1 Fray Bartolomé de Las Casas, 1994, t. 3, la Historia de las Indias, Prólogo, p. 346.
2 W. G.L. Randles, 1980.
3 Le commentarii in somnium Scipionis de Macrobe constitue un texte et une carte étudiés depuis le ixe siècle jusqu’à la Renaissance. Au xve siècle on compte plus de 150 manuscrits : le schéma d’un monde symétrique, composé de cinq zones dont la perusta ou zone torride et quatre grandes îles a été l’objet d’une multitude de diagrammes spéculatifs étudiés par Alfred Hyatt, 2008, chapitres 1 et 2.
4 Outre le traité de la sphère de Sacrobosco dont Pedro Ciruelo le cosmographe salmantin fit un remarquable commentaire en 1498, le De situ orbis de Pomponius Mela fut l’objet de commentaires de la part des plus grands humanistes tels que Joachim Vadianus (1506), le salmantin Nuñez de la Yerba (Annotaciones) ou encore le grand navigateur portugais Pacheco Pereira dans le Esmeraldo de situ orbis.
5 Las Casas, Obras completas, t. 4, p. 1061.
6 « Quiso Dios descobrir las Indias en vuestro tiempo y a vuestros vasallos, para que las convertiésedes a su santa ley, como dicen muchos hombres sabios y cristianos. Comenzaron las conquistas de indios acabada la de moros, porque siempre guerreasen españoles contra infieles », Historia de las Indias, p. 156.
7 « […] con justo juicio lo tiene dispuesto…(y) llega el tiempo de las misericordias divinas », Ciudad de Dios, livre 2, chap. 29 et livre 19, chap. 17. Cité par Las Casas in Obras completas, t. 3, p. 355.
8 « […] por qué tan tarde o porqué después ? porque el consejo que quien la envia no es por humano ingenio penetrable », Ciudad de Dios, lib. 3, cap. 32, in Las Casas, Obras completas, t. 3, p. 356.
9 Ciudad de Dios, lib. 10, cap. 17 (« misterial discreción »), in Las Casas Obras completas, t. 3, pp. 355-356.
10 Dans le commentaire à Pomponius Mela, Vadianus affirme que les nouvelles connaissances constituent de véritables victoires. Voir son Commentaire au liber primus, mundi in partes quatatuor divisio, 1522, p. 8.
11 Les Découvertes révèlent une erreur d’Eratosthène : l’océan n’occupe pas la majeure partie du globe ; au contraire, l’émergence de l’Amérique et de nombreuses îles habitées provoque une augmentation significative de la quantité de terres sur la surface du globe. Le volume des masses terrestres et des eaux s’équilibre désormais ; c’est pourquoi on parlera plus volontiers de « globe terraqué ». La conscience de ce changement de perspective se manifeste très vite chez les lettrés : elle est déjà exprimée par Amerigo Vespucci dans le récit de son premier voyage. On la trouve signifiée de façon plus affirmée dans deux cartes opposées mais complémentaires qu’Ortelius dessine à vingt ans d’intervalle : la première, Typus orbis terrarum, ouvre l’editio princeps du Theatrum orbis terrarum en 1570 et « présente la terre connue dans son entier, du moins dans ses grandes lignes, tandis que l’époque des grandes découvertes prend fin » ; la seconde, Aevi veteris typus geographicus (editio princeps dans l’Additamentum IV en 1590), construit, à partir d’un « fond de carte identique », une carte du monde dans laquelle sont dessinées uniquement les contrées connues des Anciens, monde étroit comparé aux étendues modernes de l’orbis terrarum. Cette carte frappe par son absence de nuances ne rend toutefois pas justice aux Anciens et dissimule une continuité par rapport à eux, continuité que bien d’autres lettrés ne craignent pas de mettre en avant. D’ailleurs Ortelius lui-même en d’autres endroits de son œuvre, souligne les acquis de l’Antiquité et loue les mérites des Anciens comme Alexandre le Grand ou Hanon le Carthaginois, véritables précurseurs de Vasco de Gama ou Christophe Colomb (cf. Jean Marc Besse, La grandeur de la terre, 2003, p. 111).
12 Il est certain que bon nombre des propositions cosmographiques des Anciens tout comme les interdits de l’évêque d’Hippone avaient fait l’objet de débats et de polémiques parfois violentes dès le XIIe siècle : rien en théorie n’empêchait que les antipodes ne soient habitables et donc habitées, le débat rebondit au XVe siècle, en particulier lorsque les Portugais atteignirent Taprobane et démontrèrent que la zone torride était habitée : les deux zones tempérées étaient donc liées entre elles. La découverte des erreurs l’Antiquité, de Lactance et d’Augustin tient donc en partie de la mise en scène, ce que nous appelons erreur de parallaxe, car les débats avaient déjà longuement et fougueusement interrogé bon nombre de ces propositions en particulier la question des antipodes. Il n’empêche : les nouvelles navigations opèrent une confirmation radicale. C’est la totalité de l’écoumène qui allait être revue. Sur cette question voir Patrick Gautier Dalché, 2009 ; Jean Marc Besse, 2003 et Alfred Hyatt, 2008.
