La terminologie comme révélateur des images de la parenté. Étude menée à partir des sources mérovingiennes
p. 321-329
Texte intégral
1Les anthropologues, depuis Henry Morgan1, se servent de l’analyse des termes de parenté comme d’un outil essentiel de recherche permettant tout à la fois, pour une société donnée, de cerner le champ des parents que se reconnaît chaque individu, de les classer implicitement dans des catégories spécifiques, et au-delà, de leur assigner un type de comportement, de droits et de devoirs familiaux.
2Mais à la différence de l’ethnologue qui interroge des vivants susceptibles de répondre à toutes ses questions, l’historien s’intéressant à la famille écoute des paroles figées par le temps qui ne sont pas forcément adaptées au questionnement anthropologique : informations indirectes, lacunaires ou déformées par l’idéologie de leurs auteurs constituent le matériau auquel le chercheur doit se résigner. Il n’a d’autre choix dès lors que d’adapter ses outils à la nature des sources qu’il interroge afin de « faire parler » au mieux les textes mis à sa disposition.
3C’est à cette tâche que je me suis employée face aux sources mérovingiennes2. Cherchant à cerner les contours de la parenté dans le royaume mérovingien (c’est-à-dire dans les limites chronologiques comprises entre le règne de Clovis, à partir de 481, et la destitution du dernier de ses descendants, en 751), il s’agissait de voir si l’étude terminologique de type anthropologique pouvait être effectivement mise en pratique et si elle s’avérait in fine véritablement parlante. J’ai choisi de mener ce travail à partir d’un corpus documentaire très large et suffisamment représentatif, comprenant à la
fois des sources narratives et normatives : une centaine de Vies de saints3, trois chroniques (dont la fameuse Histoire des Francs de Grégoire de Tours)4, deux textes de lois francs (les lois salique et ripuaire)5, enfin les « formules » (plus d’une centaine) servant de modèles aux chartes privées6.
4Ces sources sont écrites en latin, ce qui revient à dire que le vocabulaire servant à qualifier les liens de parenté de la société gallo-franque est emprunté à Rome et non aux Francs. Ce dernier point est lourd de conséquence car il remet a priori en question la pertinence d’une analyse terminologique à partir d’un vocabulaire étranger à ceux qui l’emploient. En fait, il ne semble pas que la langue latine ait été forcément inapte à définir les structures de parenté germaniques, et nous verrons que les Francs ont su parfaitement l’adapter à leurs besoins, usant si nécessaire de périphrases pour exprimer les nuances de leur propre système7.
5Cet échantillonnage de textes très variés était donc susceptible d’offrir un champ terminologique assez riche. Encore fallait-il trouver le meilleur moyen de l’interroger. C’est ce qui m’a conduit à mettre au point une méthode d’analyse terminologique qui, tout en s’inspirant de celle des anthropologues, devait pouvoir exploiter au mieux la documentation mérovingienne. C’est à la fois cette approche particulière et les résultats qu’elle a donnés que je suis en mesure de présenter ici.
De la méthode
6a - Le mode de questionnement classique consiste à repérer les termes de référence qui servent à qualifier chaque membre de la famille8. On met ainsi en évidence le champ des parents distinctement désignés, leurs degrés de proximité, et les types de liens qui les unissent, que ce soit la consanguinité, l’affinité ou bien des liens spirituels.
7Selon que le système d’appellation est descriptif (désignant nommément chaque parent), ou classificatoire (désignant sous le même vocable des parents différents), le chercheur peut définir quel système de filiation caractérise la société étudiée : un système de filiation indifférenciée se traduit ainsi par une terminologie bilatérale (désignant par un terme commun les parents des deux branches : « oncle/tante » par exemple) ; alors que dans le cas d’un système de filiation bilinéaire qui suppose que les droits et les devoirs de l’une ou l’autre branche maternelle et paternelle ne sont pas les mêmes, la terminologie désignera distinctement les collatéraux : « l’oncle paternel » et « l’oncle maternel ».
8Par ailleurs, plusieurs appellations peuvent servir à qualifier une même situation : pater/genitor par exemple sert indifféremment en latin à désigner le « père ». On remarquera que cette multiplicité de qualificatifs différents concerne toujours des liens très proches de parenté et que le choix qu’ils offrent permet parfois de traduire plus en nuance le sens profond que l’on veut donner à la relation : pour reprendre les deux termes pater et genitor, ils indiquent respectivement, l’un plutôt la fonction sociale, l’autre biologique.
