Prêtres et commande artistique : un état de la bibliographie XVIe-XVIIIe siècles
p. 43-57
Texte intégral
1« La commande des œuvres d’art : une affaire d’usages, d’autorités ou de goûts ? ». Ainsi tronquée, la question pourrait s’inscrire dans la lignée des grandes études, anciennes ou récentes, qui ont permis depuis un certain temps déjà, de mieux comprendre quelle était la genèse des productions artistiques. Ces enquêtes ont mis l’accent, et ceci de façon pérenne, sur au moins deux points essentiels : le cheminement de la conception intellectuelle à la matérialisation, ainsi que la variété des modalités inhérentes à la gestation de l’œuvre produite. L’œuvre d’art (dans son acceptation la plus large) est dans la majeure partie des cas, le fruit d’une entreprise collective. Quelle qu’elle soit (architecture, peinture, sculpture, réalisation textile ou orfévrée…), où qu’elle naisse, et quelle que soit sa date de réalisation, sa matérialité la place en un aval généré par les échanges humains. Ceux-ci sont multiples : les premiers contacts entre ceux qui la désirent, ceux qui la pensent et ceux qui la font, les tractations, les changements de partis, enfin le projet établi par écrit ou même dessiné sur le papier, l’approbation face à l’idée enfin sortie de la pierre, du bois, du métal ou des matières organiques, parfois la déception, l’agacement, la dispute, voire le procès… Autant de paramètres qui, imbriqués ou mis bout à bout, illustrent la multiplicité, ainsi que la complexité du thème de la commande. Qui commande ? Pourquoi ? Pour qui ? Questions essentielles débouchant sur un éventail infini de réponses qui, considérées de manière sérielle, invitent à penser qu’au-delà des grands principes, le sujet ne devrait être traité qu’au cas par cas. Même brillamment abordé, et ceci par les plus grands chercheurs, le processus garde à jamais sa part d’ombres, son lot de non-dits et de non-sus.
2Nous empruntons cependant un chemin qui ne semble, de prime abord, que peu balisé. Quittant les grandes voies qui mènent aux cités, nous choisissons de bifurquer vers les lieux plus isolés, souvent considérés comme plus reculés. Nous empruntons le chemin de la plaine rurale, nous gravissons les montagnes, nous gagnons la paroisse de campagne… Celle-ci est connue : elle a été maintes fois étudiée. Nous reviendrons sur ce point. Le prêtre, voire les prêtres, qui l’habitent ne sont pas non plus des étrangers tant il est vrai que nos prédécesseurs se sont admirablement penchés sur leur cas. Le cadre de leur ministère, l’église, est elle aussi à présent bien connue, documentée, par des clichés, des bases de données, des travaux universitaires. Il en est de même, quoique dans une moindre mesure, du lieu où ils vivent, le presbytère. Cet endroit est essentiel, nous le verrons, car ils y rassemblent les objets qui leurs sont chers, ainsi que ceux qui leurs sont utiles. Leur rôle au sein de la communauté villageoise, les rapports qu’ils entretiennent avec leurs ouailles sont eux aussi, si j’ose dire, de « notoriété publique », de même que leurs travers supposés, et parfois amplifiés. Ces pivots de la vie paroissiale nous semblent donc a priori familiers, d’autant plus que leur image a clairement été redéfinie par des études précises, gommant oripeaux romantiques et rendant obsolètes les images d’Épinal.
3La rencontre des deux grands sujets de recherches que sont la commande et le prêtre nous amène à poser la question de la part des curés ruraux dans la commande des œuvres paroissiales. Quel est leur rôle exact auprès des artistes qui façonnent l’œuvre ? En quoi leurs goûts, donc leur culture, interviennent-ils dans les choix iconographiques, matériels ou stylistiques ? En quoi enfin le clergé paroissial est-il tributaire des décisions, des ordres émanant des autres grands acteurs que paraissent être d’une part la hiérarchie ecclésiastique, d’autre part la fabrique du lieu ?
Quelques éléments méthodologiques pour une approche bibliographique
4Ce type d’enquête se heurte à un premier écueil de taille : le thème en lui-même n’a jamais été placé au centre d’une recherche d’histoire ou d’histoire de l’art. Le sujet n’apparaît dans la plupart des cas que de façon allusive, marginale, quand il n’est pas sous-entendu. Ainsi, même si les travaux consacrés aux curés abondent, on doit constater d’emblée qu’au sein de l’important corpus bibliographique, nous devons la plupart du temps nous contenter de brèves mentions, de courts passages. La question n’est que peu traitée sous cet angle, ceci en dépit des indications parfois très précises et documentées que nous fournissent les chercheurs sur les prêtres. Cette première difficulté pousse ainsi à aborder la question selon un axe plus large : les grands travaux doivent tous être considérés, voire dépouillés, afin de localiser ces maigres mentions qui, une fois rassemblées, permettront d’extraire ce sujet des marges, pour en faire un point focal. Il est de fait évident qu’un chercheur isolé face à cette « immensité bibliographique » ne peut en aucun cas prétendre parvenir à l’exhaustivité. Le dépouillement des travaux universitaires, des grands périodiques relatifs à l’histoire de l’Église ou encore des volumes émanant des sociétés savantes locales permet cependant de trouver des mentions de l’activité des curés au sein de leur église. Citons afin d’illustrer ceci le travail que Nicole Andrieu a récemment consacré à la fabrique de Montesquieu-Volvestre (Haute-Garonne)1. Forte de la découverte de registres de fabrique dans la sacristie de l’église, l’auteur évoque les activités de cette dernière, et précise qu’en 1866, « elle finance le remplacement des stalles, les anciennes ne paraissant pas au nouveau curé en rapport avec la dignité du culte. Les travaux sont réalisés à la plus grande satisfaction des fabriciens qui indiquent que “le choix des matières, la forme élégante, le soin de la construction, l’ensemble en un mot, fait de leur objet un véritable ornement pour l’église et mérite à bon droit à Monsieur le Curé, la reconnaissance de la paroisse” ». En 1881, alors qu’un nouveau desservant s’installe, il « propose de restaurer l’église, la fabrique vote à l’unanimité en faveur de ce projet et demande au curé de choisir l’architecte ». Même si l’on connaît mieux le rôle central du prêtre au XIXe siècle que pour les époques antérieures, il est intéressant de noter que ces précieuses indications ne sont mentionnées qu’au détour d’un chapitre de l’enquête dont, il est vrai, l’action du curé n’est pas le sujet premier.
