Généalogies légendaires et parentés inventées. L’exaltation du sang divin de Lerma et de sa parenté avec Philippe III dans Prosapia de Christo (1614) de Diego Matute de Peñafiel Contreras
p. 131-150
Texte intégral
Bien es verdad que yo soy hidalgo de solar conocido, de posesión y propiedad, y de devengar quinientos sueldos ; y podría ser que el sabio que escribiese mi historia deslindase de tal manera mi parentela y de[s]cendencia que me hallase quinto o sexto nieto del Rey.1
1Dans son livre Prosapia de Cristo, publié à Baza en 1614, le grenadin Diego Matute de Peñafiel (titulaire de la chaire de théologie de l’Université de sa ville natale, prêtre et recteur de l’église de Baza)2, entreprit une curieuse opération idéologique en incluant une généalogie de Philippe III et de son favori qui montrait que certains ancêtres communs de Philippe III et de Lerma les apparentaient.
2Parmi les moyens mis en œuvre par les favoris de la Maison des Habsbourg pour se maintenir au pouvoir et tenter d’y rester le plus longtemps possible, se trouve la revendication d’un haut lignage, celui-ci dût-il être inventé, sinon de toutes pièces, du moins en partie, comme c’est le cas dans Prosapia de Cristo3. Dédié au favori de Philippe III, don Francisco Gómez de Sandoval, duc de Lerma, cet ouvrage présente le lignage humain du Christ et le mêle à celui du roi et de son favori.
3C’est donc cette représentation du roi comme image de Dieu et cette stratégie de promotion d’une image « royale » du duc de Lerma que je me propose d’examiner. Après avoir situé le texte dans son moment historique, j’analyserai les ressorts de cette généalogie fabuleuse. Enfin, envisageant ce livre comme le fer de lance d’une stratégie de communication habile, je m’interrogerai sur sa réception et ses visées.
Le texte dans son contexte
4Ce n’est sans doute pas un hasard si cette fantasque généalogie, qui, de façon saugrenue, fait entrer le duc de Lerma dans la lignée royale, fut publié en 1614, c’est-à-dire au moment où dans une Espagne en crise, tandis que la figure du favori faisait l’objet de débats théoriques, les critiques se multipliaient dans « l’opinion publique » contre le duc et ses affidés4. Il devint dès lors nécessaire de renforcer coûte que coûte cette image « royale » du valido.
5Les généalogies mythiques ou légendaires ne sont pas propres à la péninsule Ibérique, loin s’en faut. Il n’est que de se souvenir des Théogonies d’Hésiode, du chant XX de L’Iliade où Énée retrace pour Achille sa propre généalogie ou encore des origines mythiques du naissant empire que Virgile narra dans l’Énéide à la demande d’Auguste5. Comme l’a rappelé Julio Caro Baroja dans son livre Las falsificaciones de la Historia, la fabrication de généalogies « intéressées » s’est produite à diverses époques et dans des cultures très différentes6.
6Pour ce qui concerne la Péninsule, Prosapia de Cristo s’inscrit aussi dans un ample mouvement idéologique, que l’on peut dater de la seconde moitié du XVIe siècle, où les discours sur l’origine, la genèse, la naissance, le début, les généalogies, des mots, des choses et des personnes se multiplient, en relation directe avec une interrogation identitaire sur l’essence de l’Espagne et de « l’être espagnol », et ce depuis au moins les débuts du règne de Charles Quint.
7Comme l’a montré Augustin Redondo dans plusieurs articles de son livre Revisitando las culturas del Siglo de Oro, une véritable fièvre généalogique s’empare des Espagnols à partir de la seconde moitié du XVIe siècle et les écrits de ce type se multiplient7. Le but d’un grand nombre de ces traités était de chanter les gloires politiques d’un lignage en pleine ascension sociale. Leurs auteurs étaient ce que l’on pourrait appeler des « professionnels » de la généalogie qui cherchaient à gagner les faveurs des puissants en louant leurs hauts lignages. Employés par les nobles pour illustrer leurs familles et leurs ancêtres, ces généalogistes fournissaient aux intéressés les instruments nécessaires pour maintenir ou améliorer leurs positions sociales. Pour ce faire, ils rivalisaient en imagination pour trouver aux nobles dont ils retraçaient le lignage les origines les plus mythiques possibles8, en particulier, comme c’est le cas dans Prosapia de Cristo, une origine royale. Comme le soulignait déjà plaisamment Fernández de Bethencourt en 1900 :
Ésta es la época en que nadie se reía leyendo que la familia de los Castillos, por ejemplo, tenía su origen sagrado en el Centurión Cornetio, o la de los Peñas en uno de los tres Reyes Magos, y, quién sabe si en los tres, o la de los Caamaños en los Reyes de Troya, por no sé cuál supuesto Gobernador de Galicia.9
8Prosapia de Cristo s’inscrit dans la continuité d’autres généalogies des rois d’Espagne qui toutes retracent l’histoire de ce pays en l’enracinant dans des origines mythiques10.
9Deux d’entre elles semblent avoir particulièrement influencé Matute de Peñafiel. En premier lieu, celle qu’en 1498 Annius de Viterbe publia à Rome sous le nom d’Antiquitatum variarum volumina XVII. Il s’agissait de textes inédits, prétendument découverts à Mantoue, de différents auteurs anciens – Annius affirma qu’ils étaient de Bérose et Manéthon –, portant sur l’histoire ancienne et les premiers temps du monde. Il fournit pour chacun un commentaire exhaustif. Les Antiquités d’Annius allaient inspirer toutes sortes d’affabulations postérieures de la part des historiens et des généalogistes11. En effet, d’une part, ces inédits établissaient des rapports entre la chronologie biblique, les mythologies égyptienne et grecque et les noms de certains « ancêtres » européens ; d’autre part, une longue tradition voulait que toute histoire (fût-elle du monde, d’un pays, d’une région ou d’une famille) commençât par les origines, les premiers hommes, voire la création du monde. Les Antiquités d’Annius de Viterbe venaient donc répondre à un besoin : elles allaient permettre de dresser de fabuleuses généalogies complètes qui remonteraient jusqu’à ce temps d’avant le temps qu’est le mythe. Quelles que soient la polémique, les attaques et les défenses que suscita cet Annius – que d’aucuns tinrent pour un habile imposteur –, il est certain que ce fut une source d’inspiration importante, notamment pour Matute de Peñafiel.
10Parmi les auteurs de chroniques qui influencèrent ce dernier, il faut mentionner en second lieu ce parent lointain du valido de Philippe III, fray Prudencio de Sandoval12, « protégé » de ce dernier depuis le8 novembre 1598, jour de l’entrée officielle de Philippe III dans la capitale. Ce même jour, le moine bénédictin présenta au favori – qui recevrait trois jours plus tard, le 11, le titre de duc de Lerma –, son œuvre Chrónica del ínclito Emperador de España, don Alfonso VII (1600)13, dont l’un des chapitres traite de la Decendencia de la Casa de Sandoval, Duques de Lerma, ce qui ne dut pas laisser de flatter l’obsession généalogique de ce noble. En effet, cette chronique, constituait non seulement une exaltation du monarque, lointain prédécesseur de Philippe III, mais encore des plus illustres lignages du royaume ; en particulier, elle magnifiait la noblesse et l’ancienneté de celui de Lerma, ainsi que les immenses services rendus aux monarques castillans par les Sandoval. L’ouvrage fut imprimé dans un délai très bref : juin 1600. Prudencio fut nommé peu de temps après chroniqueur des royaumes de Castille avec la mission de continuer la Historia de España commencée par Florián de Ocampo et Ambrosio de Morales, écrite par ce dernier jusqu’à l’année 1307. En outre, vers 1600, Lerma lui demanda d’écrire une Historia de la vida y hechos del Emperador Carlos V : c’était là pour le favori un nouveau moyen de flatter le sens dynastique du monarque et de briller lui-même comme mécène ; Prudencio, aidé probablement par des collaborateurs, peut-être des frères de son Ordre, écrivit le premier tome en deux ans et demi et le second fut achevé deux ans plus tard. Cet effort méritoire fut récompensé : en 1608, il devint évêque de Tuy, puis, en 1611, de Pampelune, des grâces tout apparentes qui cachaient mal les mobiles fort intéressés du duc.
