Toulouse à la Renaissance : l’amour, le droit, la poésie. L’exemple de Blaise d’Auriol et de Guillaume de La Perrière
p. 719-731
Résumés
Blaise d’Auriol et Guillaume de La Perrière, deux juristes toulousains de la première moitié du seizième siècle, s’adonnent à la poésie amoureuse profane très éloignée du discours sur le droit. Si Blaise d’Auriol fait, de la Chasse et le depart d’amours, une forme d’art poétique où il donne des exemples « scientifiques » de rimes et de composition, la pratique de Guillaume de La Perrière dans les Cent Considerations d’Amour est tout autre. Ce passe-temps est pour lui un divertissement à la fois léger et nécessaire. Adoptant la forme du quatrain, La Perrière alterne parole lyrique, personnelle et discours universel. Et cette pause récréative devient alors le lieu même où le meilleur à venir se prépare et s’enfante. À l’homme politique, au juriste qui n’a pas une minute à lui, le poète propose de perdre utilement son temps.
Blaise d’Auriol and Guillaume de La Perrière, two Toulousain jurists from the first half of the 16th century, devoted themselves to writing secular love poetry far removed from discourses on law. While Blaise d’Auriol made the Chasse et le depart d’amours into a poetic form of art in which he gives ‘scientific’ examples of rhyme and composition, the practices of Guillaume de La Perrière in his Cent Considerations d’Amour were something entirely different. This pastime was, for him, an amusement that was both light-hearted and much needed. Adopting the form of a quatrain, La Perrière alternates lyrical, personal words and universal discourse. This pause for recreation thus became the very place in which the best to come was prepared and given birth to. To the politician, the jurist who has not a minute for himself, the poet proposes to usefully waste his time.
Blaise d’Auriol y Guillaume de La Perrière, dos juristas tolosanos de la primera mitad del siglo XVI, se dedican a la poesía amorosa profana, muy alejada del discurso jurídico. Si Blaise d’Auriol hace de su Chasse et le depart d’amours una forma de arte poética en la cual da ejemplos « científicos » de rimas y de composición, la práctica de Guillaume de La Perrière en las Cent Considerations d’Amour es muy distinta. Este pasatiempo es para él un divertimiento ligero y necesario a la vez. Adoptando la forma de la cuarteta, La Perrière alterna la palabra lírica y personal con el discurso universal. Y esta pausa recreativa se convierte entonces en el lugar mismo donde se prepara y se da a luz lo mejor venidero. Al hombre político, al jurista que no tiene un minuto suyo, el poeta ofrece perder el tiempo con provecho.
Texte intégral
1Certains juristes toulousains, comme l’a montré Nathalie Dauvois à propos d’Étienne Forcadel, mêlent intimement poésie et droit, rappelant, dans le sillage d’Horace lui-même imité par Peletier du Mans à la Renaissance, que c’est aux poètes qu’incombe « la mission fondatrice d’édicter en vers les premières lois, et d’apprendre aux hommes à distinguer le bien et le mal »1. L’amour, par ailleurs et suivant le courant néoplatonicien, est lié à la poésie ; il est ce désir du beau, d’harmonie dans l’univers. Forcadel le rappelle en particulier dans le Cupido jurisperitus publié en 1553, et aboutit à cette idée que « l’amour et le droit, par lesquels les hommes sont amenés à s’entendre, sont compris dans les mêmes limites »2.
2Dans un des deux textes que nous voulons étudier ici, celui de Guillaume de La Perrière, la conception de l’amour prend parfois des accents philosophiques proches des théories néoplatoniciennes. Ainsi dans les quatrains XCIII et XCV, une conception de l’amour comme force d’harmonie de l’univers se fait jour :
Le ciel, et terre, et tous les aornemens,
Sont par amour lyez jusques au bout :
Dont dire fault par expres argumens,
Que qui dict mal d’amour, dict mal de tout3
3Mais soulignons d’une part que ce type de quatrain est exceptionnel, et d’autre part, que ces allusions à l’amour platonicien sont réservées à l’évocation de la sphère céleste et ne touchent pas celle des hommes. De fait, La Perrière dans ses Cent Considerations ne parle que du « fol amour » humain, de cet amour qui aliène, qui rend étranger à soi-même, un amour que Marsile Ficin qualifierait de « vulgaire » et qui emprunte très souvent ses thèmes au poète italien Pétrarque.
4En fait, si nous avons voulu rapprocher ici Blaise d’Auriol et Guillaume de La Perrière, deux juristes amenés à occuper de hautes fonctions à Toulouse, c’est parce que tous deux s’adonnent à la poésie amoureuse la plus profane et la moins reliée au discours sur le droit. Poésie empreinte de pétrarquisme où l’amour n’est pas toujours réciproque, où l’amant est souvent blessé et terrassé bien loin du ciel des parfaits amants néoplatoniciens.
5Blaise d’Auriol publie en 1509 chez Antoine Vérard un recueil amoureux dans un vaste ensemble appelé La Chasse d’Amour, alors que La Perrière publie quant à lui un recueil de cent quatrains intitulé Les Cent Considerations d’Amour : la première édition paraît en 1543 à Lyon, chez François Juste, illustrée à chaque page de figures sur bois, la deuxième édition, celle qui nous est conservée, voit le jour à Lyon chez Jacques Berion, en 15484. Qu’attendent ces deux hommes actifs dans la vie juridique et politique de leur siècle de cet espace poétique ? Quel est leur regard sur la littérature ?
6La Perrière parle de récréation, de passe-temps nécessaire et utile alors même qu’il exprime quelque sentiment de culpabilité à exercer sa Muse. La question du rapport de l’homme politique à la littérature est déjà d’actualité au xvie siècle ; entendons la littérature et la poésie pratiquées comme loisir, comme activité marginale, loin de la sphère du droit, assez proche de ce que la majorité d’entre nous appelle aujourd’hui la littérature.
