L’inhumanité en Europe. Pour une analogie entre XVIe et XXe siècles
p. 263-270
Texte intégral
1L’anachronisme est de mauvaise méthode pour un historien, tout étudiant de première année le sait. Mais il en va autrement de l’analogie, qui n’est pas tromperie sur les temps, mais recherche des échos, des affinités entre deux périodes parfois séparées par plus de deux millénaires, et qui pourtant ont vu se poser des problèmes de manière similaire, se chercher des solutions qui entrent en résonance. Peut-être du fait de la force de la culture classique – les humanités – chez les historiens des générations antérieures aux nôtres, de telles analogies ont souvent été proposées entre l’histoire ancienne, grecque plus que latine, et celle des temps contemporains. De part et d’autre, il est vrai, se retrouvent la cité, la démocratie, la dictature, la guerre, l’autochtonie (le nationalisme) : Marcel Détienne a bâti une partie de son œuvre sur sa capacité à se transporter de l’Athènes de Périclès aux nations actuelles, après que Jules Isaac a publié Les Oligarques au cœur de la France de Vichy1.
2Mais de telles analogies se révèlent également opératoires pour les XVIe et XXe siècles : non pas pour chercher dans les hommes de la Renaissance ou de la Réforme des précurseurs ou des annonciateurs de certains de nos contemporains, comme un Ferdinand Buisson, opposé à l’orthodoxie protestante de son temps, a pu le faire de Sébastien Castellion opposé à Calvin2. La quête d’ancêtres a peu de choses à voir avec le regard analogique. En revanche, on note que depuis une vingtaine d’années deux historiographies ont été profondément renouvelées, qui n’ont aucun lien direct entre elles : celle des violences de religion, dans les années 1560-1570, et celle des violences de nation et de race, dans les années 1914-1945. C’est à dessein que je parle de violence plus que de guerre, car la violence est plus ample, plus imaginative, plus civile (et donc répandue), plus déréglée que ne l’est la guerre. À dessein, aussi, que j’ai utilisé la même formule de part et d’autre, pour donner à voir la possible analogie entre deux époques où l’inhumain s’est installé au cœur de l’Europe, plutôt du côté français au XVIe siècle, plutôt du côté germano-polonais quatre siècles plus tard. À ces deux périodes, l’humanité de l’homme, comme disait Emmanuel Levinas en 19343, a été trouée par l’inhumanité de certains crimes contre les vivants et aussi contre les cadavres ; et peut-être la modernité du XVIe siècle a-t-elle résidé moins dans la Réformation, comme le veut un mythe insistant, que dans l’extrême violence dans les mots et contre les corps. À la théorie classique de la civilisation des mœurs selon Norbert Elias, d’autres historiens ont opposé, pour l’après Première Guerre mondiale, celle d’une brutalisation (les sociétés sont sorties plus brutales de la guerre) ou d’une décivilisation au moins temporaire4. La phase contemporaine de cette décivilisation, cet « âge des extrêmes », selon Eric Hobsbawm, a été explorée par George L. Mosse et, du côté français, par Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker pour la Première Guerre mondiale, par Omer Bartov et tant d’autres pour les exactions de l’armée allemande et du parti nazi au cours des années 1940.