11Avant le texte, proprement dit, de son Historia del Emperador Carlos V (achevée en 1603), Prudencio de Sandoval inséra une généalogie du monarque14. S’appuyant sur le pseudo-Bérose, il retraça les ascendants du roi : Adam, Noé, Cham, Osiris et Hercule. Selon ce texte, le fils de ce dernier a régné en Italie ; un de ses descendants, Dardanos, a fondé Troie. Charles Quint compte parmi ses ascendants les souverains de Troie, les Scythes, les Sicambres, les Francs, les rois de France et enfin, les ducs d’Allemagne. L’Empereur est le descendant d’Adam au cent vingtième degré15.
12Lerma, on le sait, promut par tous les moyens possibles une image grandiose de lui-même. Il travailla à se créer un passé familial à la hauteur de ses aspirations, notamment en passant commande de diverses généalogies, plus ou moins inventées selon les cas, qui conteraient de hauts faits accomplis par ses ancêtres au service de la couronne. J’ai mentionné à cet égard la Chrónica del ínclito emperador de España, don Alonso VII. On pourrait y adjoindre d’autres exemples tels que sa généalogie manuscrite, écrite en 1600, par Pedro Salazar de Mendoza16. Tous les moyens furent bons pour chanter la gloire de ses ancêtres, comme ce sermon prêché en 1613 par fray Gaspar de los Reyes dont le texte fut publié à Tolède en 161317.
13L’ouvrage de Diego Matute de Peñafiel représente le comble de l’invention extravagante parmi ces généalogies royales de légende. Il s’inspire d’assez près de celle de Prudencio de Sandoval, comme nous allons le voir à présent.
Les ressorts de l’invention fabuleuse dans Prosapia de Cristo
14Prosapia de Cristo comprend deux parties publiées séparément ou ensemble selon les exemplaires de l’ouvrage18. Premièrement, le texte de Prosapia de Cristo, proprement dit : trois cent trente-quatre feuillets (numérotés au recto seulement), suivis d’un copieux index des matières de trente-huit feuillets et d’un premier arbre généalogique dépliant (quarante sur vingt-sept centimètres) des ascendants du Christ tels qu’ils ont été déterminés dans le texte précédent : « Árbol de la prosapia de Christo por línea paterna y materna desde Adán a Ioseph, y desde Eva a la Madre de Dios ». Ce premier livre est composé de commentaires du chapitre III de saint Luc où sont énumérés les ancêtres du Christ. Y est résumé l’essentiel de ce que l’auteur estime que le lecteur doit retenir, à savoir notamment : qu’Adam et Ève sont les soixante-quatorzièmes grands-parents du Christ, que ces premiers fiancés du monde sont restés vierges au Paradis tant qu’ils ont conservé l’amitié de Dieu. On insiste aussi sur les premiers héritiers du monde qui sont à exclure de la généalogie du Christ, en particulier Caïn, exclu parce qu’il est fratricide et hérétique.
15Conformément au texte de la Genèse (5-10), Noé, soixante-cinquième grand-père du Christ, a eu trois fils : Sem, Cham et Japhet. Le Sauveur est issu de Sem. De Japhet procèdent les Gentils. De Cham viennent les Éthiopiens et les Égyptiens19.
16On trouve ensuite une seconde partie ou même second ouvrage, relié au précédent ou édité séparément. Le titre : Discurso y digresión del capítulo 2 de la segunda edad del mundo de Sem, hijo de Noe, y de la división de las tierras entre Sem, Cham y Japhet y origen de los linajes del mundo. Les deux parties furent éditées la même année (1614) chez le même éditeur. La seconde, qui pourrait à première vue passer pour une annexe, est en fait l’objectif ultime de toute l’œuvre.
17L’ensemble présente une unité puisque la première partie est divisée en cinq âges du monde et que la seconde est, comme l’annonce une adresse au lecteur20 placée avant l’index qui clôt la première partie, « un Vita Christi » :
AL LETOR
Espera, Letor, un Vita Christi, con que quiero servirte, continuando la sexta Edad del mundo. No te lo quiero encarezer : sólo digo, que en singularidad de historia, conceptos morales, pensamientos de ingenio, y erudición Christiana lleva ventaja al primero. Va dividido en dos partes. El título : Christo Infante y Christo Gigante ; no digo más, por que le esperes con más desseo. Vale.
18De quoi, effectivement, mettre l’eau à la bouche et inciter le lecteur à aller plus avant dans sa lecture.
19Chacun des deux livres est précédé d’un frontispice comportant une gravure du belge Francisco Heylan21. Ces frontispices sont un concentré de la démonstration généalogique. Le même bois a été utilisé pour réaliser les deux gravures. Seule la partie supérieure a été modifiée pour inscrire les titres respectifs des deux parties. Pour le reste, ils sont identiques (cf. illustration) : un blason central est surmonté d’une couronne, d’un globe terrestre et d’une croix et encadré par deux figures allégoriques, la foi et l’espérance. Sur le globe, on lit : ADÁN Y EVA et au-dessus, les titres respectifs des deux parties : Prosapia de Christo et Discurso y digresión ; en dessous, le nom de l’auteur et au centre, surmonté d’une couronne, occupant un large espace, le nom du favori.
20Observons à présent les changements d’un frontispice à l’autre. Graphiquement, si la structure, ainsi que la partie supérieure du frontispice, sauf bien sûr le titre, demeure inchangée, dans le second, Son Excellence le duc de Lerma prend la place qu’occupait le Christ dans le frontispice général de l’œuvre, tandis que dans deux quartiers du blason, Philippe III prend la place de Joseph et le duc, celle de Marie.
21Ce que l’auteur annonçait comme le sixième âge du monde est celui de Philippe III et de Lerma, auquel, de façon significative, l’auteur confère la même importance que tous les âges qui ont précédé22. En réalité, cette digression, conçue pour pouvoir être lue séparément, est l’essentiel et le but ultime de cette œuvre. C’est en effet dans cet appendice intitulé Discurso y digresión del Capítulo Segundo de la Segunda Edad del Mundo y origen de sus linages que l’auteur convertit le favori en cent vingt-et-unième petit-fils d’Adam, ajoutant, comme si cela ne suffisait pas, qu’il l’est « en línea ininterrumpida de varón ».
22Cette invention étonnante repose sur une imbrication de personnages bibliques, mythologiques et historiques à partir de laquelle il devient difficile de démêler le vrai du faux, le temps du mythe et celui de l’histoire. L’invraisemblable dès lors devient plausible.
23Il est fort possible que ce livre ait été une commande de Lerma si l’on en croit les dédicaces de chaque partie ou livre. Dans la première23, Diego Matute assimile sa propre relation au duc de Lerma avec celle du Grand Prêtre Éléazar à qui Ptolémée, roi d’Egypte, demanda les livres saints de la Loi, ainsi que soixante-douze savants afin que ces derniers les traduisent en grec24. Le théologien relate que le roi adora les livres et pleura de contentement. Après de rhétoriques aveux d’indignité, il offre son livre au duc en implorant la protection de ce dernier pour son ouvrage.
