Le site de Bussurel (Haute-Sâone) : patouillet à roue hydraulique
p. 121-127
Texte intégral
Localisation géographique
1La commune de Bussurel (Haute-Saône) est située dans la vallée de la Lizaine à un kilomètre au sud d'Héricourt et à deux kilomètres au nord de Montbéliard. Sur la rive gauche de la Lizaine à 500 m à l'est de Bussurel, le patouillet se trouve actuellement dans une propriété privée et a fait l'objet de travaux de consolidation de la part de son propriétaire. Accessible par un chemin communal reliant Bussurel à Bethoncourt (Doubs) (fig. 159 et 159a), il se trouve à proximité d'importants gisements de fer en grains d'âge Plio-Pleistocène et Eocène de type sidérolithique localisés à un kilomètre de distance : les mines de Salignonsale, des Bourbets et du bois de la Brusse.
Contexte géologique
2La vallée de la Lizaine entaille les premiers contreforts des plateaux à sous-sol calcaire du Jurassique moyen et supérieur de la région pré-jurassienne. Les séries jurassiques sont recouvertes par des dépôts tertiaires, minerais de fer sidérolithiques et par des lehms anciens d'âge Plio-Pleistocène. Le complexe de Bussurel est implanté sur des alluvions modernes siliceuses de la Lizaine (carte géologique au 1/50 000e - Feuille de Lure).
3Les dépôts sidérolithiques de l'Eocène se trouvent dans des argiles rouges ou bolus concentrées dans des poches karstiques (lapiaz fossiles du Salignonsale). Ils peuvent aussi être étalés en nappe à la surface des calcaires du Jurassique supérieur ou remaniés dans des brèches calcaires fortement indurées. Les échantillons de minerais recueillis sur place s'apparentent à des agrégats de pisolithes cimentés entre eux par une gangue calcaire (fig. 160).
Contexte hydrologique
4Du point de vue hydrologique, la Lizaine est une rivière à débit constant approvisionnée par de nombreux cours d'eau prenant leur source plus au nord dans le massif hercynien de Chagey (Haute-Saône) et au pied de la cuesta médio-jurassique de Champey (Haute-Saône). L'emplacement du site correspond à un bief aménagé constituant une île au centre de la rivière (fig. 161).
Archéologie
Présentation générale du site
5Le site occupe un quadrilatère d'orientation générale nord-sud de 30 m de large sur 80 m de long. La structure de lavage occupe une surface carrée de 10 m de côté. Un îlot partagé en deux (I1) et (I2) par le bief occupe le centre de l'espace (fig. 162).
Description archéologique
Zone 1 amont : rive droite
6La rivière se divise à cet endroit en deux bras (Ch1 et Ch2).
7À l'ouest, un bras (Ch3) de 3 m à 3,50 m de large délimite un premier îlot (12) étroit ; ce bras est à demi asséché et laisse apparaître des substructions dans son lit (radier pavé) et sur sa rive droite les vestiges d'un mur appareillé (MO) (fig. 163).
8À l'est, le bras principal (Chl) d'une largeur de 17 m à l'embouchure capte la majeure partie des eaux, qui aboutissent à l'emplacement de l'atelier de lavage. Sur la rive de ce bras, à 20 m à partir du point de séparation, se situe une ouverture en partie muraillée de 4,50 m de large laissant s'échapper une partie des flux (fig. 164).
