, qui aboutit à répartir les populations nouvelles aux périphéries. Certes, le centre historique, le plus densément peuplé, conserve en général toute son attraction pour les deux populations. Le nombre de bouchers juifs donne une bonne indication : 5 sur 13 d'entre eux sont installés au centre ville, le reste se disperse dans les quartiers périphériques, avec peut-être une légère préférence pour le nord de la ville. Mais l'arrivée des nouveaux venus contrarie un peu la tendance qui s'était établie auparavant : le glissement vers le sud et Test. C'est le sud-ouest et le nord qui deviennent, dans ces années-là, le lieu d'expansion géographique de la population juive, comme celui de la ville en général.

72Plus finement encore, on peut percevoir des modifications dans le peuplement de l'espace, au centre même de la ville. Les vieilles rues commerçantes et actives conservent leurs négoces juifs, où quelques nouveaux venus se mêlent aux anciens : dans le quartier de la Bourse, la rue des Filatiers, la rue Saint-Rome, la rue Alsace-Lorraine... Un foyer plus récent se dessine autour de la rue Matabiau, et surtout de la rue Bayard où, en 1967, dans un immeuble neuf, se rassemblent plus de 15 familles venues d'Afrique du Nord. Un boucher cacher s'installe dans le secteur entre 1963 et 1967. En dehors de ce premier cercle urbain, on remarque le même phénomène dans le quartier des Minimes où s'ouvre le Bureau du FSJU. Des immeubles neufs, une population souvent modeste, un lieu commercialement assez animé et non loin du centre ville, sont les atouts de ce quartier.

73Les témoignages permettent de comprendre quel fut le climat, si particulier, dans les grands ensembles du sud-ouest de la ville, où les juifs étaient assez nombreux. Les classes et les origines, tant confessionnelles que géographiques, s'y sont mélangées.

74Aucune acrimonie ne se dégage de ces témoignages, seulement une certaine nostalgie. Après les logements de fortune que Ton avait trouvés en arrivant, c'était le retour à un certain confort (que beaucoup de Toulousains pouvaient leur envier, compte tenu de l'état souvent vétuste des habitations dans la ville). D'autre part, on y accédait après une période d'attente et de multiples démarches, ce qui donnait tout son prix au nouveau logement.

75Quand les rapatriés racontent leur installation, la manière dont ils ont obtenu un logement dans ces grands ensembles est toujours rapportée comme un grand moment.

76Les témoins insistent aussi sur le mélange des populations. Μ. H. se rappelle : « Tout Cristal résidence était occupé par des Nord-Africains de toutes sortes. On avait des voisins catholiques, mais presque pas comme Arabes... Et puis on est allé habiter Bagatelle : on était très bien dans la rue du Lot. On avait de bons voisins ; on avait des voisins arabes, qui étaient très charmants. Ils nous ont respectés comme nous les avons respectés ».

77S'ils soulignent les aspects positifs des résidences (confort des logements, plaisir de retrouver des gens de même origine), ils font aussi état, plus ou moins directement, de la réputation, pas toujours des meilleures, de ces quartiers. « Alors à Bagatelle, dit Madame D., on se sentait entre pieds-noirs, là oui ! Là, comment dire, c'était comme un ghetto, des HLM faits exprès pour les pieds-noirs, alors il y avait de tout : des Algérois, des Constantinois, des Oranais, on était entre pieds-noirs. Moi, j'avais de l'amitié pour tout le monde. Ça se passait en famille à Bagatelle. Voilà, nous étions une masse de rapatriés différents, comme dans un jardin plein de fleurs mélangées. »

78Et elle ajoute : « Mais quand on disait qu'on habite Bagatelle, on avait mauvaise renommée [...] Tous ceux qui habitaient Bagatelle, c'étaient des voleurs, des bandits... »

79Elle insiste bien sur le fait que la renommée est bien mal fondée. Il n'empêche, au bout d'un certain temps, les gens sont partis : « Maintenant, c'est [Bagatelle] devenu pire. D'ailleurs, toutes les copines qui habitaient là-bas sont parties. Il y en a qui sont parties avant moi, on a quitté en octobre 19... Il y en a d'autres qui sont parties après moi [...] Alors il y a eu beaucoup de changements, on ne reconnaît plus, il paraît qu'on ne reconnaît plus... »

80Tous sont donc partis, au bout de quelques années, à part le couple B., qui s'y trouve encore avec ses enfants, et ne semble pas s'en plaindre. Les autres, lorsqu'ils ont retrouvé leur équilibre, ont préféré des quartiers plus « résidentiels ». Ils illustrent bien la trajectoire de la plupart des rapatriés, qui ont pensé, comme Μ. H., que « Cristal résidence était considéré comme un lieu d'attente. Par la suite, chacun suivant ses moyens ou achetait, ou bâtissait ou allait ailleurs [...] Tout Cristal résidence par la suite a changé ».