24Discurso y digresión est aussi le fruit d’une commande de Lerma au théologien si l’on en croit sa dédicace25 :
Vuestra Excelencia, por el decoro de Christo, con la piedad insigne de que le dotó Dios, que no puso en Vuestra Excelencia los espíritus altivos de Príncipe, me mandó dividir este discurso del cuerpo de la Historia de Christo. Y aunque es verdad que a prima faz parece imposible a un ingenio deslindar un linage desde el principio del mundo, suplico a Vuestra Excelencia y a quien leyere este discurso, suspenda la sentencia hasta aver passado los ojos por este pequeño dibuxo.26
25À la fin de ce Discurso y digresión, on trouve un second arbre généalogique dépliant de très grande dimension (cent soixante sur quarante centimètres) qui résume les généalogies de Philippe III et du duc de Lerma et l’essentiel de ce que contient le second texte (voir l’illustration)27. Les réunissant par des liens consanguins fictifs, l’auteur a effectué trois tours de force : diviniser l’un et l’autre ; montrer qu’ils sont de la même famille en les faisant remonter tous deux au mythologique Tros, héros légendaire, ici converti en « roi de Troie » ; faire l’éloge des prouesses des ancêtres de Lerma au service de la couronne.
26Cet arbre qui s’étend sur huit colonnes commence par l’alpha et l’oméga et finit par Lerma.
27La première colonne retrace la généalogie de Dieu à Érichthonios. Les premiers pères du monde, Adam et Ève, convertis en cent dix-huitièmes grands-parents de Philippe III et en cent vingt-et-unièmes grands parents de Lerma, ont engendré Seth, dont procède le Christ. Puis viennent Lamech et son fils Noé. Concernant ce dernier, d’après l’auteur, certains écrivains ont commis l’erreur de faire dériver le lignage des Habsbourg de Cham, fils de Noé, et non de son frère, Japhet. Autre trait fabuleux remarquable, Javan, fils de Japhet, a pour mère la Sybille d’Érythrée qui a prophétisé l’Incarnation. Conséquence : « De suerte que descienden su Majestad y V. Ex. de una de las sybillas ».
28Nous en arrivons au cent cinquième grand-père du roi et cent huitième de Lerma : Hercule. Et voici accompli le premier tour de passe-passe : Philippe III et Lerma procèdent du célèbre héros mythique. Je passe sur les suivants et j’en arrive à Dardanos, le fondateur mythique de Troie, centième grand-père du roi, dont le théologien affirme qu’il a fondé Troie avec l’aide des Espagnols : « Éste fundó a Troya, dizen que con ayuda de Españoles ». Matute sur ce point garde un peu plus la mesure des choses que Prudencio Sandoval précédemment, lequel a aussi utilisé le pseudo-Bérose inventé par Annius de Viterbe. Cependant, comme lui, Matute confère aux Espagnols un rôle important comme point de départ des civilisations occidentales. La première colonne, correspondant à la partie commune des dynasties du roi et de son favori, finit sur Érichthonios, mythologique roi d’Athènes, qui comme on le sait, était moitié homme et moitié serpent, détail ici trop invraisemblable pour que le théologien – qui soigne la vraisemblance malgré sa démesure – ne le mentionne.
29La seconde colonne présente les deux dynasties. Voici venir un autre grand moment des inventions de Matute : Ilos et Assaracos, fils de Tros28, héros éponyme de la Troade et de Troie, donnent naissance à deux dynasties réunies graphiquement par une large accolade horizontale : celle de Philippe III et celle de Lerma29. C’est ainsi que Matute inscrit parmi leurs ascendants respectifs les mythiques héros grecs : Priam et Énée, ce qui contribue bien entendu à magnifier roi et favori.
30Conformément à la chronique de Charles Quint écrite par Prudencio de Sandoval que Matute de Peñafiel suit d’assez près, la généalogie du roi d’Espagne passe successivement par les souverains de Troie, les Scythes, les Sicambres, les Francs, les rois de France, la Maison d’Autriche jusqu’à la montée sur le trône de Germanie de Rodolphe de Habsbourg (1273) et l’acquisition de l’Autriche en 1278, puis les archiducs de la Maison d’Autriche depuis Maximilien, arrière-grand-père de Philippe III, à Philippe I, Charles Quint, Philippe II et Philippe III, le roi étant donc le descendant d’Adam au cent dix-huitième degré tandis que son fils, le prince Philippe, est le cent dix-neuvième petit-fils d’Adam et Ève30.
31Abordons maintenant la généalogie du duc, apparenté au roi : il descend d’Assaracos, selon la succession suivante : Assaracos, Capys, Anchise, Énée (dénommé « le pieux Énée » dans cet arbre) tandis qu’une mention signale : « de celui-ci découle la lignée jusqu’à Jules César »31. Ensuite, parmi les ascendants de Lerma, nous trouvons les rois anglo-saxons et un bref passage par la maison royale de France, parentés inventées destinées à souligner non seulement que Lerma a du sang royal, mais encore que ses racines généalogiques remontent aux Goths. De même, c’est probablement pour insister sur cette ascendance gothique – devenue obsessionnelle dans l’Espagne des statuts de pureté de sang32 – que le théologien lui attribue également les illustres ascendants que sont les juges et comtes de Castille : Nuño Rasura, Gonzalo Núñez et Fernán González.
32Le duc – et cette fois véritablement –, appartenait à l’un des plus anciens lignages nobiliaires castillans, les Sandoval dont le patrimoine se situait à l’origine dans la partie centrale de l’actuelle province de Burgos. Matute de Peñafiel mentionne comme fondateur du lignage un certain Sando González, qu’il semble avoir inventé. Parmi les ancêtres, il exalte Diego Gómez de Sandoval pour ses services rendus à la Couronne. Il s’agit en fait d’une tentative de réhabilitation ; en effet, comme on le sait, lors de l’affrontement entre une partie de la noblesse castillane unie aux Infants d’Aragon contre Jean II et son favori, Álvaro de Luna, Diego Gómez Sandoval, qui, jusque là avait joui de la faveur du roi, tomba en disgrâce en raison de ses relations avec les Trastamare d’Aragon. Déclaré rebelle, toutes ses possessions furent confisquées en Castille. Les Sandoval, contraints à un exil forcé dans les territoires de la couronne d’Aragon, perdirent les rentes de leurs États et toute participation dans les cercles de pouvoir de la cour castillane. Tous les représentants suivants de la maison Sandoval luttèrent pour récupérer le patrimoine confisqué et retrouver une influence à la cour au moyen, notamment, de mariages de ses héritiers avec des dames de la haute aristocratie du nord de l’Espagne33. Ce n’est donc pas un hasard si Matute de Peñafiel magnifie ce Gómez de Sandoval et d’autres ancêtres de Lerma, pour leurs hauts faits de guerre : « Diego Gómez de Sandoval fue señaladíssimo en la guerra y gran Privado del rey don Fernando el Santo34 ».
33De même, il insiste sur les parentés réelles de certains ascendants de Lerma avec des membres du lignage royal, par exemple : « Don Bernardo de Sandoval, bisabuelo de su excelencia, casó con doña Francisca Enríquez, prima hermana del rey Cathólico ».
34Il signale aussi la parenté royale de doña Isabel de Borja et doña Catalina de la Cerda, mère et épouse du favori. Puis il multiplie les éloges concernant le duc, de façon significative au prétérit, comme si celui-ci appartenait d’ores et déjà à une Histoire ancienne, éternelle et mythique35.
35Mais les choses ne s’arrêtent pas là : on trouve, en outre, un autre petit arbre généalogique qui présente les ancêtres castillans du roi, de la reine Marguerite et du duc de Lerma. Tous descendent de Dieu, Adam et Ève, le comte Fernán González, le lecteur étant ici renvoyé à l’arbre précédent.