9b - Il m’a paru intéressant de compléter cette première approche fidèle au modèle anthropologique par l’analyse des récurrences de chacun des termes de parenté, partant du principe que la place qu’ils tiennent dans le schéma mental de celui qui écrit se mesure peut-être à la fréquence de leurs mentions. Cela consistait en fait à dénombrer chacune des relations mentionnées : « mari », « épouse », « père », « mère », « fils », « fille », etc..., et ceci dans chaque type de source9. Cette seconde approche a permis de confirmer, et surtout d’affiner, les résultats obtenus par le premier repérage.
Des résultats
10Cette double analyse terminologique a fait incontestablement parler les sources, et ceci à plus d’un titre.
11a- Elle a tout d’abord dessiné avec précision les contours du champ de la parenté.
12L’éventail de « parents » que propose la terminologie à l’époque mérovingienne est assez similaire au nôtre, puisque, toutes sources confondues, elle évoque 26 situations différenciées10 . En outre, les vocables servant à les désigner sont extrêmement riches, et sur ce point beaucoup plus nombreux que les nôtres : on ne compte pas moins de 8 termes pour qualifier l’épouse (contre trois en français), et de manière générale tous les consanguins les plus proches sont au moins désignés par deux expressions différentes.
13Le système d’appellation est par ailleurs très précis. Il relève dans l’ensemble du mode descriptif, mais n’exclut pas pour autant des qualificatifs classificatoires. On perçoit d’ailleurs des tendances différentes : les unes radicalement descriptives, les autres plus floues, selon le type de source, chacune d’entre elles favorisant un certain système et un certain nombre de termes. Les textes littéraires (Vies de saints et chroniques) offrent ainsi le champ d’appellations le plus riche et le plus dense, en particulier pour désigner les consanguins du premier degré, tout en laissant une large part à la terminologie classificatoire désignant par des termes génériques (propinquus, cognatus, proximus, parentes...) les différents membres de la famille. En revanche, la loi salique préfère utiliser un vocabulaire réduit mais précis, ayant souvent recours à des formules de remplacement construites à partir de termes primaires dans le cas où la terminologie latine est trop vague : « la sœur de son père » sert par exemple à qualifier distinctement la tante paternelle dans la mesure où le vocable « tante » désigne dès cette époque en latin les deux branches collatérales. Ce réflexe des premiers législateurs francs montre qu’il existait pour eux une distinction beaucoup plus nette qu’à Rome entre la famille paternelle et la famille maternelle dont les membres étaient investis de pouvoirs parfois distincts. Leur terminologie propre répondait encore au mode de bifurcation collatérale, alors que celle des Romains évoluait vers la bilatéralité, caractéristique d’un système de parenté cognatique (ou indifférencié). Or, dès le VIIe siècle, au moment où la loi ripuaire est mise par écrit, ses rédacteurs n’éprouvent plus le besoin de spécifier avec précision les collatéraux, comme si leur système de pensée se confondait désormais avec celui hérité de Rome.
14Quoi qu’il en soit, toutes sources confondues, la terminologie isole très nettement les liens primaires (ce que Levi-Strauss appelle l’atome de parenté : mari/épouse, père/mère, fils/fille, frère/sœur), seuls à être qualifiés par une double terminologie descriptive (vir/maritus, uxor/coniunx, mater/genitrix, etc.), et à faire l’objet des plus fortes fréquences terminologiques puisqu’ils constituent, selon les sources, entre 74 % et 92 % de l’ensemble des termes de parenté cités11. C’est ce qui apparaît très clairement dans le graphique ci-dessous. Au-delà, se déploie un deuxième cercle de parents, composés des affins du premier degré (gendre/belle-fille, beau-frère/belle-sœur, etc) et des consanguins du second, presque tous désignés dans les textes par des termes descriptifs. Cependant, certains d’entre eux répondent à une appellation de type bilatéral (confondant les collatéraux) : « grand-père/grand-mère », « neveu/nièce », « tante », « cousin/cousine »12. Et si une double terminologie sert théoriquement à distinguer l’oncle paternel de l’oncle maternel, les confusions sont en pratique nombreuses, et ceci dès le Bas-Empire13. En poussant plus avant l’observation, on constate également l’utilisation en tant que termes classificatoires des vocables « nepos/neptis » qui désignent tout autant le neveu et la nièce que le petit-fils et la petite-fille.
15Au-delà s’étend enfin un troisième cercle de parents, constitué d’une nébuleuse de relations désignées en général par des termes classificatoires (« consanguins », « parents », « proches »...) et très rarement par des termes descriptifs (« fils de la nièce », « oncle de ma mère »). On peut classer à leurs côtés les « amis » liés à Ego par une relation de parrainage ou de recommandation14.