13 Augustin, De genesi ad litteram, t. 48 et 49.
14 Il est intéressant de noter que Gonzalo Fernández de Oviedo et son énorme chronique, si prolixe sur tant de plans et saturée de références à l’Antiquité ou aux encyclopédistes médiévaux, ne fait aucune référence à saint Augustin, raison pour laquelle je n’ai pas retenu cette chronique.
15 José de Acosta, Historia natural y moral de las Indias, cap. 8, p. 80.
16 Gómara le dit de façon ferme, mais d’autres auteurs le soutiennent et le développent avec la même énergie : Acosta, Gerónimo de Mendieta et Juan de Torquemada, Monarquia Indiana, cap. II « Donde se confuta y reprueba el error de los antiguos que dijeron haber muchos mundos, y se prueba ser uno solo ». Dans ce chapitre, l’auteur critique ces autorités qui « como dice San Agustin, se revolcaron por infinitos mundos ». C’était l’affirmation partagée par tous les cosmographes et la construction de globes en était l’illustration manifeste. C’était donc un topique que de convoquer Augustin pour fonder en vérité de la foi une vérité naturelle confirmée chaque jour par le discours raisonné de l’expérience. Augustin fait aussi partie du magasin d’idées pour penser le monde ; par la complexité et l’ampleur de ses écrits, il permet que le chrétien soit à la fois celui qui contemple la terre dans sa splendeur, sa beauté et son harmonie et dans le même temps celui qui, doué d’intelligence, sait la faire fructifier, entre ces deux pôles en tension, le souci obsessionnel du péché et de la finitude de l’homme.
17 Alessandro Scafi, 2006.
18 Pour l’étude de la carte de Fra Mauro, nous renvoyons aux commentaires de A. Scafi, 2006, pp. 233-240 et de P. Gautier Dalché, 2009, p. 195 sq..
19 Tercer viaje : « digo que es como sería la mitad de la pera bien redonda, la cual toviese el pezón alto como yo dije o como una teta de mujer en una pelota redonda ; así que de esta media parte non hobo noticia Tolomeo ni los otros que escribieron del mundo, por ser muy inoto », Los cuatro viajes del Almirante, 1964, p. 181.
20 Pedro Mártir, Décadas del Nuevo mundo, 1989, Déc. 1era, cap. IV, p. 60 : « afirma y sostiene que la cima de aquellos tres montes está el paraiso terrenal […]. Basta ya de estas cosas que me parecen fabulosas ».
21 López de Gómara, Historia de las Indias, cap. 84, p. 209. Il reprend là un texte d’Augustin sous une forme synthétique et tronquée. Augustin en réalité dit : « je n’ignore pas que maintes gens ont dit maintes choses sur le paradis. Néanmoins, il y a sur ce point comme trois grandes opinions : la première est celle de ceux qui ne veulent voir dans le Paradis qu’une réalité corporelle : la seconde celle de ceux qui n’y voient qu’une réalité spirituelle ; la troisième, celle de ceux pour lesquels le paradis est à la fois réalité corporelle et réalité spirituelle. Pour le dire en bref, j’avoue que cette troisième opinion a ma faveur. C’est en m’y référant que j’entreprends maintenant de parler du paradis, dans la mesure où le seigneur daignera m’en faire la grâce afin de comprendre en quel sens l’homme fait du limon – ce qui désigne le corps humain, fut placé dans un paradis corporel. On admet en effet qu’Adam, bien qu’il soit signe d’autre chose selon l’interprétation de l’Apôtre qui voit en lui la figure de l’homme futur (Cf. Rom. V, 14), est néanmoins tenu pour un homme qui a été constitué en sa propre nature, qui vécut un certain nombre d’années, et après avoir engendré une nombreuse postérité, mourut comme meurent les autres hommes, bien qu’il ne fût pas né comme eux d’un père et d’une mère, mais, comme il convenait au premier homme, fût fait de terre. Pareillement, il faut comprendre que le paradis où Dieu le plaça, n’est pas autre chose qu’un endroit déterminé de la terre où put habiter l’homme terrestre » (De genesi ad litteram, t. 49, livre 8, p. 9-11). Augustin en revanche ne fait aucune tentative pour préciser la localisation du paradis, il observe simplement une sorte de consensus pour identifier les quatre fleuves qui en jaillissent : « ai-je mieux à faire qu’à confirmer que ce sont de vrais fleuves, non des fleuves en figure qui seraient non pas des fleuves réels, mais des noms signifiant quelque autre chose ? Ces fleuves en effet sont bien connus dans les pays qu’ils traversent et le renom s’en est étendu presque dans toutes les nations « (De genesi ad litteram, t. 49, livre 8, p. 31). La question à ses yeux restait marginale. Scafi note que c’est au Moyen Âge qu’elle prend de l’importance et que le commentaire d’Augustin devient une référence.