5Constatons donc que beaucoup d’éléments de cette nature restent à découvrir, et que cette récolte ne se fera qu’au prix de la consultation systématique des sources publiées à l’échelle régionale d’abord, nationale et, pourquoi pas, internationale. Ceci permet aussi de mettre l’accent sur le fait que peu de chercheurs travaillant sur l’histoire de la paroisse, a fortiori sur l’histoire de l’art religieux, n’ont un jour, au gré de leurs dépouillements, croisé l’ombre plus ou moins accusée d’un prêtre œuvrant au sein d’une fabrique, ou jouant de son ascendant sur elle. Ainsi, même si nous pensons avoir eu accès à une bonne part de la bibliographie, il semble évident que certaines sources nous ont échappé. Il faudra donc revenir plus en détail sur ce corpus immense afin d’en extraire des indications, des mentions éparses, de manière à établir une synthèse plus définitive.
Un clergé rural étudié, mais quel portrait ?
6Les recherches menées sur le clergé sont innombrables : toutes les régions, toutes les époques ont été amplement traitées, dans le cadre de travaux savants, émanant d’universitaires ou d’érudits locaux. Avant eux, les clercs du XIXe siècle s’étaient eux aussi parfois penchés sur l’histoire de leur institution. Néanmoins, il convient de mettre l’accent sur le fait que pendant longtemps, seule une frange du clergé bénéficia des faveurs de la recherche. En 1978, Jean Quéniart soulignait d’ailleurs que « l’histoire, naguère, se préoccupait plus des papes ou des évêques qui avaient joué un rôle éminent dans des domaines souvent étrangers à leur fonction religieuse, que des simples prêtres ou religieux2 ». L’auteur signalait et saluait cependant le fait que les travaux consacrés à la paroisse rurale sous l’Ancien Régime se développaient, et que ces enquêtes relatives aux « simples prêtres », comprendre par là au clergé rural, commençaient à lever le voile sur ces clercs de l’ombre. En écrivant ces lignes, Jean Quéniart faisait à n’en pas douter référence aux travaux novateurs de Dominique Julia qui, dès les années 1960, abordaient la question au sein d’ouvrages ou d’articles marquants, poursuivant cette enquête jusqu’à une date plus récente3. Le mouvement était lancé : le thème du prêtre en sa paroisse devenait central, et bénéficia dès lors des talents de chercheurs tels que Jean-Pierre Gutton4 en 1979. D’autres suivirent, comme Pierre Pierrard5, Louis Pérouas6 ou encore Michel Vernus7 dans les années 1980, produisant tour à tour des études très documentées. Citons également Timothy Tackett8 et Philippe Loupes9 dont les travaux sur le XVIIIe siècle français firent avancer considérablement la recherche.
7Néanmoins, si ces études permettaient alors de saisir de mieux en mieux le profil du curé de campagne de l’époque moderne (comprendre par là du XVIIe siècle à la Révolution française), des lacunes persistaient pour la période médiévale tardive, fait que déplorait encore Pierre Bonnassie10 en 1991, en indiquant que « l’histoire des curés de campagne est assez mal connue et [qu’]il existe peu de travaux universitaires, du moins en France ». Ce dernier précisait qu’« à l’étranger, l’état de la recherche est plus avancé », citant en guise d’exemple les travaux de Robert Swanson11 pour le clergé anglais et terminant par un constat : « en France, il faut se référer aux monographies, très inégales »12 même si « les sources sont surabondantes : actes conciliaires, statuts synodaux, visites pastorales, documents judiciaires, registres fiscaux, actes notariés tels que testaments ou inventaires après décès, écrits provenant des prêtres eux-mêmes… ». Parmi les études régionales, et couvrant justement cette période du Moyen Âge finissant, mentionnons l’ouvrage incontournable que Nicole Lemaître consacra au clergé des paroisses de Rodez en 198813, les recherches de Marie-Hélène Froeschlé-Chopard portant sur la Provence orientale14, ainsi que celles d’Alain Croix sur la Bretagne15. Plus récemment, l’enquête a aussi fait l’objet du congrès de la Société des historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public (SHMES)16, et les chercheurs susmentionnés ont poursuivi leurs travaux (par exemple Nicole Lemaître17 et Marie-Hélène Froeschlé-Chopard18), de nouvelles contributions universitaires de premier ordre venant s’y ajouter. Ces dernières, consacrées à des approches régionales ont apporté une image renouvelée du clergé paroissial, notamment par le truchement de recherches poussées au sein de fonds d’archives. Abordant la Catalogne, Serge Brunet a publié en2001 sa thèse portant sur les prêtres des Pyrénées19, enquête qui doit être considérée comme essentielle pour tout chercheur travaillant sur la religion montagnarde et ses manifestations artistiques. Ces travaux ont été poursuivis par bon nombre de publications20 ainsi que par des mémoires universitaires qu’il a dirigés. Pour le diocèse de Beauvais, nous disposons à présent de connaissances accrues grâce aux travaux d’Anne Bonzon, consacrés aux prêtres des paroisses de 1535 à 165021. Abordant tour à tour le rôle joué par les évêques durant cette période charnière, le fonctionnement des paroisses et la « religion vécue » en ce contexte, l’auteure brosse un portrait très précis des curés et de leur ministère. Mentionnons aussi la thèse d’Anne Zink consacrée aux communautés rurales des Landes et du Sud-Ouest avant la Révolution22. Enfin, tout récemment, la thèse de Bruno Restif est venue compléter ce panorama en apportant sa contribution à l’évocation du clergé paroissial des campagnes de Haute-Bretagne23.
