Magistrats du xixe siècle et noblesse. La stratégie patronymique des magistrats de l’Ouest aspirant à la noblesse
p. 587-606
Texte intégral
1On se propose ici d’étudier un échantillon de magistrats de l’ordre judiciaire ayant exercé leurs fonctions entre 1850 et 1900 (approximativement), c’est-à-dire à une époque de changements politiques nombreux et rapides pendant laquelle la nature du régime fut longtemps en débat. Ces personnages ont pour caractère commun de posséder un nom de famille d’apparence nobiliaire. Il s’agira donc de déterminer si cette population présente dans la composition de sa famille des aspects spécifiques au regard de ceux qui portent un nom “roturier”, et si l’appartenance à ce groupe implique l’occupation d’une position sociale avantageuse qui puisse inciter fortement des individus qui n’en font pas, a priori, partie, à s’y intégrer – dans un contexte historique précis ; par quelles voies ils prétendent s’agréger à cet ensemble, mais aussi comment la société activement intéressée perçoit, et tolère, ou non, ces prétentions. On s’arrêtera ici sur une de ces stratégies, celle qui consiste à utiliser le nom de famille en lui donnant un aspect qui rattache l’individu au groupe convoité, et que nous appelons stratégie patronymique. Car s’il est vrai que “le statut de la famille dont est issu un individu constitue pour lui un capital de la plus haute importance et un indicateur assez fiable de sa position présente et future dans le système de stratification”1, on peut inverser la proposition, et considérer que la création, la construction d’une famille2 permet de se positionner de la façon souhaitée. Cette construction peut s’appuyer sur la généalogie de tradition nobiliaire, mais aussi sur un bricolage astucieux et sans scrupules, incluant au besoin mais sans s’y limiter une généalogie confuse et invérifiable3, même et surtout quand elle est récente, et qui visera à imposer aux autres une image reflétant une réalité de l’imaginaire individuel en la faisant accéder au monde plus vaste de l’imaginaire collectif.
2Si l’on se fonde sur l’ensemble des dossiers individuels de juges, membres du parquet, juges de paix, suppléants de juges de paix ayant exercé leurs fonctions dans le ressort de la cour d’appel de Rennes entre 1850 et 19404, et conservés aux archives départementales d’Ille-et-Vilaine (plus de 2500 dossiers en tout), il apparaît que les magistrats ayant un nom d’apparence nobiliaire5 représentent une petite minorité du total : un peu plus de 8,5 % (215 dossiers environ). Petite minorité, mais très supérieure en nombre à l’effectif supposé des nobles ou prétendus tels dans l’ensemble de la population française qui, pour une période de référence un peu antérieure, peut être estimé entre 0,25 et 0,75 % de la population totale6.
3A travers quelques exemples particulièrement intéressants, notamment parce que les individus concernés ont eu une carrière comportant des caractéristiques très identifiables et/ou qu’ils ont développé une énergie considérable, représentant parfois des années d’effort, pour faire admettre une noblesse qu’eux-mêmes ne supposaient pas supposée (ou en tout cas faisaient semblant de présumer), nous allons essayer de cheminer en quelque sorte de l’intérieur vers l’extérieur en nous concentrant sur la seule question fondamentale de la noblesse réelle ou apparente, passant de l’homme à la famille et aux réseaux, puis aux structures administratives et politiques.
L’homme
Carrières et profils
4Si l’on tente de définir et de cerner un profil particulier aux magistrats nobles ou tentant de faire paraître leur noblesse, on risque de se retrouver assez déçu. Sauf erreur, il n’existe pas de type de carrière particulier aux individus de ce type. On trouve parmi eux aussi bien des juges de paix que de hauts magistrats7, des personnages à la carrière brève ou très longue, des destinées obscures et des trajectoires à l’ampleur nationale (tels les Gaillard de Kerbertin, Quesnay de Beaurepaire). La population étudiée ne constitue donc nullement une “aristocratie” mais plutôt un échantillon assez banal d’un ensemble plus vaste, celui des magistrats de toute dénomination patronymique.
5Par contre, si l’on s’en tient aux seuls personnages qui ont revendiqué haut et fort leur noblesse, il est clair que cette requête s’insère pour eux dans une stratégie particulière. En bref, il s’agit pour eux de se faire reconnaître comme membres d’une société d’élite, cette appartenance renforçant leur position professionnelle et le prestige que celle-ci leur accorde dans l’environnement social. être magistrat est en soi, au 19e siècle, prestigieux8 ; magistrat et noble renvoie non seulement à l’image de classe privilégiée et dominante qu’était la magistrature d’Ancien Régime, mais permet de combiner autorité réelle du magistrat et appartenance à un groupe qui reste l’incarnation de valeurs de référence pour lui-même et pour les autres, de potentialiser, comme diraient les chimistes, l’un par l’autre9.
6Ce ne sont pas là pures considérations théoriques : les cas concrets d’une telle stratégie sont bien repérables. Cette tactique est fortement liée, dans nombre de cas, aux opinions et comportements politiques de l’intéressé. Le cas du président du tribunal de Quimperlé (depuis 1875), Collinet de la Salle, est sans doute moins extrême qu’il n’est voyant. Le procureur impérial de Morlaix (son siège précédent) estimait qu’il était “intelligent, mais de caractère faible et susceptible [...] enflé de toutes les vanités nobiliaires, il timbre ses cartons d’une couronne - à quel titre ? Je l’ignore [De plus, il se trouvait] entièrement dévoué au parti légitimiste-clérical, pensant que cela suffit pour l’avancement dans la magistrature.”10
7Mais même si Collinet constitue un cas limite, on constatera que l’écrasante majorité des individus ici examinés se positionne à l’extrême droite de l’éventail politique et on n’osera pas soutenir que c’est simple effet du hasard. Arnault de Guenyveau, qui termine sa carrière comme avocat général à Rennes (poste occupé de 1878 à 1899) appartient lui aussi à ce que l’on pourrait appeler le “parti clérical” le plus intransigeant : membre de la Conférence de Saint Vincent de Paul à Jonzac (Charente-Maritime) où il était procureur, qualifié par le secrétaire général du ministère (impérial !) de possesseur d’”opinions légitimiste et cléricales trop prononcées”11, puis au cours de sa carrière de “catholique très sincère”, “dévot”, et même “saint homme de La Rochelle” par une lettre anonyme de janvier 1871, son appartenance politique n’est pas obscure12. Pas plus que celle de Victor Berthelot de la Gletais13, juge de paix à Guérande, légitimiste et clérical, qui le 14 juillet 1880 – le premier “Quatorze juillet” – refusa de faire illuminer la justice de paix et dut démissionner en 1881 ; d’Yves Carron de la Morinais, juge de paix à Rennes, démissionnaire en 1878, de “tendances cléricales”14 ; de Félix Coquebert de Neuville, substitut à Châteaubriant en 1879. Au moment de sa nomination, ce dernier faisait l’objet d’un rapport favorable du procureur général estimant que Coquebert avait tout pour être légitimiste, mais que : “En demandant à entrer dans le parquet, il accepte sans réserves et sincèrement les institutions républicaines ; il a trop le sentiment de l’honneur pour trahir jamais le gouvernement qu’il demande à servir”15.
8Le sentiment de l’honneur devait être disposé en couche assez mince : dès octobre 1880, il démissionnait, refusant comme nombre de ses collègues d’appliquer la politique gouvernementale dans l’affaire de “l’article 7”, et avouant ouvertement ses convictions : “Mes principes religieux et mon opinion juridique ne me permettant pas de concourir à l’exécution des décrets contre les Congrégations [...] Je descends donc, non sans un serrement de cœur, d’un siège laborieusement conquis par le concours et deux années de service comme attaché à votre parquet… ”16.
