Le rendement des ateliers
p. 211-215
Texte intégral
1Les sources fournissent un certain nombre d'estimations sur la production de minerai propre à la fusion après avoir été traité mécaniquement (fig. 311a et b).
2Les statistiques de cette période montrent l’importance de la masse financière engagée pour la préparation mécanique des minerais et pour leurs transports (fig. 312).
3Ces données varient suivant la morphologie des minerais et suivant l'atelier de traitement utilisé.
Pour la Haute-Saône
4Sur le territoire de la commune de Longevelle dans le canton de Gy, 1 hectare fournissait 4000 mètres cubes de minerai pisolithique brut, soit 800 mètres cubes de minerai propre à la fusion (ADHS 297 S 37, Longevelle, rapport de l'ingénieur des Mines du 29 mars 1855).
5E. Thirria signale que les mines en terre des communes de Neuvelle, Pont-de-Planches, Raze et Noidans rendaient, quant à elles, seulement un quart et non un tiers de leur volume en minerai bon à traiter (ADHS 300 S 32, Rosey, rapport de l'ingénieur des Mines du 8 mai 1838). Dans son rapport rédigé en 1835, il constatait qu'en moyenne pour le département de Haute-Saône, les minerais pisiformes dits d'alluvions étaient mélangés à des stériles dans la proportion de deux à cinq fois leur volume (AN F14 4261, 1835).
6En 1811, les états statistiques de la Haute-Saône mettent en évidence que les mines se réduisaient au quart, au cinquième et quelquefois au huitième de leur volume, sans toutefois préciser s'il s'agissait de mines en roche ou de mines en terre (Instructions et arrêtés du Préfet de la Haute-Saône, no 44/30 octobre 1811).
7L’état des produits des mines de fer pour l’année 1829-1830 souligne que les minières du Canton de Gray produisaient un minerai de fer hydroxydé pisiforme de bonne qualité rendant par le lavage un quart à un sixième de son volume en minerai propre à la fusion, alors que la production sur les minières du Canton de Gy rendait par le lavage un tiers à un sixième de mine claire (ADHS 296 S 1).
Pour les autres départements
8Dans les Annales des Mines de 1836, il est mentionné que le minerai de Métabief rendait 30 % environ de produit propre à la fusion (Annales de Mines, 1836). J. F. Blanc dans le Manuel Roret (seconde partie, p. 198) sur le fer, souligne que les matières argileuses et sableuses, qui se trouvent associées aux minerais de fer, forment en général plus de la moitié de la masse extraite. Flachat précise que la mine en grains donnant 2 mètres cubes de matières terreuses pour 1 mètre cube de mine lavée : la production de mine lavée était de 30 %. Il ajoute que pour chaque tonne de fonte produite, on aura à enlever environ 4,50 mètres cubes de matières, qu'il faudra extraire.
9En 1833, en Lorraine, les ingénieurs des Mines indiquaient que les minerais en roche (minerai oolithique) produisaient un déchet d'un septième provenant des terres adhérentes. Les terres fournissant le minerai en grains, n'étaient exploitées que lorsqu'elles rendaient au moins 40 % (ADM S 10, septembre 1833, Voltz et Drouot département de la Moselle).
10Dans les minières d’Audun-le-Tiche en Moselle, il est stipulé qu’(…)Un bon lavoir bien fourni en eau peut laver de 60 à 70 kilogrammes de minerai par mois ce qui fait pour l'année 700 à 800 kilogrammes (...) : des proportions surprenantes parce que paradoxalement très faibles (ADM 1 S 291, Audun-le-Tiche, ingénieur en chef des Mines de l'arrondissement minéralogique de Strasbourg 25 Août 1852).
11L'état de la production des ateliers de lavage en Haute-Saône et dans d'autres départements met en évidence l'importance considérable des rejets par rapport au minerai lavé. Pour le département de la Haute-Saône, et en particulier sur les gisements des plateaux de Saône, le premier tableau (fig. 313 a et b) montre une relative constance de la production de mine claire dans la plupart des ateliers par rapport au volume de mine en terre : la proportion de minerai lavé atteint une moyenne d’un tiers par rapport à la masse traitée. À l'exception de Beaujeu où la rentabilité est inférieure à 10 % et des minières d'Autrey-lès-Gray, de Montseugny et de Percey-le-Grand, où elle avoisine les 40 %. À Percey-le-Grand, le gisement appartient à l'étage oxfordien. La masse des déchets, qui peut atteindre voire dépasser les deux tiers du produit brut, a donc eu un impact évident sur l'environnement : stockage des boues, traitements des eaux...