81Le passage par les grands ensembles du sud de la ville était donc une dernière expérience de vie entre gens d'Afrique du Nord, entre pieds-noirs, pour reprendre l'expression d'alors, mêlant juifs et non juifs dans un même ensemble. Une sorte de sas entre l'Afrique du Nord et la dispersion à travers l'espace métropolitain. C'est pourquoi, malgré la réputation peu flatteuse qui s'est attachée à ces quartiers, on ne s'en souvient pas de façon négative. Pour Μ. E., c'était aussi une ouverture sur un monde social peu connu de lui : « À partir de 1964, j'ai vécu avec ma mère, d'abord à Bagatelle où nous avions un appartement qui n'était pas mal finalement. Ça m'a servi de voir d'un peu plus près, de comprendre, enfin d'être sensibilisé d'une manière définitive aux problèmes sociaux. Étudiant, on vit dans un monde à part [...] Là, j'ai découvert, enfin, je n'étais pas aveugle, j'ai mieux touché du doigt les problèmes sociaux : famille nombreuse, problème déjà de chômage. On avait des voisins qui vivaient dans la misère. Le 15 du mois, ils n'avaient plus rien à manger [...] ».

La banlieue

82Quelques familles s'installent dans la banlieue toulousaine40. En particulier, on peut voir s'amorcer, de façon encore bien modeste, le mouvement vers les banlieues résidentielles du nord-est, l'Union, Balma. C'est à l'Union que sera créée, dans la décennie quatre-vingt, une association cultuelle. Mais dans les années soixante, la tendance est à peine amorcée. Les rapatriés et réfugiés juifs ne semblent guère s'éloigner de la ville pour des raisons à la fois professionnelles et religieuses.

Dans la grande région toulousaine

83Nos sources font aussi ressortir ce qui est devenu aujourd'hui une évidence, à savoir la dispersion des populations juives dans de petits centres urbains ou ruraux de la région. La carte, à la fin du chapitre, montre l'émergence de communautés organisées dans la région (Auch, Albi, Carcassonne), le renforcement de celles de Montauban, Agen, Tarbes ou Perpignan.

84La délégation du FSJU de Toulouse, couvrant une région qui allait de Bayonne à Carcassonne, confirme le phénomène. Hors Toulouse et sa couronne, en excluant le nord de la France et les résidences étrangères, c'est un peu plus de 12 % de l'échantillon qui réside dans les régions méridionales41. Bayonne, Pau, Montauban, Perpignan reviennent le plus souvent, c'est-à-dire des lieux où préexistait une Communauté. On trouve aussi Tarbes, Carcassonne, Pamiers, où quelques familles juives sont installées.

85Faute de centres urbains dotés d'infrastructure religieuse en dehors de Toulouse et sa couronne, on relève une faible dispersion de la population juive en Haute-Garonne. Quelques membres des professions libérales, médecins ou dentistes, un notaire s'installent hors du chef-lieu du département.

86La majorité de la population juive régionale est encore toulousaine, malgré l'installation de quelques familles rapatriées dans les villes de la région. C'est souvent un choix comportant des sacrifices sur le plan du logement. Plus que les autres rapatriés, les juifs d'Afrique du Nord, par leurs professions essentiellement urbaines (nous n'avons trouvé que deux agriculteurs dans le fichier FSJU), leur volonté de conserver les rites religieux, ont privilégié les villes et de préférence celles où une présence juive était déjà inscrite dans la vie de la cité.

87On peut ainsi considérer que l'exode s'est soldé par une réinsertion rapidement et complètement réussie de la majorité des acteurs. Surtout, il a contribué à accélérer le « passage à la modernité » d'une large partie du groupe, comme en témoigne l'effacement brutal des catégories de travailleurs indépendants liés aux activités traditionnelles, au profit du salariat. Même moins attirant que celui des régions du nord de la France, le contexte économique local d'une ville en expansion dans les années soixante, a permis ce glissement vers des activités nouvelles. La réussite des enfants et l'arrivée massive des filles dans le monde du travail confirment ce bilan.