16L’analyse terminologique présente donc la cellule conjugale comme le pivot autour duquel se structurent les relations familiales, dans le cadre d’une parenté bilatérale largement ouverte sur l’alliance, caractéristique d’un système de filiation indifférencié. Dans le prolongement des liens primaires, les membres de la parenté secondaire (cousins, grands-parents, affins du premier degré) sont encore qualifiés par des termes spécifiques qui les désignent précisément, sans distinction entre la branche maternelle et paternelle (sauf dans la loi salique). Au-delà du second cercle de parents, ce sont surtout les termes classificatoires qui servent à désigner le reste de la parentèle.
Représentation de la parenté d’Ego d’après les fréquences terminologiques des liens de parenté15

17La famille mérovingienne apparaît donc, à la lumière de la terminologie, comme une unité d’alliance et de filiation, centrée autour du couple et de ses enfants, et se prolongeant par un second cercle de parents composés des affins du premier degré et des consanguins du second, puis par un troisième cercle comprenant les parentes et propinqui avec qui les liens sont plus ou moins distendus selon les circonstances. Cette image de la famille, faisant de la cellule conjugale « la structure portante » de la parenté16, infirme définitivement l’idée que la société germanique connaissait une structure clanique répondant à un modèle de filiation unilinéaire17. Inversement, elle prouve l’ancienneté du modèle conjugal dans la société occidentale18.
18b - Cependant, les apports de l’étude terminologique ne s’arrêtent pas là. Car si elle a permis de dégager une représentation commune du système de parenté, elle a également révélé, dans le détail, les variations sensibles d’une source à l’autre, mettant ainsi l’accent sur les disparités des modes de discours. Il est évident que les intentions des auteurs diffèrent selon qu’ils écrivent une Vie de saint ou une chronique, une charte ou bien une loi. Or, ces divergences de points de vue sont lisibles dans les choix terminologiques de chacun d’entre eux.
19Les chroniques offrent ainsi le corpus terminologique le plus riche, dilatant assez largement le champ de la parenté, tout en mettant l’accent sur trois relations privilégiées : celles du « fils », de « l’épouse » et du « frère », dont les fréquences dépassent toutes les autres. Ces récits qui rendent compte essentiellement d’affaires politiques dominées par les querelles intestines de la famille royale et des grands, offrent en fait une vision aristocratique des structures familiales : soudé autour du couple et de ses enfants, le champ de la parenté s’ouvre sur un réseau plus large de solidarités impliquant les frères et les oncles, et même au-delà, des parents plus éloignés, dès que l’individu doit agir sur la scène extérieure.
20Les termes rencontrés dans les Vies de saints concernent majoritairement les relations primaires, privilégiant le « couple », les « enfants » et la « mère », même si le reste de la parentèle est également représenté mais de manière plus vague par des termes souvent classificatoires. Ils traduisent surtout l’intimité des relations au sein de la cellule conjugale, mettant l’accent sur ses fonctions nourricières et affectives. Dans ce contexte, les parents du second, et surtout du troisième degré, sont présents mais beaucoup plus en retrait, car s’ils appartiennent au champ de la solidarité potentielle, ils restent à l’écart de l’espace affectif. Cette vision intimiste de la famille s’explique en partie par le sujet traité : la vie du saint, de sa naissance à sa mort, ponctuée par des miracles de guérisons. Ces récits se prêtent donc parfaitement à montrer l’intervention des parents proches dans la vie du héros ou des miraculés. Mais plus encore que cela, les Vies de saints mettent en scène l’échange privilégié qui s’est établi entre les hommes et leur « compagnon invisible »19, jouant sur le registre discursif des sentiments d’amour, de confiance et de protection qui participent à cette relation ; on confie au saint ses angoisses intimes et, en se montrant digne de l’amour de Dieu, on attend de lui du réconfort. Or, ce dialogue où l’affectif domine suscite du même coup une projection intimiste de la vie familiale, montrée elle aussi du point de vue des sentiments qui l’animent.