9On objectera que les magistrats des années 1850-1880 ont peu de chances d’être de dangereux révolutionnaires. En effet. Mais on peut affirmer que la proportion, en tout cas en Bretagne, de légitimistes, cléricaux et autres ultra-conservateurs est sensiblement supérieure chez ceux qui font profession de noblesse vraie ou fausse à leur contingent dans la population de référence : sur l’échantillon ayant exercé entre 1850 et 1880, on compte au minimum 40 % de légitimistes avoués, sans y inclure leurs collègues plus hypocrites, mal identifiables mais dont l’existence est certaine17 ! Il y a donc bien chez beaucoup identification de cette appartenance avec le classement politique auquel ils prétendent se rattacher. Certains sont si conscients des inconvénients de ce positionnement quand la configuration nationale est incertaine, qu’ils tentent parfois de la camoufler partiellement et pour un temps. Collinet lui-même qui, on l’a vu, croit de bonne foi à l’efficacité de ses relations légitimistes, prend quand il le faut des précautions : “Ne croyez pas tout ce qu’on vous dit de moi, j’appartiens à la droite modérée”18 [sic].
Réalité historique et juridique
10En ce domaine, il existe trois cas de figures : on peut avoir affaire à des noms admis par l’environnement sans difficultés apparentes, bien que leur authenticité soit sujette à caution. Deuxièmement, il arrive que la noblesse des intéressés soit manifeste : cas des Boisboissel, de vieille noblesse bretonne, d’un Bréat de Boisanger, d’un Conen de Saint-Luc, avec dans ces deux derniers cas présence d’un chevalier de Saint-Louis dans l’ascendance immédiate. La troisième configuration est la plus intéressante : il s’agit des personnages dont la noblesse est revendiquée (par eux), contestée (par certains) et défendue (par d’autres). Ces cas nous montrent que le débat autour de points qui peuvent paraître futiles joue en fait un rôle important dans les nombreuses querelles politiques liées à la magistrature au milieu et à la fin du XIXe siècle.
11Dans le cas de Collinet “de la Salle”, l’argumentation de l’intéressé est particulièrement fournie. L’ennui est qu’elle ne prouve pas grand chose : on peut, selon les positions que l’on adopte, l’utiliser d’une manière ou d’une autre. L’affaire se noue en 1879 au moment du conflit avec le député républicain de Quimperlé, Corentin Guyho. Celui-ci fait observer que Collinet abuse d’un nom qui ne lui appartient pas, ne signant plus, tant ses actes judiciaires que ses communications à la presse, que “Albert de la Salle” (ce qui est exact). Dans ce contexte, le procureur de la République, ennemi farouche de Collinet, souhaite en avoir le cœur net : il interroge son collègue de Nancy et reçoit une copie du registre des naissances original, faite par le procureur lui-même, “en en calquant l’écriture” [sic]. Le registre porte bien les noms de “Collinet De la Salle” pour le père et le grand-père, mais il est vrai, dit-il, que “De” est en majuscules et qu’on ne distingue pas bien si les trois mots sont liés ou non19, amenant à se demander – l’expression n’est pas du procureur – si nous ne sommes pas en présence d’un cas de “noblesse du sécateur”. Le magistrat transmettait aussi un extrait de jugement du tribunal de Nancy du 5 janvier 1860 portant rectification du nom du père de Collinet, Victor Auguste, conseiller à la cour de Nancy, ancien receveur des contributions indirectes, né le 3 floréal an VIII et déclaré à sa naissance comme “Collinet-Lasalle”. C’était, dit le tribunal plein d’indulgence, une fausse déclaration qu’on peut attribuer “aux circonstances politiques de l’époque”.
12Quant à Collinet, il sort lui-même de nombreuses “preuves” de ses archives personnelles. Telle la mention de quelques ancêtres dont le fondateur, Jacques Collinet, dit “La Salle”, anobli le 18 septembre 1655 par le duc Nicolas-François en l’absence de son frère Charles IV, par lettres enregistrées par le parlement siégeant à Trêves en 1657. Elles furent plusieurs fois confirmées (y aurait-il eu un doute ?) au cours du 18e siècle. Collinet ajoute même ses “armoiries” au dossier20. L’ennui, c’est que nous21 ne disposons ici que de simples extraits du nobiliaire de Dom Pelletier22 : si les lettres patentes ont existé, elles ont disparu dans la tourmente révolutionnaire… Quant à la filiation de Collinet par rapport aux personnes du même nom cités par Dom Pelletier, on est invité faute de documents clairs à la supposer, sans plus. On dira qu’il y a là au moins un commencement de preuve par écrit, mais rien de décisif.
13Le cas d’Arnault “de Guenyveau” est plus incertain encore. En janvier 1871, une lettre anonyme adressée au procureur général de Poitiers — Arnault est alors procureur impérial à Jonzac, Charente-Maritime — dénonce les prétentions nobiliaires de la famille : le père d’Arnault vient de mourir et le faire-part est un inventaire d’une parentèle à particules… Or, le défunt était né le 6 germinal an IV à Chouppes (Vienne), de Jean Arnault, cultivateur ; sa veuve portait le nom de jeune fille — ”prosaïque [mais] très honorable du reste” — de Charrier23. Arnault fait immédiatement parvenir un extrait de naissance (il est né en 1831) dans lequel son père porte le nom de “Jean Arnault de Guenyveau, président du tribunal de première instance” de Fontenay-le-Comte. Deux ans plus tard, l’affaire rebondit, à la suite d’une nouvelle dénonciation : un jugement du tribunal de Fontenay (16 novembre 1860) avait décidé que le nom de “de Guenyveau” serait réputé non inscrit dans l’acte de naissance d’Arnault. Or, la mention marginale n’a été inscrite par le greffier sur le registre par lui conservé que le 29 octobre 1873, après qu’Arnault ait demandé une nouvelle expédition de son acte de naissance. Le greffier avait-il le droit de le faire 13 ans après le jugement ? Question délicate. Pourquoi n’y eut-il pas de transcription antérieure ? Sans doute un oubli, conclut, indulgent, le procureur de Fontenay-le-Comte… Quelques mois plus tard, Arnault sollicite le procureur général de Poitiers de donner son appui à la requête faite au Garde des Sceaux pour reprendre le nom de Guenyveau “que j’ai porté jusqu’en 1860”. Le procureur général appuie cette demande. Les circonstances (locales et momentanées24) qui avaient justifié le jugement de 1860 n’existent plus aujourd’hui. De Guenyveau était le nom de sa mère (ce qui est tout à fait faux : elle s’appelait Charrier25, comme le prouve l’acte de naissance d’Arnault) et les frères et sœurs d’Arnault portent couramment ce nom. Refuser serait lui porter un préjudice injustifié26. C’est semble-t-il cette solution qui fut acceptée : dans les années suivantes, Arnault est constamment appelé “de Guenyveau” dans les courriers officiels. A sa mort, en décembre 1905, le faire-part accumule de nouveau les patronymes d’apparence noble et les titres dont nul ne sait s’ils sont de fantaisie ou de courtoisie27.
