Le site de la source du faix Renaucourt (Haute-Sâone) : lavoirs-source
p. 93-100
Texte intégral
Localisation géographique
1La commune de Renaucourt (Haute-Saône) est située dans la vallée de la Saône à 50 km au nord/nord-ouest de Besançon, à 25 km au nord-est de Gray (Haute-Saône) et à 8 km de la Saône sur la rive droite. Le site de Renaucourt est sur l'interfluve constitué par les ruisseaux de la Gourgeonne à l'est et la Bonde à l'ouest à 1 km à l'ouest du Village de Renaucourt. Il couvre un peu plus de 8 800 mètres carrés sous couvert forestier et occupe le versant nord d'un thalweg au lieu-dit la Source du Faix. Cette source alimente le ruisseau du Faix qui rejoint le ruisseau de Francourt et se jette dans la Gourgeonne à la hauteur du village. La Gourgeonne est elle-même un affluent de la Saône (fig. 106 et 106a).
2Le versant, où prend naissance le ruisseau du Faix, s'amorce à l'altitude 240 ; son profil longitudinal présente une pente relativement faible ; l'écoulement y est permanent.
Contexte géologique
3Le façonnement du modelé du versant a été commandé par les variations du niveau de base que constitue la Saône comme en témoigne la présence de lambeaux de terrasses représentés par des galets épais en contrebas du site. Il en résulte une succession de formes molles plus ou moins stabilisées. Les versants, tapissés de matériaux épais comme sur le versant du ruisseau du Faix, sont figés dans leur configuration héritée du Quaternaire. Les processus morpho-climatiques responsables de la genèse de ces unités datent de la dernière période froide du Würm. Les matériaux qui les tapissent sont tous épais et masquent partout le substratum géologique (Kimméridgien inférieur) ; ils sont formés d'éléments fins composant une matrice plus ou moins compacte issue des limons quaternaires. Les éléments grossiers sont peu abondants. De manière générale, la région de Renaucourt présente des versants relativement stables, peu accentués, fragmentés en larges interfluves par des vallons peu encaissés.
Contexte hydrologique
4Du point de vue hydrologique la source du Faix présente un débit relativement stable en dehors des périodes de fortes sécheresses. Les modifications liées au plan d'occupation des sols (P.O.S.) et au drainage ont contribué à modifier le régime hydrique de la source, déréglant aussi son débit. Le ruisseau du Faix rejoint le ruisseau dit de Francourt, qui bénéficie de l'apport de drains superficiels plus ou moins récents et de l'apport des eaux de ruissellement diffuses issues de petites zones humides localisées sous couvert forestier. L'évolution actuelle du régime hydrologique est rythmée par les variations annuelles des conditions climatiques ; elle est tributaire de la topographie. Cette stabilité est corroborée par les témoignages recueillis auprès des habitants (fig. 107).
Archéologie
Présentation générale du site
5Le site de la source du Faix occupe un quadrilatère d'orientation générale nord-nord-est/sud-sud-ouest de 80 m de large sur 110 m de long. Il est limité au nord/ouest par le ruisseau dit de Francourt, au sud par le ruisseau de la source du Faix ; la limite est est constituée par un chemin communal. Des structures longilignes en élévation occupent le centre de cet espace. De petites zones humides s'intercalent entre ces levées de terre.
Description archéologique
6Le site de la Fontaine du Faix comporte trois ensembles :
7la zone I : zone de la source et du ruisseau d'axe ouest/est ;
8la zone II : cet ensemble jouxte la zone de la source à l'est et comprend plusieurs monticules, elle occupe une espace de 40 m sur 30 m ;
9la zone III ouest : elle occupe la majorité de l'espace central compris entre la zone II, un drain, le ruisseau de Francourt ainsi que le ruisseau de la source du Faix. Son étendue est de 60 m sur 80 m. L'espace est occupé par des levées de terre et des circulations aquifères diffuses. Des minières ont été retrouvées sur les territoires des communes limitrophes à moins de 500 m du site. Rien ne permet d’attester qu’une liaison existait entre ces gîtes de minerais et l’installation de lavage (fig. 108 et 109).
La Zone I est
10La zone I comprend trois sous-ensembles, d'est en ouest on distingue :
Un bassin en partie appareillé, réceptacle des eaux de la source.
Un ensemble aménagé avec la présence de substructions.