12Le second tableau (fig. 314a et b) présente des disparités relativement importantes liées en grande partie aux différences de concentration des pisolithes sur les gîtes exploités. Certains ateliers comme Avesnes (nord) ou Dun-le-Roi (Cher) dépassent les 60 % de mine claire. A contrario, d'autres comme Bethoncourt, Bourbet ou Pezol dans le Doubs, exploitations localisées dans l'étage Sidérolithique, présentent un rendement inférieur à 10 %.
13Le tableau, (fig. 315) qui illustre la production journalière, montre les mêmes proportions de déchets par rapport à la quantité de mine brute lavée. Il met en évidence les disparités de rendement entre les différentes machine utilisées.
14Il faut donc rester prudent dans l'interprétation de ces données chiffrées, qui ne sont parfois que des estimations. Néanmoins, elles confirment toutes l'importance de la masse de déchets produits par les ateliers de lavage traitant des minerais d'altération, qu'il s'agisse de lavoir à bras ou de patouillets (fig. 316).
15Quantification de la production sur le terrain La plupart du temps, les amas de boues ne concernent qu'une partie seulement des structures en relief. Or, ces structures ne peuvent être identifiées dans leur remplissage qu'à partir d'une fouille archéologique ou de sondages réguliers suivant un maillage extrêmement serré.
16Les accumulations donnent une photographie de l'état du site à l'abandon. D'après les textes les opérations de curage avaient lieu dans les ateliers. Par ailleurs, pour les sites situés en bordure des cours d'eau, les boues étaient souvent rejetées directement et évacuées par le courant. Flachat, quant à lui, signale le transfert de ces boues vers des sites d'accumulation : zones humides, thalweg ou remblaiement de zones d'extraction. Sur la commune du Petit-Lieffrans (Haute-Saône), les comptes-rendus de visites des ingénieurs des Mines signalent le mauvais fonctionnement des structures d'épuration, qui laissaient échapper les boues de lavage. Ces conclusions étaient fréquentes dans les procès-verbaux de visite. Les archives Départementales de Haute-Saône (ADHS, Fonds de Trévillers) signalent aussi que la tendance des maîtres de forge était de placer les boues sur les digues d'enceinte à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle. Les phénomènes de déboisement ont recoupé les sites et entraîné la disparition et le nivellement de nombreux ateliers ou portions d'ateliers. C'est le cas à La Montbleuse ou à La Chapelle-Saint-Quillain.
17Sous couvert forestier, les structures de lavage restent relativement identifiables ce qui permet de donner une idée de l'importance de l'atelier en se référant à la quantité de structures existantes ou en les comparant avec d'autres sites similaires. Dans le cas de La Chapelle-Saint-Quillain, l’atelier des Epinottes présente une série de lavoirs en batterie sur versant. Cependant, il est impossible de démontrer si ces structures ont fonctionné simultanément. Tout porte à croire que les laveurs à mine ont abandonné progressivement les bacs de lavage dès que le volume des haldes et leur emprise avaient atteint un certain seuil au-delà duquel leur évacuation était rendue nécessaire, est-ce à dire que le volume actuel des haldes peux définie à lui seul la production de l'atelier ? L'évaluation précise de l'activité minéralurgique pose de fait un problème général d'identification des données, qu'il s'agisse des données statistiques disponibles au travers des sources ou des données archéologiques. Comprendre la variabilité et l’évolution des sites est une question encore plus délicate à résoudre. Les ateliers de lavage sont souvent des palimpsestes qui traduisent une concentration d’opérations.
18L'argument quantitatif, pour être validé, a besoin de s'appuyer sur des faits clairement établis du point de vue stratigraphique et spatial. Calculer les masses de matériaux abandonnés sur un site ne peut se réaliser qu'en tenant compte de tous les paramètres : tassement, différentiation de matériel sédimentologique, densité des silts et surtout des phénomènes d'érosion sélective. Cette étude permet néanmoins de cerner l'organisation générale des ateliers, la répartition spatiale des différentes unités fonctionnelles et leurs relations dans le contexte géomorphologique et hydrogéologique, en les distinguant des structures liées à l'épandage, au captage ou au lavage.
19Les quantités de minerais traités laissent supposer la présence d'une importante main-d'œuvre spécialisée. Quelles connaissances avons-nous du statut et des conditions de travail de ces ouvriers affectés dans ces ateliers ?
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