36Est également mentionnée une curieuse étymologie du patronyme Sandoval36: un des ancêtres de Lerma, lesquels s’appelaient Sando, aurait été appelé à la rescousse dans une bataille par le roi Pélage qui s’écria : « Sando valme » et ainsi naquit ce patronyme, que notre auteur convertit significativement en devise synonyme d’appel au secours venant du roi.
37Après plusieurs générations, on en arrive à Isabelle la Catholique et à l’ancêtre commun que Matute de Peñafiel attribue à Philippe III, à la reine Marguerite d’Autriche et à Lerma : Ferdinand le Catholique. À partir de là, on trouve à gauche les ascendants du roi et de la reine et à droite, ceux de Lerma37.
38Finalement, on peut se demander comment ce texte fut compris et quel crédit on ajouta aux affabulations du théologien.
La réception du texte
39Examinons donc quelques jugements relatifs à cet ouvrage. Les généalogies étaient un genre littéraire. L’on considérait que le caractère mythique ou fabuleux des origines du lignage retracé, véritable convention du genre, prouvait la noblesse de sang des membres du lignage concerné38. En conséquence, nous trouvons les jugements les plus critiques sur Prosapia de Cristo soit à la même époque mais à l’étranger, soit parmi des représentants de l’Illustration.
40En France, Chardon la Motte le Vayer, philosophe sceptique français né en 1588, précepteur du frère de Louis XIV puis de ce dernier, réalisa une intéressante lecture de Prosapia de Cristo dans son livre paru en 1643, Le discours de l’histoire, dédié au cardinal de Richelieu39. Conscient des liens qui unissent Prosapia à la chronique de Charles Quint écrite par Prudencio de Sandoval, il en découd avec les deux. Concernant le premier, il estime que :
ce n’est pas sans sujet que les Grecs ont dit que le commencement valoit en toutes choses la moitié de l’ouvrage ; [...] c’a donc esté une merveilleuse impertinence à cet historien de debuter par une si ridicule genealogie de Charles Quint, expliquée de pere en fils depuis Adam iusqu’à luy.40
41Il juge que, dès lors que nous tenons la généalogie d’Adam à Noé du Saint-Esprit par les mains de Moyse, il est puéril :
d’avoir pris la peine si inutilement de donner des ancestres à Charles Quint, que personne ne luy peut disputer et dont le plus grand vellaque d’Espagne et le moindre homme du monde se peut vanter comme luy.41
42Notre auteur voit aussi chez Sandoval de l’impiété dès lors que ce dernier, mêlant le sacré au profane, passe :
du texte sacré aux fables de Troye, & de coudre les veritez de la Genese avec les reveries du Berose supposé par Annius de Viterbe & celles de l’Abbé Tritheme, qui sont les Autheurs primitifs d’une si belle genealogie [...].42
43Mais, ce qui l’horripile le plus, c’est qu’en remontant jusqu’à la destruction de Troie par les Grecs, Prudencio (et Matute de Péñafiel, qui le copie, avec lui) introduit un Francus qui aurait donné son nom aux Français et il entre par ce moyen dans la généalogie des rois de France afin :
qu’un Sigibert venu d’eux & estably premier Duc d’Allemagne, fust la tige de la maison d’Autriche ; qui se trouvera par ce moyen non seulement plus ancienne que celle de France auiourd’huy regnante, mais encore avec plus de droit au Royaume, comme l’ayant possédé avant celle de Pepin & de Hugues Capet.43
44C’est chose inacceptable pour le Français qui s’empresse de rappeler que cette thèse a d’ores et déjà été réfutée et qu’on a fait voir que Rodolphe Ier de Habsbourg (empereur de 1273 à 1291) :
estoit issu des Comtes de Tierstein, & de Habsbourg ; et comme ces Comtes n’eurent iamais ny Roys, ni Princes, ny Ducs pour devanciers [...], qu’il y avoit trois cents ans que nos Roys de la troisieme race regnoient de pere en fils, lorsque ce Rodolphe fut esleu Roy des Romains, du regne de nostre Philippes le Hardy [...].44
45Il en vient ensuite à la généalogie inventée par Matute de Peñafiel qu’il qualifie d’extravagante vision ridicule. Il condamne chez lui aussi ces « cent dix-huit successions depuis Adam iusques à Philippe III « et ces « cent vint & une du mesme principe iusqu’au Duc de Lerme, pour qui il composa ce bel ouvrage »45. L’ironie est fortement sous-jacente au propos. Il réprouve que « Pegnafiel », comme il l’appelle, donne dans les « reliques de la vieille Troye » où il trouve deux frères : Illus et Assaracus dont il fait procéder respectivement le roi d’Espagne et Lerma. Puis il dénonce les manipulations effectuées pour rapprocher roi et favori du point de vue de leur parenté. Bref, le Français ne semble pas dupe de la tentative de Peñafiel d’attribuer du sang royal au favori. Mais il va encore plus loin en lui prêtant l’intention de légitimer d’éventuelles revendications de droits sur les territoires voisins : pour le Français, mettre Énée parmi les ancêtres de Lerma pourrait autoriser ce dernier à revendiquer des droits sur le patrimoine de saint Pierre si les relations de l’Espagne avec le Saint-Siège n’étaient pas aussi bonnes qu’elles le sont. De même, puisque que ce Brutus placé dans la généalogie de Lerma a prétendument fondé la Grande Bretagne, le duc pourrait bien finir par alléguer :
que les Roys d’Angleterre qui y dominent presentement sont des usurpateurs sur ceux de la maison de Rojas et de Sandoval, dont estoit le Duc de Lerme, comme nos Roys le seroient par l’argument de Valdes, sur ceux de la maison d’Autriche.46
46Les soupçons que le Français fait peser sur les intentions de Lerma nous montrent que les batailles de la guerre franco-espagnole se livraient dans les livres en même temps que sur les champs de bataille. La condamnation est sans appel. Pour le Français, les chimères qui sont contées dans Prosapia de Cristo servent à défendre les prétendus droits de la Couronne espagnole47.
47D’autre part, au XVIIIe siècle, ce champion du culte intransigeant de la vérité que fut Benito Jerónimo Feijoo (1676-1764) – qui, dans son Teatro crítico Universal, partit en guerre contre les extravagantes généalogies fabriquées pour aduler les puissants48 –, ne pouvait que réprouver les inventions fabuleuses de Matute de Peñafiel, inventions dont manifestement il eut connaissance justement par Mota le Vayer : après avoir résumé ce qu’en dit cet auteur, il ajoute, et là aussi la condamnation est sans appel : « Verdaderamente que tanto incienso hiede aun al mismo ídolo para quien se exhala »49.
48La question qu’il m’échoit de résoudre à présent est celle des visées véritables de Prosapia de Cristo. En premier lieu, mythifier les origines du monarque en mêlant le lignage humain du Christ à celui du roi au niveau de certains ancêtres permettait, en renforçant l’essence divine du monarque, de lui conférer une légitimité mythique50.
49Quant à la représentation généalogique conjointe des prétendues parentés du monarque et de son favori, elle me semble avoir été destinée à faciliter la négociation et la reformulation d’une nouvelle vision de la monarchie espagnole, capable de légitimer une théorie de cette dernière incluant le favori. La généalogie d’Auguste que retraça Virgile dans L’Énéide et qui le fit descendre de Jasius, Dardanos, Énée et Romulus était destinée à montrer qu’il réunissait sur sa tête tous les droits de ces quatre héros, ses ancêtres. De façon analogue, la généalogie légendaire de Philippe III et de Lerma établie par Matute de Peñafiel était destinée à légitimer la place que ce dernier en était venu à occuper auprès du roi et à prouver ses droits.
