Saint Augustin et saint Thomas. Parcours espagnols d’une gémellité doctrinale au xvii^e siècle : de Tomás de Lemos aux Salmanticenses

1De contrastes désormais millénaires, la querelle catholique de la grâce a enduré une période de soudain durcissement polémique entre la conclusion du concile de Trente et la fin du xviii^e siècle1. Deux figures émergent nettement de la foule des autorités auxquelles les théologiens en appellent pour tenter de trancher leur différend : celle de saint Augustin, évidemment, mais aussi celle de saint Thomas. Si le prestige suréminent de l’évêque d’Hippone, surnommé le Docteur de la Grâce, est indéniable2, l’influence de saint Thomas d’Aquin, le Docteur Angélique, n’est pas moins notable — les références à l’Aquinate se multiplient, au point de devenir omniprésentes au fur et à mesure que se développent, au mitan du xvii^e siècle, les controverses jansénistes. Obsédée par les troubles qu’ont provoqués en catholicité les disciples de Jansénius, l’historiographie a depuis longtemps accoutumé de distinguer trois mouvances théologiques. D’une part, les molinistes3, défenseurs attitrés de