Le site de Montcierge Percey-le-Grand (Haute-Sâone) : lavoir à minerai oolithique
p. 129-134
Texte intégral
Localisation géographique
1La commune de Percey-le-Grand est située à l'extrémité ouest du département de la Haute-Saône. Au carrefour de trois départements : la Haute-Saône, la Côte d'Or et la Haute-Marne. Elle se trouve à 7 km à l'ouest de Champlitte (Haute-Saône) et à 60 km au nord de Besançon (Doubs). Le village occupe la rive gauche de la rivière de la Vingeanne, affluent de la Saône (fig. 176 et 176a).
2Le site de la Combe Genêt est localisé au nord-est du village sur le plateau qui domine la Vallée de la Vingeanne, au pied de la butte de Montcierge, qui culmine à 308 m. Il couvre une superficie de 4 050 mètres carrés. Il s'étend en grande partie sous couvert forestier et en tête d'un petit thalweg occupé par la source de Montcierge aujourd’hui presque tarie. Cette source où prend naissance le ruisseau de Combe Genêt est située à côté d'une ancienne grange cistercienne datée du XIIe siècle (Meloche, 1997, pp. 40-41).
Contexte géologique et hydrologique
3Le plateau de Combe Genêt est une surface structurale subhorizontale, composée des calcaires du Callovien inférieur. La colline de Montcierge, qui domine le site, est une butte témoin des niveaux oxfordien et callovien supérieur, vestiges avancés de l'érosion régressive qui a affecté la surface tabulaire des plateaux jurassiques situés au sud (Oxfordien et Rauracien). Les calcaires sont faiblement imperméables, ce qui peut expliquer la localisation de ce site en bordure immédiate des marnes de l'Oxfordien, d'où sont issues les sources proches.
4Le substratum géologique peut être masqué par endroits par des placages de limons quaternaires réduits.
5La région de Percey-le-Grand présente un modelé de plateau aux formes molles et peu contrastées, traversé par de nombreuses vallées sèches, qu'occupent par endroits des ruisseaux intermittents à faible débit. De manière générale, hormis le flux hydrologique principal constitué par la Vingeanne, seules de rares sources alimentent ce plateau ; la plupart sont issues de formations géologiques liées aux marnes oxfordiennes. Des traces de karstifications sont présentes en plusieurs endroits (fig. 177).
6Le minerai est difficile à identifier. Il provient des marnes du Callovien et de l'Oxfordien.
7(...) Callovien moyen à Oxfordien moyen : minerai de fer de Percey-le-Grand (Haute-Saône), bien développé en Bourgogne, entre Dijon et Châtillon-sur-Seine, il n'a qu'une extension limitée à l'ouest du plateau de Champlitte (Thirria, 1833).
8Si les oolites ferrugineuses des minerais calloviens et oxfordiens n'avaient pas pu être séparées de leur gangue calcaro-argileuse ou marneuse, ces formations n'auraient sans doute jamais justifié une exploitation - excepté pour la castine comme ce fut le cas pour le minerai de Chamesol - tant leur teneur en fer est faible. Pour obtenir un produit suffisamment riche en fer, soit on orientait l'exploitation vers des niveaux d'altération naturellement enrichis en oolites ferrugineuses, soit on lavait au patouillet le minerai après l'avoir laissé plusieurs mois en tas à l'épreuve des rigueurs climatiques (intempéries ; alternances gel - dégel), comme à Percey-le-Grand.
9Il semble que Percey-le-Grand ait été le seul gîte oxfordien à avoir donné lieu à une exploitation en Haute-Saône. L'extraction y était très active dans la première moitié du XIXe siècle. Les marnes à oolites ferrugineuses représentaient le triple du volume de minerai propre à la fusion. Le rendement au haut fourneau était d'environ 30 % de fonte excellente pour le moulage.
Archéologie
Présentation générale du site
10Le site de la Combe Genêt, d'orientation nord-sud/est-ouest, occupe une surface de 4 050 mètres carrés ; il mesure 90 m de long sur 45 m de large. Actuellement, il est occupé par un bosquet de feuillus, envahi au sol par la végétation. A l'est et au sud, il est limité par un chemin de défruitement. Le site de Percey-le-Grand comporte deux ensembles (fig. 178) :
11La zone I à l'ouest et la zone II à l'est. L'espace, en général, est principalement constitué de levées de terre et de vestiges de substructions au nord-ouest.
La zone I à l'ouest
12Elle comporte la source de Montcierge, une levée de terre rectiligne d'axe nord-sud dont les traces sont encore visibles dans la prairie. Elle se prolonge au nord par une tranchée qui mesure 42 m de longueur sur 11 m au nord et 6 m au sud. L'extrémité de cette tranchée remontante est occupée par une construction en pierres sèches composée de deux murs parallèles formant un arc de cercle.
La zone II à l'est (L02)
13De forme triangulaire, elle couvre une superficie de 1 397 mètres carrés. Il s'agit d'une plate-forme d’une hauteur moyenne de 2 m composée exclusivement de limons compacts jaune clair (silts) fins et très fins. Cette plate-forme est échancrée à l'est, par une structure circulaire de 12 m de diamètre, occupée par une première zone humide. Au nord, jouxtant cette plate-forme, deux petites haldes quadrangulaires oblongues délimitent une seconde petite zone humide matérialisée par la présence d'une prise d'eau moderne (puisard) (fig. 179 et 180).
14Deux petits chenaux visibles au sol drainent la partie inférieure de la tranchée (Ch01) et (Ch02), ils se dirigent vers l'ouest en longeant la limite sud de la grande halde en glacis (fig. 181).