7Blaise d’Auriol contribue donc, en 1509, à la parution chez Antoine Vérard, célèbre éditeur parisien, de cet ouvrage intitulé La Chasse et le depart d’amours faict et composé par reverend pere en dieu messire Octovien de sainct Gelaiz evesque d’Angoulesme et par noble homme Blaise Dauriol bachelier en chascun droit demourant a Thoulouze. Trois éditions suivront celle de Vérard5, ce qui prouve une certaine notoriété du texte.
8C’est un texte en trois parties : à Octovien de Saint-Gelais sont attribuées les deux premières parties. La première est une complainte politique dans la lignée du Quadrilogue invectif d’Alain Chartier. La seconde partie, qui débute réellement la partie amoureuse, comporte deux moments : une période narrative et en vers (8828 vers) à proprement parler La Chasse d’Amours. Le héros en est l’Amant Parfait, en pleine initiation amoureuse, à la poursuite du cerf amoureux. Suit une section de ballades et rondeaux présentés comme ceux de l’Amant Parfait et de sa Dame. Et enfin la partie attribuée à Blaise d’Auriol :
La departie damours par personnaiges parlans en toutes les facons de rymes que lon pourroit trouver la ou il y a de toutes les sciences du monde et de leurs acteurs faicte et composee par noble blaise dauriol bachelier en chascun droit natif et chanoyne de castel nau darii et prieur de denisan lan de grace mille cinq cens et huyt a Thoulouse.6
9Blaise d’Auriol a peut-être été sollicité du fait de la mort de Saint-Gelais en 1502, soit sept ans avant la publication du texte ; il aurait rassemblé le travail de Saint-Gelais en y ajoutant un complément, mais c’est une hypothèse invérifiable7. Ce volume est en tout cas un recueil collectif : non seulement parce que deux auteurs y contribuent, Octovien de Saint-Gelais et Blaise d’Auriol, mais aussi parce que la trame narrative et les poèmes restitués sont pour la plupart l’œuvre de poètes du xve siècle, imités et recopiés, sans que leurs noms n’apparaissent. Blaise reprend en particulier la trame narrative et une grande part des vers de Charles d’Orléans qui avait lui-même mis en scène dans un « Songe en Complainte » les conséquences douloureuses de la mort de sa dame, pour aboutir à la « Départie d’amour » où le prince-poète adresse une requête à Amour, afin d’être libéré de la tutelle de ce dieu.
10Cette imitation du prince d’Orléans peut surprendre un lecteur moderne habitué à la dénonciation de tous les plagiats et on a pu lire des jugements sévères sur cette poésie de Blaise d’Auriol, mais au début de la Renaissance, la publication de recueils est largement tributaire d’une idée collective de l’autorité littéraire ; la littérature n’est pas encore tout à fait une littérature d’auteurs, et rien n’empêche un éditeur comme Vérard d’effacer le nom de Charles d’Orléans et de proposer à ces deux auteurs de restituer une poésie du passé en lui redonnant une cohérence narrative. Vérard l’avait déjà fait d’ailleurs avec un autre ouvrage qui rassemble lui aussi des poésies sous un titre commun, Le Jardin de Plaisance et fleur de rhethorique. Dans cette publication qui date de 1501, Vérard a compilé un certain nombre de textes narratifs et de poèmes lyriques. Il a incorporé Le Débat des deux Fortunés d’Amours d’Alain Chartier mais alors que le dernier quatrain de ce texte annonçait l’auteur : « un simple clerc que l’en appelle Alain », ce quatrain a disparu de l’édition de Vérard8.
11Rien de surprenant donc dans cette reprise par d’Auriol de la « Départie » de Charles d’Orléans. Mais ce qui peut nous surprendre de la part d’un homme qui s’emploie par ailleurs à des tâches plus « sérieuses », c’est ce goût pour la poésie amoureuse : quel regard porte-t-il sur elle ? C’est l’objet de notre étude.
12Deux constats s’imposent après lecture de sa poésie amoureuse : premièrement, lorsque Blaise d’Auriol se met à parler d’amour, il choisit ce moment de la « départie » : le moment où l’amant va vouloir se départir, se séparer de l’amour. Lui, le juriste très catholique, pourra faire place alors à la célébration du seul véritable Dieu, qui n’est pas Cupidon, mais le Dieu chrétien :
Las j’ay requis l’ayde de tant de dieux
Si me voulloient : secourir en ce lieu
Mais toutesvois je povois faire mieulx
Car je scay bien que il n’est que ung seulet dieu
Ains tous ces dieux : et tous les factions
Cilz par raison : ung chascun les discerne
Sont voirement : poeticques fictions
Ung seulet dieu tout le monde gouverne
13Le poète qui a retrouvé son cœur, qui n’appartient plus à l’amour profane parvient alors à la demeure de « Nonchaloir » où il est accueilli par « Passe-temps ». Charles d’Orléans appelle Nonchaloir cette sorte de résignation ou parfois d’indifférence qui laisse désormais le poète serein et distancié par rapport aux malheurs de la vie.
14« Passe-temps » correspond chez d’Auriol à cette allégorie positive, associée à la façon de passer le temps, sans la tutelle amoureuse. Elle épouse la disposition dans laquelle se trouve le poète après l’expérience amoureuse : un poète résigné, qui a souffert, mais qui est disponible pour écrire9.