8Au vu de l’ampleur de la bibliographie, de l’aspect très récent et novateur de certains de ces travaux, il est indiscutable que les constatations émises par Jean Quéniart en 1978 et Pierre Bonnassie en 1991, ne peuvent plus être considérées comme réellement d’actualité. Ces recherches se sont tour à tour proposé de dresser une image exacte du prêtre, permettant à l’heure actuelle de disposer d’une vision plus nette, ceci sur une période très large. Cependant, et nous l’avons déjà indiqué précédemment, ces études n’abordent le thème précis qui est aujourd’hui le nôtre que de manière relativement sporadique car là n’est pas l’intention de ces chercheurs qui, d’une manière générale, mettent surtout en avant d’autres aspects de la vie ou de l’action des curés ruraux. Ainsi, peut-on rapidement faire ressortir les points qui, dans ces différentes enquêtes, sont constamment explorés ? En général, et ceci en globalisant les approches du sujet, il est clair que trois thèmes majeurs sont évoqués. Le premier concerne l’aspect économique de la vie curiale : la question des titres cléricaux, des dîmes, de leur perception, et de manière plus générale du niveau de vie du clergé. Les origines du prêtre, sa formation au travers notamment du séminaire, sa bibliothèque, ont également souvent retenu l’attention, sans pour autant déboucher sur une synthèse globale de la question. Enfin, l’intégration du clerc au sein de la société rurale, son rôle de « médiateur », notamment dans le cadre des pratiques dévotionnelles, de notaire, de prêteur, de fabricien, le fait qu’il réside ou pas, et pour finir sa « morale » sont aussi des axes couramment explorés.
9Ces différents angles d’approche pourraient de prime abord sembler éloignés de notre sujet, s’ils ne comportaient cependant certaines réponses à nos préoccupations. En effet, la question de la culture du prêtre, de sa formation, peut parfois permettre de se faire une idée de son aptitude ou non à générer, voire à participer à la commande et à la réalisation des décors religieux. En second lieu, une approche plus intime de sa demeure, de la teneur de son mobilier, ou encore des ouvrages imprimés abrités dans sa bibliothèque, nous livre de précieuses indications quant à ses goûts, ses centres d’intérêt, éléments qui pourront eux aussi jouer leur rôle dans le cadre de son implication au sein des chantiers décoratifs. Enfin, points essentiels, les rapports entretenus avec sa hiérarchie, et surtout avec la fabrique de son village, nous mènent directement au centre de notre enquête.
De l’école à la paroisse : formation et culture cléricale
10La question de la formation et de la culture du prêtre est, nous l’avons indiqué, centrale dans les études menées sur la paroisse rurale de l’époque moderne. Tous les chercheurs s’accordent à dire que la création des séminaires a joué un grand rôle dans l’acquisition d’un certain savoir, d’une culture plus développée. Une stricte différenciation entre l’avant et l’après Concile de Trente ne peut cependant être considérée comme viable. Les disparités géographiques notamment, obligent à considérer la question avec plus de prudence. Quel portrait pouvons-nous tout d’abord dresser du prêtre d’avant le concile ? L’image du curé inculte et rustre d’avant Trente a été très nuancée ces dernières années, beaucoup de chercheurs reconnaissant que la disparité, voire la rareté des sources disponibles, ainsi qu’une vision biaisée, étaient en grande partie à l’origine de ce portrait peu flatteur. C’est notamment le cas de Nicole Lemaître24 qui a intitulé l’un des chapitres de son Histoire des curés « Restaurer l’image des curés du XVe siècle ». Constatons néanmoins qu’il est probable que ces prêtres d’avant le concile de Trente ne disposaient certainement pas d’une culture comparable à celle du clergé post-tridentin. La transmission du savoir étant assurée par les titulaires des paroisses, l’instruction était surtout axée autour de connaissances telles que la lecture, de l’écriture et les pratiques liées à la liturgie, fait reconnu par Jean-Pierre Gutton25 et Vincent Tabbagh26. Ce dernier introduit cependant une nuance intéressante en mettant l’accent sur le fait que même, « s’ils ne possèdent pas un véritable savoir scolaire, ils ont mémorisé un grand nombre de textes, et cette imprégnation par les formules issues de l’écriture sainte constitue le plus sûr rempart de l’orthodoxie ». Même réflexion pour Gilbert Loubès qui dit que cet enseignement donnait accès à la lecture et qu’ils apprenaient à compter, à écrire, « mais aussi sans doute bien d’autres rudiments et une véritable culture religieuse27».
11Quand, en 1547, le concile de Trente se saisit du dossier, le projet de la formation des séminaires est mis en branle. Les chercheurs précédemment mentionnés se sont tous penchés sur cette question cruciale, évoquant tour à tour la teneur de l’enseignement au sein de ces structures, ainsi que les disparités régionales quant à la mise en pratique des préceptes émanant du concile. Ressort le fait que les séminaristes bénéficient surtout d’une formation à portée morale essentiellement tournée vers les aspects spirituels du ministère, ce qui donne à penser que le curé paroissial de l’Ancien Régime n’y trouve pas le limon susceptible d’aiguiser ses connaissances ou ses goûts artistiques. Tous sont cependant d’accord pour affirmer que leur formation peut être complétée, et leur sensibilité aiguisée, pour ceux qui le souhaitent, à l’issue du séminaire. Cette constatation amène une diversité de cas qu’il ne faut pas omettre : si l’intendant Foucault rapporte en 1685, de façon peut-être trop caricaturale, que « tous les curés du Béarn sont ignorants et de mauvaises mœurs28 », nous trouvons quasiment à la même date un prêtre qui, à Rumegies (département du Nord), dispose d’une culture surprenante dans des domaines aussi variés que la politique, la fiscalité, les arts militaires ou la théologie29. Ces différentes sources permettent donc de penser qu’il faut avant tout considérer la situation au cas par cas, et ceci du XVIe au XIXe siècle.