88La capacité à s'adapter au moule métropolitain de la majorité de ceux issus de catégories traditionnelles est tout à fait évidente. Mais les transformations ont été brutales. Certes, elles étaient déjà largement entamées pour de vastes catégories socioprofessionnelles en Afrique du Nord, employés, fonctionnaires, etc. ; ce passage fut toutefois fatal pour les moins bien armés.

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Répartition des ménages juifs à Toulouse (d'après le bottin de 1958)

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Répartition des ménages juifs à Toulouse (d'après le bottin de 1967)

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Croissance de la population juive à Toulouse entre 1958 et 1967 (d’après le bottin)

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Répartition des Communautés juives en France (source Guide des Communautés juives de France en 1966)

Notes de bas de page

1 D. Bensimon, L'Intégration des juifs nord-africains en France, Mouton, Paris-La Haye, 1971.

2 Archives préfectorales, 2731/31 601 W (1963-1964).

3 Archives préfectorales, 2731/31 601 W (1963-1964).

4 La Dépêche du Midi, 21 juillet 1962.

5 J. Leclerc, Rapport de stage, ENA, p. 15.

6 Telle est la philosophie des indemnités particulières, la décision de verser les allocations de subsistance aux personnes âgées, fin 1962, et l'opération « retraite au soleil », lancée en 1963, les incitant à s'installer dans les petits centres du Midi de la France, moyennant quelques avantages.

7 Archives préfectorales, octobre 1962,2080/20 328 W (1962-1963).

8 La Dépêche du Midi, 25 août 1962.

9 Voir l'article de Chantal Benayoun, « Entre l'exil assumé et l'exil réinventé. Les juifs d'Afrique du Nord, en France », Les Nouveaux cahiers, no 110.

10 Question 36 : Avez-vous rencontré des difficultés lors de votre installation en France ? Si oui, quelles ont été ces difficultés ? Votre installation est-elle réussie ? Et celle de vos parents ? Celle de vos enfants ?

11 Réponse à la question 36 : Avez-vous rencontré des difficultés au cours de votre installation en France, et lesquelles ? – Je n'ai pas eu de gros problèmes : 41 % ; – Oui, quelques difficultés passagères : 42 % ; – Oui, énormément : 16 %.

12 L'âge des enquêtés joue aussi dans ce cas. Ce sont les adultes des années soixante, dont les parents étaient âgés, qui considèrent que l'insertion a été difficile pour ces derniers.

13 De cette base de données, nous avons extrait celles concernant exclusivement les mariés nés en Afrique du Nord. Nous avons exclu les mères, assez peu présentes sur le marché de l'emploi, alors que les filles le sont autant que les garçons et leurs pères. Les phénomènes de migrations socioprofessionnelles sont envisagés à partir de la comparaison enfants/père.

14 « Les Rapatriés d'Algérie en France » in Notes et études documentaires, mars 1976, no 4275-4276.

15 D. Bensimon et S. della Pergola, La Population juive de France, sociodémographie et identité, Jérusalem, 1986, p. 188.

16 Archives préfectorales 2272/22, 396 W, dossiers de prise en charge des agents communaux rapatriés d'Algérie, août-octobre 1962 (8 personnes au moins d'origine juive sur 141 dossiers). Archives FSJU : demande d'une surveillante pénitentiaire de se reclasser dans la région, demande rejetée car ce personnel est en surnombre.

17 « 25 % étaient de petits salariés sans qualification précise : employés de bureaux non spécialisés, vendeurs dans le commerce de détail, coursiers, manutentionnaires, etc. », Sam Castro, XIVe assemblée du FSJU, 1963.

18 Source FSJU. C'est dans la catégorie des ouvriers que se constatent la plupart des mariages mixtes. Le pourcentage des ouvriers d'origine juive est de 12 %, auxquels il faut ajouter 1,6 % de personnel de service.

19 Au moins la moitié semblent être déjà ouvriers en Afrique du Nord, bien que leur statut ne soit pas toujours spécifié. S'ils ne touchent pas une prime de reconversion (versée en cas de passage du statut d'indépendant à celui de salarié), mais une allocation d'installation, on peut penser que leur statut socioprofessionnel a peu changé.