14On remarquera que dans ces deux cas pour lesquels nous possédons une argumentation fournie, la stratégie des intéressés ne s’embarrasse d’aucun modèle restrictif et normatif. Bien au contraire, il s’agit de faire feu de tout bois : on exploitera donc les noms provenant de l’ascendance féminine (la filiation patrilinéaire est prioritaire mais non exclusive), l’appartenance à des provinces fraîchement rattachées à la France, les patronymes permettant l’usage du “sécateur”, et l’on instrumentalisera la période révolutionnaire de façon assez cocasse : puisque les archives personnelles ont souvent disparu, puisque par prudence de nombreuses familles ont temporairement abandonné leur désignation nobiliaire, il est permis d’attribuer à ces tristes temps, bien utiles ici, l’incertitude à laquelle on est présentement réduit. Éventuellement d’ailleurs, la Révolution peut être utilisée aussi de manière héroïque : “Dans ma famille, on ne décapite pas son nom, parce qu’il a brillé sur les champs de bataille aux côté des ducs de Lorraine. Dans ma famille, on ne décapite pas son nom, mais on est décapité à cause de son nom, et à la veille du supplice, on signe encore comme mon grand-oncle : Pierre-Maurice Collinet de La Salle de Chonville”28. Car ce qui compte, c’est que la “société englobante”29 reconnaisse l’usage public du nom, quoique chacun pense dans son for intérieur. Le signe qui marque l’appartenance est beaucoup plus important que les moyens qui ont permis d’établir sa réalité30.
La famille et les réseaux
La famille étroite
15Il est toujours hasardeux de comparer deux populations d’effectif très différent, même s’il s’agit de groupes homologues. Une variation de quelques individus dans le plus petit — s’il est vraiment petit, ce qui est le cas ici — peut amener à modifier les éléments de comparaison avec le plus grand et à en tirer des conclusions injustifiées. On restera donc très prudent mais tout de même enclin à dégager quelques items relativement probables :
Les origines familiales des magistrats à prétention nobiliaire sont à la fois plus délimitées et plus identifiables que celles de la population de référence. Leurs pères respectifs occupent quelques secteurs professionnels très étroits : professions judiciaires d’abord, et assez loin derrière, propriétaires, enfin officiers de l’armée — ou de la gendarmerie, ou de la marine, marginalement. C’est à peu près tout31, alors que les emplois de l’ensemble du groupe parental global sont beaucoup plus variés. De plus, contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori, les fils de “propriétaires” sont un peu plus nombreux dans la population “roturière” que chez les “nobles” (34 % contre 29 %) ; ces derniers sont plus fréquemment des fils d’avocats ou d’avoués (21 % contre 11 %) mais aussi d’officiers (12,5 % contre 5,5 %) ; les magistrats sont représentés de manière assez semblable mais un tout petit peu plus fortement dans la population “ordinaire” (28,5 %) que chez les individus “à particule” (25 %). Il y a donc bien une filiation judiciaire et militaire. Les magistrats à patronyme nobiliaire appartiennent à un groupe qui instrumentalise une position déjà existante dans la société, et ce dans un dessein qui n’est guère mystérieux : assurer la pérennité des valeurs qu’ils incarnent par le pouvoir que confère l’appartenance à la magistrature ; le fait d’ailleurs que les fils intègrent la magistrature alors que les pères n’y sont pas surreprésentés montre qu’il s’agit bien d’une stratégie de conquête. Un avocat à prétentions nobiliaires verra dans l’accès de son fils aux fonctions de judicature un moyen tout à fait normal de faire progresser ses idées en acquérant l’autorité qui s’attache à la fonction de magistrat32.
Ne pas être “fils de juge” ne veut d’ailleurs pas dire qu’on décline toute attache familiale avec le milieu, au contraire. L’entrée dans la magistrature peut être revendiquée comme une réappropriation d’une tradition dynastique rompue mais pas oubliée. Un cas éclairant est celui d’un homme, Félix Borrely, que nous n’avons pourtant pas compté dans notre échantillon de “nobles” parce que les autorités n’ont jamais reconnu, même partiellement, ses prétentions, critère discriminant, ici. Malgré d’énormes défauts qui auraient dû lui barrer la route de la carrière, Borrely obtint un poste d’attaché au parquet de Quimper, puis de juge suppléant avant de devoir démissionner en 1879, grâce aux interventions réitérées de certains de ses proches, et notamment de son grand-père Lozach, ancien vice-président du tribunal de cette ville. Dans des lettres stupéfiantes, qui sont à certains égards des pièces d’anthologie33 ce dernier reconstituait l’historique de la famille depuis l’Ancien régime, rappelant, entre autres, que Borrely eut pour trisaïeul M. de Kervélégan, dernier sénéchal de Cornouailles et membre de “toutes les chambres législatives, depuis les États Généraux, jusqu’à la restauration”. Or, après sa démission, Borrely devint sous le pseudonyme de “Kerven” le principal rédacteur du Publicateur, feuille légitimiste furieusement antigouvernementale : c’est bien comme héritier d’une famille de magistrats que “Kerven” eut l’ambition d’entrer dans la magistrature pour y combattre le régime impie. Qu’il ait échoué ne change rien à l’affaire.
Les stratégies matrimoniales des intéressés sont un peu moins évidentes. Parmi les “nobles” mariés, un gros tiers a épousé des femmes dont les noms de jeune fille témoignent de la même prétention, sans préjudice d’une éventuelle réalité de cette noblesse. Cette proportion tombe à un peu moins de 2 % dans la population “sans particule”. Il est peu probable qu’on ait là un effet statistique sans réalité.
Le plus important, en ce qui nous concerne, n’est pas là. Il est dans le rôle essentiel de la famille dans la détermination des opinions et du choix de carrière de l’intéressé. On pourrait presque dire qu’il est nécessaire de signaler une discordance entre options familiales et positions personnelles comme n’allant pas de soi, et en fait il apparaît ensuite que cette discordance n’existe pas et sert simplement à justifier, par exemple une nomination. Voici Berthelot de la Gletais : “Il est regrettable de l’avoir nommé à Guérande, son pays. Il est légitimiste comme sa famille”34 ; ou bien Blanchard de la Babaraye : “M. Louis de la Babaraye appartient par sa famille à l’opinion légitimiste35. Il est extrêmement modéré”36 ; formule très révélatrice : la modération est personnelle, le légitimisme de famille, à peu près de la même façon que les traits physiques ou les biens personnels. C’est à la même démarche intellectuelle qu’obéit le procureur impérial lorsqu’il juge Anne de Boisboissel, “Placé par ses relations de famille dans le parti légitimiste, [il] n’en partage pas les idées politiques et est dévoué au gouvernement de l’Empereur”37 : en quelque sorte, il est à la fois dehors et dedans, mais on peut se demander, à la lumière de cas similaires, si le dévouement à l’empereur n’est pas une simple adhésion à l’ordre établi et si le légitimisme familial ne représente pas la solide base de son patrimoine politique38. Prenons encore Coquebert de Neuville : “M. Coquebert, élevé dans un milieu légitimiste, aurait pu avoir une tendance naturelle à suivre les opinions de son père, honorable avocat de Nantes. Il ne les a pas manifestées39“. Affaire particulièrement instructive : comme lors de l’affaire de l’« article 7 » Coquebert démissionne avec un retentissant “Non possumus”. La note du procureur général prend rétrospectivement une connotation humoristique. Il est donc compréhensible que les “prétendants” les plus féroces à une noblesse contestée (Collinet, Arnault, Borrely) fassent explicitement apparaître des liens de famille qui les rattachent à une opinion légitimiste et cléricale. La volonté d’identification consciente ou inconsciente est ici pleinement à l’œuvre.