15Le deuxième constat est le suivant : lorsque Blaise parle d’amour, il le fait de manière savante. Le titre parle de lui-même : « La departie damours par personnaiges parlans en toutes les facons de rymes que lon pourroit trouver la ou il y a de toutes les sciences du monde et de leurs acteurs ». Le poète commentera les vers de l’amant en en faisant l’illustration d’un art poétique ; ce qu’on appelait à l’époque l’art de « seconde rhétorique » (par opposition à la rhétorique première qui est la prose). Ainsi ce titre qui superpose à la parole de l’amant, celle du théoricien : « Encore l’amy en lay unisonnant par equivocques simples et si peut entendre au droit et a l’envers » [fol. Gi r°].
16Dans cette partie de l’œuvre attribuée au juriste toulousain, alternent des ballades, des rondeaux, et de longues périodes de sixains, dizains ou quatrains… « Les couplets et les quatrains servent surtout au récit narratif et au raisonnement didactique » affirme Mary Beth Winn dans son édition de La Chasse de Saint-Gelais. Les quatrains rythment la progression de la narration et sont peut-être une imitation des successions de quatre vers clos syntaxiquement10, dont Charles d’Orléans avait émaillé une partie de sa « Lettre de Retenue ». C’est une forme qui retiendra plus bas notre attention.
17La justification de la pratique de la poésie amoureuse semble en tout cas toute trouvée : pourquoi écrire sur l’amour et sa départie si ce n’est pour donner des exemples « scientifiques » de rimes et de composition qui pourraient être utiles dans d’autres circonstances plus scolaires sans doute ? La poésie profane sert ici de réservoir à une poétique variée.
18Ces deux intérêts – l’intérêt narratif, porté au moment de la départie d’amour, qui aboutit au passe-temps plein de la sagesse de l’amant, et l’intérêt poétique pour la forme – justifient-ils à eux seuls l’absence de culpabilité du chanoine quand il écrit au sujet de l’amour profane ?11 Soyons prudents : certes Blaise d’Auriol a de bonnes raisons de s’intéresser à l’amour profane, mais il n’en a peut-être pas besoin ; n’est-il pas simplement ici fidèle à la conception médiévale de la littérature, où le clerc et le poète font bon ménage, où l’opposition entre le sérieux et le joyeux, entre les menus propos et les choses savantes, ne conduit pas à une condamnation de la littérature profane ?
19Au contraire, chez Guillaume de la Perrière, la mauvaise conscience, qui accompagne la pratique d’une poésie amoureuse « lascive et voluptueuse », est affichée ; mais l’auteur va trouver dans le long prologue qui ouvre les Cent Considerations d’Amour l’occasion de dévoiler de bonnes raisons de se laisser séduire par une Muse lascive et voluptueuse. Le prologue expose tout d’abord les raisons de ne pas s’adonner à la poésie amoureuse ; c’est le temps des objections au projet poétique12 :
Tu pourras à l’advanture dire, monsieur mon cousin, que l’argument et tiltre du present livre, par moy à toy dedyé, repugne tant à ta qualité, que à la mienne. À la tienne d’autant que tu ne fuz oncques amoureux que de vertu.
20La Perrière ajoute :
Pourras ainsi dire, mon cousin, que à ma qualité repugne semblablement ledict argument, veu que desja j’ay attainct au quarantiesme an de mon aage […] auquel fut plus condescent descripre d’amour vertueuse, que de voluptueuse et lascive.
21Il s’inspire alors de Platon pour opposer la vue corporelle et la vue intellectuelle qui devrait être celle d’un homme comme La Perrière : l’amour est du côté des sens les plus terrestres, alors que l’esprit et la lucidité intellectuelle sont ailleurs.
22L’amour trop humain, « venerique » aurait dit Marot13, n’est pas l’amour de la Vertu. Or le prologue nous dit qu’il y a un âge pour les passe-temps légers, les jeux amoureux profanes, et les poèmes qui en font écho : c’est la jeunesse. La Perrière et son cousin ont passé l’âge de ce passe-temps amoureux. Quarante ans est déjà un âge fort avancé pour le xvie siècle et l’homme vieux n’a pas de temps à perdre : il se doit d’être sérieux et d’écrire des choses sérieuses.
23Michault Taillevent, dans un texte de la fin du Moyen Âge qui porte ce titre, Le Passe temps14, oppose cet âge de la jeunesse, âge où le temps passe sans pesanteur « follement », âge de l’insouciance, à la vieillesse où chaque moment pèse parce que cette insouciance a débouché sur la pauvreté, la maladie : « chappeaulx ne sont pas tousjours vers » comme dit Taillevent. La jeunesse correspond à cet âge luxueux où l’on peut passer le temps sans compter, le temps de l’amour vain et de la poésie amoureuse, car ce passe-temps chez Michault, c’est autant son recueil poétique que l’amour lui-même15.
24Mais après ce premier mouvement qui expose les objections qu’on pourrait lui faire, La Perrière développe les raisons qui le poussent quand même à écrire : « essayer » (c’est le terme qu’il utilise) de produire quelque chose « digne de venir devant tes yeulx, recepvoir ton jugement, endurer ta lyme, et soustenir ta correction ». On est proche de ces « coups d’essay »16 avec lesquels Marot identifie son œuvre de jeunesse, L’Adolescence clémentine (parue une première fois en 1532).
25Le premier argument en faveur de la poésie amoureuse est le dépaysement, l’évasion que le plaisir de lecture apporte et qui permet à l’esprit de reprendre des forces :
Il n’est pas inconvenient, mon cousin, apres le continuel estude de divine, et humaine philosophie, relaxer, et affranchir l’esprit de long temps asservy en contemplation, à quelques propos joyeulx, et plaisans, meslant le sable avec la chaulx, attendu que par telle meslée l’esprit travaillé se repose : l’entendement pressé, se recrée : la pensée triste, se resjouyst…
26Il illustre cet argument par l’exemple de Lycurgue, législateur qui fait figurer le passe-temps au rang des nécessités, des éléments qui font une république saine et durable. La Perrière, juriste, trouvait chez Lycurgue un écho à son double statut de juriste et de promoteur de divertissements. Étienne Forcadel lui-même, que nous citions plus haut, déclarera dans ses Œuvres poétiques de 1579, « Vray est que faisant parfois trefves avec l’estude des loix, plus utile que delicieux, […] je recours à la poësie comme à tres honneste recreation… »17.