Zone II centrale : les vestiges de l'atelier
9Cette zone comprend un ensemble de constructions soigneusement appareillées et installées dans le lit du bras principal (Ch1). Du nord au sud on distingue :
un conduit étranglé (Chl) sur la droite, appareillé sur les deux rives (M1) et (M2), en pierres de petit calibre, qui canalise les eaux ;
dans le mur (M1) en rive gauche, se situe une ouverture quadrangulaire en partie colmatée ;
un radier pavé de 1 m de largeur encadré par des rangées en pierres de taille de 50 cm d'épaisseur ;
deux piliers (P1) et (P2) en pierres taillées, rainurées sur toute la hauteur, se font face. Le pilier (P1) est rainuré sur deux faces opposées. Ils sont distants l'un de l'autre de 4,40 m. La trace de deux autres piliers est visible en (P3) et (P4) au niveau du radier ;
un espace quadrangulaire de 4,70 m de long sur 4,50 m de large, qui est lui-même divisé longitudinalement en trois parties par deux murets (M3) et (M4) en pierre de taille de 4,20 m de long sur 0,40 m de large. De part et d'autre de cet ensemble, deux paires d’encoches (El) et (E2) sont visibles à mi-hauteur des murs (M1) et (M2).
10À la hauteur de la structure principale, la partie supérieure du mur (M1) est constituée par des blocs en pierres de taille, dont le principal (B1), doté d’encoches (El), mesure 2,40 m de long sur 0,50 m de large. (Ml) est en vis-à-vis d'une portion de mur (M5) encastré dans le sol. Le mur (M5) se situe à 2,70 m de (Ml) sur sa gauche, ces deux murs sont parallèles. Ce mur (M5) est constitué de deux blocs (B2a) et (B2b), (B2a) mesure 2,70 m sur 0,50 m et (B2b) qui prolonge (B2a) vers le nord 1,90 m sur 0,35 m.
11Le bloc (B1) du mur (Ml) et (B2a) du mur (M5) présentent chacun une paire d'orifices (Al) et (A2) circulaires de 0,40 m de diamètre, équidistants l'un de l'autre de 0,30 m. Pour (Ml), ces orifices se situent respectivement dans chacune des encoches (E1). Ces orifices sont situés au centre de chacun des deux blocs dans un même axe d'orientation ouest/sud-ouest/est/nord-est, le prolongement de cet axe aboutit exactement au niveau des deux encoches maçonnées (E2) du mur (M2).
12Le mur (M4) est constitué de blocs de pierres jointoyées maintenues entre elles par des agrafes en fer (fig. 165). Le bloc terminal du mur (M3) présente au sud une encoche (E3a) ; sur le décrochement de (M1) une encoche (E3b) fait face à (E3a).
13En amont de l'atelier, des escaliers permettent d'accéder directement à la rivière (Chl).
14En aval, le canal de fuite (Chl) se poursuit, muraillé sur près de 26 m en rive droite (fig. 166 et 167).
Interprétation archéologique
15Situé sur une dérivation artificielle de la Lizaine, une rivière à débit pérenne, l'atelier de Bussurel correspond aux fondations maçonnées d'un atelier de lavage du minerai de fer pisolithique dont la totalité des superstructures a aujourd'hui disparu.
16La disposition des murs, l'agencement des différentes structures encore visibles, permettent d'établir un certain nombre d'hypothèses en faveur de l'existence d'un patouillet mû par une roue hydraulique. Le bief amont ou canal d'amenée dirigeait les flux à partir d'un système d'empellements dont les traces d'implantation sont encore visibles à la hauteur des îles et des deux rives amont (fig. 168).
Les principales structures du site
17L'axe de la roue hydraulique était vraisemblablement positionnée entre les encoches et les points d'ancrage situés en (M1), (M2) et (M5). Les piliers (P1) et (P2) constituaient les supports d'un empellement transversal qui régulait le débit et par conséquent les variations de puissance de la machine à débourber (hg. 169).
18Le cloisonnement de l'ensemble par le biais des murs (M1) et (M2) devait avoir des fonctions précises. La roue était certainement installée entre (M3) et (M4) faisant ainsi office de coursier. Il est possible que le système de vannage ne soit pas unique. Un ensemble de pelles a pu servir de régulateur voire d'alimentation de la roue et des bacs ou cuves destinées au lavage, ce pourrait être le cas en rive gauche entre (M1) et (M5).
19Au regard des comparaisons effectuées à partir d'images d'archives et de sources écrites, on peut avancer la localisation de la cuve ou huche du patouillet entre (B1) et (B2a). Les points d'ancrage (Al) et (A2) existant entre ces deux blocs ((B1) et B2a) maintenaient les deux empoises de l'axe du patouillet (fig. 170).