La famille élargie
16Le type de documents qui constitue notre source principale rend plus difficile l’étude de la famille large. Les autorités judiciaires n’ont généralement aucune raison de s’y intéresser. Toutefois, les notices individuelles comportent la rubrique “Est-il parent d’autres magistrats du ressort ?”. Les réponses sont parfois élargies aux autres professions judiciaires (avocats, avoués, greffiers) ou aux fonctionnaires. La rubrique semble avoir été remplie de manière très irrégulière40, mais on constatera qu’elle est complétée à 18 % pour la population d’ensemble, à 29 % pour les “nobles”. Sous les plus expresses réserves, on pourrait donc avancer que les liens de famille sont plus développés (au sein de la magistrature) et plus complexes chez les individus à prétention nobiliaire que chez les autres. Ce qui ne serait pas une découverte bouleversante41 et confirmerait ce qu’on a vu plus haut. Quand un Berthelot de la Gletais, légitimiste avéré, signale sa parenté au 5e degré avec M. de la Pécaudière, avoué à Nantes, on ne dira pas que c’est pour le plaisir, mais parce que M. de la Gletais, suppléant de paix en 1872 et qui aspire à devenir juge de paix, veut montrer la distinction de sa famille même éloignée et son implantation dans les milieux judiciaires. Avec fruit : il devient juge de paix en 1873. Un Louis de Blois, jeune procureur de la république à Châteaulin (Finistère) en 1874, note son cousinage, issu de germain, avec Anne de Boisboissel, juge d’instruction à Guingamp et présentement député à l’Assemblée nationale à Versailles. Cela peut servir42. Hippolyte Charil de Ruillé, substitut à Saint-Malo en 1874, mentionne sa situation de cousin issu de germain de Feildel, juge à St Nazaire et de cousin issu de germain par alliance avec Potier, conseiller à la cour de Rennes, étendant assez loin les solidarités familiales. Quant à Collet de la Lande, juge de paix à Saint-Jouan de l’Isle (Côtes-du-Nord) sous Napoléon III, il cite “en vrac” des magistrats de tous grades dont il ne se donne même pas la peine de signaler la parenté exacte qui les relie à sa personne. Qu’ils soient “de sa famille” suffit apparemment à ce personnage extraverti, très inséré dans la vie sociale et politique de son canton (conseiller d’arrondissement, président du comice agricole), et assez remuant… Certains magistrats opèrent d’ailleurs une sélection : l’omission délibérée de parents sans doute jugés “inutiles” est parfois frappante ; Bouessel de Lescoussel, procureur à Quimper devenu président du tribunal de Saint-Brieuc en 1856, signale sa parenté avec un avoué de Fougères mais omet celle qui le lie par alliance avec un juge de Dinan ; ce dernier et Bouessel avaient épousé deux sœurs et cette alliance croisée semble, pour des raisons que nous ne connaissons pas, de peu d’importance au regard du président43.
Les réseaux
17Malgré la réflexion centrée sur le “Pouvoir de la famille…”, il n’est pas inutile de poser la question de l’influence extra-familiale des magistrats à prétention nobiliaire. Leur position, réelle ou prétendue, les met-elle au centre d’un réseau d’attraction et de relations particulier ? Remarquons d’abord que l’appartenance à une noblesse authentique ou non n’implique pas un engagement plus important dans les fonctions civiles ou politiques extrajudiciaires. L’ensemble des magistrats analysés est souvent tenté ou a été tenté par l’occupation de positions telles que conseiller d’arrondissement, conseiller général, administrateur d’institutions charitables, délégué cantonal des écoles, président de chambres syndicales (par exemple pour d’anciens notaires) : au total, plus de 35 %, ce qui semble considérable44. Or, les “nobles” ne sont concernés par ce même engagement qu’à 29 %. La différence est sans doute trop mince pour être significative (vu le faible effectif de la deuxième population), mais en tout état de cause il n’y pas d’investissement supplémentaire de la part des magistrats “à particule”.
18Reste que l’influence peut s’exercer de manière plus informelle et plus “privée”. Or, il apparaît que les “nobles” sont en ce sens particulièrement bien placés. La figure du gentilhomme protecteur, animateur, porteur des valeurs de progrès et de développement se rencontre ici ou là, pas de façon systématique sans doute mais pas non plus comme une rareté. De tels personnages se rencontrent par exemple assez fréquemment parmi les suppléants de justice de paix, que l’on recrute parmi les praticiens du droit, notaires surtout, mais aussi parmi les “purs notables”. Gaston Conen de Saint-Luc par exemple : “Aimant le lieu où il est né, y voulant demeurer quand il pourrait habiter une terre en Anjou, toujours accessible à tous, riche et grand agriculteur, il donne l’exemple & le conseil ; et convie les paysans à voir & juger les procédés nouveaux qu’il expérimente pour qu’ils en fassent leur profit. Les progrès de l’agriculture dans le canton lui sont dus en grande partie”45. Description similaire quoiqu’un peu moins dithyrambique pour Joseph Maujouan du Gasset : [Fixé à Saint Etienne-de-Monluc46] “au milieu de sa famille et de ses propriétés ; il y est entouré de l’estime et de la considération de tous”47.
19L’influence peut toutefois s’exercer de manière plus active. Soit par l’animation de sociétés aux buts assez clairement identifiables, et qui vont d’ailleurs toujours dans le même sens : Arnault de Guenyveau est, au début des années 1860, président de la Société de Saint Vincent-de-Paul de Jonzac qui semble avoir rassemblé l’élite catholique et légitimiste de la petite ville. Le Bescond de Coatport, juge suppléant à Brest depuis 1869, participe en 1878 à la création d’un comité de patronage en faveur de l’enseignement congréganiste à Lambézellec (banlieue ouvrière de Brest). Soit par la participation à la vie de la “bonne société” de l’endroit. Le cas de Collinet de la Salle en est une excellente illustration. Le “président” (du tribunal) fréquente assidûment la noblesse locale avec laquelle ses relations dépassent très largement le stade de la simple courtoisie : Collinet semble de toute évidence un ami très proche du puissant clan de Mauduit, c’est-à-dire des notables profondément antirépublicains de Quimperlé.
20“Ces Mauduit jouent un rôle important à Quimperlé. Henri [...] ancien officier de mobiles, chevalier de la légion d’honneur, est directeur d’usine. Il est robuste, entreprenant, assez sympathique, parle le dialecte du pays, plaît aux ouvriers et aux paysans en leur payant à boire. Il vise à la députation. Sa femme est une Clermont-Tonnerre. Il a un frère, personnage assez effacé ; mais la femme de celui-ci, Mme Anne de Mauduit, est l’âme de toutes les intrigues. C’est une femme de 35 ans, encore belle48, très séduisante, intelligente ; hardie, fanatique, rêvant chouannerie ; sorte de Diana Vernon49 dont toute la camarilla subit l’influence, M. le Président Collinet de la Salle n’est pas excepté”50.
21Cette amitié englobe les autres juges du tribunal, eux-mêmes entièrement dans les mains du président, par exemple : “Le premier juge est M. Huchet du Guermeur, auquel on a dû retirer l’instruction. Ce magistrat, d’ailleurs incapable, mène la vie élégante & est le compagnon de chasse des membres de la famille de Mauduit. On l’a séduit, on le tient par là ; il est complètement inféodé [...] Il juge très certainement, non sur l’examen du Droit, qu’il ignore, mais d’après le nom des personnes en cause”.