3Mais qui lit leurs ouvrages en parallèle de ceux de Natalie Z. Davis ou Denis Crouzet est saisi par des phénomènes, et des analyses, puissamment similaires. « Les traits déformés des victimes torturées et massacrées prouvaient leur inhumanité au lieu de prouver celle de leurs tortionnaires »5, note Omer Bartov, l’historien de la Wehrmacht hitlérienne. L’analyse semble faire écho à celle de Natalie Z. Davis, pour qui « le point crucial, ce que les meurtriers doivent oublier, c’est que leurs victimes sont, elles aussi, des êtres humains. La foule percevait déjà comme de la “vermine” ou des “diables” ces membres malfaisants de la communauté »6. La barbarie civile européenne a imposé, au XVIe comme au XXe siècle, une cruauté collective aux corps vivants et morts des ennemis extérieurs et surtout intérieurs, une cruauté perpétrée par des « hommes ordinaires » et autres « bourreaux volontaires »7, persuadés d’agir justement. Jean de Serres, déjà, avait mis en scène, dans un raccourci fulgurant, la manière dont ces hommes ordinaires deviennent des tueurs lâchés dans la ville, ici à Tours en 1562 : « En moins de rien […] les paysans quittèrent leurs charrues, les artisans fermèrent boutique : et tout à l’instant devinrent tigres et lions contre leurs compatriotes »8. À près de quatre siècles de distance, la métaphore de la chasse, ludique et orgiaque, hante ces guerres pas comme les autres : à Orléans, pendant la Saint-Barthélemy, un homme est « couru et vené comme une bête », avant une véritable curée ; à Vassy en 1562 comme à Paris pour la Saint-Barthélemy, les huguenots montés sur les toits sont visés et tués comme des oiseaux ; Christian Ingrao a montré dans Les chasseurs noirs l’action d’une brigade allemande spécialisée dans la traque des partisans russes et polonais et des juifs9.
4Ce débondage de la violence, sa gratuité panique, l’étrange satisfaction (et satiété) de l’avoir perpétrée, ont été préparés par des intellectuels (prédicateurs au XVIe siècle, « scientifiques » ou idéologues plus ou moins autodidactes au XXe), des discours fortement charpentés, des métaphores, des usages pernicieux mais subtils de la langue, de puissantes visions du monde dans lesquelles le grouillement diabolique (au XVIe siècle) ou biologique (au XXe) est censé habiter des corps qu’il faudra donc amputer, éviscérer, traiter, brûler, sans même que la conversion au catholicisme, aux pires moments des massacres de 1562 ou 1572, ait pu protéger les chairs démonisées de victimes auxquelles le temps n’a de toute façon pas été laissé de l’entreprendre. « These mutilations would have been the enactment in the flesh of what was first found in print – that Protestants were not human beings but monsters », écrit Luc Racaut, après avoir proposé de départager les thèses de Janine Garrisson (les tueurs voulaient exterminer une race étrangère) et de Natalie Zemon Davis (les victimes étaient assassinées à cause de ce qu’elles croyaient) :
Protestants were killed for what the Catholiques believed them to be, not for their faith – not as human beings, but as monsters. If we accept this premise, then the demonizing of Protestants in Catholic polemic is absolutely crucial to understanding the violence of the French Wars of Religion10.
5On peut mettre l’accent sur le changement de références entre 1562/1572 et 1942, entre Saint-Barthélemy et Shoah, de la foi à la race, et sur la disparité des moyens de mise à mort ; mais on peut tout aussi bien le mettre sur la continuité des fantasmes, d’un sang à l’autre, d’un corps souillé et souillant à l’autre. Il y a même, déjà, du biologique dans certains discours catholiques du XVIe siècle, via la métaphore médicale des humeurs : « C’est tout ainsi que d’un sang corrompu et d’une superfluité et redondance de mauvaises humeurs, dont la rétention est très périlleuse et la purgation très salutaire et profitable à la santé de l’homme », avertit un pamphlet antihuguenot de 156711. Et il n’est pas sans intérêt de noter que dans l’ensemble des gravures du De Tristibus Galliae, un pamphlet catholique lyonnais de la fin des années 157012, les huguenots sont toujours représentés, jusque dans les scènes de bataille, avec des corps, habits et chapeaux d’hommes, mais des visages de singes – huguenots/guenons, le « jeu de mots » se rencontre dans la littérature catholique du temps13…
6Ainsi l’Europe, à deux reprises au moins, en son cœur, est-elle allée au bout du crime contre l’humanité, pour avoir dénié à des hommes et des femmes leur appartenance à l’espèce humaine. Que l’une des premières désignations de ce crime hors-normes surgisse, en 1842, sous la plume d’un historien du malheur huguenot, n’est probablement pas dépourvu de sens14. Déjà l’idée s’était fait jour, dans les années 1550 et 1570, d’une humanité remise en question par le massacre des vaudois du Luberon puis l’acte même de la Saint-Barthélemy. Dans son réquisitoire contre des conseillers du Parlement d’Aix, responsables du drame de Cabrières et Mérindol en 1545, l’avocat du roi Jacques Aubéry demande que, contre les hérétiques, rien ne soit fait « hors humanité » (nihil inhumaniter)15 ; le Réveille-Matin des Français, un pamphlet huguenot paru au lendemain de la Saint-Barthélemy, estime n’avoir jamais rencontré dans l’histoire de fait aussi grave depuis le meurtre d’Abel par Caïn et, dans l’impossibilité affichée de trouver le juste nom pour qualifier ses fauteurs, les condamne au bannissement « à jamais eux et leur postérité de toute la société humaine »16.