Le prêtre en sa demeure : presbytères et bibliothèques
12Au-delà de l’enquête sur la formation du clergé paroissial, la question de son rôle au sein de la commande artistique peut se nourrir des apports bibliographiques relatifs à son cadre de vie. En général, les chercheurs ont abordé ce thème sous deux angles : celui du presbytère, et celui de la bibliothèque qui permet de mieux cerner la culture réelle, post-séminaire, du curé de campagne. Même si la demeure du prêtre en milieu rural apparaît dans bon nombre d’études, elle mériterait encore une recherche plus systématique. Une meilleure connaissance du sujet ressortirait en effet d’une enquête consacrée aux inventaires après décès. En tant que lieu de vie, l’aspect du presbytère peut nous renseigner sur les goûts du curé, sur ses centres d’intérêt, notamment parce que cet espace a priori privé lui permet de laisser libre cours à sa sensibilité esthétique. Malheureusement, peu de renseignements concernent le XVIe siècle, ceci étant sans doute en grande partie dû au fait qu’avant 1695, les communautés villageoises n’avaient pas l’obligation expresse de loger leur desservant30. À l’issue de cette date, nous disposons de plus d’éléments, même si l’on doit s’interdire de considérer qu’il existe un modèle de presbytère-type. Bruno Restif31, évoquant la Haute-Bretagne du XVIIe siècle, note que certains recteurs possèdent des tableaux. A l’autre bout de l’Europe, Avelina Benitez Barea32, citant Martin Morales33, précise pour sa part qu’entre 1600 et 1670, les représentants du clergé de Medina Sidonia (Andalousie) consomment peu d’objets artistiques. C’est surtout le XVIIIe siècle qui nous permet de mieux imaginer le prêtre dans son décor quotidien. Dans ce cadre, les monographies, les récits de vies de curés, peuvent s’avérer fort utiles. Par exemple, Jean-Paul Russeil, dans l’ouvrage qu’il consacre à André-Hubert Fournet, prêtre de Saint-Pierre de Maillé en Poitou à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle (1752- 1834)34, indique que le desservant, bénéficiant des conseils de son frère commerçant, a fait meubler son presbytère avec élégance, fournissant la liste précise de son mobilier (argenterie, fauteuils, « meubles d’éclat »…). Pour Michel Vernus35, le XVIIIe siècle est réellement l’époque durant laquelle « le presbytère se distingue des chaumières villageoises ». Il mentionne aussi « quelques collectionneurs passionnés, amateurs de cartes géographiques, d’instruments de musique, d’armes ». L’auteur clôture son évocation en indiquant que « la valeur la plus courante des effets et meubles laissés par les curés de campagne se situe entre2000 et3000 livres, alors qu’en Franche-Comté par exemple, 10 % des inventaires de paysans n’atteignent pas 1000 livres ». Pour la seconde partie du XIXe siècle, Pierre Pierrard dresse un portrait quasiment similaire36, en indiquant que le mobilier du prêtre est désormais devenu « celui d’un petit fonctionnaire ou d’un petit rentier ».
13Concernant la bibliothèque, un constat s’impose d’emblée : l’étude de celle du curé rural a pour l’instant été supplantée par celle des fonds possédés par le clergé régulier. Citons les actes du colloque tenu à Marseille en 1997 et publiés par Bernard Dompnier et Marie-Hélène Froeschlé-Chopard37. Ici aussi, les deux chercheurs mettent l’accent sur l’importance de l’analyse des inventaires après décès pour une meilleure appréhension des ouvrages consultés par le clergé paroissial. Au-delà de ces réflexions, les rares auteurs à s’être penchés sur le sujet mentionnent le fait que les bibliothèques paroissiales s’enrichissent au fil du temps. Pour la Gascogne de la fin du Moyen Âge, Gilbert Loubès38 met en exergue le peu de livres possédés, ainsi que leur spécialisation : il constate que les bibliothèques de prêtres connues « ne comprennent guère que des œuvres religieuses ». Au sein d’un inventaire finalement très répétitif, l’auteur mentionne le cas exceptionnel d’un clerc de Vic-Fezensac (département du Gers) qui lègue en 1420 à un autre religieux tous les livres de grammaire qu’il possède. A partir du premier tiers du XVIIe siècle, l’on sait que les instances épiscopales insistent sur le fait que tout curé se doit de posséder un lot d’ouvrages39. Dans les faits, la liste varie beaucoup dans le temps et l’espace, ce qu’ont souligné Dominique Julia et Denis Mc Kee pour le diocèse de Reims40. Ils introduisent aussi une différentiation générationnelle qu’a également soulignée Jean Quéniart41. Ce dernier rappelle en effet que les prêtres de 1700 sont le plus souvent entrés dans la carrière quarante ou cinquante ans plus tôt, à une époque où les séminaires n’existaient pas. Moins habituée au travail intellectuel que la génération suivante, la vague qui accède au ministère dans les années 1650 est de fait moins encline à l’achat et à la consultation des ouvrages, qu’ils soient conseillés par l’évêque ou pas. Le véritable « décollage », pour reprendre l’expression de Jean Quéniart, se fait au début du XVIIIe siècle, du moins dans les villes, comme le montre l’enquête menée sur les bibliothèques de prêtres urbains de Normandie, du Maine, d’Anjou et de Bretagne. Dans ces provinces, c’est au cours du premier tiers du XVIIIe siècle, et pas avant, que les pasteurs disposent d’un fonds de livres relativement conséquent. L’on peut ainsi avancer que pour les années 1755-1760, 60 % des curés possèdent des bibliothèques de plus de cent volumes, et que trente ans plus tard, leur nombre est passé à 75 %. Jean Quéniart souligne donc que « ce qui, trois générations plus tôt restait l’exception, est devenu la norme », indiquant par là même que la « culture ecclésiastique rattrape au XVIIIe siècle celle des laïcs les mieux pourvus », au moins dans les villes. Michel Vernus parvient sensiblement à la même conclusion pour la Champagne où, dès le premier quart du XVIIIe siècle, les rayons des bibliothèques s’enrichissent42. L’analyse bibliographique a enfin montré que la plus grande partie des chercheurs s’accorde sur un fait : les bibliothèques prolongent très directement la formation reçue dans les séminaires, où la pastorale est privilégiée au dogme. De plus, la littérature profane reste sous-représentée au sein de ces bibliothèques. Michel Vernus en donne la raison : le livre est pour le curé un outil « professionnel », ainsi, sauf exception, la curiosité s’évade rarement de cet horizon. Jean Quéniart indique qu’« entre les deux voies possibles d’un progrès culturel, approfondissement d’un savoir spécialisé ou diversification, c’est la première qui est, dès le premier tiers du XVIIIe siècle, est très nettement choisie, y compris chez ceux qui ont les moyens matériels et intellectuels d’une autre orientation »43. De rares exceptions ressortent néanmoins, et l’on peut parfois trouver mention d’une géographie, d’un traité de physique, d’un ouvrage de Voltaire, d’une cuisinière bourgeoise ou encore d’un Don Quichotte44. Ceci illustre le fait que les curés ruraux peuvent parfois s’ouvrir à d’autres centres d’intérêts : Jean Pierre Gutton cite dès le milieu du XVIIIe siècle des prêtres languedociens férus d’histoire locale45, Michelle Vovelle mentionne des curés du Dauphiné ou de Haute-Provence qui, au moment de la Révolution française, sont non seulement érudits, mais aussi ouverts aux courants nouveaux de la connaissance. Ceci lui parait prouver que « certains ont une capacité de réflexion et une liberté de pensée », ce qui peut être illustré par le cas extrême du curé Meslier46. Ces quelques exemples, s’ils sont encore isolés dans les campagnes de la fin du XVIIIe siècle, se multiplient au siècle suivant : les prêtres se muent parfois en « bibliomanes ou bibliophiles47 », se livrant désormais plus amplement au travail intellectuel : certains sont des épigraphistes passionnés, des archéologues convaincus, et surtout des historiens qui investissent les sociétés savantes locales48.
