La Maison Reynaud
p. 89-92
Texte intégral
1Cette maison, détruite à la fin du XIXe siècle, située à l’emplacement du carrefour entre les nos 17 et 19 de la rue Riguepels et la rue de Metz, est connue par une photographie conservée au musée du vieux Toulouse et un dessin publié par Jules de Lahondès. Celui-ci la date « après 1620 » en se fondant sur les données du cadastre1 pour indiquer Jean Reynaud, maître potier d’étain, comme propriétaire de trois petites parcelles contiguës, par lui acquises en 1610 et 1620, et souligne la ressemblance des fenêtres avec celles de la maison de la rue des Changes, no 272. En réalité, 1610 et 1620 sont deux mauvaises lectures pour 1602 et 1611 comme le confirment les actes notariés correspondants3. Avant même d’en être seul propriétaire, Reynaud fait rebâtir la maison, comme il le dit en 1611, « attundu que icelle s’en alloict choir par terre pour estre fort vielhe et ruineuse»4. En effet, dès février 1608 des « articles » passés avec le maître maçon Jean de Saint-Paul, par acte privé ou convention verbale, prévoient la reconstruction de la façade, pour 550 livres5; on ne sait rien du programme établi sinon qu’il est nettement amplifié en cours de chantier puisque le coût final de la maçonnerie atteint 1 605 livres6. Rien n’est dit des travaux de charpenterie et de leur prix, non plus que du décor des croisées : l’analogie des meneaux et croisillons (car ici les piédroits sont simplement en brique) avec ceux de la maison Comère, construite en 16067, est facile à comprendre, sinon à prouver : Antoine Bachelier, auteur des premiers, a pu sans peine se débarrasser d’un stock en excédent8.
19
12 avril 1608
Procès-verbal d’alignement de la façade
AMT, DD 255
2L’an mil six cens huict et le douziesme jour du moys d’apvril nous Anthoine d’Ambelot, docteur, advocat en la court, scindic de la présent ville de Thle, sur les remonstrances à nous faictes par Jean Reynauld, me potier d’estaing de lad. ville, qu’il veult abatre et desmolir le devant de la maison qu’il a à la rue de Lages ou du Cheval Blanc, cappitoulat de Sainct Estienne, à cause qu’est de boys vieulx et presque pourry, pour par après le remettre et rebastir de muralhe de brique, et attandeu que led. devant de maison faict deux petitz angles ou recoingz, icelluy Reynauld nous auroict requis de nous volloir acheminer en sad. maison pour veoir mesurer la largeur de lad. rue èsd. deux endroictz desd. angles ou recoingz avant fere lad. desmolission, affin que après avoir desmoly il se puisse scavoir combien avant il doibt remetre son édiffice et que personne ne puisse prétendre qu’il ayt rien prins ny occuppé de ladicte rue ny advancé sond. bastiment sur icelle plus qu’il n’est à présent. Suyvant lesquelles remonstrances et réquisitions, sur l’un’ heure après midy dud. jour nous serions, avec Michel Salère, substitud de me Raymond Lestrade, greffier et contrerolleur du domaine de la maison commune de lad. ville, acheminé en lad. maison, où estant y aurions treuvé led. Reynauld en la présence et assistance duquel, ensemble de Jean Benech dict Pastouret, me boucher, son proche voisin avec lequel il confronte9, avons faict mesurer la largeur de lad. rue par Jean de Sainct Pau, me masson, et Jacques Crousy, me charpentier dud. Thle10, comme s’ensuict.
3Et premièrement sur le premier desd. deux recoingz ou angles plus proche de la maison dud. Benech, quy se treuve venant de la place des Clottes allant vers la porte Sainct Estienne, et puis led. angle jusques au pilier de bois de coural qu’est de l’autre cousté de lad. rue, environ le millieu du devant de la maison et bouticque de [blanc] Ramières, me chandellier11, a esté treuvé lad. rue avoir de largeur quatre canes quatre pams et ung travers de pousse.
