Vraie fausse monnaie ou monnaie vraiment fausse ? La Catalogne, l’État espagnol et les duros sevillanos (1898-1909)
p. 267-284
Texte intégral
1Le 2 mai 1898, un journaliste du Noticiero Universal, l’un des quotidiens de la bourgeoisie barcelonaise, écrit : « Le négoce des faux duros est tellement lucratif qu’on peut qualifier de stupides ceux qui fabriquent de la monnaie vraiment fausse1. » Cette fausse monnaie jouit en effet d’un statut particulier dans l’histoire et la fabrique du faux monétaire. Apparue pour la première fois à Barcelone en 1894 – le faux duro ne reçoit que tardivement, vers 1900, son appellation de « sevillano » et ne la doit qu’à une légende populaire sans réel fondement2 –, elle contrefait la pièce de 5 pesetas en argent. Sa diffusion est si importante que l’État espagnol se décide, entre 1908 et 1909, à la retirer de la circulation au cours d’une double opération de « ramassage » (recogida) puis d’« échange » (canje) inédite dans l’histoire de l’Europe contemporaine3. Mais l’organisation de cette opération trouve sa limite dans la qualité même de l’espèce contrefaite : il s’agit d’une imitation presque parfaite. Aussi le duro sevillano permet-il d’enrichir l’épistémologie du faux monnayage en posant, à nouveau, ce qui en constitue l’une des problématiques fondamentales : peut-on encore parler de fausse monnaie à propos de l’imitation d’une monnaie métallique dont la valeur marchande ou « intrinsèque » est la même que celle de l’original ? Pour l’État espagnol, la question ne se pose même pas. Le fabricant de duros sevillanos, en usurpant le pouvoir régalien de battre monnaie, est un criminel et le faux duro une authentique fausse monnaie. La réponse à la question est plus ambiguë si, en lieu et place des autorités civiles, on prend en considération les Espagnols eux-mêmes. N’y aurait-il pas quelque légitimité à se substituer à l’État quand celui-ci n’inspire plus confiance en tant que représentant d’une souveraineté protectrice ? Cette interrogation revêt une acuité particulière en Catalogne qui constitue à la fois l’une des grandes zones émettrices dans la « fièvre falsificatrice4 » que connaît la péninsule, et une tendance centrifuge dans la construction de l’État-nation. Au fond, l’épisode du duro sevillano ne « dévoile5 »-t-il pas l’ensemble des conflits qui menacent encore, au début du XXe siècle, l’intégrité de l’espace social et territorial de l’Espagne ?
2Pour tenter de délimiter cet objet polysémique qu’est le faux duro, l’historien dispose de plusieurs sources puisées à différents fonds d’archives : politiques et centrales (ministère espagnol des Finances ou Hacienda6), judiciaires et régionales (Audience territoriale de la province de Barcelone7). Mais celles-ci, en dépit de leur variété, n’offrent que le point de vue des autorités, négligeant celui de la société. Pour contourner ce biais, la lecture de la presse8 s’avère utile. Elle ne permet toutefois que de combler en partie cette lacune, la presse, tenue par la bourgeoisie, exprimant moins le point de vue des Espagnols que celui des élites libérales. Cette réserve mise à part, la confrontation entre les diverses sources disponibles permet d’observer le duro sevillano à travers trois focales qui, superposées, offrent une vue complète du phénomène. Si le duro sevillano constitue un cas limite au regard des normes séparant la monnaie illicite de la monnaie licite, c’est parce que sa fabrication procède de la rencontre inédite de paramètres économiques et techniques très spécifiques. Mais le faux duro intéresse moins l’historien pour ce qu’il est que pour ce qu’il révèle. Derrière des conditions de fabrication exceptionnelles se dissimule en réalité un conflit fondamental entre la société espagnole et l’État libéral. Mais ce conflit en cache d’autres, plus ponctuels : conflits entre émetteurs de monnaie ; entre capitalistes et salariés ; enfin, entre Espagnols et Catalans. Tous ces conflits renvoient cependant à la grande crise de souveraineté que traverse le pouvoir politique espagnol au début du XXe siècle.
Le duros sevillano : une « vraie fausse » monnaie ?
3La particularité du duro sevillano tient à ses conditions de fabrication. Jamais une telle contrefaçon n’aurait vu le jour sans la conjonction de facteurs qui, pris individuellement, sont déjà exceptionnels.
4La fabrication du faux duro s’explique en premier lieu par la crise que traverse le bimétallisme à partir du début des années 1870 et par la place originale qu’occupe l’Espagne dans le système monétaire international. La décision du Reich allemand, en 1873, puis celle de l’Union monétaire latine9, en 1878, de suspendre la libre frappe de l’argent condamne le « bimétallisme effectif10 », marque le triomphe de l’étalon-or, et se traduit par une dépréciation du métal blanc par rapport au métal jaune sur le marché des matières précieuses. L’Espagne qui, contrairement à la plupart des pays européens, est restée fidèle au double étalon – elle ne fait pas partie de l’Union latine –, subit le contrecoup de cette chute du prix de l’argent : l’or, thésaurisé, vendu à prime à l’étranger ou employé comme actif liquide pour acheter les produits du grand négoce international, disparaît de la circulation au profit de l’argent qui devient l’axe du système monétaire ibérique11. Mais alors qu’il ne fallait, en 1885, que 3,5 pesetas pour acheter les 25 grammes d’argent nécessaires à la frappe d’un duro, dix ans plus tard, chaque pièce coûte à peine 2 pesetas12. L’écart entre la valeur nominale du duro et sa valeur intrinsèque est suffisamment important pour faire naître une fabrique privée et clandestine.
5Qu’en est-il de la rentabilité réelle de cette industrie ? Si cette question est a priori impossible à trancher, tant les conditions d’activité de la contrefaçon varient d’un lieu à l’autre, d’un atelier à l’autre, et d’une époque à l’autre – la frappe clandestine du duro s’étend sur plus de quinze ans entre le milieu des années 1890 au début des années 1910 –, il est quand même possible d’en donner quelques repères chiffrés. Comme le montre l’affaire Maojo, seul dossier de procédure conservé à l’Audience provinciale de Barcelone, le bénéfice final revenant à celui qui se lance dans l’entreprise du faux monnayage peut être évalué, en 1907, à 1 peseta par duro, déduction faite des coûts de fabrication et d’émission13. Cette évaluation paraît d’autant plus fiable que l’atelier dirigé par Jose Maojo se situe au milieu de la hiérarchie des structures clandestines catalanes14. De prime abord, le gain unitaire réalisé peut sembler dérisoire, mais les faux-monnayeurs se rattrapent en écoulant une quantité considérable de pièces, plusieurs dizaines de milliers par an pour les ateliers les plus productifs15. Il y a donc tout lieu de croire que la fabrication clandestine du duro sevillano est une opération lucrative pour ceux qui s’y livrent. En 1898, la police barcelonaise démantèle un atelier clandestin dans lequel elle découvre 33.050 pesetas en monnaie de cours légal, une somme qui constitue sans nul doute le fruit d’une campagne d’écoulement particulièrement fructueuse16.