14Reste à présent à tenter de discerner comment les sources bibliographiques permettent de mieux cerner le rôle du séculier rural au sein de la mise en place du décor de sa paroisse.
Le prêtre et ses interlocuteurs : l’évêque et la fabrique
15Personnage central du village médiéval ou d’Ancien Régime, le prêtre en est, nous l’avons dit, l’un des principaux pivots. Force est de constater qu’il n’est cependant pas le seul acteur important dans le processus de la commande artistique. En amont figure l’évêque qui peut, selon les époques ou les endroits, influer plus ou moins directement et avec plus ou moins de force sur les choix de décors. Les fabriciens jouent eux aussi leur rôle. Les rapports entretenus entre l’instance épiscopale et le clergé rural représentent le point central de la plupart des enquêtes menées sur le milieu campagnard. Peu de chercheurs en effet se sont penchés sur la question, a fortiori dès que ces derniers ont traité de l’impact du concile de Trente sur les paroisses. Marie-Hélène Froeschlé-Chopard met bien l’accent sur le fait que les prélats réformateurs du XVIIe siècle sont très sensibles au décor des lieux de culte, indiquant qu’ils s’attachent à « supprimer les images "indécentes", c’est-à-dire celles qui ne correspondent pas à ce qui convient : non seulement les images vieillies ou abîmées, ou d’un art naïf ou trop ancien ou passé de mode, mais aussi les images d’animaux, les images trop dénudées etc.49... ». Dominique Julia qualifie ce mouvement de « répression iconographique50 », auquel s’ajoute le souci de développer de nouvelles dévotions51. Le phénomène a aussi été étudié avec précision par Serge Brunet52 qui évoque un prêtre « relais », également mentionné par Jean-Pierre Gutton qui le qualifie d’« interlocuteur privilégié du pouvoir53 ». Au-delà des visites pastorales, les synodes épiscopaux et les vicaires généraux permettent de maintenir le curé dans ce contexte de lien direct avec l’épiscopat. Parfois même de manière péremptoire, comme le montre Michel Vernus quand il rapporte que le curé de Plainoiseau (Jura) reçoit de 1755 à 1768, au moins six lettres du vicaire général qui lui demande de faire diligence pour que certains travaux soient effectivement réalisés, et de toute urgence, dans son église. Le 6 juin 1755 il lui écrit : « Je vous prie d’annoncer à vos paroissiens que je leur ordonne ces réparations54… ». Le prêtre est dès lors conforté dans l’idée qu’il est à la fois surveillé, guidé et exalté, selon les termes de Jean Quéniart55. Ces multiples études nous invitent donc à envisager, du moins pour les XVIIe et XVIIIe siècles, l’image d’un prêtre « sous influence », auquel on dicte des choix iconographiques conformes aux préceptes tridentins. Ce portrait peut néanmoins être nuancé, et de nombreux chercheurs l’ont mentionné, par le rythme parfois moins soutenu des visites pastorales dans certaines régions ou durant certaines décennies : là aussi, le corpus bibliographique amène à considérer la question de l’influence des évêques sur les choix artistiques au sein des églises avec prudence.
16Les rapports prêtre-fabrique représentent l’un des sujets les plus traités au sein des travaux considérés. Nous ne reviendrons pas en détail sur la multiplicité des études régionales qui, par le biais d’articles ponctuels ou de travaux universitaires ont porté à la connaissance des chercheurs les liens plus ou moins étroits que curés et fabriques entretenaient. Citons néanmoins les études récentes menées par Anne Bonzon, Serge Brunet, Nicole Lemaître, Bruno Restif ou encore Antoine Follain56. Tous ont exploité registres de fabriques, baux à besognes, minutes notariales, parvenant aux observations suivantes : de lieu en lieu, le prêtre joue son rôle dans la réalisation des décors ou des objets religieux. Ses rapports avec les marguilliers peuvent osciller entre bonne entente et luttes farouches dont les scénarii sont bien connus : Louis Pérouas mentionne un prêtre du Limousin qui, en 1741, entreprend de reconstruire l’église paroissiale de La Courtine et s’attire les foudres d’une bonne partie de ses ouailles qui estimaient qu’« il régentait et décidait tout par lui-même57 ». Michel Vernus rapporte que quarante ans plus tard le curé de Saint-Laurent-du-Périgord change les sonneries des cloches, et se voit interdire l’accès de l’église58. Une approche plus globale montre bien que ces rapports houleux ne sont pas la norme : hormis dans le contexte plus tardif des querelles politiques post-révolutionnaires, le prêtre intervient de différentes manières au sein de la structure paroissiale. Il peut parfois même « être » la fabrique comme par exemple dans le diocèse de Poitiers ou en Dauphiné au XVIIIe siècle : Jean-Pierre Gutton indique que les revenus des paroisses étant trop faibles, seulement 20 % d’entre-elles semblent avoir une fabrique, le curé du lieu jouant à lui seul le rôle de fabricien59. C’est aussi lui qui peut nommer ces derniers, notamment à l’issue d’une visite épiscopale, ces différents protagonistes se partageant par la suite les trois clefs du coffre contenant argent et titres de propriétés. Comme indiqué par Nicole Lemaître, « l’église était de toute évidence la chose du curé […] mais aussi la chose des paroissiens par la contribution concrète de ceux-ci à son entretien et à son ornementation […]. Devant un tel état de fait, on ne sera pas étonné de constater que les visiteurs pastoraux, lors de leurs enquêtes, s’adressent aussi bien aux fabriciens (et par leur intermédiaire, à la communauté des paroissiens) qu’au curé60 ».