20Quant à l'ouverture obturée présente dans le mur (M1) à hauteur des escaliers peut être était-elle destinée à alimenter la cuve principale de cette installation ? (fig. 171).
21La présence en rive droite de nombreux échantillons de minerai lavé laisse supposer l'existence d'une seconde huche située dans l'axe de la première (fig. 172 et 173).
22Le site de Bussurel constitue un ensemble de constructions encore bien conservées. Les schémas d'interprétation présentés font apparaître l'essentiel des hypothèses émises en tenant compte de l'analyse des vestiges et de leur confrontation aux sources documentaires modernes.
23L'absence de toute zone d'épuration constitue aussi une interrogation.
24Les raisons sont peut-être d'ordre historique, s'il s'agit d'une installation antérieure à la Révolution française, les exploitants ont pu demander le maintien de privilèges antérieurs. La totalité des rejets s'effectuant sans décantation directement dans le cours de la Lizaine ; cette pratique était courante à la même époque sur la rivière de l'Ognon.
25Le patouillet de Bussurel se situe à proximité de nombreux gîtes ferrifères, dont l'exploitation est attestée comme au Salignonsale dès le XVIe siècle.
Confrontation avec les sources
26À la suite de l’étude menée sur le terrain en 1999, de nouvelles pièces d’archives ont été mises à la disposition du public en 2002. Le dépouillement de ces fonds inédits a amené la découverte d’un plan des installations du patouillet et de l’ensemble des aménagements hydrauliques qui l’accompagnaient en association avec les bâtiments d’un moulin (fig. 174 et 175).
27Il s’agit d’un plan daté de 1802 de la série K. intitulé Plan du moulin du citoyen Boigeol et du patouillet ou lavoir à mine du citoyen Rochet ainsi que de la partie de la rivière entre ces deux usines. Ce document est un plan d’exécution, levé le 16 prairial an X (5 juin 1802).
28Il s’agit d’un patouillet à une huche, mû par une roue hydraulique. La huche du patouillet se situe bien en rive gauche de la dérivation de la Lizaine, elle est associée à un lavoir de réception. L’alimentation en eau de la huche se faisait par un canal enfoui (en pointillés sur le plan) dont la prise d’eau, encore visible aujourd’hui dans les vestiges du mur, se situait en amont de l’empellement du vannage principal. La roue hydraulique était installée dans le premier chenal de la dérivation, l’arbre était équipé d’anses en fer quadrangulaires.
29Les vestiges identifiés en rive droite correspondent donc bien aux restes de la digue destinée à canaliser les eaux de la Lizaine vers le patouillet (en C sur le plan).
30Deux emplacements d’anciens lavoirs à mine sont indiqués sur le plan : les premiers sur l’îlot central, les seconds à proximité du pont en rive droite ; la présence de boues de lavage à ces emplacements avait été relevée (fig. 176).
31Cette découverte, réalisée a posteriori, valide une hypothèse formulée à partir du terrain. La confrontation entre les observations in situ et ce document permet ici de conforter la pertinence et la justesse de la démarche utilisée.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mine claire
Des paysages, des techniques et des hommes. Les techniques de préparations des minerais de fer en Franche-Comté, 1500-1850
Hélène Morin-Hamon
2013
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Michel Taillefer
2014
« Rapprocher l’école et la vie » ?
Une histoire des réformes de l’enseignement en Russie soviétique (1918-1964)
Laurent Coumel
2014
Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)
Claudine Adam
2015
Sedes Sapientiae
Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale
Sophie Brouquet (dir.)
2016
Dissidences en Occident des débuts du christianisme au XXe siècle
Le religieux et le politique
Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.)
2015
Huit ans de République en Espagne
Entre réforme, guerre et révolution (1931-1939)
Jean-Pierre Almaric, Geneviève Dreyfus-Armand et Bruno Vargas (dir.)
2017