7Les historiens modernistes ont entrepris, sur ce point, de se reporter aux travaux de leurs collègues spécialistes du XXe siècle, ainsi Arlette Jouanna à propos de Jacques Sémelin, ou Cécile Huchard pour Véronique Nahoum-Grappe17. Ce travail sur les généalogies et, plus encore, les analogies, est très avancé du côté des spécialistes de l’Espagne et du Portugal modernes et du destin qu’elles ont imposé aux juifs et aux nouveaux-chrétiens (les juifs convertis). En 1949, Fernand Braudel, dans un passage de La Méditerranée qui a du reste disparu des éditions ultérieures, parlait à propos de l’expulsion des Morisques de « l’opération chirurgicale de 1609, radicale cependant, la plus radicale qui soit, celle qu’adopta Adolf Hitler lui-même pour résoudre de façon simple les problèmes de minorité ». La question posée à une Espagne qui ne voulait plus conserver en son cœur un « irréductible noyau d’islam », ne pouvait trouver de solution que dans une assimilation laissée inachevée par le baptême forcé, ou dans la suppression du « support même de toute civilisation : la matière humaine », ici par l’expulsion18. Nathan Wachtel spécifie bien, avec d’autres auteurs, qu’il n’y a aucune continuité directe entre la « pureté de sang » (limpieza de sangre) ibérique et l’antisémitisme racial de l’Allemagne nazie, mais que le passage, à l’époque moderne, d’une distinction d’ordre religieux à une discrimination proprement biologique, a probablement été une condition nécessaire à l’épanouissement de cet antisémitisme moderne19.
8J’appliquerai volontiers cette analyse aux massacres religieux du XVIe siècle et à ceux, nationaux et raciaux, du XXe. La Saint-Barthélemy n’est évidemment pas un génocide, et rien ne serait plus fâcheux que de contribuer aux anachronismes et à l’affadissement du sens des mots : à ce titre, Georges Gusdorf a tort de parler de la Révocation de l’édit de Nantes (opposée au « crime imparfait, sursaut passionnel et meurtrier, mais limité dans le temps et dans l’espace » qu’aurait été la Saint-Barthélemy) comme d’un génocide (sic), dans un texte brillant mais, sur ce point, faux20. Plus subtilement, Patrice Chéreau joue sur l’analogie, dans La Reine Margot (1994), en filmant dans les rues de Paris, à l’aube du 25 août 1572, ces monceaux de corps nus et blancs ramassés mollement – « blanc laiteux des chairs blafardes arrachées au sommeil », « corps enlacés cette fois-ci dans un sommeil éternel, de la chair nue accouplée dans la mort », précise-t-il21 –, comme nous les ont montrés les images des camps de la mort nazis, mais aussi, il est vrai, le peintre huguenot François Dubois (1529-1584), un rescapé de la Saint-Barthélemy, dans son tableau du massacre : on y voit la reine noire, trop grande, debout dans ses voiles, penchée, comme une personnification de la mort ou un insecte géant, sur un tas grouillant de cadavres nus et blancs22. Ces analogies entre Saint-Barthélemy, Shoah, mais aussi activité génocidaire en ex-Yougoslavie, au moment où le film était écrit et tourné, Chéreau a déclaré qu’il ne fallait « surtout pas [les] éviter »23. En 1572, la conversion au catholicisme a pu éviter la mort à ceux qui ont joué le jeu, note A. Jouanna24. À Lyon, le chef des massacreurs demande aux futures victimes si elles veulent aller à la messe : ceux qui