27La Perrière continue son prologue en invoquant l’exemple de Socrate ne se privant pas de jeux puérils, ou du philosophe Architas, Archytas de Tarente qui dans le jeu trouvait à se « refreschir de la vehemente et continuelle exercitation de philosophie. » Les exemples, outre qu’ils manifestent la culture humaniste de l’auteur, révèlent que l’objet de la poésie ici n’est pas celui de la philosophie, loin de la recherche de la vérité (ou de la fondation des lois) ; la poésie est recherche du plaisir et du repos de l’esprit.
28Après avoir évoqué le témoignage d’hommes politiques ou de philosophes, La Perrière passe aux écrivains : « plusieurs grands engins semblablement d’eminente literature ont voulu par maniere d’esbatement (comme il est vray semblable de croyre) escripre livres de menuz propoz et argumentz infinis ». Il convoque à l’appui Homère, auteur d’une bataille des grenouilles et des rats, et d’autres auteurs d’éloges paradoxaux, comme Lucien auteur d’un éloge de la mouche, etc. L’accumulation des exemples a valeur de preuve dans cette entreprise de légitimation de l’écriture poétique. La Perrière va, à la suite des nombreux exemples des anciens, s’appuyer sur l’exemple de contemporains, en particulier sur Érasme, auteur du fameux Éloge de la Folie. « Mais que me sert-il de rememorer les aages oultre passez quand de nostre temps le docte Erasme ha escript la collaudation de Folie ? » La conclusion est alors imparable :
Si doncques, mon cousin, à l’imitation desdictz Philosophes, et princes, j’ay à present relaxé mon engin à composer cent considerations d’amour, par cent coupletz Quatrains (desquelz te fais offre) ne sera pas mon deffault excusable ? mon erreur remissible ? ma temerité supportable ?
29Le terme d’« erreur » fait penser à la « giovenile errore » de Pétrarque18, Pétrarque que La Perrière cite plus loin dans le prologue, et qui, pratiquant la poésie amoureuse vulgaire avec mauvaise conscience, produira le chef d’œuvre du Canzoniere. Comme le dit le quatrain liminaire de la Morosophie : « Aussi n’est il homme si sage, / Qu’il n’ait contrepois de folie »19. Mais cette folie, cette erreur, ce détour loin des choses sévères et raisonnables a sa place et son utilité comme le prouve la référence à tant d’autorités.
30Alors que l’argument dominant jusque là, pour justifier la pratique poétique, est le divertissement ou la récréation de l’esprit, dans la dernière partie du prologue qui commence par « Davantage », La Perrière va beaucoup plus loin. La gradation de la démonstration est sensible20 : non seulement il n’est pas interdit de s’amuser puisque cela détend l’esprit et que d’autres, illustres, l’ont fait avant lui, mais surtout, l’amour est une puissance qui produit d’« ingenieuses et subtiles inventions ». La Perrière affirme qu’un grand nombre d’œuvres poétiques (il cite celles d’Ovide, Tibulle, Properce et bien d’autres) n’auraient pas pu être écrites sans la fureur amoureuse.
31S’appuyant là encore sur un certain nombre d’auctoritates comme Plutarque, il rappelle l’étroite collaboration de Vénus et de Mercure, de l’amour et de l’éloquence, ce que Louise Labé saura rappeler également quelques années après, quand elle publiera en 1555 le Débat de Folie et d’Amour : « Mais qui fait tant de Poëtes au monde en toutes langues ? n’est-ce pas Amour ? »21. La Perrière ne se dit pas explicitement amoureux, veut-il signifier pourtant qu’il fait sien cet ethos de l’amant-poète en proie à la « fureur » – le mot est employé par La Perrière – fureur amoureuse aussi bien que poétique ? Sans amour, pas de belles inventions. C’est défendre du même coup et la poésie et l’amour, Vénus et Mercure.
32En même temps, dans cette partie, la fureur amoureuse ne se défait pas d’une conception moins philosophique que pathologique de l’amour : la fureur amoureuse transporte, rend éloquent, mais La Perrière approuve les anciens qui ont mis l’amour au rang de « maladies de cerveau, comme vraye especes de manye » ; l’esprit d’un amant étant toujours en proie au changement, à l’instabilité22. Et l’auteur des Cent Considerations arrive à ce paradoxe de vouloir reposer l’esprit du lecteur par une poésie qui met en scène le contraire du repos, une œuvre où la posture éthique du poète est celle de l’amant dans toute l’instabilité que l’amour lui promet.
33Ainsi La Perrière défend la poésie amoureuse au nom de l’effet qu’elle produira sur son lecteur (la relaxation, le repos) et au nom de l’origine « furieuse » de son inspiration qui produit de subtiles inventions, cette « fureur » qui mêle amour et poésie et qui rend l’activité à la fois sérieuse et noble. La Perrière oscille donc pour qualifier sa poésie entre légèreté du divertissement et subtilité de l’œuvre d’art : légèreté de la lecture qui délasse, poids de l’œuvre littéraire quand la tutelle de Vénus s’accompagne du patronage de Mercure.
34Cette ambition esthétique et harmonieuse du recueil est manifeste. L’œuvre est sous le signe de la perfection du chiffre : 100 ; 100 comme les 100 dizains accompagnés des 100 gravures du Théâtre des Bons Engins23. Mais que dire du quatrain ? Le choix peut surprendre. Chez Blaise d’Auriol, la succession des quatrains ne contredisait pas la linéarité narrative : aucun chiffre entre les strophes ne venait fragmenter le discours amoureux. Mais que vise cette poésie de La Perrière fragmentée par la numérotation des quatrains ?