22Dans ces trois cas, très différents les uns des autres, et ailleurs encore, l’usage de la particule est à l’évidence conçu comme un outil ou comme une arme (au choix). Le magistrat se sert à la fois de son autorité morale, de son (redoutable) pouvoir de juger51 et du prestige que sont censées lui apporter ses références aristocratiques. Que ces références soient discutables importe ici assez peu : on peut s’interroger sur le cas que faisait Mme de Mauduit, née de Clermont-Tonnerre, de la noblesse de Collinet “de la Salle” et de Huchet “du Guermeur”. La question n’était pas là : elle était qu’aux yeux de la société, ces nobles magistrats appuyaient de tout leur ascendant un clan censé appartenir au même monde qu’eux, en espérant sans doute en retirer les bénéfices le moment venu. Ainsi le dit le second juge de Quimperlé, Chanon, qui d’ailleurs ne se fait pas appeler “de” parce qu’il ne le peut sans doute pas du tout ; faute de prétentions nobiliaires possibles, il “en rajoute” dans la violence et la servilité : “Si le Roi revient [...] M. le Président [Collinet] sera appelé dans une grande cour & je serai, moi, le Président de Quimperlé”52.
23Il est tout à fait sûr que dans les incertaines années 1870-1883, les querelles autour de la noblesse “supposée” atteignent leur paroxysme. Lorsque nombre de personnages éminents envisagent la restauration monarchique comme une haute probabilité, ou même une possibilité, la lutte pour l’accession à un groupe dont les intérêts s’identifient, pense-t-on, au futur régime, se justifie de manière très rationnelle. L’épuration de 1883 et l’installation définitive de la République mettra un terme à ce genre de disputes. Au-delà, la prétention à la particule, sans disparaître, prendra un caractère nettement plus personnel.
Les autorités et le public
Accepter le “de” ?
24Dans le cas d’Arnault “de Guenyveau”, on a vu que le procureur général avait, lorsque la question s’était posée, soutenu la démarche de son subordonné. Son raisonnement était fort clair : la question de savoir si Arnault était ou n’était pas noble se trouvait au fond dépourvue d’importance. L’usage mondain était tel que la parentèle du magistrat se faisait appeler sans opposition majeure “de Guenyveau” et même “comte” ou “comtesse” de Guenyveau. La particule consacrée par cet usage constituait donc en quelque sorte un élément du patrimoine du procureur de La Rochelle53, élément dont il aurait été injuste de le priver sans raison déterminante, et le procureur général n’hésitait pas à se servir, consciemment ou non, d’une assertion fausse54 pour appuyer ce point de vue auprès du “Garde”.
25La consécration d’un nom “à particule” par autorisation de la justice ne semble pas rare, en tout cas sous le Second empire et dans les débuts très conservateurs de la Troisième république. Hippolyte Charil, juge de paix, se nommait en 1842 Charil tout court. L’acte de naissance de son fils, lui-même magistrat, en fait foi. Or, il est autorisé à porter le nom de “Charil de Ruillé” par jugement du tribunal de Rennes en date du 7 juillet 185955.
26Cette indulgence provinciale n’a pas forcément une correspondance nationale automatique : en 1860, les autorités s’émeuvent de l’obstination du conseiller à la cour de Rennes, Collin, de se faire appeler “de Collin de la Contrie”, comme la famille Charrette. Consulté par le procureur général, le Garde des Sceaux dénie absolument à Collin le droit de se faire appeler “de la Contrie” ; quant au “de” Collin, le ministre formule là-dessus les plus expresses réserves et conclut que le conseil du sceau sera amené prochainement à trancher cette question56. La question rebondit lorsque Collin est fait en 1862 chevalier de la légion d’honneur. Le décret de nomination concerne M. “de” Collin lequel s’appuie sur des lettres d’anoblissement accordées à son père en 1822. Mais l’ancienne législation ne prévoyait nullement que le “de” résultât de la noblesse, et une déclaration de Louis XIV de 1699 interdisait aux anoblis de se faire appeler “de”. Un avis de la commission du sceau du 7 septembre 1826 donnait la même position. L’acte de naissance de Collin ne comporte pas de “de”. Le Garde demande de veiller à ce que l’almanach impérial de 1863 porte bien le nom de “Collin”57. Voilà donc un cas inverse des autres, mais dont la solution est tout à fait logique : Collin, qui est noble, prétend le faire savoir, la chose ne présentant autrement que peu d’intérêt, et en 1860 le seul moyen reconnu par la société est d’ajouter une particule à son nom, même si elle est ridicule ; le ministère ne nie pas que Collin soit noble — des lettres remontant à la Restauration peuvent être facilement vérifiées —, mais il refuse absolument qu’il en tire gloriole en ajoutant un “de” déplacé à son nom, et aussi bien en ajoutant à son patronyme une dénomination d’origine tout à fait injustifiée.
27Un autre cas révélateur est celui de Félix Borrely, qui se voudrait “de Kervélégan”, sous prétexte qu’il s’agissait du nom de jeune fille de sa grand’mère maternelle. Il permet de distinguer une version laxiste de l’image de la particule comme bien personnel, celle des magistrats provinciaux, et une version “dure”, celle de la chancellerie et donc de l’État. Les autorités locales (id est, le procureur de la république) seraient plutôt favorables, au motif que 1/ le nom n’est réclamé par personne, 2/ ses ascendants maternels se nommaient vraiment avant la Révolution, Le Goazre de Kervélégan. On pourrait l’obliger, en mesure de transaction, à porter le nom complet (ou rien !). La demande, transmise sans commentaires par le procureur général, est très rapidement rejetée par le Garde des Sceaux. Autrement dit : dans un cadre provincial étroit où il importe de multiplier les signes de reconnaissance clairs de ce que l’on prétend être, ce semblant d’anoblissement, dans le cas où il n’entre en conflit avec aucune autre revendication justifiée, semble tolérable. Mais la doctrine des autorités centrales est beaucoup plus rigide : on voit décidément que la particule est acceptable (cas d’Arnault) quand elle correspond à un usage social reconnu depuis longtemps, elle fait alors partie en tant que bien immatériel du patrimoine personnel de l’intéressé ; on pourrait presque dire qu’il en a hérité comme d’une maison ou d’un “vrai” titre de noblesse ; elle est à bannir en toutes circonstances quand elle correspond à une pure ambition et à une volonté personnelle de promotion ; elle n’a alors pas d’existence, autrement que dans l’imagination du prétendant58.
28Plus difficile à interpréter est la façon dont les supérieurs des intéressés en parlent : pas dans les documents officiels bien entendu — installation, prestation de serment, mutation — où on leur donne le nom que reconnaît l’état civil, mais dans les lettres et échanges confidentiels dont ils sont l’objet en cas d’incident, plainte, scandale, et ces occasions ne manquent pas. On est ici contraint de s’en tenir à une certaine subjectivité. Pour les magistrats dont la noblesse semble avérée, il n’y a guère de choix possible dans la dénomination (de Blois, de Boisboissel, etc.). Pour ceux dont la particule est à peu près sûrement de fantaisie, non plus (Collet “de la Lande” signe lui-même “Collet” et c’est ainsi que le nomment ses supérieurs, sinon parfois “Collet-Delalande”). Par contre, la question est plus intéressante lorsque le cas est litigieux. Et ici, il semble que les supérieurs hiérarchiques immédiats des intéressés, ou leurs collègues de même niveau, aient assez facilement tendance à donner du “de” avec une certaine générosité, encore que pas tout à fait systématiquement. Un adversaire aussi déterminé de Collinet que le procureur général Quesnay de Beaurepaire le nomme indifféremment “M.Collinet”, “M. de la Salle”, mais le plus souvent “M.Collinet de la Salle” (ou “le Président Collinet de la Salle”), voire “M.C. de la Salle”. Mêmes choses pour Berthelot de la Gletais, appelé parfois “Berthelot”, parfois “Berthelot de la Gletais”, pour Le Bescond de Coatport etc., tout ceci sans qu’une explication claire puisse être avancée. En fait, tout se passe comme si les auteurs répugnaient à nommer sans nuance aucune l’individu concerné d’une façon qui entérine ses prétentions, tout en se refusant également à les dénier de manière explicite. Ce qui justifierait une stratégie alors logique de la part des magistrats concernés : toujours utiliser le nom “à particule”, de préférence sans le patronyme antécédent. Compte tenu de ce que l’on a cru établir ci-dessus, ils peuvent croire fondé l’espoir que les autorités en viennent à n’utiliser que le nom d’apparence nobiliaire, engendrant ainsi plus ou moins rapidement une famille dont nul ne se souviendrait qu’elle a pu revêtir un autre nom.