6Ainsi l’avilissement du prix de l’argent sur le marché des métaux précieux et le rôle prépondérant que joue le métal blanc dans le système monétaire espagnol expliquent-ils l’émergence d’une puissante fabrique clandestine sur toute la péninsule. Les falsificateurs fabriquent une monnaie de même poids et de même aloi que la monnaie légale. Le duro sevillano est une pièce qui, comme son modèle, pèse 25 grammes d’argent et titre 900 millièmes. C’est ce que montrent les travaux des essayeurs de métaux (ensayadores) et graveurs (grabadores) employés par l’Hôtel national des monnaies, plus connu sous la dénomination de Casa de la Moneda. Dans un rapport daté du 9 juillet 1908 et adressé au ministère des Finances17, le chef des essayeurs de cette institution, Arturo Sandoval, montre de façon éclatante que tous les duros contrefaits ont un poids moyen qui avoisine, ou même dépasse18, celui de la monnaie officielle. Pour les pièces sévillanes à l’effigie d’Alphonse XIII répertoriées par la Casa de la Moneda, le calcul de ce poids moyen donne les résultats suivants : 24,987 g pour l’année 1888 ; 24,85 g (1889) ; 24,8 g (1890) ; 24,78 g (1891) ; 24,928 g (1892) ; 24,85 g (1893) ; 24,685 g (1894) ; 24,541 g (1895) ; 23,492 g (1896) ; 22,8 g (1897) ; 24,11 g (1898) ; 24,86 g (1899). À l’exception relative des millésimes 1896, 1897 et 1898, la presque totalité de ces duros sevillanos ont été frappés en respectant les conditions de poids et de pureté qui prévalent dans la fabrication des espèces légales.
7La similitude entre le duro de cours légal et sa copie sévillane ne se limite pas au matériau utilisé. Ce qui fait la spécificité de cette contrefaçon, c’est qu’elle est fabriquée dans les mêmes conditions techniques que son modèle. À l’échelle des opérations de fabrication proprement dites, les faussaires sont souvent des ouvriers spécialisés qui fabriquent le duro sevillano en utilisant la technique de la frappe, et non celle du moulage, beaucoup plus rudimentaire et laissée, par conséquent, à une production plus occasionnelle et, partant, plus familiale. Cette technique exige en effet une véritable mécanisation qui éloigne le fabricant de duros sevillanos des autres faux-monnayeurs19. De fait, la fabrication du faux duro se fait souvent en atelier (taller) et avec l’aide de laminoirs, de découpoirs et de presses, autant de machines dont le nom évoque des conditions de production qui ont dépassé le stade artisanal. Pour autant, il serait hasardeux de croire que l’atelier des faussaires est doté d’un équipement analogue à celui de l’atelier national madrilène20. Les machines utilisées pour la fabrication clandestine du duro n’ont rien de sophistiqué ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle on les retrouve dans tous les ateliers privés espagnols, quelle que soit leur localisation. En revanche, il existe en Catalogne, et plus précisément à Barcelone, une organisation productive originale qui repose sur une combinaison factorielle inédite dans l’histoire du faux monnayage contemporain. La production de duros illégaux y est contrôlée par de petits « chefs » d’entreprise qui, s’ils tiennent moins de l’entrepreneur schumpétérien que de l’entrepreneur proto-industriel, n’hésitent pas à investir des capitaux et à recruter une main d’œuvre bien formée, capable de faire évoluer techniquement des machines au départ assez simples21. C’est cette dynamique endogène qui explique l’originalité et le succès de la production clandestine de duros en Catalogne.
8Au cœur de cette dynamique endogène se trouvent les avantages liés à la formation de la main d’œuvre. La majorité des falsificateurs poursuivis pour fabrication de fausse monnaie en argent entre 1898 et 1909 sont des artisans et des ouvriers (61 %). Parmi ceux-ci, les travailleurs de la petite métallurgie (forgerons), de la quincaillerie (serruriers) et de l’orfèvrerie (graveurs, orfèvres) se taillent la part du lion (31 %). Les sentences de l’Audience provinciale nous apprennent que ces hommes sont très largement alphabétisés (78 %), un profil qui les distingue du reste de la population ouvrière barcelonaise. Bref, ce sont des travailleurs habiles, polyvalents, capables de s’adapter à l’évolution du marché du travail urbain et à un outillage lui-même polyvalent et peu spécialisé. Dans une industrie telle que le faux monnayage où la fabrication se fait en petites séries et sur la base d’une grande flexibilité – notons à ce sujet que, selon le catalogue établi par Luís Barrera Coronado, presque tous les types de duros frappés par l’État entre 1870 et 1899 ont été contrefaits22 –, la mécanisation importe moins que le tour de main de l’ouvrier. Certes, en 1905, une presse utilisant la force hydraulique est confisquée par les autorités23. Mais que sait-on de la technique de frappe employée dans les ateliers catalans ? En 1899, un petit serrurier d’une cinquantaine d’années, Luís Maojo, est traduit devant la justice pour avoir essayé de vendre une machine et des étampes pour une somme de 500 pesetas24. De quel type de machine est-il ici question ?
9En vérité, les archives judiciaires – celles-ci, il est vrai, très incomplètes –, et la presse catalane n’abordent jamais de façon précise les conditions techniques de la fraude, préférant l’évoquer à travers des termes flous comme ceux de « machine » (máquina), « matériel » (maquinaria), « outillage » (herramientas), « presse » (prensa), « coin » (troquel et sa variante máquina troqueladora) ou « manivelles » (manivelas). En revanche, l’expertise technique présente dans l’affaire Maojo (1907) permet de combler cette lacune, les deux spécialistes mandatés par la justice, ingénieurs de profession, parlant dans leur rapport d’une machine qui « procède par compression et sans choc ». Une façon de dire ce que cette presse n’est pas : une machine de type Uhlhorn (1817-1830) ou de type Thonnelier (1845-1846) qui constituent les deux grandes avancées techniques dans le domaine de la frappe monétaire au cours de la première moitié du XIXe siècle25. En somme, dans l’écrasante majorité des cas, les fabricants catalans de duros sevillanos utilisent la frappe au balancier, une technique connue depuis le XVIe siècle.