20 Voir tableaux en annexes.

21 Témoignage de Madame P. : « Beaucoup de magasins ont été vendus, parce que certaines personnes sont parties en Israël, d'autres à la retraite ».

22 D. Bensimon et S. della Pergola, op. cit., pp. 197-198.

23 Nous n'avons pas considéré la situation en Afrique du Nord, dont les données sont bien lacunaires : on ne connaît le statut que de 37 % de l'échantillon, avec bien des hypothèses sur le statut réel des personnes.

24 Témoignage de Mme Kremsdorf.

25 Ce qui nous rapproche des chiffres donnés par D. Bensimon et S. della Pergola, op. cit., p. 182. Ces auteurs avancent le pourcentage de 27 %, pour les femmes de plus de quarante-cinq ans natives d'Afrique du Nord. En revanche, l'enquête sur les juifs d'Afrique du Nord donne un pourcentage de 55 % d'actives, chez les femmes nées avant 1930, ce qui corrobore le fait que les catégories supérieures sont surestimées dans l'échantillon, puisque c'est cette catégorie qui est la mieux représentée dans la population active féminine.

26 Enquête J.-P. Lévy.

27 D. Bensimon et S. della Pergola, op. cit., p. 180.

28 Voir les travaux de Joëlle Bahloul en bibliographie.

29 Répartition des professions connues des femmes (source FSJU)

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Légende : Art : Artisan ; Chôm : Chômeuse ; Comm : Commerçante ; C/P.I : Cadre/Profession intellectuelle ; Emp : Employée ; Etud : Étudiante ; Ouv : Ouvrière ; Ret : Retraitée.

30 Voir les travaux de D. Bensimon et S. della Pergola. L'importance de ce groupe ne doit pas nous faire oublier l'existence d'une centaine, voire plus, de familles pauvres touchées par la crise contemporaine. À nouveau, la Communauté se voit confrontée à des problèmes sociaux graves, certainement plus difficiles à résoudre que ceux issus de l'exode des années soixante.

31 Archives préfectorales, 2731/31 601 W, Rapport mensuel de la Délégation régionale.

32 « On annonçait un chiffre de 20/22 000. 22 000, je crois que c'était excessif. » Témoignage de M. Zrihen.

33 « Il y a 9 boucheries et 4 épiceries cacher à Toulouse. Elles versent une taxe de 0,23 F par kilo de viande et dégagent ainsi 3 000 F par mois, versés à l'ΑCIΤ. Ce qui, selon les calculs des responsables communautaires, permettrait de fixer à 20 000 la population. Mais pas seulement à Toulouse : ces commerces desservent aussi les villes moyennes alentour : Montauban, Agen, Albi. le chiffre de 20 000 concernerait alors les pays de la Garonne. » L'Arche, Anatomie d'une Communauté, janvier 1964.

34 Estimant que la population de 0 à 20 ans est de 4 à 5 000 individus, qui selon eux représentent le tiers de la population totale, ils donnent une fourchette de 12 à 15 000 personnes. On verra qu'en 1964, les mouvements de jeunesse sont particulièrement actifs et encadrent une large part de la population enfantine et jeune. L'Arche, op. cit.

35 Discours tenu en juin 1969 devant la Coopération féminine, archives privées.

36 Dans un article paru dans le journal sioniste local L’Amitié, P.-J. Rojtman estime que les rapatriés juifs forment les 3/5 de la population rapatriée à Toulouse, fixée en 1969. Les chiffres que nous donnons sont valables uniquement pour les années 1962 à 1964, et ne tiennent pas compte de l'arrivée continue des Marocains, ce qui peut expliquer la distorsion apparente entre les estimations de l'auteur et les nôtres.

37 L'Arche de juin 1965 estime à 4 500 familles la population juive de Toulouse.

38 « Toulouse et ses quartiers : trente ans d'évolution, Corinne Grand et Philippe Julien », INSEE, statistiques et études Midi-Pyrénées, no 2,1991.

39 Répartition comparée de la population en fonction de l'origine en 1967 (source Annuaire)

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40 Présence juive attestée à Castanet, Balma, Blagnac, Colomiers, Castelmaurou, Cornebarieu, Cugnaux, Pinsaguel, Plaisance du Touch, Tournefeuille, L'Union, Ramonville.

41 Voir chapitre 4, le tableau intitulé : « Répartition des lieux de résidence des usagers du FSJU, au moment de la prise de contact avec les services sociaux ».

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