Le public est-il concerné ?
29Comme on l’a déjà fait remarquer, les autorités — la chancellerie, le procureur général, selon les cas —, font effectuer à peu près constamment une enquête, même de pure forme, dès lors qu’un magistrat fait l’objet de plaintes de la part du public et ce quand bien même la dénonciation serait anonyme. Dans ce fatras, les griefs qui concernent une usurpation de particule semblent peu nombreuses : les justiciables s’en prennent à des magistrats qu’ils accusent d’incompétence, de partialité, d’incapacité à rendre sereinement la justice — juges de paix endettés par exemple59—, d’ivrognerie, de comportement privés indignes — ou jugés tels : Collet de la Lande, qui est célibataire, aurait sa bonne pour maîtresse, cas de figure plutôt classique et que le dénonciateur ne condamne pas, mais il ne peut admettre le fait que celle-ci rendrait les sentences quasiment à sa place, ce qui est, on en conviendra, peu acceptable... — d’engagement politique excessif, etc., mais la question de savoir s’ils sont vraiment comtes ou barons semble d’assez faible importance. Faible mais pas nulle. Il arrive que des lettres anonymes dénoncent la prétention de tel ou tel et en tirent argument pour demander une enquête sur le supposé coupable : c’est ainsi qu’Arnault de Guenvyeau est l’objet en janvier 1871 d’une dénonciation60 due à un courageux anonyme que les malheurs de la patrie n’ont pas l’air de préoccuper prioritairement. Collinet de même en 1878 : il attribue cette dénonciation à un greffier indélicat obligé de céder sa charge61. Mais, dans l’état actuel de nos connaissances, ce genre de mise en cause ne paraît pas fréquent. Si les magistrats visés sont interpellés sur ce point, c’est plutôt par les hommes politiques ou journalistes engagés dans le débat public que par une opinion qui semble n’avoir cure de ces débats sur la qualité des armoiries – autant dire sur le sexe des anges. La “noblesse” de Collinet de la Salle est vivement contestée par le député républicain Corentin Guyho, défendue par l’ancien magistrat Borrely “de Kervélégan” qui signe “Kerven” dans l’organe ultra-conservateur Le Publicateur mais le débat réel tourne autour du comportement judiciaire et politique du président du tribunal beaucoup plus que sur ses prétentions à une quelconque couronne. Il est tentant et facile de se moquer de la vanité de l’homme :
30“M.A. de la Salle s’appelait originellement Collinet en même temps que de la Salle. Pourquoi donc, depuis quelque temps, cherche-t-il à faire disparaître entièrement le premier nom de Collinet. Nous avouons cette faiblesse : Collinet nous agréait ; Collinet avait un petit air simple, rustique et plaisant qui nous revenait ; vraiment nous regrettons Collinet ; ah ! qu’on nous rende Collinet ! Collinet ou la mort !”
31Mais c’est pour ajouter immédiatement : “Qu’il ait le droit de s’appeler de la Salle, avec ou sans Collinet, point secondaire après tout et qui n’a que la mince importance du personnage, ce n’est pas là qu’est la question générale”62, mais bien dans les propos offensants tenus par Collinet envers le député Corentin Guyho et qui vont lui valoir de passer en correctionnelle, première étape du chemin de croix qui mènera Collinet”de la Salle” à la suspension puis à la mise à la retraite en 1883.
32Ce n’est donc pas la stratégie familiale des magistrats “à particule” qui pose problème aux yeux de l’opinion : ce type de comportement est bien une composante d’une démarche personnelle, que les intéressés pensent profitable et honorable dans des proportions respectives que nous ne pouvons déterminer, mais qui laisse sans doute le grand public de glace, non seulement parce qu’il a d’autres préoccupations, mais aussi en ce que les magistrats concernés appartiennent tous à un groupe social bien déterminé dont on surveillera, pour les approuver ou les condamner, les décisions judiciaires et les relations sociales, mais non les foucades qui revêtent une importance considérable aux yeux des intéressés mais signent simplement une immense vanité — dans tous les sens du terme — au regard du public.
Conclusion
33Obtenir que l’on vous dénomme de la façon que vous avez choisie comme la plus adaptée à l’image que vous désirez créer de vous-même dans un but professionnel ou patrimonial, ou simplement honorifique, c’est placer la famille au cœur d’une stratégie à long terme, l’équivalent immatériel d’un placement financier ou immobilier. Encore faut-il que cette dénomination soit perçue positivement par la société englobante63, et qu’elle ne fasse pas l’objet de critiques trop vives et efficaces qui seraient contre-productives en jetant sur l’intéressés ridicule et discrédit. Il faut distinguer ici ce qui reste pure forfanterie, titres de fantaisie, charges de confréries variées, particules qui prêtent uniquement à rire. Cela reste un comportement vivace à notre époque, mais il est peu probable qu’on puisse y discerner un élément d’une stratégie sociale collective – sauf erreur. Que le journaliste Patrick Poivre ne soit d’Arvor que par ses (indirectes) origines bretonnes et que “Valéry Giscard d’Estaing” ait constitué comme le dit un jour, paraît-il, le général de Gaulle, un beau nom d’emprunt pour un ministre des Finances ne peut guère relever que d’une démarche personnelle, d’ailleurs pas forcément dépourvue d’intérêt. Les personnages dont nous avons ici suivi les traces sont d’une autre facture. C’est bien l’intégration à un milieu en qui résident à leur avis la puissance et la gloire qu’ils visent délibérément, et peut-être avec justesse. L’histoire de la noblesse française post-révolutionnaire n’est plus tout à fait aujourd’hui terra incognita, mais force est de reconnaître qu’elle a peu retenu l’attention des historiens, comme s’il s’agissait de se pencher sur un objet sans utilité et sans avenir, une impasse de l’Histoire, un cul-de-sac de l’évolution comme en connaît la paléontologie. Cela est rien moins que sûr. Pendant plus de 70 ans, jusqu’à l’Assemblée nationale de 1871 qui, il est vrai, fait figure de chant du cygne, la noblesse a voulu et a en partie réussi à jouer un rôle économique, social et politique, avant que la “Gueuse” n’impose définitivement au premier plan médecins, avocats et professeurs de province, Clemenceau, Briand, Poincaré, Jaurès. De ce point de vue, les efforts démesurés d’un “Collinet” pour être “de la Salle” prêtent aujourd’hui à sourire. Mais cela n’aurait pas été le cas si le roi était revenu, hypothèse non absurde, et la stratégie patronymique serait alors apparue non comme un jeu dérisoire64 mais comme une entreprise rationnelle et logique.