22 Gómara, Historia de las indias, cap. 84, « Golfo de Paria », p. 209.
23 Scafi, 2006, p. 160 : « Where is nowhere ? » « The paradox of the Christian notion of an earthly Paradise, a heavenly locality on earth, was that it was a “nowhere” that was “somewhere”. However different from the rest of the world, that no place (u-topia) was part of real geography and mappable ».
24 Scafi, 2006, p. 242.
25 Scafi, 2006, p. 254.
26 J. de Acosta, Historia natural y moral de las Indias, libro segundo, Capítulo XIV, p. 150 : « Que en la región de la equinoccial se vive vida muy apacible » : « Si guiaran su opinión por aquí los que dicen que el paraíso terrenal está debajo de la equinoccial, aún parece que llevaran algún camino. No porque me determine yo a que está allí el paraíso de deleites que dice la Escritura, pues sería temeridad afirmar eso por cosa cierta. Mas dígolo porque, si algún paraíso se puede decir en la tierra, es donde se goza un temple tan suave y apacible. Porque para la vida humana no hay cosa de igual pesadumbre y pena, como tener un cielo y aire contrario y pesado y enfermo ; ni hay cosa más gustosa y apacible que gozar del cielo y aire suave, sano y alegre ».
27 Hernando Colón, Historia del Almirante, cap. LXX, p. 238.
28 Las Casas, Historia de las Indias, Obras completas, t. 4, chapitres 136 à 144, pp. 1059 à 1106 : soit une cinquantaine de pages.
29 Chapitre 136 : on note les premiers indices : existence d’une terre ferme et d’un golfe de 40 lieues d’eau douce. Colomb y pressent un secret qu’il souhaite découvrir. On assiste à une reprise du même thème au chapitre 137, p. 1066 : « ver aquella tan grande abundancia de agua de donde venía ».
30 En allant vers le sud ; les aiguilles de la boussole « remontent » vont vers le nord, ce qui donne l’impression que le bateau monte « juzgaba que la mar iba subiendo y los navios alzándose hacia el cielo suavemente ».
31 A. Scafi rappelle que seuls 12 versets bibliques parlent du Paradis mais qu’ils ont eu une importance cruciale : après les six jours, Dieu crée un espace pour mettre l’homme, le paradis terrestre, deux arbres (celui de la vie et celui de la connaissance) et quatre fleuves, c’est ensuite qu’il plonge Adam dans un profond sommeil et crée Eve à partir d’une de ses côtes.
32 A. Scafi, 2006, p. 46 : « Adam was for Augustine a corporeal creature from which it followed that he had been placed in a corporeal place ».
33 Au commencement était le verbe, dit l'Évangile de Jean. Ce verbe divin (dont Jésus est la figuration) crée le monde et l'arrache au néant. La puissance de la parole s'inscrit dans la genèse elle-même : quand Dieu articule les sept jours de la création, ces sept jours sont une parole. D'abord dans chaque acte de création (Dixit Deus fiat lux et facta est lux, 1 :3) mais aussi dans la séquence même de la semaine, qui est la syntaxe d'une phrase divine (Genesi ad Litteram, I, ch. IX, 15).
34 Augustin, De Genesi ad Litteram, livre 1er, p. 123.
35 Augustin, De Genesi ad Litteram, livre. 1er, ch. IX, p. 15.
36 Par ailleurs, si le père de l’église n’éprouve pas le besoin de situer précisément le Paradis terrestre, les rivières qu’il décrit dans le texte (Tigre, Euphrate Nil et Gange) lient implicitement le Paradis Terrestre avec des espaces orientaux tels que l’Assyrie, la Mésopotamie l’Egypte ou l’Inde. cf. Scafi, 2006, p. 46.
37 Las Casas, Obras completas, Historia de las indias. t. 4, cap. 144.
38 Las Casas, Obras completas, Historia de las indias, t. 4, p. 1090.
39 Las Casas, Obras completas, Historia de las indias, t. 4, p. 1090.
40 Las Casas se réfère au schéma selon lequel l’hémisphère sud est la tête et le nord sont les pieds, la tête incarne la vertu et la dignité, selon Aristote et Albert le Grand et Ptolémée.