35Est-ce une volonté de ne pas emprunter les chemins du lyrisme amoureux, et la volonté affichée d’en briser l’élan au profit de « considérations » plus du côté de la réflexion que de l’expression du sentiment24 ? Rien n’est moins sûr : le quatrain épouse à merveille l’ethos d’un amant blessé précisément parce que le cri poétique ne peut être qu’un cri brisé. Le quatrain 78 l’explique :
Tant plus le cry de ma bouche est petit
Tant plus est grand le poids de ma douleur,
C’est ce qui faict et me donne appetit
Te declarer plus souvent mon malheur.
36La Perrière semble nous donner ici les clés d’une poétique lyrique de la forme brève : la douleur est telle qu’elle ne peut que s’exprimer brièvement, mais avec acuité ; brièvement et donc souvent pour être exhaustive. Dans une poésie où l’on retrouve des accents pétrarquistes, la succession des quatrains, à la fois isolés et reliés les uns aux autres, renouvelle sans cesse la plainte lancinante de l’amant malade d’aimer sans aucun signe de la dame et qui pourtant continue de jurer fidélité25.
37Mais cette forme brève a aussi d’autres vertus en poésie amoureuse : à la manière de l’épigramme, elle permet à l’amant blessé d’être parfois plus incisif, en particulier dans le dernier vers. La poésie de La Perrière, qui se fait élégiaque dans les trente premiers quatrains, prend ainsi des accents ironiques dans le quatrain 34.
Qui te vouldra en amour resjouyr,
Avec l’argent il fera grosse course,
Car il luy fault (si de toy veult jouyr)
Clorre la bouche, et deffermer la bourse. [34]26
38La poésie lyrique amoureuse, et parfois mordante, trouve donc dans le quatrain un « subtil artifice »27.
39Mais l’emploi du quatrain n’est-il pas lié à la poésie gnomique et morale ? La brièveté est souvent présentée comme un gage de sagesse, ce que Baïf, paraphrasant l’Ecclésiaste, rappellera : « Le sage parlant parle court »28. Dans l’épître dédicatoire à Antoine de Bourbon de la Morosophie, Guillaume de La Perrière précisera, en reprenant Valère Maxime, que ce n’est pas petit artifice que de « clorre grans sens en peu de parolles ». Le quatrain est bien le propre du discours sensé, sage, moral et sentencieux29. Et à analyser de près les Considerations d’Amour de La Perrière, on s’aperçoit que la tendance gnomique est loin d’être absente du texte : des quatrains réflexifs voire sentencieux relaient des quatrains à la tonalité plus lyrique. Les six premiers poèmes sont bien représentatifs d’une alternance entre poésie lyrique et poésie gnomique : la première personne du singulier cède régulièrement la place à la troisième.
40La Perrière met en place ici une pratique du quatrain gnomique qu’il retrouvera dans La Morosophie, ensemble de 100 quatrains, ou dans les Considérations des quatre Mondes qui comporteront quatre fois cent quatrains30. Dans cette poésie sentencieuse, la brièveté ne mime plus le souffle coupé de l’amant malheureux, la brièveté permet au contraire un effet plus percutant nécessaire à la mémorisation, à l’image de ce que dit Sénèque, repris par Montaigne :
Tout ainsi que la voix, contrainte dans l’étroit canal d’une trompette, sort plus aiguë et plus forte, ainsi me semble il que la sentence, pressée aux pieds nombreux [rythmés] de la poësie, s’eslance bien plus brusquement, et me fiert d’une plus vive secousse31.
41Le quatrain isolé sera dans la deuxième moitié du xvie siècle la forme dévolue à la poésie morale et sentencieuse, Guy du Faur de Pibrac en étant le plus célèbre illustrateur32, lui qui dans le quatrain 74 associe brièveté et vérité :
Parler beaucoup on ne peut sans mensonge,
Ou pour le moins sans quelque vanité :
Le parler brief convient à verité,
Et l’autre est propre à la fable et au songe.33
42Mais la forme du quatrain est déjà connotée de sérieux et de moralité en 1543 lorsque paraissent les Considerations d’Amour : l’usage de traduire en quatrains français les distiques de Caton s’était imposé dès le xiiie siècle34. Le dernier distique de Caton plaide pour une forme brève et concise :
Miraris versus nudis me scribere verbis ?
Hoc brevitas fecit, sensu uno jungere binos35.
43Beaucoup de recueils de maximes ou de proverbes du début du xvie siècle sont des recueils de quatrains36. Mais concernant La Perrière, l’œuvre qui a pu influencer le choix de la forme est sans doute celle de Gilles Corrozet : l’Hécatomgraphie : c’est à dire les descriptions de cent figures et hystoires, contenantes plusieurs appophtegmes, proverbes, sentences et dictz, tant des anciens que des modernes, paraît à Lyon, chez Denis de Harsy, autour de 1540 et à Paris chez D. Janot en 154337. Le quatrain y est l’occasion d’un commentaire moral de Corrozet et le tout s’accompagne dans l’édition de D. Janot d’illustrations, à la manière des recueils d’emblèmes.