Un ruisseau.
11La source jaillit à la base d'un mur (Mr01) en pierres sèches, de 3 m de hauteur, de 6,40 m de longueur au sommet et de 1,80 m à l'amorce du ruisseau, accolé au chemin d'accès. Un empellement (Em01) construit délimite à l'ouest un réservoir (R01) de 25,20 m de longueur, d'une largeur de 3 m à 5 m sur 1 m de hauteur et d'une capacité moyenne de 80 mètres cubes environ (fig. 110).
12L'empellement est composé d'un mur appareillé de 5,60 m de longueur, 0,60 m de large et de 1,15 m de hauteur. Une ouverture, de 0,70 m de large et de 0,85 m de hauteur a été aménagée au centre de ce dispositif. Le seuil appareillé de 30 cm de hauteur ménage l'évacuation de l'eau tout en contenant les boues et les agrégats entraînés par les fluctuations de la source.
13Sur la rive droite du ruisseau à environ 5 m de l'empellement se trouve une substruction (Sb01) de forme quadrangulaire de 1,80 m sur 2,40 m ; une structure identique (Sb02) de mêmes dimensions se trouve sur la rive gauche à environ 10 m de l'empellement (fig. 111). À la hauteur de la première substruction et sur une longueur de 3,40 m en aval, la rive nord du ruisseau est appareillée. L'appareil (Sb03) est constitué de pierres taillées de 36 cm à 42 cm de longueur et de 8 à 14 cm de hauteur (fig. 112).
14Le ruisseau poursuit son cheminement après un léger coude jusqu'à sa confluence avec le ruisseau de Francourt à 80 m en aval de l'empellement.
15Sur la rive gauche du ruisseau de la Fontaine au Faix, entre l'empellement et la seconde substruction, le sol est occupé par un dépôt de minerai de fer pisolithique (D01) sur une surface d'environ 40 m carrés. Le minerai est un agrégat (gabarit compris entre 18 cm et 5 cm) de petites pisolithes de petit diamètre (moins de 1 cm) emballées dans un ciment argileux (fig. 113).
La zone II
16Elle couvre une superficie de 1 200 mètres carrés environ et s'étend sur la rive droite du ruisseau de la Fontaine du Faix. Elle est délimitée au nord-est et au nord-ouest par une zone humide.
17Deux sous-ensembles caractérisent cet espace :
À l'est, une plate-forme (D02) d'environ 24 m sur 20 m est composée en surface de fragments de pisolithes comprises entre 4 et 7 mm de diamètre emballées dans une matrice jaune argileuse. Cette plate-forme se situe au même niveau que le chemin d'accès.
Légèrement en contrebas et vis-à-vis de la plate-forme deux amas coexistent, le premier (D03a) au nord de forme ovoïde et relativement étalé, a un volume d'environ 130 mètres cubes et le second (D03b) (fig. 114) oblong, d'axe nord-ouest/sud-est, a un volume d'environ 260 mètres cubes. Ces deux amas sont composés de pisolithes grano-classées dont le diamètre est compris entre 6 et 12 mm (fig. 115).
La Zone III ouest
18Cette zone est occupée par trois levées de terres longilignes délimitant des espaces en partie occupés par des zone humides, des laisses d'eau ou des circulations aquifères.
La levée de terre nord (L01) de 38 m de longueur, sur 13 m de largeur à la base et d'une hauteur variant de 1,20 m à 3,40 m d'est en ouest en moyenne et de forme allongée. Elle est délimitée au nord par un chenal rectiligne et au sud par un chenal onduleux en Y (Ch04) qui évacue le trop plein des eaux de la zone humide bordée à l'est par la Zone II.
Le centre du complexe est constitué de deux levées de terre (L02a et L 02b) jointoyées à l'est et formant un V. Le premier axe d'orientation est-sud-est/ouest-nord-ouest (L02a) a pour mesures à la base une longueur de 58,40 m et une largeur de 12 m avec une hauteur qui varie de 2,30 m à 1,50 m d'est en ouest ; le deuxième axe d'orientation nord-nord-ouest/sud-sud-est (L02b) mesure à la base 64 m de long sur 16 m de largeur pour une hauteur de 2,30 m (fig. 116).