21Quant aux sources normatives, les fréquences terminologiques se concentrent sur l’unité d’alliance (« le couple », « l’épouse ») et l’unité de filiation (« le fils », les « enfants », les « petits-enfants »), tout en mentionnant un champ possible d’apparentés jusqu’au troisième degré (« le fils du cousin » ou « le fils de la nièce »). Leur espace terminologique est relativement réduit mais suffisamment précis pour distinguer individuellement le droit de chaque parent. Cette représentation traduit la volonté de régler les affaires familiales (mariage, succession, assassinat, adultère), qui mettent en cause, par ordre dégressif, les responsabilités des membres de la parentèle, des plus proches aux plus éloignés. L’essentiel du propos tourne en fait autour du patrimoine familial : un patrimoine détenu par le couple, légué aux enfants ou aux petits enfants, partagé entre frères et sœurs ou entre oncle et neveux, et seulement en l’absence de ces derniers, échu à des parents plus éloignés.
Conclusion
22Cette enquête menée sur le terrain terminologique de la parenté mérovingienne, appliquée à des documents historiques que l’on aurait pu croire inadaptés à ce type de questionnement, s’est donc avérée probante, et même extrêmement fructueuse, traduisant déjà en nuances les contours de la parenté, tout en donnant une première idée des comportements familiaux saisis dans des contextes différents. Elle projette ainsi l’image centrale d’une famille conjugale véritable clé de voûte des structures familiales fondées sur un système de filiation indifférenciée. L’étude des « attitudes »20 vient d’ailleurs confirmer par des témoignages concrets cette représentation virtuelle. Difficile dès lors de ne pas accepter l’existence ancienne et profonde d’un système de parenté construit sur l’entité conjugale, que l’Eglise sut après coup, dès l’époque carolingienne, récupérer à son compte et proposer comme modèle21.
Notes de bas de page
1 Morgan (L.H.), Systems of consanguinity and affinity of the human family, Washington, 1871.
2 Dans le cadre d’une thèse de Doctorat nouveau régime, préparée sous la direction de monsieur le professeur Pierre Bonnassie et soutenue en janvier 1999 à l’Université de Toulouse-Le Mirail, publiée aux éditions Brepols : Réal (I.), Vies de saints, vie de famille. Représentation et système de la parenté dans le Royaume mérovingien (481-751) d’après les sources hagiographiques, Brepols, Turnhout, 2001.
3 Il est impossible ici de les citer toutes. Je renvoie donc le lecteur qui s’y intéresse au corpus constitué dans ma thèse, op. cit., p. 46-55.
4 Grégoire de Tours, Libri historiarum X, Monumenta Germaniae Historica Scriptores Rerum Merovingicarum, I, 1, Hanovre, 1885, p. 1-445 ; traduction française par Latouche (R.), Histoire des Francs, Paris, Les Belles Lettres, 1963, réed. 1995. Frédégaire, Fredegarii Chronicon et continuationes, Monumenta Germaniae Historica Scriptores Rerum Merovingicarum, II, Hanovre, 1888, p. 1-214 ; traduction française par Devillers (O.) et Meyers (J.), Chronique des temps mérovingiens, Brepols, Turnhout, 2001. Liber Historiae francorum, Monumenta Germaniae Historica Scriptores Rerum Merovingicarum, II, Hanovre, 1888, p. 215-328.
5 Pactus legis salicae, Monumenta Germaniae Historica Leges, Legum nationum germanicarum, IV, 1, Hanovre, 1962, p. 1-235. Lex Ribuaria, Monumenta Germaniae Historica Leges, Legum nationum germanicarum, III, 2, Hanovre, 1954, p. 73-134.
6 Formulae merovingici et karolini aevi, Monumenta Germaniae Historica Formulae, Legum sectio V, Hanovre, 1886 : Formulae andecavenses, p. 1-25 ; Formulae arvernenses, p. 26-31 ; Marculfi formularum, livre II, p. 69-106 ; Formulae turonenses, p. 128-159.
7 Le Jan (Régine), Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe-Xe siècle) : Essai d’anthropologie sociale, Paris, Presses universitaires de la Sorbonne, 1995, p. 161 : « il ne faut pas considérer que le vocabulaire latin était, par définition même, inadapté aux structures de ces populations. »
8 Sur ces questions techniques, je renvoie aux ouvrages des anthropologues comme Ghasarian (Christian), Introduction à l’étude de la parenté, Paris, Le Seuil, 1996. Héritier (Françoise), L’Exercice de parenté, Paris, Gallimard-Le Seuil, 1981. Lévi-Strauss (Claude), Les structures élémentaires de la parenté, Paris-La Haye, Mouton, 1967.
9 Précisons qu’il s’est avéré indispensable, sous peine de fausser les statistiques, face aux textes narratifs - qui sont le fait de clercs dont l’intention première est d’écrire une histoire religieuse -, de ne pas comptabiliser les termes de parenté fictive servant à évoquer les liens entre religieux (par exemple lorsque l’abbesse est appelée « mère », les moniales « filles » ou « sœurs », etc.) ; ou encore les termes de Père, de Fils et de Mère, dans le cas où il s’agit de Dieu, du Christ et de la Vierge.