44En 1543 quand La Perrière publie les Cent Considerations d’Amour, le quatrain est donc déjà associé naturellement à la poésie gnomique et sentencieuse, et au genre de l’emblème. Faut-il dès lors s’étonner que la première édition, en 1543, des Cent Considerations, édition aujourd’hui perdue, présentait, à chaque page une illustration ? N’était-ce pas une manière de tisser un lien avec les recueils gnomiques et en particulier avec le recueil de Corrozet ? Mais le dialogue avec Corrozet va continuer. Souvenons-nous en effet que la deuxième édition des Considerations d’Amour de La Perrière, celle de 1548, s’accompagne d’un texte court, satirique, non strophique en rimes suivies, de ce même Gilles Corrozet : Satire contre fol Amour. Corrozet, démontre dans ce texte bref que « Ce Cupido en somme n’est autre chose que le charnel mouvement de tout homme » ; il interprète la déification de l’amour comme étant un cache sexe pudique de la sensualité maladive de l’homme. Et il rappelle qu’il n’existe qu’un seul Dieu, celui des chrétiens…38
45En fait, si ce recueil paru à Lyon chez Jaques Berion en 1548 et qui rassemble les Considérations amoureuses de La Perrière et la satire du fol amour de Corrozet met en scène un débat, celui-ci a commencé bien avant cette édition. À l’Hécatomgraphie de Corrozet, paru vers 1540, s’opposent, dans la même forme du quatrain, les Considerations de La Perrière parues en 1543 ; aux Considerations de La Perrière répond la satire de Corrozet dans la seconde édition. C’est dire combien à la Renaissance l’édition est un terrain stratégique, une arène, une scène de théâtre, où s’expriment, s’exposent et s’opposent publiquement des points de vue, que le metteur en scène en soit les auteurs ou les éditeurs.
46Faire de la poésie amoureuse en choisissant la forme fragmentée du quatrain relevait donc d’une intention paradoxale, ou au moins ambivalente, où la pause didactique, parfois simplement réflexive mais universelle, le dispute à l’expression lyrique et réciproquement. Goût du paradoxe ou goût de la variété ? La forme brève cent fois renouvelée fait varier les points de vue, et les tonalités, à mi-chemin entre la poésie légère, vénérienne et la poésie « pesante » moraliste ou moralisatrice.
47Ou bien encore goût de l’essai, d’une poésie qui s’affiche en pleine maturation ? La Perrière ne nous dit-il pas que cette poésie est là en attendant mieux : « Esperant pour l’advenir avoir de nous quelque chose plus grave, qui ne sera repugnante, tant à la qualité du recepvant que de l’offrant »?39 Espérance réaffirmée dans la dédicace située à la toute fin des quatrains : « Et si mettray (avant long tems en lice) / Chose plus grave, eloquente et diffuse »40… La Perrière fera suivre en effet les Cent Considerations de la Morosophie, des Considerations des quatre mondes et du Miroir Politique.
48Chez La Perrière, Passetemps n’est plus, comme chez Blaise d’Auriol, une allégorie positive de la sagesse, associée à la vieillesse et au nonchaloir. Passer le temps à lire la poésie amoureuse, à l’écrire, c’est retrouver le temps de la pause, le temps suspendu de la jeunesse insouciante, le temps où l’on peut se « refreschir ». La poésie de La Perrière est un élixir de jouvence. À l’homme politique, au juriste qui n’a pas une minute à lui, le poète propose de perdre un peu son temps.
49Lire de la poésie pour passer le temps, on le voit cet argument ne renvoie pas seulement au topos de modestie qui ponctue les prologues des grands rhétoriqueurs, mais renvoie à une réflexion plus sérieuse sur la place de la littérature dans la cité, ou dans la vie d’un homme pressé, dont l’« engin » est tourmenté par les négoces. La Perrière avait compris combien ce passe-temps de la poésie profane, inutile, était, en même temps que le lieu où l’esprit se recrée, le lieu où le meilleur à venir s’enfante41 : à cet égard, les Considerations amoureuses ont été le tremplin de La Perrière dans la pratique du quatrain moral, sérieux, à venir.
50Récréation, oui, divertissement au sens où le poète s’éloigne de la morale et de son engagement politique vertueux au service de la République toulousaine, mais recréation au sens où dans cet éloignement, le poète puise l’énergie et l’inspiration formelle des œuvres à venir, un passe-temps où le temps passé à écrire mûrit les fruits de l’écriture poétique.
Notes de bas de page
1 Poétiques de la Renaissance. Le modèle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au xvie siècle, sous la direction de Perrine Galand-Hallyn et de Fernand Hallyn, Genève, Droz, 2001, p. 364.
2 « Amorem et jus, quo perducuntur homines ad concordiam ; iisdem finibus contineri », cité et traduit par Nathalie Dauvois, in « Jura sanctissima fabulis et carminibus miscere. La concorde de la poésie et du droit dans quelques traités d’Étienne Forcadel : Necyomantia (1544), Sphaera legalis (1549), Cupido jurisperitus (1553) », L’Humanisme à Toulouse (1480-1596), Paris, Champion, 2006, p. 104.
3 Les Cent Considerations d’Amour composées par Guillaume de la Perrière Tholosain, Avec une Satire contre fol Amour, Lyon, Jaques Berion, 1548, quatrain XCV. Par ailleurs, le terme « fureur » qui désigne l’amour dans certains quatrains rappelle l’humanisme néoplatonicien.
4 Voir Géraldine Cazals, Guillaume de La Perrière (1499-1554), un humaniste à l’étude du politique, thèse dactylographiée, Toulouse, université de Toulouse I, 2003, p. 220 et p. 581. Existe-t-il une troisième édition chez Jean de Tournes ? La référence que donne Géraldine Cazals (BnF numm- 70497) correspond en fait à l’édition de 1548 de Jaques Berion.
5 En 1515, 1520 ; la dernière, celle de Philippe Le noir, est non datée.
6 Blaise d’Auriol, bachelier en droit civil et canon (le premier des grades universitaires), occupe déjà des fonctions à l’université, université dont il sera recteur en 1531 (et docteur au moins en 1515) ; il est à cette époque chanoine de Castelnaudary. En 1513, on le trouve sur la liste des maîtres aux Jeux floraux ; l’est-il déjà en 1509 ? Voir Henri Gilles, Université de Toulouse et enseignement du droit, Toulouse, SEDUSS, 1992, p. 301.