10Mais, loin de se contenter de reproduire cette technique, les falsificateurs catalans l’ont perfectionnée et l’ont surtout adaptée aux conditions locales de fabrication qui s’apparentent au « travail en chambre ». Au fil des ans, ils ont mis point une machine robuste et puissante, silencieuse et de petite taille. Certaines de ses améliorations – des pièces en fer et en acier montées sur une structure en bois – ont d’ailleurs fait l’objet d’une formalisation technique, puisque, dès 1898, des entreprises locales fabriquent en série des machines qui s’en inspirent grandement. Ainsi la société Gaspar Quintana Hijo, qui a pignon sur rue à Barcelone, utilise-t-elle les services de la publicité pour vanter, dans les principaux quotidiens de la ville, les mérites d’une « machine à frapper par pression ». Cette machine, parfaitement légale, est présentée comme un modèle de presse à domicile : elle « [occupe] un espace très réduit » et « ne [fait] pas le moindre bruit » ; « sa manipulation », « très facile », ne nécessite que deux hommes pour frapper avec une pression de 400.000 kg ; elle peut « [être désarmée] avec la plus grande facilité en une infinité de pièces afin de faciliter son transport » ; elle ne pèse que 450 kg et ne coûte que 1.250 pesetas26. Un tel argumentaire constitue, de façon implicite, une incitation à la contrefaçon. Pourtant, cette presse est vendue officiellement pour tous les travaux d’orfèvrerie. C’est une preuve supplémentaire des échanges d’informations existant entre le monde de l’artisanat et celui de la contrefaçon, deux mondes marqués par une proximité géographique et une homogénéité socioculturelle. C’est aussi une illustration remarquable de l’organisation « territorialisée » de la fabrique clandestine catalane. Celle-ci tire son principal avantage comparatif de l’agglomération sur un même territoire d’une multitude d’ateliers dédiés à la fabrique d’un produit spécifique exigeant la mise en œuvre de savoir-faire accumulés localement27. Existe-t-il un « district » marshallien de la contrefaçon monétaire à Barcelone ? La question mérite d’être posée.
11Toujours est-il qu’il existe, dans le dernier quart du XIXe siècle, une « atmosphère » favorable à la contrefaçon monétaire à Barcelone, et c’est dans la mobilisation de connaissances tacites accumulées sur place qu’il convient de chercher la raison de la supériorité des Catalans dans cette industrie.
12Cette supériorité est en effet incontestable. Le duro sevillano fabriqué à Barcelone passe pour une fausse monnaie quasi parfaite. Deux éléments permettent de corroborer cette impression. Le 6 septembre 1894, le directeur de la succursale de la Banque d’Espagne de Barcelone remet à la Casa de la Moneda six duros qu’il identifie comme faux. C’est la première manifestation officielle de la contrefaçon. Après vérification, il apparaît que seuls quatre d’entre eux le sont28. La qualité de l’imitation est si grande que même les techniciens de la Casa de la Moneda doivent soumettre ces duros à un examen minutieux pour pouvoir les distinguer des pièces de cours légal. Le 3 juillet 1908, alors qu’il s’apprête à ramasser et à échanger l’ensemble des faux duros en circulation dans le pays, le gouvernement publie dans la Gaceta de Madrid une ordonnance royale qui divulgue le rapport établi par les fonctionnaires de l’Hôtel des monnaies sur les falsifications jusqu’alors répertoriées. Ce rapport, dont le but est d’aider le public à faire plus facilement la différence entre les duros sevillanos et les autres duros, ne fait, au contraire, que souligner la qualité des imitations. Ainsi les experts de la Casa de la Moneda écrivent-ils à propos des faux duros frappés en 1884 à l’effigie d’Alphonse XII : « Avers. Le creux de l’oreille est, en général, plus petit. Sur certaines [pièces], le sommet des lettres est plus proche de la bordure. Revers. Sur l’ovale des fleurs de lis, certaines [pièces] ont 19 lignes et d’autres 22 et dans certains cas 21, comme sur les légitimes29. » En somme, seule une poignée de spécialistes est en mesure d’identifier ce qui différencie un duro sevillano d’un duro de cours légal. Mais, pour le public, de tels signes distinctifs n’ont aucune utilité pratique. En 1911, l’écrivain catalan Ramón Muntané donne une version comique de cette aporie technique en publiant, à Barcelone, une saynète intitulée Els Duros Sevillanos. L’action, qui se déroule dans une taverne, met en scène un aubergiste dont le commerce périclite parce qu’il rejette comme sevillanos tous les duros qui passent entre ses mains. À la question de savoir comment il fait pour les distinguer, il répond qu’il les identifie « au premier coup d’œil » (« al primer cop de vista »)…
13Le duro sevillano sorti des presses clandestines catalanes entre 1894 et 1909 occupe donc une place particulière dans l’album de famille des contrefaçons monétaires. De même aloi et presque de même poids que le duro officiel, il est de surcroît frappé dans d’excellentes conditions techniques. L’originalité, ici, provient du fait que le meilleur moyen pour les faussaires de ne pas perdre de l’argent est de frapper la pièce dans les mêmes conditions que l’État. Impossible à distinguer au premier coup d’œil, le duro sevillano a toutes les apparences de la légalité et circule sans difficulté en Catalogne comme ailleurs. Cela au vu et au su des autorités. Il est devenu stricto sensu une « vraie-fausse monnaie ».
Le duros sevillano, la société catalane et l’État espagnol : un conflit de légitimité monétaire
14En brouillant la ligne qui sépare l’illicite du licite, le duro sevillano alimente un conflit entre deux types de légitimité monétaire. L’une, archaïque, est fondée sur la valeur marchande de la monnaie et, d’un point de vue général, sur l’initiative individuelle et la régulation par le marché. L’autre, plus moderne, est fondée sur la valeur légale de la monnaie et, au-delà, sur la souveraineté de l’État et la régulation par la hiérarchie. Dans ce conflit, la société catalane est dépositaire de la première forme de légitimité, la monarchie bourbonienne de la seconde.
15À la veille des opérations de ramassage, le ministre des Finances Cayetano Sánchez Bustillo affirme que « l’on avait beaucoup affabulé au sujet des duros sevillanos » et qu’« en Catalogne, il n’y [en] a même pas un seul [en circulation]30 ». C’est mal connaître l’organisation du faux monnayage et son « encastrement » dans un réseau stable de relations sociales31. Pour l’ensemble des acteurs catalans de la contrefaçon monétaire, fabriquer des faux duros est perçu comme une entreprise certes illégale, mais sûrement pas illégitime.
16Cette légitimité de la fausse monnaie puise à deux sources qui ressortissent à la place qu’occupe le faussaire dans la chaîne du faux monnayage. La première réside dans le mimétisme qui existe, d’une part, entre la fabrique clandestine du duro et, d’autre part, l’économie licite. Comme le montre un article de presse paru en 1904 et intitulé « L’escroquerie de la monnaie32 » (El timo de la moneda), la fabrication du duro sevillano repose sur une forte division du travail. Un investisseur, en l’occurrence un industriel en boissons gazeuses, entre en relations avec une bande de faux-monnayeurs dirigés par un chef (jefe) qui devient son homme de confiance. S’il finance la totalité des opérations (l’achat de la presse et des lingots d’argent) et s’assure la majorité des bénéfices, il n’apparaît à aucun stade de la contrefaçon. C’est au « chef de bande » que revient cette fonction de contrôle : c’est lui qui est responsable de la fabrication de la fausse monnaie – sans être forcément le « faussaire » stricto sensu – comme de son écoulement. Pour cette opération, il sollicite les autres membres de la bande qui diffusent eux-mêmes, directement, la fausse monnaie ou en confient le soin à des « bandes » ou « équipes » de diffuseurs (bandas ou cuadrillas de expendedores). Cette organisation hiérarchisée du travail ressemble beaucoup à l’organisation dispersée qui prévaut dans le système proto-industriel tel qu’on peut encore le rencontrer au début du XXe siècle. L’investisseur y joue le rôle de l’« entrepreneur » ou du « donneur d’ordres » ; les faux-monnayeurs sont des façonniers qui, bien souvent, travaillent « à la commande » ; les diffuseurs constituent une population instable dans laquelle puise le chef de l’atelier en fonction de la demande, à moins qu’il ne fasse appel à de véritables « négociants » pour recruter cette population.