acceptent sont mis à part, les autres laissés dans la maison de l’Archevêque où peu après les tueurs viennent accomplir leur travail25. L’existence de cette voie de salut ne suffit pas, toutefois, à repousser le spectre de ce que nous appelons un génocide : il faut abandonner ici le paradigme proprement biologique de la Shoah et se reporter au génocide des Arméniens en 1915. On a vu alors coexister des tueries systématiques, avec leurs centaines de milliers de morts, mais aussi des conversions vers l’Islam en nombre substantiel : dans ce « modèle », il n’est pas apparu nécessaire de tuer physiquement l’ensemble des Arméniens, l’éradication religieuse, linguistique, culturelle de leur « nation » chez un certain nombre d’hommes et de femmes pouvait suffire, tout comme la greffe, surtout chez les plus jeunes (par l’adoption nationaliste d’orphelins), d’un matériau identitaire, linguistique, symbolique, turc – le viol systématique des femmes est aussi une forme de « greffe » nationale volontiers pratiquée, on l’a vu dans les Balkans des années 1990. C’est à leur propos qu’une notion plus opératoire que celle de génocide s’offre aux historiens : le nettoyage ethnique, qui consiste à rechercher l’homogénéisation ethnique (ou nationale) d’un territoire par l’expulsion, l’exil volontaire, les massacres (mais il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’au génocide), la conversion des membres du groupe cible – ces moyens étant utilisés de manière séparée ou simultanée26. La Saint-Barthélemy me paraît avoir été une entreprise, certes inachevée, de nettoyage de Paris, voire du reste du royaume, un nettoyage confessionnel et non ethnique, mais qui n’en a pas moins visé à « exterminer » une minorité, par le meurtre (y compris, avec une particulière insistance, celui des femmes enceintes et des enfants, ce qui ne peut être sans signification), le retour définitif au catholicisme, l’exil.
9Les mots le disent : il faut se garder de les prendre dans un sens génocidaire, mais reconnaître en eux, déjà, la plénitude du nettoyage. Le pape souhaite voir le roi « purgare il regno di Francia de la pesta ugonottica », écrit-on de Rome le 8 septembre 157227 ; l’intention du monarque, à peu prés réalisée à Paris, Lyon et Toulouse, était bien de « repurger son royaume de cette fausse couvée de vipères », se réjouit Claude Haton28. Du côté protestant, le Discours merveilleux de la vie, actions et déportements de Catherine de Médicis, Royne-mère, accuse la reine d’avoir attiré à Paris le plus grand nombre de chefs huguenots dans un traquenard, afin d’en « exterminer la race »29. Cette dernière expression tend un piège à l’historien : dans l’ancien français, exterminer signifie « chasser hors des frontières ». Même si le mot revêt par la suite son sens moderne, il faut le rattacher au nettoyage et non au génocide, y compris lorsqu’on le voit envahir à nouveau les dépêches catholiques, que les formules qui suivent résument des conversations des nonces avec le roi ou ses ministres, ou proviennent directement de Rome : « exterminer » et « détruire » les huguenots (1632), « purger entièrement le royaume de cette peste » (1668), « l’extirper jusqu’à la racine, au point, s’il était possible, d’en abolir le nom et la mémoire » (le pape Clément XV à Louis XIV, même année).