Description archéologique
15Le site de la Combe Genêt présente un intérêt particulier en raison de l'agencement des différentes structures visibles. Il pose une problématique nouvelle par le type de minerai de fer qui y était traité. Il s'agit d'un minerai provenant du Callovien moyen vraisemblablement exploité à la base de la colline de Montcierge et au pied de la Côte des Corrois qui domine le village d'Orain (Côte-d’Or). Jusqu'ici ces exploitations, difficiles à repérer, n'avaient pas fait l'objet d’étude.
16Le minerai de fer oolithique n'existe que dans une seule localité du département de la Haute-Saône, à Percey-le-Grand ; mais il était connu et exploité dans plusieurs autres localités des départements limitrophes, notamment à Orain, Saquenay, Isonne et Couson, communes voisines de Percey-le-Grand, où il occupait aussi la partie inférieure du dépôt marneux (Thirria, 1833). Ce minerai se compose de grains de fer hydroxydé, à couches concentriques, d'un jaune brunâtre et de forme oblongue, dont la grosseur n'excède pas celle du millet, et qui sont disséminés dans une marne schisteuse, de couleur grisâtre.
17(...) Le gîte de Percey-le-Grand est exploité à ciel ouvert ou par des travaux souterrains irréguliers, de quelques m de profondeur. Cette exploitation, qui occupait 26 ouvriers, fournissait annuellement 52 000 quintaux métriques environ de minerai propre à la fusion que consomment les hauts fourneaux de la Côte-d'Or et de la Haute-Marne (Thirria, 1833).
18Les échantillons de boues de lavage recueillis montrent une grande homogénéité de la matière et présentent de très fines particules.
Interprétation archéologique.
L'hydraulique et la dynamique du site
19Toute structure de lavage comporte une alimentation en eau. Ici, cette alimentation ne peut être décelée qu'au travers des vestiges. Si la source captée de Montcierge existe, il est certain que son débit est aujourd'hui nettement insuffisant pour expliquer le volume des déchets. La modification des pratiques culturales, l'effondrement de captages annexes ou leur non-entretien permet d'expliquer en partie cette pénurie. Pourtant, cet atelier a fonctionné en concentrant les effluents (boues) sur une superficie relativement réduite. Les vestiges en l'état permettent d’envisager plusieurs hypothèses de fonctionnement.
20Les structures de lavage sont à priori situées en tête de pente, par conséquent elles peuvent correspondre aux structures (A) ou (B) ou (C) (fig. 182).
21L'origine des flux et leur concentration pouvaient être réalisées à partir de la levée de terre (L01) située dans l'axe des sources. Par conséquent, l'alimentation en eau a pu suivre un cheminement indirect plus ou moins canalisé afin de parvenir à ces différentes structures.
22L'existence de ce cheminement est difficile à mettre en évidence en l'état actuel du terrain. Toutefois la présence de deux chenaux situés en contrebas de la dépression longiligne ainsi que les deux zones humides (A) et (C) permettent d'envisager une direction des flux suivant deux orientations à partir du point (B).
23Les constructions en pierres sèches seraient-elles les vestiges d'une machinerie destinée à laver les minerais, dont les boues et les eaux résiduaires se seraient accumulées en aval, suivant deux grands axes ? Comment expliquer alors la présence des haldes en (C) et celle de la structure circulaire en (A) ? La morphologie des vestiges (A) est suffisamment régulière pour laisser supposer l'existence d'une structure aujourd'hui disparue. Il peut s'agir des vestiges d'un patouillet à cheval : un manège à cheval pouvait fort bien occuper une telle superficie. Les haldes situées au nord (C) peuvent signaler l'existence de lavoirs à bras de type portatif en complément de l'atelier précédent.
24Le type de construction (B) est, en l'état actuel des recherches, inédit par rapport à toutes les observations effectuées lors des prospections. S’agit-il d'un système pour réguler le débit des eaux, d'une canalisation... ? Comment expliquer sa faible superficie ?
25Plusieurs hypothèses peuvent être mises en avant : il s’agit des vestiges d'un empellement, auquel cas, il faut imaginer des structures en bois ou en terre l’accompagnant. Il peut s’agir des vestiges d'un support d'une machinerie localisée à cet endroit et destinée à la préparation mécanique tel un patouillet à cheval, la présence d'un bocard paraît peu probable par le seul fait de la question énergétique. Dans la zone I, la présence de boues est attestée par les rejets récents d’animaux fouisseurs. Cet emplacement a certainement accueilli les terres à mine destinées au lavage, lesquelles, comme le précise Thirria, étaient préalablement soumises aux intempéries. Dans tous les cas, cet atelier pose le problème de l'épuration des eaux de lavage ; les zones (A) et (C) sont en effet trop exiguës pour correspondre à des aires de traitement des eaux troubles.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mine claire
Des paysages, des techniques et des hommes. Les techniques de préparations des minerais de fer en Franche-Comté, 1500-1850
Hélène Morin-Hamon
2013
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Michel Taillefer
2014
« Rapprocher l’école et la vie » ?
Une histoire des réformes de l’enseignement en Russie soviétique (1918-1964)
Laurent Coumel
2014
Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)
Claudine Adam
2015
Sedes Sapientiae
Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale
Sophie Brouquet (dir.)
2016
Dissidences en Occident des débuts du christianisme au XXe siècle
Le religieux et le politique
Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.)
2015
Huit ans de République en Espagne
Entre réforme, guerre et révolution (1931-1939)
Jean-Pierre Almaric, Geneviève Dreyfus-Armand et Bruno Vargas (dir.)
2017