50Concernant le favori, lui attribuer des ancêtres illustres, Énée par exemple, visait également à mythifier ses origines. Le faire descendre des juges et des comtes de Castille me paraît être une falsification qui relève de ce prurit de gothicité qui s’empara de l’Espagne des statuts de pureté de sang et qui la tarauda jusqu’au moins la fin du XVIIe siècle.
51Il est permis de conclure que, d’une façon générale, ces falsifications généalogiques, dont Prosapia est l’apogée, nous renseignent sur l’état d’une société tourmentée par la question de ses origines. Je rappelle par exemple incidemment qu’à la même époque, Rodrigo Calderón, le protégé même de Lerma, tenta d’abord – sans cependant y parvenir – de faire courir le bruit qu’il était le fils bâtard du duc d’Albe51 ; après quoi, il mit en œuvre avec succès diverses stratégies d’anoblissement qui lui permirent de s’élever et de prospérer considérablement, et cela, alors même que ses origines étaient loin de présenter la « pureté de sang » requise52.
52Dans le cas, certes bien différent, de Lerma, les mythifications généalogiques opérées dans Prosapia de Cristo relèvent d’une habile stratégie de communication destinée à faire face à une opposition politique croissante : apparenter Lerma à Philippe III et les faire tous deux descendre du Christ permettait d’accréditer l’idée qu’il était légitime que le favori secondât le monarque. En même temps, cette parenté fictive renforçait l’image d’un roi de droit divin tout en insistant sur leur commune vocation, essentielle, originelle, héritée avec leur sang, de représenter et de défendre la foi catholique.
53Pour cela, Matute de Peñafiel, comme Prudencio de Sandoval avant lui, eut recours à un temps hors du temps, celui des origines et des mythes. Là, se trouvent les dieux et les héros, dont il fit procéder conjointement le roi et son favori. Mythifiant les origines de ce dernier, il l’éleva symboliquement, contribuant ainsi, face à la montée des factions adverses, à légitimer la place qu’il occupait auprès du roi.
Notes de bas de page
1 M. de Cervantes Saavedra, Don Quijote de la Mancha, Primera parte, capítulo XXI, ed. de Diego Clemencín, parte I, tomo II, Madrid, en la oficina de D. E. Aguado, 1833, p. 184.
2 N. Antonio, Biblioteca Hispana Nueva, t. 1, Madrid, Fundación Universitaria Española, 1999, p. 307 : « Diego Matute de Peñafiel. Granadino. Fue profesor público de teología en la cátedra de Durando de la Universidad de su ciudad natal, así como sacerdote y rector de la iglesia de Baza. Rico en toda clase de conocimientos, publicó cuando contaba más de 33 años una hermosa obra, en lengua vernácula, llamada : Prosapia de Cristo, o comentarios al cap. 3 de San Lucas en el que se enumeran los antepasados de Jesucristo, dedicados a Francisco de Sandoval y Rojas. Se publicó en Baeza en 1614, en 4° [...] ».
3 D. Matute de Peñafiel Contreras, Prosapia de Christo... donde se expone la genealogía del Rey Philippe III, y la de Don Francisco de Sandoval y Rojas, Duque de Lerma, Baça por Martin Fernandez Zembrano impresor de Granada, 1614, 7 h. 334 fols,20 h. (BNM : R/4458; 16 531 ; 16532; 16582 ; 16683 (1) ; 16934 ; 17119 (micro 16201) ; 18060) ; y D. Matute de Peñafiel Contreras, Discurso y digresion del Cap. 2°. de la 2.a edad del Mundo, de Sem hijo de Noe, y de la division de las tierras entre Sem, Cham y Iapheth, y Origen de los Linajes del mundo. Impresso en Baça por Martín Fernández Impressor de Granada. Heysan Belge me fecit Granatae (1614), 4° (BNM : R/31459; R/16.671). Voir aussi : Traslado de 3 capítulos de la obra de Don Diego Matute de Peñafiel, canónigo de la Santa Iglesia de Baeza y anotaciones de otras especialidades de otros capítulos, en su Historia intitulada Prosapia de Christo (BNM/ MSS/10986).
4 On pourra consulter, par exemple, L. Cabrera de Córdoba, Relaciones de las cosas sucedidas en la Corte de España desde 1599 hasta 1614, Salamanca, Junta de Castilla y León, 1997, p. 306 (12 de mayo 1607), 307 (7 de julio de 1607), 344-345 (2 de agosto de 1608), 453-454, 473, etc., cité par A. Redondo, « Un bon favori est un favori mort. Le duc de Lerma, Rodrigo Calderón et le problème du favori face à l’opinion publique », dans La représentation du favori dans l’Espagne de Philippe III et Philippe IV. Enjeux de pouvoirs, littérature et iconographie, Hélène Tropé (éd.), Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, col. « Travaux du Centre de Recherche sur l’Espagne des XVIe et XVIIe siècles », p. 53-74
5 M. Vicaire, Plan de l’Énéide de Virgile, ou exposition raisonnée de l’économie de ce poème, pour en faciliter l’intelligence ; ouvrage dans lequel on discute quel a été le but principal de l’Auteur en composant son poème, Paris, chez Debure l’Aîné, 1787, p. XVI.
6 J. Caro Baroja, Las falsificaciones de la Historia (en relación con la de España), Barcelona, Seix Barral, 1992, p. 163-182.
7 A. Redondo, « Leyendas genealógicas y parentescos ficticios en la España del siglo de Oro », dans A. Redondo, Revisitando las culturas del Siglo de Oro, Salamanca, Ediciones Universidad de salamanca,2007, p. 63-81.
8 C’est ce qu’indique, par exemple, une remarque faite vers 1450 par don Fernán Pérez de Guzmán, Señor de Batres, gentilhomme de la cour de Jean II de Castille. Se référant aux généalogistes et aux héraldistes de son temps, il écrit : « Capítulo primero en que se pone el Prólogo. Muchas veces acaece que las corónicas e historias que hablan de los poderosos Reyes e notables Príncipes e grandes ciudades son habidas por sospechosas e inciertas, e les es dada poca fe e autoridad, lo qual entre otras cosas acaece e viene por dos. La primera, porque algunos que se entremeten de escribir e notar antigüedades, son hombres de poca vergüenza, e más les place relatar cosas extrañas e maravillosas, que verdaderas e ciertas, creyendo que no será habida por notable historia que no contare cosas muy grandes y graves de creer, ansí que sean más dignas de maravilla que de fe, [...]. Y el segundo defecto de las historias es porque las corónicas se escriben por mandado de los Reyes e Príncipes, e por los complacer e lisongear, o por temor de los enojar, los escritores escriben mas lo que les mandan o lo que creen que les agradará, que la verdad del hecho como pasó » (vid. Generaciones, semblanzas e obras de los excelentes reyes de España Don Enrique el tercero e don Juan el segundo, y de los venerables perlados y notables caballeros que en los tiempos destos reyes fueron, ordenadas por el noble caballero Fernán Pérez de Guzmán, corregidas y enmendadas e adicionadas por el dotor Lorenzo Galindez de Carvajal, del consejo de sus altezas, B.A.E, vol. LXVIII, p. 697). Cette falsification des généalogies a d’ailleurs fini par discréditer tant le genre littéraire que la discipline même : voir E. Pardo de Guevara y Valdés, « ¿Hacia una nueva ciencia genealógica ? Reflexiones para una renovación en sus métodos y objetivos », Medievalismo,2, 1992, p. 171-183 ; et A. de Ceballos-Escalera y Gila, Marqués de la Floresta, « La genealogía en la frontera del año2000. El cómo y el porqué de esta ciencia histórica », Memòries de l’Acadèmia Mallorquina d’Estudis Genealògics, 12,2002, p. 7-28.