10L’un des grands livres écrits contre le nazisme, celui de Victor Klemperer, LTI, la langue du IIIe Reich (1946), montre que la première victime de la maladie totalitaire a été la langue, soumise à de très fortes distorsions. N’est-il pas significatif, à cet égard, que dans la France de Louis XIV, et alors que l’asphyxie systématique de la minorité huguenote a commencé, un arrêt du Conseil d’État du 5 octobre 1663 ait interdit aux protestants d’employer les mots de persécution ou de malheur des temps30 ? Lorsque, dans l’exil, le huguenot Jacques Basnage publie sa monumentale Histoire des juifs (1706), il ébauche une typologie des attitudes intolérantes et dénonce, déjà, cette euphémisation du langage qui devait accompagner les horreurs génocidaires du XXe siècle : le parti des persécuteurs « change l’usage ordinaire des termes, et colorie la violence, sous le titre de charité pour les errants. On l’appelle une sainte sévérité ». À propos de l’exil auquel ont été condamnés tant de juifs d’Espagne, Basnage interpelle : « L’Église a-t-elle le pouvoir de transformer en douceur ce qui est une peine dure et insupportable chez toutes les nations du monde ? […] Qu’on parle nettement »31. Ce Qu’on parle nettement a bien été une préoccupation majeure des victimes, qui forge en elles, déjà, des mémorialistes et des historiens, quand les États bourreaux orchestrent à la fois le fracas de la propagande, le silence sur la vérité des faits, et toutes sortes de brouhahas mensongers.
11Que peuvent attendre d’une telle analogie les historiens ? Les spécialistes du XXe siècle doivent apprendre une forme de prudence, qui leur fait parfois défaut : des notions qu’ils croient inventées dans leur période remontent bien plus haut, ainsi de l’idée de nation, pour prendre un exemple32. L’extrême violence génocidaire a certes revêtu des dimensions sans comparaison, en 1915 comme en 1941 ; mais l’extrême violence confessionnelle des années 1560-1570 ne peut-elle être tenue pour une matrice, largement française, pour le coup, de cette horreur contemporaine ? Il ne s’agit pas d’établir des généalogies impératives, mais tout au moins d’aller plus en amont à la recherche de la fabrique européenne du mal absolu, bien au-delà du nationalisme d’un Herder et d’un Fichte ou du mouvement des anti-Lumières récemment scruté par les historiens33. Si la racine « terroriste » (1793) du totalitarisme est maintenant bien repérée, si la traite et l’esclavage sont reconnus comme des crimes contre l’humanité, peut-être faut-il franchir les frontières qui séparent les historiens des guerres de Religion et ceux des guerres du XXe siècle et mettre en lumière – la noire lumière de l’ultra-violence qui déshumanise l’homme –, l’année française 1562, avant même la saison des Saint-Barthélemy. Quant aux historiens du XVIe siècle, précisément, il peut être tout aussi intéressant pour eux de déplacer le regard et de se saisir de la notion de nettoyage ethnique (confessionnel) pour mieux comprendre l’histoire et la géographie de la minorité huguenote. Si des pans entiers de la France protestante ont disparu, dès avant la Saint-Barthélemy ou l’édit de Nantes, si des pôles urbains et surtout ruraux (montagneux), à l’inverse, se sont renforcés jusqu’au XVIIIe siècle, c’est qu’une telle politique a produit ses fruits. Dans les deux cas, l’analogie crée du sens. Non que 1941 et 1942 aient été des années archaïques : elles ont été résolument « modernes » ; mais « moderne », la tragique décennie française 1562- 1572 l’a été tout autant. Une modernité par certains aspects exécrable, pour reprendre le mot par lequel l’édit de Nantes, dont l’article premier imposait l’oubli judiciaire et social de tout ce qui l’avait précédé, faisait une exception pour des crimes que nous disons, nous, crimes de guerre et crimes contre l’humanité, et proclamons imprescriptibles. L’analogie, toujours.
Notes de bas de page
1 Detienne (M.), Comment être autochtone. Du pur Athénien au Français raciné, Paris, Éditions du Seuil, 2003 ; Id., Où est le mystère de l’identité nationale ?, Paris, Panama, 2008 ; Laborie (P.), « Usages du passé au présent : les Oligarques de Jules Isaac », Caucanas (S.), Cazals (R.) et Payen (P.) dir., Retrouver, imaginer, utiliser l’Antiquité, Toulouse, Privat, 2001, p. 163-169.