10 Soit : mari/épouse, père/mère, fils/fille, frère/sœur, grand-père/grand-mère, petit-fils/petite-fille, oncle/tante, neveu/nièce, cousin/cousine, beau-frère/belle-sœur, gendre/bru, beau-père/belle-mère, belle-fille (fille du conjoint) et belle-mère (femme du père) ; auxquelles on peut ajouter la notion de couple, de parents (père-mère ensemble), d’enfants (sexes confondus), de fiancé(e), de veuve, et des « parents » non définis.
11 Soit précisément : 92 % dans les chroniques, 90 % dans les Vies de saints, 88 % dans les formulaires et 74 % dans les lois.
12 En latin : « avus/avia », « nepos/neptis », « amita », « consobrinus/consobrina ».
13 En latin, respectivement « patruus » et « avunculus ».
14 Un type de relations que les anthropologues qualifient de spirituelles et qui recouvre à l’époque mérovingienne au moins deux types de liens : celui du parrainage fondé par le baptême chrétien qui lie le parrain ou la marraine à leurs filleuls (et à leurs parents), considéré dès cette époque dans les mentalités comme une relation très intime ; et le lien de la commendatio concernant la « recommandation » d’un jeune garçon à un homme puissant chargé de l’éduquer et de le former à sa future carrière d’homme public, lui aussi fortement établi sur des relations d’amitié et une affection toute paternelle.
15
Cette représentation met en scène les relations de parenté que se connaît un individu X (appelé en terme anthropologique EGO), telles qu’elles apparaissent à travers les fréquences terminologiques. Ego apparaît ainsi au centre d’une sorte de parentèle supposée :
- pour plus de lisibilité, j’ai distingué la parenté féminine située à gauche, de la parenté masculine à droite.
- la taille des caractères servant à inscrire chaque parent, ainsi que la distance par rapport à “EGO“, varient en proportion de l’importance statistique que représente chacun.
- le chiffre inscrit en dessous de chaque mention rappelle le nombre de fois où le terme de parenté apparaît dans les sources.
16 L’expression est empruntée à Pierre Toubert dans Les structures du Latium médiéval, Rome, 1973.
17 Idée longtemps véhiculée dans les ouvrages des juristes et que l’on trouve encore sous la plume de certains historiens : Wemple (Susan Fonay), Women in frankish society : marriage and the cloister, 500 to 900, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1981. Fossier (Robert), La société médiévale, Paris, Armand Colin, 1991.
18 Conclusion qui rejoint les études menées en amont par Paul Veyne : « La famille et l’amour sous le Haut-Empire romain », Annales E.S.C., 33, 1978, p. 35-63 ; « L’Empire romain », Ariès (Philippe) et Duby (Georges) (dirs.), Histoire de la vie privée, Paris, Le Seuil, 1985, t. 1, p. 21-101. Et qui conforte celles menées en aval par les médiévistes, comme Toubert (Pierre), Les structures du Latium médiéval..., op. cit. Le Jan (Régine), Famille et pouvoir dans le monde franc (VIIe-Xe siècle)... op.cit. Duby (Georges) « Structures familiales dans le Moyen Âge occidental », Mâle Moyen Âge. De l’amour et d’autres essais, 1988, Flammarion, p. 129-138.
19 Brown (Peter), Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris, Editions du Cerf, 1984, p. 71. « Les hommes et les femmes de la Méditerranée, à partir de la fin du IVe siècle, se tournèrent de façon de plus en plus explicite vers la recherche de l’amitié, de l’inspiration et de la protection, en cette vie et au-delà de la tombe, d’êtres invisibles qui étaient eux aussi des hommes, et qu’ils pouvaient investir des traits précis et palpables qu’avaient dans leur propre société des figures aimées et puissantes. »
20 Par « attitudes » les ethnologues entendent « l’ensemble des conduites socialement prescrites qui caractérisent les rapports entre différentes classes de consanguins et d’alliés ». Voir Auge (Marc) (dir.), Les domaines de la parenté. Filiation, alliance, résidence, Paris, Maspero, 1975, p. 12.
21 Voir en particulier, Toubert (Pierre), « La théorie du mariage chez les moralistes carolingiens », Il matrimonio nella società alto medievale, Settimane di studio del centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 24, 1977, p. 233-285.
Auteur
Maître de conférences, Université de Toulouse-Le Mirail.
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