9 F. Fernández de Bethencourt, La genealogía y la heráldica en la Historia, Madrid, Enrique Teodoro, 1900, p. 16.
10 Pour le détail et l’analyse de ces généalogies mythiques, voir l’article d’A. Redondo, « Leyendas genealógicas y parentescos ficticios », op. cit., p. 63-81.
11 Sur Annius de Viterbe, voir M. R. Jung, Hercule dans la littérature française du XVIe siècle. De l’Hercule courtois à l’Hercule baroque, Genève, Droz, 1966, p. 42-47 ; A. Grafton, Defenders of the Text : The Traditions of Scolarship in an Age of Science, 1400-1800, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1991, p. 76-93, cit. par A. Redondo, « Leyendas genealógicas », op. cit., p. 70, note 41 ; J. Caro Baroja, « El falso Beroso », op. cit, p. 45-78.
12 Véase C. Seco Serrano, « Los comienzos de la privanza de Lerma según los embajadores florentinos », Boletín de la Real Academia de la Historia, 144, 1 (enero-marzo), 1959, p. 85, nota 1 ; id., Vida y obra de fray Prudencio de Sandoval, en Fray Prudencio de Sandoval, Historia de la vida y hechos del Emperador Carlos V, Madrid, Atlas, 1955, B.A.E., t. 80, p. VII-XXXIV.
13 P. de Sandoval, Chrónica del ínclito emperador de España, Don Alonso VII, Madrid, por L. Sánchez, 1610 (Édition facsimilée : A Coruña, Órbigo,2007).
14 Fray P. de Sandoval, Historia de la vida y hechos del Emperador Carlos V, 3 vols, Madrid, Atlas, 1955- 56, BAE, t. 80-82, I, p. 5 (introducción a la genealogía de Carlos V). Sur cette chronique, voir A. Redondo, « Leyendas genealógicas », op. cit., p. 72-73.
15 Fray P. de Sandoval, op. cit., p. 5-12.
16 BNM, Mss. 3277, P. Salazar de Mendoza, Crónica de la casa de Sandoval en 22 elogios (1600).
17 Biblioteca Universitaria de Sevilla, A 113/070 (20), Sermón que predicó el padre presentado fray Gaspar de los Reyes, Predicador General de la Orden de Predicadores a las honras que la Provincia de España celebró por los Duques de Lerma como por patronos suyos en la junta que se hizo en Benavente último de abril deste año de 1613.
18 Elles sont réunies dans les exemplaires suivants (BNM) : R / 4458; R / 16531 ; R / 16532; R / 16582; R / 683 (1) ; R / 17 119 et R / 18 060 ; séparées dans R. 16934. L’exemplaire R / 16934 ne comprend que la première partie (sur la première page, une mention manuscrite indique : « En este Convento de San Pablo de Burgos he expurgado este libro por commissión que tengo del Santo Tribunal de la Inquisición, 1707, Francisco de Muñatorres ». La seconde partie est publiée séparément dans Discurso y digresión del capítulo 2 de la 2a edad del mundo (BNM : R / 31459).
19 Le lecteur apprend que les Éthiopiens-Égyptiens (il semble assimiler les uns aux autres) naissent noirs, non point en raison de l’ardeur du soleil de la région du monde où ils habitent mais en raison de leurs péchés et par conséquent de la malédiction dont leur père Noé les a frappés (l’auteur renvoie le lecteur au fol. 71 où ce sujet est abordé de façon détaillée).
20 Ibid., feuillet n° 335 (non numéroté).
21 Francisco Heylan fut l’un des plus importants graveurs de l’Espagne de son temps. Né à Anvers en 1584, il s’installa vers 1606 à Séville avec son frère, puis vers 1611 à Grenade où il s’établit définitivement. Il est la tête de file d’une famille de graveurs et d’éditeurs. Selon la trentaine d’éditions qu’il imprima dans cette ville, il exerça cette profession de façon systématique de 1619 à 1630. Vid. A. Moreno Garrido, « La etapa sevillana de Francisco Heylan », Cuadernos de arte de la Universidad de Granada, 16, 1984, p. 349-358 ; id., « Algunas consideraciones en torno al estudio del grabado español del siglo XVII », Mayurqa : revista del Departament de Ciènces Històriques i Teoría de les Arts, 19, 1979-1980, p. 337-351 ; id. « Contribución al estudio del grabado sevillano en la época de Murillo », Goya : revista de arte, 181-182, 1984, p. 30-37 ; id., El grabado en Granada durante el siglo XVII. La calcografía, Granada, Universidad de Granada, 1976, p. 58 ; C. Peregrín Pardo (coord.), La imprenta en Granada, Granada, Universidad de Granada y Consejería de la imprenta en Granada, 1997, p. 82-83 et 100-101.
22 En réalité, ce sixième âge est, comme son titre l’indique, une digression afférente au chapitre2. Après le second frontispice on trouve deux feuillets non numérotés qui sont la Tass a, les erratas et l’approbation. Puis une dédicace et des feuillets numérotés de2 à24. Autrement dit, il s’agit d’un nouveau livre. Il faut du reste souligner que ce sixième âge fut édité séparément la même année par le même éditeur Diego Matute de Peñafiel Contreras, Discurso y digresión del Cap.2°. de la 2.a edad del Mundo de Sem hijo de Noe, y de la división de las tierras entre Sem, Cham y Iapheth y Origen de los Linajes del Mundo. Impresso en Baça por Martín Fernández Impressor de Granada. Heylan Belge me fecit Granatae (1614), 4° (BNM : R/31459).
23 (BNM : R 4458) Prosapia de Christo, fol. 3 r. (non numéroté) : « Epístola dedicatoria a don Francisco Gómez de Sandoval y Rojas, Duque de Lerma, etc. Pidió Ptolomeo Rey Egypcio al Sumo Sacerdote Elcazaro le embiassen los libros santos de la ley y setenta y dos Sabios que los interpretassen en Griego ; y dize Aristeas, en el libro de los setenta Intérpetes, que quando desembolvió las membranas de la ley adoró los libros y lloró de gozo ; y que rasados los ojos de lágrimas buelto a los setenta y dos Sabios, les dio siete vezes las gracias. De suerte que honró primero los libros y después los Sabios. Entre otras palabras les dixo. Hic dies in singulos annos per totam vitam eru mihi solemnis, & magnus, quia vos hodie adme venitis. Aqueste día en que venistes a mi Corte será para mi grande y solemne y le guardaré toda mi vida como día festivo. A tan pío Ptolomeo como V. Exc. no dudo que le sea de gusto desembolver las membranas del libro de la Genealogía de Christo. Quisiera yo dar en el a V. Exc. un día festivo. Y creo que passando los ojos por él podría hallar V. Exc. algunos ratos de gusto leyendo cosas extraordinarias y curiosas de los ascendientes de Christo. Quisiera yo acertar a ser sabio en este libro y en el ingenio y letras y ser muy parecido a los míos. Muy conocidos fueron en España las letras del Licenciado Gerónymo de Contreras, Regente que fue de Sevilla y Oydor del Consejo Supremo. Las del Licenciado Contreras, Oydor de Navarra, sobrino de Iuan Alonso de Contreras del Ábito de Calatrava. Las de don Fernando de Contreras, electo Obispo de Guadix, las de don García de Contreras y don Martín Gonçález de Contreras, obispos de Burgos [etc.]. Mi ingenio es tenue y [ya] que dezdize de los míos para tan grandes obligaciones, menester a sido tal dueño como V. Exc. Grave es el sugeto. Negocio que pide mayores fuerças que las mías y que supone mucha noticia de Historia, assí humana como divina, diversidad de lenguas, tiempos, libros y edades para averiguar desde Adán el linage de Christo y vestir de varia lección aqueste discurso. Trabajo que pide una vida más larga que la que oy se vive. Asunto que a tenido muchas dificultades y que pedía para ellas entendimiento más caudaloso que el mío. A todas ellas me e obligado con desseo de servir a V. Exc. en este libro, no porque yguale con su grandeza mi trabajo, sino para que con ella se califique para que de los méritos de aceptarlo en su protección y amparo gane yo el premio de la honra que V. Exc. puede darle, más cierto suya por dársela que no mía. Capellán de V. Exc. El L. Diego Matute de Peñafiel Contreras ».