Au sud une troisième levée de terre (L 03) parfaitement rectiligne longe le ruisseau ; elle est séparée de la précédente levée par un espace de 1,50 m de large : elle a pour dimensions à la base 64 m de long sur 5 m de large et environ 2,30 m de hauteur. Cette levée s'élargit à l'ouest pour rejoindre la levée précédente à la hauteur du ruisseau de Francourt à 16 m de sa confluence avec le ruisseau de la fontaine du Faix.
Interprétation archéologique
Les principales structures (fig. 117)
Le réservoir (R01) et l'empellement (Em01)
19Ce bassin ne présente pas d'aménagement latéral, ni de radier. En revanche, sa largeur est 2,5 fois plus importante que celle du ruisseau qui le prolonge. Les eaux sont contenues en aval par un empellement construit. Il est équipé d'un seuil et d'une ouverture aménagée. Le seuil permettait, comme actuellement, de contenir les boues dégagées par la source lors des crues et de réguler les flux destinés à l'alimentation des unités de lavage.
20Les observations réalisées sur le terrain ne permettent pas d'indiquer la présence d'un exutoire de crues à la hauteur de l'empellement. Ce point mérite d'être souligné, car il tendrait à confirmer la régularité du débit de la source.
Les structures de lavage
21Deux types d'aménagement (Sb01) et (Sb02) situées respectivement en rive droite et en rive gauche en bordure du ruisseau de la source du Faix à environ 5 m de l'empellement pour (Sb01) et à environ 10 m pour (Sb02) sont visibles ; ils sont à mettre en relation avec l'aménagement interne du ruisseau (Sb03).
22Ces structures (Sb01 et Sb02) sont nettement séparées. Il s’agit probablement des vestiges (supports bâtis) de deux unités de lavage alimentées séparément par un système de canalisation, la partie centrale du chenal étant destinée à l'évacuation du trop plein et servant ainsi d'exutoire de crues.
23Cette première hypothèse se trouve corroborée par la présence toute proche d'importants dépôts de minerai de fer pisolithique (D01) et (D02).
24L'analyse sédimentologique confrontée à la disposition des différentes unités (Sb02) et (Sb01) apporterait des informations complémentaires qui permettraient de dissocier la fonction de chacune de ces structures. La structure (Sb02) est située au centre d'un important dépôt de minerai brut (D01) en agrégats cimentés.
25La structure (Sb01) est située entre deux types de dépôts : (D02) des minerais bruts et (D03) des pisolithes grano-classées par conséquent déjà traitées. La structure (Sb02) est certainement liée à un système de décantation préalable au lavage en (SbOl), utilisant ainsi des eaux déjà chargées en particules pour effectuer cette première opération. Quoiqu'il en soit, cette zone correspond à l'unité de traitement : débourbage et lavage des minerais (fig. 118).
L’hydraulique et la dynamique du site
26La circulation actuelle des flux paraît à priori simple : le ruisseau de la source du Faix (Ch01) rejoint le ruisseau de Francourt (Ch02) et s'y jette à 110 m en aval.
27La présence de quatre levées de terre (L01), (L02a), (L02b) et (L03) s'oppose à cette logique. L'existence entre (L01) et (L02a) d'un ruisseau renforce l'hypothèse d'aménagements raisonnés liés à l'épuration des eaux boueuses. Comment s'organise cette épuration ?
28Les levées de terre sont orientées grosso modo sur l'axe principal du versant et sont donc plus ou moins parallèles à la pente. La composition sédimentologique de ces structures révèle la présence de boues de lavage mélangées à des limons : ses sédiments correspondent aux résidus de lavage. La disposition actuelle de ces levées pose problème ; en effet, la mise en place d'un système d'épuration implique une circulation forcée des eaux boueuses à l'intérieur d'un circuit volontairement aménagé destiné à décanter les boues tout en laissant l'eau clarifiée s'évacuer à l'issue de ce processus. La position actuelle des levées de terre permet donc de définir deux circuits :
29- Un premier circuit ouest/est situé entre (L02b) et (L03) longeant le ruisseau du Faix et aboutissant en aval à un rejet filtré ou non dans le ruisseau de Francourt. Ce circuit a la même longueur que celui du ruisseau en activité en aval des substructions (Sb02).