17Mais ce qui frappe le plus dans l’organisation décentralisée de la fabrique du duro sevillano, c’est sa capacité à se projeter sur des marchés lointains. S’il n’assume pas, pour des raisons évidentes de discrétion, les responsabilités de la production, l’entrepreneur catalan qui se lance dans la contrefaçon monétaire s’implique en revanche davantage dans sa commercialisation, a fortiori quand il s’agit de satisfaire le marché national ou les marchés internationaux. En 1906, à l’occasion de la découverte d’un important atelier de faux duros, la presse souligne que la production est écoulée jusqu’à Madrid par le truchement d’agents spécialisés33. À de nombreuses reprises, les journalistes se font l’écho des relations techniques et commerciales nouées entre la fabrique barcelonaise et certains de ses marchés situés aussi bien au nord (Saragosse34), au centre (Madrid35) qu’au sud du pays (Valence36). Liens d’interdépendance, du reste, car il arrive qu’en retour les ateliers clandestins des autres grandes régions productrices espagnoles fournissent le marché barcelonais : la mise à jour d’un gros atelier à Jaca, en 1908, permet de constater que les faux duros qui y étaient fabriqués ont alimenté, à Barcelone, les caisses de la succursale de la Banque d’Espagne37. Par ailleurs, la fabrique catalane exporte ses fausses monnaies d’argent à l’étranger, en France, en Belgique, en Suisse ou en Italie, bref dans les pays de l’Union latine38. Certes, il ne s’agit pas, en l’occurrence, de faux duros, mais de fausse monnaie nationale frappée, à Barcelone, dans les mêmes conditions que le duro sevillano. Les faux-monnayeurs catalans ne font que suivre la loi de l’offre et de la demande : d’un côté, une offre d’argent pléthorique en Espagne ; de l’autre, une demande importante émanant des sociétés locales qui, dans les pays de l’Union latine, ont besoin de monnaies d’argent pour solder les transactions quotidiennes. Le cas de la France est particulier car la pièce de 5 francs – l’écu – y possède toujours, au début du XXe siècle, un pouvoir libératoire illimité. Il suffit donc aux faux-monnayeurs catalans de changer le coin de leur presse pour fabriquer cette pièce d’argent qui, comme le duro, pèse 25 grammes et titre 900 millièmes. Bien souvent, ils alternent les deux productions, à l’image de cet atelier démantelé en 1898 et dans lequel la police découvre, outre 1.760 faux duros, 500 fausses pièces de 5 francs39.
18Ainsi, dans la maîtrise des circuits commerciaux comme dans l’organisation de la production, rien ne différencie vraiment, en Catalogne, les structures de la fabrique clandestine de celles d’une activité proto-industrielle classique. Ce mimétisme peut contribuer, le moment venu, à faciliter le « passage à l’acte » d’un individu disposant d’une réserve de capitaux. Mais ce mimétisme est également perceptible à l’autre bout de la chaîne du faux monnayage, là où s’activent ceux dont la fonction est d’écouler la fausse monnaie.
19D’un point de vue organisationnel, en effet, le faux monnayage catalan en général et la fabrique du duro en particulier sont moins des activités de fabricants que des activités de négociants. La rentabilité d’un atelier clandestin repose plus sur la qualité de son « réseau » de distribution que sur la maîtrise technique de ses fabrications. Comme le montrent les sentences de l’Audience provinciale de Barcelone, les 98 affaires déférées à la justice pour fraude monétaire entre 1898 et 1909 le sont à 87 % pour émission de fausse monnaie, à 47 % pour émission de fausse monnaie métallique, et à 25 % pour émission de faux duros. C’est ce chiffre – un quart des affaires de faux monnayage portant sur l’émission d’une seule pièce – qui révèle l’importance de l’organisation locale de la fraude monétaire.
20Les émetteurs de duros sevillanos écoulent leur marchandise principalement à Barcelone. Dans bon nombre de cas, la distance qui sépare le lieu de fabrication du lieu d’écoulement est réduite. Conformément au modèle du « travail en chambre », la plupart des ateliers sont installés dans des appartements situés en ville, au cœur de la population, avec une certaine prédilection cependant pour les quartiers périphériques (San Gervasio/Sant Gervasi, San Andres/Sant Andreu40…). La diffusion proprement dite, en revanche, intervient dans les quartiers centraux où se concentre l’activité humaine. Il s’agit là d’un tropisme général de la fabrique clandestine catalane puisque près des deux tiers de l’écoulement (espèces et billets) se fait dans les districts du centre ville, ceux de l’université (Universidad) et des arsenaux (Atarazanas) qui constituent la base et le sommet du triangle formé par le quartier du Raval, dont la partie méridionale est occupée par le mythique « Barrio Chino » (Barri Xino), sorte de « Chinatown » qui regroupe les activités illégales de Barcelone41. Si le choix du lieu d’écoulement est dicté par des contraintes juridiques42, il dépend aussi beaucoup de la connaissance qu’ont les émetteurs de leur terrain d’action. Les deux paramètres se conjuguent pour faire des boutiques et des marchés les principaux lieux d’écoulement43. Il est vrai que cette opération repose en grande partie sur les femmes qui, souvent, dirigent l’économie domestique et représentent, parmi tous les cas d’émission mentionnés par la presse entre 1898 et 190944, 60 % environ des personnes arrêtées. Certes, cette population flottante d’émettrices n’écoule à chaque fois que de petites quantités de faux duros, mais elle transforme son espace d’intervention habituel en zone d’exploitation très rentable. C’est là l’organisation locale, urbaine et hétérosexuée de la fabrique du faux duro avant que celui-ci ne prenne la direction des grandes villes espagnoles et ne donne lieu à d’autres types de ramifications.
21Il existe donc, à l’autre extrémité de la chaîne du faux monnayage, au niveau de l’écoulement, une ressemblance entre activité licite et activité illicite. Mais cette banalisation des activités n’explique pas à elle seule l’extraordinaire diffusion du duro sevillano. Pour celui qui émet cette fausse monnaie, la principale motivation reste en effet l’espoir d’améliorer sa condition sociale.
22La sociologie rétrospective de la population affectée à l’émission des fausses pièces met en lumière sa grande vulnérabilité économique. Tous ceux qui émettent exercent des professions plutôt situées au bas de l’échelle sociale : ouvriers et journaliers (22 %), artisans (21 %), sans profession (16 %), majoritairement des femmes dans ce dernier cas. Mais le problème des distributeurs de faux duros réside moins dans le métier qu’ils exercent que dans la structuration des relations salariales. Celles-ci, fortement polarisées, opposent une élite de dominants à une masse de dominés qui ne bénéficient d’aucune véritable protection sociale. Sans être « désaffiliés » pour reprendre le vocabulaire de la sociologie du travail, ces petits émetteurs de fausse monnaie sont vulnérables ; ils appartiennent, comme leurs compatriotes opérant en France45, à une « zone grise » de la société, à mi-chemin entre une intégration rêvée et une exclusion toujours possible. Écouler de la fausse monnaie représente donc un espoir sérieux de quitter temporairement cette zone. À Barcelone, une mendiante de 85 ans, veuve, n’a pas d’autre choix que de se livrer à ce type d’activité46.