Notes de bas de page
1 Raymond Boudon, Bourricaud François, Dictionnaire critique de la sociologie, Paris, P.U.F., 3e éd., 1990, p. 255.
2 J’appelle “construction d’une famille” le fait de re-construire, à partir d’un certain nombre d’éléments réels, une image idéalisée, embellie, lissée de la famille à laquelle on appartient, de façon à ce que le “constructeur” en tire un bénéfice lié à l’influence sociale et politique supposée du type de famille auquel appartient l’image.
3 La généalogie truquée n’est évidemement pas une invention de bourgeois de province plus ou moins mal argentés du 19e siècle. Voir Burguière André, “La Généalogie”, in Les Lieux de mémoire, La France, Pierre Nora dir., Gallimard, éd. Quarto, 1997, pp. 3879 et suivantes. Simplement, la technique est ici différente, à vrai dire beaucoup plus rustique et composite : il s’agit d’imposer une vérité par tous les moyens, y compris la répétition pure et simple (procédé connu des hommes politiques comme des publicitaires), la généalogie étant UN de ces moyens.
4 L’échantillon étudié plus précisément reste pour l’essentiel antérieur à 1914 : le dépouillement de cette énorme masse documentaire (Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine, notées A.D.I.V., sous-série 1 U classement alphabétique) étant loin d’être terminé, on a préféré analyser un groupe de référence de 285 individus dont 25 “nobles”, ceux dont les noms de famille commencent par A, B, C ou G ; sélection qui donne au panel un caractère aléatoire acceptable. Mais cette étude se veut plus examen de cas représentatifs qu’analyse purement statistique.
5 C’est-à-dire un nom “à particule”. On sait que la particule n’est aucunement sous l’Ancien régime un signe nécessaire et suffisant de noblesse, mais au 19e siècle l’identification particule-noblesse devient une représentation mentale largement partagée. Voir Higgs David, Nobles, titrés, aristocrates en France après la Révolution, 1800-1870, Paris [trad.], Liana Levi, 1990, p. 50 et suivantes.
6 David Higgs, op.cit, p. 65.
7 1/3 de juges de paix, 2/3 de magistrats du siège ou du parquet (mais de tous grades).
8 Avec il est vrai sans doute beaucoup moins d’influence politique que sous l’Ancien régime (et d’influence tout court que de nos jours – ce qui est une autre histoire) ; mais prestigieux quand même.
9 « Il serait aventureux, en vérité, de considérer l’amour de la hiérarchie et du rang comme spécifiquement français alors qu’il était important dans d’autres États européens, mais le Français “formaliste” conservait les valeurs nobiliaires comme pierre de touche des jugements sur la sociabilité, la vie politique et le goût ». Higgs David, Nobles, titrés, aristocrates en France après la Révolution, 1800-1870, Paris [trad.], Liana Levi, 1990, p. 355.
10 A.D.I.V., 1 U, Collinet de la Salle, lettre au procureur général, 4 octobre 1868.
11 A.D.I.V., 1 U, Arnault de Guenyveau, lettre du ministère au procureur général de Poitiers, 14 juin 1870.
12 Mais il fait partie de ceux en qui C. Charle voit les partisans “d’une autre hiérarchie des priorités sociales [pour qui] la fonction comptait plus que l’ordre établi”. Charle Christophe, Les Élites de la République, 1880-1900, Paris, Fayard, 1987, pp. 203-204. Refusant, sans état d’âme apparent, de démissionner en 1879-1880, traversant sans difficultés majeures l’épuration de 1883, Arnault recevra à la fin de sa carrière la légion d’honneur avec l’appui d’un ancien ministre de la Justice, le très républicain Martin-Feuillée qui écrira au procureur général de Rennes : « Comme l’a dit Bérenger, qu’on puisse aller même à la messe [sic], ainsi le veut la liberté”. A.D.I.V., 1 U, Arnault de Guenyveau, lettre du 14 mai 1899.
13 A.D.I.V., 1 U, Berthelot de la Gletais
14 A.D.I.V., 1 U, Carron de la Morinais, note du procureur sur Carron, 6 novembre 1876.
15 A.D.I.V., 1 U, Coquebert de Neuville, note du procureur général, avril 1879.
16 Ibid., lettre au procureur général, 31 octobre 1880.
17 Proportion sans doute presque décuple (avec toutes les réserves d’usage) de la “normale”.
18 Mots de Collinet adressés au très républicain procureur Jousseaume lors de la nomination de ce dernier à Quimperlé, en 1880. A.D.I.V., 1 U, Collinet de la Salle, extrait d’une lettre du procureur général Quesnay de Beaurepaire au procureur général près la Cour de cassation, 24 juin 1882.
19 Le procureur se moque du monde, ou préfère ne pas s’engager. L’exemplaire de l’extrait de naissance conservé aux Archives Nationales (A.N., BB6 II 94) montre tout à fait que le nouveau-né a été déclaré sous le nom de Delasalle en un seul mot. Le père avait-il peur d’apparaître noble en 1824, sous le gouvernement de M. de Villèle ?
20 Sur l’ensemble de cette affaire, A.D.I.V., 1 U, Collinet de la Salle, notamment pièces de janvier-mars 1879.
21 Collinet et nous…
22 Qu’il orthographie curieusement “Dom Peltier” comme s’il n’avait jamais eu l’ouvrage lui-même entre les mains… Nobiliaire ou Armorial général de la Lorraine et du Barrois par Dom Pelletier, 1758.
23 A.D.I.V., 1 U, Arnault de Guenyveau, lettre anonyme au procureur général de Poitiers, janvier 1871
24 Nous ne les connaissons pas. Rivalités de province profonde ?
25 Ou Chairier, l’écriture n’étant pas très lisible.
26 A.D.I.V., 1 U, Arnault de Guenyveau, lettre du procureur de Fontenay-le-Comte au procureur général de Poitiers, 16 novembre 1873, lettre d’Arnault au procureur général de Poitiers, 16 juin 1874, lettre du procureur général au Garde des Sceaux, 20 juin 1874.
27 A.D.I.V., 1 U, Arnault de Guenyveau, faire-part de décès, 8 décembre 1905.
28 A.D.I.V., 1 U, Collinet de la Salle, Lettre de Collinet au journal républicain Le Finistère, 4 janvier 1879.
29 Sur l’usage de cette notion ici, voir la note 63.
30 Entendons-nous : la question de savoir si Collinet ou Arnault étaient ou n’étaient pas nobles est ici sans importance. On ne s’intéresse qu’à la démarche par laquelle ils prétendent prouver leur noblesse et eux réactions que suscite cette démarche. Les noms d’Arnault de Guenyveau et de Collinet de la Salle sont par exemple connus du Répertoire d’Arnaud, Etienne (Etienne Arnaud, Répertoire de généalogies françaises imprimées, Paris, Berger-Levrault, 1978). Mais cela ne prouve rien : il existait effectivement une famille Collinet de la Salle, de noblesse assez récente, en Lorraine, mais le président du tribunal de Quimperlé était bien en peine de prouver qu’il en descendait directement. Peut-être était-ce le cas, peut-être pas. La noblesse d’Arnault est, elle, en tout état de cause, de très fraîche date. Il s’agit sans doute de cultivateurs enrichis, dont l’un des membres se fait appeler juste avant la Révolution, “sire de”, épouse (dans quelles circonstances ?) en l’an III une demoiselle “de Guényveau” (qui était donc la grand-mère et non la mère de notre magistrat), engendre le père du futur avocat général, plusieurs filles, ainsi qu’un autre garçon, Jean Septime. Ce dernier combat au sein des zouaves pontificaux, signant ainsi ses convictions politico-religieuses, et obtient du pape Pie IX le titre de comte romain héréditaire. C’est ce qui lui permet d’apparaître sur le faire-part de décès de son frère comme “comte de Guényveau”. On conviendra qu’il ne s’agit pas d’une noblesse d’extraction, mais bien d’une volonté délibérée, acharnée, et réussie, de s’intégrer au groupe social posé pour modèle par la famille. Sur la famille Arnault, voir Frotier de la Messelière, Henri, Filiations bretonnes, Paris, 1912-1926, t. 1, à l’ordre alphabétique (les descendants de Jean Septime ayant acquis un château en Bretagne, Frotier, qui avait l’esprit large, les inclut dans la noblesse de la province).