30- Un second circuit, dont les vestiges sont encore apparents (Ch04), a été aménagé longeant (L02a), traversant la zone humide centrale et se jetant dans le ruisseau de Francourt après avoir longé la structure L01. Ce chenal d'évacuation rejoignait donc (Ch04), qui draine encore aujourd'hui des sources. Il y aurait ainsi deux types de circulation : une circulation courte, parallèle à l'axe du ruisseau du Faix correspondant peut-être à une circulation initiale des flux issus des unités de lavage ; le cours d'eau ayant été déplacé vers le sud à une époque plus récente. Une deuxième circulation plus longue forçant davantage les circulations aquifères à décanter leurs boues. Ces deux circulations sont à être à mettre en relation chacune en ce qui les concerne avec les deux unités de lavage décrites précédemment ; les eaux issues de (Sb03) s'évacuant entre (L02b) et (L03), les eaux sortant de (Sb01) transitant au centre du dispositif. Cette hypothèse est renforcée par l'existence des dépôts de minerai lavé (D03a) et (D03b). Il serait intéressant de pouvoir confirmer éventuellement cette hypothèse par la présence d'autres unités de lavage placées en batterie et jouxtant ces dépôts. Tel qu'il se présente actuellement, le complexe de Renaucourt s'organise autour de quatre unités fonctionnelles d'est en ouest :
Une aire de stockage de minerai brut ;
Un réservoir qui reçoit les eaux d’une source pérenne alimentant un ou plusieurs ateliers de lavage destinés au débourbage et au lavage ;
Une aire de stockage des minerais lavés et calibrés ;
Une aire de décantation centrale occupée par des levées de terre formant des digues érigées au moyen des boues de lavage prélevées lors du curage des espaces de décantation.
31Ces levées délimitent les principales circulations aquifères qui transitent dans cet espace. La découverte plus à l'ouest de deux levées de terre parallèles longues de plusieurs centaines de mètres à proximité du site, au-delà du point de confluence du ruisseau de Francourt avec celui du Faix, complète le dispositif.
32La dynamique du complexe de Renaucourt s'apparente aux infrastructures déjà étudiées sur le terrain, avec disposition spatiale et des moyens d'approvisionnement en eau différents. La présence proche d'autres ateliers découverts conjointement sur le territoire de Renaucourt et sur ceux des communes limitrophes laisse supposer l'existence d'entreprises importantes mais dissociées, traitant un minerai de même origine.
Confrontation avec les sources
33Le plan photographié aux Archives nationales (aucun plan n’a été trouvé aux Archives départementales de la Haute-Saône) complète les informations de terrain et leur interprétation notamment sur les liaisons entre les différentes zones (fig. 119).
34Les indications démontrent que le chenal (Ch04) était en liaison avec le réservoir (R01) ; cette circulation constituait un exutoire pour le trop plein des eaux issues de la source du Faies (Archives Nationales).
35La partie centrale, liée à l’épuration, est beaucoup plus complexe sur le terrain : les bassins de décantation présentés sont géométriques et parfaitement organisés pour la circulation des eaux boueuses afin d’aboutir à une clarification maximale.
36L’emplacement des trois lavoirs mentionnés sur le plan est loin d’être évident. Néanmoins leur localisation correspondrait bien aux structures relevées en (Sb01) et (Sb02) (fig. 120).
37L’aire de stockage des minerais retrouvée sur le terrain correspond à celle mentionnée en (G) sur le plan des Archives nationales.
38La partie du déversoir a disparu ; les ruisseaux (Ch01) et (Ch02) ont été calibrés évitant au cours d’eau issu de la source de divaguer dans la zone centrale.
39Ce plan représente en fait un projet de l’ingénieur des Mines destiné à structurer de manière idéale l’ensemble de l’atelier de lavage et en particulier faire nécessaire aux bassins d’épuration.
40De tels documents montrent toute la difficulté qu’il y a à interpréter les sites où l’on ne dispose d’aucune source iconographique. Dans ce type d’étude, on constate d’une manière générale que l’unité fonctionnelle principale liée au lavage se devine sur le terrain. Néanmoins, les vestiges permettent difficilement de procéder à une reconstitution exacte des structures au sol ; leur organisation reste hypothétique. Les lavoirs, construits vraisemblablement avec des matériaux éphémères (bois-terre), ont aujourd’hui disparu. Les empreintes ou les traces qui subsistent au sol sur la zone de lavage sont loin de correspondre à la morphologie décrite dans ce plan.
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