23C’est donc la pression des conditions socio-économiques qui légitime le plus la fabrique du faux duro. Pour le groupe des émetteurs et pour la quasi-totalité des faux-monnayeurs, le mimétisme entre activité licite et activité illicite ne fait que renforcer ce sentiment de légitimité. En revanche, un tel mimétisme constitue le principal facteur déclenchant du côté des investisseurs. Dans une société catalane peu protectrice, tous les acteurs de la fraude monétaire optent pour une organisation sociale fondée sur l’initiative individuelle et le marché. Et tant mieux si la pièce contrefaite a la même valeur marchande que son modèle.
24Il n’en va pas de même pour l’État espagnol qui considère le duro sevillano comme une monnaie vraiment fausse. Les principales autorités du pays, le roi, le gouvernement, l’administration des Finances et de la Justice, la Banque d’Espagne et la Casa de la Moneda se fondent sur une définition de la monnaie comme objet et comme symbole pour distinguer le vrai duro du faux. Le vrai duro est à la fois le numéraire qui possède le sceau de l’État et le signe par lequel les individus expriment leur appartenance à une communauté où l’on utilise le même système de compte. Le duro sevillano ne bénéficiant, ni du coin de l’État, ni de la confiance supposée des membres de la communauté, il n’a pas d’autre valeur que marchande. C’est cette pensée qu’exprime le ministre Sánchez Bustillo devant le congrès le 17 juillet 1908 : « J’ai dû affronter le fait que circulent comme monnaie d’argent des disques qui, parce qu’ils ne possèdent pas le coin officiel, ne peuvent valoir plus que leur valeur intrinsèque47. »
25Selon cette définition, le conflit entre légalité et légitimité monétaire est toujours tranché au profit de la légalité monétaire. Alors que les faux-monnayeurs catalans opposent les deux notions afin de légitimer leurs pratiques monétaires, les autorités madrilènes les confondent au nom d’une conception supérieure de la monnaie. Du reste, elles pratiquent souvent un abus de langage en parlant de « duro légitime » (duro legítimo) en lieu et place du duro légal. C’est au nom de cette conception de la légitimité supérieure de la monnaie que les autorités décident, en 1908, de ramasser les duros sevillanos, puis de les échanger contre de vrais duros.
26Le 16 juillet 1908, une ordonnance royale est publiée dans la Gaceta de Madrid afin de définir les modalités de cette double opération. Conformément à leur vision de la monnaie, les autorités n’envisagent de ramasser que le faux duro et de ne l’échanger que contre sa valeur intrinsèque. Les caisses publiques et les succursales de la Banque d’Espagne sont invitées à retirer discrètement de la circulation les pièces qui leur paraissent suspectes. Après avoir fait examiner ces dernières par un essayeur juré (fiel-contraste), elles doivent les remettre, si leur caractère frauduleux est confirmé, à la Casa de la Moneda où elles seront démonétisées. Caisses et succursales sont habilitées à délivrer aux personnes de bonne foi qui ont présenté des monnaies falsifiées un reçu qui leur permettra d’être dédommagées à hauteur de la valeur intrinsèque des pièces retirées, déduction faite du coût de la refonte du métal en lingots. En tout état de cause, le taux de change de chaque duro sevillano ne devrait pas être supérieur à 2,5 pesetas. Si le raisonnement du gouvernement semble logique, il repose néanmoins sur des prémices fragiles. Comment distinguer dans la pratique un faux duro d’un vrai ? Surtout, l’État central est-il en mesure de réguler le conflit de légitimité entre les différents émetteurs de duros ? Peut-il mettre en œuvre les conditions indispensables à la « fiduciarité » de la monnaie ?
Le duro sevillano « miroir » de la crise de souveraineté de l’État
27À cause de la diffusion massive de duros sevillanos, l’État central se trouve confronté à une multitude de conflits de nature sociale et territoriale. Ces conflits multiformes ne font que traduire la profonde crise de confiance que traverse, à ce moment-là, l’État-nation espagnol.
28Le premier conflit né de la fabrique clandestine du duro est celui qui oppose l’État en tant qu’émetteur central à d’autres émetteurs disséminés sur tout le territoire péninsulaire, notamment en Catalogne. Cette concurrence entre émetteurs est le fruit de l’incurie de l’État espagnol qui affiche encore, au début du XXe siècle, son attachement au double étalon alors que le rapport commercial entre l’or et l’argent après 1873 s’éloigne de son cours « pivot », fixé historiquement à 15,548. Mais, comme le rappelle Luís Barrera Coronado, l’Espagne est alors persuadée que tout rentrera dans l’ordre par le simple jeu du marché49. Cet attachement aveugle aux principes du libéralisme se traduit par une distorsion croissante entre le taux de change légal des pièces d’or et d’argent par rapport à l’unité de compte et leur taux de change réel fondé sur leur valeur intrinsèque : vers 1895, une pièce d’or de 20 pesetas vaut officiellement quatre duros ; en réalité, elle en vaut dix. Aussi la circulation de l’argent, déjà importante, devient-elle pléthorique avec l’arrivée sur le marché de la production des ateliers clandestins. Certes, les autorités ont connaissance, dès 1894, d’une falsification du duro. Mais elles préfèrent ne pas la rendre publique, arguant du fait que la reconnaissance de cette fraude entraînerait un rejet systématique de tous les types de pièces de même valeur. Ce mutisme est lourd de conséquences : il se traduit par une compétition accrue entre émetteurs, par une fragmentation progressive de l’unité des paiements et, finalement, par une défiance croissante des Espagnols à l’égard de leur système de compte.
29Deuxième conflit mis en lumière par le duro sevillano, celui qui oppose l’État en tant que puissance de monnayage à la société utilisatrice de monnaie. C’est encore l’État espagnol qui, par son imprévoyance, est responsable de cet affrontement dont le degré d’intensité dépasse le simple stade de la dialectique entre norme publique et norme privée, inhérente à la construction des États-nations.