2 Buisson (F.), Sébastien Castellion, sa vie et son œuvre (1515-1563), Genève, Droz, 2010 [1892].
3 « Le racisme ne s’oppose pas seulement à tel ou tel point particulier de la culture chrétienne et libérale. Ce n’est pas tel ou tel dogme de démocratie, de parlementarisme, de régime dictatorial ou de politique religieuse qui est en cause. C’est l’humanité même de l’homme », Levinas (E.), « Quelques réflexions sur la philosophie de l’hitlérisme », Esprit, novembre 1934, repris dans Les Cahiers de l’Herne, Emmanuel Lévinas, p. 154-160 [p. 159].
4 Mennell (S.), « L’envers de la médaille : les processus de décivilisation », Garrigou (A.) et Lacroix (B.) dir., Norbert Elias. La politique et l’histoire, Paris, La Découverte, 1997, p. 213-236.
5 Bartov (O.), L’Armée d’Hitler, Paris, Hachette, coll. « Pluriel », 2003, p. 159.
6 Davis (N. Z.), Les Cultures du peuple. Rituels, savoirs et résistances au XVIe siècle, Paris, Aubier, 1979, p. 284.
7 Pour reprendre les titres des ouvrages de Browning (C.), Des Hommes ordinaires, le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, Tallandier, coll. « Texto », 2007 [2002] et Goldhagen (D. J.), Les Bourreaux volontaires de Hitler, les Allemands ordinaires et l’Holocauste, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points », 1998 sur les Einsatzgruppen nazis.
8 De Serres (J.), Recueil des choses mémorables advenues en France sous Henri II, François II, Charles IX et Henri III, 1595, p. 190.
9 Goulart (S.), Mémoires de l’État de France sous Charles IX, 1577, I, fol. 347 v° ; Capilupi (C.), Le Stratagème, Genève, Jacob Stoer, 1574, p. 58. Ingrao (C.), Les Chasseurs noirs. La brigade Dirlewanger, Paris, Perrin, 2006.
10 Racaut (L.), Hatred in Print. Catholic Propaganda and Protestant Identity during the French Wars of Religion, Londres, Ashgate, 2002, chap. II, consacré au problème de la violence, respectivement p. 37 et p. 36.
11 Advertissement à tous bons et loyaux subjectz du roy…, Poitiers, Bertrand Noscereau, 1567 [rééd. 1587], FIII, cité par Crouzet (D.), Les Guerriers de Dieu. La violence au temps des troubles de religion vers 1525-vers 1610, Seyssel, Champ Vallon, t. 2, p. 24.
12 Publié par Cailhava (L.), sous le titre De Tristibus Franciae Libri Quatuor, Lyon, Louis Perrin, 1840, d’après un manuscrit anonyme (ms 156 de la Bibliothèque municipale de Lyon).
13 De Saconay (G.), dans Généalogie et la fin des Huguenaux, et descouverte du Calvinisme, Lyon, Benoist Rigaud, 1573, parle déjà de singes et guenons ; Desiré (A.) publie l’année suivante La singerie des huguenots, marmots et guenons de la nouvelle derrision, Paris, G Jullien, 1574.
14 Peyrat (N.), à propos de la révocation de l’édit de Nantes : un « crime de lèse-humanité », Histoire des pasteurs du Désert, Valence, Marc Aurel, 1842, t. 1, p. 94.
15 Aubéry (J.), Histoire de l’exécution de Cabrières et de Mérindol et d’autres lieux de Provence, présenté par Audisio (G.), Paris, Les Éditions de Paris, 1995, p. 7 et 281.
16 Le Réveille-Matin des Français, 1574, I, p. 137, cité par Huchard (C.), D’Encre et de sang. Simon Goulart et la Saint-Barthélemy, Paris, Champion, 2007, p. 311.