41 Cela paraît correspondre avec la Bible et à la description d’Adam au Paradis « ad auram post meridiem » donc cette région douce et tempérée au-delà du cercle des tropiques.
42 Las Casas, Obras completas, Historia de las indias, t. 4, p. 1105.
43 Las Casas, Obras completas, Historia de las indias. t. 4, p. 1106.
44 Ce même argumentaire sera repris par Herrera, dans son Historia general de los hechos de los castellanos en las islas y tierra firme del mar océano, (t. 1, libro 3, cap. XII, p. 369), largement inspirée du texte de Las Casas, mais dépouillé de la dimension transcendante que nous avons soulignée et des références aux autorités chrétiennes et saint Augustin en particulier. Le chroniqueur royal se contente de souligner que rien n’était étonnant dans ce raisonnement, que Colomb n’était pas un ignorant. Il s’agit avant tout de restaurer la geste colombienne en l’incorporant à la geste hispanique. Il faudra attendre la fin du xviie et le judéo-chrétien Miguel León Pinelo, pour que de nouveau cette idée d’un Paradis américain soit reprise mais d’une toute autre façon.
45 L’ensemble de ces questions a été très bien étudié par Alfred Hyatt et Patrick Gautier Dalché en particulier, c’est donc la lecture de ces ouvrages qui m’a permis de mettre en perspective les écrits des chroniqueurs des Indes.
46 La Cité de Dieu, 1994, tome 2, livre 16, pp. 266 et sq.
47 Historia de las Indias, p. 159.
48 Selon Patrick Gautier Dalché, 2009, il convient de nuancer la « révolution ptolémenne », et les techniques nouvelles de projection cartographique qu’elle aurait suscitée chez les cosmographes de la Renaissance. Le processus de construction de l’espace à partir de la réception de Ptolémée, longuement étudié par l’auteur, fut plus diffus et plus complexe. Néanmoins la découverte de l’Amérique a, nous semble-t-il, radicalisé et accéléré la « performance » de l’œuvre ptoléméenne car il s’agissait de projeter la totalité du monde circonscrit depuis la navigation magellanique (1519-1522).
49 Historia de las Indias, p. 159.
50 « Y nuestro San Isidro dixo, en sus Etimologías, no haber razón para creer que hubiese antípodes, ca ni lo sufre la tierra ni se prueba por historias, sino que poetas, por tener qué hablar, lo fingían. Latancio e Isidro no tuvieron causa para negarlos. San Agustín tuvo las que dixe, aunque no haber memoria ni nombre de antípodas en la Biblia no es argumento que obligue para creer que no los hay, pues en ella está cómo es redonda la tierra, y cómo la rodea el cielo y el sol. […] Todos casi los filósofos antiguos tuvieron por cierto que había antípodes, según lo cuentan Plutarco en los libros del Parecer de filósofos, y Macrobio, Sobre el sueño de Scipión,.[…] Quien primero hizo mención de antípodes entre teólogos cristianos, a lo que yo sé, fue Clemente, discípulo de San Pedro, según Orígenes y San Jerónimo dicen ; así que es muy cierto que los hay. » Historia de las Indias, p. 160.
51 Historia de las Indias, p. 160.
52 Acosta, Historia natural y moral de las Indias, livre II, chap. 1, p. 63.
53 Acosta, Historia natural y moral de las Indias, livre II, chap. 1, p. 63..
54 Acosta, Historia natural y moral, op cit, livre II, cap. 6, p. 74.
55 Comme le fait remarquer Monique Mustapha dans sa thèse inédite, Humanisme et nouveau Monde, étude de la pensée de José de Acosta, Acosta est ici dans le droit fil de la formation géographique de jésuites : « Il n’est que de se reporter au commentaire que les Conimbres donnent vers la même époque du Traité du ciel, au livre II, on trouve la même question exposée selon le même ordre, avec les mêmes arguments et en référence les mêmes auteurs » (p. 99). Cette thèse a été soutenue en 1989.
56 Capítulo VII, En que se reprueba la opinión de Lactancio, que dijo no haber Antípodas.
57 Capítulo VIII, Del motivo que tuvo San Agustín para negar los Antípodas.
58 Acosta, Historia natural y moral de las Indias, livre II, cap. 7, p. 77.
59 Acosta, Historia natural y moral de las Indias, livre II, cap. 7, p. 79.
60 M. Mustapha, 1989, p. 112.
61 M. Mustapha, 1989, p. 112. Traduction de M. Mustapha.