24 Éléazar, grand prêtre, fils d’Orias et frère de Simon le Juste, auquel il succéda. C’est lui, dit-on, qui envoya les Septante à Ptolémée II Philadelphe (309-246), pharaon égyptien de la période lagide qui a notamment concouru à réaliser le syncrétisme entre la civilisation grecque et égyptienne.
25 « Ofrecido he a V. Exc. un libro de la Genealogía de Christo. En cuyo trabajo discurriendo por las edades del mundo, deslindé no con pequeño estudio dos Ilustríssimas Genealogías. La una es de sus Magestades. La otra de V. Exc. Fue la ocasión de mi discurso una digresión que hago en el capítulo 2 de la 2. edad del mundo. De Sem hijo de Noé, y de la división de las tierras entre Sem, Chan y Iaphet, y origen de los linages del mundo. Y aviendo dicho que de Elam hijo de Sem se dixeron los Elamitas, de Asur los Asirios, de Arphaxad los Chaldeos y Babilónicos, y después en especial de Heber los Hebreos, de Lud los Lidos, de Arán los Arameos, que son los Syros, de Canaán hijo de Chan los Chananeos y Iebuseos ; de Phuth los Ethiopes, Lybicos, Mauritanos, de Mesrain los Egipcios, de Saba hijo de Chus los Sabeos, de Sidón los Sydones en la Phenicia, de Gomer hijo de Iapheth los Galos o Franceses, de Mogog los Scythas y Godos, Suevos, Alanos y Vándalos ; de Madai los Medos, de Iaván los Iones en Grecia y los Iliones en Troya, y del Patriarca Thubal los Españoles ; me pareció deuda legítima ingerir [sic] el origen de los Reyes de España y los antiguos principios de la familia de V. Exc. a quien dedico este libro. V. Exc. por el decoro de Xpo. con la piedad insigne de que le dotó Dios, que no puso en V. Exc. los espíritus altivos de Príncipe, me mandó dividir este discurso del cuerpo de la Historia de Xpo. Y aunque es verdad que a prima faz parece imposible a un ingenio deslindar un linage desde el principio del mundo, suplico a V. Exc. y a quien leyere este discurso, suspenda la sentencia hasta aver passado los ojos por este pequeño dibuxo. Donde verá V. Ex. los Autores que cito, las razones, congruencias y cómputos de tiempo, que libran de incierto mi discurso y con trabajo tan pequeño reciva V. Exc. la voluntad con que lo dedico, que ha sido inmensa ».
26 Discurso y digresión, fol. 3 (non numéroté). C’est moi qui souligne.
27 Árbol de la prosapia del rey don Phelipe III por la cesárea casa de Austria, con la genealogía de su excelencia del duque de Lerma, Don Francisco Gómez de Sandoval y Rojas, a quien se dedica y ofrece este libro.
28 Remarquons que le troisième, Ganymède, l’échanson de Zeus, est passé sous silence sans doute par souci de vraisemblance et surtout parce que Matute ne sélectionne que les données utiles à ses inventions, leur imprimant les transformations nécessaires.
29 « Nieto 19 de nuestros primeros padres Adán y Eva : TROE REY DE TROYANOS (Abuelo 98 de Su Magestad y 101 de su Excelencia) : Éste tuvo dos hijos, Illo y Asaraco. De Illo y Priamo, desciende Su Majestad. Y de Asaraco y Eneas su Excelencia del Duque de Lerma ».
30 Selon Matute, jusqu’à Marcomiro, soixante-sixième grand-père de Philippe III, les ascendants du roi d’Espagne vécurent en Scythie jusqu’à la destruction de Troie. Mais voici que Marcomiro, fut avisé en rêve par Dieu que ses successeurs seraient seigneurs de Rome, de France et d’Allemagne. Il quitta donc la Scythie pour s’établir en Allemagne près du Rhin où on les appela les « Sicambres » ou « Sugambres » (« los reyes sicambros » dans le texte de Matute de Peñafiel). Au niveau du cinquante-et-unième grand-père de Philippe III, nommé Franco, l’auteur indique que ses ancêtres cessèrent de s’appeler « troyens » ou « sicambres » et s’appelèrent « les rois Francs », c’est-à-dire, « féroces ». Faramundo, vingt-neuvième grand-parent de Sa Majesté, commença à porter le nom de Roi de France et c’est lui qui libéra les Francs de l’Empire romain. Clovis fut le premier roi Chrétien des Français ; il fut converti à la foi grâce à la reine Clothilde. Le vingt-troisième grand-père de Philippe III, Sigisbert, fut la tête de la Maison d’Autriche et se maria avec une certaine Brunechilda, espagnole. Nous voyons donc que, la filiation indiquée par Matute de Peñafiel est la même que celle de Prudencio de Sandoval : souverains de Troie, les Scythes, les Sicambres, les Francs, les rois de France, etc.
31 « Deste [el pío Eneas] se deduce la línea hasta Iulio César ».
32 Voir A. Redondo, « Leyendas genealógicas » et « Las diversas caras del tema gótico en la España de los siglos XVI y XVII », op. cit., respectivement p. 63-81 (en particulier p. 75-77) et p. 49-61.
33 Voir J. García García, Los validos, Torrejón de Ardoz, Akal, 1997, p. 17.
34 « [...] Gutierre Rodríguez de Sandoval : pudiéndose escapar en la guerra, quiso antes morir en la vega de Granada, viendo morir a los Infantes D. Diego y D. Iuan, [...] Hernán Gutiérrez de Sandoval : murió gloriosa muerte en tiempo del rey don Iuan, en la que dizen de Aljubarrora ; el conde Diego Gómez de Sandoval, abuelo 5 de su excelencia : a éste por sus virtudes llamaron por sobrenombre el Bueno, fue tan leal, que en tiempo de las guerras civiles perdió sus Estados, por no perder la ley que devía a su Rey y señor, por lo qual fue tan grato a los Reyes que fue electo por el Rey don Iuan el segundo para guardar y acompañar su persona Real. El rey don Iuan el segundo le hizo merced de la villa de Osorno, el Infante don Fernando Rey de Aragón le dio a Lerma, el rey don Iuan de Navarra la villa de Denia, el rey don Alonso de Aragón a Borja. Todo este amor le tuvieron los Reyes ».
35 « Nieto 121 de Adán y Eva : D. Francisco, Su Excelencia del Duque de Sandoval. Primer Duque de Lerma, etc. Exemplo de felicidad sin segundo, de Adán acá. Amor a su rey singular. Paga ygual y recíproco amor. Recibió más mercedes que otro jamás. Todas las mereció. Fue siempre Grande. Privó y no subió. Privó sin imbidia y con admiración. Favoreció a todos. Y floreció en sus días la paz. Excedió a Numa en el governar. Todo pendió dél. Ventura y capacidad para más. Casó con la Marquesa doña Catalina de la Cerda, hija de los Duques de Medina Celi. Vienen estos señores por línea legítima de los Reyes Godos de Castilla, de don Fernando de la Cerda ». Et pour plus de vraisemblance, le fils et le petit-fils du favori figurent aussi dans cet arbre : « Don Christóval de Sandoval, hijo de Su Excelencia, Primer Duque de Uceda y de Cea ; D. Francisco de Sandoval nieto de su Excelencia, Segundo duque de Cea ».