17 Jouanna (A.), La Saint-Barthélemy. Les mystères d’un crime d’État, Paris, Gallimard, 2007, p. 176 et p. 179 ; Huchard (C.), D’Encre et de sang, op. cit., p. 340.
18 Braudel (F.), La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, Paris, Colin, 1949, p. 593-594. L’auteur souligne l’analogie avec le Refuge huguenot, p. 585.
19 Wachtel (N.), La Logique des bûchers, Paris, Seuil, 2009, p. 11-24 et p. 251-255. Voir Méchoulan (H.), Le Sang de l’autre ou l’honneur de Dieu. Indiens, juifs et morisques dans l’Espagne du Siècle d’Or, Paris, Fayard, 1979 ; Yerushalmi (Y. M.), « L’antisémitisme racial est-il apparu au XXe siècle ? De la limpieza de sangre espagnole au nazisme : continuités et ruptures », Esprit, mars-avril 1993, p. 5- 35.
20 Gusdorf (G.), « L’Europe protestante au siècle des Lumières », Dix-Huitième Siècle, 17, 1985, p. 13- 14.
21 Cité par Rouchy-Levy (V.), « L’image des protestants dans La Reine Margot de Patrice Chéreau », Protestantisme et cinéma français, BSHPF, 2 (2008), p. 163-173, à partir de sa thèse, La Reine Margot de Patrice Chéreau. Genèse et réalisation d’un film historique, École des Chartes, 2006.
22 Voir Ehrmann (J.), « Tableaux de massacres au XVIe siècle », BSHPF, 3 (1972), p. 445-455. Un matin devant le Louvre, d’Édouard Debat-Ponsan, 1880, montre la reine noire et sa suite chamarrée regardant de haut l’amoncellement de cadavres dont un officier semble lui faire présent.
23 Cité par Rouchy-Lévy (V.), « L’image des protestants dans La Reine Margot… », art. cit., p. 171.
24 Jouanna (A.), La Saint-Barthélemy, op. cit., p. 179.
25 Discours du massacre de ceux de la religion réformée fait à Lyon, 1574, p. 34-35.
26 Voir notamment Rosiere (S.), Le Nettoyage ethnique. Terreur et peuplement, Paris, Ellipses, 2006.
27 Correspondance du nonce en France Antonio Maria Salviati, 1572-1578, Rome, Université pontificale grégorienne, École française de Rome, 1975, p. 225.
28 Mémoires de Claude Haton, Paris, Éditions du CTHS, 2003, t. 2, p. 466.
29 Discours merveilleux de la vie, actions & déportemens de Catherine de Médicis, Royne mère, auquel sont recitez les moyens qu’elle a tenu pour usurper le gouvernement du royaume de France, & ruiner l’estat d’iceluy, 1575, p. 182 et 208.
30 Brousson Claude, Apologie du projet des réformés de France, fait au mois de mai 1683, pour la conservation de la liberté de conscience et de l’exercice public de la religion que les édits et traités de pacification leur accordent, Cologne, P. du Marteau, 1684, p. 31 (en italiques dans l’original).
31 Basnage (J.), Histoire des Juifs depuis Jésus-Christ jusqu’à présent pour servir de continuation à l’histoire de Joseph, nouvelle édition augmentée, La Haye, H. Scheurleer, 1716, livre IX, vol. 13, p. 356-357.
32 Cf. Beaune (C.), Naissance de la nation France, Paris, Gallimard, 1985.
33 Bensoussan (G.), Europe. Une passion génocidaire. Essai d’histoire culturelle, Paris, Les Mille et une nuits, 2006 ; Sternhell (Z.), Les anti-Lumières. Du XVIIIe siècle à la guerre froide, Paris, Fayard, 2006.
Auteur
patrick.cabanel@wanadoo.fr
Professeur d’histoire contemporaine, Université Toulouse II-Le Mirail, UMR 5136 FRAMESPA,
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