7 Voir à ce sujet l’introduction à La Chasse d’Amours de Mary Beth Winn (qui ne publie qu’une partie du texte attribué à Saint-Gelais), Genève, Droz, 1984, p. IX-XXII.
8 Jane Taylor explique ce geste d’effacement par la volonté de l’éditeur Vérard d’uniformiser, et de rendre cohérent le texte. Jane Taylor, « Inventer le recueil lyrique à l’époque de l’imprimerie, quelques jalons », Le Recueil poétique à la Renaissance, Reforme humanisme Renaissance, juin 2006, n° 62, p. 21-29. Vérard penserait d’abord les textes avant de penser les auteurs. Mais on ne peut exclure que ce soit des raisons plus commerciales qui le guident ; il pratique en effet cet effacement du nom auprès d’auteurs vivants : en 1504, Jean Bouchet est ainsi dépossédé de son texte des Regnars Traversant par Vérard qui préfère donner un nom d’auteur plus prestigieux et donc plus vendeur à l’époque, celui de Sébastien Brant.
9 L’allégorie est également présente dans le théâtre des farces et sotties. Voir la « Condamnation de Banquet », in Recueil de farces, sotties et moralités du 15e siècle, P.L. Jacob et A. Delahays, p. 279. Et « Moral de tout le monde », Recueil général des sotties, E. Picot, vol. III, p. 31. Cité par Jean-Claude Mühlethaler, Poétiques du quinzième siècle, Paris, Nizet, 1983, p. 27.
10 Trois décasyllabes sont suivis d’un vers de quatre syllabes.
11 Mais alors l’évêque Saint-Gelais, qui est responsable de la première partie du recueil où l’amant part en quête du cerf amoureux pour succomber à la Dame, se sentait-il plus coupable de s’adonner à une poésie légère et profane ? C’est peu probable…
12 Dans ce prologue, La Perrière s’adresse à son unique cousin, « Monsieur maistre Jehan de Maleripe, Grephier des eaues et des forestz de France », homme sérieux à qui un tel ouvrage consacré à Vénus et non à la vertu pourrait répugner.
13 Voir Le Temple de Cupido, L’Adolescence clémentine, in Œuvres poétiques, éd. Gérard Defaux, Classiques Garnier, 1990, p. 40, v. 459.
14 Une édition circulait à la fin du XVe ou au début du XVIesiècle : Le passe temps Michault nouvellement imprimé [S.l.], [s.n.], [s.d.]. L’auteur meurt en 1458.
15 Sur la notion de passe-temps en général et en particulier chez Taillevent, voir Jean-Claude Mühlethaler, ouv. cité, p. 26-32.
16 Voir Clément Marot, L’Adolescence clémentine, ouv. cité, p. 17.
17 Cité par Perrine Galand-Hallyn et Fernand Hallyn, dans « “Recueillir des brouillards” : éthique de la silve et poétique du manuscrit trouvé », Le Poète et son œuvre, dir. Jean-Eudes Girot, Genève, Droz, 2004, p. 22.- Voir également Jean Bouchet, Le Temple de Bonne Renommée, Paris, Galliot Dupré, 1516, fol. 63 v° : « Car composer ce m’est ung passe temps / Et si n’escriz fors à l’heure que entends / Me reposer ».- Et Montaigne, Essais, livre III, chap. 3. « De trois commerces » : « Si quelqu’un me dict que c’est avillir les muses de s’en servir seulement de jouet et de passe-temps, il ne sçait pas, comme moy, combien vaut le plaisir, le jeu et le passetemps. » (éd. Pierre Villey, PUF, coll. Quadrige, 1992, p. 829). Voir encore le titre « Passetems » que Jean-Antoine de Baïf donne à ses poèmes publiés en 1572-1573 dans les Euvres en Rime.
18 Pétrarque, Canzoniere, Paris, Classiques Garnier, 2004, sonnet 1.
19 Guillaume de La Perrière, La morosophie, … contenant cent emblèmes moraux, illustrez de cent tétrastiques latins, réduitz en autant de quatrains françoys, Lyon, M. Bonhomme, 1553.
20 Ce que l’allusion à Érasme laissait d’ailleurs présager.
21 Louise Labé, Œuvres complètes, éd. François Rigolot, GF Flammarion, 2004, p. 76.
22 La Perrière termine son prologue en évoquant le mouvement perpétuel d’un esprit amoureux et cette belle image de Vénus imaginée par Dédale : « Dedalus jadis souverain architecteur, et imageur, en tailla subtilement une statue de Venus creuse, laquelle (par le moyen de l’argent vif qu’il avoit encloz dedans icelle) estoit tousjours en mouvement, donnant par ce entendre que l’esprit des amoureux, n’est jamais en repos, ains en perpetuel mouvement ».
23 La première mouture du Théâtre des Bons Engins avait été offerte à Marguerite de Navarre en 1535. La première édition, celle de Denis Janot, voit le jour à Paris en 1540.
24 À la fin du xve ou au début du xvie siècle, Pierre Sala fait paraître ses « Énigmes de l’Amour » destinées à son épouse Marguerite : une miniature fait face à un quatrain en décasyllabes ou octosyllabes qu’elle illustre. Voir par exemple le premier quatrain : « Mon cueur veult estre en ceste margueryte / Il y sera quoy quanuyeux diront / Et mes pancees tousjours la serviront / Pource quellest de toutes fleurs lelyte. »« Les Énigmes de l’Amour de Pierre Sala », Revue de philologie française et de littérature, 1908, t. XXII, p. 214-220.