4Aussy a esté mesuré la distance qu’est puis led. angle ou recoing jusques au bort et extrémité de la muralhe de mégencerie d’entre la maison dud. Benech et lad. maison dud. Reynauld, du cousté d’icelluy Reynauld, et treuvé y avoir deux canes ung pam moingz ung travers de pousse.
5Plus a esté mesuré la largeur de lad. rue de Lages ou Cheval Blanc sur l’entrée d’icelle allant vers lad. place des Clottes venant de la porte de la ville ou place Sainct Estienne et treuvé, puis le second recoing ou angle de lad. maison dud. Reynauld jusques au pilier aussy de bois de coural qu’est sur le carré de la maison dud. Ramières, quy faict coing à la rue de Tirepel et susd. rue du Cheval Blanc ou de Lages, lad. rue avoir de largeur cinq canes sept pams ung tiers et ung travers de doict.
6Davantage a esté mesuré la distance qu’est puis la vive areste de l’ung de ses angles à l’autre de lad. maison dud. Reynauld et treuvé icelle distance estre de deux canes trois pams demy deux poinctes de doict.
7Lesquelles largeurs de rue et distances susd. avons enjoinct aud. Reynauld de laisser en rebastissant sond. devant de maison, à peyne de trois cens livres d’amande, desmolission de tout ce que se treuvera avoir esté édiffié contre la tenur desd. mesures et autre arbitraire, nous réservant ausd. fins autre visitte et vériffication de ce dessus quand besoing sera.
8Et en autres actes par nous led. jour n’a esté procédé. En foy de quoy nous sommes soubzsignés et avons faict signer led. Salère.
(Signé :) Ambelot, sindic12.
Notes de bas de page
1 AMT, CC 53, 121 ro-vo: cette maison occupe environ 100 m2. Voir fig. 6.
2 J. de Lahondès, « La maison Regnauld », Bull. Soc. archéol. Midi France, no 14, 1894, pp. 120-121, repris par J. Chalande, Histoire des rues de Toulouse, t. 1, p. 29.
3 3E 4539, 1ère partie, 209 vo-210 vo: avant d’acheter la première parcelle, Reynaud en est locataire. Pour les deux autres, il en devient, par son contrat de mariage (qui doit être de 1603 ou 1604), propriétaire en indivis avec son beau-frère et pupille, à qui il rachète sa part en 1611 : 3E 4212, 419 vo-422 ro.
4 3E 4212, 421 ro-vo.
5 En 1604 et 1605 Reynaud a déjà fait refaire sa partie des murs mitoyens, à l’un desquels sont adossées trois cheminées superposées, pour un montant d’au moins 800 l. (3E 3321, 206 ro- 209 ro, 3E 3322, 167 ro-vo, 3E 3325, 104 ro-vo).
6 3E 953, 2e partie, 22 ro-23 ro.
7 Voir plus haut, p. 77.
8 Le même décor se trouve au meneau et au croisillon d’une croisée du château de Padiès, daté de 1612 : H. Puig, Le château de Padiès (Tarn), pp. 54, 76 et fig. 43. Je remercie D. Watin-Grandchamp qui m’a communiqué cette référence.
9 Voisin du côté nord : AMT, CC 53, 121 ro.
10 Chargé, de toute évidence, du travail de charpenterie ; Reynaud noue avec lui des relations de sympathie puisque, en 1627, il lègue 100 l. à sa fille : 3E 980, 458 vo.
11 Maison de Jean Ramières, qui se trouvait à l’angle de l’ilôt, à l’est du no 17 rue Riguepels, emportée par l’alignement : AMT, CC 53, 167 ro.
12 La reconstruction commence aussitôt car au mois d’août suivant elle suscite les plaintes d’un voisin (3E 4629, 205 vo-206 ro).
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