17Il y a aussi division théorique de l’espace religieux : l’édit d’avril 1695 précise les charges de chacun, le décimateur ayant devoir d’entretenir le chœur, les paroissiens la nef, la sacristie étant aux frais de l’un ou l’autre selon leur emplacement61. Dans la pratique, les choses sont plus floues et peuvent parfois nécessiter dans les cas extrêmes une expertise de l’évêque afin de déterminer exactement où se trouve le clocher. Anne Bonzon cite l’exemple de l’église de Troissereux (Oise) dans laquelle l’emplacement du clocher est ambiguë, car à cheval entre nef et choeur62. Dans ce contexte, le prêtre peut agir de multiples façons. Il peut tout d’abord être le déclencheur de la commande. En effet, la Méthode pour la direction des âmes le dit clairement : « vous attirerez plus facilement vos peuples à l’église si elle est propre et bien ornée63 ». Nous voyons donc souvent des prêtres se placer à l’origine des travaux entrepris ou de l’achat des objets. Ils agissent ainsi en tant que déclencheurs, répondant souvent à partir du Concile de Trente aux souhaits des évêques. Bruno Restif cite de nombreux cas hauts-bretons dans lesquels c’est le desservant qui incite les paroissiens à certaines dépenses, notamment à partir de 1640 : ainsi, en 1655, les trésoriers de Saint-Jouan-de-l’Isle achètent des ornements « par l’ordre et commendement (sic) de monsieur le recteur » ; en 1674-1675, ceux de Saint-Aubin-des-Landes font l’acquisition de deux dalmatiques « suyvant l’ordre de monsieur le recteur64 ». On sait aussi que certains prêtres acquièrent eux-mêmes des ornements avant de chercher à se faire rembourser par les trésoriers, ceci pour la Haute-Bretagne ou les Pyrénées, comme l’a prouvé Serge Brunet pour l’église de Sarrancolin65. Parfois, le desservant se heurte à des résistances, faute de budget disponible : c’est notamment le cas du curé de Lombard qui explique en 1779 dans une lettre qu’il adresse à un maître-sculpteur de Lons-le-Saunier à qui il veut faire faire un buffet pour la sacristie, que les paroissiens ont trouvé le projet trop ambitieux, l’année ayant été mauvaise. Stoppé dans son élan, il écrit « vous savez dedans les communautés on ne fait pas ce que l’on veut, j’ay appréhendé de brusquer mes paroissiens et par là de mettre un obstacle aux réparations que j’ay dessein de faire à mon église66 ».
18Une fois les dépenses consenties, le curé intervient dans le projet : en Haute-Bretagne, on le voit notamment accompagner les fabriciens chez les artisans afin de mieux en définir les contours. Bruno Restif a démontré la part active du curé, ceci grâce à de nombreuses sources67. Il introduit aussi des nuances temporelles : selon lui, dans l’achat des objets au XVIe siècle, interviennent toujours les trésoriers, les paroissiens, ou une partie d’entre eux, le clergé local et la hiérarchie ecclésiastique. A partir du XVIIe siècle, désormais considéré comme un intermédiaire culturel, homme de savoir coupé des laïcs, le prêtre cherche à accroître son ascendance sur la fabrique. Nicole Lemaître constate la même chose quand elle emploie l’expression très parlante de « temps de la reprise en main » pour le XVIIe siècle68. Le siècle suivant s’inscrit dans cette lignée et Jean-Pierre Gutton le montre pour le Lyonnais, quand il cite l’exemple de la réfection de l’église de Dième, à partir de 1768 : les habitants veulent qu’on laisse le clocher sur la porte de l’église et qu’on ne bâtisse que sur les anciennes fondations. Le vicaire veut faire deux chapelles, agrandir le chœur et placer le clocher au-dessus. C’est finalement lui qui l’emporte après « bien des contestes ». Il réalise les plans, et « depuis ce jour jusqu’à la consommation de l’ouvrage monsieur le vicaire n’eut qu’à demander des ouvriers ou pour creuser les fondations, ou pour tirer la pierre et charrier les matériaux… toute la paroisse fut à sa dévotion et à ses ordres, excepté deux ou trois maisons qu’on ne nomme pas par charité… monsieur le vicaire ne cessait de veiller, de présider à tout…69 ». Parfois même, le prêtre se fait représenter sur l’église elle-même, comme à Saint-Gonlay, en Haute-Bretagne, où il figure sur l’une des parois sous les traits d’un notable du XVIIIe siècle70 ! Il existe des exemples antérieurs, mentionnés par Bruno Restif qui cite Jean Bricier, le prêtre de Notre-Dame de Vitré qui, à la fin des années 1530, participe à l’achèvement de la façade sud de l’église et qui y fait inscrire au moins deux fois ses initiales. En 1544, le même religieux offre à l’église un petit triptyque comprenant trente-deux émaux, où il se fait représenter deux fois, sur le retable fermé et sur le retable ouvert, accompagné de ses initiales71.
19Terminons cette approche par quelques mentions relatives à l’élaboration des retables, sujet qui a passionné de nombreux chercheurs, ceci sur une aire géographique suffisamment large pour établir des comparaisons. Jacques Salbert, dans son étude sur les ateliers de retabliers lavallois constate qu’au XVIIe siècle, les retables des paroisses rurales sont avant tout affaire du clergé séculier, de la bourgeoisie et de la noblesse72 . De son côté, Michèle Ménard remarque que dans le Maine le rôle essentiel est joué par les habitants73. En Bretagne, Alain Croix74, qui prend en compte tous les objets, note que les marchés sont passés par les trésoriers des fabriques, après discussion au sein du corps politique et présentation du projet à l’ensemble des paroissiens. Il relativise l’intervention des seigneurs et du clergé. Ces mises en parallèle permettent de mettre l’accent sur la multiplicité des cas de figure, et empêchent donc de considérer le sujet du rôle du prêtre dans la commande de manière trop définitive. Ces divergences peuvent aussi être dues, comme l’a souligné Bruno Restif, aux disparités locales et régionales quant à la conservation des fonds : il constate que la commande des retables en Haute-Bretagne est plutôt paroissiale, que celle des toiles peintes revient surtout à l’aristocratie, et que l’emprise des clercs se reporte essentiellement sur la statuaire75. La complexité du phénomène de la commande, au-delà du fait qu’elle renvoie à une multiplicité d’acteurs, repose aussi sur une diversité d’intentions : en tant que relais des préceptes prônés par la hiérarchie ecclésiastique, la conception du projet n’est que rarement la même dans l’esprit du curé et dans celui de ses paroissiens. Bruno Restif le précise bien, raison pour laquelle nous le citons mot à mot76 :
Les paroissiens et le recteur s’entendent sur le fait que le retable doit être « convenable », ce qui pour le second renvoie à la décence définie par le Concile de Trente, tandis que pour les premiers, il s’agit par ce terme d’apprécier la quantité et la qualité de l’ornementation. Cette diversité des intentions s’accompagne d’une diversité des usages, et en la matière les évolutions entraînent des conflits.