30En 1908, la société espagnole, pour qui la falsification du duro n’est plus un secret depuis longtemps, a déjà tout lieu de penser que l’État, par ses manipulations de l’unité de compte, est le premier faux-monnayeur d’Espagne : c’est le résultat de l’émission, sous Alphonse XIII, de plusieurs types de duros dont la valeur faciale est toujours de 5 pesetas. Les Espagnols constatent, par ailleurs, qu’en continuant d’émettre des duros dévalorisés, l’État poursuit son intérêt particulier – l’allègement de la dette intérieure – mais renonce à garantir l’intérêt général. L’inflation de numéraire d’argent affaiblit la peseta et ronge le pouvoir d’achat des Espagnols. La promulgation du premier texte de loi sur le ramassage du duro, le 16 juillet 1908, officialise cette dévaluation qui ne dit pas son nom. Les duros sevillanos ne sont échangés que pour leur valeur intrinsèque et les Espagnols, qui craignent de perdre, du jour au lendemain, la moitié de la valeur nominale de leur numéraire, refusent tous les duros sans exception. Les craintes formulées par l’État en 1894 ont fini par se réaliser mais quatorze ans plus tard, à une date où le faux duro représente peut-être la moitié de la circulation des pièces de 5 pesetas50.
31Devant une telle confusion, l’État tente de corriger le tir et publie, le 2 août 1908, un deuxième texte – une loi – qui, s’il revient entièrement sur les dispositions du précédent, ne se traduit pas par une meilleure régulation de l’ordre monétaire. Certes, les duros sevillanos sont désormais échangés à hauteur de leur valeur nominale. Mais comme les critères permettant de séparer les vraies pièces des fausses sont pour ainsi dire inapplicables – même le ministre Sánchez Bustillo se déclare incapable de les différencier51 –, les Espagnols continuent de se défier du duro. L’État n’est-il pas d’ailleurs le premier à reconnaître une certaine légitimité aux faussaires en faisant reposer l’échange sur un principe d’équivalence entre la fausse monnaie et la monnaie légale ? Au bout du compte, c’est la justice qui illustre le mieux cette confusion inédite des normes. Tandis que le code pénal de 1870, nourri des réflexions de son plus grand commentateur, le juriste Groizard y Gómez de la Serna52, est un monument de modernité qui, conformément à la définition « fiduciaire » de la monnaie, considère le faux monnayage comme une criminalité dirigée contre l’ordre public, les juges déchirent cette fiction en faisant preuve de mansuétude à l’égard des faussaires : 42 % des personnes poursuivies devant l’Audience provinciale de Barcelone pour émission de faux numéraire entre 1898 et 1909 sont relaxées, et 23 % condamnées à moins de trois mois de prison53. Bien que le code pénal prévoie pour eux de lourdes peines d’emprisonnement, du moins quand ils agissent de connivence avec les fabricants54, les émetteurs de fausse monnaie jouissent d’une relative impunité. Il est donc patent que l’État hésite à affirmer son autorité en matière monétaire. Dans ces conditions, les Espagnols ne peuvent que révoquer en doute la légitimité de son pouvoir sur la monnaie.
32La fabrique clandestine du duro engendre donc deux formes de conflit entre l’État et la société espagnole : un conflit d’émission et un conflit hiérarchique. Tous deux mettent en lumière la crise politique que traverse l’Espagne dans le domaine monétaire ou, plus exactement, la crise du politique sur la monnaie. C’est bien la légitimité de l’État dans la forme d’exercice de sa souveraineté sur la monnaie qui est contestée par les Espagnols. Ceux-ci n’ont toujours pas confiance dans un système monétaire centralisé qui échoue à garantir l’unité de compte et, par conséquent, l’unité des paiements. Il n’est donc pas exagéré de dire que la falsification du duro provoque une crise monétaire majeure en Espagne. L’échec de l’État libéral dans la construction d’une souveraineté monétaire montre, en outre, son incapacité à contrôler, sinon à unifier, le territoire national au début du XXe siècle. Mais cet échec n’est-il pas le signe d’une autre forme de défaillance de l’État, plus grave, en matière de protection sociale ?
33La crise du duro sevillano suscite en effet d’autres conflits qui doivent être pensés à partir d’un ailleurs non monétaire. Ainsi assiste-t-on, à l’occasion de cette crise, à la résurgence d’un conflit social entre capitalistes et salariés, dominants et dominés. Ce que montre la fabrique clandestine du duro, c’est qu’en Espagne la domination des élites s’exerce aussi par le contrôle de la monnaie et du crédit. La décision du gouvernement d’officialiser la falsification et de ramasser les espèces contrefaites pénalise les catégories sociales les plus fragiles, celles qui subissent quotidiennement la violence symbolique liée à l’inégale répartition des moyens de paiement que seule l’unité de compte permet, en temps normal, de masquer. Mais quand le duro cesse de circuler, le voile des euphémismes monétaires se déchire devant les dysfonctionnements de l’économie domestique. Les salariés, les commerçants et les vendeurs refusent d’être payés en duros, les ménagères ont de grandes difficultés à régler les transactions de la vie courante, chaque composante sociale butant finalement sur la pénurie de monnaies divisionnaires en argent – les pièces de 1 et 2 pesetas, d’ailleurs contrefaites elles aussi – et de monnaies fractionnaires (petite monnaie ou calderilla). À Barcelone qui compte, en 1900, environ 100 000 ouvriers sur 500 000 habitants55, de telles perturbations se traduisent immédiatement par une crise sociale. Pour les Catalans comme pour bon nombre d’Espagnols, la crise du duro révèle la défaillance de l’État dans sa fonction protectrice. Dans un pays où n’existe encore aucun véritable système d’assurances sociales56 et où les salariés doivent compter sur les solidarités de proximité pour survivre, l’État préfère satisfaire les intérêts d’une minorité de privilégiés plutôt que de réduire les inégalités, en l’occurrence les inégalités monétaires.
34Ainsi les autorités profitent-elles de la crise du duro pour imposer la monnaie fiduciaire, jugée plus moderne mais également plus favorable à l’élite. Les billets mis en circulation pour pallier la pénurie de monnaie métallique de cours légal n’ont, de fait, aucune utilité sociale : ce sont des coupures de 25 et 1 000 pesetas (5 et 200 duros). En Espagne, l’État n’a toujours pas admis, au début du XXe siècle, qu’il lui fallait édifier un système de normes communes permettant de créer un lien entre tous les citoyens. Aucune des conditions nécessaires au fonctionnement de la « dette sociale », même sur un mode embryonnaire, n’y est remplie. Les Espagnols sont les éternels débiteurs d’un État qui ponctionne leurs revenus (fiscalité) et leurs ressources humaines (conscription) sans jamais rembourser sa dette par une politique de redistribution. Cette absence de réciprocité dans les rapports entre l’État et la société trouve, à Barcelone, un épilogue tragique avec la « Semaine tragique » (Semana trágica) de juillet 1909 qui constitue l’acmé de l’antiétatisme populaire et une manifestation désespérée de l’absence de confiance dans l’avenir de la communauté nationale57. Ce que révèle l’épisode du duro sevillano, ce n’est donc pas simplement une crise de légitimité de la souveraineté monétaire de l’État, mais une crise de la souveraineté même de l’État.