36 « Por muerte del rey Ordoño quedó Castilla sin señor y hizieron los castellanos dos Iuezes, Nuño Rasura y Laín Calvo. Nuño Rasura uvo a Gonçalo Núñez, el qual uvo en doña Nuña de la Casa Real de León al gran Conde Fernán Gonçález, Iuez y Conde de Castilla, que casó con doña Sancha, hermana del rey de Navarra. Este uvo a Garci Fernández sucessor en el Condado y judicatura de Castilla, de quien descienden sus Magestades por línea de muger y su excelencia del Duque de Lerma y al Conde don Gonçalo Fernández, señor de Aza ; éste fue padre del conde don Pedro, a quien sucedieron Sando Gonçález, y Gonzalo Sando, de quien desciende su Excelencia por línea masculina trocando en SANDOVAL el nombre de SANDO, por aver valido al Rey don Pelayo uno de sus antiguos abuelos, en la refriega de la Viga que puso en su escudo por averle pedido el rey don Pelayo que le valiesse, diziendo a bozes Sando valme ».
37 « D. Alonso de Aragón, hijo del rey cathólico D. Fernando ; doña Juana de Aragón que casó con don Juan de Borja, tercero duque de Gandía ; D. Francisco de Borja, duque de Gandía ; doña Isabel de Borja, madre de su excelencia, tataranieta del rey cathólico. Casó con don Francisco de Sandoval, conde de Lerma, padre de su excelencia del duque, que oy vive y viva los años que éste su capellán desea ».
38 Dans un Mémoire présenté a Philippe IV en 1651 au sujet de la Maison d’Ayala, il est dit : « [...] todos los que han escrito tratados sobre la nobleza y los linajes son de parecer que una de las pruebas notorias del lustre de una estirpe está en el carácter fabuloso de su origen », cité par A. Redondo, « Leyendas genealógicas », op. cit., p. 64.
39 F. de La Mothe Le Vayer, Discours de l’Histoire, où est examinée celle de Prudence de Sandoval, Chroniqueur du feu Roy d’Espagne Philippes III & Evesque de Pampelune, qui a escrit la vie de l’Empereur Charles-Quint, Paris, Antoine de Sommaville, 1647 (seconde édition),202 p. (BNM : 2/69710).
40 Ibid., p. 39.
41 Ibid., p. 40.
42 Ibid.
43 Ibid., p. 42.
44 Ibid., p. 42-43.
45 Ibid., p. 43.
46 Ibid., p. 43-45.
47 Ibid., p. 43-46 : « Il faut pourtant noter encore icy l’extravagante vision du Grenadin Pegnafiel Contreras, qui non content de nommer, aussi ridiculement que Sandoval, pour qui il composa ce bel ouvrage. Ce n’a pas été sans donner comme les autres dans les reliques de la vieille Troye, où il trouve, avant mesme sa destruction, deux Freres, Illus et Asaracus, du premier desquels il fait sortir le Roy d’Espagne et de l’autre son Excellence, qui est une parenté assez esloignée ; aussi la rend-il bien plus proche par les // p. 44// lignes maternelles, qu’il a semblablement dressées. Et pour ce qu’il n’y avoit pas d’apparence de laisser un Duc si bien apparenté sans Souverainetez, il met Énée entre ses ayeuls ; ce qui luy pourroit donner un grand droit sur le patrimoine de sainct Pierre si les Espagnols ne respectoient trop le sainct Siege pour rien entreprendre de ce costé là. Il couche de suite un peu apres Énée, ce Brutus qu’on veut avoir donné le nom à la grande Bretagne, par le moyen duquel on peut aussi bien conclure que les Roys d’Angleterre qui y dominent presentement sont des usurpateurs sur ceux de la maison de Rojas et de Sandoval, dont estoit le Duc de Lerme, comme nos Roys le seroient par l’argument de Valdes, sur ceux de la //p. 45// maison d’Autriche. Est-il possible qu’il y ait des esprits qui se puissent repaistre de telles chimeres ? Ie sçay bien que les Philosophes disent que nous sommes tous naturellement amateurs des fables ; et ils en rendent cette raison, que notre esprit estant de nature infiny, aime par sympathie les choses qui luy ressemblent, et qui ne reçoivent point de bornes, comme sont les fables. Mais cela est bon pour se plaire à tirez des moralitez de celles d’Ésope, [...] et non pas pour fonder serieusement les droicts d’une Couronne et appuyer sur elles dans une histoire les interests des États. Comme on veut que nous ayons tous une certaine //p. 46// inclination au mal, on a dit de meme que nous nous plaisions naturellement aux inventions fabuleuses ».
48 B. J. Feijoo, Teatro crítico universal o Discursos varios en todo género de materias, para desengaño de errores comunes [1726], Madrid, Clásicos Castalia, 1986, p. 275-276 : « [...] aquellas disparatadas genealogías, fabricadas por algunos aduladores en obsequio de los poderosos, cuyo favor pretenden. [...] No hay origen más dudoso que el de la augusta Casa de Austria, en pasando dos generaciones más arriba de Rodulfo, conde de Ausburg. Llegando al abuelo de este príncipe, se hallan los historiadores más linces de densísimas tinieblas, de modo que no saben hacia dónde tomar ; aun el mismo abuelo de Rodulfo no está fuera de toda contestación. Sin embargo, no han faltado escritores españoles, que siguiendo la serie de sus ascendientes, llegan, sin topar en barras, a las ruinas de Troya ».
49 Ibid., p. 276-277 : « Más adelante pasó Peñafiel de Contreras, autor granadino, el cual según refiere Mota la Vayer, tejió una serie genealógica de ciento y diez y ocho sucesiones, desde Adán hasta Felipe III, rey de España ; y porque el duque de Lerma, valido a la sazón, no quedase menos obligado a su pluma, formó otra de ciento y veinte y una, desde Adán, hasta dicho duque, enlazando al soberano y al valido en Tros, rey de Troya, bisabuelo de Priamo y Eneas, por medio de sus dos hijos Ylo y Asaraco, de uno de los cuales hacía descender al rey, y de otro al duque. [...] Verdaderamente que tanto incienso hiede aun al mismo ídolo para quien se exhala ».
50 C’est la conclusion à laquelle parvient A. Redondo, « Leyendas genealógicas », op. cit., p. 73.
51 Sur Rodrigo Calderón et, en particulier, sur cet épisode, voir A. Redondo, « Un bon favori est un favori mort », op. cit.
52 Sur les origines de Rodrigo Calderón et ses stratégies d’anoblissement, voir notamment O. Borgers, Rodrigo Calderón et la Cour de Philippe III, thèse sous la dir. d’A. Redondo, 3 t., Paris, Université de Paris III-Sorbonne Nouvelle, 1986 ; S. Martínez Hernández, Rodrigo Calderón. La sombra del valido. Privanza, favor y corrupción en la corte de Felipe III, Madrid, Centro de Estudios Europa Hispánica, Marcial Pons, Ediciones de Historia,2009 ; voir aussi le paragraphe consacré à ce client de Lerma in H. Tropé, « Valimiento y mecenazgo. Los artistas y los escritores ante el duque de Lerma, valido de Felipe III (1598-1621) », dans La représentation du favori dans l’Espagne de Philippe III et Philippe IV, op. cit., p. 159-167.
Auteur
Université Paris III - Sorbonne Nouvelle
CRES-LECOMO
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Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale
Sophie Brouquet (dir.)
2016
Dissidences en Occident des débuts du christianisme au XXe siècle
Le religieux et le politique
Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.)
2015
Huit ans de République en Espagne
Entre réforme, guerre et révolution (1931-1939)
Jean-Pierre Almaric, Geneviève Dreyfus-Armand et Bruno Vargas (dir.)
2017