20Ce bilan bibliographique, bien que partiel, permet de prendre la réelle mesure du sujet, sans pour autant aborder la question de manière exhaustive. Nous n’avons par exemple que peu évoqué ces prêtres constructeurs qui du Moyen Âge au XXe siècle ont eux aussi œuvré au sein des paroisses77. Les difficultés d’appréhension globale de l’activité de commande ne permettent que la mise en avant des auteurs les plus souvent mentionnés et repris.
Notes de bas de page
1 N. Andrieu, « L’église de Montesquieu-Volvestre au XIXe siècle : le rôle de la fabrique », Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. LXII, 2002, p. 189-203.
2 J. Quéniart, Les hommes, l’Église et Dieu dans la France du XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1978, p. 9. L’un des ouvrages de référence à ce propos reste F. Joubert (dir.), L’artiste et le clerc – La commande artistique des grands ecclésiastiques à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVIe siècle), Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.
3 D. Julia, « La réforme post-tridentine en France d’après les PV de visites pastorales – Ordre et résistances », La società religiosa nell’ està moderna, Naples, Guida Editori Napoli, p. 311-433 ; « L’éducation des ecclésiastiques en France aux XVIIe et XVIIIe siècles », Problèmes d’histoire et d’éducation, Actes des séminaires organisés par l’Ecole Française de Rome et l’Université di Roma La Sapienza, 1985, Rome, p. 141-205 ; « Le prêtre au XVIIIe siècle », Recherches de sciences religieuses, 1970, n° 4, p. 521-534 ; « Le clergé paroissial dans le diocèse de Reims à la fin du XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. XIV, 1966, p. 195-216 ; « Le prêtre français à l’époque moderne », Concilium, n° 47, 1969, p. 123-131.
4 J.-P. Gutton, La sociabilité villageoise dans la France de l’Ancien Régime, Paris, Hachette Littératures, 1979.
5 P. Pierrard, Histoire des curés de campagne de 1789 à nos jours, Paris, Plon, 1986 ; Le prêtre français du concile de Trente à nos jours, Paris, Desclée, Bibliothèque d’histoire du Christianisme, n° 8, 1986.
6 L. Pérouas, Les Limousins – Leurs saints, leurs prêtres, du XVe au XXe siècle, Paris, Cerf, 1988.
7 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, Rioz, Togirix, 1986 ; Le clergé paroissial du doyenné de Lons-Le-Saunier – 1662-1790, Nancy, 1975.
8 T. Tackett, « L’histoire sociale du clergé diocésain dans la France du XVIIIe siècle », Revue d’histoire moderne et contemporaine, t. XXVII, 1979, p. 198-234 ; Priest and parish in 18th century France – A social and political study of the cures in a diocese of Dauphiné – 1750-1791, Princeton, 1977.
9 Ph. Loupes, La vie religieuse en France au XVIIIe siècle, Paris, SEDES, 1993.
10 Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, Actes des XIIIe journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 6-8 septembre 1991, PUM, 1995, p. 9.
11 R. Swanson, Church and society in later medieval England, Oxford, 1989.
12 L’auteur saluait cependant l’excellence de celle de J. Lartigaut, « Un curé de campagne au XVe siècle : Roger d’Orgueil, recteur de Toufailles », XLIIe congrès de la Fédération des Sociétés Savantes Languedoc – Pyrénées – Gascogne, 1987, Cahors, 1988.
13 N. Lemaître, Le Rouergue flamboyant – Le clergé et les fidèles du diocèse de Rodez – 1417-1563, Paris, Cerf, 1988
14 M.-H. Froeschlé-Chopard, La religion populaire en Provence orientale au XVIIIe siècle, Paris, 1980 ; Espace et Sacré en Provence (XVIe-XXe siècle) – Cultes, images et confréries, Paris, Cerf, 1994.
15 A. Croix, L’Âge d’or de la Bretagne – 1532-1675, Rennes, Ouest-France, 1993 ; La Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles – La vie, la mort, la foi, Paris, Maloine, 1981.
16 Le clergé séculier au Moyen Âge, Publications de la Sorbonne, Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public, XIIe congrès de la SHMES, Amiens, Juin 1991, Paris 1993.
17 N. Lemaître (dir), Histoire des curés, Fayard, 2002.
18 M.-H. Froeschlé-Chopard, Dieu pour tous et Dieu pour soi – Histoire des confréries et de leurs images à l’époque moderne, Paris, L’Harmattan, 2006.
19 S. Brunet, Les prêtres des montagnes – La vie, la mort, la foi dans les Pyrénées centrales sous l’Ancien Régime (Val d’Aran et diocèse de Comminges), Aspet, Pyrégraph, 2001.
20 S. Brunet, « De l’Espagnol dans le ventre ! »- Les catholiques du sud-ouest de la France face à la Réforme (vers 1540-1589), Paris, Champion, 2007 ; « L’image interdite – Réforme catholique et réaménagement des églises dans les Pyrénées centrales au XVIIe siècle », Les prêtres des campagnes de la France du XVIIe siècle : la grande mutation, n° spécial de la revue Dix-septième siècle, t. LIX, 2007, n° 234, Campagne et paysans, p. 49-82 ; « L’image interdite – Réforme catholique et réaménagement des églises dans les Pyrénées centrales au XVIIe siècle », dans S. Duhem (dir.) L’art au village – La production artistique des paroisses rurales (XVIe – XVIIIe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 77-111.
21 A. Bonzon, L’esprit de clocher – Prêtres et paroisses dans le diocèse de Beauvais – 1535-1650, Paris, Cerf, 1999.
22 A. Zink, Clochers et troupeaux – Les communautés rurales des Landes et du Sud-Ouest avant la Révolution, Bordeaux, 1997.