35Cette remise en cause des fondements de la souveraineté nationale n’est jamais aussi palpable qu’en Catalogne. C’est le quatrième type de conflit que révèle la crise monétaire du duro. Les élites économiques barcelonaises, toujours promptes à revendiquer une modernisation du système politique espagnol, saisissent l’opportunité de cette crise pour dénoncer une nouvelle fois l’incompétence et le manque d’autorité de l’État central. En mars 1903, la Ligue pour la défense du commerce et de l’industrie (Liga de defensa comercial e industrial) en appelle à une régulation hiérarchique plus ferme pour que cesse la falsification58. Mais cette régulation doit-elle émaner uniquement du pouvoir politique madrilène ? Derrière ce besoin anonyme de hiérarchie se cache le désir d’une meilleure répartition des compétences entre hiérarchie centrale et hiérarchie locale. La revendication est donc moins technique que politique ou territoriale. Contester la légitimité de la forme centralisée du monnayage est une autre manière, pour les élites de Barcelone, de contester la légitimité de la logique centralisatrice et uniformisatrice adoptée par l’État libéral dans la deuxième moitié du XIXe siècle. À l’heure de la formulation d’un projet catalaniste moderne fondé sur l’autonomie administrative59, ces élites dénient à l’État central le droit d’incarner seul l’ensemble de la nation, allant même jusqu’à substituer à une solidarité nationale absente une « solidarité catalane60 » effective.
36C’est donc plusieurs conflits sociaux et territoriaux qui sont en germe dans la fabrique clandestine du duro sevillano. L’élucidation de ces conflits permet d’observer un glissement dans l’interprétation de la crise qui affecte l’État espagnol. La crise, qui revêt d’abord une dimension technique et monétaire, acquiert bientôt une dimension sociale et politique. D’une crise de légitimité, on passe à une crise de souveraineté. La fragmentation de l’unité de la communauté de paiements est devenue une fragmentation de la communauté nationale elle-même.
37La fabrique clandestine du duro sevillano enrichit incontestablement l’épistémologie du faux monnayage. Elle met en scène deux visions antagonistes de la monnaie. Tandis que l’État espagnol considère le duro sevillano comme une monnaie vraiment fausse, la société espagnole le considère comme une monnaie légitime. Il est vrai que cette fausse pièce est une imitation presque parfaite de l’original et qu’elle constitue, pour beaucoup d’acteurs de la falsification, l’espoir de quitter la zone de vulnérabilité socio-économique dans laquelle ils se trouvent. Mais ce qui fait du faux duro un cas exceptionnel, c’est que son degré de perfection est si élevé, sa capacité à circuler comme moyen de paiement si établie, que l’État finit par douter de sa propre légitimité. Le duro sevillano est bel et bien devenu, à la veille de son ramassage, en 1908, une « vraie-fausse » monnaie. Situé à la croisée entre l’illicite et le licite, il est à l’origine d’une multitude de conflits sociaux et territoriaux qui affectent tous les types de confiance dont la société investit traditionnellement la monnaie : confiance méthodique ou routinière, confiance hiérarchique, confiance éthique, surtout, car le duro sevillano révèle la crise du système de valeurs structurant la société espagnole. Mais, en réalité, le faux duro permet d’en savoir autant sur la société espagnole du début du XXe siècle que sur la monnaie à l’époque contemporaine. À l’échelle de l’Espagne, le duro sevillano « dévoile » la crise de souveraineté que traversent la monarchie et l’État espagnols, tous deux incapables d’assurer le fonctionnement de la « dette sociale » et la construction d’une base morale et symbolique sur laquelle fonder l’appartenance à la communauté nationale. Il n’existe pas encore d’État-nation en Espagne au début du XXe siècle. Dans la crise de souveraineté révélée par le duro sevillano, il est possible de lire, par conséquent, l’arrivée de la dictature de Primo de Rivera et son désir de reconstruire en Espagne une communauté éthique, à défaut d’une communauté protectrice. Mais le pouvoir heuristique du duro sevillano est double, car il permet de décrypter les relations entre monnaie et société à l’époque contemporaine61. Ainsi la monnaie n’est-elle qu’un voile posé sur les rapports sociaux, mais un voile que le faux monnayage, comme n’importe quelle crise monétaire, permet de déchirer. Si la communauté de paiements espagnole se fragmente sous la pression du faux duro, c’est que les rapports sociaux y sont particulièrement violents. Comme le rappelle Bruno Théret, il n’est pas de bonne monnaie sans « bon compromis social62 ». Le faux monnayage permet donc de comprendre qu’il est illusoire de vouloir imposer par la force la « fiduciarité » de la monnaie. Un acquis intéressant à l’ère des constructions abstraites, celles de l’État-nation et des entités supranationales.
Bibliographie
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VERLEY, Patrick, Entreprises et entrepreneurs du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, Paris, Hachette, 1994.
Notes de bas de page
1 El Noticiero Universal, désormais noté ENU.
2 BARRERA CORONADO, Catálogo General de la Moneda Falsa Española. Desde los Reyes Católicos a Juan Carlos I, pp. 177-178.
3 La loi du 29 juillet 1908, parue dans la Gaceta de Madrid le 2 août, prévoit de concentrer l’échange des monnaies sur une brève période de temps, finalement fixée entre le 10 et le 24 août. En réalité, c’est le 6 avril 1908 que la Banque d’Espagne commence à ramasser les faux duros. Les opérations ont continué bien après la date prévue, puisqu’elles ont été prolongées jusqu’au 25 décembre 1909 ; cette date marque la fin de la première période du ramassage. Les opérations reprendront le 3 janvier 1910, mais cette fois-ci pour un temps illimité.
4 BARRERA CORONADO, p. 175.
5 Pour reprendre la métaphore employée par Bruno Théret dans l’introduction d’un ouvrage sur les crises monétaires paru sous sa direction. Voir THÉRET (dir.), La monnaie dévoilée par ses crises, vol. 1, Crises monétaires d’hier et d’aujourd’hui, pp. 13-14.
6 Archivo Histórico Nacional (désormais AHN), section Finances (Hacienda), en particulier liasse 7608, dossiers 1, 2 et 7.
7 Les affaires antérieures à 1900 sont conservées aux Archives de la Couronne d’Aragon, les affaires postérieures à cette date aux archives centrales de l’Audience provinciale de Barcelone. Ces dernières se composent uniquement de sentences, aucun dossier de procédure n’ayant été conservé à l’exception d’un seul. Ces sentences, au nombre de 98, renvoient aux affaires de faux monnayage traitées par les tribunaux de jurés siégeant dans la province de Barcelone entre 1898 et 1909. Nous remercions Amaia Boloquy pour l’aide qu’elle nous a apportée dans la constitution de la base de données de cette communication.
8 Essentiellement El Noticiero Universal et La Vanguardia, dont les collections sont conservées aux archives historiques de la cité de Barcelone (Arxiu Històric de la Ciutat de Barcelona, Fons hemerogràfics). D’autres collections numérisées ont été consultées, que ce soit dans l’hémérothèque de la Bibliothèque nationale d’Espagne (Nuevo Mundo) ou dans celle de la municipalité de Gijón (El Noroeste).
9 Fondée en 1865 et abandonnée en 1926, l’Union monétaire latine, à laquelle appartiennent la France, la Suisse, l’Italie, le Luxembourg, la Belgique et la Grèce, s’affirme au départ comme une institution rassemblant les principaux pays bimétallistes européens.