31 A quelques exceptions près (fonctionnaires de rang supérieur, par exemple). On a pris la dernière profession connue : un “propriétaire” par exemple a pu être auparavant officier ou avocat, bien avant l’âge de la “retraite” ; la société du XIXe siècle n’est pas la nôtre. Mais nous l’avons classé “propriétaire”. Il faut bien faire un choix…
32 Autorité en tout cas valorisée par les magistrats eux-mêmes… Ce qu’on en pensait à l’extérieur du corps est une autre affaire. Exemple (entre cent) de l’avocat général de Montpellier, Parès, en 1832 : « quel terrible pouvoir que le nôtre… ». Cité par Farcy Jean-Claude, Magistrats en majesté, Les discours de rentrée aux audiences solennelles des cours d’appel (XIXe – XXe siècles), Paris, CNRS éditions, 1998, p. 151.
33 Par exemple, lettre de Lozach au procureur général de Rennes, 6 septembre 1871, A.D.I.V., 1 U, Borrely.
34 A.D.I.V., 1 U, Berthelot de la Gletais, lettre du 18 juin 1881, auteur et destinataire illisibles.
35 C’est moi qui souligne.
36 A.D.I.V., 1 U, Blanchard de la Babaraye, tableau de présentation, 9 mars 1874.
37 A.D.I.V., 1 U, Anne de Boisboissel, note du procureur impérial de Guingamp, 2 septembre 1859.
38 En fait, “on” ne se demande pas. “On” en est sûr…
39 A.D.I.V., 1 U, Coquebert de Neuville, note (brouillon) du procureur général, mars 1879
40 Selon une vieille tradition de la fonction publique, les notices sont remplies par les intéressés et “vérifiées” (?) par les supérieurs hiérarchiques. Il est possible que certains magistrats aient eu intérêt à dissimuler des relations familiales qui pouvaient rendre plus difficiles une mutation recherchée. Peut-être certains ne voyaient-ils pas l’intérêt non plus de noter des parentés au 5e degré. Les “nobles” seraient beaucoup plus habitués à se situer dans un contexte très élargi.
41 « Les familles nobles, en raison de leur politique des mariages très restreinte, ont souvent entre elles de multiples liens de cousinage aussi importants que les rapports père-fils ou beau-père gendre que nous saisissons facilement ». C. Charle, op.cit., p. 155.
42 En fait, bien sûr, cela ne servira pas. Mais en 1874, il ne peut pas le savoir…
43 A.D.I.V., 1 U, notices individuelles des magistrats concernés.
44 Avec une différence marquée entre le Second empire (qui semble favoriser ou du moins ne pas contrarier cet engagement) et la Troisième république qui le découragera fortement (surtout après 1879).
45 A.D.I.V., 1 U, Conen de Saint-Luc ; note du président du tribunal de Quimper sur Conen, 17 mai 1879. On croit comprendre que, pour le signataire, habiter Plogastel-Saint-Germain (entre Quimper et la pointe du Raz) quand on possède un château en Anjou, c’est faire preuve d’un grand esprit de sacrifice…
46 Non loin de Saint-Nazaire
47 A.D.I.V., 1 U, s Conen de St Luc et Chantereau (le dossier Maujouan étant inclus pour des raisons mal élucidées dans ce dernier)
48 Lignes écrites en 1882…
49 Personnage de Walter Scott dans Rob Roy, audacieuse héroïne jacobite. Balzac lui compare le personnage central d’Une Ténébreuse affaire, Laurence de Cinq-Cygne.
50 A.D.I.V., 1 U, Collinet de la Salle, 24 juin 1882, lettre du procureur général de Rennes, Quesnay de Beaurepaire, au procureur général près la Cour de cassation, préalable aux poursuites disciplinaires qui vont mettre fin à la carrière de Collinet.
51 Redoutable : selon Quesnay de Beaurepaire (lettre citée), Huchet aurait énoncé à l’une de ses connaissances cet aphorisme sans équivoque : « Tant que l’inamovibilité sera maintenue, on ne nous empêchera pas de condamner nos ennemis et d’acquitter nos amis ».
52 Même lettre. On pourrait certes ne pas prendre pour argent comptant les dires de Quesnay de Beaurepaire, lui-même brutal, ambitieux et sans scrupules comme le montrera son rôle lors du boulangisme, du Panama et de l’affaire Dreyfus. Mais ses affirmations sont recoupées par de nombreuses sources différentes.
53 Poste qu’il occupe à cette date.
54 Guenyveau aurait été le nom de sa mère. C’est en fait celui de sa grand-mère paternelle (voir note 30).
55 A.D.I.V. 1 U, s Charil de Ruillé, père et fils.
56 A.D.I.V., 1 U, Collin de la Contrie (car nonobstant l’avis du Garde des Sceaux, le dossier individuel resté entre les mains du procureur général attribue paternellement à Collin le patronyme tant recherché…), lettre du procureur général à Collin, 28 janvier 1860.
57 A.D.I.V., 1 U, Collin de la Contrie, lettre du Garde des Sceaux au procureur général, 6 août 1862.
58 A.D.I.V., 1 U, Borrely, première demande du procureur, 14 août 1878, rejet par le Garde des sceaux, 27 septembre 1878. Quelques mois plus tard, la chancellerie aura l’occasion de préciser sa doctrine. Borrely, qui a démissionné entretemps, continue à signer “Borrely de Kervélégan” : s’il le fait dans un article de journal ou sur une carte de visite, cela ne soulève aucune difficulté ; cela ne regarde que lui, un peu comme s’il prenait un surnom ou un nom de plume ; si c’est dans le cadre d’un acte officiel quelconque où il doit décliner son état-civil, le fait est passible de poursuites judiciaires.
59 Souci commun à l’ensemble des ressorts judiciaires. Voir Jourdan Jean-Paul, « Les Juges de paix de l’Aquitaine méridionale (Landes, Basses-Pyrénées, Hautes-Pyrénées) de 1870 à 1914 », Annales du Midi, t. 100, n° 183, juillet-septembre 1988, p. 305.
60 Voir note 23.
61 Réf. : voir note 28.
62 Article non signé, réf. voir note 28.
63 Ici, la société englobante est formée des supérieurs hiérarchiques de l’intéressé, des collègues de niveau égal à qui l’on demande approbation du comportement, des instances politiques et administratives (maires, sous-préfets, préfets, parlementaires) et des notables locaux qui font en partie l’opinion (propriétaires, industriels, patrons de presse).
64 Apparemment, une action non logique du 2ème genre (avec finalité subjective mais non objective) dans la classification de Pareto. En fait, si les circonstances avaient été différentes (ce qui n’avait rien d’impossible), une action logique, impliquant un choix cohérent et pouvant produire des effets positifs.
Auteur
Maître de conférences d’histoire contemporaine, Université de Haute-Bretagne - Rennes 2, CRHISCO (Centre de Recherches Historiques sur les Sociétés et les Cultures de l’Ouest), CNRS-FRE 2786.
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