23 B. Restif, La Révolution des paroisses – Culture paroissiale et Réforme catholique en Haute-Bretagne aux XVIe et XVIIe siècles, PUR, 2006.
24 N. Lemaître (dir.), Histoire des curés, p. 146.
25 J.-P. Gutton, ouvr. cit., p. 196.
26 V. Tabbagh, « Croyances et comportements du clergé paroissial en France du nord à la fin du Moyen Âge », B. Garnot (dir.), Le clergé délinquant (XIIIe-XVIIIe siècle), Publications de l’Université de Bourgogne, LXXX, Série du Centre d’Etudes Historiques – 4, 1995, p. 11-64.
27 G. Loubes, « Le clergé rural gascon à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVIe siècle) », Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, p. 41-60.
28 J.-F. Soulet, Traditions et réformes religieuses dans les Pyrénées centrales au XVIIe siècle, Pau, Marrimpouey, 1974.
29 P. Pierrard, Le prêtre français, p. 49.
30 J.-P. Gutton, ouvr. cit., p. 97.
31 B. Restif, ouvr. cit., p. 145.
32 A. Benitez Barea, El bajo clero rural en el Antiguo Régimen (Medina Sidonia, siglo XVIII), Servicio de Publicaciones, Universidad de Cadiz, 2001, p. 77.
33 F. Martin Morales, « Aproximacion al mercado de cuadros en la Sevilla barroca (1600-1670) », Archivo Hispalense,210, 1986, p. 154-156.
34 J.-P. Russeil, André-Hubert Fournet, un prêtre poitevin au tournant des XVIIIe et XIXe siècles, Poitiers, Association Gilbert de la Porrée, 2006, p. 22.
35 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 54.
36 P. Pierrard, Histoire des curés, p. 180.
37 B. Dompnier, M.-H. Froeschlé-Chopard, Les religieux et leurs livres à l’époque moderne, Actes du colloque de Marseille, EHESS,2-3 avril 1997, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2000.
38 G. Loubes, « Le clergé rural gascon à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVIe siècles) », dans Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, p. 45.
39 J.-P. Gutton, ouvr. cit., p. 196.
40 D. Julia, D. Mc Kee, « Le clergé paroissial dans le diocèse de Reims sous l’épiscopat de Charle Maurice Le Tellier-Origine, carrières, mentalités », dans Le curé Meslier et la vie intellectuelle, religieuse et sociale (fin XVIIe - début XVIIIe siècle), Colloque international de reims, Reims, Bibliothèque de l’université, 1980, p. 19-33.
41 J. Quéniart, ouvr. cit., p. 71-73.
42 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 100.
43 J. Quéniart, ouvr. cit., p. 76.
44 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 101.
45 J.-P. Gutton, ouvr. cit., p. 201.
46 M. Vovelle, « Le clergé rural dans la Révolution française », dans Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, p. 132.
47 P. Pierrard, Histoire des curés, p. 183 ; M. Launay, Le bon prêtre, le clergé rural au XIXe siècle, Paris, Ed. Aubier, 1986, p. 191
48
C. Barrera, Les sociétés savantes de Toulouse au XIXe siècle – 1797-1865, Paris, éditions du CTHS, 2003, p. 163 ; D. Roche, Le Siècle des Lumières en province - Académies et académiciens provinciaux - 1680-1789, Paris, Mouton, 1978 ; J.-P. Chaline, Sociabilité et érudition, les sociétés savantes en France
- XIXe et XXe siècle, Paris, CTHS 1995.
49 M.-H. Froeschlé-Chopard, Espace et Sacré, p. 403.
50 D. Julia, « La réforme post-tridentine », p. 311-433
51 Consulter notamment P. Subirade, La Franche-Comté du temps des Archiducs à la Révolution française : aspect religieux et artistiques (XVIIe-XVIIIe siècle), mémoire de doctorat, Université Panthéon-Sorbonne, Paris, 2005.
52 S. Brunet, Les prêtres des montagnes.
53 J.-P. Gutton, La sociabilité villageoise, p. 19.
54 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 145
55 J. Quéniart, ouvr. cit., p. 49.
56 A. Follain, Le village sous l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2008.
57 L. Pérouas, Les Limousins, p. 100.
58 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 88.
59 J.-P. Gutton, La sociabilité villageoise, p. 206.
60 N. Lemaître (dir), Histoire des curés, p. 134.
61 J.-P. Gutton, La sociabilité villageoise, p. 96.
62 A. Bonzon, ouvr. cit, p. 266-267, fig. 5.
63 Citée par M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 90.
64 B. Restif, ouvr. cit., p. 205.
65 S. Brunet, « L’image interdite – Réforme catholique et réaménagement des églises dans les Pyrénées centrales au XVIIe siècle », L’art au village, p. 82.
66 M. Vernus, Le presbytère et la chaumière, p. 158.
67 B. Restif, ouvr. cit.
68 N. Lemaître (dir), Histoire des curés, p. 186.
69 J.-P. Gutton, Villages du lyonnais, 1978, p. 151.
70 B. Restif, ouvr. cit., p. 146.
71 B. Restif, ouvr. cit., p. 108.
72 J. Salbert, Les ateliers de retabliers lavallois aux XVIIe et XVIIIe siècles – Etude historique et artistique, Paris, Klincksieck, 1976, p. 43.
73 M. Ménard, Une histoire des mentalités religieuses aux XVIIe et XVIIIe siècles – Mille retables de l’ancien diocèse du Mans, Paris, Beauchesne, 1980.
74 A. Croix, L’Âge d’or de la Bretagne, p. 460.
75 B. Restif, ouvr. cit., p. 273.
76 B. Restif, ouvr. cit., p. 265.
77 Voir notamment P. Bonnassie, J.-P. Illy, « Le clergé paroissial aux IXe-Xe siècles dans les Pyrénées orientales et centrales », dans Le clergé rural dans l’Europe médiévale et moderne, p. 153-166 : les auteurs citent le cas de prêtres constructeurs d’églises au IXe siècle. N. Lemaître Histoire des curés, cite de nombreux exemples pour le XIXe siècle.
Auteur
Docteur en Histoire de l’Art, Université de Toulouse II
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