10 EINAUDI, « From the Franc to the Europe : The Attempted Transformation of the Latin Monetary Union into a European Monetary Union, 1865-1873 », pp. 284-308.
11 BARREDA CORONADO, p. 165. L’or ne représente plus, en 1898, que le quart de la circulation de 1880.
12 MARTORELL, Historia de la peseta. La España contemporánea a través de su moneda, p. 135. Dans les années 1890, le prix des 25 grammes d’argent s’établit en dessous de 3 pesetas.
13 Affaire Maojo, déclaration de Jose Maojo du 30 novembre 1907.
14 La découverte d’une fabrique de fausse monnaie, en 1905, met en lumière le fait que les faussaires revendent leurs duros 3,5 pesetas l’unité, soit un gain d’1,5 pesetas (ENU, 23 novembre 1905). Dans un autre atelier, situé dans le quartier San Gervasio, la marge serait de 20 à 25 %, soit un gain unitaire de 1 à 1,25 pesetas (ENU, 14 avril 1905). Les exemples donnés par Luís Barrera Coronado pour le reste de l’Espagne tendent à accréditer l’idée d’un gain unitaire voisin d’1 peseta. BARREDA CORONADO, p. 175.
15 Tel cet atelier démantelé en juin 1906 et qui est situé dans le quartier San Gervasio. Selon La Vanguardia (20 juin 1906), il frappait jusqu’à 200.000 pesetas par an envoyées sur un vaste rayon en Espagne.
16 ENU, 27 juin 1898.
17 AHN, liasse 7608, dossier 4.
18 C’est le cas en 1876 et en 1877 pour des falsifications à l’effigie d’Alphonse XII.
19 Le faux monnayage occasionnel utilise des moules en plâtre (moldes de escayola) et des creusets (crisoles) pour faire fondre le métal.
20 La découverte d’un atelier à Terrassa, village situé à proximité de Barcelone, révèle l’existence de trois machines dont un découpoir – il remplace la découpe manuelle des flans – et une presse à balancier (cf. ENU, 1er novembre 1899).
21 VERLEY Patrick, Entreprises et entrepreneurs du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, pp. 12-17.
22 BARRERA CORONADO, pp. 179-207.
23 ENU, 23 novembre 1905.
24 Procès contre Luís Maojo, serrurier, 16 novembre 1899.
25 Le mécanicien allemand Dietrich Uhlhorn révolutionne, entre 1817 et 1830, les presses monétaires en substituant au système de la vis et du balancier celui du levier. Cette invention est perfectionnée à la Monnaie de Paris en 1845-1846, par l’ingénieur français Thonnelier.
26 ENU, 27 août 1908.
27 DAUMAS Jean-Claude, « Dans la boîte noire des districts industriels », pp. 9-34.
28 MARTORELL, p. 121.
29 Gaceta de Madrid, 3 août 1908.
30 El Noroeste, 6 août 1908.
31 GRANOVETTER, « Les institutions économiques comme constructions sociales : un cadre d’analyse », pp. 79-94.
32 ENU, 14 juillet 1904.
33 La Vanguardia, 20 juin 1906.
34 À Saragosse, les autorités découvrent, soit un dépôt de fausses monnaies (La Vanguardia, 3 septembre 1899), soit des machines (ENU, 9 janvier 1906) en provenance de Barcelone. À Tauste, une petite ville située près de Saragosse, c’est la matière première – l’argent sous forme de lingots – qui vient de Barcelone (Nuevo Mundo, 27 août 1908, p. 15).
35 ENU, 27 février 1908.
36 À Valence, il s’agit d’un dépôt de fausses monnaies (ENU, 12 décembre 1901).
37 Nuevo Mundo, 24 septembre 1908, p. 24. Les espèces concernées portent sur de nombreux types et millésimes (1876 à 1879, 1881 à 1885, 1888 à 1894, 1896 à 1899) ; c’est le signe de la solidité des liens d’interdépendance existant entre Barcelone et les autres régions productrices.
38 ENU, 3 avril 1906.
39 ENU, 26 juin 1898.
40 Les frères Maojo, par exemple, habitent le nord de la ville : Jose, le « jefe » de la bande, vit dans le quartier Horta tandis que son frère Dionisio, qui est locataire de l’appartement où est installée la presse monétaire, habite le quartier San Andres au 44 de la rue de Vistalegre.
41 GABRIEL, « La Barcelone ouvrière et prolétaire », pp. 76-78.
42 Selon l’article 301 du code pénal de 1870, le délit d’introduction de fausse monnaie n’est pas constitué quand un individu de bonne foi – mais comment le prouver ? – écoule pour moins de 125 pesetas de faux numéraire. S’il s’agit d’un montant supérieur, il doit, en revanche, s’acquitter d’une amende égale au triple du montant considéré.
43 À commencer par le célèbre marché San Jose/Sant Josep (l’actuel marché de la Boqueria), situé dans le Barrio Chino.
44 Sur les 127 articles de presse relatant des faits de faux monnayage dans la province de Barcelone et pour lesquels aucune correspondance n’a pu être établie avec les archives judiciaires.
45 LASTÉCOUÈRES, « La fausse monnaie dans le miroir du système monétaire international : le cas des faussaires espagnols en activité en France (1850-1900) », pp. 234-238.
46 Procès contre Maria Giro y Nicolau, mendiante, 17 juin 1902.
47 MARTORELL, p. 139.
48 FLANDREAU, L’or du monde. La France et la stabilité du système monétaire international, 1848- 1873, p. 28.
49 BARRERA CORONADO, p. 175.
50 BARRERA CORONADO, pp. 176-177.
51 MARTORELL., p. 139.
52 PEDREIRA GONZÁLEZ, La prescripción de los delitos y de las faltas. Doctrina yjurisprudencia, pp. 56-57.
53 Les proportions sont comparables (43 % d’acquittements et 16 % de peines de moins de trois mois d’emprisonnement) dans le cas des 156 personnes traduites devant la justice barcelonaise pour fraude monétaire, quelle que soit l’incrimination (émission ou fabrication) et quel que soit le support de la fraude (numéraire ou billet).
54 Une peine d’emprisonnement qui peut aller jusqu’à perpétuité en vertu de l’article 299 du code pénal de 1870.
55 GABRIEL, p. 69.
56 FERNANDEZ, « Pour une comparaison internationale : principes et enjeux de la protection sociale en Espagne de l’État libéral du XIXe siècle à la Seconde République », pp. 115-125.
57 BARRACHINA, « Chronique de la Semaine tragique », pp. 89-99.
58 ENU, 17 mars 1903.
59 CASASSAS et SANTACANA, Le nationalisme catalan, pp. 39-61.
60 Étymologiquement « solidaritat catalana ». C’est aussi le nom du mouvement politique et civil formé en 1906, sur une base sociale assez large – la classe moyenne urbaine –, par les partis et organisations catalanistes, dont la Lliga regionalista, fondée en 1901.
61 CAPOROSSI et LASTÉCOUÈRES, « Pour une histoire sociale et européenne du faux monnayage », pp. 213-214.
62 THÉRET (dir.), p. 47.
Auteur
Université de Bordeaux III
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