25 Voir par exemple les quatrains 5 et 74 où l’emploi de l’adunaton renouvelle presque à l’identique le serment amoureux.
26 Le rapprochement avec l’épigramme est naturel à la fin des Considerations, dans le dernier quatrain en forme d’épitaphe : les épitaphes étant, comme le rappelle Thomas Sébillet en 1548 « inscriptions de tombes, ou épigrammes sépulchraux ». Traités de poétique et de rhétorique de la Renaissance, éd. Francis Goyet, Le Livre de Poche, 1990, p. 102.
27 Dans la dédicace finale à son cousin, La Perrière écrit : « Ma fantasie ay reduicte en Quatrains / Affin que fut plus subtil l’artifice ».
28 Poétiques de la Renaissance, ouv. cité, p. 367. Voir également Baïf, Mimes, éd. J. Vignes, Genève, Droz, 1992, p. 80, I, v. 385 : « Prou de sens en peu de langage ».
29 La définition du quatrain par Richelet en portera d’ailleurs la marque : « Ce mot est un terme de Poësie Françoise, lequel signifie une Stance de quatre vers. La matiere des quatrains est la Morale et ce qui regarde la conduite de la vie. Leur caractère est simple et grave », P. Richelet, Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680, p. 238.
30 Les Considerations des quatre Mondes paraissent pour la première fois en 1552 à Lyon et à Toulouse.
31 Cité dans Poétiques de la Renaissance, ouv. cité, p. 367.
32 Voir l’édition de Loris Petris (en particulier la très riche introduction) : Guy du Faur de Pibrac, Les Quatrains. Les Plaisirs de la vie rustique, Genève, Droz, 2004.
33 Ibid., p. 171.
34 Les Disticha de Caton paraissent pour la première fois en 1475. Ils sont traduits en 1530 à Paris par Pierre Grosnet : Les Mots dorés du grand et saige Cathon. Voir Poétiques de la Renaissance, ouv. cité, p. 371. Un premier volume paraît en 1531 à Paris chez Jehan Longis, un second est imprimé en 1534 par Denis Janot pour Jehan Longis et Pierre Sergent.
35 « Tu t’étonnes peut-être que j’écrive des vers d’un style si nu ? C’est que le désir d’être concis m’a fait exprimer chaque pensée dans un distique. », Distique moraux de Denys Caton, trad. Pierre Constant, Paris, Garnier, p. 345.
36 Voir Les ditz et auctoritez des saiges philosophes, recueil anonyme de quatrains d’octosyllabes ; et les Notables, enseignemens, Adages et Proverbes de Pierre Gringore parus en 1527 qui sont des quatrains de décasyllabes. Notons également qu’une des épreuves des Jeux floraux de Toulouse consistait à inventer un quatrain à partir d’un proverbe : voir John Charles Dawson, Toulouse in the Renaissance, New York, Columbia University Press, 1923, p. 79, note 93 : « In an impromptu trial (essay) by which the merits of the poets came to be tested […] the contestants were shut up in a room and assigned a refrain, most often in the form of a proverb, upon which they were compelled to compose verses : at first quatrains, huitains or dixains, eventually sonnets. »
37 Denis de Harcy fait paraître une nouvelle édition du Théâtre des bons engins dans laquelle celui-ci est relié avec les « Emblèmes de Maistre André Alciat, mis en rime Françoyse » et l’Hécatomgraphie de Gilles Corrozet. Voir G. Cazals, ouv. cité, p. 580.
38 Cf. Robert Garnier, Hippolyte : « Voilà comme, excusant nos lubriques desirs, / Nous bastissons un Dieu forgeur de nos plaisirs » (v. 789-790), Paris, éd. Les Belles Lettres, 2003, p. 178.
39 Fin du prologue en forme d’épître à son cousin.
40 « Ouvrage de meilleure trempe » aurait dit Marot. Voir l’épître « À ung grand nombre de freres, qu’il a : tous enfans d’Apollo » : « et que le pis, que vous tirerez de ce Livre, soit passetemps. Esperant, de brief vous faire offre de mieulx : et pour Arres de ce mieulx, desjà je vous metz en veue, apres l’Adolescence, Ouvrages de meilleure trempe, et de plus polie estoffe » ; Clément Marot, Adolescence clémentine, ouv. cité, t. 1, p. 18.
41 Voir à ce propos la réflexion de Jean-Max Colard sur la notion de passe-temps chez Clément Marot : « l’Écriture comme “passetemps” », Clément Marot, Cahiers Textuel, n° 16, janvier 1997, p. 81-92.
Auteur
Université Toulouse-Le Mirail (p.chirondelorme@wanadoo.fr).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Mine claire
Des paysages, des techniques et des hommes. Les techniques de préparations des minerais de fer en Franche-Comté, 1500-1850
Hélène Morin-Hamon
2013
Études sur la sociabilité à Toulouse et dans le Midi toulousain de l’Ancien Régime à la Révolution
Michel Taillefer
2014
« Rapprocher l’école et la vie » ?
Une histoire des réformes de l’enseignement en Russie soviétique (1918-1964)
Laurent Coumel
2014
Les imprimeurs-libraires toulousains et leur production au XVIIIe siècle (1739-1788)
Claudine Adam
2015
Sedes Sapientiae
Vierges noires, culte marial et pèlerinages en France méridionale
Sophie Brouquet (dir.)
2016
Dissidences en Occident des débuts du christianisme au XXe siècle
Le religieux et le politique
Jean-Pierre Albert, Anne Brenon et Pilar Jiménez (dir.)
2015
Huit ans de République en Espagne
Entre réforme, guerre et révolution (1931-1939)
Jean-Pierre Almaric, Geneviève Dreyfus-Armand et Bruno Vargas (dir.)
2017